DISCOURS
M. EGGLETON - ALLOCUTION ÀLA DEUXIÈME RÉUNION DES MINISTRES DU COMMERCE DE L'HÉMISPHÈRE OCCIDENTAL - CARTAGENA, COLOMBIE
96/8 TELLE QUE PRONONCÉE
INTERVENTION
DE
L' HONORABLE ART EGGLETON,
MINISTRE DU COMMERCE INTERNATIONAL,
À
LA DEUXIÈME RÉUNION DES MINISTRES DU COMMERCE
DE L'HÉMISPHÈRE OCCIDENTAL
CARTAGENA, Colombie
Le 21 mars 1996
En tant que ministres du commerce, nous avons été chargés par nos dirigeants, lors
du Sommet de Miami, de superviser la négociation d'une Zone de libre-échange des
Amériques [ZLEA] d'ici 2005 au plus tard et de réaliser des progrès concrets en ce
sens d'ici l'an 2000.
En notre qualité de ministres de gouvernements élus démocratiquement, nous devons
continuer de nous rencontrer régulièrement afin de donner un nouvel élan politique
à ce projet dont l'ambition s'étend à l'échelle de l'hémisphère. Afin, aussi, que
nous puissions nous communiquer réciproquement les points de vue de nos
concitoyens respectifs sur la ZLEA, non seulement ceux des milieux d'affaires,
mais aussi ceux des travailleurs et des consommateurs.
À titre de ministres du commerce, nous devons aussi élaborer un modèle qui
corresponde à la vision de nos dirigeants. Nous donnerons de cette façon
l'encadrement et l'impulsion nécessaires à ceux qui sont chargés de préparer et
négocier la ZLEA.
Il importe de souligner que les leaders n'ont pas défini en termes précis de quoi
aurait l'air la ZLEA. C'est à nous qu'ils ont laissé ce soin, et c'est donc à nous
qu'il revient de donner une forme concrète à la décision prise à Miami.
Lors de notre première rencontre, à Denver, nous avons à cette fin établi sept
groupes de travail techniques, auxquels nous avons confié des mandats assez
précis. Chacun d'eux s'est vu assigner un programme de travail analytique au terme
duquel il devra faire des recommandations sur la façon de mener les négociations
dans son secteur. Aujourd'hui, nous allons approuver la formation de quatre autres
groupes de travail chargés d'une mission analogue.
Les sept groupes de travail ont réalisé des progrès considérables depuis neuf
mois. Ils ont réussi à amasser une grande quantité de données sur les échanges
intra-hémisphériques et sur la structure des politiques de chaque pays. Ils
passeront la prochaine année à analyser ces données et à préparer les
recommandations qui nous seront soumises à notre prochaine rencontre, au milieu de
1997. C'est avec grand intérêt que je me pencherai sur ces recommandations. En ce
qui concerne les quatre nouveaux groupes de travail, nous devrons les encourager à
être tout aussi ambitieux.
Notre prochaine réunion, en 1997, revêt une importance cruciale, car elle arrive à
mi-chemin entre le Sommet de Miami et la fin du siècle, alors qu'il nous faudra
avoir réalisé, selon les voeux de nos dirigeants, des « progrès concrets » vers
l'instauration de la ZLEA.
Le défi que nous devons relever aujourd'hui consiste à tirer le meilleur parti
possible du temps qu'il nous reste d'ici la fin de 1996 et le début de 1997 pour
pouvoir, lors de la prochaine réunion, prendre des décisions concrètes au sujet du
démarrage des négociations sur la ZLEA, tout au moins dans certains domaines.
Telle était la position du Canada à Denver, et telle est notre position
aujourd'hui.
À Denver, le Canada a demandé à cette assemblée de concentrer son attention sur
deux questions. Tout d'abord, quelle portée sommes-nous prêts à donner aux
obligations et aux droits que devra contenir l'accord sur la ZLEA? Ce qui revient
à poser la question du contenu de l'accord. Et deuxièmement, quels moyens devons-nous mettre en oeuvre pour instaurer la Zone de libre-échange des Amériques?
S'appuyant en partie sur les progrès enregistrés depuis la rencontre de Denver, le
Canada est d'avis que c'est d'abord la question du contenu de l'accord que nous
devons examiner collectivement. À bien des égards, lorsque nous aurons déterminé
ce que l'accord devra contenir, il sera plus facile de décider des moyens à
prendre. Dans le domaine tarifaire, par exemple, la conformité aux règles de
l'Organisation mondiale du commerce [OMC] exige que tous les tarifs soient
éliminés sur une période de dix ans, sauf quelques exceptions dont il reste à
convenir. Comment parvenir à ce résultat?
Ceux d'entre nous qui font partie d'unions douanières ou de marchés communs (le
Marché commun central américain, Mercosur et CARICOM, par exemple) souhaiteront
peut-être former un bloc pour négocier les tarifs. Par contre, les pays qui, tel
le Canada, souscrivent à des accords de libre-échange ou à des accords comme
l'ALADI [Association latinoaméricaine d'intégration] mèneront leurs négociations
tarifaires individuellement.
Il va de soi que cette approche ne s'appliquera pas forcément aux négociations
dans des domaines comme les services, l'investissement ou les marchés publics, où
chaque membre de la ZLEA voudra vraisemblablement négocier pour son propre compte.
Par conséquent, la question centrale pour les 34 pays de l'hémisphère est de
savoir quelles obligations et quels droits contiendra l'accord sur la ZLEA. C'est
à cette question que nous devrions consacrer nos efforts pendant l'année en cours
et au début de 1997.
Fondamentalement, le Canada perçoit la ZLEA comme un accord entre 34 partenaires
égaux, selon les principes dont nous sommes convenus à Denver.
Dès que l'accession du Panama à l'OMC sera chose faite, ce qui arrivera
vraisemblablement au cours des prochains mois, tous les partenaires de la ZLEA
s'appliqueront réciproquement les règles de l'OMC. En d'autres termes, la portée
de la ZLEA dépassera forcément les accords de l'OMC au chapitre de la
libéralisation des échanges. En ce sens, la ZLEA sera par définition une « OMC-plus ». Nous devons toutefois décider si, à l'égard de toutes les questions qui
seront abordées dans le cadre de la ZLEA, les obligations établies aux termes de
celle-ci vont plus loin que celles qui régissent déjà nos relations dans le cadre
de l'OMC.
Enfin, s'il est vrai que la mise en place de la ZLEA fera fond tout naturellement
sur le niveau de libéralisation déjà atteint grâce à l'adhésion de chacun de nous
à divers accords infra-régionaux existants, le Canada est néanmoins d'avis qu'elle
ne devrait pas se réaliser par l'accession de nouveaux États à ces accords ni par
la « convergence simultanée » de ces derniers. Pour que naisse la Zone de
libre-échange des Amériques, il faudra que chaque pays de l'hémisphère prenne une
décision délibérée en ce sens.
La libéralisation déjà entamée par les membres de la ZLEA dans le cadre d'accords
préférentiels actuels facilitera grandement le succès des négociations sur la
ZLEA. Cette libéralisation « autonome » se poursuit aujourd'hui et elle se poursuivra jusqu'à l'an 2005, que
ce soit dans le cadre de l'Accord de libre-échange nord-américain [ALENA], du
Mercosur, du Marché commun centre-américain, de CARICOM ou de l'ALADI. Il faut
encourager cette libéralisation tant pour les bienfaits qu'elle engendre que pour
les incidences positives qu'elle a sur le processus de la ZLEA.
C'est pourquoi le Canada estime que la libéralisation à laquelle nous aspirons par
le biais des divers accords infra-régionaux auxquels nous avons souscrit ne doit
pas se substituer à la négociation de la ZLEA, mais doit plutôt lui imprimer un
élan. Par ailleurs, il ne conviendrait pas d'attendre que ces accords infra-régionaux soient conclus avant d'entreprendre les négociations sur la ZLEA,
puisque chacun représente une initiative dynamique entreprise par ses membres de
leur propre chef.
D'aucuns considèrent que la constitution d'une zone de libre-échange à l'échelle
des Amériques se réalisera par l'amalgame des principaux accords intra-régionaux,
tels l'ALENA et le Mercosur. Le Canada ne partage pas ce point de vue. Le Mercosur
représente une démarche audacieuse en vue de créer un marché commun dans le cône
sud de l'hémisphère, et il continue d'approfondir ses obligations en vue de
réaliser cet objectif. L'ALENA, par contre, est un modèle très avancé d'accord de
libre-échange. Les deux accords visent des objectifs foncièrement différents et on
ne saurait les fusionner sans que l'un ou l'autre ne doive sacrifier ses objectifs
essentiels.
Le Canada souhaite ardemment que les négociations menant à la création de la ZLEA
s'achèvent bien avant 2005. Nous nous attendons à ce que soit en place, cette
année-là, une ZLEA formée de 34 partenaires à part entière et qui corresponde à
une OMC-plus, une zone complète et équilibrée, conforme à nos obligations envers
l'OMC et constituant une entreprise unique. Le Canada s'attend aussi à ce que, en
2005, le Mercosur soit devenu un marché libéral et prospère, et que l'ALENA ait
accueilli de nouveaux membres et étendu ses droits et obligations.
Pour bâtir un tel accord, nous devons, en tant que ministres responsables du
commerce des pays formant la ZLEA, veiller à ce que d'ici à notre prochaine
réunion nous profitions au maximum du temps à notre disposition pour définir la
forme que prendra la ZLEA que nous souhaitons négocier collectivement.
Pour ce faire, nous devons indiquer la direction à prendre aux représentants qui
formuleront les recommandations dont nous aurons besoin pour amorcer les
négociations, au moins dans un certain nombre de domaines, lors de notre réunion
en 1997, afin que nous puissions, d'ici l'an 2000, concrétiser par des actes
l'engagement pris par nos chefs à Miami.
Un dernier détail. Vous n'ignorez pas que la réunion ministérielle de l'OMC se
tiendra à Singapour en décembre prochain. Les ministres du commerce de nos 34 pays
étant alors réunis à la même table, il ne faudrait pas rater cette occasion
d'explorer les moyens de maintenir la dynamique de la libéralisation du commerce
dans le contexte de l'OMC. Pourrions-nous, par exemple, convenir de travailler
ensemble afin de faire front commun en faveur d'une libéralisation tarifaire
accélérée ou, dans certains secteurs, une libéralisation tarifaire allant au-delà
des engagements pris dans la cadre de l'Uruguay Round?
Il me fera grandement plaisir de m'entretenir de ces questions avec mes collègues.
Merci, Monsieur le Président.
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