Système de compensations – éléments clés
Introduction
Le 21 novembre 2002, le gouvernement du Canada a publié le Plan du Canada sur les changements climatiques. Le Plan propose une approche en trois étapes pour atteindre l'objectif de Kyoto du Canada qui est de réduire annuellement les émissions de gaz à effet de serre (GES) de 240 mégatonnes (Mt). D'abord, il y a les investissements réalisés à ce jour qui permettront d'atteindre le tiers de l'objectif de réduction, soit 80 Mt. Ensuite, le plan propose une stratégie concernant des réductions supplémentaires de 100 Mt. Et enfin, il esquisse un certain nombre d'interventions en cours et potentielles qui devraient permettre au Canada d'effectuer les 60 Mt. de réductions qui subsistent.
Les gros émetteurs industriels (GEI) jouent un rôle crucial dans la stratégie du Plan. Les GEI comprennent les secteurs de production thermique d'électricité, des hydrocarbures, des mines et de la fabrication, qui, selon les prévisions, produiront la moitié des émissions totales de GES du Canada d'ici 2010. Le Plan propose que les objectifs de réductions des émissions pour les GEI - totalisant 55 Mt - soient établis par l'entremise d'engagements contractuels assortis de renforts réglementaires ou financiers. Pour offrir aux GEI la souplesse nécessaire à la poursuite de leurs objectifs, le Plan propose l'échange des droits d'émission, l'accès à des compensations intérieures et à des permis internationaux.
Un système de compensations fournirait des incitatifs pour l'identification et le développement de projets de réduction d'émissions de GES non visés par les engagements contractuels. Par conséquent, les compensations fournissent aux GEI un moyen à faible coût de se conformer à leurs objectifs en offrant une solution de rechange aux mesures de réduction intérieure ou à l'achat de permis internationaux. Lorsque les compensations sont utilisées par les GEI, elles ne s'ajoutent pas à l'objectif de 55 Mt fixé pour ces derniers et ne réduisent donc pas l'écart de 60 Mt qui subsiste dans le Plan.
Ce document donne un aperçu de la pensée fédérale courante à l'égard des éléments clés d'un système de compensations intérieures. Il définit les principes et les critères proposés qui détermineraient l'admissibilité aux compensations, y compris le lien entre les crédits compensatoires et les mesures ciblées, et la contribution des puits en cas de maintien du statu quo. Il précise également certaines questions clés qui doivent être considérées davantage. Un Groupe de travail fédéral interministériel sur les compensations constitué par des représentants d'Environnement Canada, de Ressources Naturelles Canada, d'Agriculture et d'Agroalimentaire Canada et du bureau du MDP et de l'AC du ministère des Affaires étrangères et du Commerce international mène cet effort. Le Groupe de travail sur les compensations prépare actuellement un document de travail qui s'appuie sur ce document et qui servira de point central pour les consultations auprès des intervenants qui seront tenues en juin. Le document de travail se penchera sur les éléments clés de la conception, les options et les compromis.
Éléments clés de la conception
1) Cadre juridique
Selon les engagements contractuels et les renforts réglementaires
ou financiers, les entités participantes pourraient utiliser des
compensations pour respecter leurs obligations. Les documents cadres comprendraient
également :
- les principes sur lesquels le système de compensations est fondé;
- les critères d'admissibilité et les exigences d'analyse
pour la délivrance de certificats relatifs
à la réduction ou à l'élimination des émissions de GES à titre de crédits compensatoires; - le processus pour la préparation d'un document d'orientation
et de protocoles d'évaluation
quantitative, de surveillance, de vérification et de production de rapports particuliers à
chaque secteur/projet, qui ne sont pas inclus dans les documents cadres; - la désignation de (ou les exigences relatives à) l'organisme
responsable de la gestion du
système de compensation.
Le médium législatif utilisé pour l'établissement des engagements contractuels et des renforts réglementaires ou financiers pourrait aussi être utilisé pour définir et mettre en uvre le système de compensations.
2) Principes du système de compensations
La conception du système de compensations sera fondée sur
les principes suivants :
- La conception du système de compensations améliorera la liquidité du marché.
- Le système de compensations sera aussi ouvert que pratique.
- Le système de compensations contribuera à la réalisation
de l'engagement pris par le
Canada à Kyoto.
Toutefois, il est reconnu que les questions d'application pratique et de complexité administrative seront aussi des éléments clés de la conception et des compromis peuvent être nécessaires pour la mise en uvre de ces principes.
La conception du système de compensations améliorera
la liquidité du marché.
Vu que le système de compensations est axé sur le marché,
il favorisera l'établissement et l'élaboration de projets
de réduction/d'élimination des émissions de GES à
faible coût qui ne sont pas visés par les engagements contractuels.
Le système de compensations augmentera le nombre de participants
et le volume d'unités de conformité sur le marché
d'échange des émissions intérieur. Des exigences
d'admissibilité claires, un processus de génération
des compensations transparent, efficace et appliqué de façon uniforme,
et la possibilité d'utiliser et d'échanger des compensations
de façon claire, faciliteront tous le développement du marché
de compensations. Grâce à l'innovation, le regroupement de petits
projets, l'établissement de plates-formes d'échange pour
rapprocher les acheteurs et les vendeurs, la participation dans des activités
de surveillance, de vérification, etc., le secteur privé
jouera un rôle significatif dans ce marché. Une certaine surveillance
gouvernementale sera nécessaire pour assurer la crédibilité
du système, mais les coûts administratifs associés
doivent être minimisés et le marché doit, dans la
mesure du possible, demeurer libre de toute contrainte.
Le système de compensations sera aussi ouvert que pratique.
Tout projet non couvert par les engagements contractuels pourrait être
admissible. Le système de compensation opérera sur la base
de projet; le niveau de référence devra refléter
des considérations comme les émissions et la séquestration
en cas de maintien du statu quo et les réductions d'émissions
et la séquestration résultant de mesures ciblées.
Un système de compensations ouvert qui stimule l'innovation dans
les techniques d'atténuation et d'évaluation quantitative
des émissions et s'intègre aux développements technologiques
favorisera l'efficacité et l'efficience. Ainsi donc, en général,
le système ne restreindra pas l'admissibilité au type ou
à la taille du projet, à moins que pour des raisons politiques,
opérationnelles ou juridiques cette approche ne soit considérée
non pratique.
Un système «ouvert» posera des difficultés sur le plan de la conception et du fonctionnement à cause du grand nombre de projets et de la vaste gamme de types de projets qui pourraient être soumis aux fin d'examen, de la nécessité de s'assurer que les réductions/ éliminations ne soient pas comptés en double, etc. Les coûts associés à l'évaluation des projets doivent être maintenus aussi bas que possible afin de maximiser les possibilités d'initiatives de compensation acceptables. Par conséquent, la mise en uvre du principe d'«ouverture» doit tenir compte de l'aspect pratique du système.
Le système de compensations contribuera à la réalisation
de l'engagement pris par le Canada à Kyoto.
Les compensations utilisées par les GEI remplacent les mesures
qu'ils auraient prises autrement (c.-à-d. pour réduire ou
éliminer les émissions de GES ou pour acheter d'autres unités
de conformité) et ne contribueront donc pas directement à
rencontrer l'objectif de Kyoto du Canada. Toutefois, l'innovation favorisée
par le système de compensations peut aboutir à des mesures
d'atténuation qui ne dépendent pas du système de
compensations. De plus, le système de compensations peut être conçu
de façon à contribuer à rencontrer l'objectif de Kyoto du
Canada par la définition du niveau de référence,
par exemple. Dans le cas des puits agricoles et forestier, cela peut être
réalisé au moyen de la proposition présentée
dans le Plan, selon laquelle seules les éliminations au-delà
du niveau de référence lié au statu quo seraient
admissibles aux crédits compensatoires.
3) Critères d'admissibilité
Les réductions/éliminations des émissions de GES
doivent répondre aux critères mentionnés cidessous
:
- inventaire - Seules les réductions/éliminations des émissions de GES qui seront saisies dans l'inventaire des GES du Canada aux fins de production de rapports pour le Protocole de Kyoto seraient admissibles.
- date - Seules les réductions/éliminations des émissions de GES qui sont effectuées dans la première période de l'engagement seraient admissibles. En outre, une «date de début» pour les projets admissibles, possiblement liée à une décision politique, et définie comme une phase dans le développement du projet (c.-à-d. le début de la construction), pourrait être requise.
- réelle - Une réduction/élimination des émissions de GES est réelle si elle réduit la concentration des GES dans l'atmosphère (tous les GES doivent être représentés), et est le résultat d'un projet particulier et identifiable net des fuites, qui est mesurable et directement attribuable au projet dans la limite du projet.
- mesurable - Une réduction/élimination est mesurable si le niveau des réductions/éliminations des émissions de GES dans la ligne de base (p. ex., le statu quo, «antérieurement au projet» ou un autre niveau de réference), et le niveau courant des émissions/éliminations de GES avec le projet en place, peuvent être évalués quantitativement avec un seuil de confiance acceptable. La méthode d'évaluation quantitative, y compris les approches liées au niveau de référence, est définie dans un protocole d'évaluation quantitative.
- vérifiable - Une réduction/élimination de GES est vérifiable si la méthode d'évaluation quantitative est saine, évidente et susceptible d'être répétée, et les données brutes requises pour vérifier le calcul sont disponibles. La méthode de vérification est établie dans un protocole de vérification.
- excédentaire - Une réduction/élimination de GES est excédentaire si elle ou l'activité qui la cause, n'est pas obligatoire (p. ex. par une réglementation/un certificat d'exploitation fédérale/provinciale existant), et dépasse le niveau exigé/qui peut raisonnablement être prévu, sera réalisée à la réception d'une autre mesure gouvernementale de lutte contre le changement climatique.
- unique - Une réduction/élimination des émissions de GES est unique si elle n'est utilisée qu'une seule fois (p. ex. une réduction/élimination des émissions de GES ne peut être signalée comme une amélioration dans l'inventaire GES du vendeur ni échangée avec une autre entité en vue de respecter une obligation).
- propriété - L'entité (investisseur/propriétaire) qui crée des compensations doit posséder des droits de propriété bien définis et transparents pour les réductions/éliminations des émissions de GES.
4) Processus d'examen
Un processus de trois étapes pour la création de crédits
de compensation est proposé.
(1) Validation ex ante des projets - Une analyse de projet (existant ou proposé) en fonction de toutes les exigences de création d'une compensation est effectuée pour confirmer que toutes les conditions de création établies dans le document cadre, le document d'orientation et les protocoles seraient probablement remplies. Le projet est inscrit lorsque la limite du projet a été fixée et un accord a été conclu sur la méthode d'évaluation quantitative, la vérification et la production de rapports relatifs aux émissions du niveau de référence et aux émissions «accompagnant le projet» (c.-à-d. lorsque le protocole de l'évaluation quantitative et de la vérification a été accepté).
(2) Validation/vérification ex poste des réductions/éliminations des émissions de GES - Une analyse ex poste des réductions/éliminations des émissions de GES réalisée pour un projet inscrit en fonction des facteurs établis dans la validation ex ante du projet est effectuée annuellement (ou sur un plus long cycle) pour confirmer que toutes les conditions de création d'une compensation ont été remplies. À cette étape, la quantité des réductions/éliminations des émissions de GES est déterminée et recommandée aux fins de certification.
(3) Délivrance de certificats relatifs aux réductions/éliminations des émissions de GES - Les crédits de compensation sont créés avec l'approbation finale (délivrance de certificats) relatifs aux réductions/éliminations des GES par l'autorité désignée. À la discrétion du promoteur de projet, les crédits de compensation sont transférés dans un compte au bureau d'enregistrement intérieur. Tous les renseignements reliés à la création de crédits de compensation sont conservés et peuvent être accédés sur demande.
Un document d'orientation fournira un aperçu non spécifique mais détaillé (et des exemples) de la façon avec laquelle les réductions des émissions et les éliminations de GES doivent être évaluées quantitativement et signalées pour qu'elles soient conformes aux critères d'admissibilité définis dans le document cadre. Tous les formulaires de demandes et de rapports, ainsi qu'une description détaillée de chaque étape faisant partie du processus d'examen seront également offerts. Le protocole d'évaluation quantitative et de vérification donnera des renseignements détaillés sur les exigences de l'évaluation quantitative, de la surveillance, la préparation de rapports et de la vérification particulières aux projets ou types de projets. Le document d'orientation et les protocoles seront offerts à l'extérieur du document cadre; ils seront mis à jour à mesure que les améliorations au système sont déterminées et des protocoles supplémentaires sont élaborés.
5) Liens avec le système d'échange international
Alors que les règles internationales relatives au mécanisme
MDP/AC seront examinées pendant l'établissement du système
de compensations intérieure, la conception du système de
compensations sera déterminée par les objectifs de la politique
intérieure. Les crédits de compensation seront acceptés
pour la rencontre des obligations en vertu des engagements contractuels
(tel qu'il aura été défini dans le document cadre),
et peuvent en général être échangés au pair
avec les unités de conformité du protocole de Kyoto sur
le marché canadien. En plus, il est prévu que le gouvernement
serait préparé à échanger des unités
de conformité du protocole de Kyoto avec des crédits de
compensation canadiens au besoin. Le lien entre les crédits de
compensation à titre de puits et les unités de séquestration,
et d'autres questions associées à la création et
l'utilisation possible de crédits temporaires, doivent être abordées.
Questions qui doivent être considérées davantage
Un nombre de questions clés pour la conception du système de compensations sont mentionnées ci-dessous :
(1) Gestion
En principe, il semble y avoir plusieurs options pour la gestion du système
de compensations, y compris la gestion par le gouvernement fédéral,
ou par le gouvernement fédéral en partenariat avec d'autres
gouvernements et membres du secteur privé.
(2) Traitement des gaz d'enfouissement
Le Plan sur le changement climatique définit les gaz d'enfouissement
comme une source possible de compensations. L'intégration de la
capture et la combustion des gaz d'enfouissement dans le système
de compensations est réalisable sur le plan administratif comme
les réductions des gaz d'enfouissement peuvent être mesurées
directement. Des analyses et des consultations supplémentaires
doivent être effectuées sur les conditions nécessaires à
l'admissibilité de la capture et la combustion des gaz d'enfouissement
aux compensations; c.-à-d. sur la façon que les principes proposés
et les critères d'admissibilité pourraient s'appliquer aux
projets de gaz d'enfouissement.
(3) Traitement des émissions indirectes et évitées
Les réductions d'émissions indirectes et/ou évitées
pourraient en principe être intégrées dans un système
de compensations. Toutefois, d'autres approches pour stimuler ou exiger
ces réductions/éliminations (p. ex., des mesures ciblées)
seront aussi envisagées et peuvent se révéler plus
efficaces.
(4) Niveaux de référence pour les projets de foresterie
et d'agriculture
Diverses alternatives pour l'établissement de niveaux de référence
relatifs aux projets de foresterie et d'agriculture seront examinées.
Le gouvernement fédéral a proposé que seules les
réductions/éliminations au delà du statu quo seront
admissibles aux compensations. Le Plan propose que les puits liés
au statu quo soient utilisés pour satisfaire l'objectif de réduction
de Kyoto du Canada. La faisabilité de cette approche et les options
pour sa mise en uvre dans la définition du niveau de référence
du projet seront considérées.
(5) Les limites et les fuites spatiales
Une règle qui définit l'étendue de la considération
des fuites spatiales (changements dans les émissions ou éliminations
à l'extérieur de la limite du projet) et la façon dont les
fuites doivent être représentées dans le calcul des crédits
de compensation, sera mise en place.
(6) Permanence et responsabilité
Comme les projets de compensations forestiers ou agricoles qui piègent
le carbone ou évitent les émissions de carbone peuvent être
annulés dans le futur, les crédits de compensation qui y
sont associés peuvent ne pas être permanents. Cette question de
«non permanence» ou de fuite temporelle est reliée
à la propriété, à la responsabilité
et à la surveillance, et peut avoir des répercussions importantes
sur la présentation des compensations dans l'inventaire national
avec le temps. Beaucoup peut être tiré du travail sur le reboisement
du MDP sur cette question (p. ex., sur les propositions d'utilisation
d'instruments ou de crédits temporaires pour aborder la question
de non permanence).
(7) Évaluation quantitative des réductions des émissions
et des éliminations des GES
Un système efficient et efficace pour mesurer tous les impacts
en terme de GES relatifs à un projet (comptabilisation nette complète),
et les niveaux de confiance acceptables, devra être développé.
Pour les projets agricoles et forestiers, par exemple, un mélange
de méthodes statistiques et basées sur des modèles
et des systèmes basés sur des mesures réelles pourrait
être utilisé.
(8) Affectation d'un plafond de gestion forestière
Les règles internationales limitent les unités de séquestration
que le Canada peut réclamer pour les puits de gestion forestière.
Selon les prévisions courantes, le plafond ne sera pas dépassé
mais on doit envisager comment les crédits de compensation provenant
de la gestion forestière seront traités au cas où le plafond
est dépassé.
(9) Autres questions à considérer
Les options de conception du système qui traitent du potentiel
d'incitatifs contradictoires qui peuvent aboutir à une fuite temporelle
(p. ex. l'élimination des incitatifs pour maintenir les stocks
de carbone), et des adoptants précoces de pratiques de séquestration
du carbone possédant des puits «complets» seront aussi
considérées.