Un programme de cuisine qui enseigne bien des habiletés
PAR Djamila Amellal, agente de communication, Secteur des communications et de l’engagement des citoyens
Photos : Bill Rankin
L’ Établissement Sainte-Anne-des-Plaines, dans la région du Québec, a créé un programme – le Programme de cuisine – qui contribue à la production quotidienne de 2500 repas (petits déjeuners, déjeuners et dîners), qui sont préparés par des délinquants, supervisés par six membres du personnel du Service correctionnel du Canada (SCC). Ces repas servent à nourrir les quelque 900 délinquants des trois établissements du complexe carcéral, soit le Centre régional de réception et l’Unité spéciale de détention, et les établissement Archambault et Sainte-Anne-des-Plaines. Ce programme permet aux délinquants d’acquérir des diplômes qui les aideront à trouver un emploi à leur sortie en libération conditionnelle, ce qui facilitera leur réinsertion sociale.
Il est sept heures du matin et nous sommes dans la plus grande cuisine au sein d’un pénitencier fédéral, celle de l’Établissement à sécurité minimale, Sainte-Anne-des-Plaines. Tenues blanches et chapeaux sur la tête, une quarantaine de délinquants et des membres du personnel du SCC s’affairent autour des grosses bouilloires fumantes, au comptoir de la boucherie ou dans la section de la pâtisserie. Ils sont là depuis 5 h 30 et ne quitteront les lieux qu’à 11 h pour revenir vers 12 h 30 et finir vers 13 h 30. Au menu aujourd’hui - un menu établi selon le guide alimentaire canadien : soupe au pois, darnes de saumon, pommes de terre nature, petits gâteaux, jus et portion de lait.
Monsieur Roberto Trubiano, chef, Services alimentaires, au SCC depuis 23 ans et lui-même spécialiste en cuisine professionnelle précise :
« L’établissement peut héberger jusqu’à un maximum de 175 délinquants et 45 d’entre eux travaillent dans cette cuisine. Dix de ces derniers font officiellement partie du Programmede cuisine. Ici, on les prépare pour le marché du travail. Ils sont dans la cuisine le matin et ils suivent leur cours académique en après-midi à l’établissement, avec un enseignant de la commission scolaire. Nos chefs ont beaucoup
d’expérience et on utilise ce bassin d’expertise à bon escient. Nous disposons d’un budget approximatif de 1 200 000 $ pour l’année, on effectue nos achats, on cuisine et on livre la nourriture. »
Une idée géniale
Selon M. Georges Flanagan, directeur adjoint, Services de gestion, au SCC depuis 22 ans, c’est en 1990 que l’idée de créer un tel programme a germé. « On a commencé à travailler sur ce projet dans les années 90. Voulant donner des outils aux délinquants à leur sortie en libération conditionnelle et disposant d’un bassin d’expertise dans l’établissement, le directeur de l’époque, M. Jean Luc Gougeon, et Mme Josée Brunelle, gérante d’unité, ont travaillé à établir les assises de ce projet. On a contacté la commission scolaire, on a établi des profils pour les candidats et on a élaboré des programmes. On s’est déplacé dans les établissements pour faire connaître le projet et recruter des candidats. Beaucoup de vérifications sont bien sûr effectuées surtout si les postulants sont dans un établissement à sécurité moyenne. Le plan correctionnel, l’évaluation du risque et le niveau de sécurité sont des aspects à considérer dans le cadre de la sélection des candidats. On a structuré le programme au fil du temps et il est devenu ce qu’il est aujourd’hui. L’objectif principal a toujours été d’outiller les délinquants en leur apprenant un métier. »
Une formation reconnue qui ouvre des portes
La mise en œuvre officielle du Programme des cuisines remonte à un an. Les délinquants sélectionnés peuvent suivre un cours de 390 heures pour devenir aide-cuisinier, un cours de 435 heures pour être aide-boucher ou opter pour le cours d’aide-pâtissier qui dûre 450 heures. « On exige le niveau de secondaire trois pour accéder au programme , précise M. André Bellemarre, gérant d’unité. On les forme pendant six mois et ils obtiennent un diplôme reconnu par le ministère de l’Éducation du Québec. »
Lorsqu’ils adhèrent au programme de cuisine, les délinquants gagnent un salaire maximal de 6,90 $ par jour et ils sont logés dans une habitation à part. « Ils sont rémunérés comme les autres délinquants, ajoute M. Flanagan. Leur gain, c’est l’apprentissage. »
La sécurité dans les cuisines
Monsieur Neil Elsmore, surveillant intérimaire, Services alimentaires, oeuvre dans le domaine depuis six ans. Quand on lui demande si la sécurité représente un défi dans une cuisine où plusieurs délinquants manipulent des couteaux et autres outils, il répond : « Même si nous manipulons des outils variés, il n’y a jamais eu d’incidents et je ne me suis jamais senti en danger. Mon travail consiste à produire des repas et à former des gens. Les délinquants affectés au programme sont bien sélectionnés. Ils démontrent un grand intérêt dans le programme et sont capables d’apprendre. De plus, lorsqu’on traite les autres avec respect, on ne peut récolter que du respect en retour. »
Plusieurs délinquants en libération conditionnelle ont pu se trouver un emploi dans le domaine et sont fiers de leur réalisation et d’avoir participé au programme qui leur a permis d’acquérir, en plus de la cuisine, bien d’autres compétences sociales nécessaires pour travailler en équipe et garder son travail. C’est pour cela que les employés à Sainte-Anne-des-Plaines s’accordent pour dire que le Programme de cuisine contribue de façon vitale à la réussite de la réinsertion sociale des délinquants. ♦
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