COMMUNIQUÉS
LE CANADA AU CONSEIL DE SÉCURITÉ DES NATIONS UNIES :RAPPORT DE LA PREMIÈRE ANNÉE
Le 27 janvier 2000 (12 h HNE) No 13
LE CANADA AU CONSEIL DE SÉCURITÉ DES NATIONS UNIES :
RAPPORT DE LA PREMIÈRE ANNÉE
Le ministre des Affaires étrangères, M. Lloyd Axworthy, a publié aujourd'hui un rapport passant en revue le rôle
et les réalisations du Canada au cours de sa première année en tant que membre du Conseil de sécurité des
Nations Unies. Le rapport donne également un aperçu des priorités du Canada pour la deuxième année de son
mandat. Le Canada a travaillé à la définition du concept de la sécurité humaine et à la réévaluation de
l'efficacité et du leadership du Conseil de sécurité, et a oeuvré à rendre le Conseil de sécurité plus ouvert, plus
transparent et plus souple, reprenant ainsi les principaux objectifs qu'il avait présentés avec sa candidature
pour occuper un siège au Conseil.
« Le Canada est un membre très actif du Conseil de sécurité. Nous continuons d'exercer des pressions pour
que ce dernier élargisse son concept de la sécurité afin d'y inclure la prévention des conflits, la consolidation
de la paix, le respect des droits de la personne et les questions humanitaires, a déclaré M. Axworthy. Nous
poursuivrons nos efforts au cours de la seconde partie de notre mandat pour soutenir le rythme que nous
avons su lui insuffler au cours de la dernière année. »
Au nombre des réalisations qui reflètent les objectifs du Canada au Conseil de sécurité, mentionnons :
• le lancement d'une importante initiative en matière de sécurité humaine sur la protection des civils touchés
par les conflits armés pendant la présidence canadienne du Conseil de sécurité en février 1999.
• la présidence d'un groupe de travail du Conseil de sécurité ayant le mandat de déterminer définitivement les
recommandations principales du rapport préliminaire au Secrétaire général sur la protection des civils touchés
par les conflits armés.
• la proposition d'une initiative qui a permis de débloquer l'impasse du Conseil de sécurité sur l'Iraq et qui a
préparé le terrain à l'adoption, en décembre 1999, d'une nouvelle résolution concernant ce pays.
• la présidence active du comité du Conseil de sécurité chargé d'appliquer des sanctions contre le mouvement
rebelle de l'UNITA en Angola.
• l'obtention, en décembre 1999, que le Conseil de sécurité souscrive à un certain nombre de propositions du
Canada visant à rendre ses travaux plus transparents et à y faire participer plus de pays, y compris la tenue
d'un plus grand nombre de séances libres qui favoriseront l'interaction avec les non-membres et d'autres
intéressés pouvant apporter une contribution aux délibérations.
« Le concept de sécurité humaine constituera l'axe central pour le reste du mandat du Canada au Conseil de
sécurité des Nations Unies, a ajouté M. Axworthy. Le plan d'action pour cette année comprend : consolider
l'initiative de protection des civils et élargir la participation à cette initiative aux membres qui ne siègent pas au
Conseil, promouvoir l'imposition, par le Conseil, de sanctions plus humaines et plus efficaces, faire progresser
le débat sur l'intervention humanitaire et continuer à mettre l'accent sur la transparence par le biais de
l'élargissement du débat sur les méthodes de travail du Conseil de sécurité à tous les États membres des
Nations Unies. »
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Un document d'information figure en annexe.
Pour de plus amples renseignements, les représentants des médias sont priés de communiquer avec :
Debora Brown
Cabinet du ministre des Affaires étrangères
(613) 995-1851
Le Service des relations avec les médias
Ministère des Affaires étrangères et du Commerce international
(613) 995-1874
Document d'information
LE CANADA AU CONSEIL DE SÉCURITÉ
« La souveraineté de l'État demeure un principe fondamental et un des principaux piliers de la paix et de la
sécurité. Cependant, elle n'a rien d'absolu et ne peut servir à occulter les violations les plus graves des droits
de la personne et des libertés fondamentales. »
(Lloyd Axworthy, ministre des Affaires étrangères, Assemblée générale des Nations Unies, 23 septembre
1999)
Introduction
Ces dernières années, nous avons assisté à la reconnaissance croissante de la valeur de la sécurité humaine.
La sécurité, autrefois le domaine sacré de l'État, acquiert aujourd'hui une dimension plus large et englobe les
personnes, les peuples et leurs préoccupations. On admet de plus en plus que la sécurité humaine et la
souveraineté nationale sont les deux faces d'une même médaille. Elles se renforcent mutuellement et sont
complémentaires.
L'année dernière a vu la multiplication des actions engagées au nom de la sécurité humaine de par le monde.
Au Kosovo, les pays de l'OTAN ont déclenché une action militaire sans précédent pour mettre un terme aux
violations à grande échelle des droits de la personne et aux crimes de guerre commis dans le cadre d'une
campagne orchestrée de nettoyage ethnique dirigée contre des civils innocents par leur propre gouvernement.
Au Timor-Oriental, une force internationale a été dépêchée pour contrer des hors-la-loi qui attaquaient des
civils sans défense afin d'annuler les résultats d'une élection libre et juste.
De nouvelles voix se font entendre pour exiger l'application du droit humanitaire international, le respect des
droits de la personne et des réfugiés. La valeur des multiples efforts déployés par le Canada ces dernières
années pour mettre la sécurité humaine sur un pied d'égalité avec la souveraineté nationale est largement
reconnue.
La tâche ne fut pas mince. Le Canada a travaillé sans relâche dans plusieurs tribunes pour aboutir à ces
résultats. L'année dernière, le G-8, l'OTAN, l'ANASE et, bien sûr, l'ONU ont tous constitué des forums décisifs
pour promouvoir ce programme. Durant sa première année au Conseil de sécurité, le Canada a saisi toutes les
occasions de répéter, pour citer le ministre Axworthy, que « les menaces à la sécurité humaine -- les risques
auxquels les personnes, les collectivités et les peuples font face quotidiennement -- dépassent les risques
posés à la sécurité par les conflits transnationaux. » Le document suivant retrace quelques-unes des grandes
initiatives lancées par le Canada au sein du Conseil et aborde les questions et les événements les plus
pressants qui ont monopolisé le temps et l'énergie du Conseil durant l'année écoulée.
LE CANADA AU CONSEIL DE SÉCURITÉ : RAPPORT SUR LA PREMIÈRE ANNÉE
I. Le programme du Canada
La sécurité humaine
Le Canada est entré au Conseil de sécurité avec la conviction que les principes humanitaires et les droits de la
personne devaient peser plus lourdement dans le choix du moment d'agir. Des violations flagrantes des droits
de la personne sont souvent les signes avant-coureurs de menaces graves pour la paix internationale. Les
interprétations de la Charte des Nations Unies doivent tenir davantage compte de la nature changeante des
conflits et des nouveaux défis que cela pose, non seulement pour la paix et la sécurité internationales, mais
également pour les valeurs fondamentales. Les conflits sont de plus en plus nationaux et leurs victimes sont
principalement des civils, très souvent des cibles délibérées, et non collatérales. En l'absence d'un
amendement de la Charte dont l'adoption semble pratiquement impossible compte tenu du droit de veto, les
principes de la souveraineté nationale et de la sécurité humaine doivent être rapprochés dans la pratique. Cela
nécessite une décision politique, et non juridique ou constitutionnelle, du Conseil sur la manière d'y répondre.
Le siège du Canada au Conseil de sécurité constitue un moyen puissant de faire avancer ce programme.
Toutefois, ce n'est pas le seul moyen à notre disposition pour promouvoir nos objectifs, ni même toujours le
meilleur, compte tenu des réalités politiques actuelles. Cela dit, l'utilisation judicieuse de cette présence au sein
du Conseil nous a permis de faire beaucoup sur le plan de la sécurité humaine en 1999.
La protection des civils dans les conflits armés
Le rapport du Secrétaire général sur la protection des civils dans les conflits armés figure en haut de la liste de
nos priorités. Pendant notre présidence du Conseil, en février 1999 et à l'occasion d'une déclaration du
président prononcée par le ministre Axworthy, nous avons demandé au Secrétaire général de rédiger un
rapport sur les effets dévastateurs des conflits armés sur les civils et de dresser une liste de recommandations
propres à mieux assurer leur protection. Le ministre a indiqué que les civils n'étaient plus des victimes
innocentes de la guerre, mais souvent des cibles. Il a évoqué les défis que cette terrible réalité impose à la
communauté internationale et a demandé au Conseil de mieux s'y préparer et aux Nations Unies dans leur
ensemble d'y faire face.
Ces initiatives ont conduit au rapport du Secrétaire général sur la protection des civils dans les conflits armés
qui, avec ses 40 recommandations, a été présenté au Conseil en septembre 1999. Le Secrétaire général a
dépeint un tableau sombre et préoccupant. Il a montré comment les conflits détruisent des vies personnelles,
des familles et des sociétés entières, contraignant souvent des personnes « à quitter leur foyer, à rejoindre des
frontières ouvertes au compte-goutte, à se cacher, à se séparer de leur famille, à servir de bouclier humain, à
être dépossédées de leur identité et massacrées sans pitié ». Ses recommandations portent sur des mesures
importantes que le Conseil et la communauté internationale doivent prendre pour renforcer la protection
juridique et physique des civils. Les principales recommandations visent à : renforcer la capacité des Nations
Unies à réagir rapidement lorsqu'une crise éclate, ce qui implique le déploiement sans délai d'unités et de
quartiers généraux de mission; imposer des embargos sur les armes; recourir plus systématiquement à des
sanctions ciblées à l'encontre des belligérants; affirmer le droit des civils d'accéder sans entrave à l'aide
humanitaire; autoriser les missions à interdire les médias qui sèment la haine; et, en cas de violations
continues et caractérisées, envisager d'adoption de mesures coercitives.
Pour que l'élan créé par le rapport ne retombe pas, le Canada préside aujourd'hui un groupe de travail informel
du Conseil de sécurité destiné à réaffirmer ses principales recommandations une fois de retour à la présidence
en avril. Le Canada mettra également en place un groupe des « amis des civils dans les conflits armés » qui
inclura des gouvernements partageant une optique commune, des départements des Nations Unies et d'autres
organes du système onusien, ainsi que des membres de la société civile et de la communauté des ONG. Le
Canada s'efforcera de garantir la mise en oeuvre horizontale des recommandations dans les situations
concrètes, par exemple les décisions sur les mandats de maintien de la paix (ex. Sierra Leone) et les régimes
de sanctions.
Nous travaillons également avec l'Académie mondiale pour la paix à la rédaction d'un rapport d'évaluation
politique et humanitaire sur les sanctions. Les sanctions sont un outil essentiel cité dans le rapport du
Secrétaire général pour protéger les civils dans les conflits armés. Cette évaluation proposera des options
concrètes pour rendre les sanctions plus humaines et plus efficaces. Ce rapport et ses recommandations
seront disponibles en mars et présentés au Conseil lors de la présidence du Canada en avril. Le Canada
donnera suite à ce rapport au sein du Comité de maintien de la paix de l'Assemblée générale des Nations
Unies.
Des sanctions plus efficaces et plus humaines
Dans la lignée du rapport rédigé avec l'Académie mondiale pour la paix, le Canada pense qu'il faut revoir la
stratégie actuelle de sanctions. Si elles ne sont pas appliquées judicieusement, elles pénalisent souvent les
civils. Des sanctions globales se traduisent souvent par des coûts humanitaires élevés, l'écroulement des flux
commerciaux, l'émergence d'un marché noir et la nécessité d'une aide humanitaire supplémentaire. Elles
peuvent également avoir une incidence négative sur les infrastructures sociales et déboucher sur un degré
accru de dépendance et de sympathie, à la fois nationale et internationale, pour le régime.
Le Conseil a parfois recouru aux sanctions comme alternative à la force pour laquelle la volonté faisait défaut;
toutefois, les résultats ont été mitigés. Leurs effets aveugles et les risques de pénaliser des civils innocents
plaident en faveur de sanctions plus « intelligentes » et mieux ciblées, alliées à de meilleures possibilités
d'application. Il peut s'agir de geler les actifs des membres du régime et de ceux qui les soutiennent;
suspendre les crédits et les subventions au gouvernement; refuser ou limiter l'accès aux marchés financiers
étrangers; imposer l'embargo sur les produits de luxe; interdire les vols aériens; imposer un isolement sur le
plan diplomatique et refuser le droit de voyager aux membres du régime et à leurs familles.
En tant que président du Comité des sanctions concernant l'Angola, le Canada a étudié les moyens de
renforcer les sanctions à l'encontre de l'UNITA, notamment en freinant le commerce illicite d'armes et de
diamants, et a constitué un groupe d'experts chargé de soumettre à l'attention du Conseil des mesures
pratiques supplémentaires; leur acceptation sera un test de la volonté du Conseil de rendre les sanctions
efficaces en Afrique. La combinaison de ces initiatives fait du Canada un chef de file de la réforme des
sanctions et donne une orientation au reste de son mandat au sein du Conseil.
Une plus grande transparence
Le Canada estime que dans des dossiers tels que celui des sanctions, le Conseil de sécurité doit faire preuve
de plus de transparence. Les délibérations et la prise de décisions restent dominées par des « consultations
informelles » privées limitées aux membres du Conseil. En dépit d'une résistance parfois forte du P5 (les cinq
membres permanents, à savoir la Chine, la France, la Russie, le Royaume-Uni et les États-Unis), notre
proposition d'ouvrir les consultations informelles aux pays non-membres du Conseil lorsque cela pourrait avoir
une incidence positive sur la prévention et la résolution des conflits avance à grands pas. Ainsi, en décembre,
le Conseil a accepté plusieurs propositions canadiennes en faveur de la transparence, notamment l'utilisation
plus fréquente de formats de réunions accueillant davantage d'acteurs. Nous avons résolument soutenu le
recours plus systématique à des discussions thématiques et au « débat d'orientation », une réunion du Conseil
ouverte aux non-membres qui permet l'expression des différents avis sur une question avant que le Conseil ne
prenne une décision. Lorsque le Canada est arrivé au Conseil, les débats ouverts étaient rares, et aujourd'hui
nous oeuvrons avec des membres partageant la même vision à promouvoir une nouvelle ouverture.
Nous avons attiré l'attention du Secrétaire général et du P5 sur notre opposition à la pratique de réunions
privées limitées au P5 sur des questions qui nécessitent des décisions du Conseil tout entier ou qui le
concernent. Pour contrer davantage la culture du secret, le Canada organise régulièrement des réunions
d'information pour les pays non-membres du Conseil, auxquelles participent des partenaires traditionnels et
nouveaux. Nous continuons en outre de publier une foule d'informations sur les activités du Conseil dans notre
site Web, à http://www.dfait-maeci.gc.ca/ONU2000UN/.
Sur un plan plus général, le Canada milite en faveur de la transparence dans le système onusien dans son
ensemble par le biais de la diplomatie ouverte. La diplomatie ouverte a eu des incidences très positives sur les
thèmes et les événements relatifs au programme sur la sécurité humaine. La participation d'organisations non
gouvernementales et d'acteurs publics et étatiques a constitué un instrument puissant au service des efforts
pour remédier aux menaces sur la sécurité des civils. Par exemple, la réunion de gouvernements, d'ONG et de
représentants de la société civile a contribué au succès de la Convention d'Ottawa qui interdit les mines
antipersonnel.
II. Réponses du conseil aux principales questions
Kosovo
L'un des événements clés de l'année dernière et de la première décennie du Conseil après la Guerre froide fut
la crise du Kosovo, se soldant par l'action militaire de l'OTAN.
Les Nations Unies étaient activement engagées dans la situation du Kosovo au cours des mois qui ont précédé
le début des hostilités. Le Conseil de sécurité, agissant en vertu du Chapitre VII, a présenté plusieurs
résolutions relatives à la crise du Kosovo, lesquelles considéraient le conflit comme une menace à la paix et à
la sécurité dans la région. Ces résolutions imposaient à la République fédérale de Yougoslavie (RFY)
l'obligation civile claire de respecter le cessez-le-feu, de protéger la population civile et de limiter le
déploiement de ses forces de sécurité au Kosovo, obligation que la RFY n'a pas respectée.
Devant la crise humanitaire au Kosovo, les alliés de l'OTAN ont agi. Une résolution russe visant à interrompre
l'action de l'OTAN a été rejetée par 12 voix contre 3 (pas d'abstention), traduisant un fort soutien de
l'intervention.
Toutefois, durant la campagne aérienne de l'OTAN, le Canada a continué d'agir pour que la crise du Kosovo
soit gérée par le Conseil de sécurité. Ce qui fut fait, et le Conseil adopta une résolution mettant fin au conflit,
résolution qui, il faut le souligner, fut négociée lors de la réunion des ministres des Affaires étrangères du G-8 à
Cologne.
L'action au Kosovo a marqué la victoire des droits de la personne et de l'humanitarisme sur la tyrannie.
Comme l'a déclaré le ministre Axworthy lors de la réunion du G-8 à Cologne, « le Kosovo est la
reconnaissance que le programme sur la sécurité humaine est un effort pour bâtir une société mondiale où la
sécurité des personnes est une priorité universelle et un déclencheur de l'intervention internationale; où les
principes humanitaires internationaux et la primauté du droit sont promus et intégrés dans un tissu cohérent qui
protège l'individu; où ceux qui violent ces principes sont tenus entièrement responsables; et où nos institutions
internationales, régionales et bilatérales sont conçues et dotées des moyens pour renforcer et faire appliquer
ces principes. »
Iraq
Lorsque le Canada est arrivé au Conseil en janvier après les bombardements de l'Iraq par les États-Unis et le
Royaume-Uni un mois plus tôt, le Conseil se trouvait dans une impasse. En janvier, nous avons pris l'initiative
de convaincre le P5 d'assouplir sa position et de faire avancer le dossier. Le plan canadien prévoyait de
constituer des groupes d'experts pour examiner les questions humanitaires, de désarmement, des prisonniers
de guerre koweitiens et des réparations. Les rapports des groupes d'experts ont inspiré un changement de
politique du Conseil sur l'Iraq. Un projet de résolution général, s'appuyant largement sur les rapports des trois
groupes d'experts, devint le centre des négociations indéfiniment prolongées du P5. Finalement adoptée en
décembre, cette résolution n'a pas obtenu le consensus du P5, puisque la Russie, la France et la Chine se
sont abstenues.
La résolution prévoit la reprise des inspections des armes par les Nations Unies, le renforcement des actions
humanitaires et, sous réserve du respect par l'Iraq des obligations de désarmement, un assouplissement des
sanctions à terme. Elle s'efforce de concilier d'une part l'obligation de l'Iraq de respecter toutes les résolutions
précédentes du Conseil et d'accepter le retour des inspecteurs d'armes, et d'autre part l'aide humanitaire. Le
Canada a demandé un assouplissement des sanctions ciblant les populations civiles, grâce à l'intensification
de l'aide humanitaire et à la réponse aux besoins essentiels tels que les vaccins et les équipements pour les
infrastructures hydrauliques. Lors d'une mission spéciale en Iraq en novembre 1999, une délégation
canadienne a rencontré des responsables iraquiens pour débattre de toutes ces questions et les a incités à
respecter leurs obligations internationales. Cette année encore, le Canada poursuivra ses efforts pour amorcer
un dialogue constructif avec l'Iraq pour qu'il tienne ses engagements.
Afrique
La réponse du Conseil aux conflits et aux crises en Afrique n'a pas toujours été aussi rapide et aussi énergique
que la situation l'exigeait. Pour toutes sortes de raisons, le Conseil a souvent préféré déléguer la responsabilité
en matière de prévention, de médiation et de résolution des conflits aux organisations et aux dirigeants
régionaux et infra-régionaux. Les régimes de sanctions n'ont pas eu d'impact décisif. Le bilan des actions de
maintien de la paix des Nations Unies est également mitigé.
En Angola, où la reprise des hostilités a mis fin à la mission des Nations Unies (MONUA), le Conseil a mandaté
une présence réduite qui se cantonne à un rôle de représentation, de supervision des droits de la personne et
de promotion du dialogue entre deux adversaires plus enclins à se faire la guerre qu'à négocier (Luanda
continue de s'opposer à ce que l'office des Nations Unies joue un rôle politique).
Côté positif, un succès important a été remporté en octobre, avec l'autorisation d'une nouvelle mission des
Nations Unies forte de 6 000 hommes (UNAMSIL) chargée de mettre en oeuvre l'accord de paix en Sierra
Leone. Cette mission « hybride » se déploie parallèlement au Groupe de contrôle de la Communauté
économique des États de l'Afrique de l'Ouest (ECOMOG) qui avait jusqu'alors supporté le fardeau de protéger
le gouvernement et la population de la Sierra Leone, avec dans son sillage des coûts humains et financiers
énormes, et qui continuera de jouer un rôle essentiel de sécurité. Le Canada a imprimé sa marque sur
l'UNAMSIL en insistant pour que la mission soit investie d'un mandat explicite de protection des civils, comme
le prévoit le chapitre VII de la Charte des Nations Unies. Anticipant le retrait de l'ECOMOG, le Canada a
également demandé de prévoir un renforcement des troupes et du mandat de l'UNAMSIL pour lui permettre
d'assumer les fonctions de sécurité de l'ECOMOG. Le Canada a également versé 9 millions de dollars à
l'ECOMOG et mis en place un programme de désarmement, de démobilisation et de réintégration des enfants-soldats de la Sierra Leone.
La mission des Nations Unies en République centrafricaine (le Canada est le seul pays non africain à avoir
envoyé des troupes et contribué à des élections présidentielles pacifiques dans le pays) sera progressivement
interrompue et remplacée par une présence plus petite d'édification de la paix.
Timor-Oriental
Après l'explosion de violence qui suivit le référendum sur l'indépendance, le Canada fut l'un des premiers pays
à demander une intervention de maintien de la paix. Il s'est également efforcé, en liaison avec le forum de
l'ANASE, de réunir un soutien régional de l'action des Nations Unies au Timor-Oriental. Pendant les
négociations sur la résolution du Conseil de sécurité sur le Timor-Oriental, le Canada a soutenu l'intégration
d'une mention relative à la protection des civils. La mention suivante est extraite de la résolution 1272 du
Conseil de sécurité : « Gravement préoccupé par la situation humanitaire dramatique qui résulte de la violence
au Timor-Oriental et des déplacements massifs de civils, notamment d'un grand nombre de femmes et
d'enfants. Réaffirmant la nécessité pour toutes les parties d'assurer la sauvegarde des droits des réfugiés et
des personnes déplacées et de veiller à ce qu'ils puissent retourner chez eux de leur plein gré et en toute
sécurité, [...] Le Conseil de sécurité [...] autorise l'UNTAET à prendre toutes les mesures nécessaires pour
remplir son mandat. »
Le Canada a également demandé le remplacement rapide de la Force internationale au Timor-Oriental
(INTERFET), financée par un nombre limité de participants, par son successeur onusien, l'Administration de
transition des Nations Unies au Timor-Oriental (UNTAET), qui sera financée par le système de contributions
obligatoires. Cela permettra une plus large participation et une prise en charge universelle des coûts de l'effort
de paix au Timor-Oriental, comme le prévoit la Charte.
Afghanistan
Concernant l'Afghanistan, bien que le Canada ait soutenu les sanctions à l'encontre des taliban pour
manifester ouvertement l'opposition au terrorisme, nous affirmons que d'autres pratiques odieuses des taliban,
notamment des violations des droits de la personne perpétrées contre des femmes et des fillettes, ne doivent
pas rester impunies. Nous évoquerons de nouveau cette question durant l'année qui vient.
III. Principaux défis et obstacles à l'action
L'ingérence humanitaire
L'un des principaux défis que rencontre la communauté internationale est la réponse à apporter aux violations
caractérisées des droits de la personne et aux crises humanitaires permanentes. Le Kosovo et le Timor-Oriental l'ont, chacun à leur manière, contraint à relever ce défi. Le Kosovo, en particulier, a remis en cause la
suprématie jusqu'alors incontestée de la souveraineté nationale. L'intervention militaire de l'OTAN a traduit la
reconnaissance de l'importance du droit des peuples. L'évolution sur ce dossier accrédite la thèse selon
laquelle la légitimité d'un régime est sanctionnée par le peuple et que la souveraineté est assortie de certaines
responsabilités incontournables.
Le Secrétaire général des Nations Unies Kofi Annan, dans son discours lors de la session d'ouverture de la 54e
Assemblée générale, a inscrit sans détour cette question à l'ordre du jour international en déclarant : « La
souveraineté d'un État, dans son acception la plus fondamentale, est redéfinie [...] Aujourd'hui, l'État est
considéré comme le serviteur de son peuple, et pas l'inverse. »
Le Secrétaire général a ajouté que les violations patentes et systématiques des droits de la personne ne
doivent pas être tolérées, soulignant que rien dans la Charte des Nations Unies n'empêche d'affirmer que les
droits ne s'arrêtent pas aux frontières. Il a incité les membres du Conseil de sécurité et les Nations Unies dans
leur ensemble à soutenir unanimement les interventions légitimes destinées à protéger les civils. M. Annan a
ainsi inscrit en première ligne de l'ordre du jour international ce défi à la paix et à la sécurité internationales.
Lors de la récente réunion des ministres des Affaires étrangères du G-8 à Berlin, le Canada a soumis un
document présentant son analyse de l'ingérence humanitaire et ses propositions pour faire avancer les
discussions et les actions sur ce thème.
Durant l'année à venir, au sein des Nations Unies et auprès d'autres forums, le Canada s'emploiera à
approfondir plus encore le concept d'ingérence humanitaire.
La sécurité internationale et la sécurité humaine
Une contrainte fondamentale qui pèse sur l'efficacité du Conseil tient à deux facteurs : le mandat qui lui est
assigné dans la Charte des Nations Unies et la réticence de nombreux États membres, y compris certains
membres permanents, à élargir la définition de la sécurité pour englober de nouveaux impératifs liés à la
sécurité humaine. La Charte interdit explicitement les agressions contre les États considérées comme une
menace pour la paix et la sécurité internationales, et accorde des pouvoirs légitimes au Conseil de sécurité
pour prendre des mesures propres à restaurer l'ordre, y compris le recours à la force. Toutefois, la Charte
n'envisage pas explicitement de réponse aux menaces intra-étatiques à la paix, notamment les actes des
gouvernements à l'encontre de leurs propres sujets, même s'ils ont des conséquences déstabilisantes sur les
pays voisins et des régions tout entières. Même si les Nations Unies ont souvent trouvé les moyens de réagir à
des crises humanitaires dans le cadre existant, on s'interroge de plus en plus sur ses capacités à faire face aux
conflits internes de plus en plus nombreux.
Certains continuent de voir dans les dispositions de la Charte relatives à l'égalité souveraine de tous ses États-membres et à la non-ingérence dans les affaires qui sont essentiellement de la compétence nationale d'un État
un parti pris en faveur de la sécurité de l'État par rapport à celle des individus, ce qui justifie leur opposition à
l'action du Conseil pour des motifs de sécurité humaine. Parallèlement, les droits de la personne et les
principes humanitaires gagnent du terrain grâce à l'accumulation de traités, de conventions, d'autres actes et
d'initiatives, notamment la création récente de tribunaux criminels internationaux et l'adoption du statut de la
Cour criminelle internationale élaboré à Rome. Ces évolutions ont favorisé l'érosion de la souveraineté de l'État
lorsqu'elle est en porte-à-faux avec les droits de la personne et les valeurs humanitaires.
Tous les textes qui définissent le rôle et le mandat des Nations Unies, notamment la Charte, la Déclaration
universelle des droits de l'homme et d'autres conventions, traités et protocoles, plaident en faveur d'une base
d'action pour des motifs humanitaires et liés aux droits de la personne afin de protéger les peuples, leurs droits
et leurs libertés. Par exemple, les conventions sur les droits de la personne adoptées en 1966 et entrées en
vigueur 10 ans plus tard sont légalement contraignantes pour les États qui les ont ratifiées. En vertu de leur
droit souverain, des États se sont associés à des conventions, à des traités et à des protocoles et se sont
engagés à remplir certaines obligations découlant de ces instruments juridiques internationaux. Ces textes
limitent la souveraineté de l'État dès lors qu'elle entre en conflit avec les droits de la personne ou avec des
principes déjà entérinés relatifs aux droits humanitaires internationaux. L'application de ces instruments
juridiques internationaux dépend notamment de la volonté politique des États membres des Nations Unies, en
particulier des membres du Conseil de sécurité, d'engager les actions nécessaires pour protéger les peuples.
Rôle de maintien de la paix des Nations Unies
On constate un contraste flagrant entre la disponibilité pour engager des opérations de grande envergure au
début de la décennie (ex. Cambodge, Angola, Mozambique, Croatie, Bosnie) et la réticence qui se manifeste
aujourd'hui. Bien que les nouvelles missions en Sierra Leone et au Timor-Oriental soient des signes
encourageants d'une résurgence de cette volonté, les négociations qui y ont abouti furent très difficiles,
notamment sur les questions de mandat et de financement. Il y a tout lieu de croire que la même réticence
caractérisera les décisions sur les missions de maintien de la paix des Nations Unies dans un proche avenir.
Le Canada plaide en faveur d'une nouvelle approche favorable à l'autorisation des missions des Nations Unies
et au déploiement de forces de maintien de la paix, afin que ne se répètent pas les catastrophes humanitaires
qui ont entaché la dernière décennie.
De nombreux déploiements militaires récents et en cours des Nations Unies, quoiqu'autorisés par le Conseil,
sont la résultante d'une coalition de volonté qui échappe au contrôle de l'Organisation. À l'exception de
l'UNAMSIL, la plupart des missions des Nations Unies en Afrique se résument à des déploiements limités et
largement symboliques de civils et d'observateurs policiers ou militaires qui supervisent le travail accompli par
d'autres organisations. Dans les Balkans, c'est l'OTAN qui est la principale force de maintien de la paix, pas les
Nations Unies. Le rôle assigné aux Nations Unies au Kosovo, bien qu'important, est de nature civile et pourvu
de maigres ressources. Cette attribution de rôles militaires à d'autres organismes traduit l'abandon par les
Nations Unies de leur mandat de sécurité collective multilatérale qui est le fondement de l'Organisation. Le
Canada s'oppose au recours croissant à des groupes régionaux ou infra-régionaux pour des actions de
maintien de la paix et de sécurité du fait des résultats inégaux qu'il génère, compte tenu de la capacité plus ou
moins grande dont disposent ces groupes pour assumer ces fonctions d'une région du monde à l'autre.
La mise sur pied de plusieurs grandes missions de soutien de la paix cette année a mis en évidence le
manque de capacités et de financement (comme en témoigne le recours croissant aux Fonds d'affectation
spéciale) au sein des Nations Unies pour gérer ce nouveau type d'opération. Compte tenu du rôle de plus en
plus important joué par les civils dans les opérations de protectorat du type de celles menées au Kosovo et au
Timor-Oriental, l'incapacité des Nations Unies d'assurer un déploiement rapide et efficace d'experts civils est
particulièrement préoccupante. La réticence à confier les rôles d'imposition de la paix prévus au chapitre VII à
des forces commandées par les Nations Unies incite à faire appel à des coalitions de groupes de bonne
volonté pour engager des actions militaires d'envergure. Nous devons réfléchir davantage à l'efficacité des
opérations menées par les coalitions et de celles commandées par les Nations Unies dans les missions ayant
un fort impact potentiel.
Le Canada reste un partisan convaincu des missions de maintien ou de consolidation de la paix correctement
financées et soutenues car elle peuvent sauver des vies humaines. Le Canada a joué un rôle actif en Haïti,
pays qui continue de poser problème dans la région. Lorsque le Conseil de sécurité a fait connaître sa décision
de ne pas reconduire sa mission en Haïti, le Canada a contribué à placer son mandat et celui de la mission de
l'Assemblée générale sous la responsabilité de la nouvelle Mission civile internationale de soutien en Haïti
(MICAH) sous l'autorité exclusive de l'Assemblée générale. Cette nouvelle mission continuera d'exercer des
fonctions de maintien de l'ordre et de sauvegarde des droits de la personne et assumera de nouvelles
responsabilités en matière de justice. Le Canada restera engagé en Haïti.
Désaccord et veto au sein du P5
L'unanimité du Conseil reste hors de portée sur de nombreux problèmes. Le Secrétaire général, M. Annan, a
récemment déploré ce qu'il a qualifié « d'érosion progressive de l'atmosphère collégiale et du sens de la
responsabilité collective » qui caractérisait le Conseil juste après la fin de la Guerre froide. La marge d'action
du Conseil s'en trouve réduite. Les désaccords politiques entre les membres du P5, associés au droit de veto
et à l'obligation de consensus, érigent des barrières à l'action. Ces contraintes peuvent encourager le recours à
d'autres organisations disposant de procédures plus souples et plus efficaces et où règne un climat de
négociation plus propice au compromis et au consensus. Par exemple, la mission au Kosovo a été menée hors
du cadre des Nations Unies, justement parce qu'il était évident que deux membres permanents se seraient
opposés à toute résolution sur une intervention.
Intérêt national et intérêt collectif
La tendance continue de certains membres permanents d'utiliser le Conseil pour promouvoir des intérêts
nationaux plutôt que collectifs est un autre facteur qui entrave l'efficacité du Conseil. Le Canada juge
particulièrement improductif le veto opposé en février dernier à l'UNPREDEP, la mission de déploiement
préventif des Nations Unies en Macédoine, à la veille de la guerre au Kosovo.
Conclusion
En 1999, le Conseil a poursuivi son travail à un rythme très soutenu, ce qui a conduit le New York Times à
remarquer qu'il se livrait certes à une débauche d'activités, mais que ces activités semblaient avoir de moins
en moins d'importance. Bien que ce jugement soit juste concernant la paralysie du Conseil sur des dossiers
clés en début d'année, il est pour le reste excessif. Il est encourageant de constater qu'en 1999 le Conseil a su
se réengager dans un climat d'échec des actions collectives. En outre, des désaccords tranchés entre les
membres du Conseil sur des dossiers, dont certains fondamentaux comme des actions coercitives au Kosovo,
n'empêchent pas forcément un consensus ou un engagement significatif sur d'autres tels que le Timor-Oriental
et la Sierra Leone.
Pour être un outil indispensable de sécurité multilatérale, le Conseil doit s'adapter à la transformation du
contexte de la sécurité. Cette année, il a perdu de son autorité en négligeant de le faire. Comme l'a déclaré le
ministre Axworthy, « le Conseil de sécurité a un rôle vital à jouer lorsqu'il s'agit de contrer ces menaces. Il ne
devrait pas y avoir d'erreur. La protection des civils en situation de conflit armé n'est pas un ajout secondaire
au grand mandat du Conseil qui est de garantir la paix et la sécurité internationales. C'est au contraire un
élément central. »
Lorsque le Canada entreprit son programme sur la sécurité humaine, bien peu prévoyaient qu'il aurait la
légitimité dont il jouit aujourd'hui. L'importance de la sécurité humaine dans les événements de l'année
dernière témoigne de la transformation progressive de la logique de la Guerre froide en faveur d'une nouvelle
approche plus propice à la lutte contre les nouvelles menaces à la sécurité humaine mondiale.
Durant l'année à venir, le Canada, qui a posé des fondements solides la première année de sa présence au
Conseil de sécurité, poursuivra un programme ambitieux. Nous nous efforcerons de faire avancer les
principales recommandations contenues dans le rapport du Secrétaire général sur les civils dans les conflits
armés, notamment sur le plan de la protection physique.
Le Canada considérera également comme prioritaires les questions des sanctions ciblées, de l'ingérence
humanitaire, de la transparence et des enfants victimes de la guerre dans son action au sein des Nations
Unies et d'autres forums.
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