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DISCOURS


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M. AXWORTHY - ALLOCUTION À LA CONFÉRENCE DES AMÉRIQUESDE L'ORGANISATION DES ÉTATS AMÉRICAINS - WASHINGTON, D.C.

98/13 SOUS RÉSERVE DE MODIFICATIONS

NOTES POUR UNE ALLOCUTION

DE

L'HONORABLE LLOYD AXWORTHY,

MINISTRE DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES,

À LA CONFÉRENCE DES AMÉRIQUES

DE L'ORGANISATION DES ÉTATS AMÉRICAINS

WASHINGTON, D.C.

Le 6 mars 1998

Ce document se trouve également au site Internet du Ministère :

http://www.dfait-maeci.gc.ca

Mesdames et Messieurs,

Je suis honoré d'avoir été invité à prononcer le discours de clôture de cette conférence qui souligne le cinquantenaire de l'Organisation des États américains [OEA]. C'est un grand plaisir de m'adresser à un auditoire aussi varié et distingué.

Dans une ère nouvelle en évolution rapide, les institutions internationales doivent s'affranchir de la façon de penser traditionnelle. Elles doivent se repenser et se réinventer. Cet hémisphère est depuis longtemps un intervenant de premier plan dans l'activité multilatérale. Je suis heureux de voir que l'OEA profite de l'occasion de son cinquantenaire pour se positionner une fois de plus à l'avant-garde du changement. Elle a réuni un groupe de réflexion pragmatique des représentants des milieux gouvernementaux, du commerce et de la société civile, de même que plusieurs lauréats du prix Nobel de l'hémisphère dans le dessein de l'aider à préparer son avenir.

Faire de l'hémisphère notre chez-nous

Au Canada, nous nous intéressons aussi à notre avenir dans cette région. Dans une de ses premières allocutions comme leader du Parti libéral, le premier ministre Jean Chrétien a dit vouloir faire de l'hémisphère notre chez-nous. Dans le bref intervalle depuis que le Canada a adhéré à l'OEA, nous n'avons ménagé aucun effort pour transformer ce voeu en réalité.

Au plan économique, le Canada s'est de plus en plus intégré dans l'hémisphère par le truchement des accords de libre-échange : l'Accord de libre échange nord-américain [ALENA], l'accord de libre-échange avec le Chili et bientôt, nous l'espérons, un accord créant une zone de libre-échange des Amériques [ZLEA]. Nous en voyons déjà les résultats. Nos échanges avec l'Amérique latine et les Antilles ont plus que doublé par rapport à leur niveau d'il y a cinq ans. La récente visite d'Équipe Canada en Amérique latine, effectuée sous la direction du premier ministre, contribuera à actualiser les chances d'accroître le commerce entre nos pays.

Mais l'engagement croissant du Canada dans l'hémisphère ne se limite pas au commerce et à l'investissement. Notre pays est le deuxième contributeur financier à l'OEA et à l'Organisation panaméricaine de la santé. Le premier ministre Chrétien a participé au premier Sommet des Amériques à Miami, et il attend avec grand intérêt le deuxième sommet, à Santiago, et le lancement des négociations qui mèneront à la ZLEA.

Nous collaborons de façon de plus en plus soutenue avec bon nombre de pays de la région, bilatéralement, dans des groupes politiques régionaux comme le Groupe de Rio et au sein d'instances multilatérales. En Haïti et au Guatemala, le Canada collabore avec l'Organisation des Nations unies [ONU], l'OEA et d'autres organisations à la consolidation de la paix et au renforcement de la stabilité régionale.

Mais, surtout, de plus en plus de Canadiens sont d'origine latino-américaine et antillaise, et nos citoyens ont de plus en plus d'occasions d'apprendre à mieux se connaître. Grâce au Programme canadien des stages internationaux pour les jeunes, bon nombre de jeunes Canadiens travaillent aujourd'hui dans des pays membres de l'OEA. Je suis heureux de vous dire que mon collègue Sergio Marchi, le ministre du Commerce international, a annoncé aujourd'hui un nouveau projet dans le cadre de ce programme. Par l'entremise du Centre de recherches sur l'Amérique latine et les Antilles de l'Université York, le Canada placera 15 jeunes stagiaires canadiens au Secrétariat de l'OEA.

Vous conviendrez donc avec moi que nous avons fait beaucoup de progrès pour faire de l'hémisphère notre chez-nous. Et ce n'est pas fini. Comme je viens de Winnipeg, j'attends avec impatience les Jeux panaméricains que ma ville accueillera en 1999. Je me réjouis également de ce que le Canada soit l'hôte de l'Assemblée générale de l'OEA en l'an 2000.

Une nouvelle politique étrangère pour une ère nouvelle

Bien plus que d'une série d'événements sans suite, il s'agit d'un phénomène qui s'inscrit dans la redéfinition globale de la politique étrangère du Canada. Dans un monde en évolution, nous avons jugé essentiel de développer de nouveaux partenariats, tant au Canada qu'à travers le monde.

Nous avons décidé de conduire cette nouvelle diplomatie en raison de quatre facteurs :

premièrement, le bouleversement du paysage international amené par la fin de la guerre froide, les réalignements du pouvoir économique et politique et une intégration mondiale croissante;

deuxièmement, l'importance accrue des enjeux de sécurité humaine dans l'ordre du jour international, des enjeux qui touchent directement l'individu comme le trafic illicite des drogues, les problèmes environnementaux et les violations des droits de la personne;

troisièmement, l'entrée en scène de nouveaux acteurs puissants, y compris de grandes sociétés, des organismes non gouvernementaux et des organisations régionales comme le Groupe de Rio, le CARICOM et la Communauté andine;

quatrièmement, l'importance croissante de ce que Joseph Nye, intellectuel et diplomate, appelle le « pouvoir discret », le pouvoir qui vient des idées attrayantes, du partage des valeurs et du partenariat plutôt que de la puissance militaire et économique.

La campagne qui a abouti à la signature, à Ottawa en décembre dernier, d'un traité international d'interdiction des mines terrestres antipersonnel est, selon moi, un excellent exemple du « pouvoir discret » en action. Une coalition ponctuelle mais non moins efficace d'États et d'organismes non gouvernementaux a réussi à mobiliser les gouvernements et l'opinion publique internationale en un temps record. Cette coalition, au sein de laquelle les membres de l'OEA ont joué un rôle crucial, est venue à bout de l'impasse dans certaines organisations multilatérales existantes ainsi que du scepticisme affiché par plusieurs des grandes puissances.

Bon nombre de nations ont été sensibilisées à la nécessité de cerner et identifier le rôle qu'elles entendent jouer dans cette nouvelle donne. C'est peut-être ce qui explique la prolifération de nouveaux slogans nationaux, par exemple la « nouvelle Grande-Bretagne » et les États-Unis en tant que « nation indispensable ».

Dans ce contexte, j'ai parlé du Canada comme de la « nation à valeur ajoutée ». Par sa nouvelle approche de la politique étrangère, le Canada cherche à enrichir la communauté internationale, principalement par l'exercice du « pouvoir discret ». Les qualités qui caractérisent le Canada -- une tradition faite d'engagement en faveur de la réconciliation et de la paix, de respect de toutes les cultures et de tous les groupes ethniques, ainsi que de bilinguisme et de fédéralisme souple -- lui permettent d'apporter une contribution spéciale sur la scène internationale.

Ces qualités nous ont amenés à élargir nos horizons et à trouver de nouvelles façons de conduire nos relations internationales. Par exemple,

nous faisons la promotion de la diplomatie publique au pays, grâce à des initiatives comme le Forum national sur les relations internationales, et, dans le monde;

nous formons de nouvelles alliances à l'étranger, dont certaines avec des partenaires non traditionnels. Celles-ci vont de dialogues bilatéraux sur les droits de la personne avec Cuba et la Chine à des relations de travail plus étroites avec le Japon, la Nouvelle-Zélande, l'Australie et des pays de l'Amérique latine et des Antilles à l'ONU;

nous jouons un rôle actif dans la réforme et le renforcement des institutions internationales, y compris l'ONU et l'OEA elle-même;

nous trouvons des façons d'amener les acteurs non étatiques à se conformer aux normes internationales, par exemple en concevant des mesures de consolidation de la paix qui engagent les groupes non étatiques impliqués dans des conflits internes;

nous veillons à ce que des secteurs marginalisés de la société figurent en bonne place dans l'ordre du jour international, en mettant l'accent sur des questions comme le travail des enfants et les aspects sexospécifiques de la consolidation de la paix dans des sociétés déchirées par des conflits.

Le Canada et l'OEA dans une ère nouvelle

Bon nombre des valeurs qui sous-tendent cette politique étrangère sont des valeurs que nous partageons avec les autres membres de l'OEA : notre foi dans la démocratie, les droits de la personne, la primauté du droit, la prospérité de nos populations et la dignité fondamentale de l'être humain. Mais le Canada possède une vaste expérience qui lui permet d'apporter à l'hémisphère une plus-value particulière à divers égards, de la gouvernance sociale et urbaine au règlement pacifique des conflits et à l'utilisation de technologies de pointe dans le secteur de l'information.

Le Canada et l'OEA sont bien placés pour mettre, ensemble, le « pouvoir discret » au service de nouvelles priorités et exigences dans une ère nouvelle. À mon avis, ces priorités peuvent être regroupées dans trois grands domaines : le renforcement des institutions régionales; le « nouveau » programme en matière de sécurité et de désarmement et l'ordre du jour plus large de la sécurité humaine.

Dans ces trois domaines, nous devons nous assurer de mettre à contribution la société civile pour qu'elle travaille de concert avec les gouvernements face à ces nouveaux défis. Comme l'a montré la campagne contre les mines terrestres, c'est là un élément crucial de l'exercice réussi du « pouvoir discret ». Nous devons faire fond sur les mesures importantes prises par l'OEA, dans le cadre de sa stratégie interaméricaine de participation publique aux questions de développement durable, et par le processus du Sommet, au niveau du partenariat intergouvernemental.

Renforcement et transformation des institutions

Pour préparer l'OEA aux 50 années à venir, le moment est venu de jeter un regard neuf sur l'Organisation. Nos institutions régionales ont-elles les mandats, les ressources et l'architecture nécessaires pour être efficaces? L'Organisation ne peut réussir dans cette entreprise que si elle a le plein appui de ses membres. Ces derniers ne peuvent pas se permettre de laisser l'OEA reculer sur la liste de leurs priorités. Si nous ne travaillons pas de façon constructive, si nous ne payons pas nos contributions, nous ne serons pas en mesure de préparer l'avenir.

L'OEA change. Sous le leadership du secrétaire général César Gaviria, elle s'ouvre à des perspectives et à des idées nouvelles et appuie de nouvelles initiatives comme les discussions sur la ZLEA. Des réformes et des réaménagements majeurs sont déjà en cours aux Nations unies et dans les institutions financières internationales.

Des changements fondamentaux peuvent aussi se faire dans notre propre hémisphère. Grâce à la restructuration et à une meilleure coordination, l'OEA, la Banque interaméricaine de développement et l'Organisation panaméricaine de la santé peuvent s'acquitter de leur mandat commun dans des domaines comme le développement durable et équitable.

Le processus du Sommet des Amériques est un bon exemple d'une approche axée sur le « pouvoir discret ». Il repose sur un partenariat dans le cadre duquel les leaders mènent ensemble des actions convenues, aux plans national et multilatéral, pour faire progresser la prospérité et la démocratie dans l'hémisphère. Forum politique hémisphérique, l'OEA a un rôle central dans ce nouveau partenariat multilatéral. Cette conférence du 50e anniversaire de l'Organisation est une première étape importante dans le couplage des activités d'institutions interaméricaines comme l'OEA et des objectifs du Sommet des Amériques.

Cuba et l'OEA

Au moment d'entamer les 50 prochaines années de l'Organisation, il est sûrement temps que tous les membres de l'OEA examinent quand pourra être réintégré le 35e membre de l'Organisation, Cuba.

Grâce aux efforts déterminés et concertés de tous ses membres, l'OEA peut jouer un rôle crucial dans un dialogue plus large avec Cuba. Je suis encouragé par les récents commentaires du secrétaire général Gaviria à cet égard. D'autre part, le gouvernement de Cuba peut faciliter sa réintégration politique en montrant qu'il est prêt à adopter les valeurs démocratiques qui ont cours dans la région.

Le temps est venu de renouer avec Cuba et d'engager avec lui le dialogue sur les questions qui nous préoccupent, et promouvoir de la sorte des changements positifs. Le Canada a établi un dialogue bilatéral avec Cuba relativement aux droits de la personne et sur un vaste éventail d'autres questions. Tout récemment, lors de la visite à Ottawa du vice-président Lage, nous avons renouvelé un accord contre la piraterie aérienne et discuté de mesures qui amélioreraient la stabilité régionale et mondiale. Dans le sillage de la visite historique du pape à Cuba, le Canada a convenu en principe d'accepter 19 prisonniers d'opinion cubains qui, autrement, n'auraient pas été libérés. Ce sont là, croyons-nous, les premiers gestes qui nous mèneront au jour où l'OEA deviendra l'institution qui regroupera tous les États de la région.

Les nouveaux enjeux de la sécurité

Nous touchons ici au deuxième des trois champs d'action prioritaires auxquels j'ai fait référence, à savoir les nouveaux enjeux dans le domaine de la sécurité et du désarmement. Il faut d'abord s'attaquer aux menaces que font peser sur la sécurité des personnes, notamment sur la vie quotidienne de millions de gens, des armes comme les mines antipersonnel.

Les membres de l'OEA ont joué un rôle de premier plan dans la lutte contre les mines antipersonnel. En effet, 33 des 35 membres ont signé le traité interdisant ces armes meurtrières. J'espère que cet impressionnant mouvement de solidarité régionale se poursuivra et que les États membres ratifieront le traité aussi rapidement que possible. Faisons une fois de plus preuve de leadership international en devenant la première région du monde dont tous les signataires auront ratifié le traité.

L'OEA peut exercer un leadership dans un autre domaine, soit dans le développement d'une approche intégrée et coordonnée pour ce qui est de la destruction des stocks, du déminage, de la réadaptation et de la réintégration des survivants d'explosions des mines. Le Canada a promis qu'il verserait 100 millions de dollars aux fins la mise en oeuvre du traité. De concert avec d'autres pays nous examinons maintenant les moyens d'utiliser cet argent de la façon la plus efficace possible. Au cours de la récente visite du premier ministre en Amérique latine, nous avons signé avec l'Argentine, le Brésil et le Mexique des accords qui constituent un cadre pour la coopération en matière de déminage dans des pays tiers.

Ce faisant, nous pouvons nous inspirer du rôle de l'OEA qui a fait œuvre de pionnière en matière de déminage en Amérique centrale, ce qui permettra de « débarrasser cette région des mines » d'ici à l'an 2000. Il s'agira d'une réalisation dont nous aurons raison d'être fiers, et d'un exemple concret que pourront suivre les autres régions du monde.

Les armes légères

Les armes légères, telles les mines antipersonnel, posent un problème qui déborde le cadre des catégories traditionnelles, d'où les efforts déployés par nombre d'institutions et d'organismes existants. Sans être purement un problème humanitaire, ni purement une question qui touche au désarmement, la prolifération des armes légères et bon marché n'en continue pas moins de dévaster, partout au monde, les sociétés frappées par des conflits. Le AK-47 constitue une menace réelle et immédiate pour la vie de millions de civils, dont de nombreux enfants, au même titre que les mines antipersonnel.

L'OEA a entrepris une démarche novatrice en cherchant à résoudre un aspect important de ce problème, à savoir le trafic illicite des armes à feu. En signant la Convention interaméricaine contre la fabrication et le trafic illicites des armes à feu, munitions, explosifs et autres matériels connexes, la première en son genre au monde, les membres de l'OEA se sont attaqués au problème du commerce illicite des armes à feu par un contrôle plus efficace du commerce licite. Il s'agit d'une preuve tangible que les États membres sont résolus à prendre des moyens d'action collectifs contre le crime et la violence dans les Amériques.

Le temps est maintenant venu de franchir une autre étape et de nous attaquer à d'autres aspects de la question des armes légères, et ce grâce à des approches pratiques conçues sur mesure pour traiter des problèmes réels sur le terrain, à savoir le désarmement et la réintégration des enfants soldats, le rachat d'armes dans des sociétés qui en sont saturées, enfin, le réapprentissage et l'approvisionnement en nouvel équipement des gens au sein de ces sociétés, de manière à ce qu'ils puissent mener une vie productive dans un contexte de paix.

Le commerce de la drogue

Mettre fin au commerce de la drogue est un autre objectif prioritaire de la « nouvelle » stratégie en matière de sécurité. La perméabilité des frontières, l'intégration économique mondiale et les possibilités de communiquer instantanément profitent aussi bien au commerce illicite que licite. Ajoutez à cela la faiblesse des institutions d'État, voire même, dans certains cas, l'impuissance des États, le commerce illicite des armes légères, et les immenses sommes d'argent engendrées par ce commerce, et vous vous retrouvez avec un problème insoluble et universel.

Il est évident que la force « brute », à savoir les sanctions économiques et l'intervention militaire, ne suffit pas à résoudre ce genre de problème. Le commerce de la drogue se joue des frontières. Ses effets sont par surcroît étendus et insidieux, que ce soit sur la société, l'économie, le développement et les droits de la personne, ou le bon gouvernement. Pour s'attaquer à ce problème, il faut compter non seulement sur la coopération entre les gouvernements, mais aussi sur l'appui et la participation des acteurs qui ne relèvent pas de l'État.

L'OEA a pris d'importantes mesures pour s'attaquer au problème en établissant une approche multilatérale et équilibrée par l'intermédiaire de la stratégie de lutte contre la drogue de l'hémisphère et dans le travail de la Commission interaméricaine de lutte contre l'abus des drogues, enfin, en travaillant à la création d'un mécanisme multilatéral d'évaluation et de contrôle (MEMM).

Nous devons maintenant faire fond sur notre approche multilatérale, en reconnaissant qu'il s'agit d'un problème commun

qui touche à la fois les sociétés d'où provient la drogue, celles où elle transite, et celles où on l'a consomme. Nous devons éradiquer tant l'offre que la demande. Pour cela, il nous faut un plan de coopération plus vaste, mis en branle par de hautes sphères politiques et liant des stratégies intérieures et multilatérales.

L'ordre du jour en matière de sécurité des personnes

Selon moi, le troisième champ d'action prioritaire de l'OEA doit être, dans une perspective plus large, le plan d'action en matière de sécurité des personnes, qui englobe les droits de la personne, la consolidation de la paix, ainsi que le développement durable et équitable. La place prépondérante de ces questions dans nos discussions, au cours des deux derniers jours, témoigne de leur importance.

Tous nos citoyens, y compris les femmes, les enfants, les personnes handicapées et les autochtones, doivent pouvoir vivre dans des sociétés qui reflètent leurs intérêts, répondent à leurs aspirations légitimes et garantissent une véritable participation à la vie politique, économique et sociale de nos pays. Comme l'ont déclaré nos dirigeants à Miami, « c'est à l'aune des droits dont jouissent ses membres les moins influents que nous jugeons une démocratie ».

L'OEA joue un rôle de premier plan dans la promotion d'un système fondé sur des règles, l'une des pierres angulaires de l'exercice d'un « pouvoir discret ». Elle a déjà démontré sa compétence en ce domaine en créant le système interaméricain des droits de l'homme, la Résolution 1080, les protocoles de Washington et de Managua, et l'Unité pour la promotion de la démocratie. N'empêche que l'OEA fait encore face à des défis de taille :

comment renforcer le rôle de la Commission et préserver son indépendance;

comment s'y prendre pour mieux associer les institutions régionales existantes, les systèmes nationaux des droits de la personne et les défenseur des droits de la personne;

comment s'y prendre pour compléter plus efficacement la défense des régimes politiques démocratiques lorsqu'il s'agit de renforcer les institutions et les valeurs démocratiques.

Les autochtones

Au chapitre des droits de la personne, les droits des autochtones figurent parmi les dossiers qui préoccupent le Canada et de nombreux autres pays de l'hémisphère. Ici encore, nous avons oeuvré à l'échelle multilatérale, régionale et bilatérale.

Aux Nations unies, le Canada a participé très activement à l'élaboration de la Déclaration sur les droits des peuples autochtones. Au sein de l'OEA, nous souhaitons que soit élaborée, par l'entremise de la Commission des droits de l'homme, une déclaration interaméricaine qui soit conforme à l'instrument des Nations unies et qui le complète. Le fait que les autochtones fassent l'objet d'une mention spéciale à l'ordre du jour du Sommet de Santiago, dossier que coordonne le Canada, est un autre signe encourageant de l'engagement régional à cet égard.

À l'échelle bilatérale, le Canada a été l'hôte au Mexique en 1996 d'une table ronde économique à laquelle ont pris part des chefs d'entreprise et des dirigeants autochtones des deux pays. Cet événement a marqué le début d'un processus permanent de création de coentreprises prometteuses entre des gens d'affaires autochtones du Canada et du Mexique. Nous sommes en train de planifier une seconde table ronde.

Au début de l'année, j'ai annoncé que nous avions nommé M. Blaine Favel au poste de conseiller du Canada pour les questions autochtones à l'échelle internationale. M. Favel vient de terminer une visite bilatérale fructueuse au Guatemala, au Nicaragua et au Costa Rica, et s'emploiera à accroître l'activisme du Canada concernant les dossiers autochtones à tous les niveaux.

Les droits des personnes handicapées sont, eux aussi, une question relevant des droits de la personne qui présente une importance particulière pour les Canadiens. Le Canada soutient sans réserve le travail effectué à l'OEA en vue d'une convention visant à éliminer toutes les formes de discrimination contre les personnes handicapées. Nous déployons également des efforts à cet égard au sein de l'ONU. Dans les deux institutions, notre objectif principal est de considérer les droits des personnes handicapées non pas comme une simple question de développement social, mais comme une question relative aux droits de la personne, qu'il faut intégrer dans l'ensemble des activités de l'Organisation. Dans ce contexte, nous sommes fiers d'avoir remporté récemment le prix international Franklin D. Roosevelt, qui rend hommage aux efforts que nous déployons pour intégrer les personnes handicapées à la société canadienne.

Consolidation de la paix

La défense des droits de la personne est intimement liée à la prévention des conflits, ainsi qu'à la réconciliation dans les régions récemment marquées par des troubles. L'OEA et le Canada peuvent tous deux ajouter une valeur spéciale grâce à des approches favorisant la recherche d'un consensus et à la collaboration avec la société civile, surtout au niveau local. Il y a maintenant un peu plus d'un an, le Canada a mis en oeuvre une initiative et un fonds pour la consolidation de la paix. Il peut, de la sorte, poursuivre des projets à l'étranger et renforcer nos capacités au Canada même en vue de prévenir les conflits et de consolider la paix une fois la paix revenue.

Le travail accompli en Haïti et au Guatemala nous démontre à tous, par l'expérience, la nécessité d'une plus vaste coordination des efforts que nous déployons ainsi que le besoin de nouveaux instruments et de nouvelles approches. Il est vrai que les opérations de maintien de la paix au sens traditionnel sont importantes, mais elles ne peuvent reconstruire des sociétés prises au piège dans des cycles de violence interne de longue durée.

Par l'intermédiaire de l'OEA et d'autres organes régionaux, nous devons réorienter nos efforts vers des domaines comme la démilitarisation, le désarmement des combattants et le rachat des armes légères, la reconstruction des capacités au sein du gouvernement, et l'appui au retour de la règle de droit dans le cadre d'un système de justice effectif. C'est dans ce contexte que le premier ministre a récemment indiqué que le Canada était intéressé à collaborer avec l'Argentine à la mise sur pied de missions de « casques blancs » aux fins de la consolidation de la paix.

Conclusion

Aujourd'hui, alors que nous en célébrons le 50e anniversaire, l'OEA a atteint un point tournant. En raison des progrès réalisés au cours de ce demi-siècle d'existence, mais aussi à cause des profonds changements qui ont marqué le monde dans lequel l'Organisation est appelé à évoluer au cours des années à venir.

Les périodes de changement fondamental suscitent toujours des inquiétudes. Certes, les défis à relever sont de taille. Mais je crois qu'il y a des occasions considérables pendant une époque où le pouvoir discret joue un rôle sans cesse croissant dans le domaine des relations internationales. Des occasions que les capacités de l'OEA lui permettent très bien de saisir.

En coopérant, en faisant preuve de souplesse, en nous engageant à respecter une échelle de valeurs claire et intéressante et en étant disposés à engager dans l'action la société civile et d'autres joueurs qui se font jour à l'échelle internationale, nous pouvons être efficaces. Nous avons la capacité, comme jamais auparavant, d'instaurer la stabilité, la paix et la prospérité dans l'hémisphère. Encouragés par nos atouts, prouvons que nous sommes à la hauteur.

Les Canadiens ont la réputation d'être des gens humbles et modestes. Sir Wilfrid Laurier s'est démarqué de cet état d'esprit lorsqu'il a fait observer, au début de notre siècle, que le Canada grandissait telle une étoile vers laquelle étaient tournés les regards de tout le monde civilisé. J'espère que vous ne me taxerez pas de vanité si je reprends ses paroles, car j'ai la conviction que dans une ère marquée par le règne de pouvoir discret le Canada peut se joindre à d'autres étoiles pour constituer une nouvelle galaxie dans l'hémisphère occidental. Une galaxie qui, je l'espère, jette une nouvelle lumière sur le monde.

Merci.


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Dernière mise à jour :
2005-04-15
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