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DISCOURS


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M. AXWORTHY - ALLOCUTION À LA COMMISSION DES DROITS DE L'HOMMEDES NATIONS UNIES - GENÈVE, SUISSE

98/24 SOUS RÉSERVE DE MODIFICATIONS

NOTES POUR UNE ALLOCUTION DE

L'HONORABLE LLOYD AXWORTHY,

MINISTRE DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES,

À LA COMMISSION DES DROITS DE L'HOMME

DES NATIONS UNIES

GENÈVE, Suisse

Le 30 mars 1998

Ce document se trouve également au site Internet du Ministère :

http://www.dfait-maeci.gc.ca

Le lieu et le moment sont bien choisis pour célébrer le 50e anniversaire de la Déclaration universelle des droits de l'homme en nous demandant comment il est possible de renforcer et d'adapter le système des droits de l'homme de l'ONU à une époque marquée par des transformations sans précédent à l'échelle de la planète. Il est vrai que, au cours des 50 dernières années, l'ONU a accumulé des réalisations et s'est dotée de moyens impressionnants en matière de droits de l'homme. Mais suffisent-ils pour faire face aux changements profonds de notre époque?

Les droits de l'homme dans un monde en mutation

L'effondrement du vieil ordre mondial, structuré autour de deux pôles, a fait apparaître de nouvelles occasions de promouvoir et de protéger les droits de l'homme. La mondialisation a rendu les frontières perméables aux idées nouvelles et à l'information, frayant la voie d'une nouvelle culture universelle des droits de l'homme. La démocratie s'est enracinée dans la majorité des pays du monde, et la société civile est florissante. Les conditions sont en place pour accomplir dans le dossier des droits de l'homme des progrès que n'auraient pu imaginer les auteurs de la Déclaration universelle, en 1948.

Parallèlement, les droits de l'homme sont toujours bafoués dans de nombreuses régions du monde : des dissidents politiques sont emprisonnés, la torture sévit toujours et les conflits internes entraînent dans la mort d'innombrables civils. La mondialisation a aussi son côté sombre : crime organisé international, terrorisme, pollution de l'environnement, propagande haineuse diffusée sur Internet, injustices économiques grandissantes par toute la planète.

En somme, bien que nous ayons assisté ces dernières années à des progrès impressionnants, un profond écart subsiste entre les droits de l'homme tels qu'ils se pratiquent sur le terrain et les nobles principes de la Déclaration universelle adoptée il y a 50 ans.

Le système des droits de l'homme a 50 ans

Selon moi, ce 50e anniversaire est un moment crucial, car nous pouvons ou bien profiter de l'élan acquis ces dernières années, ou bien marquer le pas. Cet anniversaire n'est pas qu'une étape. C'est aussi un carrefour.

À ce carrefour, nous devons choisir la route qui nous mène vers l'application intégrale des normes établies au cours des 50 dernières années. Nous devons veiller à ce que nos propos, à ce que le texte de nos accords se traduisent par des améliorations réelles, concrètes dans l'application des normes des droits de l'homme sur le terrain. Il y a certes de nouvelles normes à établir, mais la mise en oeuvre mérite plus d'attention qu'elle n'en a reçu jusqu'à maintenant.

Pour satisfaire à cette condition fondamentale qu'est l'application concrète des normes, le Canada a prévu un certain nombre d'initiatives axées sur l'avenir pour souligner le 50e anniversaire de la Déclaration universelle. Du 22 au 24 juin, nous parrainerons, avec la collaboration d'un consortium d'ONG, une conférence à laquelle sont conviées des ONG du monde entier pour examiner les progrès accomplis dans la mise en oeuvre de la Déclaration de Vienne et du Programme d'action. Notre objectif est de faire en sorte que la société civile puisse contribuer le plus possible à l'examen quinquennal de ces documents.

Cette conférence marquera également le lancement officiel d'une initiative majeure de mise en oeuvre que le Canada a financée : un rapport mondial sur les droits de la personne fondé uniquement sur des renseignements provenant de sources de l'ONU, rapport qui sera structuré par pays et par thèmes. Nous croyons que ce sera un guide précieux pour assurer le respect des engagements contractés en matière de droits de l'homme, car il sera ainsi plus facile de consulter toutes les recommandations de l'ONU. Le rapport donnera également un large aperçu de l'évolution des droits de l'homme selon les experts indépendants de l'ONU et les organismes qui s'intéressent aux droits de l'homme. Cette initiative fait suite aux recommandations d'une conférence internationale qui s'est tenue l'an dernier à l'Université York, au Canada, et qui était consacrée au système international de traités des droits de l'homme au siècle prochain.

En septembre, à Montréal, le Canada parrainera une conférence sur les droits de l'homme et Internet. Les nouvelles technologies de l'information ont déjà révélé leur potentiel pour faire le bien et le mal, pour dénoncer les violations des droits de l'homme et pour diffuser la propagande haineuse. On y cherchera les moyens d'utiliser la nouvelle technologie de façon innovatrice pour défendre et promouvoir les droits de l'homme dans le monde entier.

Au moment où nous nous tournons vers les 50 prochaines années du système des droits de l'homme de l'ONU, il n'est que normal que nos jeunes gens participent aux célébrations. Dans le cadre de son programme de stages internationaux, le Canada enverra 50 jeunes Canadiens occuper des postes liés aux droits de l'homme dans plus d'une vingtaine de pays des quatre coins du monde. Ils s'ajoutent aux 55 jeunes qui ont déjà fait des stages l'an dernier. Un grand nombre d'entre eux, confiés à des organismes comme la Banque canadienne des ressources pour la démocratie et les droits de la personne et l'Association canadienne pour les Nations Unies, seront détachés auprès d'organismes liés directement ou indirectement à l'ONU et seront affectés à des opérations sur le terrain dans le cadre d'activités diverses de l'ONU.

Renouvellement de notre conception des droits de l'homme

J'ai parlé de l'adaptation et du renforcement des institutions de l'ONU à une époque de changement au cours de laquelle nous devons nous attaquer à des problèmes allant des normes de travail aux droits des enfants, de l'impunité à la consolidation de la paix, des dépenses militaires aux exportations d'armes légères et de mines terrestres. Ce sont des questions complexes et de portée générale qui font incontestablement intervenir les droits de la personne. Pour nous attaquer efficacement à ces problèmes, nous devons commencer à envisager les droits de l'homme sous l'éclairage plus large de la « sécurité humaine » et, suivant l'exemple donné par le secrétaire général à l'ONU, intégrer plus étroitement les préoccupations pour les droits de l'homme aux autres aspects des relations internationales.

En abordant les droits sous l'angle de la sécurité humaine, nous devons non seulement prendre des mesures correctrices pour réprimer les violations, mais aussi faire de la prévention pour nous attaquer aux causes profondes des violations et en plus, comme le Haut Commissaire l'a dit, prêter davantage attention au droit au développement.

Le lien entre droits de l'homme et sécurité humaine ressort avec une acuité particulière lorsqu'il y a conflit ou menace de conflit. Les atteintes aux droits de l'homme sont souvent le signe précurseur d'un conflit. Dans les pays déchirés par les luttes interethniques, assurer le respect des droits de l'homme dans tous les secteurs de la population est la clé d'une paix durable. À l'inverse, les pays qui respectent les droits de l'homme et la primauté du droit sont moins exposés à se livrer la guerre, à chasser de leurs foyers des vagues de réfugiés, à provoquer des désastres écologiques, à se livrer au terrorisme et à renier leurs engagements commerciaux. La stabilité et la paix mondiales sont liées au respect des droits internationaux de l'homme.

Un élément crucial, dans la reconstruction de sociétés déchirées par la guerre, est le rétablissement de la primauté du droit et l'élimination de l'impunité. C'est pourquoi il est si important de mettre rapidement en place une Cour internationale pénale indépendante et efficace ayant juridiction inhérente sur les crimes les plus graves que sont le génocide, les crimes de guerre et les crimes contre l'humanité. S'il n'y a aucun moyen impartial de découvrir la vérité et d'administrer la justice au lendemain de la guerre, les pays retomberont sans cesse dans l'ornière de la violence.

Pour être vraiment indépendant et efficace, la Cour devra avoir avec les Nations unies, particulièrement le Conseil de sécurité, des relations constructives dans lesquelles son indépendance et son impartialité seront maintenues. Les procédures de la Cour ne devront pas être « amorcées » seulement par la plainte d'un État ou un renvoi du Conseil de sécurité; les procureurs devront aussi pouvoir les entamer. Surtout, la Cour devra s'attacher fermement à faire justice aux victimes des conflits, compte tenu de la problématique homme-femme et des droits des enfants.

Je suis de près l'évolution de ces négociations et j'incite mes homologues des autres pays membres à prêter attention à cette démarche très importante. La communauté internationale ne doit pas attendre une autre catastrophe avant d'établir une instance permanente pour réagir aux nombreuses atrocités qui se produisent si souvent à la faveur des conflits armés. En cette fin de siècle, la création de ce tribunal serait une réalisation importante et opportune. Nous ne devons pas laisser ceux qui restent attachés à une vision dépassée du monde freiner nos efforts.

La perspective humaine : la campagne d'interdiction des mines terrestres

La campagne visant à interdire les mines terrestres illustre clairement que nous pouvons faire appel à de nouvelles approches humanitaires pour infléchir le programme international de la sécurité. Pour la première fois, la majorité des États ont accepté de bannir une arme qui faisait partie de l'arsenal de presque tous les pays. Pourquoi? Parce que, grâce à la révolution des communications, le coût humain des mines s'est imposé avec de plus en plus d'évidence.

L'interdiction des mines terrestres ne pouvait plus être perçue principalement dans l'optique du désarmement, les armes elles-mêmes étant au centre des préoccupations. Nous avons plutôt commencé à y voir une question de droit humanitaire, tenant compte des civils et des conséquences terribles que ces armes peuvent avoir pour eux. Le droit humanitaire a révélé le visage humain de la crise des mines terrestres.

À cette nouvelle façon de voir les mines terrestres s'est alliée une nouvelle approche de la diplomatie internationale qui est la « puissance par la douceur ». Une coalition d'instances bien disposées -- gouvernements et société civile sur un pied d'égalité -- s'est formée autour d'un ensemble de principes fondamentaux. Elle a su mobiliser les appuis en faveur d'une interdiction totale des mines antipersonnel avec une rapidité et un succès sans précédent.

J'estime que cette évolution qui nous a amenés à mettre l'accent sur la dimension humanitaire plutôt que sur le désarmement s'inscrit dans une tendance plus large à considérer les questions de sécurité du point de vue de l'être humain, à faire passer la sécurité humaine au premier plan. C'est dans cette même optique humaniste qu'il faut s'attaquer aux problèmes que sont la prolifération des armes légères, les soldats enfants et les dépenses militaires excessives, et qu'il faut aborder la consolidation de la paix. Le droit humanitaire international, qui met l'accent sur les coûts des conflits pour les civils, et le droit international des droits de l'homme, qui place à l'avant-plan les normes essentielles de la dignité humaine, nous donnent les clés pour transformer l'agenda traditionnel de la sécurité. Selon moi, la « puissance par la douceur » peut nous aider à atteindre nos buts, dans un nouveau programme de sécurité. Dans cette perspective, un certain nombre de thèmes principaux ressortent comme des priorités.

Approche thématique

Le Canada accorde une grande priorité aux droits de l'enfant. Nous avons travaillé d'arrache-pied sur les deux protocoles facultatifs de la Convention relative aux droits de l'enfant et nous espérons qu'ils seront bientôt achevés. Chez nous, nous avons modifié notre code pénal pour permettre des poursuites contre les Canadiens qui se livrent à des activités sexuelles avec des enfants à l'étranger. Nous espérons que d'autres pays, conscients qu'il importe de réduire la demande dans ce trafic méprisable, en feront autant.

Une autre priorité du Canada est l'adoption d'une déclaration forte et efficace sur les droits des peuples autochtones au cours de la Décennie internationale des populations autochtones. Signe de l'engagement du Canada à promouvoir activement les intérêts des autochtones et à établir de nouveaux partenariats avec ses propres peuples autochtones, nous avons nommé notre premier conseiller aux affaires autochtones internationales, M. Blaine Favel.

Quant aux droits des handicapés, il faut surtout renouveler notre approche. Il est essentiel de ne pas limiter la question à un problème de développement social, car, fondamentalement, les droits de l'homme sont en cause. Tant que nous ne prendrons pas conscience de la nécessité d'analyser les politiques et les programmes de l'ensemble de la société dans l'optique des personnes handicapées, tant chez nous que dans le cadre de l'ONU, nous leur refuserons la possibilité de participer pleinement à la vie de notre société.

Cette notion d'intégration sous-tend également l'engagement déjà ancien du Canada à promouvoir les droits humains des femmes. « Les droits des femmes sont des droits humains. » Si nous voulons que cette affirmation soit autre chose que des mots creux, nous devons agir chez nous. Lorsque nous élaborons des politiques et des mesures législatives, nous devons dans toutes nos initiatives tenir compte de l'égalité des sexes et du respect des droits humains dès le départ. Voilà ce que c'est que l'intégration.

Les atteintes aux droits des femmes sont toujours bien trop fréquentes. En Afghanistan, les droits les plus fondamentaux des femmes et des filles, comme le droit au travail, à l'éducation et à de bons soins de santé, sont régulièrement niés non pas par simple négligence, mais à cause d'une politique délibérée. Tout récemment les Talibans ont imposé de nouvelles restrictions aux musulmanes étrangères qui travaillent en Afghanistan. Ces femmes y jouent un rôle essentiel dans les efforts de secours humanitaire. Leur imposer des restrictions dans leur travail, c'est mettre en péril la vie de milliers d'Afghans parmi les plus vulnérables, surtout des femmes et des enfants. La communauté internationale doit prendre position et montrer aux Afghanes qu'elles ne sont pas seules.

En matière de droits de l'homme, la mobilisation et la responsabilisation de tous les segments de la société, y compris les enfants, les autochtones, les handicapés et les femmes, sont la clé de la mise en oeuvre. Il est également important de renouveler le partenariat entre les États et la société civile.

Un élément central de la promotion, de la protection et de la mise en oeuvre des droits de la personne est une participation totale des instances non gouvernementales, y compris la Commission et l'ensemble du système de l'ONU. Un autre fondement tout aussi essentiel des travaux des ONG est la reconnaissance de leur droit de défendre les droits de l'homme. C'est pourquoi le Canada est fermement déterminé à faire adopter le projet de déclaration sur les défenseurs des droits de l'homme à la 53e session de l'Assemblée générale de l'ONU. Il semble particulièrement opportun, et cela a même valeur de symbole, que l'adoption de cette déclaration coïncide avec le cinquantième anniversaire.

Dans son allocution à la Commission, le secrétaire général a insisté sur le caractère universel des droits de l'homme. Ces droits ne sont pas limités à un continent ou l'autre. Ils doivent intéresser toutes les couches et tous les segments de la société. Leur respect est une obligation pour tous les gouvernements. Une approche empreinte de transparence et de coopération est essentielle à la poursuite de cet objectif du respect universel des droits de l'homme. Si nous voulons que les normes soient respectées, nous devons travailler ensemble pour faire en sorte que les États membres aient les moyens voulus d'en assurer le respect.

Les pays en développement, surtout ceux qui peinent au lendemain d'un conflit, à cause des retombées de la mondialisation ou d'une démocratisation brusque, ont besoin d'aide pour se donner des institutions et des moyens d'action dans le domaine des droits de l'homme. Les pays industrialisés peuvent aussi prendre des mesures à l'intérieur de leurs frontières pour réprimer les violations des droits de l'homme dans d'autres pays, par exemple en interrompant les exportations d'armes vers les pays en proie à des conflits internes ou en poursuivant leurs ressortissants qui exploitent des enfants prostitués dans d'autres pays.

Conclusion

En cette fin de siècle, l'une des tâches les plus redoutables qui attendent la communauté internationale est de mieux faire respecter les droits de l'homme. Nous avons beaucoup fait, et il y a lieu de s'en réjouir, mais il est évident qu'il faut sans tarder poursuivre la lutte aux plans bilatéral et multilatéral.

Par une approche globale, coopérative et souple qui inscrit les droits de l'homme dans le contexte plus large de la sécurité humaine et applique les principes des droits internationaux de l'homme, nous pouvons mettre en place les conditions nécessaires pour que débutent dans un dynamisme renouvelé les 50 prochaines années de l'histoire de la Déclaration universelle. Par-dessus tout, nous pouvons rétrécir l'écart qui subsiste entre les principes que la communauté internationale a consacrés dans la Déclaration il y a un demi-siècle et la réalité des droits de l'homme dans le monde contemporain.


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Dernière mise à jour :
2005-04-15
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