DISCOURS
M. MARCHI - À L'OCCASION DELA CONFÉRENCE MINISTÉRIELLEDE L'OMC« DÉCLARATION DU CANADA SUR LE CANADAET L'ORGANISATION MONDIALE DU COMMERCE » - GENÈVE, SUISSE
98/38 SOUS RÉSERVE DE MODIFICATIONS
NOTES POUR UNE ALLOCUTION
DE
L'HONORABLE SERGIO MARCHI,
MINISTRE DU COMMERCE INTERNATIONAL,
À L'OCCASION DE
LA CONFÉRENCE MINISTÉRIELLE
DE L'OMC
« DÉCLARATION DU CANADA SUR LE CANADA
ET L'ORGANISATION MONDIALE DU COMMERCE »
GENÈVE, Suisse
Le 18 mai 1998
Ce document se trouve également au site Internet du Ministère :
http://www.dfait-maeci.gc.ca
LE CANADA ET L'ORGANISATION MONDIALE DU COMMERCE
I. L'IMPORTANCE DU COMMERCE ET DE L'INVESTISSEMENT POUR LE CANADA
La prospérité économique du Canada dépend fortement d'une stratégie commerciale
active et ouverte sur l'extérieur.
De toutes les grandes économies du monde, celle du Canada est la plus tributaire
du commerce extérieur. Quarante pour cent du PIB [produit intérieur brut] du
Canada en dépend. Un emploi sur trois y est directement relié à l'exportation. Le
commerce international nourrit notre prospérité économique. De 1992 à 1996, les
exportations canadiennes ont augmenté environ quatre fois plus que notre PIB.
Grâce en grande partie à sa bonne performance commerciale durant cette période,
l'économie canadienne a créé près de 1 million de nouveaux emplois, la population
active passant de 14,5 millions à 15,4 millions de Canadiens et de Canadiennes.
L'investissement étranger joue également un rôle clé au Canada. Chaque milliard de
dollars d'investissement étranger direct crée quelque 45 000 emplois, de sorte que
la somme totale de 188 milliards de dollars que les étrangers ont investie au
Canada est gage d'un avenir meilleur pour tous les Canadiens. De même, les
bénéfices, les technologies et les emplois que tire le Canada de ses
investissements à l'étranger, qui se chiffraient au total à 194 milliards de
dollars en 1997, mettent en évidence l'importance de définir des règles qui
encouragent et protègent les investissements étrangers.
Il n'est donc pas étonnant que, depuis le début, le Canada accorde la plus haute
priorité à l'adoption d'un système économique et commercial international qui soit
basé, non pas sur la puissance, mais sur la primauté du droit, explicitée dans un
réseau de droits et d'obligations.
II. LE COMMERCE, L'INVESTISSEMENT ET LE SYSTÈME MULTILATÉRAL
Le réseau de droits et d'obligations qui forme le système commercial multilatéral
a occasionné une prospérité sans précédent dans le monde, à la faveur de la
libéralisation des échanges commerciaux et des investissements.
Le Canada a participé activement aux négociations qui ont jeté les bases de
l'Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce [GATT]; il a été un des
membres fondateurs du GATT; un Canadien, M. Dana Wilgress, a été le premier
président des Parties contractantes en 1948 et un autre Canadien, M. Jake Warren,
a été le premier président du Conseil du GATT en 1960. Cet engagement au sein et
en faveur du système commercial multilatéral n'a jamais défailli, et pour cause.
Le commerce mondial des marchandises atteint maintenant un total vertigineux de
5,2 billions de dollars par année. De 1950 à 1994, il a augmenté au rythme de plus
de 6 p. 100 par année, alors que la croissance annuelle de la production mondiale
ne dépassait pas les 4 p. 100. Au fil des ans, les économies nationales sont
devenues beaucoup plus tributaires du commerce extérieur. À l'époque des
négociations qui ont abouti au GATT, moins de 7 p. 100 de l'activité économique
mondiale était basée sur le commerce international. Aujourd'hui, cette proportion
s'établit en moyenne à 22 p. 100, et elle est encore plus élevée dans certains
pays.
Une telle augmentation du simple au triple illustre deux faits : les pays sont de
plus en plus interdépendants dans leurs relations économiques, et notre travail
n'est pas fini. Une certaine croissance est encore possible.
Le GATT et l'Organisation mondiale du commerce [OMC] offrent un inestimable réseau
de règles dans des domaines clés comme le commerce des marchandises, les services,
l'agriculture, la propriété intellectuelle, les marchés publics et, depuis peu,
les télécommunications et les services financiers. La prospérité qui en résulte
pour nos populations soutient notre développement économique et contribue
substantiellement à la paix et à la sécurité mondiales. C'est une des grandes
réalisations que nous célébrons cette semaine à l'occasion du cinquantenaire du
GATT. Il faut mieux faire connaître et apprécier à la communauté mondiale cette
contribution remarquable du GATT et du système commercial multilatéral. Le Canada
croit fermement que ce réseau de règles transparentes, prévisibles et applicables
doit être encore élargi au bénéfice commun de tous les pays membres de l'OMC.
III. RÉGIONALISME ET MULTILATÉRALISME : NON PAS INCOMPATIBLES, MAIS
COMPLÉMENTAIRES
Les accords de libre-échange régionaux et bilatéraux renforcent le système
multilatéral en révélant de nouvelles possibilités de libéralisation et en
définissant pour nos citoyens le rôle, le but et les avantages de l'OMC.
Le Canada a tiré des leçons du système commercial multilatéral et les a mises en
application dans des accords commerciaux bilatéraux et régionaux.
L'Accord de libre-échange [ALE] Canada-États-Unis et l'Accord de libre-échange
nord-américain [ALENA] nous ont montré comment la libéralisation des échanges peut
stimuler la croissance économique et créer des emplois. Depuis l'entrée en vigueur
de l'ALE il y a plus de 10 ans, le commerce entre le Canada et les États-Unis a
plus que doublé pour atteindre plus de 1 milliard de dollars par jour.
Le Canada participe intensément aux travaux de l'OMC sur tous les dossiers, mais
ne reste pas inactif sur les autres fronts. Il a conclu des accords de libre-échange avec Israël et avec le Chili. Il est membre actif de l'APEC [Coopération
économique Asie-Pacifique], le premier mécanisme de coopération commerciale et
économique de la région Asie-Pacifique. Le premier ministre, M. Chrétien, et 33
autres dirigeants de l'hémisphère ont officiellement ouvert les négociations sur
une Zone de libre-échange des Amériques [ZLEA], qui doit être instaurée en 2005.
Le Canada a l'honneur de présider le Comité des négociations commerciales pour les
18 prochains mois, et accueillera la prochaine conférence des ministres du
Commerce de la ZLEA en 1999 ainsi que le prochain sommet des dirigeants. Des
discussions préliminaires sont par ailleurs en cours sur l'envergure d'un éventuel
accord de libre-échange avec l'AELE [Association européenne de libre-échange].
Nous continuons d'explorer toutes les options pouvant permettre de libéraliser
davantage les échanges transatlantiques avec l'Union européenne.
Le Canada n'est certes pas seul à développer ainsi ses arrangements commerciaux.
Il ne reste plus qu'une poignée de pays dans le monde qui n'appliquent aucune
sorte d'arrangement commercial préférentiel. Comment intégrer ces processus
régionaux dans des règles universelles qui profiteront à tous les membres? C'est
un important défi que l'OMC se doit de relever.
L'expérience a appris au Canada que les accords commerciaux bilatéraux et
régionaux, bien structurés conformément aux obligations résultant des accords sur
l'OMC, peuvent compléter et faciliter ceux-ci. Ces accords mettent le système
multilatéral à l'épreuve en révélant de nouvelles avenues et de nouvelles
ambitions pour la libéralisation du commerce et de l'investissement. Les pays
réalisent parfois dans de petits groupes ce qu'ils ne sont pas prêts à négocier
sur le plan multilatéral et, ce faisant, définissent de nouvelles normes pour le
système multilatéral.
Les accords bilatéraux et régionaux peuvent avoir un effet plus immédiat et plus
mesurable que les vastes règles multilatérales. Lorsque leur impact est aussi
positif que ceux de l'ALE Canada-États-Unis et de l'ALENA, ils montrent clairement
la contribution du commerce international au bien-être économique et, par
conséquent, constituent la base d'un appui plus large à la libéralisation générale
des échanges commerciaux.
IV. L'OMC : ENGAGEMENT ET TRANSPARENCE
L'OMC entame un programme nouveau et plus ambitieux, qui exige beaucoup plus
d'engagement et de communication au niveau national, et de nouveaux degrés de
transparence sur le plan international.
En 1948, à sa fondation, le GATT comptait 19 membres. Aujourd'hui, le système
commercial multilatéral est une entreprise planétaire réunissant 132 pays, dont
une trentaine sont à diverses étapes des négociations en vue de leur accession à
l'OMC.
Le programme commercial n'est pas resté stationnaire. Le nouveau programme va plus
loin que les mesures aux frontières, les droits de douane et les contingents,
thèmes traditionnels. Il présente des défis considérables, dont le moindre n'est
pas la nécessité d'une plus grande transparence dans l'orientation et la conduite
des négociations et dans les travaux quotidiens de l'OMC.
Les ministres de la Quadrilatérale, à leur dernière réunion, ont encouragé le
directeur général à examiner les moyens de développer, dans le cadre de l'OMC, les
consultations avec les représentants de la société civile. Pour que ce soit
possible, les membres doivent être disposés à explorer de nouvelles avenues. Une
possibilité qui mérite d'être envisagée est celle qui est appliquée pour les
négociations de la ZLEA et qui consiste à charger un comité d'entendre les avis et
d'exposer aux ministres les divers points de vue des gens d'affaires et d'autres
secteurs de la société civile comme les syndicats, les groupements
environnementalistes et les associations d'universitaires qui collaborent avec des
représentants des gouvernements. S'il est possible d'être ambitieux et d'innover
dans un forum, pourquoi pas dans les autres?
L'OMC pourrait faire beaucoup plus pour promouvoir la transparence et se départir
de sa réputation de chapelle occulte. Vu l'importance du commerce international
pour la prospérité mondiale, et le rôle clé que jouent les règles multilatérales
dans la gestion des échanges, le besoin de transparence se fait d'autant plus
sentir à l'OMC. Les membres devraient pouvoir se mettre rapidement d'accord sur un
certain nombre de mesures qui témoigneraient de notre volonté d'ouvrir le
processus. Nous pourrions par exemple faire circuler un plus grand nombre de
documents sans restriction; nous pourrions diffuser une version publique des
mémoires présentés aux groupes spéciaux, à inclure sur le site Web de l'OMC au
moment approprié; nous pourrions diffuser les projets d'ordre du jour des réunions
à titre de documents publics; et nous devrions pouvoir nous entendre pour
déclasser plus rapidement les comptes rendus des réunions, à savoir après un mois
plutôt que six.
Le vaste dossier du règlement des différends est à repenser en termes de
transparence. Nous devons convenir que ce sera un élément clé de l'examen de
l'entente sur le règlement des différends qui doit avoir lieu plus tard cette
année.
L'amélioration de la transparence et de l'ouverture au niveau international doit
s'accompagner d'une attitude d'engagement et de communication sur le plan
intérieur. On note une certaine appréhension dans le monde à propos du rythme du
changement économique, un sentiment d'impuissance face aux mouvements mondiaux et
aux fusions d'entreprises, et une remise en question de la libéralisation du
commerce, particulièrement de ses effets sur l'environnement et de ses grandes
répercussions sociales.
À la lumière de ces préoccupations, les gouvernements doivent tenir des débats
publics francs et bien informés sur la libéralisation du commerce et de
l'investissement. Ils doivent en définir les éléments positifs, par exemple à
partir de l'étude de l'OCDE [Organisation de coopération et de développement
économiques] sur les avantages de la libéralisation du commerce et de
l'investissement, et du rapport annuel de l'OMC, qui seraient de bons points de
départ. Ils doivent aussi veiller à ce que les avantages de la libéralisation
soient distribués le plus largement possible et à ce que des programmes d'aide
soient en place au profit des intérêts les plus touchés par l'adaptation.
V. TRACER LA VOIE À SUIVRE
Des travaux considérables sont actuellement en cours à l'OMC, pour préparer les
négociations prescrites et pour développer les décisions prises à la Conférence
ministérielle de Singapour. Le nouveau défi consiste à examiner cette possibilité
et d'autres possibilités de libéralisation en coopération étroite avec les
intérêts nationaux, afin de définir des options et des recommandations en vue de
la Conférence ministérielle de 1999.
L'essentiel des travaux en cours à l'OMC consiste à mener à terme le programme
incorporé dont nous avons convenu à Marrakech et à continuer de développer le
programme de travail adopté à Singapour. Le Canada demeure fermement convaincu que
la mise en oeuvre intégrale des accords de l'Uruguay Round est la voie à suivre.
Le monde du commerce moderne ne reste pas immobile, le travail de l'OMC non plus.
Quelle tournure prendront les travaux futurs? De toute évidence, le monde se
dirige vers une libéralisation continue des échanges. Or, de nombreuses questions
subsistent sur le meilleur compromis entre différentes idées concernant
l'envergure, la chronologie et la nature des futures négociations, selon les
préoccupations et les aspirations des différents pays.
Certains préconisent le lancement d'un nouveau grand cycle de négociations
multilatérales, couvrant toute la gamme des nouveaux dossiers et des questions qui
n'ont pas été réglées lors des négociations antérieures. D'autres veulent aborder
chaque secteur séparément.
Entre ces deux extrêmes, le Canada croit qu'il faudrait envisager d'appliquer la
méthode des grappes, c'est-à-dire de regrouper les questions dans des dossiers
distincts, à négocier séparément et à des moments différents. Ainsi, tous les pays
seraient incités, pour des raisons différentes, à aller de l'avant, on obtiendrait
rapidement des résultats dans certains secteurs et on éviterait l'effet intimidant
d'un grand cycle de négociations générales qui demanderait sans doute des années.
Il ne faut pas que les pourparlers soient à la merci des points les plus
difficiles, et par conséquent les plus longs, à négocier. Les pays auraient aussi
le temps de consolider les acquis des négociations antérieures.
En outre, des questions ont été soulevées concernant la substance d'éventuelles
futures négociations. Pour y répondre, il faudra tenir de vastes consultations à
deux niveaux tout aussi importants l'un que l'autre : sur la scène internationale,
entre les membres de l'OMC, et au niveau national, entre chaque gouvernement et
ses commettants. Voici quelques-unes de ces questions :
-
Comment pouvons-nous veiller à ce que les règles de discipline prescrites par
les accords sur l'OMC renforcent le commerce électronique? Le Canada tiendra
à Ottawa cet automne une grande conférence ministérielle internationale sur
le commerce électronique à l'échelle mondiale.
-
Que pouvons-nous faire pour définir au sein du système commercial mondial un
cadre plus sûr et plus prévisible pour la promotion et la protection des
industries culturelles?
-
Comment pouvons-nous faire en sorte que le droit de prendre des règlements
pour des raisons de santé publique, de protection des consommateurs, de
politique sociale et d'autres intérêts publics demeure intact?
-
Quelles mesures pouvons-nous prendre pour réduire les obstacles à la vente de
marchandises et de services à l'étranger qui résultent de l'application
arbitraire des normes et des règlements? Comment pouvons-nous faire en sorte
que ces normes et règlements soient adoptés aux niveaux supérieurs
appropriés, appliqués équitablement et fondés sur des considérations
scientifiques?
-
Comment aborder la question d'une nouvelle réduction ou de l'élimination des
droits de douane sur les produits industriels, au bénéfice de nos industries
et de nos consommateurs?
-
Comment pouvons-nous faciliter le commerce et en améliorer les conditions en
adoptant des procédures douanières et des mesures frontalières plus
rationnelles?
-
Que devrions-nous faire au sujet de l'application injustifiée des mesures
antidumping et autres recours commerciaux?
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De quelles façons pouvons-nous promouvoir de meilleures règles pour les
fournisseurs de services?
-
Comment pouvons-nous pousser plus loin les travaux réalisés à l'OMC
concernant l'investissement et la concurrence?
Comme je le mentionnais tout à l'heure, en examinant toutes les options, nous
devons continuer à faire participer la société civile à la définition précise de
nos objectifs à long terme. Nos actions doivent être déterminées par l'ouverture
et la souplesse, et non par des idéologies ou des institutions rigides. Il faut
accroître la transparence de l'OMC et rallier l'appui de larges groupes d'intérêt
qui comprennent à fond le système commercial multilatéral et lui font confiance.
Nous ne saurions progresser sans respecter et inclure les intérêts de tous les
membres de l'OMC. En particulier, nous devons reconnaître les préoccupations
spéciales des membres les moins développés.
Tout cela sera vital pour faire en sorte que la libéralisation du commerce et de
l'investissement réponde aux principaux besoins et intérêts de toutes nos
populations. C'est seulement alors que la libéralisation des échanges -- et la
prospérité qu'elle entraîne -- se maintiendra à long terme, pour notre avantage
mutuel.
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