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DISCOURS
M. AXWORTHY - ALLOCUTION À L'OCCASION DES CONSULTATIONS INTERNATIONALESD'ONG SUR L'ACTION CADRE CONCERNANTLES ARMES DE PETIT CALIBRE - ORILLIA (ONTARIO)
98/50 SOUS RÉSERVE DE MODIFICATIONS
NOTES POUR UNE ALLOCUTION DE
L'HONORABLE LLOYD AXWORTHY,
MINISTRE DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES,
À L'OCCASION DES CONSULTATIONS INTERNATIONALES
D'ONG SUR L'ACTION CADRE CONCERNANT
LES ARMES DE PETIT CALIBRE
ORILLIA (Ontario)
Le 19 août 1998
Ce document se trouve également au site Internet du Ministère :
http://www.dfait-maeci.gc.ca
Les nouvelles formes de conflit
Quiconque a regardé les nouvelles à la télévision ces cinq à dix dernières années
n'aura pu s'empêcher de constater que, même si la Guerre froide est finie, la
guerre, elle, n'a pas disparu. Elle a simplement changé, et pour le pire.
Autrefois principale source d'instabilité mondiale, les guerres entre États font
aujourd'hui place à des conflits internes prolongés et de faible intensité. Ces
conflits résultent souvent de profondes divisions ethniques et religieuses qui
peuvent aboutir à la destruction d'un État. Il mettent principalement aux prises
non pas des armées nationales, mais des groupes terroristes, des milices
paramilitaires ou des gangs de malfaiteurs. Et, surtout, ils se déroulent non pas
sur le champ de bataille, mais dans les rues, faisant leurs plus nombreuses
victimes parmi les civils.
Ces conflits brutaux et apparemment insolubles sont venus dissiper l'euphorie des
premiers temps de l'après-Guerre froide. À l'évidence, la communauté
internationale ne possède pas les outils, les institutions, voire les concepts
voulus pour faire face efficacement à ces nouveaux types de conflits. Il est
urgent que nous nous dotions de nouveaux instruments diplomatiques qui soient à la
hauteur de la tâche, et le Canada entend bien être au premier plan de cette
entreprise.
Je suis réaliste. Je me rends compte que nous n'en sommes qu'aux premiers pas
d'une marche difficile vers cet objectif. Mais je relève aussi des signes positifs
et des raisons d'espérer. Les gouvernements, la société civile, les milieux
universitaires et le secteur privé débattent de nouvelles notions, telles la
sécurité humaine et la consolidation de la paix, et réexaminent les conceptions
traditionnelles de la souveraineté étatique. La Cour pénale internationale
nouvellement instituée aura le pouvoir de poursuivre ceux qui, jusqu'à présent,
commettaient des crimes de guerre et des crimes contre l'humanité en toute
impunité. Et nous nous dotons de nouveaux outils importants, comme la convention
interdisant les mines antipersonnel, afin de limiter l'impact des conflits sur la
personne humaine.
Les mines antipersonnel sont toutefois loin d'être les seules armes à faire
d'innombrables victimes parmi les civils. De toute évidence, nous devons nous
attaquer à l'accumulation et à la prolifération des armes militaires légères et de
petit calibre si nous voulons vraiment garantir la sécurité des populations
civiles aux prises avec des conflits internes. Voilà pourquoi j'ai décidé que ces
armes constitueraient un objectif prioritaire des efforts de contrôle des
armements et de désarmement du Canada dans le monde, au même titre que les mines
terrestres et les autres questions qui nous préoccupent de longue date, comme les
armes nucléaires et autres armes de destruction massive.
Le rôle des armes de petit calibre
Pourquoi cette insistance sur les armes légères et de petit calibre? Parce que ces
armes sont l'outil de travail des combattants non étatiques. Peu coûteuses,
faciles à utiliser et à transporter, elles sont idéales pour entretenir les
conflits de faible intensité. Je tiens à souligner qu'il s'agit ici uniquement
d'armes à usage militaire, et non d'armes à feu non militaires légitimement
détenues par des personnes privées.
Les ravages causés par ces armes de guerre sont appelés à s'accroître. Nous
constatons que les conflits armés les plus tenaces présentent plusieurs points
communs. Les flambées récurrentes de violence, l'érosion de la légitimité
politique et la perte de la viabilité économique sont autant de facteurs qui
privent un État de son autorité et de sa capacité à faire face à l'accumulation,
la prolifération et l'utilisation des armes de petit calibre. Il en résulte une
militarisation de la société qui alimente l'engrenage de la violence, suscite le
désespoir et conduit, à terme, à l'effondrement de l'État.
Pour sortir de ce cercle vicieux, il faut d'abord reconnaître et comprendre un
problème qui, jusqu'à tout récemment, ne retenait guère l'attention des diplomates
et des spécialistes du désarmement. À cet égard, je citerai un développement
important - la création à l'ONU, en mai 1998, d'un groupe chargé d'examiner la
question des armes de petit calibre, qui sera composé d'experts gouvernementaux
appartenant à 23 pays, dont le Canada. Au cours de la prochaine année, celui-ci
rendra compte au Secrétaire général des progrès réalisés quant à la mise en oeuvre
des recommandations formulées par son prédécesseur, le Groupe d'experts
gouvernementaux sur les armes de petit calibre, dans son rapport historique de
1997 qui constituait la première étude de la question jamais effectuée par les
Nations unies. Il établira en outre les grandes lignes des futures actions que
pourront entreprendre l'ONU et la communauté internationale à ce sujet.
L'ambassadeur Mitsuro Donowaki, du Japon, que vous avez eu le plaisir d'entendre
plus tôt cette semaine, a été élu à la présidence du nouveau groupe d'experts. Je
lui présente toutes mes félicitations, ainsi que mes meilleurs voeux de succès
dans cette importante entreprise.
De son côté, la Norvège a fait un effort notable pour mieux faire connaître et
comprendre dans le monde le problème posé par les armes de petit calibre. Le mois
dernier, elle a été l'hôte à Oslo d'une réunion de fonctionnaires venus de 21
pays, dont le Canada, pour examiner l'évolution de la question et les progrès
accomplis. Les participants ont reconnu la complexité du problème, ainsi que la
nécessité d'une meilleure cohésion des efforts à long terme en vue de trouver des
solutions multiples. Ils ont en outre convenu que la responsabilité de régler le
problème appartient surtout aux gouvernements, mais que la société civile et les
ONG contribuent aussi de façon appréciable et avec beaucoup d'efficacité à la
recherche de solutions globales. Quant à moi, je suis convaincu que le
militantisme de la société civile constitue le principal moyen de faire en sorte
que les gouvernements s'acquittent effectivement des obligations dont ils ont
maintenant admis qu'elles leur reviennent.
Le Canada a reconnu dès le début le rôle essentiel que peuvent jouer les experts
et les militants non gouvernementaux, en particulier les universitaires et les
membres des ONG. Nous avons aidé l'ONG internationale Prep Com à se doter d'un
site web (www.prepcom.org) pour la mobilisation et l'échange d'informations sur
les armes de petit calibre. D'autre part, le Centre canadien pour le développement
de la politique étrangère a parrainé une série de réunions faisant intervenir des
fonctionnaires, des représentants d'ONG et d'autres experts, dont des conférences
tenues cette année à Québec et à Toronto.
Pas plus tard que la semaine dernière, le Centre a été l'hôte d'une réunion
d'experts non gouvernementaux de la question des armes de petit calibre, ainsi que
d'une table ronde d'ONG. Ces experts ont fait valoir l'importance de concevoir une
approche qui soit intégrée à la politique étrangère d'ensemble et qui tienne
compte à la fois des perspectives régionales et mondiales. Il a en outre souligné
la nécessité de procéder à des recherches et à des échanges de vues plus larges
concernant ce nouveau domaine de préoccupation. La table ronde a permis aux ONG
canadiennes d'examiner les conclusions du Groupe d'Ottawa et de formuler d'autres
propositions en prévision de la réunion d'aujourd'hui. Les discussions portant sur
le meilleur moyen de s'attaquer aux causes profondes du problème ont fourni de
précieux apports quant à la stratégie et au plan d'action sur les armes de petit
calibre élaborés par mon Ministère. Et, bien sûr, le Centre, de concert avec le
Programme de consolidation de la paix du ministère des Affaires étrangères, a
participé au financement de votre réunion ici même, à Orillia, dont j'espère
recevoir d'autres avis utiles.
La maîtrise des armes de petit calibre : une approche en trois volets
Comme elle comprend mieux ce problème complexe, la communauté internationale
s'apprête à passer à l'étape suivante qui consiste à élaborer des mesures
pratiques pour mettre un terme à la prolifération des armes de petit calibre et à
engager le processus de désarmement. La politique canadienne s'attaque au problème
sur trois fronts, à savoir l'action humanitaire dans le cadre de la consolidation
de la paix, le trafic illicite et le commerce légitime. Nos premières
consultations sur les armes de petit calibre nous ont amenés à conclure que notre
seul espoir de régler le problème réside dans la mise en oeuvre de mesures
équilibrées et globales sur les trois fronts à la fois, et aussi qu'il est
essentiel de conjuguer les actions locales, régionales et internationales sur
chacun de ces fronts. Nous avons besoin de toute une panoplie d'outils - des
projets communautaires de rachat d'armes aux conventions internationales - pour
venir à bout de ce problème complexe et aux multiples facettes. Nous devons pour
cela former de solides partenariats entre les gouvernements et la société civile,
entre le Nord et le Sud.
L'action humanitaire et la consolidation de la paix
L'action humanitaire est sans doute ce qui est le plus nécessaire aujourd'hui pour
aider les sociétés à sortir de conflits où pullulent les armes de petit calibre.
Si les ex-combattants ne sont pas désarmés, démobilisés et réinsérés dans la
société, la violence risque fort de réapparaître ou d'être exportée vers d'autres
pays. Le désarmement et la réinsertion, notamment des enfants soldats, sont des
priorités clés de l'Initiative canadienne de consolidation de la paix, instituée
il y a deux ans par ma collègue, l'honorable Diane Marleau, et moi-même.
Les fonds mis à disposition dans le cadre de cette initiative permettent au Canada
d'appuyer un grand nombre de projets régionaux et locaux, dont des projets de
rachat d'armes ou d'aide à la réinsertion des ex-combattants au Mali, au
Mozambique, dans la Corne de l'Afrique, en El Salvador et au Nicaragua. Nous avons
aussi soutenu des activités de recherche, des examens et des initiatives
régionales, un peu de tout en fait : nous avons financé des études au Cambodge, en
Somalie, au Mali, en El Salvador et en Afrique du Sud, apporté une aide au Groupe
des enseignements tirés des missions de l'ONU et fourni une contribution en vue du
moratoire proposé pour l'Afrique de l'Ouest. Ce dernier projet illustre à
merveille les moyens novateurs qui permettent de conjuguer les initiatives
communautaires, les solutions régionales et le soutien international. Partant de
ce qui n'était à l'origine qu'un programme de rachat d'armes, le Mali s'efforce
d'obtenir un moratoire régional sur les armes de petit calibre, et ce avec l'appui
du PNUD et de l'OUA et grâce à un financement du Canada, de la Norvège, du
Royaume-Uni et des États-Unis.
Aujourd'hui, j'ai le plaisir d'annoncer le dernier en date des efforts du Canada
pour freiner la prolifération des armes de petit calibre. Il s'agit d'une
contribution de 130 000 dollars de notre Fonds de consolidation de la paix au
titre d'un programme de rachat d'armes en El Salvador. Organisé à l'origine par
divers gens d'affaires salvadoriens avec le concours du Rotary Club, ce programme
permet aux ex-combattants d'échanger leurs armes contre des coupons remboursables
à l'achat de biens de consommation. Une première contribution canadienne en
1996-1997 avait produit d'excellents résultats. Le Canada est heureux d'apporter
cette somme supplémentaire, participant ainsi à l'établissement d'une paix durable
en El Salvador.
Autre objectif prioritaire des efforts de consolidation de la paix, l'impact des
conflits armés sur les enfants est étroitement lié à la question des armes de
petit calibre. Bien trop souvent, les guérilleros qui attaquent leurs concitoyens
à coups de AK 47 ou de lance-roquettes sont des enfants, recrutés ou forcés au
service de la violence. Leur désarmement et leur réinsertion dans la société
requièrent une attention particulière. C'est pourquoi l'ACDI a appuyé les
programmes de désarmement et de réinsertion des enfants soldats mis en oeuvre par
l'UNICEF au Liberia et en Ouganda. Dans le cadre de l'Initiative de consolidation
de la paix, nous soutenons la poursuite des activités de recherche et de promotion
dans ce domaine ainsi que sur d'autres aspects de la question des enfants dans les
conflits armés.
Nous travaillons aussi pour faire en sorte que les enseignements tirés de ces
projets soient repris et mis en oeuvre dans le processus d'élaboration des
politiques. Il est essentiel que l'expertise développée sur le terrain par un
grand nombre d'ONG transparaisse non seulement dans la conception des projets de
consolidation de la paix, mais encore dans les initiatives entreprises à l'échelon
régional et mondial. Cette réunion, de même que les autres réunions prévues à
l'occasion de l'Assemblée générale de l'ONU cet automne et après cette date,
permettront de maintenir le dialogue entre gouvernements et entre ceux-ci et la
société civile. Ainsi que nous l'enseigne la campagne pour l'interdiction des
mines, le nouvel agenda de la sécurité humaine ne peut vraiment aboutir que si
nous travaillons de concert.
Bien sûr, les armes de petit calibre ne sont pas des mines terrestres; nous devons
donc concevoir notre approche en fonction de la nature du problème. Je tiens à
souligner, en l'occurrence, toute l'importance de collaborer étroitement avec les
pays les plus touchés par la prolifération des armes de petit calibre. Nous
devrions accepter la direction des communautés et gouvernements concernés et
l'encourager, en même temps que fournir les ressources nécessaires pour soutenir
les efforts issus de la base, à l'échelle locale et régionale.
Trafic illicite des armes de petit calibre
Les sociétés en voie de démilitarisation ne présenteront jamais une solution
complète si les armes de petit calibre retirées de la circulation sont simplement
remplacées par d'autres armes. Faire arrêter les livraisons de ces armes n'est pas
facile. Cependant, des efforts déployés à la base pour assurer une saine gestion
publique et contrer la corruption, peuvent aider. Dans le même temps, il existe un
besoin clair d'une coopération régionale et multilatérale de grande envergure si
nous voulons établir des régimes internationaux aptes à régir les flux légaux et
illicites d'armes de petit calibre.
Un certain nombre d'initiatives internationales ont déjà été prises pour venir à
bout du problème de tels flux illicites. La Commission de l'ONU pour la prévention
du crime et la justice pénale a appelé de ses voeux la négociation d'un instrument
international destiné à combattre le trafic illicite des armes à feu, à titre de
protocole à une Convention mondiale sur le crime organisé transnational. Les
dirigeants du G-8 ont approuvé, cette année, un ensemble de principes qui
pourraient être incorporés à un tel protocole.
Une initiative particulièrement importante est la Convention interaméricaine de
l'OEA sur la lutte contre la fabrication et le trafic illicites d'armes à feu, de
munitions, d'explosifs et d'autres matériels apparentés. La Canada a collaboré à
la rédaction de cette convention, qu'il a signée, l'an dernier, à l'instar de 30
autres États de l'OEA. La Convention jette les bases d'une coopération entre les
pays de l'OEA, et constitue un précédent qui sera utile pour les négociations
menées dans d'autres instances internationales. De fait, la Commission de l'ONU
pour la prévention du crime et la justice pénale y fait explicitement référence
dans ses récents travaux consacrés à la question des armes de petit calibre. Au
Canada même, les efforts que nous consentons maintenant concernent les changements
législatifs nécessaires pour ratifier aussi rapidement que possible la Convention
de l'OEA.
Parallèlement à ces efforts qui visent le trafic illicite, il est tout aussi
essentiel de nous attaquer aux problèmes posés par le trafic licite, en
particulier les « fuites » qui se produisent dans le commerce légal d'envergure
dont ces armes font l'objet au niveau des gouvernements, sans compter les ventes
délibérément consenties par des gouvernements à des entités non étatiques.
Le Canada examine les moyens de conjurer ce dernier problème en consacrant, dans
le droit international, le principe selon lequel les États ne devraient pas
s'engager dans des actes susceptibles d'armer de manière inappropriée des entités
non étatiques, que ce soit directement ou indirectement. En vertu de ce principe,
les armes de petit calibre et armes légères conçues et fabriquées selon des
spécifications militaires pour servir d'instruments de guerre meurtriers sont
réservées aux seuls possession et usage des forces armées. Pour ce qui concerne ce
genre d'armes, on ne devrait pas en armer et équiper des entités non étatiques,
comme on le ferait pour des forces armées proprement dites.
Une convention sur les transferts à des entités non étatiques
En prévision de la réunion d'Oslo, j'ai écrit aux ministres des Affaires
étrangères des pays participants pour leur proposer d'envisager une convention
mondiale fondée sur le principe en question, à savoir interdire le transfert
international d'armes militaires de petit calibre et d'armes légères à des acteurs
autres que l'État. Du fait d'accéder à une convention de ce genre, les États
reconnaîtraient qu'il leur incomberait la responsabilité de faire en sorte que de
tels armements meurtriers n'aboutissent pas entre de mauvaises mains. C'est là
l'une des nombreuses propositions mises de l'avant à Oslo, proposition notée, soit
dit, comme un important pas en avant dans la gestion des effets secondaires
indésirables du commerce licite. Je suis très heureux d'avoir l'occasion de vous
présenter cette même proposition aujourd'hui, et je suis impatient de connaître
vos opinions sur l'opportunité de faire de la poursuite d'une telle convention
l'un des éléments de nos efforts.
Il s'agit en l'occurrence d'une question à la fois délicate et complexe, laquelle
a suscité des inquiétudes surtout dans deux domaines, que j'aimerais approfondir.
Le premier concerne la définition d' « armes militaires de petit calibre et armes
légères ». Pourquoi restreindre les limites de la convention aux armes conçues et
fabriquées selon des spécifications militaires et en exclure des catégories
entières d'armes non militaires comme les armes de poing, les fusils de chasse et
même les machettes ?
La réponse est simple. Selon notre fiche de données de plus en plus imposante
les armes de petit calibre et les armes légères destinées à des fins militaires
sont, de loin, la principale cause de la déstabilisation et des pertes de vie dans
les conflits internes en particulier, les mitrailleuses et les fusils d'assaut
automatiques, et les lance-grenades ou lance-roquettes portables. De fait, on
utilise des armes à feu de type non militaire dans des crimes violents commis dans
les quatre coins du monde, y compris dans les pays sortant d'un conflit. Dans le
même temps, ces armes ont de nombreuses applications légitimes à des fins civiles.
La meilleure façon de juguler les applications illicites des armes à feu de type
non militaire tout en autorisant celles qui sont légitimes consiste à se doter
d'une législation nationale régissant la détention d'armes par les particuliers et
les mesures d'application de la loi. Une convention comme celle dont nous avons
débattu à Oslo porterait explicitement sur les armes de petit calibre de type
militaire comme source majeure de conflits, d'instabilité et de souffrances
humaines dans le monde.
En ce qui concerne le Canada, permettez-moi de faire observer que les armes
d'assaut automatiques à l'ordre du jour des discussions sur une convention
possible, sont depuis nombre d'années classées comme des armes interdites en vertu
de la loi canadienne. Ainsi, une convention de ce genre n'aurait pas d'incidence
sur le projet de loi C-68. Ni la réunion d'Oslo, ni les discussions que nous
menons à présent sur les armes militaires de petit calibre ne feront en sorte de
modifier ou d'affecter de quelque façon ce texte de loi.
Le deuxième sujet de préoccupation qui a été exprimé est qu'une convention de ce
genre refuserait l'accès à des armes pour les entités non étatiques s'opposant à
des régimes répressifs, alors que ces derniers pourraient en toute légalité
s'armer contre leur propre population. J'aimerais mentionner deux points en
réponse à cette argumentation. Premièrement, le Canada n'a pas pour politique de
prôner l'armement de groupes d'opposition afin de renverser des régimes
impopulaires. Nous croyons que les moyens non violents sont la meilleure façon
d'apporter le changement politique. Les gouvernements qui auront signé la
convention auront de la sorte effectivement reconnu ce principe.
Deuxièmement, bien des pays exercent d'ores et déjà un contrôle serré sur les
ventes d'armes à d'autres gouvernements. Le Canada dispose d'un ensemble des
mesures de contrôle parmi les plus strictes au monde, que nous invitons les autres
pays à imiter. Avant d'autoriser une exportation, nous vérifions si le pays
destinataire est impliqué dans des hostilités donnant lieu à l'emploi de la force
militaire, s'il tombe sous le coup de l'embargo du Conseil de sécurité de l'ONU ou
s'il pose à l'endroit de ses citoyens des gestes qui violent les droits de la
personne. De fait, au cours des deux dernières années, plus de 90 p. 100 des
exportations canadiennes d'armes d'assaut automatiques ont été livrées aux forces
armées de seulement deux pays européens, le Danemark et les Pays-Bas.
Vous ne le saviez pas peut-être, mais chaque exportation de matériel militaire de
combat vers des pays autres que les membres de l'OTAN et une poignée d'autres
proches alliés requiert un permis que je signe personnellement cela comprend
toutes sortes de matériel, allant des balles aux simulateurs de vol. Certes, c'est
beaucoup de papier la moitié environ des notes administratives que je reçois.
Mais j'examine chacune d'entre elles avec soin, en particulier les évaluations du
dossier des droits de la personne et de la situation politique globale du pays
intéressé, et la façon dont l'acheteur utilisera le matériel. Pour assurer le
maximum de transparence, nous diffusons des rapports publics annuels de toutes les
exportations. Nous les avons récemment améliorés, ce qui les rend encore plus
complets et plus clairs.
Conclusion
Mettre les armes de petit calibre et armes légères à l'ordre du jour international
du désarmement, étudier le problème sur le terrain, négocier des accords
internationaux, désarmer et réintégrer les anciens combattants toutes ces tâches
sont des pas dans la bonne direction. Il est réconfortant de voir combien le
public à l'échelle internationale s'est sensibilisé au problème des armes
militaires de petit calibre destinées à des fins militaires au cours des dernières
années. Il est également réconfortant de voir, comme dans le dossier des mines
antipersonnel, l'engagement et l'intérêt de la communauté des ONG. J'espère
continuer à travailler en étroite coopération avec vous au règlement de ce
problème, et j'espère que nous pourrons susciter, entre les gouvernements et la
société civile, le même genre de synergie qui a marqué la campagne contre les
mines, même s'il s'agit là de problèmes de nature plutôt différente. En
particulier, je suis impatient de connaître vos opinions quant à l'idée canadienne
d'une convention interdisant les transferts vers des entités non étatiques. Le
mois prochain, alors que la communauté internationale se réunira à l'Assemblé
générale de l'ONU, nous aurons l'occasion de procéder à d'autres consultations
auprès des gouvernements et de la société civile.
Cela dit, ne nous faisons pas d'illusions quant à la complexité du problème et
quant au chemin qu'il nous reste à parcourir. Des ogives nucléaires menaçant le
camp adverse, de part et d'autre du rideau de fer n'est-ce pas là l'image que
nous retenons de la Guerre froide? Nous devons tout mettre en oeuvre pour que le
XXIe siècle ne nous inflige pas le spectacle d'enfants en haillons se tirant dessus
à coups d'AK-47 de part et d'autre d'une rue de village.
Je vous remercie.
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