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La haute atmosphère vue par WINDII

Dans la haute atmosphère terrestre, d'immenses ondes de vents violents circulent quotidiennement autour de notre planète. Contrairement aux marées que subissent deux fois par jour les océans de la Terre, ces marées atmosphériques qui se produisent à 24 heures d'intervalle ne sont pas provoquées par l'attraction lunaire, mais plutôt par la chaleur dégagée par le Soleil. Ces vents atteignent des vitesses vertigineuses de centaines de kilomètres à l'heure mais, dans l'atmosphère ténue des hautes altitudes, ils se comparent probablement à une légère brise.

Cette image unique de la haute atmosphère terrestre secouée par de forts vents en rafales a été créée à partir de données captées par un interféromètre canadien d'imagerie des vents de 40 millions de dollars appelé WINDII (Wind Imaging Interferometer). Financé par l'Agence spatiale canadienne et le Centre national d'études spatiales (CNES) de France, WINDII était l'un des dix instruments qui équipaient le satellite UARS (Upper Atmosphere Research Satellite) lancé par la NASA à bord de la navette spatiale en 1991.

« On s'est rendu compte que les vents soufflaient très fort ", de dire Gordon Shepherd, chef de l'équipe scientifique WINDII au Centre for Research in Earth and Space Science (CRESS) de l'Université York. " Tous les jours, ils atteignaient invariablement plus de 200 kilomètres/heure de part et autre de l'équateur. Cela nous a beaucoup surpris. C'est comme si ces vents avaient toujours la force d'un ouragan. »

« Nous avons également été surpris par le fait que WINDII pouvait détecter ce genre de courants. Certains prévoyaient que les vents seraient trop faibles pour être mesurés, mais, dans les faits, ils se sont révélés extrêmement puissants, carrément dominants », a-t-il ajouté.

En orbite à près de 600 kilomètres au-dessus de la Terre, WINDII a étudié différents aspects de la portion de la haute atmosphère qui s'étend approximativement de 80 à 300 kilomètres d'altitude. On ignorait presque tout des mouvements atmosphériques dans cette région et des interactions entre les phénomènes qui s'y produisent et ceux des autres portions de l'atmosphère. C'est le genre d'informations dont on a besoin pour comprendre et prévoir les phénomènes météorologiques et climatiques à l'échelle de la planète.

«La dynamique de cette région atmosphérique était le dernier, et le plus difficile, des paramètres à mesurer. Les sources et l'ampleur des vents [de la haute atmosphère] demeuraient inconnus. Nous voulions savoir quels changements les vents subissaient quotidiennement, selon les saisons et en fonction du cycle solaire de 11 ans. Ce que nous avons appris est bien différent de ce que nous pensions savoir », note M. Shepherd.

Devant être exploité pendant 18 mois seulement, le satellite UARS a poursuivi sa mission pendant 14 ans. L'instrument WINDII a fonctionné admirablement bien pendant 12 ans, dépassant ainsi les attentes les plus optimistes et produisant des millions d'images que les chercheurs vont pouvoir étudier pendant des dizaines d'années encore. Gordon Shepherd ajoute que l'instrument a fonctionné à merveille et qu'il se serait même contenté de l'équivalent de deux mois de données. « Je m'attendais à ce que WINDII fonctionne pendant 18 mois. Jamais je n'aurais cru qu'il durerait 12 ans! »

Préparatifs du voyage spatial de WINDII

La préparation d'un instrument aux conditions spatiales est une expérience stressante qui, de la conception à la collecte des premières données, comporte de nombreux pièges. Subissant de grandes secousses lors du lancement à bord d'une fusée, l'instrument se retrouve dans un milieu hostile, dans le vide quasi complet caractérisé par des niveaux de rayonnements intenses et où règnent des températures extrêmes. Il doit pouvoir fonctionner pendant des années, voire des décennies, sans nécessiter de réparations. La perte d'un tel instrument se mesure non seulement en dollars, mais également en fonction du nombre d'années de travail que les chercheurs et les ingénieurs y ont consacrées.

« Avant de pouvoir envoyer un système dans l'espace, il faut parfois compter une quinzaine d'années de travail au sol », signale le membre de l'équipe WINDII, Charles Hersom, de Spectral Applied Research Inc. « La pression est très forte; on prend beaucoup de risques et on se croise les doigts, en espérant mettre au point les meilleures techniques possibles. »

« WINDII représentait pour nous un véritable défi, car nous proposions un instrument complètement nouveau », admet M. Shepherd.

L'équipe a fait face à deux problèmes qui auraient pu être catastrophiques. Le premier problème mettait en jeu deux boulons qui étaient juste un peu trop courts. Pour régler le problème, il aurait fallu apporter des correctifs évalués à 1 million de dollars. Le deuxième problème portait sur des filtres qui, au fil du temps, finissaient par se déformer. Dans ce cas, il a bien fallu dépenser 1 million de dollars pour corriger la situation.

Le problème des boulons émanait de l'emplacement de WINDII sur le côté du satellite UARS. Deux des boulons n'étaient pas assez longs pour qu'on positionne l'instrument avec la précision requise. L'angle de pointage de WINDII aurait été trop élevé. « On aurait manqué une quantité incalculable de données. Le remplacement des boulons allait donc coûter 1 million de dollars », rapporte G. Shepherd.

C'est alors qu'il a proposé une solution moins coûteuse, en suggérant à la NASA de simplement abaisser l'altitude orbitale du satellite. Heureusement, les chercheurs qui mettaient au point les autres instruments d'UARS ont estimé qu'un tel changement ne nuisait pas à leurs expériences. Le plan a donc été approuvé.

Le problème des filtres s'est révélé plus grave et plus coûteux. Ces filtres servaient à isoler la lumière dans des longueurs d'onde précises que WINDII devait mesurer. Comme ils se déformaient avec le temps, les filtres ne laissent pas pénétrer la lumière dans les bonnes longueurs d'onde. Pour éviter que cela ne se produise en orbite, on leur a fait subir un vieillissement préalable au sol. Mais le traitement n'a pas parfaitement réussi.

Le choix a été difficile à faire. On pouvait soit espérer que les filtres fonctionnent suffisamment bien pendant les 18 mois de la mission, soit démonter l'instrument et y placer de nouveaux filtres. Quoique risquée, c'est cette dernière solution qui a été retenue - au coût de 1 million de dollars. « Autrement, cela aurait été une catastrophe. Après quelques années d'exploitation, le satellite n'aurait plus rien livré. Heureusement, nous avons obtenu des données jusqu'à la fin de la mission quasi sans décalage spectral », déclare M. Shepherd.

Les autres grands moments de tension sont survenus durant le lancement et pendant les premières phases d'exploitation de l'instrument. Gordon Shepherd se faisait du souci pour l'interféromètre qui était composé de plusieurs pièces essentielles en verre, collées les unes aux autres. Il craignait que ces pièces ne se détachent au cours du lancement. On craignait également des les variations de température fassent éclater le verre. Peu après le lancement, c'est avec un énorme soulagement que l'équipe au sol a reçu la confirmation que WINDII se portait à merveille. « Ça été absolument extraordinaire de le voir enfin fonctionner », de dire M. Shepherd.

Mais l'équipe n'était pas encore au bout de ses peines. L'étape suivante consistait à ouvrir l'obturateur qui protégeait le délicat système optique de WINDII des particules émises par le satellite pendant ses premières semaines en orbite. Il fallait donc mettre à feu un petit dispositif explosif qui allait déclencher une série d'actions pour ouvrir l'obturateur. Si la procédure échouait, tout était perdu. Heureusement, tout s'est déroulé comme prévu et les données se sont immédiatement mises à arriver au sol. C'est alors que l'équipe WINDII a pu enfin sabrer le champagne!

Bien que WINDI se soit mis à recueillir des données immédiatement, il a dû subir au préalable un long processus de validation. Il fallait comparer les données captées par l'instrument à celles fournies par des instruments installés au sol au Canada, aux États-unis, en Europe, en Australie et en Nouvelle-Zélande, de même qu'à des données provenant d'un autre instrument embarqué à bord d'UARS. La correspondance des résultats provenant des divers instruments signifiait qu'on pouvait se fier aux données.

Comme l'interféromètre WINDII a été le premier du genre à évoluer dans l'espace, l'équipe a enregistré des informations sur le comportement de l'instrument, en prenant soin de noter les changements qui se produisaient avec le temps. Ces informations s'avéreront utiles dans la conception d'instruments futurs semblables.

Tout au long de sa mission, WINDII a reçu de grands éloges pour sa fiabilité. « L'instrument comptait un nombre important de pièces mécaniques et aucune n'a flanché. WINDI était d'une qualité exceptionnelle », de dire M. Hersom.

La mesure des vents passe par la détection de la lumière

Étant donné que le satellite UARS évoluait à quelques centaines de kilomètres au-dessus de la zone des vents, WINDII faisait appel à la télédétection pour les mesurer. En fait, il mesurait l'intensité de la luminescence atmosphérique, une forme de lumière dans le spectre du visible émise par les atomes et les molécules d'oxygène dans l'atmosphère. WINDII prenait ses mesures dans deux directions distinctes de sorte que les chercheurs puissent calculer la vitesse des vents se déplaçant du nord au sud ainsi que d'est en ouest.

WINDII a détecté les flux d'ondes diurnes (par périodes de 24 heures) provoqués par le rayonnement solaire dans l'atmosphère. À basse latitude, ce flux émane de la troposphère, la zone atmosphérique la plus rapprochée de la surface de la Terre où l'énergie solaire est principalement absorbée par la vapeur d'eau. « À midi, le flux de chaleur est à son maximum et se met à circuler autour de la Terre dans la direction est, dans un cycle de 24 heures imitant celui du soleil », signale le membre de l'équipe WINDII, Charles McLandress, un chercheur en sciences atmosphériques à l'Université de Toronto. L'atmosphère réagit à cette masse diurne de chaleur en générant une onde -une onde diurne -qui se déplace à la fois vers l'ouest et vers le nord.

« Ces ondes atmosphériques se déplacent à la verticale et à l'horizontale, tout comme les vagues sur une plage inclinée », mentionne G. Shepherd. Elles prennent de plus en plus d'ampleur en altitude où la densité atmosphérique diminue. « Ce qui, au départ, étaient une ondelette dans la basse atmosphère s'amplifie de plus en plus », ajoute M. McLandress. « Cette masse de chaleur qui tourne autour de la Terre toutes les 24 heures a relativement peu d'incidence sur les températures et la vitesse des vents à l'échelle locale, mais l'effet s'intensifie en altitude. » Les ondes atteignent leur amplitude maximale entre 90 et 95 kilomètres d'altitude, puis finissent par se dissiper.

Parce que l'atmosphère est si ténue aux hautes altitudes, les vents ne semblent pas souffler si fort, et ce même s'ils se propagent à plus de 200 kilomètres à l'heure. « À cause de la faible densité, ils ne développent pas autant de force. Si vous deviez vous tenir debout à cette altitude, je ne pense pas que les vents vous feraient perdre pied. Au sol, c'est la masse d'air qui vous pousse », note M. McLandress.

Les chercheurs ont été étonnés de constater que les ondes atmosphériques diurnes variaient selon les saisons. Elles sont à leur plus fort au printemps et à l'automne, et à leur plus faible en été et en hiver. Les données fournies par WINDII ne permettent pas de découvrir l'origine du phénomène, mais M. McLandress a été en mesure d'expliquer le mécanisme à la base des variations saisonnières en les comparant à des données de simulations obtenues d'un modèle informatique.

WINDII a également mesuré différentes « ondes planétaires » qui font le tour de la Terre en deux jours ou plus et qui sont causées par le réchauffement atmosphérique attribuable à la rotation de la Terre. « Ces ondes qui se propagent par périodes de deux jours sont tout à fait étonnantes », observe William Ward, un professeur de physique à l'Université du Nouveau? Brunswick. Elles sont associées à de forts vents et elles se manifestent plus vigoureusement en janvier ainsi qu'en juillet et août.

« Des observations au sol ont révélé la présence de telles ondes, mais avant WINDII aucun satellite n'avait encore fourni une telle vue globale», de dire W. Ward, qui décrit les ondes comme les « forces » de l'atmosphère. « Nous savions qu'il y avait des ondes là-haut, mais personne ne savait vraiment à quoi leur structure pouvait bien ressembler. »

Ces ondes jouent un rôle déterminant dans la circulation atmosphérique à haute altitude et pourraient aider les chercheurs à mieux comprendre les processus qui sont liés aux changements climatiques et à l'appauvrissement de la couche d'ozone. Par exemple, on sait qu'elles contribuent à fractionner les vortex polaires au-dessus du pôle nord en hiver. Ces vortex sont des tourbillons d'air extrêmement froid associés à la création de grands trous dans la couche d'ozone tant au-dessus du pôle nord que du pôle sud. Comme les vortex sont plus stables dans l'hémisphère sud, ils y créent des trous de plus grande dimension et de plus longue durée.

« Les résultats obtenus grâce à WINDII expliquent un autre phénomène étonnant. Personne ne pouvait comprendre pourquoi les luminescences atmosphériques étaient si variables. On comprenait ce qu'elles étaient et on pouvait observer les vents déplacer les atomes d'oxygène et voir de magnifiques structures à l'échelle globale. En fait, on assiste à un renversement brutal de la circulation atmosphérique », signale M. Shepherd.

Amélioration des modèles informatiques

« Jadis, les chercheurs pensaient que l'atmosphère était relativement statique, mais ils savent aujourd'hui que sa composition est en constante évolution en raison des vents », ajoute Gordon Shepherd. Les données obtenues ont aidé les scientifiques à améliorer les modèles informatiques de la haute atmosphère. « Désormais, la science tient compte de ces mouvements. On a dû pousser plus loin les modèles pour qu'ils produisent des vents semblables à ceux observés. »

WINDII a également enrichi nos connaissances sur la chimie de la haute atmosphère en fournissant une preuve indirecte de la quantité d'oxygène atomique que contient la mésosphère et de sa répartition à différentes altitudes. La mésosphère couvre une zone qui s'étend de 50 km environ à près de 85 kilomètres d'altitude au-dessus de la Terre. Selon Robert Lowe, professeur de physique à l'Université Western Ontario, la durée de vie de l'oxygène atomique dans la basse atmosphère est relativement courte, mais au-delà d'environ 85 kilomètres d'altitude, il y demeure au moins une journée. Il en résulte un « vaste réservoir d'énergie ». C'est essentiellement la lumière solaire emmagasinée qui alimente divers processus chimiques. Elle contrôle la plupart des phénomènes chimiques de cette région.

M. Lowe indique que les données de WINDII seront extrêmement utiles dans la validation des modèles informatiques du comportement de l'atmosphère. Il ajoute qu'elles aideront également à mieux comprendre les interactions entre les différentes régions de l'atmosphère, ce qui compte dans la compréhension du climat terrestre.

Par le passé, les scientifiques avaient de la difficulté à accepter que des phénomènes se produisant à si haute altitude atmosphérique puissent influer à ce point sur la météo et le climat des régions inférieures. Mais les choses commencent à changer. « Plus vous étudiez le phénomène, plus vous constatez de liens entre les régions », mentionne Robert Lowe.

Charles McLandress ajoute qu'il importe de disposer d'un bon registre global des conditions actuelles de la haute atmosphère si l'on espère détecter et comprendre les changements futurs du climat terrestre. « Pour étudier les changements climatiques, il faut être en mesure de caractériser l'état actuel de l'atmosphère. Il faut donc avoir accès à des mesures globales s'échelonnant sur au moins quelques années. »

L'expérience acquise dans le cadre du programme WINDII sera utile pour l'avenir. Une équipe de chercheurs canadiens, dirigée par Ian McDade de l'Université York, s'emploie à mettre au point un autre instrument, désigné SWIFT (pour Stratospheric-Wind Interferometer For Transport studies), qui mesurera la vitesse des vents et les concentrations d'ozone dans la stratosphère, qui s'étend en moyenne entre 8-15 kilomètres et 50 kilomètres au-dessus de la surface du globe. L'instrument SWIFT devrait être lancé en orbite en 2010.

Durant la deuxième moitié de sa vie, WINDII a passé le plus clair de son temps en mode de veille en raison de pannes qui ont limité l'énergie alimentant le satellite UARS. Néanmoins, l'instrument a continué de produire des données jusqu'à ce qu'il soit mis hors service en septembre 2003. Le satellite, quant à lui, a cessé de fonctionner en décembre 2005. « Il deviendra un engin inerte dans l'espace et finira par se désintégrer dans l'atmosphère d'ici quelques années », conclut G. Shepherd.

Une fin de vie digne d'un instrument dont le but était d'enrichir nos connaissances sur l'atmosphère.



Références et liens

Projet WINDII de l'Université York
Projet UARS de la NASA
Fiche documentaire sur le projet UARS de la NASA

Dernière mise à jour : 2005/12/20 Avis importants