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COMMISSION DES PLAINTES DU PUBLIC CONTRE LA GRC

Loi sur la Gendarmerie royale du Canada
Partie VII
Paragraphe 45.46(3)

RAPPORT FINAL DU PRÉSIDENT
À LA SUITE D'UNE AUDIENCE PUBLIQUE

Plaignant :
Président de la Commission des plaintes du public contre la GRC

COMITÉ

Kenneth A. Stevenson, c.r. Président
Joyce E. Webster Membre
Graham W. Stewart Membre

Janvier 1996

No de dossier : 2000-PCC-930662


--------------------------------------------------------------------------------

RAPPORT FINAL DU PRÉSIDENT À LA SUITE D'UNE AUDIENCE PUBLIQUE

I. INTRODUCTION

Procédures

En vertu du paragraphe 45.43(1) de la Loi sur la GRC, le président de la Commission peut, s'il le juge dans l'intérêt du public, convoquer une audience publique pour enquêter sur une plainte, que la GRC ait ou non enquêté, produit un rapport sur la plainte ou pris quelque autre mesure à cet égard. L'audience est menée par les membres de la Commission qui sont désignés par le président et sont réputés être la Commission pour les besoins de l'audience en question. L'article 45.45 de la Loi établit certaines des règles applicables aux audiences, par exemple le fait que tout témoin peut se faire représenter à l'audience par un avocat. Au terme de l'audience, la Commission (c'est-à-dire les membres du comité qui a mené l'audience) produit un rapport intérimaire énonçant ses conclusions et ses recommandations relativement à la plainte. Ce rapport est envoyé au solliciteur général du Canada, au commissaire de la GRC, à toutes les parties visées et à leurs conseillers juridiques.

Le commissaire de la GRC doit, sur réception du rapport intérimaire, revoir la plainte à la lumière des conclusions et des recommandations. Il doit ensuite informer le président de la Commission de toute mesure ultérieure qui a été ou qui sera prise en rapport avec la plainte, ou lui expliquer pourquoi il ne tiendra pas compte des conclusions et recommandations.

Lorsqu'il a pris connaissance de l'avis du commissaire, le président de la Commission rédige un rapport final dans lequel il inclut les conclusions et les recommandations qu'il juge appropriées. Ce rapport est également envoyé au solliciteur général, au commissaire de la GRC, à toutes les parties visées et à leurs conseillers juridiques.

II. RAPPORT INTÉRIMAIRE

Rapport intérimaire et avis du commissaire

Dans le cas présent, le rapport intérimaire daté du 16 août 1995, qui fait état des conclusions et des recommandations, a été envoyé au solliciteur général et au commissaire. Ce dernier a réagi au rapport intérimaire dans une lettre datée du 10 novembre 1995 et adressée au président.

Le présent rapport est le rapport final du président relativement à cette plainte. Il contient, à l'appui des toutes les conclusions et recommandations, le texte du rapport intérimaire, à savoir un résumé de la plainte, l'enquête de la GRC relative à la plainte, des observations générales et les conclusions et recommandations intérimaires. Ce rapport comprend également la lettre du commissaire datée du 10 novembre 1995.

III. AVIS DU COMMISSAIRE DE LA GRC

Comme le stipule le paragraphe 45.46(2) de la Loi, le commissaire a transmis au président de la Commission son avis, qui se lit comme suit :

J'accuse réception du rapport intérimaire du 16 août 1995, n° de dossier 2000-PCC-930662, 93G-0637, et des documents relatifs à la plainte du président de la Commission des plaintes du public contre la GRC.

J'ai étudié les conclusions et je fournis l'avis suivant conformément à la Loi sur la Gendarmerie royale du Canada.

Je suis d'accord avec vos conclusions. En ce qui à trait à votre première recommandation, je crois que la politique suggérée serait plus utile si elle était intégrée au guide de la Section des plaintes et des enquêtes internes. Toutes les personnes effectuant des enquêtes internes utilisent ce guide. Je demanderai donc au directeur du personnel de veiller à ce que le guide contienne une politique inspirée de celle de la Division « K ».

Je suis également d'accord avec votre deuxième recommandation. Je demanderai aussi au directeur du personnel de veiller à ce que les points soulevés par le comité aux pages 18 et 19 du rapport intérimaire soient pris en compte et intégrés au guide. Je suis certain que cela respecterait l'esprit de la recommandation et permettrait aux enquêteurs de comprendre parfaitement la politique et de reconnaître que c'est l'enquête à propos des mours sexuelles qui peut constituer une atteinte indue à la vie privée. Les enquêteurs seront donc informés du fait que l'enquête pourrait bien relever du domaine public et éventuellement causer certains préjudices.

Je vous remercie pour vos conseils et j'attends avec impatience votre rapport final.

IV. CONCLUSIONS ET RECOMMANDATIONS FINALES DU PRÉSIDENT

Le comité de la Commission qui a mené l'audience relative à la présente plainte a présenté un rapport intérimaire complet à ce sujet, et formulé des conclusions et des recommandations. Après avoir examiné l'avis du commissaire qui figure à la partie III, je souhaite donc présenter ma conclusion finale relativement à ces plaintes.

Étant donné que le commissaire est d'accord avec les conclusions du comité, je suis satisfait de son avis et ne souhaite rien ajouter.

Le président,

9 janvier 1996

Jean-Pierre Beaulne, c.r.
Président
Commission des plaintes du public contre la GRC
C.P. 3423, succursale « D »
Ottawa (Ontario)
K1P 6L4


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Royal Canadian Mounted Police ~ Gendarmerie royale du Canada

J. P.R. Murray
Commissioner ~ Le Commissaire

Le 10 novembre 1995

Jean-Pierre Beaulne, c.r.
Président
Commission des plaintes du public contre la GRC
C.P. 3423, succursale « D »
Ottawa (Ontario)
K1P 6L4

Monsieur,

J'accuse réception du rapport intérimaire du 16 août 1995, n° de dossier 2000-PCC-930662, 93G-0637, et des documents relatifs à la plainte du président de la Commission des plaintes du public contre la GRC.

J'ai étudié les conclusions et je fournis l'avis suivant conformément à la Loi sur la Gendarmerie royale du Canada.

Je suis d'accord avec vos conclusions. En ce qui a trait à votre première recommandation, je crois que la politique suggérée serait plus utile si elle était intégrée au guide de la Section des plaintes et des enquêtes internes. Toutes les personnes effectuant des enquêtes internes utilisent ce guide. Je demanderai donc au directeur du personnel de veiller à ce que le guide contienne une politique inspirée de celle de la Division « K ».

Je suis également d'accord avec votre deuxième recommandation. Je demanderai aussi au directeur du personnel de veiller à ce que les points soulevés par le comité aux pages 18 et 19 du rapport intérimaire soient pris en compte et intégrés au guide. Je suis certain que cela respecterait l'esprit de la recommandation et permettrait aux enquêteurs de comprendre parfaitement la politique et de reconnaître que c'est l'enquête à propos des mours sexuelles qui peut constituer une atteinte indue à la vie privée. Les enquêteurs seront donc informés du fait que l'enquête pourrait bien relever du domaine public et éventuellement causer certains préjudices.

Je vous remercie pour vos conseils et j'attends avec impatience votre rapport final.

Cordialement,

J.P.R. Murray


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ANNEXE

2000-PCC-930662

COMMISSION DES PLAINTES DU PUBLIC CONTRE LA GRC

Loi sur la GRC - Partie VII
Paragraphe 45.45(14)

RAPPORT INTÉRIMAIRE DE LA COMMISSION

à la suite d'une audience publique
relativement à la plainte

du

Président de la
Commission des plaintes du public contre la GRC

COMITÉ

Kenneth A. Stevenson, c.r., président
Joyce E. Webster, membre
Graham W. Stewart, c.r., membre

Audience tenue à Edmonton (Alberta)
Les 28, 29 et 30 novembre 1994
Les 1er et 2 décembre 1994
Les 27, 28, 29 et 30 mars 1995


--------------------------------------------------------------------------------

LETTRE D'ACCOMPAGNEMENT

À : L'honorable Herbert E. Gray
Solliciteur général du Canada

Au : Le commissaire Phil Murray
Gendarmerie royale du Canada

Les soussignés ont été chargés par Jean-Pierre Beaulne, c.r., président de la Commission des plaintes du public contre la GRC, en vertu des pouvoirs qui lui sont conférés par la partie VII de la Loi sur la Gendarmerie royale du Canada, de mener une audience publique afin de pouvoir enquêter sur la plainte du président de la Commission des plaintes du public contre la GRC relative à la conduite du sergent d'état-major B.K. McLeod dans l'exercice de ses fonctions, au moment où il a enquêté sur les allégations d'inconduite sexuelle à l'endroit du gendarme P.D. Adams le 27 octobre 1991 ou aux environs de cette date, et présenté un rapport sur les antécédents sexuels de la femme mentionnée dans lesdites allégations.

Nous avons l'honneur de soumettre le présent rapport conformément au paragraphe 45.45(14) de la Loi sur la Gendarmerie royale du Canada.

Kenneth R. Stevenson, c.r.
Joyce E. Webster
Graham W. Stewart, c.r.

Le 16 août 1995


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TABLE DES MATIÈRES

1. Procédures

2. Plainte

3. Questions préliminaires

4. Sommaire des faits

5. Témoignages

6. Question

7. Opinion du comité

8. Recommandations


Annexe « A »


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1. PROCÉDURES

Par un avis de décision relatif à la convocation d'une audience et à la nomination des membres du comité, daté du 6 juin 1994 et modifié le 22 juillet 1994, Jean-Pierre Beaulne, c.r., président de la Commission des plaintes du public contre la GRC, a convoqué une audience relative à la plainte qu'il a lui-même déposée en vertu des pouvoirs que lui confère la Loi sur la Gendarmerie royale du Canada, 1986.

Dans cet avis de décision, Jean-Pierre Beaulne qualifiait de partie le sergent d'état-major B.K. McLeod.

L'avis désignait Kenneth A. Stevenson, c.r. comme président et Joyce E. Webster et Graham W. Stewart, c.r., comme membres de la Commission chargés de mener l'audience.

L'audience a été convoquée et tenue en public à Edmonton (Alberta) les 28, 29 et 30 novembre, et 1er et 2 décembre 1994, ainsi que les 27, 28, 29 et 30 mars 1995.

Tout au long de l'audience, la Commission a été assistée par les avocats suivants :

M. Pierre -Y. Delage
Avocat de la Commission

Mmes Susanne Frost et Barbara Ritzen
Avocates de l'« officier compétent » de la GRC

M. Chris D. Evans, c.r.
Avocat du sergent d'état-major McLeod

2. PLAINTE

La responsabilité du comité de la Commission consiste à mener une audience publique relative à une plainte déposée par le président de la Commission des plaintes du public contre la GRC, conformément à l'article 45.37 de la Loi sur la GRC, L.R.C. 9. La plainte (modifiée) se lit comme suit :

Convaincu qu'il existe des motifs raisonnables d'enquêter sur la conduite du sergent d'état-major B.K. McLeod, qui pourrait avoir outrepassé ses pouvoirs lorsqu'il enquêtait sur les allégations d'inconduite sexuelle visant le gendarme P.D. Adams le 27 octobre 1991 ou aux environs de cette date, le président de la Commission dépose une plainte à propos de la conduite du sergent d'état-major B.K. McLeod dans l'exercice de ses fonctions, lorsqu'il a enquêté et présenté un rapport sur les antécédents sexuels de la femme mentionnée dans lesdites allégations.

3. QUESTIONS PRÉLIMINAIRES

Le 23 novembre 1994, durant une téléconférence à laquelle participaient tous les avocats, Mme Suzanne Frost a déposé au nom de l'officier compétent une motion demandant que soit annulée la citation à comparaître visant l'inspecteur A.D. MacIntyre. Cette motion s'appuyait sur le fait que l'inspecteur MacIntyre n'était pas le supérieur du sergent d'état-major McLeod au moment de l'enquête interne visant ce dernier, et que son témoignage ne pouvait donc en rien être pertinent. Mme Frost a indiqué que l'inspecteur MacIntyre était en poste à Yellowknife, qu'il participait uniquement à l'enquête relevant du Code criminel et qu'il pouvait transmettre son rapport sans nécessairement témoigner de vive voix. Tous les avocats ont considéré que l'enquête criminelle et ses résultats pourraient être pertinents. Le comité a décidé qu'il ne pouvait pas, à priori, annuler la citation à comparaître adressée par l'avocat de la Commission sous prétexte que le témoignage de l'inspecteur MacIntyre n'était pas pertinent.

Au début de l'audience, Mme Frost a, au nom de l'officier compétent, contesté la compétence du comité, affirmant que la formulation de la plainte ne donnait pas de détails sur l'« intérêt public » mentionné dans la plainte déposée par le président conformément au paragraphe 45.43(1) de la Loi sur la GRC, et ne donnait pas non plus assez de détails à propos d'un possible « abus de pouvoir » commis par le sergent d'état-major McLeod dans l'exercice de ses fonctions.

Le comité a décidé qu'il n'incombait pas au président de la Commission d'indiquer ce qui, selon lui, relevait de l'« intérêt public » lorsqu'il décidait de convoquer une audience conformément au paragraphe 45.43(1) de la Loi sur la GRC. Le comité s'est dit d'accord avec la décision prise par M. Lyman R. Robinson, c.r., relativement à une plainte de M. Cameron Ward. À la page 9 du rapport de la Commission, M. Robinson déclarait : « Il n'incombe pas au comité qui a été chargé de diriger l'audience d'examiner la décision du président de la Commission relativement à la détermination d'un intérêt public suffisant ou à la nécessité de convoquer une audience. »

Le comité a par ailleurs décidé que l'avis décrivait adéquatement la nature de la conduite faisant l'objet de la plainte et informait suffisamment les parties de la nature de cette plainte.

C.D. Evans, c.r., avocat du sergent d'état-major McLeod, a affirmé que, d'après la teneur générale des déclarations faites par le commissaire de la GRC aux médias en ce qui concerne le bien-fondé des enquêtes sur les antécédents sexuels, on pouvait avoir une présomption raisonnable de partialité, et que la présentation au commissaire d'un rapport de la Commission sur les plaintes du public contre la GRC n'aurait pratiquement aucun effet. Donc, selon lui, l'audience ne devrait pas se poursuivre et la plainte devrait être annulée, ou il faudrait soumettre ce cas à la décision de la Cour fédérale.

Le comité pensait que la question ne devrait pas être soumise à une décision de la Cour fédérale et que la plainte ne devrait pas être annulée; il a donc décidé que l'audience devrait se poursuivre, considérant que son rôle consistait à conduire l'audience et à formuler des conclusions et/ou des recommandations. En étudiant l'esprit de la Loi sur la GRC, en particulier de la partie VII, le comité a constaté qu'elle prévoyait la possibilité de déposer une plainte contre la GRC et la possibilité pour la GRC de procéder à une enquête; l'article 45.4 prévoit qu'au terme de l'enquête, le commissaire de la GRC enverra un rapport final portant sur les questions à l'étude. Ce rapport final contient un résumé de la plainte, les résultats de l'enquête et un résumé des mesures prises ou projetées pour régler la plainte, ainsi que la mention du droit qu'a le plaignant de renvoyer la plainte devant la Commission des plaintes du public contre la GRC. L'article 45.41 prévoit les cas où un plaignant n'est pas satisfait du règlement de sa plainte par la GRC. Il peut alors renvoyer sa plainte devant la Commission pour examen; la Loi permet au président de la Commission d'enquêter ou d'ordonner une audience.

La Loi stipule clairement qu'un rapport est rédigé par le commissaire; ce rapport peut conclure qu'il n'y a pas eu mauvaise conduite, qu'il y a eu mauvaise conduite ou que la conduite nécessite certaines recommandations. Malgré le fait que le commissaire rédige un rapport, la Loi prévoit quand même un rôle pour le président de la Commission et le comité d'audience. Selon le présent comité, le fait qu'il y ait eu ou non une enquête justifiée par la partie VII de la Loi n'est pas déterminant dans le cas présent. La Loi stipule qu'un rapport est rédigé par le commissaire ou au nom de celui-ci, et que ce rapport peut contenir des conclusions; en outre, la Loi prévoit la tenue d'audiences supplémentaires comme l'audience mentionnée ici. Cela peut être justifié lorsque le commissaire a rédigé un rapport ou formulé un commentaire, et que la question est ensuite soumise à un comité d'audience ou au président. Par contre, cela ne signifie pas que l'application des procédures prévues par la Loi sous-entend l'existence d'une présomption raisonnable de partialité. La Loi prévoit qu'au terme d'une enquête effectuée conformément à la partie VII, une audience peut avoir lieu. Il s'agit d'une directive du Parlement inspirée du texte de loi.

4. SOMMAIRE DES FAITS

Le 27 octobre 1991, le gendarme P.D. Adams, membre du détachement de Leduc (Alberta) de la GRC (ci-après appelé « Adams ») a eu une brève relation sexuelle avec une jeune femme de 19 ans (ci-après appelée « K »). Le 3 novembre 1991, le gendarme Gopp, autre membre du détachement de Leduc, a été informé de l'incident par K, alors qu'il s'apprêtait à accuser celle-ci de possession illégale d'alcool. Lorsque le gendarme Gopp lui a demandé plus de détails, elle a refusé de les lui fournir.

En novembre 1991, la Section des enquêtes générales du détachement a entrepris une enquête criminelle sur la question. Au terme de cette enquête, Adams a été accusé d'agression sexuelle (art. 271 du Code criminel), de corruption (art. 120 du Code) et d'entrave à la justice (par. l39(2) du Code). À la fin du mois de mai 1992, le sergent d'état-major McLeod (ci-après appelé McLeod) s'est vu remettre les résultats de l'enquête criminelle et a commencé une enquête liée au Code de déontologie conformément à la partie IV de la Loi sur la GRC.

L'enquête criminelle, qui a été effectuée par l'inspecteur A.D. MacIntyre, était axée sur les questions suivantes :

1. Est-ce que la prétendue relation sexuelle entre le gendarme Adams et K a effectivement eu lieu? (Adams l'a tout d'abord nié.)

2. Si tel est le cas, s'agissait-il d'un acte consensuel, ou Adams a-t-il usé de son pouvoir d'agent de police pour contraindre K à cet acte?

3. L'acte sexuel a-t-il été offert par K ou demandé par Adams, qui l'aurait utilisé comme moyen d'éviter à K une accusation de conduite avec facultés affaiblies?

L'enquête criminelle qu'a menée l'inspecteur MacIntyre en décembre 1991 a révélé que K, qui avait 19 ans à l'époque, avait bu beaucoup au bar d'un club de conditionnement physique. Elle est partie seule au volant de son véhicule vers 1 h 30 du matin. Elle n'avait fait que quelques pieds lorsque Adams l'a arrêtée; il portait alors son uniforme et était en service. K et Adams sont montés dans la voiture de police. Juste après (peut-être moins de cinq minutes), K a fait une fellation à Adams et ils ont eu un début de relation sexuelle. Ensuite, Adams a conduit K au club de conditionnement physique où ses amis prenaient un verre. Aucune accusation de conduite avec facultés affaiblies ou d'un autre type n'a été portée contre K.

L'inspecteur MacIntyre a interrogé K et neuf autres témoins potentiels, et enregistré une déclaration après mise en garde d'Adams. K et Adams ont tous deux nié le fait que cet acte sexuel s'apparentait à un acte de corruption. Adams a déclaré qu'il s'agissait d'un acte consensuel. À première vue, les déclarations qu'a faites K à différentes personnes pouvaient donner lieu à diverses interprétations quant à la question du consentement mais, dans sa déclaration finale à l'inspecteur MacIntyre, elle a affirmé que les deux partenaires étaient consentants.

Il est évident que les circonstances peuvent éveiller une forte suspicion et susciter un certain nombre de sous-entendus. Selon l'inspecteur MacIntyre, K a sans doute offert cette faveur sexuelle pour éviter de se voir accusée de conduite avec facultés affaiblies, mais il a conclu son enquête par une recommandation indiquant qu'il était peu probable que des poursuites criminelles aboutissent et que cet incident constituait tout au moins une ou plusieurs violations du Code de déontologie.

La Couronne a insisté pour qu'Adams soit accusé d'agression sexuelle sous prétexte qu'il avait usé de son pouvoir d'agent de police pour imposer ou encourager cette faveur sexuelle. En outre, le Substitut en chef du Procureur général, Darwin Greaves, souhaitait accuser K d'un crime apparenté à la corruption ou d'entrave à la justice en vertu du Code criminel. McLeod avait été chargé d'assurer la liaison avec la Couronne à propos du dépôt d'accusations. Il a recommandé qu'aucune accusation criminelle ne soit portée contre qui que ce soit et s'est opposé fermement au dépôt d'accusations contre K. Le dossier a été examiné par le procureur de la Couronne Stephen Koval, qui a également recommandé qu'aucune accusation ne soit portée contre Adams ou K. K n'a pas été accusée. Toutes les accusations dont faisait l'objet Adams ont été rejetées par un juge de la cour provinciale au terme d'une enquête préliminaire.

La violation possible du Code de déontologie tient au fait qu'Adams aurait abusé de son statut de membre de la GRC pour obtenir des faveurs sexuelles de K et accompli du fait même un acte à la fois honteux et répréhensible qui a jeté le discrédit sur la GRC, en enfreignant le paragraphe 39(1) du Règlement sur la GRC de 1988. K est considérée comme la « plaignante » dans le rapport du sergent d'état-major McLeod. En fait, tous les témoins admettent que K ne s'est jamais plainte à quelque responsable que ce soit à propos de l'incident et qu'elle a dit espérer qu'Adams ne perde pas son emploi à cause de cette affaire. Dans le cadre de cette enquête visant Adams, le sergent d'état-major McLeod s'est renseigné sur les antécédents sexuels et les mours de K (dont nous parlerons plus loin en détail); il a également passé en revue les dossiers internes relatifs à la conduite passée d'Adams. Dans son rapport daté du 31 août 1992, au paragraphe 7 de la page 6, il fait référence en partie au raisonnement qui a appuyé son enquête sur les antécédents sexuels de K. Il souhaitait établir un « profil des antécédents » des deux parties principales. Il croyait qu'il faudrait accorder une certaine importance aux mours des parties, puisqu'il s'agissait des deux seules personnes susceptibles de relater exactement ce qui s'était passé. On peut lire ce qui suit dans son rapport :

Afin de respecter l'esprit du mandat interne qui a été défini, il est essentiel de présenter de façon équitable et objective tous les faits concernant les personnes touchées par cette grave accusation portant sur la conduite incorrecte d'un agent de police. Je me suis engagé à rechercher les faits en recueillant des renseignements relatifs aux mours et aux habitudes du gendarme Adams et de K.

En janvier 1993, l'Edmonton Journal a publié un article portant sur les enquêtes criminelles et internes. Un certain nombre d'autres publications ont globalement critiqué l'enquête de la GRC. L'inspecteur MacIntyre soupçonnait que son rapport avait fait l'objet de « fuites » destinées au journal, en raison de la similitude de formulation entre l'article et son rapport. Après la publication de l'article, W.L. Holmes, commandant intérimaire de la Division « K », a demandé à l'inspecteur A.A. Spaans, officier responsable des lois fédérales au sein de cette division, d'examiner les procédures et la pertinence d'une enquête criminelle interne à propos de K et d'Adams, et de présenter un rapport à ce sujet. En plus de l'intérêt manifesté par les médias pour la portée de l'enquête, les responsables de la Division « K » s'inquiétaient du conflit d'opinions opposant le sergent d'état-major McLeod et l'avocat de la Couronne à propos de la pertinence des accusations criminelles, et de la pratique consistant à faire traiter les enquêtes criminelles relatives aux actes des membres de la GRC par la Division de l'administration et du personnel plutôt que par le Service divisionnaire de la police criminelle. Cette dernière préoccupation était liée au fait que le sergent d'état-major McLeod, à qui l'on a demandé d'effectuer une enquête interne liée au Code de déontologie, devait également assurer la liaison avec l'avocat de la Couronne concernant l'enquête criminelle. L'une des difficultés que cela présentait tenait au fait que M. McLeod ne voulait pas qu'Adams soit accusé au criminel sur la base de preuves insuffisantes, et qu'ainsi ces accusations soient rejetées. Il lui semblait qu'une telle situation risquait de nuire au traitement disciplinaire du cas d'Adams.

5. TÉMOIGNAGES

Inspecteur A.D. MacIntyre

L'inspecteur A.D. MacIntyre de la SEG d'Edmonton, qui a mené l'enquête criminelle, a présenté le témoignage décrit plus haut. Il a également déclaré qu'il se concentrait sur une accusation possible de corruption ou d'entrave à la justice plutôt que d'agression sexuelle. Il était d'accord avec le sergent d'état-major McLeod pour dire qu'aucun élément de preuve ne suffisait pour porter une accusation criminelle contre K. Il est finalement tombé d'accord avec la Couronne, qui affirmait qu'Adams devrait faire l'objet d'une accusation criminelle d'agression sexuelle, lorsque la question du « pouvoir et de l'autorité » a été portée à son attention par le Substitut en chef du Procureur général.

Surintendant A.A. Spaans

Le rapport du surintendant Spaans daté du 17 mars 1993 a été reçu à titre de témoignage. Bien que son mandat consistait à examiner les « procédures et la pertinence » de l'enquête criminelle interne, le surintendant Spaans a fait référence dans son rapport à l'article 37 de la Loi sur la GRC, qui établit des normes applicables aux membres de la GRC. Dans son témoignage, le surintendant Spaans a déclaré qu'il n'avait pas entrepris d'enquête liée au Code de déontologie portant sur la conduite du sergent d'état-major McLeod. Le comité convient que le rapport du surintendant Spaans se voulait un examen administratif des pratiques et procédures, et il n'a jamais été question que cet examen ait des répercussions personnelles pour l'inspecteur MacIntyre ou le sergent d'état-major McLeod. Au terme de cet examen, le 8 avril 1993, le surintendant J.P. Curley, officier responsable de l'administration et du personnel de la Division « K », a émis des instructions qui ont entraîné un ajout au chapitre XII.4 du Manuel d'administration, à la section consacrée aux enquêtes liées au Code de déontologie :

F.4.i. Durant les enquêtes liées au Code de déontologie basées sur une allégation d'agression sexuelle, aucune enquête ne doit être effectuée relativement aux antécédents sexuels de la victime/du(de la) plaignant(e) à moins que l'officier responsable des services administratifs ou de l'administration et du personnel ne l'ait autorisé.

Avant la conclusion de l'audience, cette disposition F.4.i. a été remplacée par une politique plus restrictive, à laquelle nous ferons référence plus loin dans le présent document.

Dans la préface de son rapport, l'inspecteur Spaans a indiqué ce qui suit :

Même si l'acte commis par le gendarme Adams a servi de base à la rédaction de l'article de journal, la controverse a été soulevée par l'attitude apparemment intransigeante de la GRC vis-à-vis des autorités chargées de la poursuite et par les enquêtes approfondies sur la réputation sexuelle de la victime.

Les préoccupations de la GRC ont été suscitées par la controverse publique. Pour les besoins de cette plainte d'intérêt public, la conclusion principale du rapport du surintendant Spaans est la suivante : l'interrogatoire effectué par le sergent d'état-major McLeod durant l'enquête interne sur la réputation sexuelle de K était inutile et a constitué une grave atteinte à sa vie privée.

Le surintendant Spaans a conclu qu'il n'existait aucun lien logiq ue entre la conduite du gendarme ou la réputation de la GRC et la réputation sexuelle de K. Selon lui, les questions relatives à la réputation sexuelle, à l'habillement et à la consommation d'alcool ne sont tout simplement pas pertinentes et n'auraient pas dû être posées. Dans la conclusion de son rapport, il indique que les interrogatoires étaient en complet désaccord avec la façon dont on traite aujourd'hui les victimes d'agression sexuelle. Il a ajouté que le sergent d'état-major McLeod n'a pas fait preuve de malveillance ou d'animosité envers qui que ce soit, et qu'il n'a en aucun cas pardonné la conduite d'Adams et n'avait aucune sympathie pour Adams en raison du caractère difficile de sa situation.

Le rapport Spaans contient des recommandations relatives à la future répartition des responsabilités entre la Division de l'administration et du personnel et le Service divisionnaire de la police criminelle en ce qui concerne les plaintes légales que le public dépose contre la GRC, ainsi qu'aux futurs conflits entre le procureur de la Couronne et les enquêteurs. Ces recommandations ne revêtent pas une importance particulière pour le comité d'audience.

Le surintendant Spaans a déclaré que le sergent d'état-major McLeod était un officier d'expérience et un véritable atout pour la GRC. Selon lui, au moment de l'incident, la politique de la Division « K » ne contenait pas de directive particulière relative aux enquêtes sur la moralité passée ou les antécédents sexuels dans les enquêtes liées au Code de déontologie. Il a déclaré que, depuis cet incident, la section du Manuel d'administration traitant des enquêtes liées au Code de déontologie a été modifiée de la façon qui a été décrite précédemment dans le présent document. Il a rappelé que, dans son rapport, il indiquait que la conduite de K lors de l'incident n'était en rien liée à la culpabilité d'Adams. Il pense que, dans ce cas, les antécédents sexuels de celle-ci n'ont absolument aucun lien avec le fait que la conduite d'Adams ait contrevenu ou pas au Code de déontologie, et avec la sanction disciplinaire qui pourrait viser Adams. Selon lui, une éventuelle relation antérieure entre K et Adams n'était pas non plus pertinente, pas plus que le fait que K soit devenue sexuellement entreprenante sous l'influence de l'alcool, ou qu'elle ait amorcé la relation sexuelle. Même s'il a relevé une apparence de préjugé à l'encontre de K dans le rapport du sergent d'état-major McLeod, il pensait que McLeod n'avait pour sa part aucun préjugé.

Surintendant principal Wayne Eaton

Le surintendant principal Wayne Eaton était surintendant principal de la Division « K » au moment de l'incident. Il a approuvé toutes les conclusions et recommandations du rapport du surintendant Spaans et demandé à l'officier responsable de l'administration et du personnel :

1. d'envoyer une lettre d'excuses à K;

2. de transmettre une copie du rapport Spaans à la Sous-direction des affaires internes à Ottawa;

3. de déterminer les contradictions, les lacunes et/ou les ambiguïtés que contient la politique nationale relative aux enquêtes internes, et de recommander des changements au besoin;

4. de rédiger la politique de la Division en s'inspirant de ses recommandations;

5. de prendre des mesures afin d'éviter que l'on effectue à nouveau une enquête ne convenant pas à la situation, à l'image de celle qui a été menée sur les mours de K.

En ce qui concerne la recommandation n° 4 ci-dessus, la politique provisoire mentionnée plus haut, relative aux futures enquêtes liées au Code de déontologie, a été publiée le 8 avril 1993 par le surintendant J.F. Curley, officier responsable de l'administration et du personnel, Division « K ».

Durant les enquêtes liées au Code de déontologie basées sur une allégation d'agression sexuelle, aucune enquête ne doit être effectuée relativement aux antécédents sexuels de la victime/du plaignant à moins que l'officier responsable des services administratifs ou de l'administration et du personnel ne l'ait autorisé expressément par écrit.

Cette directive a été intégrée au Manuel d'administration, dans la partie IV relative aux enquêtes liées au Code de déontologie, sous le paragraphe F.4.i. (cité plus haut), auquel on a retiré uniquement le terme « par écrit » dans la référence à l'autorisation requise.

Le surintendant principal Eaton a déclaré que l'expression « agression sexuelle » contenue dans la nouvelle politique était mal choisie et devrait être remplacée par « acte sexuel répréhensible ». Cette politique a été révisée.

Selon le surintendant principal Eaton, l'enquête du surintendant Spaans ne portait nullement sur la conduite du sergent d'état-major McLeod, mais sur la politique en vigueur. Il a ajouté que la politique indiquant comment enquêter sur les antécédents sexuels dans le cadre du Code de déontologie comportait des lacunes au moment de l'enquête de McLeod. Il a assumé la responsabilité de ces lacunes et déclaré qu'il ne « blâmait pas McLeod » pour la façon dont il avait mené son enquête. Il était d'accord avec le surintendant Spaans pour dire que l'enquête menée par le sergent d'état-major McLeod à propos des mours de K ne convenait pas.

Surintendant Stephen Duncan

Le surintendant Stephen Duncan était officier responsable des services administratifs de la Division « K » au moment de l'incident. Il n'était pas le supérieur immédiat du sergent d'état-major McLeod, mais il a eu durant l'enquête des discussions générales avec ce dernier relativement à la nécessité d'obtenir de vérifier s'il y avait déjà eu des plaintes ou des allégations semblables au sujet d'Adams et si celui-ci et K se connaissaient avant l'incident.

Le surintendant Duncan a affirmé qu'il voulait ainsi réunir suffisamment d'information sur les antécédents de K afin de pouvoir l'utiliser pour réfuter tout argument présenté comme défense par Adams dans le cadre de la procédure prévue concernant le Code de déontologie. Il a refusé de préciser jusqu'où le sergent d'état-major McLeod avait poussé son enquête sur la conduite sexuelle antérieure de K. De façon générale, le surintendant Duncan estimait qu'une telle enquête pouvait être pertinente pour déterminer si K était consentante et si, en fait, elle avait pris l'initiative dans la relation sexuelle. Il a expliqué que le travail d'un officier enquêteur consiste habituellement à rassembler toute l'information pouvant être pertinente, et ce, même si certains éléments ou l'ensemble de cette information risque, en dernière analyse, de s'avérer inutile ou non pertinente. Le surintendant Duncan a déclaré dans son témoignage que le sergent d'état-major McLeod et lui-même se sont d'abord opposés aux efforts du procureur de la Couronne visant à ce que des accusations soient portées contre Adams (et, éventuellement, contre K) relativement à un certain nombre d'infractions. Selon le surintendant Duncan, ils craignaient que, si Adams était acquitté, cela réduirait la capacité de la GRC de faire en sorte que son cas soit examiné avec sévérité dans le cadre de l'enquête liée au Code de déontologie. Le surintendant Duncan comptait se fonder, à l'audience relative au Code de déontologie, sur l'article 37 de la Loi sur la preuve au Canada pour garder confidentielles les déclarations concernant les antécédents sexuels de K. Il croyait ainsi protéger le droit de K à la vie privée. En effet, à ses yeux, la fuite prévisible dans les journaux au sujet des enquêtes de l'inspecteur MacIntyre et du sergent d'état-major McLeod ainsi que l'audience d'intérêt public de la CPP sur la plainte auraient porté atteinte à la vie privée de K. Le président du comité a demandé au surintendant Duncan si le fait de poser des questions à des amis et à des collègues au sujet des antécédents sexuels de K n'était pas en soi une « atteinte à la vie privée ». Le surintendant Duncan a répondu que, si cela était fait dans le but de présenter l'information à la cour ou au tribunal chargé de se pencher sur la question du Code de déontologie à des fins d'examen, il ne s'agirait pas d'une atteinte à la vie privée. Il a ajouté qu'il reviendrait au tribunal d'arbitrage disciplinaire de déterminer en bout de ligne la pertinence ou l'utilité des renseignements ainsi recueillis ou l'usage qu'on devait en faire.

Surintendant Joseph Peter Curley

Le surintendant Joseph Peter Curley a déclaré dans son témoignage que le type de questions soulevées relativement aux mours de K auraient pu être utiles pour établir la crédibilité et de K et d'Adams. Il a précisé que, par « crédibilité », il faisait référence aux raisons pour lesquelles cette relation sexuelle aurait eu lieu dans les cinq minutes qui ont suivi la rencontre initiale des parties ainsi qu'à la question de savoir si l'on pouvait croire leurs déclarations selon lesquelles cette faveur n'avait pas été accordée dans un but de subornation. Selon lui, la portée de l'enquête était laissée à la discrétion de l'officier. Le surintendant Curley estimait que, personnellement, il n'aurait pas été aussi loin que le sergent d'état-major McLeod s'il avait fait enquête sur les mours de K et que, rétrospectivement, il était d'avis que le fait de pousser aussi loin l'enquête ne s'avérait pas indiqué. Il a affirmé qu'Adams avait donné une raison valable pour expliquer l'incident et que, en définitive, on devait examiner cette raison afin de déterminer si Adams disait la vérité. Le surintendant Curley ne tarissait pas d'éloges sur la compétence du sergent d'état-major McLeod en tant qu'enquêteur et il a mentionné que ce dernier avait déposé un « grief » à l'interne relativement à la manière dont on décrivait son enquête dans le rapport Spaans.

Autres témoins

À l'exception de Stephen Koval et du sous-officier de détachement à la retraite Gary Lindstrom, qui ont été cités par M. Evans au nom du sergent d'état-major McLeod, tous les témoins ont été cités par l'avocat de la Commission, Pierre-Y. Delage.

Stephen Koval

M. Koval était avocat général à la division responsable de la justice pénale au ministère de la Justice de l'Alberta. Le sergent d'état-major McLeod l'a consulté pour savoir dans quelle mesure il devait, dans les circonstances, faire enquête au sujet des antécédents sexuels de K. M. Koval a dit au sergent d'état-major McLeod que cet aspect pouvait être pertinent. Il était d'avis que tout enquêteur de police doit réunir des preuves qui viennent soit corroborer soit discréditer les déclarations des témoins et de présenter ces preuves à la Couronne afin que le procureur ne s'engage pas dans une affaire « les mains vides ». M. Koval ne partageait pas l'opinion du procureur en chef, Darwin Greaves, lequel « réagissait fortement » à la nature des enquêtes menées par le sergent d'état-major McLeod.

Sergent d'état-major Gary Lindstrom

L'ancien sergent d'état-major Lindstrom a déclaré que l'enquête criminelle de l'inspecteur MacIntyre était entachée d'une erreur flagrante. En effet, Adams a déclaré que, après avoir initialement fait monter K dans le véhicule de police, il l'a déposée au centre de conditionnement physique, où elle n'a pas pu entrer parce que la porte était fermée à clé. Adams a dit que K est alors retournée au véhicule de police, après quoi le rapport sexuel a eu lieu. M. Lindstrom était d'avis que cela contredisait l'hypothèse selon laquelle une faveur sexuelle aurait été accordée en échange d'une immunité permettant d'échapper à une poursuite pour conduite avec facultés affaiblies. À ses yeux, il était donc nécessaire de pousser plus loin l'enquête afin de déterminer si la déclaration d'Adams constituait une description exacte des faits tels qu'ils s'étaient produits. D'après M. Lindstrom, si Adams disait la vérité à l'époque au sujet du comportement agressif de K, cela aurait pu influer sur la position du comité d'arbitrage interne par rapport à sa culpabilité.

6. QUESTION

En vertu de l'article 45.43 de la Loi sur la Gendarmerie royale du Canada, le comité de la Commission a l'obligation légale de tenir une enquête sur la « conduite » d'un membre « dans l'exercice de fonctions prévues à la loi ». Selon la plainte, le sergent d'état-major McLeod pourrait avoir abusé de son autorité lorsqu'il a enquêté et fait rapport au sujet de certains aspects des antécédents sexuels de K. C'est cette conduite qui est en cause.

Mme Ritzen, au nom de l'officier compétent aux termes du paragraphe 2(3) de la Loi, a exhorté le comité à interpréter le terme « abus de pouvoir » en vertu de l'article 37 comme désignant le fait d'agir de façon contraire à la loi, à la politique ou aux ordres de supérieurs, ou encore d'agir à des fins illégitimes. M. Delage, l'avocat de la Commission, a avancé que le mandat de la Commission était plus vaste et consistait à enquêter sur les plaintes relatives à la conduite des membres dans l'exercice de leurs fonctions, peu importe si la conduite en cause pouvait constituer un abus d'autorité.

Le comité est d'avis que, bien que le mandat de la Commission soit vaste, le membre et l'officier compétent devraient être justifiés de se fier au libellé de la plainte lorsqu'ils se préparent à répondre à l'allégation. Comme il a déjà été mentionné, l'avocat de la GRC s'était opposé au caractère spécifique de la plainte.

Cependant, à la lumière des conclusions du comité, la question du libellé de la plainte n'est pas pertinente.

7. OPINION DU COMITÉ

En ce qui a trait à la portée de l'enquête du sergent d'état-major McLeod sur les mours de K, le public a peut-être pensé deux choses, à savoir :

1. que la GRC a fait enquête sur la conduite et la moralité de la « plaignante » plutôt que sur celles du membre de la GRC;

2. que la preuve relative aux antécédents sexuels de K a été obtenue afin d'atténuer les soupçons pesant sur le membre (Adams) dans cette affaire.

Il n'y a aucune preuve que l'un ou l'autre de ces faits éventuels se soit produit. En réalité, il existe une preuve démontrant le contraire. Le sergent d'état-major McLeod et d'autres témoins ont déclaré que, à leur avis, Adams avait eu une conduite déplorable et honteuse et qu'il devrait êre renvoyé de la GRC. Le sergent d'état-major McLeod a dit que, au cours de son enquête, il en est venu à penser qu'Adams avait « vendu son insigne » pour obtenir des faveurs sexuelles. Il a passé plus de temps à faire enquête au sujet d'Adams que de K. Le comité est d'avis que l'enquête sur les antécédents sexuels a été mise en branle et menée en toute bonne foi et de façon impartiale.

Toutefois, une question demeure : si la conduite d'Adams a été si manifestement honteuse, pourquoi alors a-t-on fait enquête sur les antécédents sexuels de K? Pour paraphraser les paroles du surintendant Spaans, existait-il un lien logique quelconque entre la conduite d'Adams ou la réputation de la GRC, d'une part, et, d'autre part, la réputation de K sur le plan sexuel?

Dans cette affaire, K n'a jamais porté plainte. Plusieurs jours après l'incident, tandis qu'elle était sous l'effet de l'alcool, elle a raconté l'incident au gendarme Gopp de la GRC. Cela s'est passé le 3 novembre 1991, tandis que le gendarme Gopp rédigeait à K une contravention pour infraction à la loi relative à l'alcool. Les circonstances ou les raisons qui ont poussé K à parler de l'incident au gendarme Gopp restent floues. Lorsque le gendarme Gopp lui a demandé de plus amples détails, K a refusé de donner plus d'information. Elle s'est également montrée hésitante à fournir des renseignements à ce sujet au caporal Halwas, le 27 novembre 1991, lorsque la GRC a entrepris une enquête officielle sur cette affaire. K a admis devant le caporal Halwas que le rapport sexuel avait eu lieu, mais elle ne lui a pas du tout parlé du fait qu'elle avait été soupçonnée de conduite avec facultés affaiblies. Dans la transcription de la déclaration du caporal Halwas, il est dit que K avait été harcelée ou qu'elle avait eu l'occasion de parler à Adams. Le comité n'est pas convaincu que le terme « harcelée » est bien le terme que le caporal Halwas a employé dans sa déclaration. Il n'y a aucune autre preuve indiquant que K a été « harcelée » par Adams.

Une enquête plus poussée a révélé que K avait fourni des informations contradictoires à diverses personnes au sujet des relations sexuelles en question. La première fois qu'elle a parlé de l'incident, peu après qu'il se soit produit, c'était à son petit ami, M. Kondratski, et à Darlene McGeough; elle leur a dit qu'elle craignait d'être accusée de conduite avec facultés affaiblies et qu'Adams lui avait demandé d'avoir une relation sexuelle en échange de laquelle elle ne serait pas accusée de cette infraction, ou qu'il l'y aurait « forcée ». Par contre, dans la déclaration qu'elle a faite le 27 novembre 1991 au sergent d'état-major Lindstrom, elle a n'a pas mentionné qu'il y avait eu recours à la force et a déclaré que cela avait été quelque chose de « mutuel ».

Dans sa déclaration à l'inspecteur MacIntyre, K a admis qu'elle « aurait pu être accusée de conduite avec facultés affaiblies » parce qu'elle était en état d'ébriété. Elle ne se souvenait d'aucune conversation où il aurait été question d'accorder des faveurs sexuelles pour ne pas être accusée d'une telle infraction. À un moment donné au cours de l'entrevue avec l'inspecteur MacIntyre, elle a dit qu'Adams lui avait « fait » accomplir cet acte , mais elle a plus tard nié qu'il y avait eu violence et a affirmé qu'elle lui avait, en quelque sorte, « peut-être fait des avances ».

Il y a eu d'autres contradictions évidentes dans les renseignements que K a fournis à différentes personnes, notamment dans l'information relative à ses contacts antérieurs avec Adams ou au moment où elle avait fait sa connaissance. Elle a dit à l'inspecteur MacIntyre qu'elle habitait à côté de chez lui lorsqu'elle avait environ neuf ans et qu'elle ne l'avait pas revu par la suite. En poussant plus loin l'enquête, on a découvert que K avait en réalité été arrêtée par Adams en 1990 pour être entrée illicitement sur les lieux d'une piscine publique avec des amis.

À la lumière de ces faits et d'autres facteurs liés à la crédibilité, le sergent d'état-major McLeod a examiné les résultats de l'enquête criminelle menée par l'inspecteur MacIntyre, y compris toutes les déclarations recueillies, et a demandé une autre déclaration à Adams dans le cadre de son enquête interne. Il a conclu qu'il fallait enquêter plus avant sur les mours et les antécédents d'Adams et de K.

Le sergent d'état-major McLeod estimait que son rôle consistait à rechercher les faits pour le procureur et le comité d'arbitrage, qui aurait en bout de ligne à se pencher sur la plainte touchant la discipline qu'on s'attendait à voir déposer contre Adams. Dans le témoignage détaillé qu'il a fait devant le comité, il a déclaré que, à son avis, il pouvait être pertinent de faire enquête sur le comportement sexuel que K avait eu dans le passé, particulièrement sous l'effet de l'alcool, afin de déterminer le degré de culpabilité d'Adams relativement à la conduite honteuse qu'il avait apparemment eue. De façon particulière, il s'est dit d'avis que toute information touchant les antécédents sexuels de K qui infirmerait ou confirmerait la déclaration d'Adams selon laquelle K était en fait l'agresseur serait ou pourrait être d'une grande pertinence pour le comité d'arbitrage. Le sergent d'état-major McLeod a en outre justifié par les raisons suivantes son enquête sur les mours sexuelles de K :

1. il craignait que la déclaration faite par Adams durant l'enquête interne ne soit déclarée irrecevable, ce qui aurait laissé comme seule preuve celle de K; la preuve apportée par K était, comme il a été souligné précédemment, quelque peu contradictoire à certains égards.

2. il estimait nécessaire d'obtenir une preuve liée aux antécédents sexuels de K afin que le procureur puisse être bien préparé en vue de l'audience disciplinaire interne et soit en mesure de prévoir les arguments pouvant être présentés pour Adams comme défense ou pour atténuer les accusations.

Le sergent d'état-major McLeod a déclaré dans son témoignage que lorsqu'il a entamé son enquête interne, il n'avait aucune idée préconçue au sujet des antécédents sexuels de K. Il n'a pu que constater que les déclarations de cette dernière concernant certains aspects importants de l'affaire, soit l'usage de force, l'abus d'influence et ses liens antérieurs avec Adams, étaient contradictoires. Au cours de ses interrogatoires quant à la moralité d'Adams, le sergent d'état-major McLeod a été aiguillé par le caporal Nash et d'autres personnes du détachement de Leduc vers le restaurant Cosmos, car il s'agissait du lieu de travail de K à ce moment. Le sergent d'état-major McLeod a affirmé qu'il ne s'était fait aucune idée préconçue de ce qu'il y apprendrait au sujet de la moralité de K. À la lumière de toutes les circonstances entourant l'affaire, il semble évident que le sergent d'état-major McLeod aurait dû se douter que l'information qu'il y recueillerait serait de nature sexuelle.

Le sergent d'état-major McLeod a recueilli les déclarations des employés et de deux propriétaires du restaurant Cosmos. Ce sont ces déclarations qui sont à la base de cette plainte d'intérêt public déposée par le président de la Commission. Les déclarations ont été enregistrées et auraient été précédées d'une discussion générale avec les témoins concernant la nature de l'enquête. Le sergent d'état-major McLeod a orienté les discussions vers la moralité de K en demandant aux témoins s'ils savaient comment elle se comportait lorsqu'elle avait consommé des substances intoxicantes. En réponse à cette question générale, les témoins F et Y ont émis certains commentaires, notamment « lorsqu'elle boit, elle est très très facile. et un homme n'a pas grand chose à faire pour l'exciter. » Le témoin Y, à qui on a posé la même question concernant la consommation que faisait K de substances intoxicantes, a répondu : « elle séduisait les hommes de façon très audacieuse. je la trouvais très "facile" ».

Le sergent d'état-major McLeod a demandé à F ce qui suit :

L'avez-vous déjà vue prendre un homme par les testicules?

Est-il possible que des membres du personnel aient eu une relation sexuelle avec elle?

Est-il possible. que son état, lorsqu'ils (les autres) ont eu une relation sexuelle orale avec elle, était attribuable au fait qu'elle ait consommé de l'alcool ou non?

En interrogeant Y, le sergent d'état-major McLeod a appris que T et K avaient eu une relation sexuelle quelques mois après la rencontre avec Adams. Le sergent d'état-major McLeod a interrogé T à ce sujet qui lui a répondu que K, qui avait bu, l'avait poursuivi de ses ardeurs, l'avait emmené chez elle et lui avait fait une fellation.

Le témoin W, également un employé du restaurant Cosmos, a affirmé que lorsque K était en état d'ébriété, elle devenait « très amicale », sans toutefois « chercher nécessairement un partenaire sexuel. » Le sergent d'état-major McLeod a mentionné que son expérience d'enquêteur professionnel le portait à croire que W n'était pas tout à fait honnête et il lui a ensuite posé la question suivante :

Lorsqu'elle boit, elle devient plus amicale que lorsqu'elle ne boit pas. Pouvez-vous expliquer ce que vous voulez dire. en ce qui concerne son caractère entreprenant? Est-ce qu'elle poursuit plus ardemment les gens, les hommes en particulier?

Il a également demandé à W s'il avait eu une relation sexuelle avec K.

Le sergent d'état-major McLeod a interrogé les deux propriétaires du restaurant, qui ont tous deux refusé de donner une déclaration, écrite ou enregistrée. Ils ont affirmé que K, lorsqu'elle avait terminé son travail et qu'elle se mettait à boire au restaurant, « devenait très entreprenante et très facile. »

Le sergent d'état-major McLeod a recueilli la déclaration de Y, dans une autre province, qui a mentionné que la réputation de K en ville n'était pas « très bonne », et que lorsqu'il l'a connue à Leduc, il l'a trouvée très entreprenante.

Le sergent d'état-major McLeod a recueilli la déclaration de Kondratski, le petit ami de K au moment de sa rencontre avec Adams. Il lui a demandé ce qui suit :

... mon but n'est pas d'établir le profil de la moralité de K . mais de me faire une idée plus claire de K, en tant que personne sobre et alerte, et de K lorsqu'elle a consommé de l'alcool.

Kondratski a avoué qu'elle était très « ardente sur le plan sexuel » lorsqu'elle buvait. Le sergent d'état-major McLeod lui a demandé s'il pouvait préciser sa pensée à ce sujet, et déterminer plus particulièrement comment elle se serait comportée avec un homme, dans l'état où il l'a vue le 27 octobre? Le sergent d'état-major McLeod a interrogé Kondratski au sujet du surnom qu'on a donné à K (« prends-moi »), et lui a demandé si ce prénom visait à décrire une femme de mours légères. C'est le témoin Y qui a informé le sergent d'état-major McLeod de l'existence de ce surnom.

Le sergent d'état-major McLeod a également interrogé chacun de ces témoins au sujet de la moralité d'Adams et de ses relations antérieures possibles avec K. Il a demandé à Kondratski et à F si K avait parlé, avec l'un ou l'autre d'entre eux, de sa rencontre avec Adams. Il leur a demandé s'ils étaient au courant de la moralité d'Adams ou de sa façon de s'acquitter de ses tâches. Il a demandé à W si Adams « était entré dans le bar à titre de policier ». Il a également demandé à l'employé Y du restaurant Cosmos s'il connaissait personnellement Adams et s'il se « tenait au bar dans le cadre de ses fonctions ou s'il était là pour observer la clientèle féminine ».

Le sergent d'état-major McLeod a interrogé l'employée C du restaurant Cosmos au sujet de la moralité de K lorsqu'elle consommait de l'alcool, et C a répondu qu'elle devenait très lascive. Il lui a également demandé si elle connaissait les antécédents d'Adams et comment il se conduisait en dehors des heures de travail. Il a demandé au témoin T s'il connaissait Adams et s'il l'avait déjà vu en train de « patrouiller les bars » ou de « cibler une fille dans le but d'avoir une relation sexuelle avec elle. » Le sergent d'état-major McLeod a demandé à un détachement extraprovincial de procéder à un interrogatoire similaire auprès du témoin Y quant à la conduite d'Adams.

Est-ce que ces interrogatoires étaient justifiés dans toutes les circonstances? Dans l'affirmative, est-ce que la nature et la portée de ces interrogatoires allaient au-delà de ce qui aurait été nécessaire afin d'obtenir l'information pertinente à l'affaire en question?

K a fait des déclarations contradictoires à plusieurs personnes, non pas uniquement sur des questions accessoires, mais sur les faits fondamentaux susceptibles d'inclure des actes criminels. Peu de temps après la relation sexuelle en cause, K a immédiatement raconté à Darlene McGeough dans les toilettes du club de conditionnement physique qu'un « agent de police l'avait obligée à lui faire une fellation ». Darlene McGeough a expliqué au sergent d'état-major McLeod qu'il lui semblait qu'elle avait employé ces mots, mais qu'elle n'en avait pas de souvenir précis. Elle a également ajouté que K était « troublée jusqu'à un certain point, mais pas de façon excessive. »

K a expliqué à l'inspecteur MacIntyre dans l'enquête criminelle qu'il « l'avait, comme, obligée à lui faire une fellation. » L'inspecteur MacIntyre lui a demandé s'il l'avait forcée et elle a répondu « je ne crois pas, je ne m'en souviens pas. » Plus tard au cours de l'entrevue, elle a affirmé qu'elle lui « avait peut-être fait des avances. » Elle a nié lui avoir offert ses faveurs sexuelles, et nié également qu'il lui a demandé de telles faveurs, en échange d'un retrait des accusations de conduite avec facultés affaiblies. Toutefois, peu après sa rencontre avec Adams, elle a raconté à son copain, Kondratski (selon la déclaration de Kondratski à l'inspecteur MacIntyre) qu'Adams lui avait dit qu'il laisserait tomber ses accusations pour conduite avec facultés affaiblies en échange de faveurs sexuelles et « qu'elle était très troublée de cette situation, qu'elle était triste et honteuse. »

À ce moment de l'enquête, le sergent d'état-major McLeod était non seulement confronté aux déclarations contradictoires de K à savoir si elle avait été forcée à faire une fellation à Adams, mais également à la version de l'incident que K a relaté en premier lieu à Darlene McGeough, peu de temps après, et qui semble être la version la plus crédible de ce qui se serait réellement produit dans le véhicule du policier. Un enquêteur expérimenté serait en mesure de reconnaître cette possibilité. Le sergent d'état-major McLeod aurait de bonnes raisons de croire que les déclarations subséquentes de K à l'inspecteur MacIntyre, au sergent d'état-major Lindstrom et à d'autres ont peut-être été faites une fois sobre et après qu'elle ait eu le temps de mesurer les conséquences légales d'avoir été impliquée dans cette situation alors qu'elle était soupçonnée de conduire en état d'ébriété.

Il aurait alors été tout à fait logique d'interroger K elle-même. Toutefois, le substitut en chef du procureur général, Darwin Greaves, a conseillé au sergent d'état-major McLeod de ne pas interroger de nouveau K; après avoir consulté ses supérieurs à ce sujet, il a décidé de suivre cette recommandation.

Le comité accepte la preuve du sergent d'état-major McLeod en ce qui a trait à la nécessité d'enquêter sur les antécédents sexuels et la moralité de K, et aux raisons pour lesquelles il a mené cette enquête. Nous sommes convaincus que les motifs du sergent d'état-major McLeod étaient justifiés; à notre avis, il croyait réellement, en se fondant sur des motifs raisonnables, que l'approche qu'il a adoptée et ses interrogatoires étaient nécessaires. Nous sommes convaincus que le sergent d'état-major McLeod a mené son enquête uniquement afin de dégager le scénario le plus probable de ce qui s'est produit dans le véhicule du policier la nuit du 27 octobre 1991. Le sergent d'état-major McLeod était à la recherche de la « vérité » possible; il a tenté d'obtenir et de présenter à l'audience sur le Code de déontologie des preuves qui seraient valables devant le tribunal et les plus fidèles possible aux événements qui se sont réellement déroulés entre le gendarme Adams et K.

Le comité est d'avis que l'enquête sur les antécédents sexuels de K dans les circonstances particulières de ce cas est justifiée. Le degré de culpabilité d'Adams dépend des déclarations de K les plus fidèles à la vérité. Adams a affirmé que K l'avait harcelé de façon agressive, que lui n'avait rien demandé d'elle et qu'il n'avait jamais demandé de faveurs sexuelles en échange d'un service. Il était nécessaire de déterminer si Adams disait la vérité. Si la moralité générale de K lorsqu'elle buvait ne trahissait aucune « hardiesse » sexuelle, alors la déclaration d'Adams quant au fait que c'est K qui l'a agressé pourrait être fausse. K s'est peut-être sentie forcée à poser son geste en raison de la position d'autorité d'Adams; le degré de culpabilité de ce dernier s'en trouverait alors plus élevé. Puisque le sergent d'état-major McLeod n'a pas pu interroger K, il n'a pas eu la possibilité d'évaluer les antécédents sexuels de K, c'est-à-dire si elle était très entreprenante lorsqu'elle buvait. Il a été obligé de se fier à ce que les autres lui ont dit. Si K avait de telles mours, cela pourrait, dans une certaine mesure, corroborer la version des faits d'Adams et pourrait constituer un fait pertinent pour l'audience d'arbitrage en matière de discipline. Si elle n'affichait pas de telles moeurs, cela pourrait mettre sérieusement en doute la déclaration d'Adams selon laquelle il n'a exercé aucune force dans le cadre de l'application de ses pouvoirs afin d'obtenir des faveurs sexuelles.

Le sergent d'état-major McLeod n'a pas entamé cette enquête sur la moralité de K à la légère. Il a consulté le procureur de la Couronne Koval avant de parler aux employés du restaurant. Il a affirmé qu'il était en mesure de recueillir de l'information qui pourrait être pertinente pour l'enquête d'arbitrage prévue. Le comité accepte cette preuve.

Même si ce comité est d'avis que le sergent d'état-major McLeod a fait preuve de discernement, il est important de noter que la Division « K », au moment de l'affaire en cause, n'avait aucune politique écrite sur laquelle se guider.

Au moment de la conclusion de l'audience en mars 1995, la Division « K » a adopté la politique, reproduite à l'annexe A. Le comité est d'avis que cette politique constitue une amélioration précieuse qui guidera les membres de la GRC relativement à ces questions très difficiles et délicates.

Nous ajoutons qu'à notre avis, si la nouvelle politique avait été en vigueur au moment de l'enquête du sergent d'état-major McLeod, sa décision d'enquêter sur les antécédents sexuels de K aurait été la bonne, considérant les circonstances de l'affaire en question.

La détermination du bien-fondé de l'enquête sur les antécédents sexuels de K était clairement une question litigieuse, comme l'ont révélé les divergences d'opinion de divers membres de la GRC et des deux procureurs, M. Greaves et M. Koval. Ce comité considère le rapport du surintendant Spaans comme une confirmation de ces divergences d'opinion. Le rapport Spaans a été commandé après la divulgation dans les médias de l'enquête sur les antécédents sexuels de K et suite à la réaction négative du substitut en chef du procureur général Greaves à l'égard de l'enquête. Avant que les médias aient eu vent de l'affaire, l'enquête du sergent d'état-major McLeod n'attirait pas particulièrement l'attention au sein de la GRC, d'autant plus que la procédure régulière de la GRC fait en sorte que les détails des enquêtes criminelles et internes sont transmis au quartier général, par le biais de la division concernée.

En ce qui a trait à certaines conclusions du rapport Spaans, le tribunal conclut ce qui suit :

1. Darlene McGeough, la première personne à qui K a relaté l'incident peu de temps après, n'est pas liée à l'affaire de « façon ténue » comme le laisse entendre le surintendant Spaans. Sa déclaration est importante car elle témoigne de la première description spontanée de l'incident par K, dans les minutes suivant la rencontre. Darlene McGeough a expliqué au sergent d'état-major McLeod que K lui avait dit que l'agent de police l'avait obligée à lui faire une fellation (c'est moi qui souligne).

2. Le surintendant Spaans a conclu que les résultats des interrogatoires sur la moralité ne peuvent d'aucune façon aider un arbitre à rendre une décision concernant la conduite d'un membre de la GRC, ou influer sur la sévérité des sanctions imposées. Selon nous, le fait qu'Adams ait demandé ou non ces faveurs, et qu'il ait utilisé ou non son autorité pour les obtenir, aurait pu avoir une incidence sur sa culpabilité aux yeux d'un arbitre. La déclaration d'Adams selon laquelle K l'avait agressé devait être vérifiée ou discréditée. Les déclarations de K sont contradictoires à cet égard. Lorsque la Couronne a empêché le sergent d'état-major McLeod d'interroger K, sa seule source d'information sur la moralité de K, lorsqu'elle buvait ou à tout autre moment, provenait du témoignage des autres.

3. Le surintendant Spaans conclut que le rapport du sergent d'état-major McLeod trahit une certaine partialité. Les déclarations de K accusaient des contradictions et des divergences, tel que mentionné. À la lumière de toutes les circonstances, le comité est d'avis que le sergent d'état-major McLeod n'a fait preuve d'aucune partialité contre K dans la façon dont il a mené ses interrogatoires. Par exemple, le surintendant Spaans a critiqué le sergent d'état-major McLeod pour avoir laissé entendre que K était malhonnête lorsqu'elle a affirmé qu'elle n'avait pas vu Adams depuis l'âge de neuf ans, époque où elle demeurait à côté de chez lui. Comme le révèle la déclaration d'Adams et les dossiers de la GRC, elle avait été arrêtée par Adams en 1990 pour une intrusion de nuit dans une piscine publique. Adams a expliqué qu'ils faisaient partie du même club de natation.

4. Le surintendant Spaans a conclu que les interrogatoires du sergent d'état-major McLeod étaient inutiles et ne tenaient nullement compte de la façon dont on traite aujourd'hui les victimes d'agressions sexuelles. Au moment où le surintendant Spaans a rédigé son rapport, les accusations d'agression sexuelle contre Adams avaient été rejetées par le tribunal provincial à l'étape de l'enquête préliminaire. Dans sa preuve présentée au comité, il a nié avoir fondé son rapport sur l'hypothèse selon laquelle K avait été victime d'une agression sexuelle, mais plutôt sur une interprétation plus vaste de la situation, où K avait été victime de l'inconduite d'un gendarme.

Malgré notre désaccord sur certaines conclusions du surintendant Spaans concernant cette enquête en particulier, le comité est d'avis que le principe général avancé par le surintendant Spaans est solide. Les principes sur lesquels sont fondés Seaboyer [R v. Seaboyer, [1991] 2 CSC, 577] devraient s'appliquer non seulement à l'admissibilité générale de la preuve, mais également au discernement dont doit faire preuve l'enquêteur quant à la nécessité d'effectuer une enquête sur les antécédents sexuels. Même si le sergent d'état-major McLeod a eu raison d'affirmer dans son rapport « que les règles de la preuve sont très différentes lorsqu'elles concernent la poursuite d'un membre visé par la Loi sur la GRC, que lorsqu'elles concernent une poursuite criminelle », le surintendant Spaans a également raison de préciser que le pouvoir de décider d'enquêter dans de telles affaires ne doit être appliqué qu'avec parcimonie. On doit disposer de motifs solides pour enquêter sur la vie privée d'un citoyen, dans le cadre d'une enquête liée au Code de déontologie de la GRC.

La nouvelle politique de la Division « K » tente de reconnaître ce droit en ce qui a trait aux enquêtes sur les antécédents sexuels dans des affaires impliquant des enquêtes internes, non criminelles.

Même si le comité est d'avis que le sergent d'état major McLeod n'a pas, dans les circonstances, exercé son pouvoir de discrétion de façon inadéquate, nous soulignons que ce n'est que dans de rares circonstances qu'une telle enquête serait justifiée.

Nous voulons préciser trois points en ce qui a trait à l'enquête sur la moralité ou les antécédents sexuels :

Premièrement, les principes qui sous-tendent l'affaire Seaboyer et l'article 276 du Code criminel sont pertinents afin de déterminer s'il est adéquat de procéder à une enquête sur les antécédents sexuels, dans toute circonstance. Toutefois, il faut reconnaître que dans une procédure disciplinaire tenue en vertu de la partie IV, les mêmes principes d'admissibilité peuvent ne pas s'appliquer. Pour un tribunal compétent jugeant une infraction prévue à l'article 276, les droits du plaignant sont considérés « primordiaux ». Dans le cas d'une audience interne tenue en vertu de la partie IV, il n'y a pas de disposition de loi ou de règle de preuve en common law qui régisse l'admissibilité de preuves portant sur les antécédents sexuels. Aucune partie n'est chargée de protéger les droits du plaignant. Les membres de la GRC ne doivent pas pour autant conclure que l'absence de limites en ce qui concerne la pertinence de tels renseignements signifie qu'il n'y a pas de limites en ce qui concerne les circonstances dans lesquelles ils devraient être obtenus. Ainsi, les preuves sur les antécédents d'un plaignant ne seraient pas automatiquement pertinentes dès qu'il y aurait un désaccord entre le membre et le plaignant sur la question de savoir si l'activité sexuelle était consensuelle ou forcée, par un abus de pouvoir ou de quelque autre manière. Ce qui distingue l'affaire qui nous concerne, c'est que K a fait des déclarations contradictoires sur des questions probantes, notamment l'usage de force ou de coercition, ainsi que des déclarations inexactes sur ses liens antérieurs avec Adams. L'affaire est d'autant plus complexe que le sergent d'état-major McLeod n'a pu tenter de dissiper ces divergences directement auprès de K. Selon ce que le sergent d'état-major McLeod connaissait du dossier lorsqu'il a entrepris son enquête, la déclaration de K selon laquelle elle aurait été forcée à accomplir son geste constituait sans doute la version la plus fidèle de la vérité. Sans ces circonstances particulières, toute information quant aux mours sexuelles de K serait totalement inapplicable et l'opinion du surintendant Spaans selon laquelle l'enquête n'était pas appropriée, puisqu'elle était inutile et constituait une grave atteinte à la vie privée d'une personne, aurait été juste.

Deuxièmement, c'est le mode d'interrogation lui-même qui constituait une atteinte à la vie privée. La publication de l'affaire dans les médias n'était qu'un des résultats de l'enquête, qui a malheureusement eu des conséquences fâcheuses pour K. Toute enquête de police peut porter atteinte à la vie privée d'une personne. Dans l'affaire qui nous concerne, il faut déterminer si le sergent d'état-major McLeod a fait preuve de discernement. Il savait que l'enquête était de nature délicate. Il a demandé les conseils du procureur de la Couronne Koval avant de procéder à son enquête. Il a lui-même soulevé la question dans son rapport écrit. Le sergent d'état-major McLeod croyait en toute bonne foi que les résultats de son enquête resteraient confidentiels. Il a reconnu que le simple fait de poser la question à un membre du public constitue une atteinte à la vie privée.

Troisièmement, l'information ne doit pas être uniquement recueillie pour fournir au procureur interne chargé de la plainte des faits visant à préparer une défense possible sur des aspects secondaires liés aux mours sexuelles. Sans certaines circonstances, comme celles propres à l'affaire qui nous concerne, les antécédents sexuels d'une personne ayant eu une relation sexuelle avec un membre de la GRC ne devraient d'aucune façon être liés à la conduite ou à la culpabilité d'un membre. Ce sont les circonstances de la rencontre qui importent, et non les antécédents sexuels de la personne impliquée.

8. RECOMMANDATIONS

Le comité recommande ce qui suit :

1. Que l'on adopte pour l'ensemble de la GRC une politique semblable à celle de la Division « K » (annexe A) sur les questions qui pourront dorénavant être posées au sujet des antécédents sexuels dans le cadre d'enquêtes liées au Code de déontologie.

2. Que l'on conçoive un programme d'information en vue de bien faire comprendre la politique aux enquêteurs internes. Ces derniers doivent bien saisir que c'est l'enquête sur les antécédents sexuels elle-même qui peut constituer une violation indue de la vie privée. Ils ne doivent pas simplement supposer que, si l'enquête et ses résultats ne sont pas portés à l'attention du public, ils ne causeront aucun préjudice.

ORDONNANCE EN VERTU DU PARAGRAPHE S.45.45(13)

On a demandé au comité de rendre une ordonnance en vertu du paragraphe 45.45(13) de la Loi sur la GRC autorisant le paiement des frais de déplacements et les indemnités de subsistance de M. Evans qui agit en tant qu'avocat du sergent d'état-major McLeod. L'ordonnance autorisant le paiement a été rendue par le comité le 11 mai 1995.


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Annexe A

Extrait du Manuel d'administration des aides de la Division « K » XII.4, partie IV de la Loi sur la GRC, enquêtes liées au Code de déontologie

F.4.i.
Au cours des enquêtes liées au Code de déontologie comportant une accusation d'acte sexuel répréhensible, aucune enquête ne doit être menée concernant les antécédents sexuels de la victime ou du plaignant, sauf si l'enquête est autorisée par l'officier responsable, Services administratifs ou par l'officier responsable, Administration et personnel.

F.4.i.1.
Les enquêtes sur les antécédents sexuels ne sont considérées nécessaires qu'à de rares occasions. L'ORSA ou l'ORAP, qui doit faire preuve de discernement, se doit de considérer de nombreux facteurs, notamment :

F.4.i.1.1
Pourquoi une telle information est-elle pertinente?

F.4.i. 1.2
L'identité des personnes à interroger.

F.4.i.1.3
Pourquoi interroger ces personnes (c'est-à-dire, comment ces personnes peuvent-elle faire avancer l'enquête)?

F.4.i. 1.4
Quelles conséquences pourrait avoir le fait de ne pas interroger ces personnes, plus particulièrement si le membre accusé donne des raisons plausibles pour expliquer son geste.

F.4.i. 1.5
La portée des questions posées et les échéanciers établis.

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Date de création : 2003-08-11
Date de modification : 2003-09-05 

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