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COMMISSION DES PLAINTES DU PUBLIC CONTRE LA GRC

Loi sur la GRC - Partie VII

Paragraphe 45.46(3)

RAPPORT FINAL DE LA PRÉSIDENTE

À LA SUITE D`UNE AUDIENCE PUBLIQUE

Plaignante :

Mme Donna Wilson

31 mars 1998 No de dossier : 2000-PC-950295


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RAPPORT FINAL DE LA PRÉSIDENTE À LA SUITE D'UNE AUDIENCE PUBLIQUE

I. INTRODUCTION

Procédures

En vertu du paragraphe 45.43(1) de la Loi sur la GRC, la Présidente de la Commission peut, si elle le juge dans l'intérêt du public, convoquer une audience publique pour enquêter sur une plainte, que la GRC ait ou non enquêté, produit un rapport sur la plainte ou pris quelque autre mesure à cet égard. L'audience est menée par les membres de la Commission désignés par la Présidente et, au terme de l'audience, le comité produit un rapport intérimaire énonçant ses conclusions et ses recommandations relativement à la plainte. Ce rapport est envoyé au Solliciteur général du Canada, au Commissaire de la GRC, à toutes les parties visées et à leurs conseillers juridiques.

Le Commissaire de la GRC doit, sur réception du rapport intérimaire, revoir la plainte à la lumière des conclusions et des recommandations. Il doit ensuite informer la Présidente de la Commission de toute mesure ultérieure qui a été ou qui sera prise en rapport avec la plainte, ou lui expliquer pourquoi il ne tiendra pas compte des conclusions et recommandations.

Lorsqu'elle a pris connaissance de l'avis du Commissaire, la Présidente de la Commission rédige un rapport final dans lequel elle inclut les conclusions et les recommandations qu'elle juge appropriées. Ce rapport est également envoyé au Solliciteur Général, au Commissaire de la GRC, à toutes les parties visées et à leurs conseillers juridiques.

Rapport intérimaire et avis du Commissaire

Le rapport intérimaire du 31 janvier 1997, dont copie est annexée au présent document (Annexe A), a été envoyé au Solliciteur général, au Commissaire, ainsi qu'à toutes les parties. Le Commissaire a réagi au rapport intérimaire dans une lettre datée du 21 novembre 1997 et adressée à la Présidente (l'avis du Commissaire); une copie de cette lettre est annexée au présent document (Annexe B). Le rapport intérimaire comprend un résumé adéquat de la plainte et des témoignages entendus aux fins de la préparation du présent rapport final.

Il convient de signaler ici que j'ai siégé à l'audience dans ce cas. J'ai été nommée Présidente de la Commission après que le rapport intérimaire a été émis. En ma qualité de Présidente, je soumets le rapport final conformément au paragraphe 45.46(3) de la Loi sur la GRC.

II. CONCLUSIONS ET RECOMMANDATIONS

Il convient de faire deux observations générales au sujet de l'avis du Commissaire.

Tout d'abord, j'estime que mes collègues et moi, qui avons mené l'audience, nous sommes efforcés d'examiner la conduite reprochée de manière objective. Nous reconnaissons qu'il arrive fréquemment que les officiers doivent réagir avec célérité et prendre des décisions importantes dans des circonstances difficiles. Toutefois, il arrive à l'occasion, comme ce fut le cas dans l'affaire qui nous occupe, que les conditions dans lesquelles se trouve un officier lui permettent d'évaluer la situation de manière posée. Je crois que dans sa première observation, le Commissaire n'a pas tenu compte du contexte particulier de l'affaire que nous avons examinée. Les témoignages indiquent sans équivoque que les membres en cause n'étaient pas occupés à régler d'autres affaires urgentes qui auraient pu détourner leur attention de M. Keddie.

Par ailleurs, si je suis très satisfaite de la réponse du Commissaire aux recommandations du comité, certaines de ses observations au sujet des conclusions me préoccupent; ces observations traduisent une certaine réticence à s'en remettre à l'analyse des témoignages faite par le comité; nous avons eu l'occasion, ce qui n'était pas le cas pour le Commissaire, d'examiner le comportement et la crédibilité de tous les témoins et de faire une évaluation équilibrée des témoignages. Je ne ferai aucune autre observation à ce sujet.

J'ai analysé chacune des observations du Commissaire et le résultat de cette analyse est fourni ci-après. Par souci de brièveté, j'ai repris la numérotation du Commissaire concernant les conclusions et les recommandations.

Conclusion no 1 : Le Commissaire est d'accord avec cette conclusion; aucune autre observation n'est indiquée.

Conclusions nos 2 et 3 : J'ai étudié les observations du Commissaire et je maintiens les conclusions du comité.

Conclusion no 4 : Le Commissaire est d'accord avec cette conclusion; aucune autre observation n'est indiquée.

Conclusion no 5 : J'ai étudié les observations du Commissaire et je maintiens la conclusion du comité.

Conclusion no 6 : J'ai étudié les observations du Commissaire et je maintiens la conclusion du comité.

Conclusion no 7 : J'ai étudié les observations du Commissaire et je maintiens la conclusion du comité.

Conclusions nos 8, 9, 10 et 11 : Le Commissaire est d'accord avec ces conclusions; aucune autre observation n'est indiquée.

Conclusion no 12 : J'ai étudié les observations du Commissaire et je maintiens la conclusion du comité.

Conclusions nos 13, 14, 15, 16, 17, 18, 19, 20 et 21 : Le Commissaire est d'accord avec ces conclusions; aucune autre observation n'est indiquée.

Recommandation no 1 : Le Commissaire est d'accord avec cette recommandation; aucune autre observation n'est indiquée.

Recommandations nos 2 et 3 : Le Commissaire n'a pas fait d'observation sur la nécessité d'offrir des cours de recyclage tel que recommandé par le comité; je maintiens donc la recommandation du comité à cet égard.

Recommandations nos 4 et 5 : Le Commissaire est d'accord avec ces recommandations; aucune autre observation n'est indiquée.

Recommandation no 6 : J'ai étudié les observations du Commissaire et je maintiens la recommandation du comité. Je suis d'accord avec le Commissaire lorsqu'il dit qu'il faut laisser le soin à l'officier d'évaluer les risques. Toutefois, la politique sur laquelle les officiers s'appuient devrait préciser clairement que, lorsqu'il existe un risque, les officiers doivent agir avec prudence et ne pas placer la personne en état d'ébriété avec d'autres détenus.

Recommandation no 7 : Le Commissaire est d'accord avec cette recommandation; aucune autre observation n'est indiquée.

Recommandation no 8 : Dans son avis, le Commissaire traite de cette recommandation en partie seulement. Je maintiens donc la recommandation du comité.

Recommandation no 9 : Le Commissaire se dit d'accord avec cette recommandation. On ne sait toutefois pas avec certitude s'il est d'accord avec l'examen effectué par la GRC des points a. à f. Par conséquent, je maintiens la recommandation du comité et aucune autre observation n'est indiquée.

Recommandation no 10 : J'ai étudié les observations du Commissaire et je maintiens la recommandation du comité. Il convient de mentionner que j'estime que l'observation du Commissaire sur la nécessité d'établir un système d'information judiciaire est une réponse positive à la recommandation et j'accepte sa conclusion.

Recommandations nos 11 et 12 : J'ai étudié les observations du Commissaire et je maintiens les recommandations du comité. Plus précisément, je maintiens la partie de ces recommandations qui traite de la communication et de la mise en ouvre des recommandations de la Commission.

Recommandations nos 13 et 14 : Le Commissaire est d'accord avec ces recommandations; aucune autre observation n'est indiquée.

Recommandations nos 15, 16 et 17 : J'ai étudié les observations du Commissaire et je maintiens les recommandations du comité.

En terminant, je me dois de mentionner, avec une certaine fierté, que les procédures ont produit des résultats utiles à la suite du décès tragique de M. Keddie. Cela n'aurait pas été possible sans l'engagement manifesté par toutes les parties à l'égard des procédures. Je tiens particulièrement à féliciter Mme Wilson, une simple citoyenne qui n'avait aucun intérêt dans le dénouement de l'affaire, pour le temps et les efforts qu'elle a consacrés aux procédures. Je félicite également les gendarmes Gibson, Parsons, Conrod et Edmonds, le caporal Hajash et M. Armstrong pour leur collaboration et leur franchise dans le cadre de ces procédures difficiles.

Par ailleurs, je crois que le Commissaire a agi de manière réfléchie, comme on le constate à la lecture de son avis, comme l'auraient souhaité ceux qui ont élaboré le processus de traitement des plaintes. Je crois comprendre que les officiers supérieurs de la GRC ont communiqué avec Mme Wilson après la diffusion du rapport intérimaire et que cette dernière s'est dite satisfaite dans l'ensemble de leur réaction aux recommandations. Enfin, je tiens à remercier mes collègues au sein du comité, MM. Wright et Bayly, pour la sagesse dont ils ont fait preuve au cours du processus d'audience.

Je crois que, dans cette affaire, le processus de traitement des plaintes a bien servi l'intérêt public.

Le présent document constitue le rapport final que je présente au Solliciteur général et au Commissaire en rapport avec cette plainte.

Le 31 mars 1998

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Shirley Heafey
Présidente
Commission des plaintes du public contre la GRC
C.P. 3423, succursale D
Ottawa (Ontario)
K1P 6L4


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ANNEXE A

COMMISSIONE DES PLAINTES DU PUBLIC CONTRE LA GRC

Loi sur la GRC - Partie VII

Paragraphe 45.46(3)

RAPPORT INTÉRIMAIRE DE LA COMMISSION

À la suite d`une audience publique Sur la plainte de Mme Donna Wilson


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TABLE DES MATIÈRES

SECTION

1. Avis de la décision de convoquer une audience

2. Questions préliminaires

3. Le Processus

4. Les Témoignages, plainte no 1

5. Loi applicable

6. Politique et formation

7. Conclusions relatives à la conduite des officiers en cause et à la pertinence de leurs gestes en rapport avec la première plainte

8. Les Témoignages, plainte no 2

9. Politique et formation

10. Conclusions relatives à la conduite des officiers en cause et à la pertinence de leurs gestes en rapport avec la deuxième plainte

11. Recommandations de la Commission

ANNEXE A : Demande de remboursement des honoraires juridiques présentée à la Commission par Mme Donna Wilson - refusée


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COMMISSION DES PLAINTES DU PUBLIC CONTRE LA GRC

Loi sur la Gendarmerie royale du Canada

Partie VII

paragraphe 45.45(14)

RAPPORT DE LA COMMISSION

À la suite d'une enquête publique

sur la plainte

de

Mme Donna Wilson

COMITÉ

John L. Wright, Président
John U. Bayly, c.r. Membre
Shirley Heafey, Membre

Audience tenue à Whitehorse (Yukon)
Du 4 au 9 mars et les 11,12, 18,19 mars et
2 et 3 mai 1996

COMMISSION DES PLAINTES DU PUBLIC CONTRE LA GENDARMERIE ROYALE DU CANADA
LOI SUR LA GENDARMERIE ROYALE DU CANADA (1986)

DANS L'AFFAIRE d'une plainte présentée par Mme Donna Wilson sur la conduite des gendarmes Kevin Gibson, T.C. Parsons, D.B. Conrod, G.D. Rook, Brian Edmonds, du caporal B. Hajash et de M. Kenneth Armstrong. Dans la plainte il est allégué que :

Le 30 mars 1995, à Whitehorse, M. Robert Keddie est mort alors qu'il était sous la garde du détachement de la GRC au Yukon. M. Robert Keddie avait été arrêté vers 17 h 30 pour être en état d'ébriété; au moment où M. Keddie a été arrêté, trois personnes au moins, ont affirmé à la police que M. Keddie avait des crises d'épilepsie. On savait également qu'il portait une plaque Medic Alert au cou et au poignet.

Avant d'être placé dans les locaux du détachement, M. Keddie aurait dû être emmené à l'hôpital où il aurait été adéquatement supervisé à cause de ses problèmes médicaux connus. La plaignante affirme que de nombreuses personnes dans le public sont très perturbées par la mort de M. Keddie au détachement de la GRC.

Les membres et le garde cités ont manqué à leur devoir en n'apportant pas à M. Keddie les soins appropriés.

Entendu à Whitehorse (Yukon) à partir du lundi 4 mars 1996.

RAPPORT DE LA COMMISSION

1. AVIS DE LA DÉCISION DE CONVOQUER UNE AUDIENCE

Le 19 octobre 1995, le Président de la Commission des plaintes du public contre la GRC a envoyé un avis de sa décision prise aux termes du paragraphe 45.43(1) de la Loi sur la GRC, de convoquer une audience publique au sujet d'une plainte présentée par Mme Donna Wilson. Aux termes du paragraphe 45.44(1), il a nommé le membre du Yukon, M. John L. Wright, comme Président, M. John U. Baily, c.r., et Mme Shirley Heafey comme membres de la Commission chargés d'entendre la plainte. Lorsque des membres de la Commission ont été désignés pour tenir une audience, ces membres sont, aux termes du paragraphe 45.45(1) de la Loi, jugés être la Commission.

Le 12 décembre 1995, un avis d'audience prévu pour le 4 mars 1996, a été envoyé et a été présenté aux gendarmes Kevin Gibson, T.C. Parsons, D.B. Conrod, G.D. Rook, et Brian Edmonds, au caporal B. Hajash et à M. Kenneth Armstrong.

2. QUESTIONS PRÉLIMINAIRES

La Commission a été saisie de deux questions préliminaires.

La première avait trait à une demande présentée par Mme Donna Wilson, la plaignante, demandant que la Commission nomme un avocat pour l'aider au cours de l'audience, conformément au paragraphe 45.45(5) de la Loi sur la GRC. La décision sur cette question forme l'annexe A du présent rapport.

Dans le cadre de la deuxième question, l'avocat de l'officier compétent de la GRC demandait que l'audience soit ajournée conformément à l'article 23 des règles de procédure. La question qui faisait l'objet de cette demande a été résolue à la satisfaction de l'avocat de l'officier compétent avant que commence l'audience. En conséquence, l'avocat a retiré cette demande.

Vers la fin de l'audience, l'avocat des membres de la Gendarmerie, M. Horembala, a présenté deux demandes supplémentaires. Il demandait que les plaintes contre les gendarmes Edmonds et Rook soient retirées pour manque de preuve dans l'implication de ces agents. Mme Wilson et l'autre avocat se sont joints à cette demande. Après avoir délibéré, la Commission a pris la décision suivante :

a) elle n'avait pas juridiction pour modifier la substance de la plainte originale;

b) sa juridiction se limitait à présenter des conclusions dans son rapport intérimaire.

3. LE PROCESSUS

L'audience publique a commencé le 4 mars 1996; l'avocat de la Commission a présenté des preuves pendant dix jours à partir du 4 mars jusqu'au 19 mars 1996. À sa demande, la plaignante, Mme Donna Wilson, a présenté son exposé final à la Commission le 19 mars 1996. L'avocat des parties restantes a fait ses présentations finales les 2 et 3 mai 1996 lorsque la Commission s'est réunie de nouveau à Whitehorse à cette fin.

Entre le 4 et le 19 mars 1996, la Commission a entendu des témoignages de vive voix de trente et une personnes. Un certain nombre d'entre elles étaient des témoins oculaires à certains des événements qui faisaient l'objet de la plainte. D'autres étaient des experts appelés à témoigner pour permettre à la Commission de mieux comprendre les questions médicales théoriques et politiques soulevées. En plus de ces témoignages de vive voix, la Commission a reçu un cahier des pièces à conviction comprenant des rapports et des énoncés présentés par les témoins, ainsi que des documents et des photographies de la section de la politique de la GRC. De nombreux diagrammes des deux endroits dont il est question dans la plainte (le salon du Regina Hotel et le secteur du bloc cellulaire du détachement de la GRC à Whitehorse) ont été également présentés comme pièces à conviction.

Au cours de la première semaine de l'audience, avec le consentement de toutes les parties, les membres de la Commission, Mme Wilson et l'avocat des autres parties ont visité le site du salon du Regina Hotel. Tous les avocats, Mme Wilson et la Commission sont également allés deux fois voir le bloc cellulaire du détachement de la GRC à Whitehorse.

Nous avons soigneusement examiné tous les témoignages de vive voix ainsi que les présentations finales de la plaignante, Mme Donna Wilson et de l'avocat des autres parties, et nous avons examiné toutes les pièces reçues comme preuve. Nos conclusions et nos recommandations au Solliciteur général du Canada et au Commissaire de la GRC sont incorporées dans le présent rapport.

La plaignante n'était pas présente le 30 mars 1995 lorsque les événements qui font l'objet de la plainte se sont produits. Mme Wilson a présenté sa plainte à la Commission parce qu'elle se préoccupait des circonstances dans lesquelles son ami Robert Keddie était mort alors qu'il se trouvait sous la garde du détachement de la GRC à Whitehorse.

Mme Wilson a assisté à l'audition de tous les témoignages et a entièrement participé au processus d'audience. Elle a exposé ses présentations finales le 19 mars 1996; cependant, elle a consenti à ce que l'avocat expose ses présentations finales les 2 et 3 mai 1996, car elle ne pouvait y être présente.

4. LES TÉMOIGNAGES : PLAINTE NO 1

« Au moment de l'arrestation de M. Keddie, trois personnes au moins ont dit à la police que celui-ci présentait des crises d'épilepsie; on savait également que M. Keddie portait une plaque Medic Alert au cou et au poignet. M. Keddie aurait dû être emmené à l'hôpital avant d'être enfermé au détachement. »

Au cours de l'audience il a été indiqué que M. Robert Keddie, le décédé, était un grand et gros homme de 41 ans, connu par ses amis, ses connaissances et même certains membres de la GRC comme une personne amicale et coopérative. Ses amis l'appelaient « Basic Bob ». Dans son témoignage, un ami décrit M. Keddie comme « un homme des bois. Des grands cheveux, une barbe et des vêtements en désordre » ajoutant que « Il est toujours comme ça. Bob s'est juste Bob. Il est toujours le même. Je l'ai jamais vu en colère; en fait, je l'ai toujours vu égal à lui-même. »

À partir de ce témoignage et d'autres à l'audience, il semble que M. Keddie était un homme gentil et pas du tout violent. Ce point est confirmé par le témoignage de deux officiers de la GRC. Le gendarme D. Rogers parle des nombreuses fois où il a eu affaire à M. Keddie à Dawson City, de même que le caporal B. Hajash du détachement de Whitehorse. Au sujet d'une de ses rencontres avec M. Keddie dans un hôtel de Whitehorse, le caporal Hajash dit :

« Oui. En fait une des fois où je suis passé vérifier le bar à l'hôtel 98, je pense que j'ai rencontré M. Keddie et il m'a rappelé que nous avions joué au hockey l'un contre l'autre à Dawson City. Toutes les fois que je venais voir ce bar, nous nous disions « Salut, comment ça va?, juste parler comme ça. »

On savait également que M. Keddie faisait un usage abusif d'alcool et de drogue. D'après la preuve, il présentait également un problème médical grave dû à sa consommation excessive d'alcool; il s'agissait de crises de « grand mal ». À cause de ce problème médical, son permis de conduire lui a été retiré par le ministère des Services à la collectivité et des Services de transport. Un témoin, Mme Mabel Jim, a affirmé que l'année d'avant, elle avait vu M. Keddie portant une plaque Medic Alert au poignet.

D'après les témoignages, le 30 mars 1995, M. Keddie avait consommé de l'alcool et de la morphine liquide au cours des heures qui ont précédé son incarcération.

Le rapport d'autopsie déclare que la mort était en fait due à une combinaison de surdose de morphine et d'intoxication alcoolique.

Le témoignage par ouï-dire de Mme Deborah Jean Green était que M. Keddie obtenait probablement la morphine liquide de son ami, Bob Taylor appelé « Bob trois doigts ». Avant de mourir, M. Taylor était le conjoint de fait de Mme Green. Il lui a dit que le jour où M. Keddie est mort, il l'avait rencontré et lui avait donné de la morphine.

Mme Green a affirmé que les deux hommes, Taylor et Keddie, avaient déjà fait usage de morphine dans le passé. Il était arrivé à plusieurs reprises qu'elle rentre du travail et trouve les deux hommes « somnolant » d'une manière qui, à son avis, n'était pas caractéristique d'une trop grande consommation d'alcool. Mme Green pensait qu'ils avaient probablement obtenu la morphine de M. Tom Donovan. Celui-ci, qui était un ami de M. Keddie et de M. Taylor, avait une ordonnance de morphine liquide pour contrôler la douleur due à un cancer de la gorge. On alléguait que M. Donovan vendait ou donnait de la morphine à ses amis de temps en temps. La Commission remarque que M. Taylor et M. Donovan sont tous deux morts de surdose de morphine quelques mois après la mort de M. Keddie.

Les événements qui se sont déroulés dans la vie de M. Keddie au cours des heures précédant sa détention par la police ne sont pas très clairs. Une amie de M. Keddie, Mme Lenea Cousins, a témoigné que, le 30 mars 1995, elle a trouvé M. Keddie endormi dans sa chambre au Capital Hotel, peu après 8 h du matin, lorsqu'elle est revenue de son travail de nuit comme serveuse. Il n'était pas inhabituel qu'elle le trouve ainsi chez elle, car elle le laissait fréquemment rester lorsqu'il n'avait pas d'autre endroit où aller. Peu après être revenue à sa chambre, Mme Cousins est allée se coucher et s'est réveillée vers 13 h 30 pour trouver M. Keddie endormi. À ce moment, elle l'a réveillé et lui a demandé de s'en aller pour qu'elle puisse se préparer à aller travailler. M. Keddie s'est conformé et a quitté la chambre. M. Cousins dit qu'elle est certaine que M. Keddie n'avait pas pu boire le matin du 30 mars 1995 parce que, pense-t-elle, il était resté dans sa chambre pendant qu'elle dormait jusqu'à ce qu'elle lui ait demandé de s'en aller, au début de l'après-midi.

D'un autre côté, un autre ami de M. Keddie, M. Mel Watson, affirme qu'il a vu M. Keddie à l'hôtel 98 vers 9 h 30 ce jour-là. Mme Annie Remple, une serveuse de bar au 98 Hotel, a affirmé également dans son témoignage qu'elle avait servi à M. Keddie deux verres de bière à 9 h 30, ce jour-là.

Selon les témoignages, la prochaine fois qu'on a vu M. Keddie ce jour-là c'était au milieu de l'après-midi. Mme Mélanie Needham a témoigné avoir vu M. Keddie vers 15 h, le 30 mars 1995, alors qu'il passait près du musée MacBride où elle travaille. Il se trouvait avec un de ses amis qu'elle connaît comme « Chocolate Paul ». Mme Needham était une amie de M. Keddie depuis le milieu des années 1980, époque où ils résidaient tous les deux à Dawson City. Elle savait que M. Keddie consommait des drogues douces à des fins de loisir mais, à son avis, il ne consommait pas de drogue dure.

Après avoir repéré M. Keddie à environ 25 pieds, qui marchait sur la rue de l'autre côté du musée, Mme Needham a ouvert la porte et l'a appelé pour lui donner un message de la part de sa mère. Comme M. Keddie restait souvent à différents endroits où il n'y avait pas de téléphone, lorsque sa mère voulait lui faire passer un message, elle le laissait à l'appartement de Mme Needham. M. Keddie a demandé à Mme Needham ce que sa mère voulait. Elle a répondu qu'il devait appeler sa mère et il a dit qu'il allait le faire. Pour autant qu'elle ait pu juger de là où elle se trouvait, Mme Needham estime que M. Keddie marchait et se comportait d'une manière normale bien que sa voix ait semblé un peu enrouée.

Le témoignage révèle que la prochaine fois que M. Keddie a été aperçu le 30 mars 1995, c'était aux environs de 17 h, vers l'avant du Regina Hotel. M. Mel Watson, et un homme plus tard identifié comme M. Malcolm Svrcek, ont été aperçus alors qu'ils essayaient d'aider M. Keddie à rester sur ses pieds. Il y avait un troisième homme non identifié tout près, qui pourrait avoir été M. Bob Taylor. Les deux hommes qui prenaient soin de M. Keddie sont restés avec lui quelque temps à l'avant du Regina Hotel pendant qu'ils décidaient ce qu'ils allaient faire de lui.

Dans son témoignage, M. Watson a décrit M. Keddie comme étant « un peu raide », et qu'il levait ses jambes très haut « comme si ça lui prenait beaucoup d'effort juste pour faire un pas ». En réponse à une question de l'avocat de la défense, qui demandait si il avait déjà vu une personne ivre marcher de cette manière, M. Watson a répondu « Non ». Il a ajouté qu'à son avis l'état de M. Keddie était grave et « qu'il s'agissait de bien d'autre chose que d'ébriété ». Au cours d'un contre-interrogatoire plus poussé, M. Watson a redit qu'à son avis M. Keddie n'allait pas bien et qu'il avait même des problèmes graves. Sa conclusion reposait sur le fait qu'il avait déjà vu M. Keddie ivre à d'autres occasions et que, cette fois, il ne semblait pas l'être.

Après être resté quelque temps dans la rue, M. Watson et M. Svrcek ont décidé que l'endroit le plus proche pour amener M. Keddie s'asseoir était le salon du Regina Hotel. Ayant placé les bras de M. Keddie sur leurs épaules, les deux hommes l'ont aidé à entrer et l'ont assis à une table. M. Svrcek est parti et M. Watson est resté pour surveiller M. Keddie. En voyant dans quel état celui-ci se trouvait, la serveuse du bar, Mme Leigh Storey, a demandé aux hommes de l'emmener ailleurs. Dans son témoignage, Mme Storey a affirmé qu'elle avait pensé que M. Keddie était très ivre, ayant remarqué que ses jambes tremblaient beaucoup et qu'il avait l'air perdu. Il semble qu'on ait ignoré sa demande et que M. Keddie soit resté à la table avec M. Watson.

Le chef de veille délégué du détachement de Whitehorse était, ce jour-là, le gendarme Kevin Gibson, un vétéran de 14 ans de la Gendarmerie. Le gendarme Gibson était en uniforme et il patrouillait le secteur du Regina Hotel dans une voiture identifiée, vers 17 h, c'est-à-dire vers la fin de son quart de travail. En passant devant le Regina Hotel, le gendarme Gibson a remarqué trois hommes qui se trouvaient juste à l'extérieur de l'hôtel. L'un de ces hommes (M. Keddie) était appuyé contre la voiture, avec deux hommes (Mel Watson et Malcolm Svrcek) à côté de lui. Le gendarme Gibson a témoigné que ces deux hommes « avaient la main sur l'épaule du premier comme s'ils le secouaient ou lui parlaient », ajoutant que visiblement,« il y avait un problème ». Il a fait le tour du bloc et est revenu devant le Regina Hotel.

Lorsque le gendarme Gibson est revenu à l'avant de l'hôtel, il a vu M. Keddie, dont les bras se trouvaient sur les épaules de M. Watson et de M. Svrcek, qu'on aidait à faire entrer dans l'hôtel. Le gendarme Gibson affirme que, à son avis, M. Keddie avait l'air tout à fait intoxiqué car il chancelait sur ses jambes. Il a garé sa voiture, a demandé de l'aide et est entré dans le bar de l'hôtel. En entrant dans l'hôtel, le gendarme Gibson a demandé à la serveuse, Mme Leigh Storey si elle avait donné de l'alcool à M. Keddie; elle a répondu que non. Ensuite il s'est approché de la table où M. Keddie était assis avec M. Watson. Selon le gendarme Gibson, tout indiquait que M. Keddie était tout à fait ivre. Sa tête oscillait d'avant en arrière et il était incapable de communiquer ou de répondre quand on lui parlait.

En l'absence de toute autre observation ou information, la Commission pense qu'il était raisonnable que le gendarme Gibson arrive à la conclusion initiale que M. Keddie était simplement ivre. Cependant les preuves présentées au cours de l'audience indiquent que plusieurs personnes ont dit au gendarme Gibson que l'état de M. Keddie n'était pas simplement dû à une intoxication alcoolique.

Le gendarme Gibson affirme que, pendant qu'il observait l'état de M. Keddie, M. Watson le regardait et lui a dit quelque chose comme « Laissez-le tranquille. Allez-vous en ». Le gendarme Gibson affirme qu'il a interprété cette remarque comme un mouvement d'agression et qu'il a décidé qu'il devait faire reconnaître son autorité en ayant recours à ce qu'il réfère comme du « judo verbal ». Par conséquent, il a dit immédiatement à M. Watson de se taire ou qu'il allait l'emmener en prison lui aussi. Le gendarme Gibson affirme que M. Watson est devenu immédiatement plus coopératif et a répondu à ses questions.

Quand le comité de la Commission lui demande de décrire la conduite « verbalement agressive » de M. Watson à son égard, le gendarme Gibson confirme que M. Watson n'a pas élevé la voix et qu'il ne s'est pas levé de sa chaise pendant tout l'incident. L'évaluation par le gendarme Gibson de la conduite « agressive sur le plan verbal » de M. Watson n'est donc pas étayée par son propre témoignage.

Par contre, M. Watson, se rappelle avoir brièvement parlé avec le gendarme Gibson et lui avoir dit quelque chose comme : « Juste laissez-le tranquille. Il n'est pas saoul. » et avoir ajouté : « Il a une crise ». M. Watson ne se rappelle pas exactement quels étaient les mots dont il s'est servi pour avertir le gendarme Gibson que M. Keddie était sujet à des crises d'épilepsie et à des crises cardiaques.

Néanmoins, le gendarme Gibson se rappelle que M. Watson lui a parlé des crises d'épilepsie. Il confirme que, comme il continuait de l'interroger, M. Watson a indiqué que M. Keddie était malade et qu'il avait une « crise ». Le gendarme Gibson témoigne en outre que quand il a demandé à M. Watson ce qu'il voulait dire par « crise », M. Watson a expliqué que M. Keddie avait tendance à « faire des crises d'épilepsie et des crises cardiaques ». Le gendarme Gibson a confirmé que, en réponse à l'explication de M. Watson concernant l'état médical de M. Keddie, il a dit : « J'ai l'impression qu'il est rond ». À ce moment, M. Watson a reconnu que M. Keddie avait bu.

L'agent Gibson témoigne qu'il a demandé à M. Watson si M. Keddie avait une crise d'épilepsie ou une crise cardiaque à ce moment-là. M. Watson a répondu en haussant les épaules à plusieurs reprises. Le gendarme Gibson a interprété ce geste comme signifiant « non » et a témoigné que c'est à partir de cette réponse qu'il a déterminé en partie l'état de M. Keddie.

Cependant, M. Watson témoigne également qu'il était intimidé par l'avertissement du gendarme Gibson et il a indiqué qu'il ne voulait pas en dire plus parce qu'il avait peur d'aller en prison.

De toute façon, le gendarme Gibson a décidé d'emmener M. Keddie en prison au lieu de lui obtenir des soins médicaux. Par conséquent, M. Keddie a été emmené pour sa propre sécurité et parce que, de l'avis du gendarme Gibson, il était ivre dans un endroit public. La manière dont le gendarme Gibson a interprété un geste de haussement d'épaules ne laisse pas de surprendre la Commission. Dans une société nord-américaine, un haussement des épaules est généralement accepté comme signifiant « Je ne sais pas » ou « Je m'en fous ». D'après le dictionnaire Oxford, un haussement des épaules est une expression d'indifférence, de mépris ou de vexation. Dans sa présentation finale, l'avocat du gendarme Gibson reconnaît qu'il n'interpréterait pas un haussement d'épaules comme signifiant « Non ». D'après lui, l'interprétation du gendarme Gibson peut être due à une erreur de jugement mais il insiste que cela ne devrait pas être retenu contre le gendarme Gibson à moins qu'il ne s'agisse d'une grave erreur de jugement.

Ceci étant dit, la Commission estime que cette erreur était une faute grave de jugement pour le moins et, au pire, une indication d'un refus d'écouter et de faire attention à l'information qu'il recevait de M. Watson et d'autres personnes qui connaissaient M. Keddie.

C'est vers 17 h 30, le 30 mars 1995 qu'un deuxième agent, le gendarme T.C. Parsons, est entré dans l'hôtel Regina en réponse à l'appel d'aide du gendarme Gibson. Le gendarme Parsons se trouvait en patrouille sur la route et il travaille de 8 h à 18 h. Lorsqu'il est entré dans l'hôtel Regina, il est allé droit à la table où le gendarme Gibson se tenait près de M. Keddie.

Le gendarme Parsons avait déjà eu affaire à M. Keddie plusieurs fois avant cette journée. Il s'agissait d'une demi-douzaine d'incidents d'ébriété dans un lieu public et d'un arrêt pour conduite en état d'ébriété deux semaines avant l'incident du 30 mars 1995. Il a aussi reconnu M. Watson assis près de M. Keddie et affirmé qu'à son avis, M. Watson n'était pas ivre.

Comme il se tenait près, le gendarme Parsons, a reconnu M. Keddie et lui a dit « Salut Bob ». M. Keddie, apparemment, a répondu par « Salut Natz ». Comme l'explique le gendarme Parsons, « Natz » est un surnom dont un de ses amis l'a affublé, quelques années auparavant. Le gendarme Parsons confirme que M. Keddie était tellement ivre qu'il était incapable de marcher sans aide, de soulever une bière ou de se tenir droit. Il rappelle ensuite qu'il a remarqué que M. Keddie avait « comme d'habitude les yeux liquides et injectés de sang » pendant qu'il se tenait au bar de l'hôtel. Il ne peut cependant se rappeler si les pupilles de M. Keddie étaient dilatées ou contractées. Il est à remarquer, à ce moment, que le gendarme Parsons a dit dans son témoignage qu'il avait volontairement suivi deux séminaires donnés par la GRC pour apprendre à reconnaître les symptômes qui permettent de déterminer si quelqu'un prend des stupéfiants.

Il reste à la Commission à se demander pourquoi le gendarme Parsons ne s'est pas servi de ses connaissances nouvellement acquises dans la consommation de stupéfiants pour observer M. Keddie pendant qu'il aidait le gendarme Gibson à mener cette enquête. L'examen des pupilles de M. Keddie aurait donné aux agents un élément important d'information qui aurait peut-être changé le cours des événements. Cependant, même si M. Keddie n'avait pas survécu à cette journée, les citoyens de Whitehorse auraient au moins eu l'assurance que le nécessaire avait été fait.

Le gendarme Parsons a témoigné par ailleurs qu'un client, Desmond Smarch, qui semblait très ivre, lui a dit, en parlant de M. Keddie : « Il a eu une crise cardiaque ». Il a répondu à M. Smarch, qu'étant donné son état d'ébriété avancé, il ferait mieux de quitter l'hôtel ou il serait lui aussi emmené en prison.

D'après le témoignage du gendarme Parsons lors de l'enquête du coroner, et confirmé par lui-même à l'audience de la Commission, il a affirmé que certains clients du bar du Regina l'avait injurié; selon lui, ces injures consistaient en ce que les clients lui ont crié que M. Keddie avait eu une crise cardiaque.

Un autre témoin, M. Stan Gillingwater, a affirmé que, après avoir observé M. Keddie à l'extérieur de l'hôtel, il avait décidé de rentrer dans l'hôtel pour voir s'il pouvait faire quelque chose. Une fois à l'intérieur, explique-t-il, il est allé à la table de M. Keddie et lui a demandé comment ça allait. D'après sa vaste expérience en administration des premiers soins, et son expérience personnelle des personnes subissant des crises d'épilepsie, M. Gillingwater affirme qu'à son avis M. Keddie n'était pas ivre mais il avait plutôt l'air de sortir d'une crise d'épilepsie.

M. Gillingwater a témoigné qu'ensuite, il est allé parler à l'autre officier (Parsons) et lui a dit qu'à son avis M. Keddie avait une crise d'épilepsie. Il ajoute que le gendarme Parsons lui a dit qu'il allait faire en sorte que M. Keddie reçoive l'attention dont il avait besoin et qu'il (M. Gillingwater) devrait se tenir tranquille ou que lui aussi irait en prison. Le gendarme Parsons a affirmé qu'il ne se rappelle pas avoir eu cette conversation avec M. Gillingwater.

La Commission accepte le fait que M. Gillingwater est allé à la table et a parlé à M. Keddie pour essayer de l'aider. Cependant, la preuve est confuse et contradictoire pour ce qui est du moment où a eu la conversation de M. Gillingwater avec le gendarme Parsons. Par conséquent, la Commission ne peut accepter cette partie du témoignage comme une preuve concluante que M. Gillingwater et le gendarme Parsons ont effectivement eu cette conversation. Néanmoins, le gendarme Parsons a affirmé qu'il avait été prévenu que M. Keddie avait une crise cardiaque par M. Smarch et par un certain nombre de clients qui ne sont pas nommés.

Le gendarme Parsons semble avoir considéré comme des injures les tentatives par les clients de l'informer que M. Keddie était malade. La Commission accepte qu'il est fort probable que certains clients aient utilisé un langage coloré pour essayer de faire passer le message. Néanmoins, il n'y a aucun doute dans l'esprit des membres de la Commission que le gendarme Parsons avait été prévenu de la possibilité que M. Keddie avait des problèmes de santé et qu'il pouvait être dans un état plus grave qu'une simple intoxication alcoolique.

Dans son témoignage, la serveuse du Regina Hotel, Mme Leigh Storey, a dit que pendant que les officiers étaient à la table de M. Keddie, une cliente, Mabel Jim, lui a demandé de les prévenir que M. Keddie venait juste d'avoir une crise. Mme Jim a une expérience familiale personnelle des personnes qui font des crises d'épilepsie et a suivi une vaste formation en administration des premiers soins. Elle connaissait M. Keddie, connaissait son état de santé et croyait qu'il venait d'avoir une crise d'épilepsie. Du point de vue de Mme Jim, M. Keddie semblait désorienté. Il ne semblait pas savoir ce qui se passait. Mme Jim a expliqué qu'elle avait déjà vu M. Keddie ivre de nombreuses fois et que jamais il n'avait été incapable de marcher. Selon elle, il était toujours arrivé à se tenir debout et à sortir tout seul, même en chancelant.

Suite à la demande de Mme Jim, Mme Storey a, dit-elle dans son témoignage, prévenu les policiers de l'état de santé de M. Keddie, puis est allée vers M. Keddie, lui a tapé sur l'épaule et lui a dit qu'il devait s'en aller avec les agents. Mme Storey affirme qu'elle a donc regardé le gendarme Gibson dans les yeux et lui a dit « On vient de me dire qu'il avait eu une crise d'épilepsie ». Elle ajoute que « Je pense qu'il m'a entendu et qu'il a répondu que M. Keddie était saoul. » Là encore, le gendarme ne semble pas avoir pris au sérieux ce second avertissement.

Dans la suite de son témoignage, Mme Storey a dit qu'à son avis il y avait à peu près 25 personnes dans le bar ce jour-là ce qui, d'après elle, n'est pas « très occupé ». Pour décrire le niveau de bruit et l'atmosphère du bar cet après-midi, Mme Storey dit que c'était juste le bourdonnement ordinaire. Contrairement à ce qu'ont affirmé les gendarmes Gibson et Parsons, au sujet de l'attitude injurieuse des clients de l'hôtel, Mme Storey a affirmé que, quand la GRC est entrée à l'hôtel, le niveau de bruit était un peu moins élevé et un peu plus tranquille. Elle a dit que, habituellement, l'entrée de la police dans le bar a un effet calmant, ajoutant que, pour autant qu'elle se souvienne, l'entrée de la police n'a pas entraîné un surcroît d'agitation dans le bar.

Un autre témoin, M. Philip Atkinson, qui se trouvait au Regina Hotel en même temps que M. Keddie, a comparu devant la Commission. Au moment où il témoignait, M. Atkinson purgeait une peine à l'établissement correctionnel de Whitehorse pour avoir manqué à une condition de sa probation en communiquant avec sa conjointe de fait. Bien qu'il y ait un certain nombre de questions auxquelles M. Atkinson ne pouvait pas répondre avec une certitude absolue, il était affirmatif sur deux points : que M. Keddie tremblait de tout son corps quand il est entré dans l'hôtel; et qu'il a entendu la serveuse, Mme Storey, dire que M. Keddie venait juste d'avoir une crise d'épilepsie. Quelques minutes après que le gendarme Parsons est arrivé au Regina Hotel, il a aidé le gendarme Gibson à en faire sortir M. Keddie. Ayant leurs mains sous les bras de M. Keddie pour le supporter, les deux officiers ont escorté celui-ci en dehors de l'hôtel et dans la voiture. Il est clair que M. Keddie était détenu non parce qu'il causait des troubles mais pour ivresse dans un lieu public et également pour préserver sa propre sécurité et maintenir la paix conformément à l'article 87 de la Loi sur les boissons alcoolisées du Yukon.

En route pour les locaux du détachement, dans la voiture de police, il y avait un autre homme détenu assis à côté de M. Keddie. D'après les témoignages entendus à l'audience, M. Keddie aurait apparemment fait une remarque à l'homme assis à côté de lui en disant : « Allons-y les gars », ce qui indiquerait que M. Keddie avait plus ou moins la notion de l'endroit où il se trouvait.

À l'arrivée au détachement, quelqu'un a aidé M. Keddie à sortir de la voiture et l'a emmené dans la salle d'enregistrement. Deux gendarmes l'ont étendu sur le plancher de la section d'enregistrement plutôt que sur un banc d'où il aurait pu tomber et se blesser. Ensuite, les deux gendarmes l'ont fouillé et ont fait une liste des articles en sa possession. Certains ont dit que M. Keddie avait à un moment ou un autre porté une plaque Medic Alert mais on ne l'a pas trouvée sur lui ce jour-là.

Pendant ce temps, M. Keddie se trouvait sur le plancher dans l'aire d'enregistrement; dans son témoignage, le gendarme Gibson a affirmé que M. Keddie avait essayé à quelques reprises de s'asseoir mais lui a obéi quand il lui a dit de rester tranquille. Le gendarme Gibson a aussi expliqué que M. Keddie avait ouvert les yeux au moment où il avait essayé de s'asseoir, mais qu'il n'avait rien remarqué de particulier à ce sujet. Il a également témoigné qu'il ne faisait pas particulièrement attention à l'état des pupilles des personnes qu'il arrêtait et qui étaient très intoxiquées. Cependant, il a indiqué qu'il le ferait pour une personne arrêtée pour conduite en état d'ébriété.

Ensuite, les gendarmes Gibson et Parsons ont traîné M. Keddie, pour sa propre sécurité, vers la cellule no 7. Là, on l'a étendu sur le plancher de la cellule en face du mur; il y avait d'autres prisonniers dans la cellule. Le gendarme Gibson a expliqué qu'il a placé M. Keddie sur le côté gauche, les mains en avant de la poitrine, la jambe gauche étendue, la jambe droite légèrement pliée, et les hanches légèrement placées en avant de la jambe droite. Le gendarme Gibson a parlé de cette manière de positionner M. Keddie comme la « position de rétablissement ».

Dans sa déposition finale, la plaignante Mme Donna Wilson a remis à la Commission un document sur les premiers soins qui donne une description détaillée de la position de rétablissement. Mme Wilson, une aide infirmière agrée, a remarqué que la description que donne le gendarme Gibson de la position de rétablissement est contraire à la description donnée dans le document. Selon le document, elle a raison, en ce sens que les bras de la personne ne devraient pas être placés dans la position que décrit le gendarme Gibson. Étant donné le témoignage de Mme Wilson, et le fait que le gendarme Gibson a admis que ses connaissances en matière de premiers soins n'étaient pas à jour, la Commission donne la préférence au témoignage de Mme Wilson sur ce point.

Après avoir placé M. Keddie dans la cellule, le gendarme Gibson est allé vers le secteur où le garde de la cellule, M. Ken Armstrong était posté. Le gendarme Gibson a ensuite rempli un rapport, un formulaire C-13, et confirmé qu'il avait demandé à M. Armstrong de garder un oil sur M. Keddie parce que celui-ci avait tendance à faire des crises cardiaques et des crises d'épilepsie. De plus le gendarme Gibson a encerclé et surligné ce commentaire particulier en jaune sur le formulaire, avec l'intention d'attirer l'attention du garde et du chef de veille responsable du prochain quart de travail.

Du point de vue de la Commission, cela confirme que le gendarme Gibson était parfaitement conscient de la possibilité que M. Keddie ait un problème de santé grave et qu'il avait besoin d'être surveillé de près. D'après les preuves, cela ne pouvait être dû qu'au fait qu'il avait été prévenu par M. Watson, Mme Storey et peut-être d'autres clients de l'hôtel qui lui avaient dit que M. Keddie était malade.

Avant de laisser le détachement à la fin de son quart de travail, le gendarme Gibson a eu une brève discussion sur l'incident avec M. Keddie avec le chef de veille du quart de travail du soir, le caporal Hajash, qui prenait ses fonctions peu avant 19 h.

Le caporal a affirmé qu'il se rappelait que le gendarme Gibson lui avait dit qu'ils (gendarmes Gibson et Parsons) « avaient eu un peu de problèmes avec les clients » lorsqu'ils avaient arrêté M. Keddie et que le gendarme Gibson « se préoccupait de M. Keddie qui avait peut-être eu une crise d'épilepsie ou qui avait tendance à en faire ».

Le caporal Hajash a confirmé ce qu'il a dit auparavant à l'enquêteur de la Commission au sujet de ses discussions avec le gendarme Gibson lors du changement de quart de travail, le 30 mars 1995. Il se rappelait que le gendarme Gibson lui avait déclaré que les clients de l'hôtel lui avaient dit « de laisser M. Keddie et que . on lui avait parlé de crise d'épilepsie ». Là encore, il est clair que le gendarme Gibson était très conscient qu'il ne s'agissait pas là d'un simple cas d'ébriété.

Le caporal Hajash a également confirmé qu'il avait cru comprendre que le gendarme Gibson se préoccupait plus de l'interférence des clients de l'hôtel que des crises d'épilepsie de M. Keddie.

La Commission reconnaît le danger éventuel auquel sont confrontés les policiers lorsqu'ils entrent dans un endroit où leur présence peut susciter une réaction hostile et les mettre en danger. Cependant, rien ne prouve que c'était le cas au Regina Hotel, le 30 mars 1995. Les préoccupations exprimées par le gendarme Gibson et le gendarme Parsons sur l'interférence des clients ne reposent ni sur les preuves générales ni sur le témoignage de la serveuse du bar, Mme Storey, témoignage auquel la Commission accorde une plus grande importance.

Le Dr B. Dickson, expert reconnu en matière de médecine des dépendances, a présenté le témoignage d'experts concernant le comportement des personnes souffrant de dépendance. Le Dr B. Dickson a un certificat de l'American Society of Addiction Medicine; il a fait de grandes recherches sur les dépendances chimiques; il est professeur clinique associé à l'University of British Columbia et a une pratique privée à Vancouver (C.-B.).

D'après le Dr Dickson, si une personne présente des signes d'intoxication comme une démarche instable, une forte odeur d'alcool, un langage brouillé et des yeux liquides et tachés de sang, il est difficile de déterminer si cette personne a consommé une dose excessive de drogue ou d'alcool qui pourrait menacer sa vie. Il affirme que, puisqu'une personne intoxiquée peut avoir de nombreux autres problèmes -- comme un problème médical ou une surdose de drogue --, il est difficile de déterminer à l'origine ce qu'est le problème si l'on n'a pas d'information collatérale. Cette information collatérale pourra être, par exemple, une personne prévenant que le sujet a bu un flacon de morphine ou s'est injecté de l'héroïne. Il a affirmé : « . une information qui peut vous faire penser que la personne en question va avoir un problème ».

Personne n'avait dit au gendarme Gibson et au gendarme Parsons que M. Keddie avait bu un flacon de morphine; cependant, un certain nombre de clients leur avaient dit que M. Keddie avait des problèmes de santé. Plusieurs personnes, entre autres, Mme Leigh Storey, avait dit au gendarme Gibson que M. Keddie avait peut-être une crise d'épilepsie.

Le Dr Dickson a expliqué qu'une personne qui a des antécédents de crise d'épilepsie ou qui vient juste d'en avoir une devrait recevoir un traitement médical. Sans traitement, on court le risque que la crise d'épilepsie se poursuive et que le patient meurt. Il y a aussi la possibilité que cette personne vomisse et que, après avoir aspiré la vomissure, elle en meurt. Le Dr Dickson a souligné que les crises d'épilepsie sont un symptôme courant de sevrage chez les personnes qui consomment de l'alcool en excès, et que cette condition peut être toxique si elle n'est pas traitée.

5. LOI APPLICABLE - ARTICLE 87 DE LA LOI SUR LES BOISSONS ALCOOLISÉES

L'article 87 de la Loi sur les boissons alcoolisées du Yukon prévoit que :

87. (1) L'agent de la paix qui a des motifs raisonnables de croire et croit véritablement qu'une personne est en état d'ébriété dans un lieu public peut, au lieu de porter des accusations sur le régime de l'article 86, la mettre sous garde et la traiter en conformité avec le présent article.

(2) La personne mise sous garde sous le régime du présent article ne peut être détenue pendant plus de 12 heures après l'arrestation et doit être relâchée dès que celui qui est responsable de sa garde a des motifs raisonnables et probables de croire :

a) que cette personne a suffisamment recouvré ses esprits et ne risque plus de se blesser ou de constituer un danger ou une nuisance pour autrui;

b) qu'une autre personne capable d'en prendre soin s'engage à le faire dès sa remise en liberté.

(3) Les agents de la paix notamment bénéficient de l'immunité pour les gestes accomplis de bonne foi et sans négligence lors de l'arrestation, de la garde ou de la libération d'une personne sous le régime du présent article.

(4) Lorsqu'un mineur est mis sous garde sous le régime du présent article, l'agent de la paix est tenu de prendre, dès que possible, toutes les mesures raisonnables pour informer de la détention les père ou mère du mineur, ou l'adulte qui en prend soin habituellement. »

Cet article de la Loi exprime clairement l'intention de garantir à la fois la sécurité du public et les soins et la protection de la personne. Cet article n'est pas pénal, bien qu'il donne à la police le pouvoir d'arrêter et de garder en cellule, jusqu'à ce qu'elle soit sobre, une personne (y compris un mineur), qui semble être intoxiquée dans un lieu public. Nous avons appris que, au cours de l'année qui a précédé l'audience de la Commission en mars 1996, il y a eu 3 839 arrestations à Whitehorse. De ces arrestations, 1 589 avaient un rapport avec l'alcool et, parmi les personnes visées, il y en avait 1 301 qui ont été détenues pour intoxication, conformément à l'article 87 de la Loi.

Un total de 1 589 personnes arrêtées représente une partie importante de la population de Whitehorse et du secteur ainsi qu'une partie importante de la charge de travail des membres du détachement de la GRC à Whitehorse. En outre, parmi ces personnes qui ont des démêlés avec la justice lorsqu'elles sont arrêtées aux termes de l'article 87, certaines (pas toutes) sont connues des membres de la GRC ou des gardes civils. De ces personnes, nul doute qu'un certain nombre ont des problèmes, des pathologies, des antécédents médicaux et des problèmes inconnus de la GRC à ce moment-là. Mais, en les arrêtant, la GRC devient responsable au nom de la société de l'état de ces personnes jusqu'à ce qu'elles soient suffisamment sobres pour prendre soin d'elles-mêmes ou jusqu'à ce qu'une autre personne, responsable celle-là, accepte d'en prendre soin.

D'après les dispositions de l'article 87, il semble qu'une partie de l'objectif social de cet article est d'assurer la protection de la société à l'égard des personnes dangereusement intoxiquées. Mais, à la lecture simple de cet article, ressort également l'objectif important de protéger le bien-être personnel des personnes dont le système a été empoisonné par la consommation volontaire d'alcool. Ce type de personnes est très nombreux à Whitehorse, fait confirmé par les dossiers du détachement de la GRC et les statistiques qui nous ont été fournies comme pièce 26, le Yukon Health Status Report, de 1994, publié par le gouvernement territorial du Yukon. Au chapitre 7 de cette pièce, à la page 59 (intitulée Facteurs de risque de mode de vie), il est dit qu'entre 1990 et 1993, on note une augmentation du pourcentage de buveurs au Yukon, et une baisse de l'âge à la première consommation d'alcool.

Le rapport susmentionné se reporte spécifiquement au Centre de désintoxication de Whitehorse. En 1993-1994, le centre a offert refuge et protection à 465 personnes, dont 88 % étaient des hommes. Ces personnes sont restées au centre de désintoxication une moyenne de 3,1 jours.

Dans son témoignage, Mary Plante, surveillante intérimaire du Centre de désintoxication de Whitehorse, a confirmé que le centre accepte des personnes intoxiquées souffrant d'une consommation abusive d'alcool ou de drogue du moment qu'elles peuvent communiquer et se tenir debout avec un peu d'aide; elle affirme que le centre prend également soin de ces personnes jusqu'à ce qu'elles soient devenues sobres. Mme Plante a également indiqué que lorsqu'une personne est admise au centre avec un problème médical, celle-ci est envoyée à l'hôpital.

Malheureusement, un seul des membres du détachement de la GRC à Whitehorse qui ont témoigné devant nous, connaissait l'existence du centre de désintoxication, ce qui est assez surprenant étant donné la taille relativement limité de la collectivité.

À notre avis, il est essentiel que tous les membres du détachement de la GRC à Whitehorse soient au courant des emplacements et des services fournis par le service de désintoxication. Dans le cadre des services de police communautaire, les membres de la GRC devraient également, au cours de leur première semaine de travail, visiter le centre de désintoxication afin de se présenter au personnel et de se familiariser avec les services offerts. Cette exigence devrait être également imposée aux chefs de veille et aux sous-officiers qui, d'une manière ou d'une autre, participent au service de police communautaires de la ville de Whitehorse et des environs.

Bien que l'alcoolisme soit reconnu comme une maladie, ce n'est que lentement que cette idée fait son chemin dans certains endroits. Les personnes qui sont en conflit avec la loi à la suite d'une intoxication dans un lieu public, ont souvent besoin de soins qu'on ne trouve pas dans les quartiers de la police. Bien souvent, elles sont incapables de prendre soin d'elles-mêmes. Même si on les met sous garde en partie pour leur propre protection, elles courent parfois des risques à cause de leur état et à cause du comportement des autres prisonniers. La Commission se rend compte de ceci, car elle a déjà entendu des preuves de mauvais traitements infligés à un prisonnier intoxiqué par un autre, dans le cadre de l'audience sur la plainte Robinson/Farewell en 1989.

Aux termes de l'article 87 de la Loi sur les boissons alcoolisées, nous pensons que la GRC a le devoir d'arrêter les personnes trouvées intoxiquées dans un lieu public. Mais, contrairement à l'opinion du sergent Payne, à savoir que le détachement n'est pas un établissement médical, la Commission est d'avis que lorsque la police garde assume la charge de personnes intoxiquées pour une période allant jusqu'à 12 heures dans leur cellule, le détachement doit en fait être regardé comme une installation quasi-médicale, en ce sens que la vie, la santé et la sécurité des prisonniers sont entre leurs mains; les agents devraient recevoir une formation de niveau adéquat.

Ce même gouvernement du Yukon qui a adopté la Loi sur les boissons alcoolisées prévoit également le soin des personnes intoxiquées dans le Centre de désintoxication de Whitehorse qui est financé à même les deniers publics. Mais, la personne en charge du centre de désintoxication ne peut s'occuper d'un individu sous la garde de la police que si un agent de la paix l'informe de l'arrestation de l'individu et lui donne la possibilité d'en prendre soin.

Dans de nombreux cas il serait facile pour l'agent qui arrête ou pour l'agent des télécommunications de communiquer avec le centre de désintoxication et, s'il y a de la place, d'y amener la personne en question pour y être traitée. Il est bien évident que pour certaines personnes intoxiquées, il serait inappropriée de les emmener au centre de désintoxication. Il est évident que des personnes qui, une fois ivres deviennent violentes, qui sont blessées ou qui ont été arrêtées pour des raisons autres qu'en vertu de l'article 87 de la Loi sur les boissons alcoolisées ne doivent pas être emmenées au centre de désintoxication. Cependant, à notre avis, on aurait bien pu emmener M. Keddie ailleurs que dans les cellules du détachement de Whitehorse.

À notre avis M. Keddie aurait dû être emmené soit au centre de désintoxication soit à l'hôpital. D'après les preuves que nous avons en main, il nous est impossible de dire que si M. Keddie avait été emmené à l'hôpital ou au centre de désintoxication, sa vie aurait été sauvée. Cependant, d'après les témoignages à l'audience, les deux officiers qui ont procédé à l'arrestation de M. Keddie n'avaient pas d'urgence pressante et leur sécurité n'était pas en danger. Ils ont réussi sans problème à faire sortir M. Keddie de l'hôtel. Par conséquent, rien n'indique qu'ils manquaient de temps ou de ressources pour décider, parmi une vaste gamme de possibilités, où emmener M. Keddie une fois qu'ils l'ont fait sortir du bar. Ils avaient la possibilité de tenir compte de l'information qui leur avait été donnée sur M. Keddie quand il était à l'intérieur de l'hôtel et d'accorder à cette information l'attention qu'elle méritait. Ils avaient le temps de faire un tour à l'hôpital mais semble-t-il cette possibilité n'a pas été envisagée.

Le témoignage indique que le gendarme Gibson a décidé que M. Keddie était ivre et qu'il allait l'emmener en prison. Il semble qu'il n'ait pas envisagé la possibilité que M. Keddie ait un problème de santé qui nécessitait une attention médicale immédiate. L'ironie de cette décision est que le gendarme Gibson a témoigné que a) quand il a des doutes au sujet de l'état d'un prisonnier, il a tendance à prendre plutôt trop de précautions que pas assez; et b) que sa connaissance des crises d'épilepsie se limite à ce qui suit : « S'il n'était pas en train de convulser par terre, s'il était assis sur une chaise, je devrais me fier à la parole de la personne disant qu'il avait eu une crise, parce que je ne connais aucun autre symptôme ». Le 30 mars 1995, le gendarme Gibson n'a pas pris trop de précautions et il n'a pas non plus accordé crédit à la parole des amis de M. Keddie concernant les crises d'épilepsie et la possibilité d'un problème cardiaque.

De plus, le gendarme Gibson a fait quelque chose que certains témoins on décrit comme inhabituel lorsqu'il a rempli le rapport sur M. Keddie, le soir du 30 mars 1995. Il a écrit le commentaire que de nombreux amis de M. Keddie lui avait fait au Regina Hotel ce soir-là, disant que M. Keddie était sujet à faire des crises d'épilepsie. Il a ensuite surligné le commentaire en jaune et a mis un astérisque à côté. Pour nous, cela indique qu'il était clairement conscient des préoccupations manifestées au sujet de la santé de M. Keddie; à notre avis, il a choisi d'ignorer les avertissements et les signes et a refusé d'emmener M. Keddie recevoir un traitement médical. Le témoignage du gendarme Gibson nous paraît plein de confusion et incohérent. Nous considérons également que celui-ci a fait preuve d'un jugement déplorable dans l'exercice de ses fonctions le soir du 30 mars 1995.

Le témoignage du gendarme D.F. Rogers du détachement de Watson Lake présente un contraste remarquable avec celui du détachement de Whitehorse. Le gendarme Rogers était à la GRC depuis cinq ans au moment de l'audience de la Commission. Il connaissait M. Keddie parce qu'il avait déjà eu affaire à lui trois fois au sujet de son intoxication. Notamment, à une occasion, où il l'a placé en détention pour conduite en état d'ivresse. Il a expliqué que M. Keddie était cohérent et se tenait debout tout seul en dépit d'un taux d'alcoolémie extraordinairement élevé de 310 milligrammes pour 100 millilitres de sang. Le gendarme Rogers a affirmé que, suite à ce relevé, il avait décidé de garder M. Keddie après avoir déterminé que personne ne pourrait prendre soin de lui pour assurer sa sécurité. Un formulaire C-13 avait été rempli et une note inscrite déclarant que le garde devrait surveiller de près M. Keddie, parce que le détachement de Watson Lake avait reçu un téléphone anonyme avertissant la police qu'il avait un problème médical. À ce moment-là, M. Keddie était cohérent et marchait tout seul et cependant, les soins qu'il a reçus au détachement de Watson Lake, à notre avis, ont été bien meilleurs que ceux qu'il a reçus au détachement de Whitehorse le 30 mars 1995, alors qu'il était incapable de communiquer et de marcher seul.

Le gendarme Rogers a également témoigné que le détachement de Watson Lake avait un registre, qui se présente comme un classeur duo-tang, dans lequel on garde l'information sur les prisonniers à risque élevé qui ont souvent affaire à la police. Les noms des gens comme M. Keddie, qui sont des alcooliques chroniques, seraient inscrits dans ce registre avec une indication des problèmes qu'ils peuvent avoir, santé, tendance à la violence, etc. Le gendarme Rogers a expliqué qu'il s'agissait d'un système établi à Watson Lake pour compléter l'information limitée qu'on trouve sur le formulaire C-13. À notre avis, il s'agit là d'une excellente initiative qui comble une lacune évidente en matière d'information vitale pour aider les membres du détachement.

La GRC peut être préoccupée du fait que des questions en rapport avec la garde d'une personne pourraient être communiquées à des organismes civils. Mais à notre avis, il n'y a pas lieu de s'inquiéter. D'abord, la GRC confie déjà les soins des personnes intoxiquées à des gardes civils qui n'ont pas beaucoup de formation comme cela a été le cas pour M. Ken Armstrong. Dans d'autres détachements, des entreprises privées de sécurité fournissent tous les services de sécurité et les soins aux prisonniers dans les cellules des détachements. S'il est possible de déléguer la responsabilité pour des personnes accusées d'infraction criminelle, la délégation (autorisée par l'alinéa 87(2) b) de la Loi sur les boissons alcoolisées) de la responsabilité concernant des personnes intoxiquées ne devrait pas poser grand problème pour la GRC.

En outre, plus la GRC pourra déléguer ce genre de tâches à d'autres agences ou organismes sous contrat, plus ses membres pourront consacrer leur énergie à des travaux pour lesquels ils sont spécialement entraînés et pour lesquels ils ont prêté serment.

6. POLITIQUE ET FORMATION

Sur la question de la formation, la Commission dispose du témoignage des officiers nommés eux-mêmes. Elle a également le témoignage du sergent Thomas Edwin Payne, le sous-officier des Opérations au détachement de Whitehorse. Il est sergent depuis sept ans et il a passé les quatre dernières années à Whitehorse. En tant que sous-officier des Opérations, le sergent Payne est responsable des relations avec les membres de la Gendarmerie chargés de l'application de la loi dans la rue. En tant que sous-officier des Opérations, il incombe au sergent Payne de superviser quatre quarts de travail ainsi que l'unité de patrouille routière, chaque unité comptant un agent principal ou un sous-officier des Opérations en charge. Le sergent Payne assume la pleine responsabilité de ces unités sur le plan de la politique et de la conformité.

Au cours de l'audience, le gendarme Gibson a témoigné qu'il ignorait la politique de la GRC au sujet de la formation en premiers soins et des renouvellements d'attestation. En effet, son attestation en premiers soins n'était pas à jour et était même plusieurs années en arrière au moment de l'incident du 30 mars 1995. La politique de la GRC est très claire en ce sens qu'elle rend obligatoire pour tout le personnel opérationnel de maintenir à jour leurs attestations en premiers soins et de suivre un cours de recyclage tous les trois ans. Il existe également des directives concernant les symptômes médicaux que les membres doivent rechercher lorsqu'ils ont affaire à des alcooliques chroniques.

Les gendarmes Gibson et Parsons ont tous les deux indiqué qu'ils savaient qu'il existait trois niveaux de politique pour la Gendarmerie, se présentant sous forme de bulletins (blanc, vert et rose). Ils considéraient que les feuilles de couleur rose étaient de première importance parce qu'elles avaient trait directement au détachement de Whitehorse; cependant ils ont tous les deux reconnu qu'il n'existait pas de système pour faire en sorte que les membres lisent réellement les bulletins ainsi que les mises à jour et les changements dans les politiques. Le gendarme Gibson a témoigné que cela faisait un certain nombre d'années qu'il n'avait pas lu la section E.3 sur les traitements médicaux dans la politique de la direction générale et qu'il n'était pas au courant qu'il y ait eu des changements depuis juin 1995.

L'interprétation respective des gendarmes Gibson et Parsons sur la terminologie suivie dans la section de la politique de la direction générale sur les traitements médicaux variait considérablement et variait également par rapport à celle du témoin de la GRC, le sergent Payne. Aucun des membres de la Gendarmerie qui ont témoigné n'étaient au courant du rapport Robinson/Farewell dans lequel la Commission avait fait des recommandations sur le traitement et les soins des personnes intoxiquées. À notre avis, les incohérences dans l'interprétation et l'application de la politique pertinente ayant directement trait avec les tâches des témoins à Whitehorse ne pourraient qu'être sources de problèmes dans ce détachement, à l'avenir.

Il semble que c'est aux officiers qu'il appartient de lire ou de ne pas lire les bulletins, les mises à jour et les changements dans la politique qui pourraient avoir une incidence directe sur les rapports quotidiens avec les citoyens de Whitehorse. Il semble également n'y avoir aucune exigence en ce qui concerne la mise à jour de la formation générale ou spécialisée; en outre, d'après les témoignages entendus lors de l'audience, rien n'indique que les membres du détachement de Whitehorse aient reçu une formation pour les rendre à même de s'occuper des consommateurs d'alcool ou de drogue. Puisque comme l'indiquent les preuves statistiques données lors de l'audience de la Commission, cette question constitue un problème important à Whitehorse, il est surprenant que ces lacunes n'aient pas entraîné des problèmes plus graves de la nature de celui dont il est question ici.

Les preuves déposées lors de l'audience révèlent non seulement qu'il y a trop de documents sur la politique à lire et à connaître, mais aussi qu'il existe des contradictions et de la confusion au niveau du pays, de la division et du détachement en ce qui concerne l'aide à donner aux officiers qui doivent décider lorsqu'ils doivent emmener un prisonnier chez le médecin ou à l'hôpital. D'après les dires des témoins, il y aurait différentes interprétations sur l'état de conscience à partir duquel on considère qu'une personne qui a été appréhendée est en danger et a besoin de soins médicaux. Il doit être également difficile, pour les gendarmes chargés de mettre des personnes intoxiquées à l'abri du danger, de ne pas avoir une politique claire applicable dans toute la Gendarmerie sur cette question importante et vitale.

Étant donné le grand nombre d'arrestations en rapport avec l'alcoolisme effectuées chaque année à Whitehorse, la Commission ne peut que se demander comment les membres de la Gendarmerie peuvent continuer à s'acquitter efficacement des tâches pour lesquelles ils ont prêté serment, étant donné leur formation semble-t-il limitée, et en l'absence d'une politique et d'une sensibilisation au niveau communautaire. Cela n'est pas juste non plus pour les officiers eux-mêmes qui ne sont pas équipés pour s'acquitter proprement des divers problèmes qui surgissent lorsqu'il est question de consommation d'alcool et de drogue. C'est aussi une situation inacceptable pour les citoyens de Whitehorse.

Sur la question de la politique et de la formation, le comité de la Commission a entendu le témoignage du gendarme Bruce Troche du service de police de Brandon (Manitoba). Celui-ci a témoigné des difficultés que le service de police de Brandon (Manitoba) a rencontré il y a quelques années au sujet du maintien et de l'uniformité des normes sur la politique et la formation des agents de police. La détérioration de ses propres normes de gestion a amené la ville de Brandon à devenir membre de la Commission on Accreditation for Law Enforcement Agencies (CALEA).

La CALEA est une organisation américaine sur les normes de la police, qui établit des normes indépendantes auxquelles les services de police membres conviennent de se conformer. Le gendarme Troche a reçu une formation à titre de gestionnaire de l'agrément de l'unité de vérification des normes professionnelles (Professional Standards Audit Unit Accreditation Manager) pour le service de police de Brandon. Il a expliqué en détail le système d'autovérification en place qui fait en sorte que le service de police de Brandon répond aux normes internationales. Pour les détails, voir la transcription du témoignage.

Ce n'est pas à nous de décider si la GRC devrait faire partie de la CALEA ou si elle est capable d'établir et de maintenir, grâce à l'autovérification, ses propres normes acceptables. Cependant, le traitement et les soins qu'a reçus Robert Keddie pendant qu'il était sous la garde de la GRC ne laissent pas de préoccuper gravement les membres de la Commission en ce qui a trait à la politique et à la procédure de la GRC et à la mise en oeuvre de celles-ci au détachement de Whitehorse. Selon le sergent Payne, il ne semble pas qu'on s'attende à ce que les membres connaissent la politique. Le point de vue exprimé à plusieurs reprises au cours de l'audience est qu'il y en a trop dans la GRC. Cette politique est dispersée parmi une quantité de documents mis à la disposition des officiers de la GRC et ces documents sont quelquefois retirés de la circulation tous ensemble pendant des périodes de temps.

Les Canadiens pensent que la GRC est le meilleur service de police national au monde. Dans l'intérêt du public, la Commission espère qu'il en est ainsi. Mais, comment le savons-nous? Quelles sont les normes comparatives? De quelle manière la GRC se livre-t-elle à un exercice d'auto-examen?

Rien de tout cela n'était très clair pour nous au cours de cette audience. Au niveau de base, rien n'indique qu'après la mort de Robert Keddie, la GRC ait examiné la politique, la formation, la réponse, les installations ou la tenue des dossiers pour déterminer s'il y avait moyen de s'y prendre autrement dans ce genre de situations, ou mieux, ou plus tôt, afin d'améliorer les décisions et les réponses des services de police à l'avenir. Au contraire d'après le témoignage du sergent Payne, il y a eu un examen de routine très superficiel du dossier et l'affaire a été close. À notre point de vue, un décès qui survient dans les locaux de la police n'est pas un incident de routine et devrait faire l'objet d'un examen minutieux par la GRC.

Pour maintenir les normes élevées pour lesquelles elle est reconnue dans le monde entier, la Gendarmerie devrait tenir compte de nombreuses questions; des questions comme les normes appropriées pour le soin et la garde des prisonniers, pour les installations où ils sont emprisonnés et pour la formation et la conduite des officiers qui procèdent aux arrestations et qui s'occupent de ces prisonniers. Il faudrait élaborer et diffuser parmi le personnel les politiques clairement définies pour guider les membres et les employés civils de la GRC.

Le Dr Gordon B. Dickson, un expert en médecine des dépendances, a donné un exemple d'une politique peu claire. Il a parlé de ses préoccupations concernant la clarté de la politique E.3.a. de la GRC au sujet du traitement médical. D'après cette politique, toute personne qui semble le moindrement malade, intoxiquée à l'alcool ou à la drogue ou blessée ou avoir plus ou moins perdu conscience, doit recevoir des soins médicaux. Toutefois rien ne définit clairement ce qu'est une intoxication aiguë à l'alcool ou à la drogue, etc. De quelle manière un policier doit-il reconnaître ces symptômes s'il n'a aucune définition et aucune ligne directrice sur lesquelles se fier? La question reste ouverte et toute décision prise par un policier sera très arbitraire. On note des lacunes dans la GRC au sujet de l'établissement et de la surveillance des normes. Franchement, cela se voit dans les circonstances tragiques entourant la mort de Robert Keddie.

M. Wayne Jeffrey, pharmacien et spécialiste agréé en identification des drogues, a parlé d'un programme qu'on vient de lancer aux États-Unis et dont le but est de former des agents de police à détecter les défaillances dues aux effets de l'alcool, des drogues ou de l'intoxication combinées à l'alcool et aux drogues. Ce genre de programme de formation fournirait à un agent de police les compétences qui lui permettraient de faire face à ces problèmes avec confiance et efficience. Il ne nous appartient pas de dire si la GRC devrait participer à ce programme. Cependant, nous ne saurions trop insister pour que la Gendarmerie explore les solutions possibles dans le domaine de la formation afin d'empêcher d'autres tragédies. Nul doute que les membres de la Gendarmerie devraient également prendre connaissance des ressources disponibles dans la collectivité afin de mener leurs tâches de façon plus efficiente et plus sécure. Nous insistons sur le fait que, à notre avis, le moins que la ville de Whitehorse puisse attendre des membres de la Gendarmerie est que ceux-ci connaissent bien la collectivité où ils travaillent.

La Commission se rend compte que, depuis quelques années, la police s'oriente de façon très positive vers le concept de police communautaire. Cela signifie que l'on fait appel de plus en plus à la collectivité pour participer aux activités qui rendront les cités et les villes plus sécures et où le respect de la loi est appliqué. La GRC a participé à cette initiative. Comme de nombreux autres problèmes dans notre société, le problème de l'alcoolisme et de la toxicomanie doit être traité par toute la collectivité. Les actions prises par la police lorsqu'elle a affaire à des gens qui sont soit intoxiqués à l'alcool ou aux drogues ou qui présentent une menace pour eux-mêmes et pour d'autres, doivent faire partie de la stratégie globale de la collectivité dans ces questions.

L'expression service de police communautaire s'explique d'elle-même. Dans le cas présent, il s'agit de la collectivité qui travaille dans un effort commun pour lutter contre la toxicomanie. Ce n'est pas une initiative qui appartient seulement à la police et ce ne doit pas l'être. La Gendarmerie doit promouvoir, encourager et accueillir la participation de la collectivité parce que c'est la clé de l'efficacité des services de police.

Dans le cas qui nous intéresse, la serveuse du bar, l'hôpital, les clients du bar (ceux qui essayaient d'aider), les amis de M. Keddie, le centre de désintoxication et possiblement un certain nombre d'autres personnes sont des parties de cette collectivité qui auraient pu faire beaucoup pour aider à régler le problème de M. Keddie d'une manière plus constructive. Toute la société, et particulièrement les membres les plus vulnérables de nos collectivités comme M. Keddie, est en danger lorsque la police et la collectivité ne travaillent pas ensemble pour faire marcher le système.

7. CONCLUSIONS RELATIVES À LA CONDUITE DES OFFICIERS EN CAUSE ET À LA PERTINENCE DE LEURS GESTES EN RAPPORT AVEC LA PREMIÈRE PLAINTE

Conclusion no 1

Il y a un conflit dans le témoignage des trois témoins concernant les allées et venues de M. Keddie entre 9 h et 13 h 30, le 30 mars 1995. Cependant, étant donné les preuves globales recueillies sur cette question, la Commission estime que M. Keddie était en train de boire à l'hôtel 98 le matin du 30 mars 1995, et que Mme Cousins s'est trompée en affirmant qu'il était resté dans sa chambre pendant qu'elle dormait.

Conclusion no 2

La Commission est d'avis qu'il existait des indications réels que M. Keddie était malade et que l'officier qui l'a arrêté, le gendarme Gibson, les a ignorées ou les a minimisées, et, en dépit des preuves, a négligé d'obtenir des services médicaux pour M. Keddie.

Conclusion no 3

La Commission estime qu'il existait des indicateurs réels que Robert Keddie était malade et que l'agent qui l'aidait, le gendarme Parsons, a négligé de tenir compte de ces indicateurs et a également négligé de tenir compte de ce qu'il connaissait de M. Keddie et qui aurait pu l'éclairer sur la situation et lui permettre d'envisager d'autres options que de placer M. Keddie dans une cellule.

Conclusion no 4

La Commission est d'avis que rien ne prouvait que M. Robert Keddie portait une plaque Medic Alert au moment de son arrestation.

Conclusion no 5

La Commission estime que les preuves n'ont pas révélé l'existence d'indicateurs concluants qui auraient pu amener les gendarmes Gibson et Parsons à soupçonner que M. Keddie était victime d'une surdose de drogue. Le fait que le gendarme Gibson n'a pas remarqué les indicateurs d'une surdose pouvait également être dû au fait qu'il n'avait pas reçu de formation dans ce domaine. Le gendarme Parsons, qui avait reçu une formation lui permettant de faire des observations et de reconnaître des indicateurs de consommation ou de surdose de drogue, n'a pas appliqué ses connaissances dans cette situation.

Conclusion no 6

La Commission est d'avis que les preuves révèlent l'existence d'indicateurs qui auraient pu amener les gendarmes Gibson et Parsons à suspecter qu'il y avait intoxication aiguë à l'alcool.

Conclusion no 7

La Commission est d'avis qu'il y avait définitivement des indicateurs que M. Robert Keddie n'était pas tout à fait conscient et que par conséquent il aurait dû être emmené à l'hôpital.

Conclusion no 8

La Commission est d'avis que le gendarme Gibson n'avait pas reçu une formation en premiers soins suffisante et particulièrement, que ni le gendarme Gibson ni le gendarme Parsons ne connaissaient suffisamment la manière de s'occuper de personnes intoxiquées pour être en mesure d'appliquer la politique de la GRC même si cette politique est mal définie.

En grande partie, la Commission a l'impression claire que des considérations décrites dans les directives de la police semblent avoir été ignorées, négligées, non comprises ou oubliées par les gendarmes Gibson et Parsons.

Conclusion no 9

La Commission est d'avis que le rapport sur les prisonniers, le formulaire C-13, et le système de fichiers de grande capacité pour les personnes intoxiquées sont inadéquats. La Commission a l'impression que le fichier de grande capacité n'est pas considéré comme une priorité et qu'il ne reçoit pas autant d'attention et de soins que les autres fichiers. Il est connu sous le nom de « fichier des ivrognes » et les personnes dont les noms apparaissent à plusieurs reprises dans ces fichiers ne semblent pas être traités avec la même importance que les personnes traitées dans les autres fichiers. À notre avis, ceci est totalement inacceptable et la GRC devrait se pencher sur cette question.

Conclusion no 10

La Commission est d'avis que le détachement de Whitehorse n'a pas de méthode adéquate pour faire en sorte que la politique soit connue et comprise de ses membres. Il n'y a pas non plus de poids ou de contrepoids adéquat pour faire en sorte que la politique soit examinée et mise en oeuvre par ses membres de façon efficace, efficiente et cohérente.

Conclusion no 11

La Commission est d'avis que les membres du détachement de Whitehorse n'ont pas reçu une formation en application de la politique et n'ont pas reçu l'orientation nécessaire pour leur permettre de s'acquitter de leurs tâches de police en toute sécurité.

8. LES TÉMOIGNAGES : PLAINTE No 2

« M. Keddie aurait dû être emmené à l'hôpital avant d'être placé dans les locaux du détachement et là, il aurait dû être adéquatement supervisé à cause de ses problèmes médicaux connus. »

Cette plainte vise le caporal B. Hajash, les gendarmes D.B. Conrod, G.D. Rook, et Brian Edmonds, et le gardien de cellule M. Kenneth Armstrong.

Le caporal Hajash était le chef de veille pour le quart de soir qui commençait à 19 h le 30 mars 1995. Au début de son quart de travail, le caporal Hajash a discuté avec le gendarme Gibson au sujet des prisonniers qui se trouvaient dans les cellules du détachement. Ils ont discuté en partie de M. Keddie. Le gendarme Gibson a dit au caporal Hajash que, quand il avait emmené M. Keddie du Regina Hotel, les clients de l'hôtel lui avait dit que M. Keddie était malade et qu'il avait tendance à faire des crises cardiaques et des crises d'épilepsie.

Le caporal Hajash a témoigné qu'il connaissait assez bien M. Keddie. Il l'avait déjà rencontré à plusieurs reprises à une époque où il était stationné à Dawson City. Il savait que M. Keddie avait tendance à boire et conduire et qu'il avait un problème de consommation d'alcool. À une occasion précédente, il avait lui-même pu constater que M. Keddie semblait dans un état à peu près normal même après qu'un relevé à l'ivressomètre ait donné le résultat extraordinairement élevé de 230. À cette occasion, il avait remarqué que même avec cette quantité d'alcool dans son système, M. Keddie ne titubait, ne tombait pas et était parfaitement capable de communiquer et de marcher tout seul.

Étant donné que le caporal Hajash connaissait personnellement M. Keddie, qu'il avait déjà observé que M. Keddie avait perdu connaissance dans la cellule 7, et étant donné qu'au moment où il avait pris son quart de travail comme chef de veille, le gendarme Gibson lui avait déjà signalé qu'il pouvait y avoir un problème de santé, la Commission ne peut s'empêcher de remarquer que le caporal Hajash a fait preuve de négligence, de manque de sensibilité et de manque de vigilance à l'égard de sa responsabilité pour le traitement du prisonnier confié à sa garde.

Aucune preuve n'a été produite qu'avant de quitter le détachement pour aller manger chez lui le 30 mars 1995, le caporal Hajash ait signalé à ses collègues le problème de santé éventuel de M. Keddie, ce qui aurait été la procédure à suivre.

Le gardien de cellule responsable sous le commandement du caporal Hajash le 30 mars 1995 était M. Ken Armstrong. M. Ken Armstrong réside depuis longtemps à Whitehorse; il s'agit d'un employé de Canadian Airlines à la retraite qui a travaillé 23 ans comme employé au sol à charger et à décharger les avions. M. Armstrong a une attestation en premiers soins et une formation en RCR; ce qui était considéré comme une condition pour entrer à l'emploi de la GRC à titre de gardien.

M. Armstrong a été engagé et a commencé à travailler en janvier 1994. Avant de commencer ses tâches, il a subi un programme de formation de quatre heures. Il a reçu une formation en cours d'emploi sur la manière de remplir les documents, à savoir tenir le registre des activités de cellule et la manière de garder les prisonniers. Il a témoigné qu'il n'avait reçu aucune formation sur la manière de reconnaître et de traiter l'intoxication alcoolique ou de reconnaître les crises d'épilepsie. Là encore, la Commission considère ce manque de formation dans ce domaine comme une irrégularité et comme un fait inacceptable pour un gardien dont les tâches comprennent, en grande partie, la surveillance de personnes intoxiquées dans la « cellule de dégrisement » et le fait d'assurer leur sécurité.

Les deux premiers quarts de travail de M. Armstrong ont été supervisés. Après son second quart de travail, il a commencé à garder des prisonniers seul, le 20 février 1994. Il a témoigné qu'on lui avait donné pour instruction de surveiller visuellement les prisonniers en allant jusqu'à la porte de chaque cellule occupée. L'objet de cette vérification était de voir à ce que les prisonniers respiraient et que tout était normal. Dans son témoignage, M. Armstrong a dit que, pour déterminer si un prisonnier respirait normalement, il observait les mouvements de l'estomac et de la poitrine. Plus tard, on lui a dit de vérifier si les prisonniers vomissaient ou s'ils essayaient de se blesser. M. Armstrong a ajouté qu'il savait que la politique de la GRC exigeait qu'il vérifie les prisonniers continuellement ou toutes les quinze minutes. Par la suite, on lui a donné pour instruction de remarquer la position et le changement de position des prisonniers dans la cellule et de noter les entrées et les sorties des prisonniers et des membres dans les cellules au moment où cela se produisait. Dans son témoignage il a reconnu que le registre de la salle de garde devait consigner les vérifications périodiques des prisonniers, l'incarcération des nouveaux prisonniers, leur mise en liberté, les visites, les traitements médicaux, et les entrevues avec les avocats de manière qu'on ait un registre fiable auquel on puisse se reporter à tout moment. Il incombe au chef de veille d'examiner le registre périodiquement quand il inspecte la salle de garde pour s'assurer qu'il est exact et complet.

Pour ce qui est des vérifications des prisonniers, nos propres observations dans la salle de garde et dans le bloc cellulaire nous ont indiqué qu'il était impossible de voir correctement les prisonniers sans aller jusqu'à la porte de cellule, qu'il était impossible de les entendre si la porte entre la salle de garde et le corridor des cellules était fermée et qu'il était impossible d'observer si une personne respirait normalement sans entrer soi-même dans la cellule particulièrement si le prisonnier avait le visage tourné de l'autre côté. D'après nos constatations, toutes les observations consignées sur le registre devraient être suspectes si elles n'ont pas été prises à proximité des prisonniers. M. Armstrong a dit qu'il n'a appris l'existence des bulletins de couleur rose de la politique à Whitehorse que le 7 avril 1995 quand il les a lus pour la première fois et qu'il a signé pour indiquer qu'effectivement il les avait vus. Cependant, il a déjà lu la partie des bulletins blancs sur les tâches des gardiens dans le bloc cellulaire lorsqu'il a commencé à y travailler en 1994.

M. Armstrong affirme que lorsque M. Keddie est arrivé au détachement avec les deux gendarmes, il leur a ouvert la porte de l'aire de sécurité. Il a reconnu un des prisonniers comme étant M. Craig Cox. Le registre indique que M. Cox était placé dans la cellule no 7; cependant M. Armstrong affirme qu'il s'agit d'une faute. En fait M. Cox a été placé dans la cellule no 3. M. Armstrong est incapable de donner une explication pour cet écart.

M. Keddie, lui, a été emmené dans le bloc cellulaire et son cas traité par les gendarmes Gibson et Parsons. M. Armstrong a traité M. Keddie comme étant très intoxiqué à cause des mouvements vagues de sa tête et de ses bras. Il a indiqué, qu'à son avis, M. Keddie était encore conscient mais incapable de marcher. Il a indiqué également que M. Keddie n'avait pas les yeux ouverts lorsqu'on l'a poussé dans la cellule. En outre, il semblait mou comme s'il allait perdre connaissance.

Quelque temps après que M. Keddie ait été placé dans une cellule, le gendarme Gibson s'est tenu au comptoir de la salle de garde et a rempli le rapport sur un prisonnier C-13. Sur ce formulaire, il a ajouté une note spéciale indiquant que, d'après un de ses amis, M. Keddie avait tendance à faire des crises d'épilepsie. Ce commentaire a été souligné avec un astérisque et surligné avec un marqueur. M. Armstrong a témoigné que le gendarme Gibson lui avait dit que « des amis avaient dit que M. Keddie faisait des crises d'épilepsie et qu'il fallait le surveiller de près. » Pour M. Armstrong, « surveiller de près » signalait qu'il fallait surveiller M. Keddie à intervalles de deux à quinze minutes et qu'il fallait noter les observations dans le registre. Par contre, le gendarme Rogers de Watson Lake affirme que, dans son détachement, une surveillance de près signifie qu'il faut voir le prisonnier toutes les cinq minutes.

L'avocat de la Commission a questionné M. Armstrong au sujet des vérifications consignées dans le registre pendant qu'il était de garde le 30 mars 1995. D'après ce qui était sur le registre, les vérifications n'auraient pas eu lieu à des intervalles de deux à quinze minutes comme il l'avait dit mais plutôt à des intervalles allant de 20 minutes à 105 minutes. Quand on lui a demandé d'expliquer cette anomalie, M. Armstrong a répondu qu'il avait vérifié M. Keddie beaucoup plus souvent qu'il était indiqué dans le registre. Il n'a pas pu expliquer pourquoi il n'avait pas consigné ses vérifications à chaque fois. Le 30 mars 1995 à 23 h 10, M. Armstrong a observé que M. Keddie gisait dans la cellule et qu'il ne voyait ni n'entendait aucun signe de respiration. Il a témoigné que, même alarmé par cette observation, il avait néanmoins pris le temps de noter cette observation dans le registre; ensuite, il a téléphoné au gendarme Conrod. D'après les lignes directrices de la politique de la GRC, il aurait dû sonner l'alarme dans le bloc cellulaire immédiatement pour alerter ses supérieurs d'une urgence. À notre avis, le fait qu'un prisonnier semble avoir cessé de respirer constitue une urgence. L'explication que M. Armstrong a donné pour ne pas avoir suivi la politique à ce moment est qu'il ne voulait pas déranger les autres prisonniers.

En l'absence du caporal Hajash, le gendarme Conrod était l'officier principal présent au détachement le soir du 30 mars 1995. Il était membre de la GRC depuis 13 ans et il était stationné à Whitehorse depuis deux ans et demi.

Le témoignage du gendarme Conrod a révélé que, peu après 23 h le 30 mars 1995, celui-ci avait reçu le premier coup de téléphone de M. Armstrong, disant que, selon lui, un des prisonniers avait peut-être cessé de respirer. Le gendarme Conrod a déclaré qu'il avait demandé à M. Armstrong d'aller dans la cellule vérifier l'état du prisonnier de plus près et de lui faire part de ses observations. Le gendarme Conrod a précisé qu'il était conscient qu'il demandait à M. Armstrong d'entrer seul dans cette cellule, bien que la GRC n'autorise pas les gardiens à entrer seuls dans une cellule pour des raisons de sécurité.

M. Armstrong est donc entré dans la cellule comme on le lui avait demandé et, quelques minutes plus tard, il a rappelé le gendarme Conrod pour confirmer que M. Keddie ne respirait plus. Le gendarme Conrod a alors demandé au gendarme Rook de l'accompagner, et ils ont couru jusqu'au bloc cellulaire. À son arrivée, le gendarme Conrod a sonné à la porte et M. Armstrong a fait entrer les deux officiers. Le gendarme Conrod s'est alors rendu à la cellule de M. Keddie, qu'il a examiné en compagnie du gendarme Rook.

Dans son témoignage, le gendarme Rook a dit avoir réalisé, dès qu'il a vu M. Keddie, qu'il fallait lui prodiguer immédiatement les premiers soins. Il a pris des gants en plastique dans une boîte afin de commencer la réanimation. Le gendarme Conrod et lui-même ont décidé qu'il était préférable de déplacer M. Keddie à l'extérieur de la cellule, parce qu'il y avait d'autres prisonniers à l'intérieur et pas assez de place pour administrer la procédure de RCR. Ils ont indiqué en outre qu'ils étaient inquiets pour M. Keddie et pour leur sécurité. Ils l'ont rapidement tiré hors de la cellule et ont commencé à deux la procédure de RCR. M. Keddie n'a pas réagi à leurs efforts. L'ambulance est arrivée alors que le gendarme Rook poursuivait la RCR, ce qu'il a fait pendant tout le trajet jusqu'à l'hôpital, où il est resté jusqu'à ce que les efforts de réanimation soient abandonnés.

L'autre officier de service au détachement ce soir-là était le gendarme Edmonds. Il s'est rendu au bloc cellulaire après avoir entendu le gendarme Conrod solliciter par radio la présence du caporal Hajash, du coroner, et du sergent d'état-major Williams, qui se trouvait au poste de garde. Il a vu les gendarmes Conrod et Rook et les ambulanciers s'occuper de M. Keddie, puis le transporter dans l'ambulance. Le gendarme Edmonds a ensuite pris des photos des dépôts liquides qui se trouvaient sur le sol du poste de garde où M. Keddie avait été allongé. Il s'est également présenté au Whitehorse General Hospital pour y prendre des photos de M. Keddie et remettre les formulaires que devaient remplir les représentants de l'hôpital. C'est à cela que s'est limitée la participation du gendarme Edmonds aux événements qui ont conduit au décès de M. Keddie.

Pendant l'audience de la Commission, on a posé des questions au gendarme Conrod à propos de la nécessité de se tenir au courant des politiques en vigueur au détachement de Whitehorse. Il a déclaré qu'il y avait au bureau une corbeille contenant la documentation à lire, mais que c'était aux membres de consulter par eux-mêmes cette documentation. Il a également indiqué qu'il n'était pas dans ses habitudes de vérifier régulièrement les feuilles roses (politiques du détachement), parce qu'il se préoccupait davantage de ses activités de policier et de ses enquêtes relatives à différents dossiers. Dans son témoignage, le gendarme Conrod s'est montré tout aussi désinvolte lorsqu'il a parlé de sa connaissance, de sa compréhension et de son respect des politiques opérationnelles; ce fut d'ailleurs le cas de tous les témoins membres de la GRC présents au détachement de Whitehorse. Cela est peut-être dû en partie à ce qui semble être une approche plutôt laxiste des personnes responsables dans ce domaine à l'égard des politiques en vigueur.

9. POLITIQUE ET FORMATION

Durant l'audience, les membres de la Commission ont été très surpris du manque de formation et de connaissances vitales dont ont fait preuve les membres de la GRC dans leur témoignage, y compris ceux qui ne sont pas mentionnés dans la plainte.

M. Ken Armstrong, le gardien civil, a déclaré qu'il avait acquis sur son lieu de travail la majeure partie de sa formation à propos des entrées dans le registre des activités de cellule. Sa méthode de consignation était tout au plus incohérente et peu fiable, puisqu'il a lui-même reconnu que les vérifications dont a fait l'objet M. Keddie ont été plus nombreuses que ce qu'il avait consigné. Nous ne pouvons donc pas nous fier au registre pour savoir ce qui s'est passé dans les cellules le soir du décès de M. Keddie, sauf si les faits sont corroborés par d'autres témoignages crédibles.

La tenue d'un registre est une tâche importante. Il faut y consacrer du temps et de l'attention pour l'accomplir correctement. Lorsqu'elle consigne des événements, la personne responsable est moins concentrée sur ses autres tâches. On ne peut pas tenir le registre des activités de cellule pendant qu'on fait des observations ou qu'on exécute d'autres tâches.

Nous sommes d'accord que les activités et les observations importantes des gardiens en service qui sont responsables des prisonniers doivent être consignées correctement. Toutefois, il faudra peut-être trouver d'autres moyens de faire le suivi des renseignements importants et de les consigner pendant l'exécution des tâches. Par exemple, l'utilisation d'un système d'enregistrement de la voix doté de fonctions de chronométrage peut être une solution, de même que l'affectation d'une deuxième personne à la surveillance, ou la surveillance par télévision en circuit fermé de chaque cellule du bloc. Cependant, il est tout aussi important de posséder un système d'enregistrement qui garantira la consignation systématique de certains renseignements de base que d'avoir les outils et le personnel suffisant pour les utiliser. Il s'agit des renseignements suivants :

1. l'incarcération des prisonniers et leur remise en liberté;

2. l'entrée d'un policier ou d'une autre personne qui n'est pas incarcérée;

3. l'heure où se déroulent les vérifications de routine ou les vérifications ponctuelles;

4. la consignation d'observations importantes, qui relèvent de la politique interne de par leur nature.

En ce qui concerne le dernier point, il faut offrir une formation adéquate au personnel civil travaillant à un poste de gardien ainsi qu'aux policiers de la GRC. Cette formation peut être offerte par le Service correctionnel Canada si elle ne l'est pas par la GRC.

Dans un autre rapport (Robinson/Farewell), le comité de la Commission a fait savoir à la GRC et au public qu'il était important de tenir un registre des activités de cellule précis et objectif. Dans le dossier Robinson/Farewell, on n'a pas consigné dans le registre des activités de cellule/des prisonniers le fait qu'on avait retiré un prisonnier en état d'ébriété de la « cellule de dégrisement » pour l'y replacer ensuite.

Nous avons été désagréablement surpris d'apprendre que le sergent Payne, que l'officier compétent de ce cas a présenté comme témoin, n'était pas au courant des préoccupations exprimées dans le rapport Robinson/Farewell de la Commission. Plus préoccupant encore, est l'absence de politique ou de formation concernant ce qui doit être consigné dans le registre des activités de cellule, du moment où les entrées doivent être faites et des personnes responsables de ces entrées, et de la pertinence de l'information consignée.

10. CONCLUSIONS RELATIVES À LA CONDUITE DES OFFICIERS EN CAUSE ET À LA PERTINENCE DE LEURS GESTES EN RAPPORT AVEC LA DEUXIÈME PLAINTE

Conclusion n° 12

La Commission considère que le caporal Hajash n'a pas correctement examiné M. Keddie durant son inspection du 30 mars 1995.

La Commission considère en outre que, dans la mesure où le caporal Hajash est un officier d'expérience qui connaissait le cas de M. Keddie pour s'en être occupé personnellement, il avait la possibilité et le devoir de réévaluer et de reconsidérer la décision qu'avait prise le gendarme Gibson de placer M. Keddie dans une cellule. Or, il ne l'a pas fait.

Conclusion n° 13

La Commission considère que M. Ken Armstrong n'a pas reçu la formation adéquate pour occuper le poste de gardien de prison de la GRC.

Conclusion n° 14

La Commission considère que, le 30 mars 1995, M. Armstrong n'a pas tenu un registre précis et fiable conforme à ce que prévoyait la politique de la GRC.

La Commission observe également que la tenue d'un registre précis peut être une tâche à temps plein et imposer des responsabilités impossibles à assumer dans le cadre de la politique actuelle. Néanmoins, d'après l'ensemble des témoignages présentés à l'audience, il est clair que les superviseurs du détachement de Whitehorse ne vérifient pas le journal du gardien comme ils le devraient.

Conclusion n° 15

Les membres du comité de la Commission se demandent si M. Armstrong a vraiment surveillé M. Keddie de près le soir du 30 mars 1995, comme il était sensé le faire. Ils ne peuvent pourtant pas se prononcer sur cette question à cause du manque de témoignages concluants.

Conclusion n° 16

La Commission considère que M. Armstrong n'a pas pris les mesures appropriées lorsqu'il a constaté que M. Keddie ne respirait plus. Il s'agissait de toute évidence d'un cas d'urgence. Il fallait qu'il déclenche l'alarme, ce qu'il n'a pas fait.

Conclusion n° 17

La Commission considère que le gendarme Conrod n'a pas répondu de façon appropriée au premier appel téléphonique de M. Armstrong. Étant donné les propos qu'a tenus M. Armstrong, la Commission considère en outre qu'il aurait dû se rendre immédiatement au bloc cellulaire.

Conclusion n° 18

La Commission considère que le gendarme Conrod ne s'est pas acquitté de sa tâche d'officier supérieur lorsqu'il a demandé à M. Armstrong de se rendre dans la cellule seul, ce qui mettait la sécurité de celui-ci en danger. La Commission juge par ailleurs que, de par ses actes, le gendarme Conrod n'a pas respecté la politique de la GRC.

Conclusion n° 19

La Commission considère que le gendarme Conrod a réagi de façon appropriée au deuxième appel de M. Armstrong, et que, d'après son témoignage, il a assumé ses responsabilités en s'occupant de M. Keddie comme on serait en droit de s'y attendre.

Conclusion n° 20

La Commission considère que, compte tenu des circonstances, le gendarme Rook a agi de façon appropriée et raisonnable en sortant M. Keddie de sa cellule pour pratiquer la RCR en toute sécurité. La Commission n'a aucune preuve du fait que cet officier n'a pas assumé ses responsabilités de membre de la GRC.

Le témoignage du gendarme Rook et ceux d'autres personnes ont confirmé que celui-ci avait joué un rôle mineur dans les événements survenus le soir du 30 mars 1995. Le gendarme Rook a commencé à pratiquer la RCR sur M. Keddie et continué à le faire dans des conditions difficiles jusqu'à ce que l'ambulance arrive à l'hôpital. Selon nous, la conduite de cet officier a de toute évidence répondu aux attentes du public.

Conclusion n° 21

La Commission n'a pas obtenu la preuve du fait que le gendarme Edmonds n'avait pas assumé ses responsabilités lors des incidents survenus le 30 mars 1995.

11. RECOMMANDATIONS DE LA COMMISSION

1. Nous recommandons à la GRC d'adopter et de préserver un système plus approprié et plus fiable que le système actuel, qui établirait et maintiendrait les normes et les politiques, en particulier en ce qui concerne les soins aux prisonniers et la garde de ceux-ci.

2. Nous recommandons à la GRC de revoir et de modifier ses politiques de formation, s'il y a lieu, afin de garantir que les officiers de la GRC connaissent parfaitement les symptômes et les signes ou indicateurs courants chez les alcooliques et les toxicomanes, et reçoivent une formation qui leur permettra de faire la distinction entre les deux.

3. Nous recommandons à tous les officiers de la GRC de se familiariser avec les signes et les symptômes de l'usage de drogues et de surdose, et avec la façon dont les drogues interagissent avec l'alcool. En outre, il faut que les officiers de la GRC suivent des cours de recyclage dans ce domaine afin de demeurer au fait des changements rapides qui se produisent, à mesure que de nouvelles drogues (licites ou illicites) sont élaborées et vendues dans nos collectivités.

4. Nous recommandons à la GRC d'élaborer des politiques et procédures garantissant que les professionnels formés, incluant des médecins et des infirmières, sont prêts à aider les officiers de la GRC à évaluer les risques que courent les personnes arrêtées en état d'ébriété ou sous l'effet de drogues.

5. Il faut que les officiers de la GRC continuent à recevoir une formation en matière de premiers soins et conservent leurs compétences en la matière grâce à un processus régulier de nouveaux tests et de recyclage. Il faut accorder la même attention aux qualifications en matière de premiers soins qu'à la capacité à utiliser des armes à feu ou à conduire. Il faut concevoir et mettre en ouvre un système de surveillance et de mise à l'essai des qualifications afin de garantir le maintien de la formation et de la délivrance de certificats, et afin que les officiers soient avisés lorsqu'ils ont besoin de recyclage et que des mesures soient prises au moment opportun afin de leur offrir une possibilité de recyclage.

6. Nous pensons qu'en aucun cas, une personne arrêtée en état d'ébriété dans un lieu public et soupçonnée de représenter un danger pour autrui ou pour elle-même ne devrait être incarcérée dans la même cellule qu'un autre détenu.

7. Nous recommandons que toutes les cellules du détachement de Whitehorse de la GRC soient surveillées par un système de télévision en circuit fermé (TVCF) qui ne sera pas seulement visible sur les terminaux du bloc cellulaire, mais également par les opérateurs de la salle des télécommunications. Le système TVCF devrait pouvoir enregistrer les événements en veillant à ce que l'accès aux images soit limité, de manière à protéger la vie privée des personnes arrêtées et incarcérées pour quelque raison que ce soit (à l'image de la boîte noire d'un avion). La surveillance par TVCF constitue un moyen supplémentaire de surveiller régulièrement tous les prisonniers, et non un outil qui se substitue aux moyens existants.

8. Nous recommandons que le concept des services de police communautaires soit rééxaminé dans le contexte de l'abus de drogues et d'alcool et qu'on établisse un partenariat avec les organismes et les intervenants communautaires appropriés. Il faudra peut-être pour cela que la GRC partage une partie des pouvoirs et du contrôle qu'elle exerce traditionnellement dans ces domaines, ce qui devrait conduire au partage de la gestion des services de police communautaires avec ceux qui se sentent concernés et souhaitent apporter leur concours. Ce réexamen devrait permettre à tous les partenaires :

a. d'évaluer régulièrement l'utilité du partenariat;

b. de déterminer la façon dont chacun peut contribuer le mieux possible aux travaux de l'équipe;

c. d'élaborer des politiques et procédures visant les personnes alcooliques dont le cas leur est signalé, de manière à ce que les intervenants réalisent que l'abus d'alcool est le principal problème de santé au Yukon;

d. d'officialiser le partenariat dans un accord écrit qui devrait être joint à la politique du détachement et accessible aux officiers de la GRC, ainsi qu'à tous les partenaires participants. Le contrat devrait être révisé de temps en temps et modifié à mesure que la collectivité évolue.

9. Nous recommandons qu'un examen complet des conditions préalables en matière de qualifications, de formation, de tâches et de responsabilités des gardiens civils soit entrepris le plus tôt possible, et qu'un tel examen s'intéresse au moins aux éléments suivants :

a. la portée et la qualité de la formation reçue;

b. la faisabilité et la valeur de la délégation (en sous-traitance ou par affectation) des tâches des gardiens de prison du détachement de la GRC à Whitehorse à d'autres personnes ou organismes qualifiés, qui seraient seuls responsables de la sécurité des prisonniers;

c. l'objet et la valeur du registre des prisonniers ou de toute autre forme de consignation, compte tenu de la possibilité que de tels dossiers fassent interférence avec la responsabilité principale vis-à-vis de la sécurité des personnes emprisonnées;

d. l'importance de l'utilisation d'équipement audiovisuel doté de fonctions d'enregistrement afin de compléter les observations des gardiens à propos des prisonniers;

e. la nécessité d'élaborer des protocoles de communication pour les situations d'urgence, de manière à réagir le plus promptement possible lorsque la santé d'une personne est en danger, en plus de garantir la sécurité des gardiens, des officiers et des prisonniers;

f. la nécessité d'affecter plusieurs personnes à la garde des prisonniers en permanence ou dans des circonstances particulières.

10. Il existe tellement de politiques administratives et opérationnelles, et elles sont si difficiles à consulter que les officiers ne peuvent pas les connaître toutes et demeurer au fait de leur évolution. Nous recommandons donc ce qui suit :

a. il faudrait examiner toutes les politiques relatives à l'arrestation et à l'incarcération des personnes sous l'effet de drogues ou de l'alcool, et aux soins dispensés à ces personnes, afin de garantir que les politiques et procédures seront claires et uniformes à tous les niveaux;

b. il faudrait étudier la possibilité de fournir aux officiers de la GRC un guide de poche des politiques opérationnelles, de sorte qu'ils puissent consulter immédiatement les procédures opérationnelles, et notamment celles qui portent sur l'arrestation et l'incarcération des personnes sous l'effet de drogues ou de l'alcool, et sur les soins dispensés à ces personnes (le comité a entendu des témoignages confirmant l'intérêt que présente une version de poche de la politique opérationnelle, actuellement utilisée par la police de Brandon, au Manitoba).

11. La Commission a constaté que les circonstances qui ont donné lieu à la présente enquête sont étonnamment similaires à celles qui ont entouré l'enquête Robinson/Farewell menée par la Commission en Colombie-Britannique en 1989. Un grand nombre des recommandations ayant découlé de cette audience s'appliquent aux circonstances et aux conclusions du présent cas. Ces recommandations ne semblent pas avoir été intégrées aux politiques de la GRC. Si elles avaient été mises en ouvre, M. Keddie aurait peut-être eu plus de chances de demeurer en vie. Nous avons choisi de citer en italiques certaines des recommandations issues de cette enquête. Nous avons souligné les quelques changements mineurs qu'il faudrait apporter à ces recommandations, compte tenu des circonstances entourant la présente enquête.

5.2 La GRC devrait veiller à ce que tous ses officiers qui s'acquittent de leurs tâches au Yukon reconnaissent les responsabilités qui leur incombent lorsqu'ils incarcèrent une personne en invoquant The Yukon Liquor Act. En particulier, ces officiers doivent savoir qu'ils sont légalement tenus de vérifier si la personne incarcérée a besoin d'un traitement thérapeutique justifié par sa consommation d'alcool et, si c'est le cas, qu'ils doivent présenter cette personne à un médecin. Étant donné que le grand public consomme une variété de plus en plus grande de substances chimiques, l'importance des responsabilités des officiers de la GRC devrait être une évidence. Il faudrait consigner de façon très détaillée la façon dont ces responsabilités sont assumées.

Il est tout aussi important que l'officier chargé de l'incarcération détermine le plus tôt possible s'il existe une personne adulte désireuse et capable de s'occuper du détenu. Si tel est le cas, il faudrait encourager la personne en question dans cette voie au lieu de placer en cellule la personne sous l'influence de l'alcool ou de drogues. Il faudrait consigner les efforts entrepris en vue de trouver un adulte désireux et capable de soigner et de garder la personne en question.

5.3 Lorsqu'une personne est incarcérée, que ce soit parce qu'elle est sous l'influence de l'alcool ou de drogues ou pour une autre raison, l'officier qui l'arrête doit examiner son état physique et consigner ses observations dans le dossier du prisonnier. Ce dossier est important, mais il est encore plus important que l'officier chargé de l'arrestation examine le prisonnier, faute de quoi il conviendrait peut-être de confier cette responsabilité à quelqu'un d'autre.

5.4 Une fois qu'un prisonnier a été incarcéré, il faut observer fréquemment et avec précision ses activités et son état, et consigner toutes ces observations dans le registre des activités de cellule ou, au besoin, dans un rapport complémentaire. Si, à quelque moment que ce soit, il devient nécessaire de retirer un prisonnier de sa cellule, il faut confier cette tâche à deux officiers, à un officier et un gardien ou à deux gardiens. L'heure à laquelle le prisonnier est sorti de sa cellule doit être consignée dans le registre, et il faut rendre compte séparément de la raison de cette décision, et de toute activité ou événement survenant pendant que le prisonnier est hors de sa cellule. Ce rapport devrait être signé par les deux personnes participant au processus. Il faudrait noter dans le registre des activités de cellule l'heure à laquelle le prisonnier réintègre sa cellule.

5.6 L'officier responsable de chaque détachement devrait veiller à ce que chaque officier et gardien civil lise et comprenne le manuel de procédure de la GRC, ainsi que tout supplément publié par le détachement qui porte sur le traitement à réserver aux détenus. Il faudrait former régulièrement les officiers afin que cette exigence soit respectée. L'officier du détachement chargé de l'instruction devrait solliciter l'aide d'un personnel médical qualifié capable d'expliquer aux officiers et aux gardiens civils comment reconnaître les premiers signes et symptômes qui, chez les prisonniers, indiquent la nécessité de procéder à un examen médical ou de fournir une aide quelconque. Chaque officier et chaque gardien civil devrait connaître les conséquences d'une combinaison d'abus d'alcool ou d'autres drogues avec ou sans blessure physique, et les symptômes à surveiller. Périodiquement, les officiers et les gardiens devraient passer des tests qui établiraient leur niveau de connaissance et leur capacité à réagir à cet aspect des soins aux prisonniers.

5.7 Chaque détachement devrait tenir une liste des noms et numéros de téléphone du personnel médical capable de répondre aux besoins du détachement jour et nuit.

5.8 Lorsque les cellules sont occupées par plus d'un prisonnier, le gardien civil ne devrait jamais être seul à son poste. Dans pareils cas, un deuxième garde ou un officier de la GRC devrait être présent au détachement afin d'aider le gardien en cas d'urgence. [TRADUCTION]

12. Nous recommandons que la gestion supérieure à la direction générale de la GRC à Ottawa examine la portée de la mise en ouvre passée et présente des recommandations contenues dans les rapports de la Commission des plaintes du public contre la GRC. Les résultats de cet examen devraient être communiqués au Solliciteur général du Canada, ainsi qu'aux ministres provinciaux et territoriaux responsables des forces de police dans leur secteur de compétence respectif. En outre, la GRC devrait soumettre ces mêmes résultats à l'examen et au contrôle du public, peut-être dans le cadre des rapports annuels de la GRC.

13. Nous recommandons au commandant de la division responsable de la GRC au Yukon de rencontrer le ministre de la Justice du Yukon afin de discuter avec lui des conclusions et des recommandations du présent rapport de la Commission, et de la façon dont la GRC peut gérer plus efficacement le cas des personnes sous l'influence de l'alcool ou de drogues visées par les lois et politiques du Yukon.

14. Nous recommandons au commandant divisionnaire du détachement de Whitehorse de la GRC de rencontrer le maire et les membres du conseil municipal de Whitehorse afin de discuter avec eux des conclusions et des recommandations du présent rapport de la Commission, et de la façon dont la GRC peut gérer plus efficacement le cas des personnes sous l'influence de l'alcool ou de drogues visées par les lois et politiques en vigueur.

15. Nous recommandons au commandant divisionnaire du détachement de Whitehorse de la GRC de rencontrer Mme Donna Wilson afin de discuter avec elle des conclusions et des recommandations de la Commission, et de lui expliquer les mesures qui garantiront une gestion plus efficace par la GRC des cas de personnes sous l'influence de l'alcool ou de drogues.

16. Nous recommandons au Commissaire de la GRC d'écrire à la plaignante, Mme Donna Wilson, pour :

a. lui offrir ses condoléances à la suite du décès tragique de M. Keddie pendant son incarcération dans les locaux de la GRC;

b. la remercier d'avoir fait son devoir de citoyenne en soumettant les plaintes relatives au décès de M. Keddie, qui ont été présentées à la Commission des plaintes du public contre la GRC;

c. admettre que le haut commandement de la GRC aurait pu élaborer des politiques et procédures plus efficaces, et veiller à ce que son personnel soit adéquatement formé et supervisé en ce qui concerne le traitement des prisonniers qui risquent d'avoir d'autres problèmes mettant leur vie en danger lorsqu'il sont arrêtés sous l'influence de l'alcool ou d'autres drogues;

d. préciser que la GRC s'engage à revoir et à améliorer ses politiques et procédures actuelles, ainsi que ses méthodes de formation et de supervision en ce qui concerne l'arrestation et l'incarcération de personnes arrêtées pour usage d'alcool ou de drogues, afin d'éviter que des événements tragiques de cette nature ne se reproduisent.

17. Nous recommandons au Commissaire de la GRC, s'il ne l'a pas déjà fait, d'écrire aux proches parents de M. Keddie pour leur adresser ses condoléances à la suite du décès tragique de celui-ci pendant sa détention dans les locaux de la GRC.

Le tout respectueusement soumis en ce 31e jour de janvier 1997.

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John L. Wright, Président

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John U. Bayly, c.r., membre

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Shirley Heafey, membre


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ANNEXE A DE LA PLAINTE WILSON

COMMISSION DES PLAINTES DU PUBLIC CONTRE LA GENDARMERIE ROYALE DU CANADA
LOI SUR LA GENDARMERIE ROYALE DU CANADA, 1986

DANS L'AFFAIRE d'une décision du PRÉSIDENT DE LA COMMISSION, qui a enquêté dans l'intérêt public à propos d'une plainte déposée par Mme Donna Wilson, en vue de convoquer une audience qui permettra d'examiner la conduite des gendarmes Kevin Gibson, T.C. Parsons, D.B. Conrod, G.D. Rook et Brian Edmonds, du caporal B. Hajash et de M. Kenneth Armstrong (gardien) dans l'exercice de leurs fonctions, c'est-à-dire :

Le 30 mars 1995 au détachement de la GRC de Whitehorse, au Yukon, M. Robert Keddie est décédé dans sa cellule, après avoir été arrêté à environ 17 h 30 parce qu'il était en état d'ébriété; au moment de son arrestation, au moins trois personnes ont dit aux policiers que M. Keddie avait déjà eu des crises d'épilepsie. On savait en outre qu'il portait un collier et un bracelet d'alerte médicale.

M. Keddie aurait dû être conduit à l'hôpital et examiné avant d'être incarcéré au détachement, où il aurait dû faire l'objet d'une supervision adéquate en raison de son état de santé; selon la plaignante, un grand nombre de membres du public sont très préoccupés par le fait qu'il soit décédé au détachement de la GRC. Les officiers et le gardien nommément désignés n'ont pas assumé leurs responsabilités en ne prodiguant pas les soins nécessaires à M. Keddie.

DANS L'AFFAIRE d'une demande faite par téléconférence le 30 novembre 1995 à 18 h HNE par Mme Donna Wilson, qui souhaitait que la Commission nomme un avocat et le paie pour l'aider tout au long de l'audience.

COMITÉ (à Ottawa)

John U. Bayly, c.r. membre
Shirley Heafey membre
John L. Wright Président

PARTIES ET AVOCAT DE LA COMMISSION (à Whitehorse)

Avocat de la Commission : M. Ronald S. Veale
Plaignante : Mme Donna Wilson
Pour les officiers et le gardien susnommés : M. E. Horembala
Pour l'officier approprié : M. M. Florence

1. Dans une lettre datée du 17 novembre 1995, Mme Wilson, a demandé au comité de nommer un avocat pour l'aider pendant le déroulement de l'audience, conformément au paragraphe 45.45(5) de la Loi sur la GRC. L'avocat de la Commission, M. Veale, s'est arrangé pour que cette demande soit formulée lors d'une téléconférence. Les parties se sont réunies avec lui à Whitehorse, tandis que les trois membres du comité étaient ensemble à Ottawa. La demande, qui comprenait les présentations de Mme Wilson, de M. Horembala, de M. Florence et de M. Veale, a été entendue à 18 h le 30 novembre 1995.

2. Mme Wilson a réitéré la demande qu'elle avait faite par lettre, et insisté sur le fait qu'elle ne connaissait pas le processus en cours et ne possédait pas les compétences nécessaires pour se représenter elle-même; par ailleurs, elle a précisé qu'elle ne possédait pas les ressources financières nécessaires pour payer un avocat.

3. L'avocat de la Commission a indiqué que, selon lui, Mme Wilson était une partie à la procédure qui avait un intérêt direct et réel dans la plainte déposée devant la Commission, et qu'elle devait donc se voir offrir la possibilité pleine et entière de présenter son témoignage, de contre-interroger les témoins et de faire des observations lors de l'audience. Le paragraphe 45.45(5) de la Loi sur la GRC stipule ce qui suit :

« Les parties et toute personne qui convainc la Commission qu'elle a un intérêt direct et réel dans la plainte dont celle-ci est saisie doivent avoir toute latitude de présenter des éléments de preuve à l'audience, d'y contre-interroger les témoins et d'y faire des observations, soit personnellement, soit par l'intermédiaire d'un avocat. »

4. Les avocats des deux officiers et du gardien nommément désignés et de l'officier compétent ont accepté que Mme Wilson soit partie à la procédure. Cependant, l'avocat des deux officiers et du gardien nommément désignés a déclaré que les préoccupations de Mme Wilson étaient de nature publique et qu'elle serait mieux représentée par l'avocat de la Commission. En outre, il a dit craindre, compte tenu du contenu de la lettre de Mme Wilson datée du 17 novembre 1995, que celle-ci ait l'intention de soulever des problèmes ou de présenter un témoignage qui risquaient de n'être ni pertinents ni recevables. Après une discussion avec les membres du comité, les deux avocats ont décidé que l'avocat de la Commission serait dans une position intenable s'il devait représenter les intérêts personnels de Mme Wilson si ces intérêts ne coïncidaient pas avec ceux du public. Le comité a décidé que la préoccupation de cet avocat à propos de l'admissibilité et de la pertinence des présentations de Mme Wilson, le cas échéant, seraient soumises aux tests habituels d'admissibilité et de pertinence.

5. Conformément aux dispositions du paragraphe 45.35(1) de la Loi sur la GRC, tout membre du public qui a un sujet de plainte concernant la conduite d'un membre ou de toute autre personne nommée ou employée sous le régime de la présente loi peut, qu'il en ait ou non subi un préjudice, déposer une plainte auprès de la Commission. Mme Wilson a déclaré dans une lettre à la Commission qu'elle n'était pas directement concernée par l'objet de la plainte et qu'elle n'avait pas personnellement d'intérêt légal dans le résultat de la procédure. Néanmoins, étant donné que le défunt était un de ses amis, elle pourrait manifester un intérêt personnel plus appuyé pour ce résultat que les membres du grand public qui ne connaissaient pas M. Keddie. Le fait qu'elle n'ait subi aucun préjudice ne lui enlève pas les droits que lui confère la Loi.

DÉCISION

6. Les membres du comité sont du même avis que tous les avocats, qui pensent que Mme Wilson a un intérêt direct et réel dans cette plainte, et qu'elle a donc le droit d'être représentée par un avocat si elle en décide ainsi. Nous observons que cette plainte est visée par le paragraphe 45.35(1) de la Loi et que la définition des parties énoncée à l'article 45.46 de cette même loi fait du plaignant (dans le cas présent, Mme Wilson) une partie. Le comité doit décider si la Commission devrait ou non payer les honoraires de son avocat si elle décide que l'avocat de la Commission ne peut pas représenter les intérêts en question et qu'elle doit faire appel à son propre avocat.

7. Mme Wilson n'a pas fait la preuve qu'elle possédait un intérêt financier, de propriété, familial ou personnel autre que le fait qu'elle était une amie personnelle du défunt, M. Keddie, qui pourrait distinguer son intérêt dans le résultat de la procédure de l'intérêt du grand public. Elle dit parler au nom d'un groupe de résidants du centre-ville, mais rien dans ses propos ne nous permet de croire que les intérêts de ce groupe ne sont pas identiques à ceux du grand public. Selon nous, Mme Wilson, le petit groupe de résidants qu'elle dit représenter et le grand public ont un seul et même intérêt : ils souhaitent que l'audience gérée par le comité soit à la fois complète, équitable et transparente.

8. Le Président de la Commission des plaintes du public contre la GRC a rendu sa décision dans le cadre de la présente audience conformément aux dispositions du paragraphe 45.43(1) de la Loi sur la GRC. Ce paragraphe stipule que le Président de la Commission peut convoquer une audience relativement à une plainte s'il estime dans l'intérêt public d'agir de la sorte. C'est ce qu'il a fait dans le cas présent. L'intégralité de cette audience porte donc sur l'intérêt du public relativement aux circonstances entourant le décès de M. Keddie, qui fait l'objet de la plainte. L'avocat de la Commission doit veiller à ce que tous les témoignages pertinents et dans l'intérêt du public relativement à cette plainte nous soient présentés. Les demandes et les présentations de Mme Wilson révèlent que son intérêt coïncide avec l'intérêt public. Il incombera à l'avocat de la Commission de nous exposer et d'exposer au public la pertinence de ces intérêts, parallèlement à tout autre intérêt public pertinent, lors des audiences que nous présiderons.

9. En conséquence, nous décidons que la Commission n'assumera pas les honoraires de l'avocat qui représentera les intérêts de Mme Wilson lors de l'audience publique qui permettra d'enquêter sur les circonstances entourant la mort de Robert Keddie. Mme Wilson peut choisir de se faire représenter par un avocat ou de se présenter en personne. Si elle choisit la première option, elle devra trouver l'argent nécessaire auprès d'une autre source.

10. Enfin, en ce qui concerne notre pouvoir légal d'assumer les honoraires d'avocat d'un plaignant ou de toute autre personne se présentant devant la Commission à titre de partie, nous ne rendons aucune décision pour l'instant. Nous possédons ce pouvoir mais avons décidé de ne pas l'exercer pour les raisons susmentionnées.

Fait ce 22e jour de janvier 1996.

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John L. Wright, Président

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John U. Bayly, Q.C., membre

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Shirley Heafey, membre


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ANNEXE B

Le 21 novembre 1997

Madame Shirley Heafey
Présidente
Commission des plaintes du public
contre la GRC
C.P. 3423
Succursale D
Ottawa (Ontario)
K1P 6L4

Madame,

J'accuse réception du rapport intérimaire de la Commission daté du 26 février 1997, dossier no 2000-PCC-950295, et des documents relatifs à la plainte de Mme Donna Wilson.

Le 19 octobre 1997, j'ai étudié les conclusions et les recommandations du comité de la Commission relatives à ce dossier; le présent avis est fourni conformément à la Loi sur la Gendarmerie royale du Canada.

Après avoir examiné attentivement l'ensemble des faits et des témoignages présentés dans cette affaire, j'ai peu de difficulté à accepter les recommandations contenues dans le rapport intérimaire du comité. Vous trouverez mes observations sur chacune de ces recommandations plus loin dans le présent document.

Si je suis d'accord avec la plupart des conclusions, certaines d'entre elles me préoccupent et je tenterai de les analyser.

D'abord, lorsqu'on étudie une affaire comme celle qui nous est présentée, il faut toujours tenter de l'examiner selon la bonne perspective, surtout lorsqu'on évalue la réaction d'agents de police qui sont confrontés à des incidents similaires et qui doivent analyser rapidement la situation, prendre des décisions sur-le-champ et réagir de façon appropriée.

Il ne faut pas négliger le fait que, si on dispose de preuves indiquant que M. Keddie était prédisposé aux crises d'épilepsie ou aux crises cardiaques, les preuves indiquant qu'il a eu une crise cardiaque ou une crise d'épilepsie le soir où il était sous la garde de membres de la GRC sont moins probantes. Le pathologiste conclut, dans son témoignage, que M. Keddie n'a pas eu de crise cardiaque ou de crise d'épilepsie. Le décès est plutôt attribuable à un niveau élevé de morphine et d'alcool dans le sang.

Ceci étant dit, j'analyserai brièvement chacune des conclusions.

Conclusion 1 : Je suis d'accord avec votre conclusion.

Conclusions 2 et 3 : À mon avis, les témoignages n'étaient pas aussi convaincants que le donnent à entendre ces deux conclusions, mais je reconnais que les deux officiers qui ont procédé à l'arrestation auraient pu interpréter différemment les éléments de la situation et agir autrement.

Les témoignages ne m'amènent toutefois pas à penser que les officiers n'ont pas tenu compte de ces éléments. D'après les témoignages entendus, la sobriété de certains témoins était douteuse. Les officiers qui ont procédé à l'arrestation ont fondé leurs décisions sur ce qu'ils ont vu, sur leur connaissance des personnes impliquées et sur leur expérience. Cela n'explique toutefois pas leur manque apparent de connaissances et de formation à jour sur la façon de traiter les personnes en état d'ébriété, conformément à la politique de la GRC, tel qu'indiqué dans la conclusion 8.

Conclusion 4 : Je suis d'accord avec votre conclusion.

Conclusion 5 : Je suis d'accord avec la conclusion selon laquelle rien ne donnait à entendre qu'il y avait des « indicateurs concluants » qui auraient pu amener les officiers qui ont procédé à l'arrestation à soupçonner que M. Keddie avait été victime d'une surdose de drogue. Le gendarme Parsons avait la formation voulue pour faire des observations et reconnaître des indices d'abus de drogue ou de surdose, mais sa formation n'incluait pas les opiacés (héroïne et morphine). Les témoignages indiquent que le seul facteur qui aurait pu être utile aux membres de la GRC est l'observation des pupilles en tête d'épingle.

Conclusion 6 : Ici aussi, il s'agit d'une question d'interprétation des éléments qui permettraient de conclure à une surdose de drogue, à une intoxication alcoolique aiguë, à l'ivresse, à une crise d'épilepsie ou à une crise cardiaque. Le seul témoignage concluant est celui du pathologiste.

Conclusion 7 : La Commission conclut que M. Keddie n'était pas tout à fait conscient et que, par conséquent, on aurait dû le transporter à l'hôpital. Des témoignages indiquent par ailleurs que, même s'il s'exprimait lentement, M. Keddie pouvait s'entretenir avec M. Gillingwater. M. Keddie savait que le gendarme Parsons était présent parce qu'il lui a dit « Salut Natz ». Une autre personne sous garde qui était sur la banquette arrière de la voiture de police a indiqué que M. Keddie savait où on l'emmenait, car il a dit « Allons-y les gars ». Le témoignage des deux officiers nous apprend que, pendant qu'on fouillait M. Keddie dans les cellules du détachement, il a tenté de se redresser à deux occasions. On pouvait facilement conclure après l'avoir observé que M. Keddie était manifestement en état d'ébriété, mais tout de même conscient.

Conclusion 8 : Les conclusions de la Commission sont appropriées compte tenu du manque de précision des témoignages des membres en ce qui concerne l'interprétation de la politique et du manque de connaissances de ceux-ci pour ce qui est des directives existantes.

Conclusion 9 : Je suis d'accord avec cette conclusion. Le formulaire C-13 et le système de fichiers de grande capacité ne traitent pas adéquatement des prisonniers à risque élevé. Il faut prendre des précautions additionnelles lorsqu'on a affaire à des prisonniers dangereux, qui sont suicidaires ou ont de graves problèmes de santé.

Conclusion 10 : Je suis d'accord avec la conclusion de la Commission. Il ne semble pas y avoir de système de vérification des connaissances relativement aux directives au détachement de Whitehorse.

Conclusion 11 : Je suis d'accord avec la conclusion de la Commission. Les témoignages donnent à entendre que les membres connaissent mal et interprètent mal la politique. Il incombe aux superviseurs de combler cette lacune et de fournir une orientation adéquate aux membres.

Conclusion 12 : Cette conclusion a également trait à l'interprétation et à l'évaluation des indicateurs par un officier d'expérience. Si la Commission a conclu que le caporal Hajash avait été arrogant, n'avait pas toutes les connaissances nécessaires et avait manqué de vivacité d'esprit relativement au traitement d'un prisonnier dont il avait la garde, les témoignages indiquent que M. Keddie dormait déjà dans la cellule lorsque le caporal a commencé son quart de travail. Ce dernier a parlé avec le gendarme Gibson et a été informé des circonstances de l'arrestation de M. Keddie, y compris sa prédisposition aux crises d'épilepsie. Il a ensuite pris connaissance du formulaire C-13 et a parlé à M. Armstrong, le gardien. Il s'est par la suite rendu à la cellule 7 et y a trouvé M. Keddie couché, la tête près de la porte. Il a demandé si M. Keddie avait été placé dans cette position; on lui a répondu que le prisonnier avait été installé contre le mur, mais qu'il s'était déplacé (180 degrés) pendant son incarcération. Le gendarme Gibson s'est penché pour s'assurer que M. Keddie respirait toujours. Il l'a alors entendu ronfler, ce qui indiquait que M. Keddie dormait. Le gendarme Gibson a ensuite demandé à M. Armstrong de surveiller le prisonnier de près. Malheureusement, dans des incidents du genre, la façon d'interpréter la situation peut être influencée par la connaissance des antécédents et des habitudes du prisonnier. Pour ces raisons, je ne peux accepter sans réserves la conclusion de la Commission.

Conclusions 13 et 14 : Je suis d'accord avec la Commission lorsqu'elle conclut que M. Armstrong n'avait pas la formation voulue et qu'il n'a pas tenu un registre exact et fiable. M. Armstrong n'aurait évidemment pas dû laisser son certificat de premiers soins/RCR expirer et il aurait dû être au courant des directives supplémentaires de l'unité en ce qui a trait à ses fonctions. Je suis également d'accord avec la conclusion voulant que les superviseurs n'ont pas examiné le registre de manière appropriée.

Conclusion 15 : Cette conclusion s'explique dans les circonstances. Aucune autre observation n'est indiquée.

Conclusion 16 : Je reconnais que M. Armstrong n'a pas respecté les directives et qu'il aurait dû déclencher l'alarme immédiatement.

Conclusions 17, 18,19, 20 et 21 : Je suis d'accord avec ces conclusions.

Voici mes observations sur les recommandations de la Commission.

Recommandation 1 : Il semble clair que la politique des détachements, des divisions et du quartier général traitant des soins et du traitement à apporter aux prisonniers n'est pas uniforme. Les centres de responsabilité doivent se pencher sur cette question. En collaboration avec les professionnels de la santé.

Recommandations 2 et 3 : La formation des cadets semble couvrir la plupart, voire l'ensemble, des sujets qui préoccupent la Commission, mais il semble que le recyclage en cours d'emploi soit déficient. La question devrait être examinée au niveau national et par les divisions après quoi il faudrait apporter les changements nécessaires pour que les membres soient tenus au courant.

Recommandation 4 : La politique nationale devrait préciser qu'on doit trouver dans tous les lieux de détention des renseignements professionnels et que des procédures doivent être mises en ouvre pour ce qui est de l'obtention d'aide; ces renseignements devraient également se trouver dans les suppléments de service.

Recommandation 5 : Je suis tout à fait d'accord avec cette recommandation. Il ne suffit pas que le commandant divisionnaire veille à ce que tous les membres soient qualifiés en matière de premiers soins/RCR; il doit également s'assurer que le certificat des membres est maintenu conformément à la politique nationale.

Recommandation 6 : J'ai quelques réserves au sujet de cette recommandation. Je reconnais qu'il faut pleinement tenir compte du risque pour la personne et pour les autres lorsqu'on décide de placer une personne en état d'ébriété dans la même cellule qu'un autre détenu; toutefois, il ne serait ni réaliste ni possible d'interdire complètement cette pratique. La politique devrait traiter de l'évaluation du risque et la décision devrait être prise par l'officier responsable.

Recommandation 7 : Je reconnais que la surveillance par télévision en circuit fermé est un autre outil qui se veut un supplément et non un substitut aux visites régulières des cellules. Cet équipement devrait être utilisé dans tous les lieux de détention lorsque cela est exigé, pratique et faisable.

Recommandation 8 : Je soutiens fermement la philosophie des services de police communautaire. Par contre, l'inclusion de directives à cet égard dans la politique n'est pas nécessairement la meilleure solution. Le commandant divisionnaire, qui est responsable de la mise en place de services de police communautaire, doit veiller à établir des partenariats avec les organismes appropriés dans la collectivité et avec la population. Il devrait discuter des problèmes liés à cette question avec les personnes qui veulent contribuer à leur résolution. Il faudrait accorder une attention particulière au partage des responsabilités relativement à la résolution des problèmes, surtout des problèmes sociaux comme l'alcoolisme et l'abus de drogues. Il faudrait toujours obtenir la participation de la population de sorte que les efforts et les programmes reflètent les nouvelles tendances sociales.

Recommandation 9 : Compte tenu du grand nombre de questions qui ont été soulevées dans cette affaire, je conviens que le commandant divisionnaire devrait procéder à un examen détaillé des compétences, de la formation, des fonctions et des responsabilités préalables des gardiens civils qui travaillent dans sa division. Il semble que la politique nationale traite déjà de bon nombre des lacunes mentionnées. Le commandant divisionnaire doit s'assurer que les lacunes et autres problèmes soulevés par le comité seront corrigés.

Recommandation 10 : Cette recommandation peut être examinée parallèlement aux recommandations 2 et 3. Je conviens qu'en raison du grand nombre de politiques en vigueur, les membres peuvent difficilement se tenir au courant de toutes les directives. Compte tenu de l'évolution technologique, le directeur des Services de police communautaires, contractuels et autochtones doit étudier des façons de rationaliser les politiques relatives aux soins, au traitement et à la garde des personnes en état d'ébriété. Le commandant de la Division M doit s'assurer que tous les superviseurs responsables des soins et de la garde des personnes en état d'ébriété connaissent les politiques et disposent d'un système d'enregistrement, ainsi que d'une façon de s'assurer que leurs subalternes sont mis au courant des changements apportés.

Lorsqu'un tel système sera en place, on n'aura plus besoin d'un guide opérationnel de poche.

Recommandations 11 et 12 : Je conviens que la GRC doit être en mesure de contrôler et de présenter des rapports sur la mise en ouvre des recommandations de la Commission des plaintes du public contre la GRC. Il semble que certaines des recommandations formulées par la Commission dans l'affaire Robinson-Farewell en 1989 n'ont pas été mises en ouvre. L'officier responsable de la Section des examens externes et des appels doit assurer le suivi de cette question et veiller à ce qu'on prenne les mesures adéquates conformément à mes directives. Les résultats devront être communiqués au Solliciteur général du Canada de la façon habituelle.

Recommandations 13 et 14 : Je suis d'accord avec ces recommandations et je demanderai au commandant de la Division M de veiller à ce qu'elles soient mises en ouvre, s'il ne l'a pas déjà fait. Il doit faire comprendre aux dirigeants de la collectivité que les recommandations de la Commission ne sont pas prises à la légère et que des mesures correctives sont prises au besoin.

Recommandations 15, 16 et 17 : En vertu de la politique en vigueur, les plaignants doivent être informés, dans la mesure du possible, des résultats de l'examen de leurs plaintes et/ou préoccupations. Dans l'affaire qui nous occupe, le commandant divisionnaire devrait rencontrer Mme Donna Wilson pour lui transmettre les condoléances de la GRC relativement au décès de M. Keddie pendant qu'il était sous la garde de la GRC, pour la remercier de l'avoir informé de sa plainte et lui laisser savoir que la GRC examinera ses politiques, sa formation et ses méthodes de supervision relativement à l'arrestation de personnes en état d'ébriété ou sous l'effet de drogues, et qu'elle y apportera les changements nécessaires. Le commandant divisionnaire devrait également offrir ses condoléances aux proches de M. Keddie.

Je remercie les membres du comité pour les conseils qu'ils ont donnés et j'attends impatiemment de recevoir le rapport final.

Veuillez agréer, Madame, l'expression de mes sentiments distingués.

J.P.R. Murray

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Date de création : 2003-08-11
Date de modification : 2006-03-02 

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