Les habitants de la région
des Prairies se plaignent souvent que leurs lacs sont en train de rapetisser,
voire même de disparaître; ils se rappellent les plages où,
enfants, ils barbotaient à des centaines de mètres du rivage
actuel. Les médias s’adonnent souvent à des spéculations à propos
de la diminution des réserves hydrologiques, les glaciers qui rétrécissent
et le réchauffement climatique tenant le rôle de vilains qui menacent
l’agriculture des prairies, l’économie et une réserve
durable d’eau douce pour la consommation publique.
Mais y a-t-il réellement moins d’eau qu’auparavant dans
les Prairies? Dans l’affirmative, combien y en a-t-il de moins? Et qu’est-ce
que cela signifie pour l’avenir? Les gestionnaires de l’eau et
les décideurs doivent avoir une meilleure idée des changements
qui se produisent réellement avec le temps afin de pouvoir évaluer
la vulnérabilité des ressources hydrologiques des prairies face
aux changements futurs. Ils pourront ainsi élaborer des plans et des
stratégies pour en contrebalancer les répercussions.
Garth van der Kamp, Marlene Evans et Dwayne Keir, de l’Institut national
de recherche sur les eaux d’Environnement Canada, étudient dix-sept
lacs des Prairies canadiennes en vue de se faire une idée plus précise
de leur histoire au cours des cent dernières années et, en bout
de ligne, d’apporter des explications à la disparition d’une
ressource naturelle.
Leur étude porte sur les lacs en bassin clos. Contrairement aux lacs à circulation
continue où, plus le niveau monte, plus le débit augmente vers
la décharge, il arrive rarement, sinon jamais, qu’un bassin clos
déborde vers un cours d’eau de décharge. Des niveaux d’eau
record dans les bassins clos peuvent donc servir d’indicateurs à long
terme des changements hydrologiques.
Grâce à l’appui de la Prairie Adaptation
Research Cooperative (PARC), les chercheurs ont analysé les registres du niveau des eaux
de plusieurs sources, y compris la base de données HYDAT de Relevés
hydrologiques Canada, la Saskatchewan Watershed Authority, le ministère
de l’Environnement de l’Alberta et des photographies aériennes
historiques. Ils ont aussi interviewé des membres des collectivités
locales afin d’obtenir plus de renseignements sur les conditions passées.
Faits éclairs
On constate, dans les données des lacs à bassin
clos des prairies, une tendance générale à la baisse des
niveaux d’eau tout au long du vingtième siècle.
Le niveau d’eau du lac Manito, dans l’ouest de la Saskatchewan,
a baissé de 7 mètres depuis 1920.
Le lac Little Fish, en Alberta, contenait 5 mètres d’eau
en 1975, mais il est tombé complètement à sec en mai 2005.
Le niveau du lac Kenosee, dans le sud-est de la Saskatchewan, a baissé de
6 mètres depuis 1920.
Les données pour les lacs en bassin clos des Prairies révèlent
une tendance générale à la baisse des niveaux d’eau
tout au long du vingtième siècle, la diminution variant entre
4 et 10 mètres. Le niveau du lac Manito, dans l’ouest de la
Saskatchewan, par exemple, a chuté de sept mètres depuis
1920. Ce changement a modifié le paysage riverain au point où « l’île » Sugar
Loaf est devenue une presqu’île! Le lac Little
Fish, en Alberta,
comptait cinq mètres d’eau en 1975, mais il est tombé complètement à sec
en mai 2005. Le niveau du lac Kenosee, dans le sud-est de la Saskatchewan,
a baissé de six mètres depuis les années 1920.
De toute évidence, le gain d’eau des
lacs, que ce soit par le ruissellement du bassin ou par les précipitations
dans le lac, a été moindre que la perte par évaporation
tout au long des cent dernières années ou presque. Il y a eu
des augmentations temporaires du niveau d’eau, notamment pendant les
fortes chutes de neige du milieu des années 1950, du milieu des années
1970 et de la fin des années 1990, mais les années normales sont
ensuite revenues et les niveaux ont continué à baisser.
Pourquoi cette situation?
Photo du Lac Manito prise en 2005 et photo prise en 1922 par D.S. Graham Cliquez pour agrandir.
Pour ces lacs, comme pour bien d’autres, les répercussions ont été profondes.
La perte des zones récréatives lacustres a des incidences sur
les résidents des localités et sur l’économie. L’habitat
du poisson et de la faune est perturbé et l’écosystème
aquatique se modifie; de plus, les réserves d’eau destinées à l’usage
public diminuent.
Les théories à propos de la baisse de niveau des lacs sont nombreuses.
Peut-être est-ce parce que les barrages en amont retiennent l’eau
et ne la laissent pas s’écouler vers le lac. Peut-être que
les changements apportés aux pratiques agricoles, comme la culture continue
et le travail réduit du sol, diminuent le ruissellement. Il y a beaucoup
de castors maintenant dans la plupart des bassins, et ce sont peut-être
eux qui font des dommages en retenant l’eau avec leurs barrages.
Si ce n’est pas cela, serait-ce les changements climatiques qui sont
responsable? Les registres d’Environnement Canada n’indiquent aucun
changement évident dans les précipitations depuis environ 1900;
toutefois, peut-être que la neige et la pluie étaient plus abondantes
il y a plus de cent ans, avant qu’on commence à mesurer les précipitations,
et que les lacs se remettent lentement de ce sommet. Le climat des Prairies
se réchauffe. Les hivers ont raccourci d’un mois comparativement à il
y a 50 ans, de sorte que les étés ont allongé d’un
mois. Est-ce qu’il en résulterait une évaporation accrue,
suffisante pour expliquer la baisse de niveau d’eau des lacs?
Toutes ces explications ont une certaine valeur; le défi des chercheurs
consiste maintenant à déterminer le degré d’importance
de chacune. L’équipe de chercheurs continuera d’examiner
les registres à long terme et les conditions actuelles pour trouver
des réponses – une information qui aidera à prédire
l’avenir des ressources en eau des Prairies et qui aidera les décideurs à dresser
des plans pour faire face aux changements.