Commission d'enquête sur les actions des responsables canadiens
relativement à Maher Arar
Examen de la Politique
Mémoire du Comité externe d'examen de la GRC
Le 3 novembre 2005
Table des matières
I. Objet de notre mémoire
II. Mandat du Comité
Le rôle du Comité dans les activités en matière de sécurité
nationale
Description des procédures
Griefs
Appels concernant des mesures disciplinaires
Appels relatifs à des mesures de renvoi ou de
rétrogradation
III. La question de la fusion
Le mandat distinct du Comité
Le risque ou la perception de conflit d'intérêt
Examen civil du système disciplinaire interne de la GRC
IV. Conclusion
I. Objet de notre mémoire
Le Comité externe d'examen de la GRC (le « Comité ») est un tribunal
administratif des relations de travail indépendant et autonome, constitué en
vertu de la partie II de la Loi sur la Gendarmerie royale du Canada (la
Loi). Le Comité a pour mandat d'examiner les griefs, les mesures
disciplinaires et les cas de renvoi et de rétrogradation qui sont portés à son
attention par la Gendarmerie royale du Canada (la « GRC ») et de formuler des
recommandations pour le commissaire de la GRC. En examinant les cas portés à son
attention, le Comité s'emploie à assurer la transparence, l'équité,
l'impartialité et l'indépendance du processus des relations de travail au sein
de la GRC.
Le présent mémoire vise à fournir des renseignements et des observations sur
un domaine de consultation soulevé par la Commission d'enquête sur les actions
des responsables canadiens relativement à Maher Arar (la « Commission »). La
question 6 à la fin du document intitulé « Modèles d'examen des activités
des forces policières au Canada ; Document de référence rattaché au Document de
consultation de la Commission » en date du 10 décembre 2004 se lit comme
suit :
Question 6 : La Commission des plaintes du public contre la
GRC et le Comité externe d'examen qui s'occupe des cas de discipline interne
et des griefs devraient-ils être fusionnés et former un seul organisme,
comme en Ontario ?
Notre but est d'informer la Commission de sorte que, si elle choisit de
traiter la question posée dans le document de référence, elle le fasse en toute
connaissance de cause en ce qui concerne les mandats uniques des deux organismes
et les enjeux découlant de la question de la fusion.
Dans le présent mémoire, le Comité ne traitera pas des questions relatives à
la sécurité nationale afférentes aux actions des responsables canadiens
relativement à Maher Arar. Elles n'entrent pas dans le mandat que nous confère
la Loi en matière de relations de travail et ne font pas partie de
notre travail quotidien. De plus, les observations offertes par le Comité dans
le présent mémoire ne visent pas à dire qu'il n'y a pas d'amélioration possible
du système actuel dans lequel il fonctionne. À l'humble avis du Comité, ce débat
s'inscrit dans un contexte plus large de l'ensemble des relations de travail au
sein de la GRC.
II. Mandat du Comité
La GRC assure les services de police à l'échelon fédéral en plus d'offrir des
services de police en vertu de contrats à huit provinces et aux trois
territoires du pays, de même qu'à des centaines de municipalités et de
collectivités des Premières nations. En avril 2005, la GRC comptait
22 557 membres répartis ainsi : 2 605 membres civils, 16 085 membres réguliers
et 3 867 fonctionnaires. Les membres réguliers et civils de la GRC ne sont pas
syndiqués et ne négocient pas leurs conditions de travail1.
Le Comité a été constitué en 1986 pour offrir aux membres de la GRC un mécanisme
de surveillance indépendant en matière de relations de travail pour que ceux-ci
aient accès à des recours relativement similaires à ceux offerts aux
fonctionnaires syndiqués.
À l'heure actuelle, le Comité est composé d'une seule personne, qui est à la
fois président et principal dirigeant de l'organisme. Il est nommé par la
gouverneur en conseil pour un mandat d'au plus cinq ans. Selon la Loi,
toute personne qui siège au Comité ne peut pas être un membre ou un ancien
membre de la GRC.
Le Comité ne peut pas prendre l'initiative de lancer des examens ; il doit
être saisi des cas par le commissaire de la GRC. La Loi énonce les
types de cas qui exigent un examen du Comité. De même, le Comité n'est pas
investi de pouvoirs d'enquête. Pour tous les griefs, les mesures disciplinaires
et les cas de renvoi et de rétrogradation dont il est saisi, le Comité fonde son
examen sur l'ensemble du dossier qui lui est présenté. Ce dossier comprend tous
les documents originaux, les décisions rendues et les argumentations des
parties. Lorsque l'examen porte sur l'appel d'une décision rendue dans le cadre
de mesures disciplinaires et de cas de renvoi et de rétrogradation, la
transcription de l'audience du comité ayant entendu l'affaire est aussi examinée
par le Comité, ainsi que toute pièce présentée à l'audience. Le président peut
exiger que les parties fournissent des renseignements ou des argumentations
supplémentaires. Si tel est le cas, l'autre partie a l'occasion de répondre. Par
ailleurs, le président a le pouvoir de tenir une audience s'il le juge
nécessaire, bien qu'il ait rarement recours à cette option. Pour pouvoir
trancher, il examine l'ensemble de la preuve, des questions juridiques, des lois
pertinentes et de la jurisprudence.
Après avoir étudié toutes les questions, le président du Comité transmet ses
conclusions et ses recommandations aux parties et au commissaire de la GRC, qui
a le pouvoir de décision ultime dans la procédure interne pour ces cas. Le
commissaire de la GRC doit étudier les recommandations du Comité. S'il décide de
ne pas les suivre, la Loi exige qu'il motive son choix dans sa décision2.
Le taux d'acceptation des décisions du Comité par le commissaire de la GRC est
de quelque 85 %. Dans le domaine des griefs, le taux d'acceptation est de 89 %3.
En matière de mesures disciplinaires, il est de 70 %
4. Dans le domaine des renvois, où seulement quatre recommandations
ont été faites par le Comité, le taux d'acceptation est de 75 %5.
Tout comme pour de nombreux autres organismes d'examen ou de surveillance, le
travail du Comité comporte un élément lié à l'intérêt public. Cependant,
contrairement aux organismes d'examen des plaintes du public, le Comité ne
traite pas les plaintes du public. Ses intervenants clés sont des membres de la
GRC.
Le rôle du Comité dans les activités en
matière de sécurité nationale
Le Comité a le mandat statutaire de traiter les questions dont il est saisi
et a l'expertise pour le faire, que la question relève ou non de la sécurité
nationale ou qu'elle soit liée ou non à une plainte du public. La divulgation
dans le contexte des relations de travail pourrait être entravée si la
divulgation d'un document menaçait la sécurité nationale6,
mais il n'y a jamais eu de restriction à la divulgation devant le Comité pour
cette raison.
Le Code de déontologie s'applique à tous les appels, même s'ils
portent sur une mesure disciplinaire qui pourrait relever de la sécurité
nationale. Par exemple, le Comité a récemment examiné des appels concernant des
mesures disciplinaires mettant en cause la protection des témoins et les
relations inappropriées, la relation d'un agent d'infiltration avec un témoin
bénéficiant de la protection et la question de l'application de la défense
fondée sur la dénonciation dans une affaire d'enquête en matière de corruption
du processus de traitement des demandes d'immigration. Dans le domaine des
griefs, le Comité a examiné des griefs à propos d'indemnités de repas dans le
cadre du Sommet des Amériques et du Sommet du G8, de harcèlement allégué dans un
cas où la description de travail demandait une expertise liée à la sécurité, de
harcèlement à l'endroit d'un membre affecté comme membre du corps policier civil
des Nations Unies, de retraite d'office et d'application de la
Charte lorsqu'un membre ne s'était pas vu offrir une fonction relative à la
sécurité pour laquelle il avait assuré l'intérim pendant un certain temps.
Par ailleurs, le personnel du Comité est qualifié pour mener ces examens.
Tous les avocats sont des membres des barreaux des provinces, et la plupart d'
entre eux, en tant que fonctionnaires, ont obtenu la cote secret ou très secret.
Ils gardent constamment leurs connaissances à jour en participant régulièrement
à des conférences, à des audio conférences et à de la formation professionnelle
continue en relations de travail et sur les mesures disciplinaires, les
questions de droits de la personne, la Charte, le droit administratif,
les lois régissant la protection de la vie privée, la divulgation et les
dispositions pertinentes du Code criminel. Le personnel a aussi accès à
Quicklaw et à d'autres documents de recherche, y compris une base de données
interne qui contient toutes ses recommandations et des décisions des commissions
de licenciement et des comités d'arbitrages sur les mesures disciplinaires. Le
Comité a aussi accès à un certain nombre de cas de griefs, de mesures
disciplinaires, de cas de renvois et de renvoi injustifié provenant du contexte
des relations de travail en général. De cette manière et avec d'autres
activités, le Comité se livre à un examen judicieux et indépendant des cas dont
il est saisi.
Dans le cadre de sa fonction d'approche, le personnel du Comité a rédigé un
certain nombre d'articles pour sa publication trimestrielle, le Communiqué.
Au cours des dernières années, parmi les domaines abordés figuraient la qualité
pour agir et les délais, la partialité dans le cadre des procédures, la
Charte canadienne des droits et libertés, la divulgation, la procédure de
grief, ainsi que des mises à jour sur un certain nombre d'affaires déjà
instruites par la Cour fédérale du Canada à propos de la dénonciation, des
relations inappropriées avec des membres du public, du délai d'enquête pour
comportement scandaleux, de la force excessive et de l'obligation d'
accommodement envers les membres qui souffrent d'une déficience. Le personnel a
aussi rencontré les membres du Programme des représentants divisionnaires des
relations fonctionnelles de la GRC, qui sont aussi des membres réguliers et
civils de la GRC. Ce programme est conçu pour fournir aux membres de la GRC un
système officiel de représentants élus qui participent au processus décisionnel
et ont voix au chapitre pour ce qui est des questions touchant le bien-être, la
dignité et l'efficacité opérationnelle des membres7.
Le personnel s'est rendu dans les détachements et les centres de formation de la
GRC pour s'informer du travail accompli par les membres de la GRC. Il a aussi
dispensé des séances de formation et d'orientation avec la GRC et rencontré la
Direction des normes professionnelles et des examens externes de la GRC, qui
joue un rôle clé dans l' administration des procédures internes à la GRC en
matière de griefs, de mesures disciplinaires, ainsi que de renvoi et de
rétrogradation.
Description des procédures
Voici une brève description des procédures de règlement des griefs, ainsi que
des appels concernant les mesures disciplinaires et les renvois et
rétrogradations. Il convient de prendre note que le travail du Comité consiste
principalement à examiner les griefs de la GRC8.
Griefs
La partie III de la Loi sur la GRC accorde aux membres le droit de
déposer des griefs. Au premier niveau, les griefs sont examinés par un officier
de la GRC qui agit à titre d'arbitre au premier niveau. La décision est fondée
sur un examen des documents écrits. Le membre de la GRC qui n'est pas satisfait
de la décision rendue au premier niveau et qui souhaite en appeler peut
présenter son grief au deuxième niveau.
Le Comité n'est pas saisi de tous les griefs au deuxième niveau, mais la
Loi prévoit qu'il doit être saisi de certains griefs. L'article 36 du
Règlement de la Gendarmerie royale du Canada énonce cinq catégories de
griefs dont le Comité doit être saisi pour examen : les griefs relatifs à
l'interprétation et à l'application des politiques gouvernementales d'
application générale qui s'appliquent également aux membres, les griefs relatifs
à la cessation de la solde et des allocations des membres, les griefs relatifs à
l'interprétation et à l'application de la Directive sur les postes isolés,
les griefs relatifs à l'interprétation et à l'application de la
Directive de la Gendarmerie sur la réinstallation, et les griefs relatifs
au renvoi par mesure administrative pour les motifs d'incapacité physique ou
mentale, d'abandon de poste ou de nomination irrégulière.
Le Comité a traité toute une gamme de questions relatives aux griefs. Par
exemple, au cours de quatre dernières années, le Comité a commenté les
procédures relatives à la politique sur le harcèlement, la retraite d'office, le
processus de renvoi pour raisons médicales, où il a conclu dans sa
recommandation que la politique ne traduit pas la jurisprudence actuelle de la
Cour suprême du Canada en ce qui concerne ce qu'il convient d'appeler l'arrêt
Meiorin9, et la cessation de la
solde et des allocations des membres en cas de suspension. Par ailleurs,
l'intérêt du public a récemment été examiné dans une série de griefs relatifs à
la bonne gouvernance et à la gestion financière.
Appels concernant des mesures disciplinaires
Les membres de la GRC doivent se conformer au Code de déontologie
(qui figure aux articles 38 à 58.7 du Règlement de la GRC de 1988). La
partie IV de la Loi sur la GRC décrit les processus disciplinaires et
les peines applicables aux membres de la GRC et définit les mécanismes régissant
la responsabilité des membres qui dérogent au Code de déontologie.
Les manquements au Code peuvent être sanctionnés par des mesures
disciplinaires simples ; toutefois, dans les affaires les plus sévères, on a
recours à des mesures disciplinaires graves. Dans ces cas, la question est
renvoyée devant un comité d'arbitrage, qui se compose de trois officiers
supérieurs de la GRC. Au cours d'une audience, le comité d'arbitrage détermine
si le membre en question a effectivement enfreint le Code de déontologie.
Si c'est le cas, le comité d'arbitrage tient une autre audience pour établir la
peine appropriée.
La décision du comité d'arbitrage peut être contestée devant le commissaire
de la GRC. Jusqu'à présent, la majorité des appels ont porté sur des cas où le
comité d'arbitrage avait ordonné au membre de démissionner de la Gendarmerie. Le
membre qui était visé par les procédures peut en appeler de la conclusion selon
laquelle le Code de déontologie a été violé et de la peine imposée pour
la violation. Le commandant de la division en cause qui a lancé la procédure
peut aussi interjeter appel de la conclusion que le membre n'a pas violé le
Code de déontologie. Il ne peut cependant pas interjeter appel d'une peine
imposée par le comité d'arbitrage, sauf dans certaines circonstances bien
précises. Les deux parties doivent signifier leur intention d'interjeter appel
par écrit. Le Comité est ainsi saisi de l'appel, à moins que le membre ne
demande à ce que la question soit soumise directement au commissaire de la GRC.
Le Comité a traité une vaste gamme de dossiers disciplinaires au cours des
années, y compris la conduite en service et la conduite hors service pour des
questions qui concernent le public10.
Par exemple, il a été saisi, entre autres, de cas où des renseignements
confidentiels avaient été communiqués à des éléments criminels ; d'affaires
concernant la consommation d'alcool par un mineur ou l'accès à la pornographie
accordé à des mineurs ; le recours à la force dans le cadre de la détention ;
une plainte du public contre l'émission d'une contravention et une relation
sociale suggérée ; et l'acceptation d'un transfert de propriété de la part d'une
femme souffrant de démence.
Appels relatifs à des mesures de renvoi ou de
rétrogradation
En vertu de la partie V de la Loi sur la GRC, un membre peut faire
l'objet d'une mesure de renvoi ou de rétrogradation s'il a omis d'exercer ses
fonctions de façon satisfaisante « en dépit de l'aide, des conseils et de la
surveillance qui lui ont été prodigués pour l'aider à s'amender » . À la
première étape du processus, le commandant divisionnaire envoie au membre un
avis d'intention de renvoi ou de rétrogradation. Le membre peut examiner la
documentation connexe et demander ultérieurement la création d'une commission de
licenciement et de rétrogradation, formée de trois officiers supérieurs de la
Gendarmerie, qui examinera l'affaire.
Le membre visé ou le commandant peut interjeter appel de la décision de la
commission de licenciement et de rétrogradation. Il doit signifier son intention
par écrit. Le mémoire d'appel est ensuite communiqué au Comité. À ce jour, le
Comité n'a été saisi que de quatre appels à l'encontre d'une décision de renvoi
ou de rétrogradation, dont un a été examiné au cours de la dernière année.
III. La question de la fusion
La question de la fusion du Comité avec la Commission des plaintes du public
contre la GRC (la « CPP » ) présente des défis puisqu'elle est liée à une
multitude d'autres questions qui ne sont peut-être pas à l'avant-plan des
préoccupations de la Commission.
Les origines du Comité donnent à penser que l'option d'un organisme fusionné,
qui examinerait les plaintes du public et les questions des relations de
travail, a été étudiée par le gouvernement fédéral, mais qu'elle a été écartée
et remplacée dans la législation par deux organismes, chacun avec un mandat
distinct à exécuter indépendamment. Il est généralement entendu que la création
de ces deux organismes a eu lieu à la suite du rapport du juge René Marin, qui a
dirigé la Commission d'enquête sur les plaintes du public, la discipline interne
et le règlement des griefs au sein de la Gendarmerie royale du Canada
(Information Canada, Ottawa, 1976) (la « Commission Marin » ).
Le rapport avait recommandé la création d'un système de traitement des
plaintes du public et d'un système disciplinaire et de griefs, chapeautés par un
organisme qui aurait été l'ombudsman de la police fédérale, mais le projet ne
s'est pas réalisé. Il convient de noter que le projet de loi C-65, qui a donné
lieu à l'adoption de la loi actuelle, n'a pas été adopté tout de suite après le
rapport de la Commission Marin. Bon nombre de tentatives de projet de loi
avaient échoué avant son adoption : le projet de loi C-50 en avril 1978, le
projet de loi C-19 en novembre 1978, le projet de loi C-69 en 1981, le projet de
loi C-13 en 1985 et, finalement, le projet de loi C-65 en 1986. De plus, comme
le mentionne la Commission dans son document de référence intitulé « Modèles
d'examen des activités des forces policières au Canada » , un deuxième grand
rapport avait été publié en 1981 par la Commission d'enquête concernant
certaines activités de la Gendarmerie royale du Canada.
Pour pouvoir expliquer la façon dont le projet de loi C-65 avait été
structuré et les raisons de l'adoption de cette structure, il faudrait
rassembler bon nombre de débats qui ont eu lieu au fil des ans, avec les
multiples versions de la Loi qui ont été proposées, ce qui
représenterait un travail considérable. Toutefois, il est intéressant de noter
que, dans l'arrêt Canada (Commissaire de la Gendarmerie royale du Canada [Re])11,
la Cour d'appel fédérale a appuyé un autre jugement qui reconnaissait les
mandats parallèles et distincts du Comité, d'une part, et la Commission des
plaintes du public, d'autre part12.
Il a énoncé ce qui suit :
Ainsi donc, un objet de la loi qu'on peut dégager de la
situation qu'elle visait à réformer est de protéger le public contre
la tenue d'enquêtes secrètes sur ses plaintes. Mais il ressort à
l'évidence d'autres éclaircissements fournis par le solliciteur
général que l'on voulait aussi se protéger contre un autre abus, à
savoir la mise au pilori des membres de la Gendarmerie (Débats, 11
septembre 1985, à la page 6519) :
Ce projet de loi donne suite à la plupart des
recommandations de la commission Marin et l'on a passé beaucoup de
temps à préparer des révisions qui aideront la GRC dans son travail
tout en préservant le délicat équilibre entre la protection des
droits du public et celle des membres de la GRC.
Cette observation indique que l'on se prémunit également
contre les deux abus.
La question 6 (« La Commission des plaintes du public contre la GRC et le
Comité externe d'examen qui s'occupe des cas de discipline interne et des griefs
devraient-ils être fusionnés et former un seul organisme, comme en Ontario ? »)
provient d'une discussion sur divers modèles de plaintes du public. Toutefois,
de l'avis du Comité, la question de la fusion exige aussi un examen complet du
contexte des relations de travail au sein de la GRC, y compris un examen du
système actuel et du caractère unique du Comité dans ce contexte.
De plus, la question fait spécifiquement référence au modèle ontarien d'
examen de la police. Il faut d'abord voir si ce modèle est approprié au milieu
de la GRC, car la nature du modèle ontarien est fondée sur un régime différent
d'administration policière dans l'ensemble de cette province. La notion d'
examen civil et de confiance du public doit également être explorée.
Qui est plus, la formulation de la question ne semble pas adresser un
équilibre crucial. D'une part, il faut appuyer un examen rigoureux des plaintes
du public qui a la confiance du public et de la police. D'autre part, il faut
avoir des mécanismes qui contribuent à un milieu des relations de travail
positif dans la GRC et qui recueillent la confiance des membres de la GRC. Les
deux doivent être efficaces et fiables.
Le Comité fait ressortir trois grandes questions mises en évidence par la
question de la fusion. La première, l'examen du mandat distinct du Comité et du
risque que la fusion brouille la différence entre le mandat de la Commission des
plaintes du public et celui du Comité. La deuxième, le conflit d'intérêts
éventuel ou l'impression de conflit d'intérêts qui résulte de la fusion. La
troisième, l'importance d'examiner divers modèles qui servent la notion d'
examen civil de la discipline de la police mais sans présumer nécessairement que
cela doit être fait au moyen d'une fusion.
Le mandat distinct du Comité
Le mandat du Comité diffère considérablement de celui de la Commission des
plaintes du public contre la GRC : il est axé sur l'examen des décisions de la
GRC en contexte de relations de travail. L'examen est effectué au niveau de l'
appel. Les dossiers qui doivent être examinés sont renvoyés devant le Comité une
fois la première décision prise, et le Comité n'a aucun contact direct avec le
public.
Le mandat de la Commission des plaintes du public contre la GRC consiste à
examiner les plaintes du public contre la GRC. La Commission peut faire un genre
de révision en appel d'une enquête de la GRC et trancher sur une plainte ou,
lorsque le président demande la tenue du processus d'examen de l'intérêt public,
jouer le rôle d'un organisme externe d'examen de première instance. La
Commission reçoit la plainte émanant d'un citoyen ou le président peut déposer
une plainte, mener une enquête ou convoquer une audience.
La charge de travail du Comité consiste principalement à examiner les
décisions en matière de griefs qui ont été renvoyées au deuxième niveau pour qu'
une décision soit prise par le commissaire de la GRC. Bon nombre de parallèles
peuvent être établis entre la Partie III de la Loi, qui porte sur les
griefs, et les mécanismes que l'on retrouve dans la législation sur les
relations de travail dans la fonction publique, et à partir desquels la Loi
a été élaborée. Dans ce volet de son mandat, le Comité examine une vaste gamme
de questions liées aux ressources humaines qui font l'objet d'un litige. Il s'
agit d'un aspect important de son travail qui ne fait pas partie du mandat d' un
organisme chargé de l'examen des plaintes du public.
Toute fusion proposée de ces deux organismes devra ménager un équilibre entre
les mandats juxtaposés d'une entité fusionnée pour s'assurer que les éléments
distincts de ceux d'un modèle fondé sur les plaintes du public sont dûment
abordés13.
De plus, même si certains appels concernant des mesures disciplinaires
peuvent avoir, à leur origine, des plaintes du public, un nombre important de
décisions relativement à des dossiers disciplinaires qui ont été portées en
appel ne proviennent pas de plaintes du public. L'inconduite présumée qui peut
avoir fait l'objet d'une audience relative aux mesures disciplinaires graves
peut avoir été portée à l'attention d'un commandant divisionnaire par différents
moyens, notamment par une plainte émanant d'un collègue ou par une plainte du
public ou après l'examen d'un dossier qui porte sur une activité d' un membre de
la GRC.
Les mandats du Comité et de la Commission des plaintes du public contre la
GRC sont tellement différents qu'il est réellement possible que la fusion de ces
deux organismes puisse créer de la confusion quant à l'objet et la portée des
responsabilités de chacun, ce qui aurait pour conséquence de réduire l'
efficacité des deux organismes. La possibilité que les activités deviennent
brouillées lorsqu'il existe des différences fondamentales entre les mandats a
été soulevé par le commissaire du Centre de la sécurité des télécommunications,
le très honorable Antonio Lamer, quand l'option d'un Comité de surveillance des
activités de renseignement de sécurité (CSARS) commun à la GRC et au Service
canadien du renseignement de sécurité (SCRC) a été discutée14 :
Par contre, il y a un risque de créer de la confusion quant
au rôle de l'organisme d'examen, à cause des différences fondamentales
qui existent entre le maintien de la sécurité nationale et l'évaluation
des menaces à la sécurité nationale. On se demande quels avantages on
tirerait en confiant au CSARS l'examen d'activités que le gouvernement a
décidé de confier séparément à deux organismes distincts lors de
l'adoption de la Loi sur le SCRS en 1984.
Dans le même mémoire, il s'est dit préoccupé par l'option du modèle du CSARS
commun à toutes les opérations de sécurité nationale réglementées par le fédéral15 :
La distinction entre les différentes entités risque
d'être affaiblie, comme je l'ai suggéré plus haut, aux dépens de
l'examen indépendant, ce qui pourrait entraîner des accusations de
conflit d'intérêt réel ou potentiel, et éventuellement de collusion.
Étant donné la nature distincte du Comité et de la Commission des plaintes du
public contre la GRC, une fusion pourrait représenter un défi pour le maintien
de leurs mandats distincts. De ce fait, il existe le risque de voir diminuer l'
efficacité de chacun des organismes.
Le risque ou la perception de conflit
d'intérêts
Si un organisme chargé de l'examen des plaintes du public fusionne avec un
organisme chargé de l'examen des griefs, des mesures disciplinaires, et des cas
de renvoi et rétrogradation, il se peut que le public ou les membres de la GRC,
ou les deux, aient l'impression qu'ils ne sont pas bien servis par l' organisme
ainsi créé en raison d'une méfiance générale à l'endroit du mandat réel de
l'organisme. Il peut également y avoir un risque, réel ou perçu, que l'
arbitrage d'un manquement au Code engendré par une plainte du public
soit évalué de façon injuste, ou soit compromis en raison d'opinions
concurrentes et divergentes. Il faut qu'il y ait une garantie renforcée que le
mandat global de tout organisme créé ne soit pas incompatible, de façon réelle
ou perçue, avec le mandat des organismes d' examen distincts qui le composent.
Cette réalité est essentielle à la confiance accordée à cet organisme par les
différents intervenants.
La Commission civile des services policiers de l'Ontario (la « CCSPO ») a
récemment fait l'objet d'un examen par l'honorable juge Patrick Lesage.
D'ailleurs, l'une de ses recommandations, qui porte sur un renforcement de la
surveillance publique, comprend la séparation entre les organismes chargés des
plaintes du public et la Commission civile des services policiers de l'Ontario.
Dans son document de travail, il a déclaré qu'en réalité, aucun système de
traitement des plaintes ne comportait suffisamment d'avantages pour servir de
modèle aux autres16 :
On constate dans tous les territoires un renforcement de
la surveillance civile de la police. Cette réalité ne devrait
apparaître ni étonnante ni inquiétante compte tenu du rôle que joue
la police dans la société moderne, de son travail, de ses pouvoirs
et de la possibilité d' abus de pouvoir. Mon examen des systèmes de
traitement des plaintes d' autres territoires a révélé qu'aucun
d'entre eux ne peut servir de modèle. Les systèmes semblent avoir
été mis en oeuvre en fonction des liens historiques entre la police
et la collectivité. Cette situation complique la création d'un
système dans une province aussi grande et diversifiée que l'Ontario
...
Les rôles joués par le Comité et la Commission des plaintes du public contre
la GRC sont entièrement distincts. Toutefois, une fusion de ces deux organismes
risquerait d'entraîner des conflits, réels ou perçus, dans la manière dont
chacun des organismes exerce son mandat distinct. Comme l'a souligné l'honorable
juge Lesage dans son examen de la CCSPO, toutes sortes de commentaires ont été
formulées sur les nombreux rôles contradictoires mis en évidence dans le modèle
ontarien, et ce, à la fois lors de ses consultations et dans un certain nombre
de décisions judiciaires17.
Des doutes ont été soulevés concernant l'opportunité
pour la CCSPO de participer à l'examen des enquêtes et des décisions
des chefs de police, étant donné son rôle en matière d'appels. En
effet, j'ai relevé des inquiétudes concernant les nombreux rôles
contradictoires de la CCSPO non seulement lors de mes consultations,
mais également dans un certain nombre de décisions judiciaires. Je
crois que la CCSPO ne devrait pas participer à l'examen des
décisions du chef de police à la suite d'une enquête. Cette tâche
devrait incomber à un organisme indépendant qui n'interviendrait pas
lorsqu'une décision rendue à l' issue d'une audience subséquente est
portée en appel.
Parmi les décisions judiciaires mentionnées par l'honorable juge Lesage à
l'appui de sa recommandation sur la création d'un nouvel organisme indépendant,
se retrouve celle de la Cour divisionnaire de l'Ontario dans l'affaire
Gardner v. The Ontario Civilian Commission on Police Services (OCCOPS) 72
O.R. (3d) 285 [2004] O.J. No 2968. Cette affaire traite de la
partialité et de l'inconduite éventuelle d'un membre de la commission des
services de police qui aurait fait l'acquisition d'une arme à feu et de
cartouches auprès du service de police. Cette affaire avait été présentée au
chef de police de Toronto, qui l'avait renvoyé à la CCSPO pour que celle-ci
prenne les mesures nécessaires. La CCSPO a donc enquêté sur l'affaire et a
examiné le rapport d'enquête pour déterminer si elle devait tenir une audience,
ce qu'elle a fait par la suite. En appel, M. Gardner, qui avait été déclaré
coupable d'inconduite, a invoqué la crainte raisonnable de partialité. La Cour
divisionnaire a déclaré qu'il existait bien une crainte raisonnable de
partialité. La Cour a fait remarquer que la crédibilité de M. Gardner avait été
mise en cause et que la partialité avait été établie, du fait que les mêmes
membres de la CCSPO avaient participé, non seulement à l'examen de la preuve en
vue de décider s'il convenait de tenir une audience, mais également à l'
audience. Cette affaire soulève la question du risque de conflit d'intérêts
potentiel qui peut survenir lorsqu'un organisme a des pouvoirs et des mandats
multiples. Des mesures législatives auraient pu être prises pour prévenir la
situation de partialité, mais cela n'a pas été fait, et l'on peut ainsi voir ce
qui se produit éventuellement dans un cadre de travail lorsque l'organisme même
joue des rôles multiples et contradictoires. Pour en venir à sa conclusion et
accueillir l'appel, la Cour a déclaré que [TRADUCTION] « la fusion des
différentes fonctions liées à l'enquête, la décision de procéder à une enquête
et l'arbitrage, par les trois membres, à toutes les étapes de l'enquête ont
donné lieu à une crainte raisonnable de partialité, ce qui a eu pour conséquence
la perte de compétence, et les décisions prises par la Commission ne tiennent
pas »18.
Examen civil du système disciplinaire
interne de la GRC
Dans le document d'information sur les modèles nationaux, la question de la
fusion fait ressortir la nécessité de procéder à un examen public selon les
lignes d'un modèle semblable à celui de la Commission civile des services
policiers de l'Ontario. Toutefois, la question ne permet pas de tenir compte d'
autres modèles dans le cadre de l'examen public.
Le processus d'examen utilisé par le Comité comprend des considérations sur
la responsabilité de la police et la nécessité d'avoir la confiance du public en
ce qui concerne la manière dont il examine les appels concernant des mesures
disciplinaires. L'importance d'obtenir la confiance du public en l'examen de la
conduite d'un policier a fait l'objet de certains commentaires. Dans l' affaire
Southam Inc. c. Canada (procureur général) 36 O.R. (3d) 201, la Cour a
abordé la question de savoir si les audiences relatives aux mesures
disciplinaires graves pouvaient se tenir à huis clos, soulignant le très grand
intérêt du public pour les audiences disciplinaires des membres de la GRC :
[TRADUCTION] En raison de la nature publique des
fonctions d'un agent de la paix et des pouvoirs généraux qui lui
sont conférés par la loi dans l'exercice de ces fonctions, et parce
que les activités d'un comité d'arbitrage peuvent avoir une
incidence si importante sur les droits d'un membre de la GRC, le
public a un grand intérêt pour une telle audience. Il est clair que
le rôle du comité d'arbitrage est de nature judiciaire. La clause
excluant la présence du public empêcherait les médias de recueillir
de l'information sur les activités en cours. La conclusion que le
paragraphe 2b) s'applique saute aux yeux. L'exigence d'une
protection absolue prévue aux termes du paragraphe 45.1(14)
contrevient à l'article 1 parce qu'elle est entièrement arbitraire
et qu'elle limite de façon absolue la cueillette de renseignements
pendant l'audience. La protection des intérêts légitimes en matière
de vie privée est trop restrictive et par conséquent ne respecte pas
les critères du lien rationnel, de l'atteinte minimale et de la
proportionnalité globale énoncés dans l'arrêt Oakes.
En matière d'appels concernant des mesures disciplinaires, le modèle du
Comité, tel que prévu dans la Loi, s'apparente à la fonction d'appel
d'un comité d'arbitrage typique existant au sein d'un comité disciplinaire
professionnel. Le Comité doit inclure l'examen de l'intérêt public. Bien que le
Comité et l'actuel commissaire de la GRC aient, récemment, été en désaccord sur
la portée des examens de l'intérêt public effectués par le Comité dans le cadre
des procédures disciplinaires, le Comité a estimé que cela devait avoir un rôle
prépondérant dans l'ensemble du processus, et non pas seulement dans l'
imposition de la sanction19.
À l'image des procédures disciplinaires professionnelles dans d'autres
domaines, comme celles qui sont instaurées pour les avocats en Ontario, l'objet
du système disciplinaire de la GRC n'est pas de [TRADUCTION] « punir les
délinquants et d'infliger un châtiment, mais plutôt de protéger le public, de
maintenir des normes professionnelles élevées et de conserver la confiance du
public »20 . Toutes les
sanctions comprennent, nécessairement, des effets punitifs, mais les objectifs
du processus ne sont toutefois pas punitifs21.
Comme l'a récemment déclaré la Cour d'appel de l'Ontario dans le dossier
disciplinaire d'un professionnel de la santé, bien que le processus
disciplinaire doive [TRADUCTION] « reconnaître l'intérêt public en cause, il
faut également veiller à faire bénéficier ce professionnel de toute
l'application régulière de la loi prévue par la législation en matière de
procédure disciplinaire »22. Le
Comité a émis des réserves semblables, tout en rappelant que, bien que l'intérêt
public soit au coeur même du processus disciplinaire, les comités disciplinaires
professionnels ont également le devoir d'agir de façon juste envers leurs
membres puisque la sanction imposée peut porter atteinte à la réputation du
membre ou mener à la perte totale de son moyen de subsistance23.
Dans un document de travail provisoire publié en 2001 qui porte sur les
processus disciplinaires et sur d'autres techniques de résolution des
différends, le Comité a pu dire que l'intérêt public revêtait un caractère
essentiel dans les procédures disciplinaires24.
Le rapport ajoute ceci, au sujet de la question de la confiance du public :
Bien qu'il importe que ces cas soient traités avec
compassion et rapidité, surtout lorsque l'inconduite n'est pas
suffisamment sérieuse pour nécessiter le renvoi de la GRC des
membres concernés, la façon dont la GRC applique les mesures
disciplinaires doit être perçue comme équitable et raisonnable par
la population canadienne. Le processus doit donc être nécessairement
transparent : les décisions en matière de mesures disciplinaires
doivent s'accompagner d'un certain degré d'imputabilité et ceux qui
prennent ces décisions doivent être en mesure de justifier leurs
conclusions.
En ce qui concerne la façon dont le public perçoit l'inconduite présumée, le
Comité a déclaré qu'au moment d'établir la peine appropriée, il fallait tenir
compte d'un certain nombre d'éléments pour évaluer la façon dont le public
perçoit l'inconduite présumée, notamment la connaissance des valeurs sociales
contemporaines et une appréciation de la pertinence de la conduite en dehors du
service par un membre par rapport à la carrière de ce dernier25.
La question du rôle que le public devrait jouer dans le processus
disciplinaire de la GRC lors de la réception d'une plainte du public pourrait
être examinée par la Commission. Actuellement, la Loi accorde le droit
à l'examen d'une sanction disciplinaire ou le droit d'en appeler de cette
sanction seulement à un membre de la GRC et à l'officier compétent dans
certaines circonstances bien précises. Il n'y a pas non plus de processus
d'examen du processus disciplinaire instigué par le public, que ce soit avant ou
après la prise de décision par le commissaire de la GRC. C'est là une différence
avec le modèle ontarien des plaintes du public et de l'examen du processus
disciplinaire. Bien que la nature du processus d'examen public du processus
disciplinaire soit une question importante, il existe déjà des mécanismes pour
en traiter. Par exemple, il n'est pas rare que le Comité doive examiner des
appels des décisions relativement à des dossiers disciplinaires lorsqu'une
plainte du public a été déposée contre la GRC et que le plaignant a témoigné sur
l'effet de la conduite du membre. L'intérêt public et la confiance du public
sont toujours des facteurs prépondérants dans l' examen du Comité. Lorsqu'il
formule sa recommandation, le Comité tient compte de la façon dont le public
perçoit l'inconduite. De plus, dans le processus de traitement des plaintes du
public, le commissaire de la GRC informe le président de la Commission des
plaintes du public contre la GRC de la sanction imposée26.
La forme que devrait prendre l'examen civil est une question distincte et
séparée de celle de savoir quel organisme devrait être chargé d'effectuer
l'examen. Si on accorde une grande importance à la question d'un appel déposé
par un membre du public à l'encontre de mesures disciplinaires prises où l'
inconduite découlait d'une plainte du public, différentes structures pourraient
prévoir un examen civil d'une sanction disciplinaire sans présumer que la fusion
des deux entités (la Commission des plaintes du public et le Comité) serait la
meilleure manière d'assurer un examen public supplémentaire. Selon le cas :
- un appel d'une sanction présentée par un civil pourrait être
entrepris après qu'un comité d'arbitrage disciplinaire a rendu une
décision, et le Comité pourrait ensuite examiner ces appels, ainsi que
ceux qui sont prévus dans le mandat qui lui est conféré par la Loi
;
- au lieu de n'avoir qu'un pouvoir de formuler des recommandations en
ce qui concerne un appel à l'encontre de décisions dans des dossiers
disciplinaires comportant un aspect de plaintes du public, un organe d'
examen des dossiers disciplinaires comme le Comité pourrait rendre une
décision finale.
En présentant ces exemples, le Comité reconnaît que toute la question
relative à la fonction d'examen civile mérite une discussion plus approfondie.
Toutefois, le Comité veut ainsi faire ressortir le fait qu'il existe de
nombreuses façons de traiter les questions de discipline liées aux plaintes du
public, sans aborder la fusion du Comité et de la Commission des plaintes du
public.
IV. Conclusion
Le Comité a fourni une description de son mandat unique et fait ressortir la
nécessité d'examiner la raison d'être de la question 6 et les questions qu' elle
soulève véritablement.
Le Comité fait valoir qu'il peut exister des motifs impérieux pour maintenir
une distinction entre les mécanismes de relations de travail et l'examen civil
des plaintes du public, du fait du caractère particulier des mandats et du
potentiel de conflit. Dans tous les cas, il existe des défis à régler pour
assurer un équilibre dans tout processus d'examen proposé.
Le Comité remet des observations à la Commission, mais ce fait ne laisse pas
pour autant entendre que le système actuel ne peut être amélioré. Toutefois, le
Comité fait valoir que certains pourraient confondre son mandat en tant que
mécanisme d'examen avec celui des mécanismes d'examen civil des plaintes du
public. La question relative à la perception du public et à l'intérêt public
dans le contexte de sanctions disciplinaires mérite un examen et une discussion
continues, mais une partie de cette discussion relève aussi de questions autres
que de la surveillance ou de l'examen du point de vue de la sécurité.
Comme il a été énoncé au début du présent document, la question de la fusion
de la Commission des plaintes du public et du Comité soulève un certain nombre
de questions qui devraient être examinées en profondeur avant qu'une décision ne
soit prise. Il est important que tout modèle favorise tant la confiance que le
respect à l'égard du mécanisme d'examen des relations de travail et le système
disciplinaire en place, d'une part, et l'examen des plaintes du public, d'autre
part. Autrement, la possibilité d'avoir une saine fonction de surveillance ou
d'examen civil et de bonnes relations de travail pourrait être menacée.
Notes en fin d'ouvrage
1 La question de la
syndicalisation et des droits à la négociation collective des membres de la GRC
a fait l’objet de débats. Le présent mémoire ne traitera pas des solutions de
rechange au système actuel qui pourraient exister dans un contexte de
négociations collectives.
2 La Cour fédérale a récemment
traité, dans l’arrêt Muldoon c. Canada [2004] CF 380 au par [21], de
l’obligation du commissaire de la GRC de donner des motifs en vertu de la Loi. (http://decisions.fct-cf.gc.ca/cf/2004/2004cf380.shtml)
3 Le commissaire de la GRC a suivi
304 des 343 recommandations du Comité sur des cas de griefs. Au 18 octobre 2005,
le Comité a donné des recommandations dans 378 griefs au total. Cependant, 10
griefs ont été retirés; dans 6 cas, le Comité a décliné sa compétence et 19
autres cas sont en cours.
4 Le commissaire de la GRC a suivi
58 des 83 recommandations du Comité sur des cas de mesures disciplinaires. Au 18
octobre 2005, le Comité a émis des conclusions et des recommandations dans le
cadre de 95 appels concernant des mesures disciplinaires, dont 8 ont été retirés
par les membres avant que le commissaire de la GRC ne rende une décision, et 4
sont actuellement soumis au commissaire de la GRC.
5 Données en date du 18 octobre
2005
6 Le paragraphe 31(4) de la
Loi
prévoit que, sous réserve des restrictions prévues à l'alinéa 36b), le membre
qui présente un grief peut consulter la documentation pertinente placée sous la
responsabilité de la Gendarmerie et dont il a raisonnablement besoin pour bien
présenter son grief. Aux termes de l’alinéa 36b), le commissaire peut établir
des règles pour imposer, au nom de la sécurité ou de la protection de la vie
privée, des restrictions au droit que le paragraphe 31(4) accorde à un membre
qui présente un grief de consulter la documentation pertinente placée sous la
responsabilité de la Gendarmerie.
7 Voir le Règlement de la
Gendarmerie royale du Canada (1988), DORS/88-36, par. 96(1) et (2). Les
représentants divisionnaires des relations fonctionnelles sont élus
démocratiquement par chacune des divisions de la Gendarmerie. Ils représentent
les membres de leur division respective et examinent collectivement des
questions d’intérêt national. Voir aussi la fiche documentaire no 7 : GRC Fiches
documentaires 2000-2001: Programme des représentants divisionnaires des
relations fonctionnelles (RDRF) (http://www.rcmp.ca/pdfs/facts_2001_f.htm) et «
Le Programme des représentants des relations fonctionnelles - RRF » à l’adresse
suivante :
http://www.rcmp.ca/html/srr_f.htm
8 En 2003-2004, le Comité a été
saisi de 43 cas au total. Ce nombre comporte 36 griefs, 6 appels concernant des
mesures disciplinaires, et 1 appel d’un cas de renvoi et rétrogradation. Au
cours de la même année, le Comité a émis des conclusions et des recommandations
dans 45 cas, y compris plusieurs cas en cours des années précédentes, dont 37
griefs, 7 appels concernant des mesures disciplinaires et 1 appel sur un renvoi
et une rétrogradation. À la fin de l’exercice 2003-2004, il restait 40 cas
actifs devant le Comité, dont 35 griefs. Au cours de l’exercice 2004-2005, le
Comité a été saisi de 30 griefs et de 11 décisions concernant des mesures
disciplinaires. Le Comité n’a été saisi d’aucun appel concernant un renvoi au
cours de l’exercice 2004-2005. À la fin de l’exercice, 46 cas étaient encore
devant le Comité.
9 Colombie-Britannique (Public
Service Employee Relations Commission) c. BCGSEU [1999] 3 R.C.S. 3
10 Ces cas peuvent concerner des
mesures disciplinaires découlant de plaintes du public, mais pas nécessairement
de la procédure de la Commission des plaintes du public contre la GRC (la « CPP
»).
11 [1994] 3 CF 562 (C.A.)
(autorisation d’interjeter appel devant la Cour suprême du Canada rejeté, Cour
suprême du Canada [1994] S.C.C.A. no 387 ) (http://reports.fja.gc.ca/cf/1994/pub/v3/1994cfa0288.html)
12 De plus, le rapport annuel du
Comité externe d’examen de la GRC 1998-1999 fait des commentaires sur les
mandats distincts des deux entités, deux ans seulement après que le Comité a été
créé (Rapport annuel du Comité externe d’examen de la GRC 1988-1989, Ottawa,
Canada, à la page 5) :
Bien que le Comité et la Commission des plaintes du public aient
des mandats différents, un chevauchement entre les secteurs de compétence
pourrait se présenter. Lorsque, suite à une plainte du public, la GRC impose
des mesures de discipline grave à un de ses membres, le Comité peut être
amené à examiner la sanction à la lumière des circonstances de la plainte.
Le Comité et la Commission des plaintes du public ont établi un dialogue au
niveau des domaines d’intérêt mutuel.
...
Le Comité souhaite poursuivre ce dialogue mais il ne peut ignorer la
politique législative de la Loi sur la GRC, laquelle établit deux organismes
traitant l’un les plaintes du public, l’autre des questions de griefs, de
discipline grave, de renvoi et de rétrogradation. Le Comité reconnaît cette
politique et l’applique efficacement aux questions relevant de sa
compétence.
Intéressant aussi à signaler, le rapport annuel du Comité externe d’examen de la
GRC de 1992-1993, qui commente les tentatives de fusion du Comité externe
d’examen de la GRC et de la Commission des plaintes du public contre la GRC en
1993. D’après la description faite dans le rapport annuel, une modification
compliquée à la Loi sur la GRC a été rédigée pour traiter du conflit d’intérêts
inhérent qui pourrait découler d’une structure commune. Cette modification n’a
jamais été adoptée.
Indépendamment de la question du conflit d’intérêts, il est intéressant de noter
qu’en 1994, le président intérimaire du Comité avait exprimé des doutes quant à
savoir si la fusion de la Commission des plaintes du public contre la GRC et du
Comité externe d’examen de la GRC aurait en fait réduit les coûts, du fait des
structures compliquées proposées en vertu du projet de loi. (Voir Chambre des
communes, Procès verbaux et témoignages du Comité permanent de la justice et des
questions juridiques. Pp 12-13, Première session de la 35e Législature, 1994)
13 Un certain appui pour la
reconnaissance du caractère distinct des fonctions de ressources humaines du
mandat en matière de griefs peut être trouvé dans le récent examen des
changements à la Loi sur la défense nationale qu’a fait le très
honorable Antonio Lamer. Il y a six ans, le rôle joué par le Comité était unique
dans le contexte des organismes fédéraux. Depuis lors, toutefois, le Comité des
griefs des Forces canadiennes (le « CGFC ») (un tribunal indépendant et
impartial qui fait des recommandations au Chef d’état-major de la Défense sur
certains griefs formulés par les membres des Forces canadiennes) a été créé en
vertu des amendements à la Loi sur la défense nationale (LDN). Son
cadre législatif en matière d’arbitrage des griefs, rédigé plus récemment, a en
grande partie été élaboré d’après celui du Comité externe d’examen de la GRC. Le
mandat en matière de griefs du Comité des griefs des Forces canadiennes comprend
un certain nombre de domaines, équivalents à ceux du congédiement et des griefs
aux termes de la Loi sur la Gendarmerie royale du Canada, et certains
types de mesures disciplinaires comme la confiscation de la solde, le retour à
un grade inférieur, les licenciements et les griefs aux termes de la Loi sur
la Gendarmerie royale du Canada.
Le CGFC n’est pas chargé des affaires officielles relatives aux mesures
disciplinaires graves, mais il faut faire une distinction importante entre les
cas de mesures disciplinaires graves de la GRC, qui portent sur la GRC même dans
ses relations de travail, et ceux des cours martiales, qui sont des tribunaux
quasi pénaux traitant également des questions de violation de lois autres que la
LDN.
Un autre changement important à la LDN a été la création d’une Commission
d'examen des plaintes concernant la police militaire chargée d’enquêter sur les
plaintes relatives à l’inconduite d’un policier militaire et sur les plaintes
d’ingérence dans le cours d’une enquête de la police militaire, et ce, de façon
distincte du Comité des griefs des Forces canadiennes. D’autres changements ont
également été apportés en vue de clarifier les rôles et les responsabilités des
principaux intervenants du système de justice militaire.
Dans son premier examen indépendant des changements à la Loi sur la
défense nationale, le très honorable Antonio Lamer a fait remarquer que les
griefs devaient, à juste titre, être considérés comme concernant les ressources
humaines, car ils ont trait à des questions liées au moral, au bien-être et la
qualité de vie des membres des Forces canadiennes. Du point de vue des
changements à la LDN, il a conclut que le mandat en matière de griefs était
différent de celui de la justice militaire, notamment à l’égard, par exemple, du
mandat de la Commission d'examen des plaintes concernant la police militaire,
qui comprend des rôles semblables à ceux de la Commission des plaintes du public
contre la GRC mais avec la police militaire. (Le premier examen indépendant des
changements à la Loi sur la défense nationale par le très honorable Antonio
Lamer a été présenté au ministre de la Défense nationale le 3 septembre 2003.)
14 LAMER, Antonio. Mémoire
présenté à la Commission Arar par le commissaire du Centre de la sécurité des
télécommunications, le 11 janvier 2005, page 3.
15 Idem, à la page 4.
16 LESAGE, Patrick. Rapport sur
le système ontarien de traitement des plaintes concernant la police, le 22 avril
2005, à la page 63. (http://www.attorneygeneral.jus.gov.on.ca/french/about/pubs/LeSage/fr-fullreport.pdf)
17 Idem, à la page 81.
18 Gardner v. The Ontario
Civilian Commission on Police Services 72 O.R. (3d) 285, par. 27
Autorisation de pourvoi refusée, Cour d’appel de l’Ontario [2004] O.J. No. 4320
19 Dans une décision de 2004, le
commissaire de la GRC a statué que, selon lui, le rôle du Comité dans le domaine
de l’intérêt public se limitait à l’imposition d’une sanction. Le Comité a
formulé des conclusions et des recommandations sur les règles de procédure qui
devaient s’appliquer lorsque l’exposé conjoint des faits est déposé devant le
comité d’arbitrage interne, recommandant que le comité remette un avis aux deux
parties lorsqu’il décide de ne pas l’accepter. L’une des préoccupations
fondamentales du Comité au moment de formuler ses conclusions et ses
recommandations concernait l’intérêt public.
20 MACKENZIE, Gavin. « The
Purposes of Professional Disciplinary Proceedings », The Advocates’ Society
Journal, 11 Advocates Society Journal No 2, pages 3 à 30, juillet 1992.
21 Idem, pages 3 et 4.
22 Katzman v. Ontario
College of Pharmacists [2002] O.J. No 4913; 223 D.L.R. (4e) 371
23 Comité externe d’examen de la
Gendarmerie Royale du Canada, Les processus disciplinaires et les techniques de
résolution des conflits au sein de la GRC, Rapport préliminaire, p. 3
24 Idem, à la page 3.
25 Idem, à la page 15.
26 Le rapport annuel 1998-1999
(à la partie quatre du rapport) de la Commission des plaintes du public contre
la GRC (http://www.cpc-cpp.gc.ca/DefaultSite/Reppub/index_f.aspx?ArticleID=402)
traite de la divulgation d’information sur les mesures disciplinaires et fait
remarquer que le Commissaire de la GRC a annoncé que la GRC divulguerait les
détails des mesures disciplinaires prises en vertu d'une plainte.
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