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Frèquence Optique - Projets de Recherche
Maintenir
le mètre du SI
Étalon
de fréquence optique basé sur un seul ion piègé
Le
peigne de fréquences optiques
Le
projet des étalons de fréquence optiques permet de maintenir
l'étalon du mètre du SI pour le Canada en mesurant précisément
des longueurs d'ondes connues de la lumière. En pratique, on mesure
la longueur d'onde dans le vide d'un laser à l'hélium-néon
verrouillé à une transition particulière à
633 nm dans la molécule d'iode.
Pendant presque cinquante ans, on s'est servi de la longueur d'onde optique
de la lumière comme référence dans les mesures de
grande exactitude de la longueur absolue. On peut utiliser différentes
sources de lumière, y compris des tubes de décharge à
gaz excité électriquement et des lasers stabilisés.
Dans ces mesures, on emploie un appareil appelé un interféromètre
optique pour comparer la longueur d'un objet à la longueur d'onde
connue de la source lumineuse. De 1960 à 1983, on avait accepté
partout dans le monde de définir l'unité de longueur du
Système international, le mètre, comme étant 1 650
763,73 longueurs d'onde (dans le vide) de la ligne orange-rouge du krypton
86. Il était possible d'étalonner d'autres sources spectrales
par rapport à cette ligne du krypton et de se servir de ces sources
comme étalons secondaires. Les difficultés techniques liées
à l'utilisation des interféromètres optiques limitaient
cependant l'incertitude de toute mesure de longueur à approximativement
1 partie en 1010. En effet, l'exactitude de la réalisation du mètre
en pratique était également limitée par cette incertitude.
Vers le début des années 1980, l'exactitude des techniques
utilisées pour mesurer la fréquence de la lumière
avait dépassé celle des techniques utilisées pour
mesurer la longueur d'onde optique, et, par conséquent, en 1983,
on a convenu de redéfinir le mètre en fonction de l'unité
de temps, la seconde du SI. On avait choisi la définition suivante : « Le mètre est la longueur du trajet sur lequel se dépace
la lumière dans le vide pendant un intervalle de temps de 1/299
792 458 d'une seconde ». À première vue, cette définition
semble suggérer que l'on doit mesurer très soigneusement
la propagation de la lumière dans le vide afin de réaliser
un étalon pratique du mètre. Cependant, si l'on considère
l'équation simple
c = l f
où c est la vitesse de la lumière (définie), l est
la longueur d'onde dans le vide, et f est la fréquence de la lumière,
on voit que, par exemple, si l'on mesure la fréquence optique d'une
source de lumière stable avec une incertitude de 1 partie dans
1012, on connaît automatiquement la longueur d'onde de cette source
avec la même incertitude. Il est donc possible de réaliser
un étalon pratique du mètre en fonction de la longueur d'onde
de n'importe quelle source lumineuse stable dont on a mesuré la
fréquence avec exactitude.
Le projet des étalons de fréquence optique (OFS) maintient
le mètre du SI pour le Canada au moyen de la longueur d'onde dans
le vide d'un laser à l'hélium-néon (HeNe), qui est
stabilisé à une transition de la molécule d'iode
dans la partie rouge du spectre optique à 633 nm. Dans le langage
de la spectroscopie, la ligne spectrale en question est la composante
a13 ou i de la transition 11-5 R(127) de la molécule 127I2. La
fréquence de cette ligne a été mesurée en
fonction de la seconde du SI dans plusieurs laboratoires nationaux, y
compris le CNRC, et sa valeur est de
n = 473 612 214 705 kHz l = 632.991 398 22 nm
avec une incertitude de 12 kHz, ou de 2,5 10-11, limitée par la
reproductibilité de jour en jour et d'appareil en appareil de ces
lasers. En pratique, on utilise également les composantes avoisinantes
d, e, f et g. Le CNRC compte trois de ces lasers à l'hélium-néon
stabilisés à l'iode (I2/HeNe) comme illustré à
la figure à la droite. Leur exactitude a été maintenue
grâce à des intercomparaisons de leurs fréquences
optiques et à des comparaisons à des lasers semblables d'autres
laboratoires nationaux de métrologie.
![](/web/20061025173052im_/http://inms-ienm.nrc-cnrc.gc.ca/images/standard_images/return_bar_f.gif)
Actuellement, la seconde du SI (Système international) est définie
comme étant « la durée de 9 192 631 770 périodes
du rayonnement correspondant à la transtion entre les deux niveaux
hyperfins du niveau fondamental de l'atome de césium-133 ». Les horloges atomiques au césium existent depuis la fin
des années 1950 et ont été améliorées
graduellement au point où les horloges à fontaine au césium
(Projet de la fontaine au
césium) permettent de réaliser la définition
de la seconde à un niveau d'incertitude relative d'environ
10-15. Ces horloges emploient des millions d'atomes à
la fois et on prévoit que leur exactitude sera limitée éventuellement
par les collisions entre les atomes.
Depuis environ vingt ans, il est possible de maintenir un seul atome chargé
(ion) dans un petit piège électromagnétique sous
un vide très poussé. On peut ensuite ralentir le mouvement
de cet ion au point où il est confiné dans une région
d'espace plus petit qu'un micron (10-6 m) cubique.
On s'est rapidement rendu compte qu'un tel ion était
presque entièrement isolé du milieu environnant et pourrait
servir d'ultime étalon de fréquence ou de temps, avec
une reproductibilité et une stabilité plusieurs ordres de
grandeur supérieures aux meilleurs étalons de temps au césium.
Au CNRC, on a mis au point un étalon de fréquence optique
dans le cadre du projet des étalons de fréquences optiques
(EFO), qui est basé sur un seul ion de strontium-88 (88Sr)
piégé et refroidi au laser.
On
a choisi l'ion de 88Sr en raison de la disponibilité
des lasers nécessaires pour le refroidissement et le sondage de
la transition « d'horloge ». On fait flotter l'ion
dans une chambre dans laquelle on a produit un vide poussé à
l'aide d'un piège Paul tel qu'illustré
à la figure à gauche. La distance entre les deux électrodes
aux extrémités est d'environ 1 mm. On applique une
tension de radiofréquences entre l'anneau et les électrodes
d'extrémité pour produire une force électromagnétique
qui agit sur l'ion pour le maintenir près du centre du piège.
Lorsque l'ion est capturé initialement, il se déplace
dans le piège électromagnétique à une vitesse
typique d'environ 300 m/s. On dirige un faisceau de laser bleu focalisé
sur l'ion pour le ralentir par refroidissement au laser. Ici, la
fréquence du laser est fixée à une fréquence
plus basse (au rouge) d'une transition électronique intense
dont la longueur d'onde est de 422 nm. Lorsque l'ion se déplace
vers le laser. il voit la fréquence du laser décalée
par effet Doppler à une fréquence plus grande, plus près
du centre de la transition à 422 nm. Ce processus est semblable
au changement de la tonalité du sifflet d'un train lorsque
ce dernier passe près. L'ion peut ainsi absorber de façon
privilégiée un photon de lumière du faisceau de laser
lorsqu'il se déplace en direction opposée au faisceau
de lumière. À chaque fois que l'ion absorbe un photon,
il est légèrement propulsé en direction opposée
à son mouvement. Comme le photon qui est réémis se
propage dans une direction aléatoire, la composante de la vitesse
de l'ion en direction du laser est réduite. Après
que l'ion a absorbé et réémis plusieurs milliers
de photons, sa vitesse est réduite à seulement une fraction
d'un mètre par seconde. Le piège électromagnétique
confine l'ion dans un volume d'espace beaucoup plus petit
que celui qu'il occuperait s'il n'était pas refroidi
au laser.
La
figure présentée à droite montre le diagramme des
niveaux d'énergie de l'ion de 88Sr. On doit
se servir de trois lasers pour l'étalon de fréquence : le laser bleu de 422 nm, pour refroidir l'ion, un laser infrarouge
auxiliaire de 1092 nm pour pomper de nouveau d'ion à l'état
P1/2 lorsqu'il se décompose occasionnellement
à l'état D3/2 de longue durée, et
un laser rouge de 674 nm, dont la fréquence optique est verrouillée
à la transition « d'horloge » ou transition de
référence S1/2 - D5/2. Cette dernière
est une transition quadrupôle électrique et est si faible
qu'un ion excité à l'état D5/2
prend, en moyenne, environ 0,3 s pour passer de nouveau à l'état
de base S1/2 – ce qui représente une très
longue période de temps à l'échelle atomique.
Cela donne lieu à une ligne spectrale extrêmement nette à
674 nm et, par conséquence, à une plage d'accord étroite
pour le laser de 674 nm dans laquelle il est capable d'exciter l'ion
à l'état D5/2. En effet, la largeur de
ligne naturelle de la transition S1/2 - D5/2 est
moins de 1 Hz, en comparaison avec sa fréquence centrale de 445
THz (445 x 1012 Hz)!
Pour pouvoir utiliser cette transition étroite et le laser de 674
nm dans un étalon de fréquence optique, le laser de 674
nm doit être extrêmement stable et sa fréquence doit
être verrouillée au centre de la transition S1/2
- D5/2. Notre laser est basé
sur un laser à diode rouge, semblable à ceux que l'on
se sert dans les lecteurs de codes à barres, dont la fréquence
optique est contrôlée soigneusement de manière à
ce qu'un multiple entier de sa longueur d'onde soit exactement
égal à deux fois la longueur d'une cavité optique
stabilisée. Une photographie de cette cavité est illustrée
à gauche. Sa longueur est d'approximativement 25 cm et elle
est fabriquée à partir d'un verre spécial ayant
un coefficient de dilatation thermique très faible. La température
de la cavité est stabilisée et cette dernière est
placée dans une enceinte à vide, comme le montre la photographie
ci-dessous, afin de l'isoler du bruit acoustique.
![](/web/20061025173052im_/http://inms-ienm.nrc-cnrc.gc.ca/images/research_images/optical_comb/chamber.jpg)
L'enceinte à vide est montée sur une table isolée
contre les vibrations située dans un caisson en béton. La
fréquence d'une partie de la lumière émise
par ce laser est décalée vers le centre de la transition
S1/2 - D5/2 au moyen d'un dispositif appelé
un modulateur acousto-optique (AOM). On a pu obtenir avec notre laser
actuel un taux de dérive d'une fraction d'un Hertz
par seconde et une largeur de ligne inférieure à 100 Hz – beaucoup plus large que la largeur de ligne naturelle de la transition
S1/2 - D5/2. On prévoit que l'on pourra
éventuellement diminuer la largeur de ligne de ce laser à
moins de 10 Hz.
L'absorption de photons individuels du faisceau laser de 674 nm
par l'ion de strontium à un taux de seulement quelques photons
par seconde serait impossible à détecter par des moyens
ordinaires. Toute minuscule diminution de l'intensité du
faisceau serait complètement masquée par les fluctuations
de puissance normales présentes dans le laser. On doit donc avoir
recours à une technique spéciale, appelée la méthode
des sauts quantiques, pour déterminer si la fréquence du
laser est accordée à la transition S1/2 - D5/2étroite.
Lorsque l'ion est excité par le laser de 422 nm, il fait
des millions de transitions chaque seconde entre les niveaux S1/2
et P1/2. Ce nombre de transitions est suffisamment élevé
qu'il est possible de détecter les photons de fluorescence
à 422 nm d'un seul ion au moyen d'un photomultiplicateur
sensible. Cependant, lorsque l'ion de strontium absorbe un seul
photon à 674 nm, il passe à l'état D5/2
qui a une plus longue durée de vie et n'interagit plus avec
le faisceau laser de 422 nm. La fluorescence à 422 nm s'arrête
soudainement. La fluorescence à 422 nm ne réapparaît
que lorsque l'ion passe de nouveau à l'état
S1/2. On appelle ces sauts du signal de fluorescence des sauts
quantiques.
![](/web/20061025173052im_/http://inms-ienm.nrc-cnrc.gc.ca/images/research_images/optical_comb/jumps.gif)
La figure présentée ci-dessus illustre le signal de fluorescence
mesuré pendant une période de 15 secondes. On peut voir
dans cette figure plusieurs sauts quantiques. Dans notre expérience,
on se sert d'un ordinateur ainsi que de l'AOM pour mesurer
la fréquence optique du laser de 674 nm sur la transition S1/2
- D5/2. L'ordinateur compte le nombre de sauts quantiques
dans un certain intervalle de temps et se sert de cette information pour
verrouiller la fréquence laser décalée au centre
de la transition.
La fréquence de la transition S1/2 - D5/2à
674 nm a été mesurée il y a quelques années
au CNRC à l'aide d'un appareil compliqué que
l'on appelle une chaîne de fréquence optique. On avait
obtenu une valeur de 444 779 044 095 400 Hz avec une incertitude de seulement
200 Hz. Cela correspond à une incertitude relative de seulement
5 parties dans 1013. Bien que cette incertitude soit très
petite, elle est plusieurs ordres de grandeur plus grande que tous les
décalages ou erreurs systématiques soupçonnés
dans la fréquence de la transition S1/2 - D5/2
attribuables aux perturbations de l'ion. Les erreurs de verrouillage
du laser de 674 nm au centre de la transition et les erreurs de la chaîne
de fréquences limitaient le niveau d'exactitude de nos mesures.
Des mesures faites récemment au CNRC et au National Physical Laboratory
(NPL) en Grande-Bretagne à l'aide d'un nouvel appareil
nommé le peigne de fréquences optiques ont permis de confirmer
les mesures faites par chaîne de fréquences et de réduire
son incertitude à 100 Hz.
Utilisations de l'étalon de fréquence à
un seul ion
Peu de temps après avoir mesuré la fréquence
de la transition S1/2 - D5/2, on s'est servi
de l'étalon à un seul ion pour mesurer d'autres
étalons de fréquence optique importants. On a mesuré
entre autres un étalon près de 1500 nm utilisé dans
le domaine des télécommunications par fibres optiques, et
un laser étalon au hélium-néon stabilisé à
l'iode de 633 nm utilisé partout dans le monde comme une
réalisation pratique du mètre du Système international
(Maintenir le mètre du SI ).
Le développement récent de peignes de fréquences
optiques (Le peigne de fréquences optiques)
a permis de mesurer la fréquence de presque n'importe quelle
source au laser optique stable à un niveau d'exactitude sans
précédent. On peut se servir des peignes de fréquences
optiques pour comparer rapidement et avec précision la fréquence
d'autres étalons optiques avec l'étalon à
un seul ion de 88Sr ou avec la réalisation de la seconde
du Système international sous forme de l'horloge atomique
au Cs. Il doit être également possible de se servir de l'ion
de 88Sr comme source de « tics » réguliers
chronométrés dans un nouveau genre d'horloge atomique – l'horloge optique. Le peigne de fréquences optiques
permet de compter chaque cycle du laser verrouillé à la
transition S1/2 - D5/2 du 88Sr, ce qui
n'est pas facile puisque 445 mille milliards de ces cycles sont
produits chaque seconde. On prévoit que ces horloges optiques,
se servant de l'ion de 88Sr comme source d'impulsions et du
peigne de fréquences optiques comme mécanisme d'horlogerie,
auront une reproductibilité et une stabilité nettement supérieures
à celles des meilleures horloges atomiques au césium.
![](/web/20061025173052im_/http://inms-ienm.nrc-cnrc.gc.ca/images/research_images/optical_comb/optical_2.gif)
Photographie du montage expérimental utilisé
pour produire un peigne de fréquences optiques couvrant un octave
dans la région de longueurs d'onde de 550 nm à 1100
nm. Des impulsions laser d'une durée de 30 à 50 femto-secondes
(10-15 s) générées à un taux de répétition
de 700 MHz par un laser à mode bloqués (pas montré)
sont focalisées dans une fibre microstructurée de 20 cm
de long. Les impulsions du laser Ti:sapphire sont centrées sur
une longueur d'onde d'environ 800 nm; elles apparaissent en
rouge sur la photographie. Au fur et à mesure que les impulsions
se propagent dans la fibre, de nouvelles couleurs apparaissent à
cause de l'automodulation de phase (un processus optique non-linéaire)
et la lumière à la sortie de la fibre apparaît jaune-vert.
Photographie
du laser Ti:sapphire à mode bloqués et de la fibre microstructurée
(à peine visible sur le côté inférieure-droit
de la boîte métallique) utilisés pour produire un
peigne de fréquences optiques couvrant un octave dans la région
de longueurs d'onde de 550 nm à 1100 nm. Le laser Ti:sapphire
(apparaissant dans la partie inférieure-gauche de la boîte
métallique) est pompé par un laser émettant une lumière
verte de haute puissance (pas montré). Un réseau de diffraction
fut utilisé pour étaler, sur un écran attaché
sur l'extérieur de la boîte, le spectre des couleurs
produit par la fibre. Seulement les portions rouges et vertes du spectre
apparaissent dans la photographie à cause de limitations dans le
processus de reproduction de l'image.
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