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Selena, une Éthopienne d'âge moyen, a senti une petite bosse
dans un sein. Elle ne parle ni le français, ni l'anglais. Lorsqu'elle décide d'aller voir un médecin pour en avoir le cœur net, elle
demande à sa fille de 12 ans de l'accompagner pour qu'elle lui serve d'interprète. Le docteur soupçonne un cancer, mais ne sait pas si
Selena tient à ce que sa fille le sache.
La barrière linguistique entre Selena et son médecin n'est qu'un exemple des nombreux défis que doivent surmonter les nouveaux arrivants
en matière de santé. Les obstacles vont bien au-delà de la langue. En effet, le système de santé, les fournisseurs de soins et souvent, à
leur insu, les patients eux-mêmes constituent un obstacle à l'accès aux soins de santé professionnels.
Des cliniques d'un bout à l'autre du pays tentent de changer les
choses
« ...la santé est un bien précieux, peu importe l'origine ou la langue parlée. »
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Le médecin de famille Kevin Pottie est l'un de ceux qui sont déterminés à améliorer les soins primaires et préventifs offerts aux
nouveaux arrivants. Au Centre de santé Élisabeth-Bruyère, situé dans le centre-ville d'Ottawa, le Dr Pottie et son équipe
multidisciplinaire de professionnels de la santé se spécialisent dans les soins de santé interculturels destinés aux nouveaux immigrants et
réfugiés. « Tous les Canadiens et Canadiennes devraient avoir accès à des soins de qualité. Les soins primaires, en particulier,
doivent être dispensés en fonction du vécu d'un patient, c'est-à-dire qu'on doit évaluer soigneusement son origine géographique et ses
antécédents culturels et personnels », explique le Dr Pottie.
L'équipe est composée de deux médecins de famille, d'une infirmière praticienne et d'une réceptionniste. Les services d'un pharmacien,
d'un spécialiste en maladies infectieuses et d'un spécialiste en maladies infectieuses infantiles sont également disponibles sur demande.
« Nous avons tous notre spécialité et nous nous complétons bien les uns les autres. Comme nos patients sont vus par le professionnel
de la santé approprié, nous contribuons à augmenter l'accès aux soins de santé de cette population », déclare Patricia Topp,
l'infirmière de l'équipe.
Chaque semaine, les professionnels de cette clinique spécialisée soignent des patients aux prises avec une gamme de problèmes qui
reflètent les défis que doivent relever couramment les nouveaux arrivants. Comme dans l'exemple plus haut, de nombreux immigrants
parlent difficilement le français ou
l'anglais et dépendent des autres pour communiquer leurs besoins. Lorsqu'un membre de la famille ou un ami doit servir d'interprète, il
se peut qu'il ait à traduire des renseignements personnels. Il arrive aussi qu'il fasse des erreurs d'interprétation ou qu'il ait de la
difficulté à expliquer un symptôme. Cette situation peut également donner lieu à des conflits d'intérêts. Par exemple, un mari n'est pas la
personne idéale pour traduire les questions et réponses concernant les expériences sexuelles antérieures de sa femme. Il est plus difficile
de gagner la confiance d'un patient lorsqu'il y a une barrière linguistique. Selon le Dr Pottie, « le fait d'être compris
et d'être apprécié contribue grandement à établir un climat de confiance et nous aide à comprendre les nuances culturelles et
linguistiques. » Parmi les autres problèmes auxquels se heurtent les nouveaux arrivants, on songe aux longues listes d'attente, au
racisme, à la discrimination, à la stigmatisation et au manque de suivi.
Êtes-vous un nouveau arrivant? Cherchez-vous de l'information-santé?
Si vous êtes un nouveau arrivant qui veut en savoir plus sur le système de santé canadien, visitez un des sites suivants :
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L'éducation est cruciale
Il est important d'aider les nouveaux arrivants à comprendre notre système de santé pour qu'ils puissent surmonter les obstacles qui les
empêchent d'obtenir les soins nécessaires. On peut, par exemple, expliquer l'importance de passer régulièrement des examens médicaux. On
peut leur montrer comment prendre un rendez-vous chez le médecin et faire remplir une ordonnance. Dans le cadre de son exercice quotidien,
la clinique explique les rouages du système de
santé canadien et les pratiques en matière de promotion de la santé. « Il est essentiel d'assurer un suivi lors de chaque visite
pour que les nouveaux arrivants apprennent à se prévaloir adéquatement des services de santé », déclare Patricia Topp.
Outre les soins préventifs routiniers, la clinique offre aux immigrants qui retournent dans leur pays d'origine pour visiter parents et
amis des renseignements sur les maladies contractées à l'étranger. Ces immigrants courent un plus grand risque que les Canadiens d'origine
de contracter certaines maladies dans leur
pays comme la malaria, la typhoïde, l'hépatite ainsi que les autres maladies pouvant être prévenues par la vaccination. En effet, il
est plus probable qu'ils soient exposés aux conditions locales et moins probable qu'ils se fassent vacciner avant de partir. Résultat : le
taux de mortalité peut être nettement supérieur chez cette population. Pourtant, bon nombre de ces maladies peuvent être guéries ou même
prévenues en prenant les mesures nécessaires, en se faisant vacciner par exemple ou en s'informant des risques auprès d'un médecin.1
Non seulement cette clinique spécialisée est-elle une source de renseignements pour les nouveaux arrivants, mais elle représente aussi
un milieu d'apprentissage unique pour les étudiants en médecine, les résidents et les infirmières praticiennes en formation. En effet, ces
groupes peuvent constater d'eux-mêmes les victoires que remportent les immigrants et les professionnels de la santé, mais aussi les défis
qu'ils doivent relever quotidiennement.
Guide de promotion de la santé pour les nouveaux arrivants
Si vous êtes un nouveau Canadien, vous pouvez adopter des habitudes de vie saine de bien des façons.
Saine alimentation
- Demandez au personnel d'un restaurant ou aux personnes de la même origine ethnique que vous où ils achètent leur nourriture. Vous
pourrez ainsi préparer des plats traditionnels en famille.
- Joignez-vous à une coopérative d'alimentation par l'entremise de laquelle vous pouvez acheter de la nourriture en vrac.
- Joignez-vous à une cuisine collective où les membres planifient et cuisinent ensemble des repas.
- Apprenez à reconnaître quand les fruits
et légumes du Canada sont en saison. Ils sont plus économiques et ont meilleur goût lorsqu'ils sont frais.
- Évitez de tomber dans le panneau de la malbouffe. Bien que cette nourriture soit économique et rapide, elle contient souvent des
quantités excessives de sucre et de gras.
Vie active
- Essayez de faire au moins une demi-heure d'activité physique par jour.
- Joignez-vous à un club de marche. En plus d'être économique, la marche est
un des meilleurs exercices.
- Jouez au soccer avec vos enfants ou avec les enfants de vos voisins.
- Renseignez-vous auprès de votre centre récréatif local pour connaître les activités offertes.
- Participez à un jardin
communautaire.
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Demeurer en santé en prévenant les maladies et les blessures
Outre son rôle de directeur, le Dr Pottie est également à la tête
d'un réseau
national de professionnels de la santé et d'agents de santé multiculturels
déterminés à améliorer les soins préventifs pour les immigrants. Un grand nombre
d'immigrants ne connaissent pas bien les notions occidentales de prévention
de la maladie et de promotion de la santé. Mais, cela ne veut pas dire qu'ils
ne s'intéressent pas à ces concepts, s'empresse d'ajouter le Dr Pottie.
« Les habitudes de vie dépendent de la provenance d'une personne, ajoute-t-il.
Ces nombreux immigrants sont très conscients de leur état de santé et montrent
un intérêt à cet égard. Leur approche diffère tout simplement de la nôtre. Nous
devons respecter ces différences et collaborer avec eux en leur offrant d'autres
options au fur et à mesure qu'ils apprennent à s'intégrer dans le milieu canadien.
Le régime alimentaire et l'exercice sont des exemples classiques. Bon nombre
d'immigrants viennent de pays plus chauds où ils étaient plus actifs physiquement
et où des aliments frais locaux faisaient partie de leur quotidien. Ce n'est
pas facile pour eux de s'adapter à notre climat et à notre nourriture. »
Afin d'aider les praticiens des soins de santé primaires et les communautés immigrantes qu'ils desservent, le Dr Pottie et son équipe de
recherche ont élaboré un guide exhaustif de soins préventifs. Le guide souligne les problèmes de santé particuliers des immigrants, y
compris le traumatisme subi par l'exil, l'exposition à la torture et à la violence et les maladies infectieuses évitables, comme la
tuberculose, l'hépatite et la malaria. En évaluant rapidement la santé des nouveaux arrivants, en leur offrant une vaccination préventive
et en les conseillant sur les modes de vie sains, les professionnels de la santé peuvent aider ces personnes à mieux s'adapter à leur
nouvelle vie.
De l'espoir pour l'avenir
La vision du Dr Pottie se résume ainsi : « Dans 20 ans, j'espère voir des professionnels de la santé, des décideurs et des
représentants communautaires d'origine culturelle et linguistique diverse. L'immigration restera une démarche stressante, mais nous pouvons
alléger un peu ce stress en éliminant certains obstacles, particulièrement dans les services de santé ».
« La grande majorité de notre population immigrante souhaite sincèrement contribuer à la croissance du Canada, fait observer le
Dr Pottie. Il n'est pas déraisonnable ni utopique de vouloir leur offrir les mêmes soins de santé de qualité et le même accès
dont profitent tous les autres Canadiens. »
Les nouveaux arrivants sont généralement très empressés de s'adapter à leur nouveau pays. L'appui de leurs concitoyens les aide beaucoup
dans leur parcours. Le respect de leur droit à la santé constitue un excellent point de départ. Comme le dit le Dr Pottie, « la
santé est un bien précieux, peu importe l'origine ou la langue parlée ».
1 Preparing for Diversity: Improving Preventative Health Care for Immigrants, de Kevin Pottie, Institut de recherche
sur la santé des populations, Université d'Ottawa, Lucenia Ortiz, coopérative des agents de santé multiculturels d'Edmonton et Aleida ter
Kuile, Centre de recherche sur la santé mondiale, Institut de recherche sur la santé des populations, Université d'Ottawa.
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