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TRADUCTION

 

COMMISSION DES PLAINTES DU PUBLIC CONTRE LA GRC

 

 

RAPPORT INTÉRIMAIRE DE LA PRÉSIDENTE

EN VERTU DU PARAGRAPHE 45.43(3)
À LA SUITE D'UNE ENQUÊTE D'INTÉRÊT PUBLIC MENÉE
AUX TERMES DU PARAGRAPHE 45.43(1)

SUIVANT LA PLAINTE DE LA PRÉSIDENTE AU SUJET D'UNE
POURSUITE PRÉSUMÉE

 

 

Le 31 mars 2003               

No de dossier :  PC-2002-0107

 
 
RAPPORT INTÉRIMAIRE DE LA PRÉSIDENTE À LA SUITE D'UNE ENQUÊTE D'INTÉRÊT PUBLIC

CONTEXTE

Le 10 janvier 2002, vers 8 h 30, un véhicule utilitaire sport de couleur noir de marque Nissan Pathfinder (VUS) a été volé dans l'entrée de cour de M. Satvir Atwal. Dès lors, M. Atwal a communiqué avec la GRC de Surrey. Un avis concernant le véhicule volé a été envoyé aux autos-patrouilles qui se trouvaient dans les environs. Le caporal Appleton et le gendarme Tamashiro (en tenue civile et conduisant une fourgonnette non identifiée de couleur vert) ont retrouvé le véhicule dans le stationnement du mail Evergreen vers 8 h 50. Ils ont suivi le VUS qui se dirigeait en direction est sur l'autoroute Fraser, dans la circulation passablement dense, et ils se sont immobilisés derrière le VUS au feu rouge (dans une voie de virage à gauche) à l'angle de la 160 Street et de l'autoroute Fraser. Les policiers avaient appelé une auto-patrouille identifiée et c'est alors que la gendarme Potvin (surveillante de la circulation) a répondu à l'appel et s'est immobilisée derrière leur fourgonnette verte. Le gendarme Stovern, qui se dirigeait en direction sud sur la 160 Street, avait également répondu à l'appel en les avisant qu'il tenterait de coincer le VUS à l'intersection avant que le feu de circulation change au vert. Cependant, au moment où le gendarme Stovern est arrivé à l'intersection, le feu de circulation est devenu vert et le VUS a alors changé de voie et a continué son chemin sur l'autoroute Fraser en direction est. Les trois autos-patrouilles ont suivi le VUS volé et, peu de temps après, lorsqu'il a entamé un virage à droite sur la 168 Street (direction sud), le véhicule est entré en collision avec le véhicule de Mme Petersen. Le suspect a été arrêté sur les lieux au moment où il sortait du VUS volé. La conduite particulière des membres, après que le suspect s'est enfui, fait l'objet de cette enquête. Les témoins présents sur les lieux ont affirmé aux médias qu'ils savaient et qu'ils croyaient qu'il s'agissait d'une poursuite; cependant, à la suite de cet événement, la GRC a diffusé certains renseignements selon lesquels il n'y avait jamais eu de poursuite.

PLAINTE

Le 28 février 2002, Mme Heafey, la présidente de la Commission des plaintes du public contre la GRC, a déposé une plainte selon laquelle : [traduction] « des membres non identifiés de la GRC se sont mis à la poursuite d'un véhicule volé sans le moindre souci pour la sécurité publique, ce qui va à l'encontre de la politique courante; ils ont nié s'être engagés dans une poursuite et n'ont pas signalé la poursuite conformément à la politique courante. »

EXAMEN DES PLAINTES PAR LA COMMISSION

La Commission a interviewé :
· Le propriétaire du VUS, M. Satvir Atwal.
· Les victimes de l'accident : Mme Wanda Pedersen, sa fille, Mme Pamela Pedersen et son fils, M. David McPhail.
· Les témoins de l'accident et/ou de la conduite des membres avant l'accident : Mme Brenda McKitrick, M. Adrian Plante, M. John Higginson, M. Richard Newman and Mme Dominique Pattinier.
· Le conducteur du VUS qui s'est enfui.
· Les membres du détachement de Surrey qui ont participé à l'incident : le caporal Ron Appleton, le gendarme Tatsushi Tamashiro, la gendarme Monique Potvin, le gendarme Shane Stovern, le gendarme Terry Sielsky et le sergent Cam Scott.
· Le répartiteur radio (un employé de la ville de Surrey qui travaille pour la GRC de Surrey), M. Ian Lorette.
· Les membres de la GRC de Surrey qui sont arrivés sur les lieux de l'accident par la suite : le gendarme Darcy Cartier et le gendarme Mike Marchesini.

De plus, la Commission a examiné les rapports de continuation et les carnets de notes des membres de la GRC en ce qui concerne l'incident sous examen, l'audio-cassette du bureau du répartiteur et sa transcription, les déclarations des témoins qui se trouvaient sur les lieux de l'accident, le rapport à l'avocat de la Couronne, les transcriptions de l'audience du tribunal, la note documentaire de la GRC à l'intention du Commissaire, la note documentaire de la GRC à l'intention du Solliciteur général, ainsi que les documents et le dossier opérationnel pertinents.

PREUVES

En ce qui concerne l'enchaînement des événements, la preuve au dossier révèle que le caporal Appleton et le gendarme Tamashiro ont aperçu le véhicule suspect dans le terrain de stationnement du mail Evergreen. Bien qu'ils aient suivi le véhicule suspect à une certaine distance et qu'ils aient appelé une auto-patrouille identifiée, ils se sont immobilisés derrière le suspect dans une voie de virage à gauche à l'angle de la 160 Street et l'autoroute Fraser. Lorsqu'ils étaient arrêtés au feu rouge, les deux policiers ont maintenu la communication par radio et ont remarqué que le suspect les observait dans son rétroviseur. Le suspect affirme qu'il a observé les policiers lorsque ceux-ci communiquaient à la radio et que, malgré le fait que leur véhicule était non identifié, il s'est rendu compte qu'ils étaient des policiers. À ce moment-là, la gendarme Potvin, qui répondait à l'appel et qui conduisait une auto-patrouille identifiée, s'est immobilisée dans la voie de virage derrière le véhicule du caporal Appleton. Au même moment, le gendarme Stovern (qui avait également répondu à l'appel) se dirigeait en direction sud sur la 160 Street pour tenter de coincer le véhicule suspect à l'intersection avant que le feu de circulation change au vert. Cependant, lorsque le gendarme Stovern est arrivé à l'intersection, le feu est devenu vert et il a remarqué que le suspect le regardait et qu'il a accéléré soudainement en direction est sur l'autoroute Fraser. Le suspect a affirmé qu'il croyait qu'ils tenteraient de le coincer et que, lorsque le feu de circulation est devenu vert, il a arrêté son clignotant gauche et a traversé l'intersection en accélérant. Il affirme que les policiers qui se trouvaient derrière lui ont alors activé leurs gyrophares et il a : [traduction] « mis le pied au plancher ».

Les policiers ont confirmé qu'ils ont activé (ou tenté d'activer) leur équipement de secours complet et qu'ils ont suivi le suspect qui traversait l'intersection. Bien que le gendarme Stovern avait activé l'ensemble de son équipement de secours, la gendarme Potvin n'avait activé que ses gyrophares, puisqu'elle avait allumé le bouton de la radio par erreur au lieu d'allumer celui de la sirène, et le véhicule non identifié du caporal Appleton était équipé de gyrophares seulement. Après avoir traversé l'intersection, le caporal Appleton s'est arrêté sur le bord de la route et a dit à la gendarme Potvin d'aller devant étant donné qu'elle conduisait une auto-patrouille identifiée. La gendarme Potvin et le gendarme Stovern, qui avaient activé l'ensemble de leur équipement de secours, ont dépassé le caporal Appleton du côté gauche. Ce dernier s'est engagé à nouveau sur la route avec ses gyrophares activés. La gendarme Potvin affirme qu'elle a vu le véhicule suspect qui se dirigeait de la voie en direction ouest vers la voie en direction est et ensuite sur l'accotement. Puisqu'il était tôt le matin et qu'il y avait beaucoup de circulation, elle a appelé à la radio en disant : [traduction] « je ferme tout, il conduit dangereusement. » Elle s'est alors immobilisée sur le bord de la route pour désactiver son équipement de secours. Son message n'a pas été enregistré sur l'audio-cassette du bureau du répartiteur et n'a pas été entendu par les autres policiers étant donné qu'elle avait changé de canal par erreur lorsqu'elle avait tenté d'activer ses gyrophares et le message a été transmis sur le canal sud à l'opposé du canal nord. Cependant, au même moment ou presque, les policiers ont reçu un ordre du répartiteur leur disant : [traduction] « le sergent (d'état-major Scott) affirme que s'il s'agit d'une poursuite, il faut l'arrêter, désactiver l'équipement. » Le gendarme Stovern a répondu en disant : « 10-4 ».

Le gendarme Stovern affirme qu'il a désactivé son équipement de secours, a ralenti et s'est placé à côté de la gendarme Potvin, sans s'arrêter. Il a alors pris de la vitesse et a atteint la vitesse limite et, lorsqu'il est arrivé à l'intersection de la 164 Street, il s'est immobilisé au feu rouge et il est reparti en traversant le feu rouge sans activer son équipement de secours. Après avoir traversé l'intersection, le véhicule suspect n'était plus en vue et il a entendu quelqu'un à la radio qui demandait des nouvelles au sujet d'un accident. En arrivant près de la 168 Street, il a aperçu un nuage de poussière et a activé son équipement de secours de nouveau pour se rendre sur les lieux de l'accident. Le caporal Appleton affirme qu'après avoir entendu le message du répartiteur, soit de « tout désactiver », il s'est rangé à la courbe pour désactiver ses gyrophares et s'est arrêté. Par la suite, il s'est engagé sur la route de nouveau sans son équipement de secours. Il s'est dirigé dans la direction dans laquelle le véhicule suspect s'était enfui et s'est retrouvé à trois véhicules du gendarme Stovern. Il pouvait voir le véhicule suspect qui était rendu près de la 165 et de la 166 Street. Au moment de s'immobiliser au feu rouge à l'intersection de la 164 Street, le répartiteur a dit qu'un accident venait de se produire; le caporal Appleton a donc activé ses gyrophares de nouveau pour se rendre sur les lieux de l'accident. La gendarme Potvin a déclaré qu'elle est restée sur l'accotement où elle s'était arrêtée lorsqu'elle avait décidé de « tout fermer ». Lorsqu'elle a appris que le VUS avait « percuté », elle s'est rendue sur les lieux de l'accident. 

Le suspect a affirmé que les policiers l'ont poursuivi à haute vitesse pendant environ deux minutes. Il dit qu'il avait peur et que, lorsqu'il a tenté d'emprunter une voie de virage à la droite de l'autoroute Fraser, le VUS a continué en ligne droite et il est entré en collision avec un autre véhicule. Lorsqu'on lui a demandé s'il était au courant de la présence des policiers et s'il pouvait les voir jusqu'à ce que l'accident se produise, il a déclaré : [traduction] « Oh oui, ils se trouvaient immédiatement derrière moi. »

Mme Pattinier s'était arrêtée au feu rouge à l'angle de la 164 Street et de l'autoroute Fraser lorsque le VUS, qui roulait à toute vitesse, est passé à côté d'elle en empruntant la voie de virage à gauche. Elle a remarqué qu'une auto-patrouille qui se trouvait derrière elle ou à sa gauche a activé ses gyrophares et a suivi le VUS, mais elle ne croyait pas qu'il s'agissait d'une poursuite. Un autre témoin, Mme McKitrick, a déclaré qu'elle traversait à l'angle de la 168 Street et de l'autoroute Fraser lorsqu'elle a entendu le bruit d'un klaxon qui provenait d'un camion qui roulait dangereusement et à toute vitesse. Le véhicule l'a évitée, mais a frappé un véhicule qui était arrêté dans la voie en direction nord. Elle affirme qu'une auto-patrouille qui roulait en direction nord est arrivée quelques secondes par la suite (en se plaçant contre la porte du suspect et en l'évitant de justesse lorsqu'il est sorti du véhicule) et environ trois autres autos-patrouilles sont arrivées en l'espace d'une minute. Elle a aidé la famille Pedersen à sortir de leur véhicule et a parlé à un policier qui s'était approché pour vérifier si les Pedersen étaient blessés. Elle lui a dit oui et lui a demandé si un ambulancier avait été appelé; le policier lui a affirmé que oui. Elle lui a demandé s'il s'agissait d'une poursuite policière  et il a répondu oui, mais qu'on y avait mis fin. Lorsqu'elle a répliqué : « un peu trop tard », le policier est parti. Trois autres témoins, M. Adrian Plante, M. Richard Higginson et M. Richard Newman, conduisaient en direction nord sur la 168 Street lorsqu'ils ont aperçu le VUS prendre le tournant et frapper le véhicule des Pedersen. M. Plante a vu une auto-patrouille qui avait ses gyrophares allumés et qui s'approchait du VUS d'une distance d'une voiture toutes les cinq ou six secondes en suivant le suspect d'une façon qui, selon lui, semblait être une « poursuite prudente ». Par la suite, ils ont tous vu une auto-patrouille qui les dépassait et qui a bloqué la porte du conducteur du VUS. Le policier est sorti de son véhicule avec son arme dégainée pour arrêter le suspect. M. Higginson et M. Newman croient que la première auto-patrouille à arriver sur les lieux, mis à part l'auto-patrouille qui les a dépassés, était la fourgonnette verte non identifiée.

Le gendarme Sielsky affirme qu'il conduisait en direction nord sur la 168 Street pour venir en aide aux membres du District 2 au sujet du véhicule vole. Il se trouvait à une rue de l'autoroute Fraser lorsqu'il a aperçu un VUS qui tentait de tourner vers la droite sur la 168 Street. Il a vu le véhicule perdre le contrôle parce qu'il roulait trop vite; celui-ci a frappé le terre-plein central et une colonne d'alimentation par la suite. Il ne savait pas à ce moment-là que le VUS venait de frapper un autre véhicule. Il s'est approché vers l'avant du VUS immobilisé et a frappé la porte du véhicule au moment où le suspect sortait du véhicule; le suspect est tombé sur le capot de l'auto-patrouille. Le gendarme Sielsky est sorti de son véhicule avec son arme dégainée, a retiré le suspect du capot de son véhicule et l'a maintenu au sol jusqu'à ce que d'autres membres arrivent pour l'aider à le fouiller et à lui passer les menottes. Il ne sait pas quel véhicule de police est arrivé sur les lieux en premier, mais il croit que le gendarme qui est arrivé en l'espace de près d'une minute et qui l'a aidé à passer les menottes au suspect était le gendarme Tamashiro.

Le gendarme Stovern affirme qu'il était le premier à arriver sur les lieux et il a aidé le gendarme Sielsky à retirer le suspect du capot de l'auto-patrouille et à le menotter. Ensuite, il s'est dirigé vers le véhicule des Pedersen afin de vérifier s'ils étaient blessés. Il affirme que Mme Pedersen était sous le choc et qu'elle ne parlait pas beaucoup, et il lui a conseillé de ne pas bouger, que l'ambulance arriverait bientôt et que tout irait bien. Le caporal Appleton et le gendarme Tamashiro affirment tous les deux que le gendarme Sielsky et le gendarme Stovern étaient sur les lieux et qu'ils passaient les menottes au suspect lorsqu'ils sont arrivés. La gendarme Potvin déclare qu'en arrivant sur les lieux de l'accident, elle a commencé à chercher des témoins puisque le suspect avait déjà été appréhendé.

Mme Pedersen ne se souvient pas d'avoir entendu le bruit de klaxons ou de sirènes avant l'accident. La première chose dont elle se souvient après l'accident est le fait qu'une femme lui a parlé de l'extérieur de son véhicule et que son fils l'a aidé à sortir du véhicule. Elle ne se rappelle pas avoir vu les policiers arriver, mais elle les a aperçus sur les lieux lorsqu'elle était assise près de la courbe. Elle se rappelle que la femme qui l'avait aidée criait après les policiers au sujet d'une poursuite et que quelqu'un sur les lieux a dit qu'on avait mis fin à la poursuite. Mme Pedersen a reçu de nombreuses blessures à la suite de l'accident, notamment quatre côtes fêlées, des blessures au cou, des dommages aux tissus et aux ligaments, ainsi que de nombreuses coupures et éraflures au visage et aux bras à cause des morceaux de vitre éclatée. Elle dit qu'une policière s'est rendue à l'hôpital et lui a dit qu'elle prendrait en note sa déclaration le lendemain, mais que personne n'a communiqué ave elle pour obtenir sa déclaration. Son fils, David McPhail, affirme que la première chose qu'il a vue après avoir été frappé était trois ou quatre véhicules de police qui ont freiné brusquement en l'espace de 15 à 20 secondes. Il n'a pas entendu de klaxon ou de sirène et n'a vu aucun gyrophare. Les policiers sont passés près de son véhicule en courant pour appréhender le suspect. Il a entendu une femme sur les lieux qui criait après les policiers en leur demandant s'il s'agissait d'une poursuite, et il croit que l'un d'eux a répondu : [traduction] « non - nous y avons mis fin. » Lorsqu'il s'est approché de l'un des policiers pour lui demander si quelqu'un pouvait aider sa mère, les policiers lui ont dit qu'ils avaient d'autres choses à faire avant, malgré le fait que le suspect était déjà menotté. M. McPhail a fourni une déclaration à un policier une fois rendu à l'hôpital. Pamela Pedersen a déclaré qu'il n'y a eu aucun avertissement avant l'accident et qu'elle n'a pas entendu le bruit d'une sirène. Son frère l'a aidé à sortir du véhicule et elle a appelé le 911 à l'aide de son téléphone cellulaire. Bien qu'elle n'ait pas vu les policiers arriver, elle a remarqué qu'ils étaient sur les lieux lorsqu'elle parlait au téléphone et était étonnée du fait qu'ils étaient arrivés si rapidement. Elle croit qu'il ne s'est écoulé que 15 à 20 secondes entre le temps qu'il lui a fallu pour sortir du véhicule et le moment qu'elle a vu les policiers sur les lieux. Les policiers se sont précipités vers le suspect et l'ont menotté. Elle affirme qu'aucun des policiers ne s'est approché d'eux, seul l'ambulancier est allé les voir; cependant, avant de partir dans l'ambulance, un policier s'est approché pour leur demander leurs noms. À l'hôpital, un policier a noté sa déclaration.

En ce qui concerne la mention d'une « poursuite » dans les documents complétés après l'incident sous examen, le rapport d'enquête de la police au sujet d'un accident de circulation impliquant des véhicules à moteur énonce : [traduction] « Le conducteur du véhicule no 1 a volé  le véhicule et tentait de s'enfuir de la police. ***aucune poursuite policière*** ». Le rapport de continuation du gendarme Stovern, daté du 10 janvier 2002, indique que lorsque le suspect s'est enfui et qu'on l'a vu dépasser la marque du 100 km/h, les membres ont désactivé leur équipement de secours et la « poursuite » s'est arrêtée. Le rapport à l'avocat de la Couronne  du caporal Appleton, daté du 11 janvier 2002, indique que l'accusé a décollé à haute vitesse et que le caporal s'est arrêté sur le bord de la route pour laisser passer les autos-patrouilles identifiées. Le rapport énonce également : [traduction] « Étant donné la circulation et le moment de la journée, les véhicules de police ont tous désactivé leur équipement de secours et ont mis fin à la "poursuite" une fois rendus dans les environs du bloc 16200 de l'autoroute Fraser. » Les notes du caporal Appleton qui traitent de cet incident indiquent aussi que la « poursuite » a été arrêtée dans les environs du pâté 16200. Les notes documentaires de la GRC à l'intention du Solliciteur général, datées du 27 février 2002, indiquent que les médias prétendent que la Gendarmerie n'est pas tout à fait franche, à savoir si ses membres ont en effet poursuivi le véhicule suspect et la CPP a annoncé qu'elle mènera une « enquête dans l'intérêt public » à ce sujet. Le contexte des notes souligne qu'une fois que les membres ont activé leur équipement de secours et que le caporal Appleton s'est arrêté sur le bord de la route pour laisser passer les autos-patrouilles identifiées, le suspect s'est dirigé en direction des véhicules venant en sens inverse. Le rapport indique : [traduction] « le fait d'avoir évalué la conduite de l'accusé, les conditions de la circulation et le moment de la journée sont des facteurs qui ont fait en sorte que les membres ont dès lors désactivé leur équipement de secours, ont mis fin à la « poursuite » et se sont arrêtés sur le bord de la route au ou avant le bloc 16200. »

En ce qui a trait à la question selon laquelle une poursuite a été engagée ou non, le caporal Appleton, le gendarme Tamashiro, le gendarme Stovern et la gendarme Potvin ont tous affirmé, lors d'une entrevue qui s'est déroulée environ 10 mois après l'incident, qu'ils ne croyaient pas qu'une poursuite avaient eu lieu; par conséquent, il n'était pas nécessaire de remplir le formulaire 2088 (rapport d'une poursuite) comme l'exige la politique. Lorsque les policiers qui avaient utilisé le terme « poursuite » dans leurs rapports ou leurs notes ont été interrogés à ce sujet, ils ont répondu qu'il s'agissait simplement du jargon policier ou d'un mauvais choix de mot. Le sergent Scott, qui était l'officier de service ce jour-là, a affirmé qu'aussitôt qu'il a appris que leurs membres avaient aperçu un véhicule volé, il leur a conseillé : [traduction] « allez, désactivez tout, s'il s'agit d'une poursuite - désactivez tout ». Par la suite, une des autos-patrouilles lui a confirmé qu'ils y avaient mis fin et qu'ils s'étaient arrêtés. Il indique qu'il n'était pas au courant à ce moment-là du fait qu'une poursuite avait peut-être eu lieu, mais il a laissé savoir aux membres que s'il y avait eu une poursuite, ils devaient y mettre fin immédiatement. Le sergent a aussi affirmé qu'il était d'avis qu'il ne s'agissait pas d'une poursuite; par conséquent, les formulaires 2088 n'étaient pas nécessaires.

ANALYSE

La Commission demeure préoccupée par le danger que peuvent causer les poursuites policières pour les membres du public et la police, et est vouée à l'examen des incidents au cours desquels le public semble avoir été à risque. Il ne suffit que d'examiner les photographies des dommages causés au véhicule de Mme Pedersen pour se rendre compte que l'on est passé à deux doigts de causer un décès dans la famille Pedersen.

En ce qui concerne l'incident sous examen, l'audio-cassette du bureau du répartiteur confirme que le laps de temps qui s'est écoulé entre l'accélération du suspect et sa collision avec le véhicule des Pedersen était d'une minute et 13 secondes. 

La preuve au dossier révèle qu'aussitôt que le suspect a accéléré, les policiers qui se trouvaient à l'intersection ont activé leur équipement de secours et ont suivi le suspect qui traversait l'intersection. Il est clair que le caporal Appleton s'est arrêté sur le bord de la route une fois passé l'intersection et qu'il a dit à la gendarme Potvin de prendre la tête avec son auto-patrouille identifiée - ce qui est conforme aux exigences de la politique relative aux poursuites. Le gendarme Stovern et elle ont poursuivi le suspect, tout en ayant leur équipement de secours activé, et le caporal Appleton s'est engagé sur la route de nouveau, ses gyrophares activés. En ayant observé la conduite dangereuse du suspect, la gendarme Potvin a décidé de transmettre un message par radio selon lequel « elle désactivait tout » (message envoyé sur le mauvais canal toutefois) et elle s'est arrêtée sur le bord de la route et a désactivé son équipement. Les autres membres qui suivaient la gendarme Potvin n'ont pas entendu son message; cependant, le répartiteur a transmis simultanément, ou presque, le message du sergent Scott, soit « s'il s'agit d'une poursuite, il faut tout arrêter, arrêtez tout. » L'audio-cassette du bureau du répartiteur confirme que le gendarme Stovern a répondu à ce message en disant « 10-4 ». Le gendarme Stovern a dès lors désactivé ses gyrophares, mais il ne s'est pas arrêté; il a ralenti pour pouvoir se placer à côté de la gendarme Potvin et a ensuite continué sa route dans la direction dans laquelle le suspect s'était enfui. Le caporal Appleton, qui avait désactivé ses gyrophares, s'est immobilisé sur le bord de la route, s'est engagé sur la route de nouveau et s'est dirigé dans la direction dans laquelle le suspect s'était enfui. La gendarme Potvin croit qu'elle était immobilisée sur le bord de la route jusqu'à ce qu'elle apprenne qu'un accident s'était produit.

Je suis d'avis, selon l'enchaînement des événements signalés et les documents ponctuels rassemblés à la suite de cet incident, qu'une poursuite a été engagée, mais que l'on y a mis fin rapidement. Ainsi, les policiers auraient dû remplir les formulaires 2088, tel que l'exige la Politique nationale en matière de poursuites. Il est dommage que la GRC nie le fait qu'une poursuite a eu lieu, car je crois que la gendarme Potvin, qui était la surveillante de la circulation cette journée-là, et le sergent Scott, qui était l'officier de service, ont agi de manière appropriée en ce qui concerne l'évaluation du risque et la prise de décision - aptitudes qui font partie intégrante des politiques relatives aux poursuites. Ces deux policiers ont mis fin à la poursuite en tenant compte du risque que présentait le suspect pour le public, étant donné que la circulation était dense à cet endroit. À mon avis, la durée pour le moins courte de cette poursuite est également la preuve que les mesures de protection mises en place pour les poursuites ont été suivies de façon efficace dans ce cas. Même si la décision de la gendarme Potvin en tant que véhicule chef de « désactiver le tout » n'a pas été entendue par les autres policiers, l'officier de service qui surveillaient les répartiteurs de façon simultanée a donné le même ordre et la poursuite s'est terminée. Le laps de temps qui s'est écoulé entre le début de la poursuite et l'ordre de tout arrêter était de 31 secondes - il s'agit là d'une autre preuve qui révèle que ces policiers ont vite évalué le danger que causait cette situation et qu'ils ont agi de façon appropriée.

Malheureusement, lorsqu'une poursuite est engagée, la conduite du suspect et sa façon de voir les choses ont souvent un impact sur le résultat de l'incident, même si on a mis fin à la poursuite. D'après l'entrevue du suspect, il est clair qu'il croyait que la police se trouvait derrière lui tout le long de la poursuite. Bien que la preuve révèle que les policiers qui ont continué à le suivre après qu'ils ont reçu l'ordre de mettre fin à la poursuite (tel que le permet la politique) ne se trouvaient pas directement derrière lui, il est raisonnable de supposer que le suspect pouvait toujours les voir, étant donné que les policiers ont affirmé voir le VUS jusqu'au bloc de la 164 Street. Le rapport de 1996 du Dr Geoffrey Alpert du National Institute for Justice intitulé « Police Pursuit : Policies and Training »  est étroitement lié à cette question. Ce rapport met en lumière la première étude portant sur les poursuites dans laquelle les suspects qui s'étaient enfuis de la police dans les poursuites à grande vitesse ont été interviewés. Les résultats d'entrevues de quelque 146 suspects ont démontré que plus de 70 pour cent des suspects ont dit qu'ils auraient ralenti et se seraient mêlés à la circulation lorsqu'ils se seraient sentis en sécurité, que la poursuite se soit déroulée sur une autoroute ou dans une ville. Tel qu'il l'a été défini, se sentir en sécurité est le fait de distancer la police de 2,2 blocs lorsqu'on parle de rues et de 2,3 miles (3,2 kilomètres) lorsque la poursuite a lieu sur une autoroute. Dans ce cas-ci, la distance entre la décision de mettre fin à la poursuite et le lieu de l'accident était de six blocs; cependant, la façon dont le suspect voyait les choses et/ou la confirmation visuelle selon laquelle la police le suivait toujours a pu avoir une incidence sur sa vitesse. Je note que la note documentaire de la GRC à l'intention du Solliciteur général traite d'un élément semblable : [traduction] « Toutefois, il semblerait que l'accusé, toujours conscient que la police le poursuivait, a continué sa route à partir de l'endroit où la poursuite s'est arrêtée en conduisant dangereusement et à haute vitesse. » Je note également que 37 secondes se sont écoulées entre la confirmation de mettre fin à la poursuite et la collision du suspect. Ce laps de temps était peut-être trop court pour que le suspect ait le temps de ralentir, que la police ait été en vue ou non.
 
À la lumière de la preuve empirique en ce qui concerne la perception et la conduite des suspects, je suis préoccupée par le fait que la politique courante de la GRC permet aux membres de suivre un suspect une fois qu'une poursuite est arrêtée. Je crois que bon nombre de politiques relatives aux poursuites interdisent cette pratique et, par conséquent, j'ai l'intention d'examiner cette question davantage.

Cependant, cet incident regrettable démontre à quel point toute poursuite est dangereuse, quelle que soit sa durée. Les poursuites déclenchent une série d'événements qui, tel qu'il en est le cas ici, peuvent évoluer sans tenir compte des évaluations du risque et des décisions raisonnables des policiers. Ainsi, je réitère mon engagement en ce qui concerne la surveillance de cette question importante que sont les poursuites et leur incidence sur la sécurité du public et celle de la police.

COMMENTAIRES

J'aimerais attirer l'attention de la GRC sur le fait que les membres de la famille Pedersen croient qu'aucun des nombreux membres sur les lieux de l'accident se sont occupés d'eux. Quoiqu'il semblerait que le gendarme Stovern se soit approché de leur véhicule à un certain moment afin de voir si quelqu'un avait été blessé, il est clair que la famille Pedersen s'est sentie délaissée par la police et, qui plus est, elle estime que les policiers qui se trouvaient sur les lieux se sont montrés indifférents à leur égard. Bien qu'il existe de nombreuses tâches à exécuter sur les lieux d'un accident, tel que diriger la circulation, identifier les témoins, etc., et puisque huit membres de la GRC sont arrivés sur les lieux quelques minutes plus tard, la famille Pedersen se serait sentie rassurée si au moins un des membres s'était occupé d'eux jusqu'à ce que l'ambulance arrive.

 

                                             

___________________________
présidente

Shirley Heafey
Présidente
Commission des plaintes du public contre la GRC
C.P. 3423, succursale D
Ottawa (Ontario)
K1P 6L4


 

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Date de création : 2003-09-18
Date de modification : 2003-09-18 

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