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Les poursuites policières et la sécurité du public

Un rapport de la Commission des plaintes du public contre la GRC
Automne 1999

Résumé

Le présent rapport met en évidence les dangers que posent les poursuites automobiles effectuées par la GRC et souligne qu'au cours des poursuites menées sur une période de cinq ans, 32 p. 100 d'entre elles se sont soldées par une collision, 14 p. 100 ont causé des blessures et 19 personnes ont trouvé la mort.

Devant un tel bilan, la Commission des plaintes du public contre la GRC a demandé à M. Geoffrey Alpert, un expert de renom dans le domaine, de mener une étude.

La Commission et M. Alpert concluent que la politique nationale de la GRC en vigueur actuellement est à la fois vague et déroutante et que les membres de la GRC ne reçoivent pas une formation convenable, uniforme et permanente sur ce sujet.

Les quelques études et décisions du tribunal citées dans ce rapport démontrent également que des changements s'imposent pour protéger la sécurité du public.

La politique de la GRC comporte une lacune principale en ce sens qu'elle ne tient pas suffisamment compte de la gravité de l'infraction avant d'autoriser la poursuite d'un suspect. Des poursuites qui sont dangereuses sont trop souvent lancées pour des infractions d'ordre mineur, entre autres des entorses au code de la route.

La Commission recommande que la GRC révise sa politique sur les poursuites dangereuses afin de veiller à ce que celles-ci ne soient lancées qu'en cas de délit grave et qu'elle définisse en quoi consiste un délit grave. La Commission recommande également que les policiers se servent de l'équipement d'urgence dans tous les cas, y compris ce que la police qualifie de « poursuite courante », et que la GRC révise sa formation afin de faire en sorte que tous les policiers prenant part à une poursuite ont les aptitudes nécessaires, surtout au chapitre de l'évaluation des risques et de la prise de décisions, et que cette formation soit dispensée d'une façon suivie.

Table des matières

Introduction

Les dangers des poursuites policières

1. Les poursuites comportant des risques

2. Les poursuites courantes

L'inquiétude grandissante du public au sujet des poursuites

La portée du présent rapport

La politique actuelle de la GRC sur les poursuites

Les lacunes de la politique

1. La gravité de l'infraction

2. L'utilisation de l'équipement d'urgence dans les poursuites courantes

La théorie du fuyard

Les décisions du Tribunal

Politiques plus contraignantes sur les poursuites

La formation

1. Aucune poursuite sans formation appropriée

2. La formation aux poursuites et la formation aux armes à feu

3. Le maintien des aptitudes

4. L'uniformité de la formation

5. L'évaluation des risques et la prise de décisions

6. L'attitude et la formation policières

7. L'utilisation de l'équipement d'urgence

8. Le modèle d'intervention pour la gestion des incidents

Conclusion et recommandations

Annexe 1 - Bibliographie

Annexe 2 - Rapport de M. Alpert

Annexe 3 - Politique nationale de la GRC sur les poursuites policières

Introduction

La partie VII de la Loi sur la GRC autorise la Commission des plaintes du public à recevoir des plaintes et à enquêter sur la conduite des membres de la GRC dans l'exécution de leurs fonctions d'agent de la paix.

La Commission est saisie depuis quelques années de plaintes sur les poursuites policières effectuées par la GRC. L'analyse de celles-ci nous amène à nourrir de graves inquiétudes au sujet de la sécurité du public en cas de poursuite policière.

Le présent rapport contient les conclusions de la Commission et recommande que la GRC révise ses politiques et améliore sa formation aux poursuites afin de réduire les risques que posent celles-ci à la sécurité du public, des présumés contrevenants et des policiers mêmes.

Les dangers des poursuites policières

Les poursuites policières sont courantes partout au Canada. Les agents de la GRC ont mené 4 232 poursuites de 1991 à 1995. (Voir le tableau 1.) Les chiffres démontrent que ces poursuites étaient une mesure dangereuse. Plus de 30 p. 100 se sont soldées par une collision, 14 p. 100 ont causé des blessures et 19 personnes ont été tuées!

ImageTableau 1
Poursuites de la GRC comportant des risques - échelle nationale

Années

Poursuites

Collisions Personnes
blessées

Décès

 

 

 

 

 

1991-95

4,232

1,364

587

19

 

 

 

 

 

 

 

(32%)

(14%)

(0.4%)

1. Les poursuites comportant des risques

Nous voulons souligner que ces chiffres ne représentent que les poursuites déclarées qui, selon la terminologie policière, « comportent des risques ». Il s'agit de cas où le policier a indiqué au conducteur d'immobiliser son véhicule sur quoi ce dernier a décidé de fuir pour éviter l'arrestation. Le policier s'est alors lancé à la poursuite du conducteur en engageant l'équipement d'urgence (gyrophares et sirène) afin d'avertir le public du danger de la situation.

La GRC ne conserve pas depuis 1995 de données nationales fiables sur les poursuites comportant des risques effectuées par ses agents, et ce, malgré la directive retrouvée à l'alinéa E.5.d. du Manuel des opérations exigeant la déclaration de ces incidents.

La GRC n'a peut-être pas de données nationales récentes sur les poursuites, mais des corps policiers dans deux provinces, la Colombie- Britannique et l'Ontario, possèdent des chiffres que nous présentons dans les tableaux 2 à 6, à titre de comparaison.

ImageTableau 2

Poursuites comportant des risques menées par la GRC en Colombie-Britannique

Années

Poursuites

Collisions

Personnes blessées

Décès

 

 

 

 

 

1990-98

3,124

1,172

468

17

 

 

 

 

 

 

 

(38%)

(15%)

(0.5%)

ImageTableau 3

Poursuites comportant des risques menées par d'autres corps policiers en Colombie-Britannique

Années

Poursuites

Collisions

Personnes blessées

Décès

 

 

 

 

 

1990-98

867

717

350

6

 

 

 

 

 

 

 

(83%)

(40%)

(0.7%)

ImageTableau 4

Poursuites comportant des risques menées par des corps policiers autres que la GRC en Ontario

Années

Poursuites

Collisions

Personnes blessées

Décès

 

 

 

 

 

1991-97

10,421

4,481

2,415

33

 

 

 

 

 

 

 

(43%)

(23%)

(0.3%)

ImageTableau 5

Blessures imputables aux poursuites comportant des risques en Ontario

Années

Poursuites

Collisions

Personnes blessées

Décès

 

 

 

 

 

1991-97

2,415

736

1,481

198

 

 

 

 

 

 

 

(31%)

(61%)

(8%)

ImageTableau 6

Décès imputables aux poursuites comportant des risques en Ontario

Années

Poursuites

Collisions

Personnes blessées

Décès

 

 

 

 

 

1991-97

33

1

26

6

 

 

 

 

 

 

 

(3%)

(79%)

(18%)

Ces données prouvent qu'un nombre élevé de poursuites comportant des risques blessent ou tuent non seulement les suspects en fuite, mais également des policiers et des passants innocents.

2. Les poursuites courantes

La Commission déplore le fait qu'il n'existe aucune statistique sur ce que la police qualifie de « poursuites courantes ».

Une poursuite courante est une poursuite pendant laquelle le policier roule plus vite que la limite permise sans engager la sirène et les gyrophares de l'autopatrouille. Le policier donne la chasse, entre autres pour rattraper et chronométrer un conducteur excédant la limite de vitesse, pour intercepter et stopper un conducteur pour interpeller les occupants du véhicule ou pour arrêter un délinquant. Pour le policier, ces poursuites sont peut-être courantes, mais en réalité, elles sont loin d'être ordinaires et peuvent même être plus dangereuses pour les membres du public que les « poursuites comportant des risques».

Comme nous le verrons plus tard, les poursuites courantes peuvent entraîner des accidents, des blessures et même la mort et, dans certains cas, le tribunal a reconnu coupable de négligence causant des blessures ou la mort le policier impliqué. La Commission a elle-même reçu des plaintes sur les poursuites courantes. La Commission est d'avis que les poursuites, qu'elles soient courantes ou comportant des risques, constituent un danger pour la sécurité du public, des contrevenants et des policiers mêmes.

Règle générale, les poursuites courantes et celles comportant des risques sont effectuées à des vitesses supérieures à la limite permise et elles peuvent également faire entorse à d'autres dispositions du code de la route.

Les lois et les politiques en vigueur au Canada obligent généralement le policier à engager l'équipement d'urgence au complet, comme la sirène et les gyrophares, pendant une poursuite comportant des risques. Dans certains sphères de compétence, ces politiques et lois exigent la mise en marche de l'un ou de l'autre de ces dispositifs, selon les circonstances. Si les policiers ne se servent pas de l'équipement d'urgence pendant une poursuite courante, c'est parce qu'ils croient en l'adage que le suspect prendra la fuite s'il se trouve encore à une certaine distance. Cette théorie s'appelle la « rabbit theory » ou la théorie du fuyard. Comme nous l'avons mentionné plus haut, pendant une poursuite courante ou comportant des risques, les conducteurs roulent à grande vitesse et enfreignent plusieurs règlements de la circulation. Même si les deux types de poursuites comportent des risques semblables pour le public, les policiers ne se servent habituellement pas de leur équipement d'urgence pendant une poursuite courante parce qu'ils souscrivent à la théorie du fuyard.

Nous remettrons en question plus tard le bien-fondé de cette théorie.

ImageL'inquiétude grandissante du public au sujet des poursuites

Nous tolérons les dangers que comportent les poursuites policières parce que c'est une convention établie et que nous sommes des citoyens respectueux de la loi et voulons que les criminels soient appréhendés et punis.

Au cours des dernières années, toutefois, le public est de plus en plus préoccupé par les poursuites et se demande si celles-ci ne présentent pas plus de risques que d'avantages. En fait, plusieurs administrations se sont penchées sur la question depuis nombre d'années et elles ont conclu que les poursuites sont dangereuses et qu'elles doivent être soumises à certaines contraintes.

Les auteurs d'un rapport du ministère du Solliciteur général de l'Ontario publié en 1985 sur les poursuites policières soulignaient que les poursuites automobiles comportaient 1 000 fois plus de risques de décès qu'une simple promenade en automobile. Ils disaient notamment que :

... lorsqu'un conducteur prend le volant, les risques de décès sont mille fois plus grands s'il est impliqué dans une poursuite. [Tr.]

Et ils ajoutaient :

... la plupart des membres du comité ont conclu que les poursuites sont trop dangereuses pour être menées dans tous les cas prévus par la politique actuelle. Les statistiques démontrent que l'appréhension immédiate de personnes qui fuient la police pour une infraction mineure au code de la route ne saurait justifier les énormes risques de décès, de blessures et de dommages matériels qu'entraînent les poursuites. [Tr.]

Plusieurs autres études sur la question ont été menées au Canada et aux États-Unis.

Un document de travail rédigé en Colombie-Britannique en avril 1990 pour la Commission de police de la Colombie-Britannique recommandait l'adoption de nouvelles lignes directrices concernant les poursuites policières afin de réduire le nombre de décès et de blessures et la quantité de dommages matériels. Les auteurs ont également dit ce qui suit :

Nous recommandons que les nouvelles lignes directrices obligent les services de police à adopter des directives sur ce qui suit : l'équipement devant être utilisé pendant la poursuite, l'utilisation de véhicules policiers dans la répression de catégories particulières d'infractions, le maintien et l'arrêt de la poursuite, la formation et les modalités de rapport. [Tr.]

. lorsqu'un conducteur prend le volant, les risques de décès sont mille fois plus grands s'il est impliqué dans une poursuite.

En 1992, l'université d'État de l'Illinois a publié un rapport d'étude intitulé Police Pursuit in Pursuit of Policy: The Pursuit Issue, Legal and Literature Review and an Empirical Study. Les chercheurs ont sondé 51 corps policiers dans le but de mettre sur pied une base de données à l'intention des fonctionnaires gouvernementaux, des administrateurs policiers et des agents de la paix afin de les aider à choisir judicieusement le contenu des lois, des politiques et des modalités sur les poursuites policières.

Les auteurs ont formulé plusieurs recommandations, dont celles-ci :

... les corps policiers devraient avoir des politiques éclairées, fortement restrictives et dissuasives sur les poursuites policières ainsi que des règlements explicites et simples sur celles-ci. La politique ne devrait autoriser les poursuites que lorsque les risques qu'entraînerait l'inaction du policier sont nettement plus grands que ceux soulevés par la poursuite. . Ainsi, le policier éviterait la confusion dans une situation stressante et il serait plus porté à retenir les pratiques autorisées. [Tr.]

Les auteurs ont souligné la nécessité de dispenser une formation appropriée et ils ont recommandé ce qui suit :

Les policiers autorisés à participer à une poursuite doivent avoir reçu au préalable la formation appropriée et ils doivent recevoir régulièrement une formation en cours de service. La formation, en plus de porter sur la conduite du véhicule, doit englober l'attitude qu'il convient d'adopter et la capacité de prendre des décisions pendant une poursuite ainsi que la connaissance des limites et des responsabilités juridiques. [Tr.]

Le National Institute of Justice des États-Unis a commandé en 1996 une étude intitulée Police Pursuit and the Use of Force: A Final Report to the U.S. National Institute of Justice (USNIJ).

L'étude comprenait :

  • un sondage national auprès de 737 organismes policiers;
  • des données sur plus de 1 200 poursuites effectuées par trois services de police;
  • un sondage auprès de 779 policiers et 175 superviseurs;
  • un sondage mené auprès de 160 recrues avant qu'elles ne reçoivent leur formation aux poursuites et de 145 recrues après cette formation;
  • un sondage d'opinion publique mené auprès de 555 personnes;
  • des entrevues avec 146 détenus impliqués dans les poursuites à haute vitesse.

L'étude a porté sur bon nombre des sujets soulevés dans le présent rapport, entre autres la tendance à adopter des politiques plus restrictives sur les poursuites, les répercussions des nouvelles politiques sur les poursuites et sur le taux de criminalité ainsi que la qualité et la fréquence de la formation aux poursuites. Nous soulignerons plus bas quelques conclusions particulières de cette étude.

Une autre étude menée en 1999 intitulée « Summary of the Suspect Apprehension Pursuits Report: Ontario Ministry of the Solicitor General and Correctional Services » porte sur les directives qui existent en Ontario pour les poursuites policières et les pratiques touchant les poursuites dans neuf sphères de compétence policières au Canada et dans quinze aux États-Unis ainsi que sur des sujets comme la formation et la supervision. Les auteurs de l'étude ont recommandé que la politique sur les poursuites soit modifiée afin d'englober :

... trois critères sur l'amorce des poursuites afin qu'on tienne plus compte des solutions de rechange et qu'on accorde aux superviseurs plus de contrôle sur les poursuites.

Les trois critères exigent que les agents aient des motifs de croire qu'une infraction criminelle a été commise ou est sur le point d'être commise, qu'il n'y a pas de solutions de rechange à la poursuite et que le besoin immédiat d'arrêter ou d'identifier l'automobiliste en fuite l'emporte sur le risque pour la sécurité publique que la poursuite pourrait présenter.

Les auteurs ont également recommandé que la politique prévoie :

... un soutien à la formation des agents et des superviseurs en matière de poursuites, ce qui comprend la production d'une vidéo sur les poursuites et les solutions de rechange.

ImageLa portée du présent rapport

Comme le démontrent les études mentionnées plus haut, les poursuites policières inquiètent les gouvernements, les universitaires, les citoyens et la police même depuis plusieurs années.

Avant d'entreprendre son examen, la Commission a évalué les fort nombreux enjeux relatifs aux poursuites policières et elle a conclu qu'une investigation complète de la question serait peu pratique. Elle a donc décidé d'examiner uniquement la politique nationale de la GRC sur les poursuites ainsi que la formation qu'elle dispense à ses agents à ce chapitre.

Pour mener son analyse, et comme la question n'a pas été examinée en détail par des universitaires canadiens, la Commission s'est adjointe M. Geoffrey Alpert, un professeur au collège de la justice criminelle à l'université de la Caroline du Sud qui est un expert renommé dans le domaine des poursuites policières. M. Alpert a mené de nombreuses recherches sur cette question, y compris l'étude du National Institute of Justice des États-Unis que nous avons mentionnée plus haut, ainsi que des études pour le département des transports des États-Unis. M. Alpert a également signé plusieurs ouvrages et articles sur les poursuites et il a témoigné devant la Chambre des représentants des États-Unis et plusieurs jurys d'accusation. Il est également un conférencier bien connu sur la scène nationale et internationale.

M. Alpert a rédigé pour la Commission un rapport intitulé Politique et formation : les deux premiers éléments constituants d'une politique sur les poursuites pour la Gendarmerie royale du Canada. Nous ferons renvoi aux conclusions de M. Alpert et nous avons joint à l'annexe 2 son rapport et les documents à l'appui.

La politique nationale de la GRC sur les poursuites se trouve à l'annexe 3 du présent rapport.

Le libellé de cette politique est au cour même des inquiétudes que nourrit la Commission au sujet des poursuites effectuées par les membres de la GRC. Comme le mentionne M. Alpert dans son rapport :

La politique sur les poursuites de la Direction générale de la Gendarmerie royale du Canada est une politique vague, qui fait appel dans une très grande mesure à la formation, au jugement et à la discrétion des agents. Cette politique a une portée limitée et elle passe sous silence beaucoup d'éléments relatifs aux poursuites qu'on devrait normalement retrouver dans une politique complète et détaillée. De plus, le texte même de la politique est à ce point vague que le lecteur peut l'interpréter de différentes façons. Autrement dit, les agents qui lisent la politique peuvent lui donner chacun leur propre interprétation. (C'est nous qui soulignons.) [Tr.]

La GRC a publié sa première politique nationale en 1976 sous le titre « Aides et techniques d'enquête - Techniques de patrouille ». Le premier libellé est bref : il rappelle aux policiers et aux superviseurs de ne pas prendre de risques inutiles et d'arrêter leurs décisions en se fondant sur le genre de crime commis.

La politique nationale a depuis été modifiée et elle est maintenant semblable à celle de bien d'autres corps policiers au pays quant à la définition de poursuite comportant des risques, au respect de la sécurité du public, au recours à la poursuite comme dernière mesure et aux motifs de l'amorce de la poursuite.

Il importe de noter que les différentes divisions de la GRC au pays ont des politiques particulières à l'égard des poursuites comportant des risques qui s'inspirent non seulement de la politique nationale, qui sert de ligne de conduite pour tous les agents, mais qui prennent en compte également les exigences provinciales. De plus, les détachements ont également leurs propres politiques qui se moulent sur la politique nationale et la politique divisionnaire. Il s'ensuit que les politiques détachementaires et divisionnaires ne sont pas normalisées et donc pas uniformes dans l'ensemble du pays.

ImageLes lacunes de la politique

La politique nationale semble donner des lignes directrices complètes aux agents de la GRC en matière de poursuites. Cependant, la Commission et M. Alpert croient que deux volets de la politique nationale peuvent être améliorés.

Le premier volet porte sur la façon dont les agents de la GRC établissent la gravité de l'infraction devant donner lieu à la poursuite. Le second porte sur l'utilisation de l'équipement d'urgence lors d'une poursuite courante.

Image1. La gravité de l'infraction

Cependant, la politique ne précise pas ce qu'est un délit grave.

M. Alpert a conclu que même si la GRC énonce dans sa politique nationale les facteurs de risques que ses agents doivent prendre en considération avant d'amorcer une poursuite, elle devrait expliciter davantage la façon dont ils doivent le faire. Par exemple, la politique précise que l'agent doit tenir compte de la gravité de l'infraction avant de donner la chasse. Cependant, elle ne précise pas ce qu'est un délit grave. L'agent et son chef immédiat doivent donc le déterminer eux-mêmes.

L'étude de 1992 de l'université d'État de l'Illinois compare les statistiques réelles sur les poursuites à la fréquence à laquelle celles-ci, selon les policiers, sont menées lorsque des délits graves ou des criminels dangereux sont en cause. Les auteurs ont déclaré ce qui suit : Les policiers, tout comme les administrateurs, semblent se méprendre sur le déclencheur de la plupart des poursuites. Quand on leur a demandé leur avis, les policiers ont dit qu'en général les poursuites étaient lancées en cas de délit grave. Mais, lorsqu'on leur a demandé ce qu'était leur expérience personnelle, la plupart ont dit que dans les trois quarts des cas ils avaient donné la chasse pour des petits méfaits. [Tr.]

Dans leur étude de 1996 du USNIJ, les auteurs ont noté que les policiers et leurs superviseurs étaient disposés à prendre des risques plus grands dans les poursuites lancées contre des suspects impliqués dans des crimes graves. Ils ont également relevé que les policiers et le public nordaméricains croient qu'une personne qui fuit la police a quelque chose de grave à se reprocher.

Cependant, les preuves démontrent le contraire.

La GRC ne consigne pas les motifs pour lesquels les poursuites policières ont été engagées, mais le ministère du Procureur général de la Colombie-Britannique et le ministère du Solliciteur général de l'Ontario tiennent ce genre de statistiques. Il existe des similarités dans les raisons données pour engager des poursuites dans les deux provinces.

Ainsi, en Colombie-Britannique, entre 1991 et 1997, quelque 40 p. 100 des poursuites policières ont été engagées sur la base d'infractions appréhendées à la Motor Vehicle Act (loi sur les véhicules automobiles), à savoir excès de vitesse, conduite imprudente ou inégale, manquement aux règles de la circulation ou mauvaises plaques d'immatriculation. Les autres poursuites policières ont été engagées à l'égard de personnes soupçonnées d'avoir contrevenu au Code criminel. Toutefois, il s'est agi dans la plupart des cas d'infractions contre la propriété, dont l'introduction par effraction, le vol et la possession d'un véhicule volé. Seulement 10 p. 100 des poursuites entreprises en Colombie- Britannique au cours de cette période ont été liées à des infractions de conduite avec facultés affaiblies ou de conduite dangereuse.

En Ontario, au cours de la même période, environ 30 p. 100 des poursuites policières ont été engagées sur la base d'un soupçon d'infraction au code de la route de la province, alors que les autres poursuites ont eu trait à des infractions présumées au Code criminel.

Toutefois, à l'examen des accusations criminelles déposées après les poursuites, il est important d'observer qu'autant d'accusations liées à la propriété ont été déposées après les poursuites que d'accusations de conduite dangereuse ou de conduite avec facultés affaiblies (36 p. 100). Seulement 3 p. 100 des accusations déposées après une poursuite ont eu trait à des infractions graves de violence, comme l'homicide ou l'enlèvement.

Il ressort donc des rapports dont nous disposons que, dans de nombreux cas, les individus qui fuient la police n'ont pas commis d'infraction criminelle grave qui présente un danger réel pour la société. Cette conclusion est conforme à d'autres statistiques sur les poursuites policières établies un peu partout en Amérique du Nord.

Les auteurs de l'étude de 1996 du USNIJ ont conclu que :

... la plupart des suspects prennent la fuite, car ils ont peur et ne veulent pas subir les conséquences qu'apporterait un délit mineur. Nos statistiques nous apprennent que la plupart de ces suspects réduiront leur vitesse et conduiront moins imprudemment si le policier leur donne une marge de manouvre. Nos statistiques indiquent également que la plupart des suspects fuient la police parce qu'ils ont peur ou prennent une décision irréfléchie et non parce qu'ils ont commis un crime grave. [Tr.]

Les auteurs ont ajouté ce qui suit au sujet de la détermination de la gravité de l'infraction :

... l'hypothèse empirique appropriée est qu'un fuyard n'est pas un criminel violent en fuite, mais plutôt une personne affolée et irresponsable qui ne veut pas subir les conséquences de ses problèmes ou de ses gestes. [Tr.]

Dans le sommaire de l'étude de 1996 du USNIJ, les auteurs disent ce qui suit :

L'étude démontre l'importance de la prétendue gravité de l'infraction commise par le suspect en fuite en tant que facteur principal dont se servent les policiers pour décider s'ils doivent lancer ou poursuivre la chasse. La politique doit donc s'articuler d'abord sur le type d'infraction et ensuite sur les risques pour le public et tenir compte du volume de la circulation et des embouteillages. La prise en compte de ces variables nous amène à penser qu'une politique éclairée devrait limiter les poursuites à l'appréhension de criminels dangereux. [Tr.]

Les mesures que prennent plusieurs corps policiers démontrent qu'ils estiment qu'il faut à tout prix tenir compte de la nature de l'infraction avant d'amorcer une poursuite. Les politiques policières précisent de plus en plus souvent qu'il faut évaluer la gravité du crime avant de prendre un suspect en chasse.

Certains corps policiers ont tendance maintenant à éviter les poursuites pour des infractions au code de la route et des infractions relatives aux biens, entre autres le vol d'un véhicule, et à les réserver plutôt aux délits constituant une grave menace à la vie.

La Police de Miami-Dade en Floride a adopté, en 1992, une politique limitant les poursuites aux crimes violents. En moins d'un an, le nombre de poursuites a chuté de 82 p. 100 et le nombre de poursuites de ce corps policier est demeuré à ce niveau considérablement réduit. Non seulement ce taux est-il resté le même, mais le taux de collisions, de blessures et de décès imputables aux poursuites n'a pas augmenté non plus.

De plus, le taux de criminalité est resté le même tout comme d'ailleurs le pourcentage de criminels fuyant la police. La politique contraignante n'a pas encouragé les suspects à fuir.

L'exemple de Miami-Dade met en évidence la tendance des corps policiers à limiter les poursuites aux délits graves ainsi que les profondes répercussions de ces contraintes sur la fréquence des poursuites. Il prouve également que le taux de la criminalité et le nombre de suspects qui prennent la fuite n'augmentent pas si l'on réserve les poursuites aux délits graves seulement.

L'exemple de Miami-Dade . prouve également que le taux de la criminalité et le nombre de suspects qui prennent la fuite n'augmentent pas si l'on réserve les poursuites aux délits graves seulement.

Pour ce qui est des motifs justifiant la poursuite, la Commission a examiné une cinquantaine de politiques de poursuites de différents corps policiers au pays, dont la GRC.

Les variations entre les raisons pour donner la chasse, ou parfois pour ne pas la donner, étaient assez marquées. À titre d'exemple, les politiques de certains corps policiers interdisent les poursuites pour une infraction au code provincial de la route, entre autres l'excès de vitesse et la conduite négligente. À d'autres endroits, les politiques précisent que le policier peut se lancer à la poursuite d'une personne qui aurait commis un délit entraînant l'arrestation sans mandat ou si elle pose un risque à la sécurité d'autrui. D'autres politiques exigent que le policier se demande si le suspect a commis ou non un délit grave et si l'appréhension de celui-ci est importante au point d'accepter les dangers que cela constitue.

Les politiques et les règlements s'articulent sur différentes interprétations de la gravité du crime, mais tous sans exception reflètent une sensibilisation accrue à la nécessité de réserver les poursuites aux délits graves et contiennent des exemples de délits graves et mineurs.

La Commission est d'avis que les agents de la GRC doivent avoir des directives plus claires sur la façon de déterminer ce qu'est un délit grave. Cette décision ne doit pas être laissée, comme c'est le cas maintenant, à l'agent en cause et à son superviseur.

. les agents de la GRC doivent avoir des directives plus claires sur la façon de déterminer ce qu'est un délit grave.

Image2. L'utilisation de l'équipement d'urgence dans les poursuites courantes

La Commission croit également que l'utilisation de l'équipement d'urgence - sirène et gyrophares - pendant les poursuites courantes est un autre aspect important de la politique de la GRC qui doit être examiné.

Comme l'indique M. Alpert dans son rapport, la politique nationale de la GRC est un peu ambiguë à ce chapitre.

Comme nous l'avons mentionné plus tôt, les agents de la GRC se lancent souvent à la poursuite de suspects sans engager l'équipement d'urgence, habituellement dans l'unique but de les rattraper. En fait, la politique de certains détachements de la GRC recommande à l'agent de réduire la distance qui le sépare du suspect avant de mettre en marche l'équipement d'urgence pour le sommer d'arrêter.

L'étude menée par la GRC sur les poursuites en 1992 mentionne cette pratique courante et elle a relevé que six des quinze détachements consultés avaient une politique qui :

... précise que le membre doit réduire la distance qui le sépare du suspect avant d'engager l'équipement d'urgence afin de ne pas prévenir ce dernier de ses intentions. [Tr.]

Lors de son examen récent des politiques sur les poursuites d'une cinquantaine de corps policiers, la Commission a noté que, dans 19 cas, la politique obligeait le policier à se rapprocher du suspect ou lui recommandait de le faire avant d'engager l'équipement d'urgence ou encore qu'elle lui laissait le choix de la mesure à prendre.

La plupart des politiques précisent qu'on doit se servir d'une voiture banalisée dans une poursuite qu'en cas d'absolue nécessité, et uniquement jusqu'à ce qu'une voiture marquée prenne la relève. Ceci indique ainsi clairement que les autorités policières reconnaissent qu'il est dangereux de permettre à des voitures banalisées de contrevenir au code de la route. Dans ce contexte, il est difficile de comprendre la discrétion laissée habituellement au policier de violer le code de la route en effectuant une poursuite courante sans actionner son équipement d'urgence.

La Commission désire signaler aussi que dans plusieurs provinces, la loi autorise les poursuites courantes sans équipement d'urgence. Le code de la route de l'Ontario n'oblige pas le policier de mettre en marche l'équipement d'urgence pendant qu'il exécute ses fonctions. D'autres provinces, entre autres le Nouveau-Brunswick et l'Alberta, laissent au policier le choix d'utiliser ou non l'équipement d'urgence lorsqu'il poursuit un suspect.

La plupart des provinces autorisent les poursuites courantes sans équipement d'urgence, mais deux interdisent au policier de donner la chasse à des vitesses dépassant la limite permise sans mettre en marche la sirène ou les gyrophares.

Le paragraphe 109(1) du code de la route de la Nouvelle-Écosse permet au policier de donner la chasse à des criminels à des vitesses supérieures à la limite permise seulement s'il a mis en marche un avertisseur audible comme une cloche, une sirène ou un sifflet. L'article 123 du code de la route de Terre-Neuve autorise le policier à poursuivre un contrevenant réel ou présumé à des vitesses excessives seulement lorsque la sirène et les gyrophares de son véhicule sont activés.

. deux provinces interdisent au policier de donner la chasse à des vitesses dépassant la limite permise sans mettre en marche la sirène ou les gyrophares.

ImageLa théorie du fuyard

Comme nous l'avons mentionné plus tôt, la raison majeure pourquoi le policier effectue des poursuites courantes sans engager l'équipement d'urgence est qu'il souscrit à la théorie du fuyard voulant que s'il active cet équipement avant de rattraper le conducteur, ce dernier sera plus porté à détaler et, par conséquent, les policiers appréhendront moins de présumés contrevenants.

Après avoir examiné les différentes lois provinciales et les politiques des corps policiers sur ce sujet, la Commission ne peut que conclure que les services policiers au pays, y compris la GRC, croient en la validité de la théorie du fuyard. De nombreux corps policiers canadiens, y compris la GRC, souscrivent à cette théorie et semblent s'opposer fermement à toute contrainte concernant l'utilisation de l'équipement d'urgence.

De temps à autre, des suspects vont tenter de fuir lorsqu'on leur ordonne de s'arrêter, mais aucune preuve empirique n'existe sur la fréquence de ces situations. Aucune étude n'a été réalisée sur cette question et il n'existe pas de statistiques sur le pourcentage de membres du public qui prennent la fuite lorsqu'on leur ordonne de s'arrêter. La Commission est donc d'avis que la théorie du fuyard n'a pas de fondement et qu'on ne doit pas se baser sur cette théorie pour dresser une politique sur les poursuites.

Dans son rapport à la Commission, M. Alpert appuie la conclusion voulant que le bien-fondé de cette théorie n'ait jamais été éprouvé ni prouvé. Il ajoute que, même si certains renseignements non scientifiques laissent entendre que des personnes pourraient accélérer pour profiter de l'espace qui les sépare de l'agent qui leur ordonne d'arrêter pour prendre la fuite, rien ne prouve que ces automobilistes continueront de conduire dangereusement. Plutôt, on estime qu'ils vont tenter de se cacher ou de se mêler aux autres véhicules, au lieu d'essayer de se sauver en accélérant, constituant ainsi un risque moins grand qu'en cas de poursuite courante sans équipement d'urgence.

La Commission est donc d'avis . qu'on ne doit pas se fonder sur cette théorie pour dresser une politique sur les poursuites.

Au Canada, deux provinces (Nouvelle-Écosse et Terre-Neuve) interdisent les poursuites sans engager l'équipement d'urgence, et une autre province a adopté certaines contraintes quant à la latitude accordée à la police pour lancer des poursuites sans équipement d'urgence.

D'après le règlement adopté en 1998 par la Colombie-Britannique sur la conduite de véhicules d'urgence, il faut utiliser l'équipement d'urgence lorsqu'on effectue une « poursuite » (comportant des risques) ou lorsqu'on « réduit la distance » (poursuite courante). Lorsqu'il réduit la distance, le policier n'est autorisé à enfreindre cette règle que dans certaines circonstances. Il faut activer les gyrophares et/ou la sirène, à moins qu'un acte criminel n'ait été commis, ne soit en train d'être commis ou ne soit sur le point d'être commis, et que le risque de causer des torts au public en réduisant la distance est moindre que celui créé par l'activation de l'équipement d'urgence ou en terminant la tentative de réduire la distance. De toute façon, le policier doit toujours utiliser l'équipement d'urgence lorsqu'il grille un feu rouge ou ne fait pas un arrêt obligatoire ou lorsqu'il croise une école ou un terrain de jeu en tentant de réduire la distance.

La Commission conclut que les lois de Terre-Neuve et de la NouvelleÉcosse ainsi que les règlements instaurés récemment en Colombie- Britannique reflètent la préoccupation grandissante du public quant aux risques à la sécurité que représentent les poursuites sans équipement d'urgence.

ImageLes décisions du Tribunal

Les tribunaux ont aussi conclu que la violation du code de la route lors d'une poursuite sans équipement d'urgence pouvait constituer une négligence. Dans certains cas, les tribunaux ont conclu que le policier doit engager son équipement d'urgence (sirène ou gyrophares) pour avertir le public qu'une poursuite, peu importe le genre, est en cours.

Dans l'affaire Ontario (Attorney General) v. Castilloux [1976] O.J. no 318, deux policiers engagés dans une poursuite courante suivaient à vive allure un suspect sans avoir mis en marche l'équipement d'urgence. À une intersection, une troisième voiture s'est engagée sur la voie, sa conductrice croyant qu'elle pouvait le faire en toute sécurité, car l'autopatrouille était à une assez grande distance. Mais l'autopatrouille l'a frappée de plein fouet. Les deux policiers ont été blessés.

. la violation du code de la route lors d'une poursuite sans équipement d'urgence pouvait constituer une négligence.

La Cour suprême de l'Ontario a conclu que le policier avait fait preuve de négligence en n'engageant pas l'équipement d'urgence. Le juge

Lerner a écrit dans son jugement que :

Le conducteur plaignant (le policier) a fait preuve de négligence, car filant à telle allure, il n'aurait pas pu maîtriser son véhicule s'il avait dû réduire considérablement sa vitesse ... pour appréhender le présumé contrevenant, ils roulaient à très grande vitesse sans avertir avec l'équipement à leur disposition les autres conducteurs et le public de la façon dont ils conduisaient l'autopatrouille pour exécuter leurs fonctions. (C'est nous qui soulignons.) [Tr.]

Dans l'affaire Andani Estate v. Peel Regional [1989] O.J. no 625, un policier menait une poursuite courante à haute vitesse sans avoir engagé l'équipement d'urgence. Il a perdu de vue le suspect et il a interrompu la poursuite alors qu'il s'approchait d'une intersection. Avant d'y arriver, il a vu une automobile se rapprochant de lui. Il a tenté de mettre en marche les gyrophares, mais le véhicule a tourné devant lui et il y a eu collision. Les deux passagers ont perdu la vie dans cet accident. Madame le juge Arbour, antérieurement membre de la Cour suprême de l'Ontario, a fait remarquer que le policier s'était présenté à l'intersection à une vitesse d'environ 113 km/h et qu'il avait engagé les gyrophares au plus deux secondes avant son arrivée. Madame le juge Arbour a conclu que :

... la vitesse à laquelle l'autopatrouille filait et l'absence d'un avertissement adéquat aux autres conducteurs sont les facteurs déterminants dans cet accident. La prépondérance raisonnable des probabilités me pousse à conclure que le conducteur (la victime) n'a aucunement fait preuve de négligence lorsqu'il a fait son virage à gauche dans les circonstances que nous connaissons.

Lorsqu'Andani (la victime) s'est engagé dans l'intersection, l'autopatrouille se trouvait assez loin, à au moins quelques centaines de pieds. Étant donné qu'à ce moment, le policier n'avait pris aucune mesure pour signaler sa présence, Andani a présumé que l'autopatrouille était un véhicule comme tout autre roulant à une vitesse permise ». (C'est nous qui soulignons.) [Tr.]

Le policier en cause a lui aussi été reconnu coupable de négligence et il a été tenu responsable de l'accident.

Dans une autre affaire, un conducteur faisant un virage est entré en collision avec une autopatrouille effectuant une poursuite courante. Dans sa décision rendue le 24 février 1998 à Burnaby (Colombie- Britannique), au sujet du décès de Nancy Elizabeth Windsor, le coroner a conclu que cet accident mortel était en partie imputable au fait que le policier n'avait pas engagé l'équipement d'urgence de son véhicule.

L'agent poursuivait un conducteur qui roulait à vive allure. Il n'avait pas mis en marche l'équipement d'urgence, et à son arrivée à une intersection, il a accéléré et atteint une vitesse entre 120 et 130 km/h. À l'intersection, il a heurté un véhicule. La conductrice est décédée et son passager a subi de graves blessures. Le policier est sorti indemne de l'accident.

Le coroner a recommandé à la commission de police de la Colombie- Britannique que :

... pendant toute poursuite, courante ou autre, le policier engage la sirène et les gyrophares de son autopatrouille dès les premiers instants de la chasse. [Tr.]

L'affaire La Reine v. Winters, entendue par la cour suprême de la Colombie-Britannique, 1996, portait également sur la mort de deux personnes lors d'une poursuite courante.

Un agent de la GRC pourchassait une personne sur déjà près de 25 kilomètres et excédait souvent la limite de vitesse permise. Un troisième véhicule s'est engagé sur la route à une intersection sans panneau ni feu de circulation et il a été frappé de plein fouet par l'autopatrouille. Les deux occupants de ce véhicule sont décédés sur les lieux de l'accident. Au moment de la collision, le policier filait à 130 et à 140 km/h alors que la vitesse permise était de 90 km/h. Les spécialistes en reconstitution d'accidents de la circulation ont témoigné que le conducteur du troisième véhicule aurait eu amplement le temps d'effectuer son virage et de s'éloigner de l'intersection si le policier avait roulé à une vitesse plus proche de la vitesse permise. Le policier a plus tard été accusé de conduite dangereuse.

Pendant le procès au criminel, plusieurs agents de la GRC ont déclaré que, pendant des poursuites courantes, ils filaient souvent à vive allure sans engager l'équipement d'urgence. L'accusé a déclaré ce qui suit :

Rouler à 130 ou à 140 km/h est chose courante lorsqu'on veut rattraper ou retrouver un véhicule qui a passé devant l'endroit où vous l'avez remarqué d'abord. Cette vitesse n'est pas démesurée lorsqu'on la compare aux vitesses de plus de 200 km/h couramment et fréquemment atteintes pendant un quart pour rattraper les contrevenants lors des opérations radar. [Tr.]

Le jury a rendu un verdict de non-culpabilité, mais il était si bouleversé par la preuve présentée sur les poursuites courantes qu'il a demandé au juge présidant, l'honorable Wallace Oppal, de faire part de ses inquiétudes au procureur général de la province.

Dans sa lettre au procureur général, le juge Oppal a écrit ce qui suit :

À la conclusion du procès, les membres du jury ont pris une mesure inhabituelle : ils m'ont demandé de communiquer avec vous pour vous faire part de leurs préoccupations au sujet des poursuites à grande vitesse et de l'apparent mépris des craintes pour la sécurité publique. Ils m'ont demandé de communiquer avec vous au sujet de l'absence apparente de politique ou d'obligation de rendre compte de la part de la GRC. De toute évidence, les membres du jury ont trouvé la pratique policière dangereuse. Même si les membres du jury ont acquitté l'accusé, ils entretenaient des inquiétudes sérieuses sur la conduite de la police . Je crois humblement qu'une politique ou une loi sans équivoque est nécessaire pour nous éviter de vivre à nouveau de telles tragédies. [Tr.]

Le procureur général de la Colombie-Britannique a alors fait adopter le règlement sur la conduite de véhicules d'urgence, selon lequel l'équipement d'urgence doit fonctionner, sauf dans le cas de quelques exceptions mineures, lorsqu'on est en pleine poursuite ou qu'on réduit la distance. La Commission estime qu'il s'agit d'une mesure progressiste de la part de la Colombie-Britannique.

. la GRC devrait obliger ses agents à utiliser l'équipement d'urgence pendant toutes les poursuites .

Dans son rapport à la Commission, M. Alpert affirme que les poursuites courantes effectuées sans équipement d'urgence sont l'une des manouvres les plus dangereuses que peuvent effectuer les policiers et que :

Ce genre d'intervention doit être limité aux situations d'urgence connues. Avant d'autoriser les agents à faire des « poursuites comportant des risques » sans mettre en marche les dispositifs d'avertissement de leur voiture, il faut fixer des restrictions et des limites plus strictes que dans le cas des poursuites où les dispositifs d'avertissement sont mis en marche et donner aux agents une formation plus rigoureuse. Si l'on se contente de se fier au jugement d'un agent dont l'attention est concentrée sur l'arrestation d'un suspect, une catastrophe risque de se produire à tout moment. [Tr.]

La Commission est d'avis que la GRC devrait obliger ses agents à utiliser l'équipement d'urgence pendant toutes les poursuites, peu importe leur nature.

ImagePolitiques plus contraignantes sur les poursuites

Il est évident que la sensibilisation grandissante du public force de nombreux corps policiers à se donner des politiques plus restrictives sur les poursuites.

Cette sensibilisation accrue se manifeste en partie dans une couverture médiatique plus intense des poursuites policières de véhicules et de leurs conséquences. Au cours des dernières années, les médias s'intéressaient principalement aux blessures et aux décès imputables aux poursuites ainsi qu'aux raisons qui ont motivé ces dernières. Selon les reportages dans la presse écrite, les policiers ne veulent pas que leur pouvoir de décider quand donner et ne pas donner la chasse et quand engager et ne pas engager l'équipement d'urgence soit soumis à des contraintes. Ces reportages soulignent également que si, d'une part, la population réclame des peines plus sévères pour les fuyards, elle veut¸ d'autre part, que les poursuites soient soumises à des contraintes. Ils sont plusieurs à se demander si le vol présumé d'un véhicule ou toute autre infraction contre les biens est raison suffisante pour exposer le public aux risques de blessures et de mort qu'entraînent les poursuites.

Aux États-Unis, les résultats d'un sondage national inclus dans l'étude de 1996 de l'USNIJ ont révélé que 91 p. 100 des services policiers répondants avaient une politique sur les poursuites et que 48 p. 100 de ceux-ci avaient imposé des contraintes plus sévères sur celles-ci depuis les deux dernières années.

L'étude sur les poursuites menée en 1992 par la GRC mentionne ce qui suit :

Les ouvrages sur ce sujet nous apprennent que le public et les corps policiers s'inquiètent de plus en plus des risques et des conséquences qui accompagnent les poursuites. Ils soulignent la fréquence des accidents, des blessures et des dommages ainsi que les inquiétudes grandissantes du public et des tribunaux de même que l'augmentation des questions de responsabilité judiciaire. Tous semblent s'entendre sur le besoin d'avoir des politiques nettes et précises pour guider la prise de décisions et la formation afin que les politiques soient mises en ouvre de façon efficace. [Tr.]

ImageLa formation

Il est essentiel que non seulement la GRC peaufine et explicite sa politique écrite, mais qu'elle forme aussi convenablement ses agents aux poursuites.

L'étude de 1992 de la GRC fait également ce lien entre la formation et la politique, comme le démontre la citation suivante : ... plusieurs services de police n'ont pas de politiques

officielles et explicites et offrent d'habitude une formation inégale. Les lacunes au chapitre de la formation sont en fait le résultat de l'ambiguïté des politiques. [Tr.]

On ne peut étoffer la politique sans améliorer la formation. Les membres de la GRC n'ont pas tous la même formation aux poursuites. À l'heure actuelle, cette formation fait partie du cours avancé de conduite automobile dans lequel deux jours sont consacrés à l'évitement des obstacles et des collisions, le contrôle des dérapages et la poursuite automobile. Des exposés théoriques sur la conduite en situation d'urgence et les poursuites viennent compléter la formation pratique, mais, comme nous le précisons ci-dessous, la formation est insuffisante dans les domaines de l'évaluation du risque et de la prise de décisions.

Le cours avancé de conduite automobile a été officiellement ajouté au cursus de la Division dépôt à l'automne 1994. Près de 500 recrues sont diplômées chaque année à l'école de la GRC, ce qui veut dire que depuis 1994, 2 500 recrues et 3 500 autres membres sur le terrain ont suivi ce cours avancé.

Cependant, au 25 mars 1999, la GRC comptait près de 12 500 membres ayant le rang de gendarme ou de caporal (soit ceux qui sont le plus souvent affectés aux patrouilles). Si la Commission tient compte de l'avancement et de l'attrition que connaît la GRC au fil des ans, elle conclut que moins de la moitié des membres de la GRC de ce rang ont suivi le cours avancé de conduite automobile.

Image1. Aucune poursuite sans formation appropriée

L'évaluation que la Division « E » a faite du programme de conduite automobile en 1986 a souligné l'importance de soumettre tous les membres à la formation avancée. Les auteurs de cette évaluation ont conclu que la formation avancée relevait certainement les compétences et ils ont recommandé que celle-ci soit offerte à toutes les recrues à la Division dépôt ou dans les six mois qui suivent leur arrivée sur le terrain.

. moins de la moitié des membres de la GRC de ce rang ont suivi le cours avancé de conduite automobile.

Les auteurs ont recommandé que les poursuites ne devraient être engagées que par des membres ayant reçu la formation avancée de conduite automobile. Certains corps policiers imposent une telle condition. À titre d'exemple, tous les policiers provinciaux et municipaux doivent obtenir une note d'au moins 75 p. 100 au cours de poursuites automobiles du Collège de police de l'Ontario avant d'être autorisés à effectuer des poursuites. En Colombie-Britannique, une disposition du règlement sur la conduite de véhicules d'urgence précise qu'à partir d'une date qui reste à fixer, un policier ne doit pas effectuer de poursuites automobiles sans avoir suivi au préalable un cours d'une journée.

Image2. La formation aux poursuites et la formation aux armes à feu

La formation aux poursuites de la GRC est nettement plus brève que celle donnée dans d'autres domaines, tel l'usage des armes à feu. La norme nationale de formation de la GRC pour le cours avancé de conduite automobile mentionne que si, d'une part, le policier reçoit une formation permanente aux armes à feu, d'autre part, il consacre 70 p. 100 de son temps de travail aux patrouilles. Le plan précise en outre que :

... la conduite de l'autopatrouille qu'ils utilisent tous les jours est souvent négligée. Compte tenu des conditions sous lesquelles ils conduisent, ils doivent posséder des aptitudes particulières et pour conduire de façon sécuritaire, ils doivent suivre une formation et s'exercer régulièrement, ce qui réduira inévitablement le nombre d'accidents.

La Commission a noté que la plupart des budgets policiers prévoient des fonds adéquats pour un recyclage annuel au maniement des armes à feu. Cependant, les policiers qui conduisent une autopatrouille et participent aux poursuites sont bien plus nombreux que ceux qui ont l'occasion d'utiliser leur arme à feu.

La formation aux poursuites de la GRC est nettement plus brève que celle donnée dans d'autres domaines, tel l'usage des armes à feu.

La Commission est d'avis que la conduite sécuritaire d'une autopatrouille pendant une poursuite est tout aussi importante que le maniement correct d'une arme à feu.

Image3. Le maintien des aptitudes

Les corps policiers ne nient aucunement l'importance du recyclage en matière de poursuite automobile.

L'évaluation de 1986 par la Division « E » de la GRC du programme de formation avancée à la conduite automobile mentionnait que le Service de police de Delta (Colombie-Britannique) avait offert à tous ses agents un tel recyclage parrainé par le Justice Institute of British Columbia. Dans les deux années qui ont suivi ce recyclage, on n'a déploré, pendant les poursuites, aucun accident imputable aux agents du service de police de Delta. Cependant, après deux années sans recyclage, le service a de nouveau accusé des accidents imputables à ses agents. Ceci est une forte indication que les policiers ont absolument besoin d'un tel recyclage pour conserver leurs aptitudes à mener ces poursuites en toute sécurité. Compte tenu de ce fait, les évaluateurs de la Division « E » ont recommandé que chaque membre de la GRC suive un cours de recyclage à tous les trois ans. Ils ont formulé cette recommandation en 1986, mais la GRC n'y a pas encore donné suite.

Le policier doit suivre une formation permanente pendant toute sa vie professionnelle. Un seul cours suivi pendant la durée d'une carrière n'est pas suffisant pour savoir mener de façon sécuritaire des poursuites automobiles.

Cependant, après deux années sans recyclage, le service a de nouveau accusé des accidents imputables à ses agents.

Image4. L'uniformité de la formation

M. Alpert aborde également dans son rapport le manque d'uniformité dans la formation dispensée aux membres de la GRC.

La formation devrait être uniforme dans l'ensemble de la GRC ne seraitce qu'à cause de la fréquence des mutations des membres de la GRC entre les services policiers provinciaux et municipaux.

Le cours avancé de conduite automobile s'appuie sur une norme de formation qui contient des lignes directrices sur la prestation du cours dans l'ensemble du pays. La norme et les guides ne contiennent que les grandes lignes de la formation à dispenser. Cependant, le contenu des séances n'est pas consigné, ce qui laisse à chaque instructeur la liberté d'interpréter ces directives générales à sa façon.

La Commission est d'avis que la GRC devrait faire en sorte que tous ses membres reçoivent les mêmes informations peu importe où et par qui le cours est donné et que ceux-ci puissent compter sur des ouvrages de référence pertinents.

La Commission croit également que le guide de formation de poursuite automobile du Collège de police de l'Ontario est un bon exemple d'outil de formation uniforme et fiable. Il contient des sections sur les rattrapages, les manouvres autres que le rattrapage, les façons d'interpeller les contrevenants, les techniques à utiliser pour prévenir les poursuites et d'autres renseignements importants.

Image5. L'évaluation des risques et la prise de décisions

Une formation améliorée aux poursuites automobiles doit porter non seulement sur les techniques de conduite automobile mais aussi sur l'évaluation des risques et la prise de décisions. La GRC, comme bien d'autres corps policiers, offre une formation convenable sur la conduite automobile, mais peu de cours sur l'évaluation des risques et la prise de décisions.

À ce chapitre, l'étude de 1996 du USNIJ sur les poursuites mentionnait ce qui suit :

Réduit à son essentiel, le dilemme que présente la poursuite est l'atteinte d'un équilibre entre l'application de la loi et la sécurité du public. Les poursuites seraient justifiées si l'application de la loi n'avait pour but que l'appréhension des criminels. Les conséquences néfastes, comme un accident, des blessures et même la mort, seraient alors une issue acceptable. Si, par contre, l'application de la loi avait pour but principal la sécurité du public, l'appréhension immédiate des criminels serait une préoccupation d'ordre mineur. Autrement dit, la moralité des poursuites et la mission de la police doivent toutes deux être prises en compte au moment de déterminer si les résultats de la poursuite en compensent le coût. [Tr.]

La GRC a produit en 1999 une vidéo d'instruction, et pour souligner l'importance de l'évaluation des risques posés par une poursuite, elle reprend les commentaires éloquents d'un gendarme qui a frôlé la mort dans une collision survenue pendant la chasse.

On veut d'abord se rendre sur les lieux, on veut arrêter le criminel, mais on ne doit pas faire fi de la sécurité. Il ne faut pas mettre en péril sa sécurité ni celle de son partenaire. On finira par rattraper le criminel, mais pour le faire, il faut être en une pièce. Je sais maintenant que je ne dois pas risquer ma vie, celle d'un collègue ou celle d'une personne innocente pour mettre la main au collet d'un criminel. [Tr.]

On ne peut nier que l'évaluation des risques doit entrer en ligne de compte du début jusqu'à la fin de la poursuite. Le policier qui n'est pas formé à la façon de reconnaître et d'évaluer les risques peut être dépassé par la situation et ne pas voir les dangers pour ce qu'ils sont. Le policier doit savoir évaluer objectivement les risques auxquels il s'expose et expose le public et le suspect pendant une poursuite et on ne devrait pas exiger qu'il évalue ces risques et prenne des décisions sans lui fournir la formation appropriée à cet effet.

Image6. L'attitude et la formation policières

Il est évident également que la formation influe sur l'attitude envers les poursuites.

Certains policiers croient qu'une formation avancée à la conduite automobile peut entraîner une hausse des poursuites. Les auteurs de l'étude de 1992 de la GRC sur la poursuite automobile ont fait une étude documentaire sur la question et ils ont conclu ce qui suit :

Les théories et les preuves sont partagées quant au niveau et à la portée de la formation qui doit être dispensée. Alors que la plupart des auteurs insistent sur une formation en matière de politiques et de prise de décisions, d'autres abordent la formation aux aptitudes. Même si certains auteurs souscrivent, à tort peut-être, à l'idée qu'une formation avancée peut hausser le nombre de poursuites, d'autres avancent qu'une plus grande connaissance des risques et que des aptitudes plus poussées ont un effet dissuasif sur les poursuites injustifiées. [Tr.]

Les auteurs de l'étude de 1996 du USNIJ se sont penchés sur l'effet de la formation sur les décisions du policier dans les poursuites. Ils ont relevé qu'après leur formation, les recrues sont beaucoup moins portées qu'avant à se lancer à la poursuite de certains contrevenants.

Dans trois des services de police sondés, avant de suivre le cours, 80 p. 100 des recrues se seraient lancées à la poursuite d'un voleur de véhicule dans des conditions à faible risque. Après le cours, seulement 67 p. 100 des recrues étaient encore disposées à le faire.

La totalité des recrues d'un service de police ont dit, avant le cours, qu'elles poursuivraient, dans des conditions à faible risque, un conducteur aux facultés affaiblies. Mais après le cours, seulement 73 p. 100 auraient donné la chasse.

Les cours qui n'enseignent que la façon de conduire mieux et plus rapidement ne transformeront pas nécessairement l'attitude d'un policier à l'égard des poursuites. Mais la Commission est convaincue que la formation doit prendre en compte les aptitudes techniques, l'évaluation des risques et la prise de décisions et que celle-ci peut être conçue d'une manière qui s'inscrit dans les objectifs de la politique qui impose des contraintes aux poursuites policières.

Image7. L'utilisation de l'équipement d'urgence

Comme nous l'avons démontré, l'élément important de la question est le fait que le policier ait le choix d'utiliser ou non de l'équipement d'urgence dans les poursuites courantes. La Commission est d'avis que la GRC devrait rendre obligatoire l'utilisation de l'équipement d'urgence pendant toutes les poursuites, y compris les poursuites courantes. D'ici là, la formation à l'utilisation de l'équipement d'urgence dans des poursuites courantes est encore plus primordiale. Le guide de formation de poursuite automobile de 1998 du Collège de police de l'Ontario souligne ce point dans la section sur la méthode de « rattrapage » :

... c'est au moment où il décide s'il doit ou non utiliser l'équipement d'urgence ou un autre moyen audible pour demander au contrevenant d'arrêter son véhicule que le policier doit faire preuve de jugement. . Seuls la formation appropriée, l'expérience et le jugement doivent entrer en jeu dans le choix du moment où mettre en marche l'équipement d'urgence. (C'est nous qui soulignons.) [Tr.]

La GRC a dernièrement ajouté des modules sur l'évaluation des risques et la prise de décisions au cours avancé de conduite automobile donné à la Division dépôt. La Commission est d'avis que cette mesure est une amélioration importante qui aidera à réduire le nombre d'accidents impliquant des recrues nouvellement arrivées sur le terrain et témoigne de l'importance qu'accorde maintenant la GRC à ce volet de la formation.

Image8. Le modèle d'intervention pour la gestion des incidents

La Division dépôt a ajouté à la plupart des cours dispensés aux recrues un modèle d'intervention pour la gestion des incidents et le CAPRA, qui est un modèle de résolution des problèmes. Les instructeurs présentent aux recrues une foule de scénarios qui les obligent non seulement à gérer un incident avec le moins d'intervention ou de force possible, mais aussi à évaluer constamment les risques et à remettre en question leurs décisions et leurs gestes pendant l'incident.

La Commission recommande que ce même modèle soit utilisé pour la formation aux poursuites. Le policier devrait être mis devant diverses situations afin de s'exercer à la prise de décisions en même temps qu'à la conduite automobile. En réalité, la GRC pourrait modifier chacun des aspects de la formation à la conduite en y ajoutant le modèle d'intervention pour la gestion des incidents.

ImageConclusion et recommandations

La vidéo de formation de la GRC que nous avons mentionnée plus haut contient la citation suivante d'un policier impliqué dans la poursuite du conducteur d'un véhicule volé qui a entraîné la mort du suspect :

Lorsque, en tant qu'agent de la paix, vous vous imaginez qu'un jour vous aurez peut-être à décider si vous devez ôter la vie à une personne, vous ne pensez pas que ce sera au volant d'un véhicule. Mais soyons réalistes, on est au volant d'un véritable missile qui peut tuer. Dans ma vie de policier, je n'ai jamais pensé que je me trouverais un jour dans une poursuite entraînant la mort d'une personne.

Ce qui m'a été le plus difficile est de regarder les parents et de penser à la douleur qu'ils ressentent encore tous les jours à cause de cette perte. Est-ce qu'un véhicule de 40 000 $ vaut la vie d'une personne? Il avait tort de se trouver là, il avait tort d'être au volant du véhicule volé, il avait tort de ne pas s'arrêter lorsque je l'ai sommé de le faire, mais cela lui a coûté la vie et cela n'en valait pas la peine. Nous avons tous perdu dans cette affaire. Les membres en cause sont marqués pour la vie, les parents ont perdu un fils, le véhicule que nous cherchions à récupérer était une perte totale. Qu'avons-nous gagné dans cette affaire? Rien du tout. [Tr.]

Il est évident que les poursuites policières, qu'elles soient courantes ou comportant des risques, mettent en danger la sécurité du public. Il y a eu bien trop de cas de blessures et de décès pour qu'on puisse oublier ce fait capital.

ImageLa Commission recommande au Commissaire de la GRC que :

  1. la GRC modifie sa politique sur les poursuites comportant des risques afin que ses membres sachent qu'ils ne doivent mener des poursuites comportant des risques qu'en cas de délit grave. La politique devrait définir clairement ce qu'on entend par « délit grave »;
  2. la GRC modifie sa politique sur les poursuites afin que ses membres soient contraints d'utiliser l'équipement d'urgence dans toutes les poursuites dites « courantes », pour avertir le public du danger;
  3. la GRC rende obligatoire sa formation avancée à la conduite automobile pour tous les membres appelés à effectuer des poursuites. Ce programme devrait offrir une meilleure formation sur l'évaluation des risques et la prise de décisions;
  4. le programme de formation avancée à la conduite automobile devrait être suivi d'un programme de recyclage pour chaque membre au moins une fois tous les trois ans, comme le recommandait l'Évaluation de la Division « E » de la GRC en 1986.

ImageAnnex I : Bibliographie

Articles

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Décision du coroner rendue le 24 février 1988, à Burnaby, C.-B., concernant le décès de Nancy Elizabeth Windsor

Ontario (Attorney General) v. Castilloux [1976] O.J. No. 318

R. v. Winters, British Columbia Supreme Court, 1996

ImagePolitiques

Alberta Solicitor General. « Motor Vehicle Pursuit Guidelines », 1990

Model Policy, Vehicular Pursuit, December 1, 1989, and accompanying « Vehicular Pursuit Concepts and Issues Paper », August 1, 1990. IACP National Law Enforcement Policy Center, Arlington, VA.

U.S. Department of Transportation. « Guidelines for the Evaluation and Structuring of a Driver Training Process for Law Enforcement Personnel », A Task Force Report by the International Association of Directors of Law Enforcement Standards and Training, 1989

ImageStatistiques

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Ontario (1991 - 1997), ministère du Solliciteur général et des services correctionnels. « Summary of the Suspect Apprehension Pursuits Report », 1999 Statistiques des poursuites comportant des risques (1991 - 1995), GRC, Police contractuelle, Service de la circulation, Ottawa, ON

ImageÉtudes

Alpert, Geoffrey P., Dennis Kenney, Roger Dunham, William Smith et Michael Cosgrove. « Police Pursuit and the Use of Force. A Final Report to the National Institute of Justice », Washington, DC: U.S. Department of Justice, 1996

Charles, Michael T., David N. Falcone et Edward Wells. « Police Pursuit in Pursuit of Policy: The Pursuit Issue, Legal and Literature Review, and an Empirical Study », Washington, DC: AAA Foundation for Traffic Safety, 1992

Direction de la formation de la Gendarmerie royale du Canada. « Pursuit Driving Study », Ottawa, ON, 1992

Linguanti, Francesca et Ken Higgins. « A Discussion Paper on Police Pursuit in British Columbia », British Columbia Police Commission, C.-B., 1990

, John P. « A Report from the Solicitor General's Special Committee on Police Pursuits », Ontario, ministère du Solliciteur général, 1985

Ontario, Centre canadien de la statistique juridique, Programme des services policiers. « Poursuites à bord de véhicules de police : rapport sur l'élaboration d'une politique et sur l'uniformisation de la collecte des données en Ontario », 1993

Ontario, ministère du Solliciteur général et des Services correctionnels. « Summary of the Suspect Apprehension Pursuits Report », 1999

« Review of Serious Accidents involving Police Pursuits and Emergency Response 1993 - 1995 », Association of Chief Police Officers Traffic Committee in Consultation with the Police Complaints Authority, Surrey, Angleterre, 1996

Rix, Bernard, Derek Walker et Rick Brown. « A Study of Deaths and Serious Injuries Resulting from Police Vehicle Accidents », Home Office Police Department, Police Research Group, Londres, Angleterre, 1986

ImageDocuments de formation

Collège de police de l'Ontario. « Motor Vehicle Pursuit Training Manual », 1997 et 1998

Colombie-Britannique, ministère du Procureur général. « Emergency Vehicle Operation Training Program », 1998

Edmonton Police Service. « Pursuit Policy Training », 1996

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« Proposal to the Insurance Corporation of B.C. to Participate in the Development and Operation of a Professional Driver and Traffic Safety

Centre under the Auspices of the Justice Institute of B.C. », 1986

RCMP Advanced Driver Training Course Standard, Ottawa 1985, modifié pour la dernière fois en 1995

RCMP Advanced Driver Training Evaluation, "E" Division, 1986

RCMP Advanced Driver Training Evaluation "J" Division, 1983

RCMP Advanced Driver Training Lesson Plans, "E" Division

RCMP Depot Police Driving Program - Program Outline

ImageVidéo

In Control - Emergency Vehicle Operation in the Line of Duty. Production de: RCMP "E" Division Audio-Visual Training Unit, c.1999

Annexe 2 : Rapport de G. Alpert

Politique et formation :

les deux premiers éléments constituants d'une politique sur les poursuites pour la Gendarmerie royale du Canada

Geoffrey P. Alpert College of Criminal Justice University of South Carolina Columbia, SC 29208 États-Unis

Les poursuites policières sont utiles à la société lorsqu'elles se terminent par l'arrestation des criminels. Par contre, le coût de ces poursuites se traduit par des collisions qui provoquent des décès, des blessures personnelles ou des dommages aux biens. Les poursuites, quand elles entraînent des résultats négatifs, imposent aussi des coûts indirects aux victimes ou aux membres de leur famille. À cause des problèmes que provoquent les poursuites, les services de police doivent adopter des règlements explicites, que les agents et les superviseurs doivent connaître et appliquer. Les quatre éléments constituants d'une politique sur les poursuites sont la précision de la politique elle-même, la formation du personnel, la supervision et l'obligation de rendre des comptes. Le présent rapport s'intéresse aux deux premiers éléments constituants, soit la précision de la politique, qui doit être claire, et la formation du personnel, qui doit être uniformisée. Plus précisément, le rapport fait une évaluation de la politique sur les poursuites de la Direction générale de la Gendarmerie royale du Canada et porte principalement sur les poursuites « courantes » ou « de rattrapage ». Le rapport ne touche pas à la supervision ni à l'obligation de rendre des comptes, si ce n'est pour souligner leur importance comme troisième et quatrième éléments constituants d'une politique sur les poursuites.

La politique sur les poursuites de la Direction générale de la Gendarmerie royale du Canada est une politique vague, qui fait appel dans une très grande mesure à la formation, au jugement et à la discrétion des agents. Cette politique a une portée limitée et elle passe sous silence beaucoup d'éléments relatifs aux poursuites qu'on devrait normalement retrouver dans une politique complète et détaillée. De plus, le texte même de la politique est à ce point vague que le lecteur peut l'interpréter de différentes façons. Autrement dit, les agents qui lisent la politique peuvent lui donner chacun leur propre interprétation. Par conséquent, il n'y a malheureusement pas de politique vraiment claire, mais plutôt une politique ouverte à de multiples interprétations. On y trouve des énoncés bien formulés, mais qui exigent néanmoins des développements et des explications. La politique exprime bien l'objectif général que poursuit la GRC (E. 5. a. Généralités) : « La sécurité des citoyens est d'une importance capitale. Il vaut mieux éviter ou abandonner une poursuite que de risquer d'infliger des blessures à quelqu'un. » Elle précise un peu plus loin (E. 5. a. 8.) : « Les poursuites doivent être abandonnées lorsqu'elles compromettent vraiment la vie d'autres personnes, lorsqu'elles deviennent inutiles ou qu'il est possible de recourir à d'autres moyens pour effectuer l'arrestation. » On trouve aussi dans cette politique une liste de plusieurs facteurs de risque dont les agents doivent tenir compte avant d'entreprendre une poursuite (E. 5. b. 3.), mais on n'y explique pas comment ils doivent être considérés ni quels sont ceux qui sont plus importants que les autres. En d'autres termes, la politique s'appuie sur des notions de base raisonnables, mais les agents auraient besoin d'une formation approfondie pour comprendre son sens ou ses objectifs.

Par exemple, la politique dit que les agents doivent tenir compte de la gravité de l'infraction (E. 5. b. 3. 4.), mais elle n'explique pas comment ils peuvent déterminer cette gravité. Des études récentes montrent que la plupart des suspects qui tentent d'échapper à la police n'ont commis que des infractions mineures. On estime d'ailleurs que 80 p. 100 des poursuites n'ont pour cause que des infractions aux règlements de la circulation1. L'agent qui prend en chasse un individu qui n'a pas fait un arrêt obligatoire doit-il considérer que celui-ci tente de s'enfuir parce qu'il a commis un acte criminel et qu'il doit être arrêté? En d'autres termes, la politique n'explique pas comment l'agent doit mesurer la gravité de l'infraction. Même si la politique n'est pas explicite à ce sujet, la manière d'évaluer la gravité de l'infraction peut néanmoins être définie et expliquée dans le cadre d'un programme de formation bien détaillé. Par contre, si les critères d'évaluation ne sont pas définis dans la politique ni expliqués dans un cours de formation, les agents ne pourront pas saisir le sens et l'objectif de la politique.

La politique de la GRC devrait comprendre plusieurs notions qui manquent actuellement et définir certains termes d'une façon plus précise. Le National Law Enforcement Policy Center de l'Association internationale des chefs de police (AICP) a publié en 1989 un modèle de politique sur les poursuites qui comprend un minimum d'éléments que toute politique de ce genre devrait couvrir. Outre ces éléments, l'AICP définit certains facteurs qui doivent être pris en considération et explique comment ils doivent l'être. Les grandes lignes de cette politique sont les suivantes :

  1. Objet de la politique
  2. Politique
  3. Définitions
  4. Procédures
    1. Décision d'entreprendre une poursuite en voiture
    2. Responsabilités de l'agent qui effectue la poursuite
    3. Responsabilités du centre des communications
    4. Responsabilités du superviseur durant la poursuite
    5. Règlements de la circulation durant une poursuite
    6. Tactiques de poursuite
    7. Interruption de la poursuite
    8. Poursuites sur un territoire sous l'autorité d'un autre service de police
    9. Analyse de la poursuite [Tr.]

Un autre document, qui porte sur les notions et les questions à considérer, examine plus en détail les éléments contenus dans le modèle de politique. Pour aider ses agents à bien comprendre tous les éléments que comporte une poursuite, la GRC devrait faire une évaluation approfondie du modèle de politique de l'AICP et du document sur les notions et les questions à considérer. Quoi qu'il en soit, le contenu et l'interprétation de la politique de la GRC doivent être clarifiés.

À cette fin, la GRC pourrait faire une analyse approfondie du modèle de politique de l'AICP et reprendre pour son compte une grande partie de son contenu. L'un des aspects les plus délicats de la politique de la GRC a trait aux poursuites « courantes ». Aux États-Unis, beaucoup d'États n'autorisent pas les policiers à violer les règlements de la circulation, à moins qu'ils actionnent les dispositifs d'avertissement d'urgence de leur véhicule. D'autres États n'imposent pas cette exigence, et cette pratique, connue sous le nom de « overtake », fait l'objet de vives critiques. Même les lois les plus souples limitent rigoureusement cette pratique, et dans tous les cas les agents de police ne sont pas autorisés à conduire sans tenir compte de la sécurité de tous les automobilistes. Cette question sera reprise plus en détail dans la prochaine section.

À l'heure actuelle, la GRC fait une distinction entre deux catégories de poursuites, soit les poursuites « courantes » et les poursuites « comportant des risques » (Soutien spécialisé, E. 5. A. 2, 3). La poursuite « courante » consiste à surveiller des véhicules, à vérifier la vitesse et à intercepter certains véhicules, tandis que la poursuite « comportant des risques » survient lorsqu'un suspect refuse d'immobiliser son véhicule en présence d'une voiture de police dûment identifiée, dont les gyrophares ou la sirène sont en marche. La politique de la GRC ne dit pas clairement si les agents doivent actionner les dispositifs d'avertissement d'urgence lorsqu'ils effectuent une poursuite « courante ». La politique indique que (E. 5. b. 2) les agents doivent « utiliser tous les dispositifs d'avertissement d'urgence dont le véhicule est muni », sans préciser toutefois la nature de la poursuite. Comme la politique est formulée, on peut se demander si un agent peut, dans une poursuite « courante », s'approcher du véhicule suspect sans actionner les dispositifs d'avertissement d'urgence. De plus, le terme « poursuite » est utilisé indifféremment dans tout le texte de la politique, sans égard à la distinction entre poursuite « courante » et poursuite « comportant des risques ». Comme le texte de la politique laisse au lecteur le soin de définir en quoi consistent la poursuite « courante » et la poursuite « comportant des risques », certains agents peuvent considérer qu'ils sont autorisés à entreprendre une poursuite « courante » sans actionner les dispositifs d'avertissement d'urgence. Les choses étant vues sous cet angle, la principale caractéristique opérationnelle de la poursuite « courante » tient au fait que le suspect ne reçoit pas l'ordre d'immobiliser son véhicule et que le public n'est pas averti d'un risque éventuel. Dans une poursuite « comportant des risques », la sirène et les gyrophares indiquent au conducteur d'un véhicule suspect qu'il doit s'immobiliser et préviennent le public contre un risque éventuel. Comme nous l'avons mentionné, la politique de la GRC ne définit pas de façon distincte ces deux types de poursuites et ne donne pas de directives claires ou complètes aux agents.

Toute politique sur les poursuites doit contenir des directives et des règles précises, que les agents doivent observer. Beaucoup de décisions qu'un agent doit prendre en une fraction de seconde doivent déjà avoir été prévues dans la politique. En d'autres termes, une politique sur les poursuites « comportant des risques » peut fixer des conditions relativement à la vitesse à ne pas dépasser au-delà de la limite légale, à la distance, au type d'infraction observée, au nombre d'unités et aux conditions atmosphériques, par exemple. De même, la politique doit définir exactement en quoi consiste une poursuite « courante ». Avant de passer à la question des poursuites « courantes », il serait utile de prendre connaissance de l'expérience acquise par un service de police qui a posé des conditions strictes aux poursuites.

Le service de police de Miami-Dade est responsable de l'application de la loi dans les régions du comté de Dade, en Floride, qui ne sont pas constituées en municipalités, et dans les régions constituées en municipalités qui ne possèdent pas leur propre service de police. Ce service de police présente un intérêt particulier parce qu'il a modifié sa politique sur les poursuites en décembre 1992; auparavant discrétionnaire, cette politique autorisant les poursuites quelle que soit la nature de l'infraction a été remplacée par une politique limitant les poursuites à des infractions avec violence clairement définies. Ces poursuites feraient partie de la catégorie des poursuites « comportant des risques », car la politique n'autorise pas les poursuites « courantes ».

Nombre de poursuites :

1990

323

1991

352

1992

279

1993 51
1994 44
1995 61
1996 37
1997 35

Comme le montrent les données ci-dessus, la nouvelle politique a eu un effet radical sur le nombre de poursuites effectuées par les agents de ce service de police. Le nombre de poursuites a diminué considérablement et est demeuré assez stable à la suite de l'adoption de la nouvelle politique. Le pourcentage de poursuites qui se sont terminées par un accident était d'environ 35 p. 100 avant 1993, et il est demeuré relativement stable. Par contre, un grand nombre d'accidents survenus avant 1993 étaient liés à des infractions aux règlements de la circulation et à d'autres infractions mineures, comparativement aux infractions avec violence qui ont été à l'origine des accidents consécutifs aux poursuites qui ont eu lieu après cette date. Le taux de criminalité et les infractions criminelles ont aussi diminué au fil des ans dans la région de Miami-Dade, à l'instar de la tendance observée à l'échelle nationale. De plus, les responsables des services de police ne signalent aucune augmentation de la criminalité à la suite de l'adoption de la nouvelle politique, et le nombre de suspects qui ont tenté de fuir la police n'a pas augmenté de façon significative2. Les vols de voitures dans le comté de Dade nécessiteraient toutefois une évaluation plus détaillée, à cause de l'intense activité portuaire et du nombre élevé de cargos en partance pour l'Amérique du Sud, deux conditions qui rendent particulièrement facile l'exportation des véhicules volés. Le nombre de voitures volées a augmenté en 1992- 1993, mais il diminue régulièrement et sensiblement depuis 1994, ce qui correspond aussi à la tendance à l'échelle nationale.

Il est important de souligner que même si toutes les poursuites effectuées avant l'adoption de la nouvelle politique ont mené à des arrestations, le nombre de ces arrestations n'aurait quand même pas d'incidence majeure sur le taux de criminalité dans le comté. En d'autres termes, les inconvénients d'une politique énergique ou discrétionnaire en matière de poursuites surpasseraient ses avantages.

Image


1 Alpert, Police Pursuit: Policies and Training, National Institute of Justice, Research in Brief, mai 1997; Alpert et Fridell, Police Vehicles and Firearms: Instruments of Deadly Force, Waveland Press, Prospect Heights, Illinois, 1992.

2 Ces observations ont été faites par M. G. Thomas Arnold, directeur adjoint du service de police de Miami-Dade, à l'assemblée du 20e anniversaire du Police Executive Research Forum (PERF), tenue en mai 1997.


Les poursuites « courantes »

Les commentaires qui suivent partent de l'hypothèse suivant laquelle les poursuites « courantes » sans l'utilisation des dispositifs d'avertissement d'urgence sont autorisées. Le but d'une poursuite « courante » est de rattraper un véhicule suspect ou de réduire la distance qui le sépare du véhicule de police avant d'indiquer à son conducteur qu'il doit s'arrêter. Cette tactique est autorisée parce que l'on croit qu'un suspect risque davantage de s'enfuir si le policier lui indique de s'arrêter au moyen des gyrophares lorsque la distance entre les deux véhicules est encore élevée plutôt que si elle est réduite. C'est ce qu'on appelle la « rabbit theory » aux États-Unis.

Le fait de permettre aux agents d'enfreindre les règlements de la circulation sans avertir le public les oblige à évaluer le risque certain auquel ils s'exposent et exposent le public par rapport aux avantages que peut comporter l'arrestation du suspect. Malheureusement, les coûts liés à une poursuite « courante » sont énormes. Autrement dit, il ne fait aucun doute que le danger immédiat est beaucoup plus élevé lorsqu'un agent enfreint les règlements de la circulation sans avertir le public. Le public pourrait toutefois être exposé à un risque plus élevé encore si la personne pourchassée a commis un crime avec violence et risque d'en commettre encore d'autres.

Rien n'assure que le suspect, paniqué et agressif, va se conformer aux ordres du policier, peu importe si celui-ci se trouve à proximité de son véhicule, et aucune statistique ne fait état du nombre de citoyens qui tenteraient de fuir si la police faisait usage des dispositifs d'avertissement d'urgence pour assurer la protection du public au lieu de dépasser la limite de vitesse sans avertissement d'urgence. D'ailleurs, comme nous l'avons mentionné, les responsables des services de police confirment qu'une politique plus restrictive n'a pas pour effet d'« inciter » les suspects à prendre la fuite. Malheureusement, il ne semble exister aucune étude portant sur le problème des suspects qui s'enfuient lorsque la police actionne les dispositifs d'avertissement d'urgence soit à proximité de leur véhicule, soit à une certaine distance. La « rabbit theory », qui suppose qu'un suspect va prendre la fuite si l'agent qui le poursuit ne se trouve pas tout près de son véhicule lorsqu'il actionne les gyrophares, n'a jamais été mise à l'épreuve ni démontrée. Toutefois, différents témoignages semblent montrer que même si certains suspects vont profiter de la distance qui les sépare d'une voiture de police dont les dispositifs d'avertissement d'urgence sont en marche et vont fuir, la plupart des suspects préfèrent ralentir, se fondre dans la circulation ou tenter de se cacher plutôt que d'accélérer et de s'enfuir. Même le suspect qui accélère et tente de semer un policier va probablement chercher un endroit où se cacher lorsqu'il l'a perdu de vue, au lieu de continuer à conduire vite et dangereusement. Ce genre de comportement, s'il peut éviter au suspect d'être arrêté sur le moment, élimine aussi le risque immédiat pouvant résulter de la conduite dangereuse du suspect ou de la « conduite d'urgence » du policier qui omet de prévenir le public. L'excès de vitesse du suspect et sa manière de conduire dangereusement pour échapper à ses poursuivants de même que la conduite à haute vitesse des policiers sans avertissement d'urgence sont les seuls facteurs de risque immédiat pour le public présent.

Autoriser les policiers à enfreindre les règlements de la circulation sans prévenir le public est une pratique qui comporte des avantages discutables et des risques certains. À l'heure actuelle, aucune statistique ne justifie cette pratique, dont l'efficacité reste à démontrer. De plus, la conduite d'urgence, même lorsque les dispositifs d'avertissement d'urgence sont en marche, demeure l'une des interventions les plus risquées qu'un agent de police doit effectuer. Ce genre d'intervention doit être limité aux situations d'urgence connues. Avant d'autoriser les agents à faire des « poursuites comportant des risques » sans mettre en marche les dispositifs d'avertissement d'urgence de leur voiture, il faut fixer des restrictions et des limites plus strictes que dans le cas des poursuites où les dispositifs d'avertissement sont mis en marche et donner aux agents une formation plus rigoureuse. Si l'on se contente de se fier au jugement d'un agent dont l'attention est concentrée sur l'arrestation d'un suspect, une catastrophe risque de se produire à tout moment.

Le « Motor Vehicle Pursuit Training Manual » du Collège de police de l'Ontario, publié en 1998, explique que le « rattrapage » consiste pour le policier à s'approcher du véhicule d'un suspect afin de lui intimer l'ordre de s'arrêter en actionnant les dispositifs d'avertissement d'urgence du véhicule de police.

Durant cette phase de l'arrestation, qu'on appelle le rattrapage, le policier doit faire preuve de beaucoup de jugement pour déterminer à quel moment il va ordonner (au moyen des gyrophares, de la sirène, etc.) au contrevenant de s'immobiliser. Il faut beaucoup de jugement en effet, parce que dans le cas d'un excès de vitesse, le policier doit lui-même aller encore plus vite que le contrevenant pour le rattraper. Même si la mise en marche prématurée des gyrophares peut dans certains cas inciter le contrevenant à s'enfuir, il n'en reste pas moins qu'un véhicule de police circulant à grande vitesse peut constituer un danger pour le public. Seuls une bonne formation, l'expérience et un jugement sûr permettent de déterminer à quel moment le policier doit mettre en marche les dispositifs d'avertissement d'urgence. [Tr.]

Si l'on veut permettre aux policiers d'enfreindre les règlements de la circulation sans mettre en garde le public, on doit fixer des règles et des directives précises, qui ne laissent pas de place à la discrétion des agents ni à leur jugement, si sûr soit-il. Dans le cas des poursuites « courantes », on peut, par exemple, fixer des critères concernant la vitesse autorisée au-delà de la limite légale, la distance à parcourir, l'autorisation d'un superviseur, ou de préférence limiter ces poursuites aux situations qui comportent un danger de mort et où ce genre de conduite est susceptible de procurer un avantage tactique explicable et justifiable. Le simple fait de souhaiter qu'un individu soit plus susceptible de s'immobiliser si le policier se trouve plus près plutôt que plus loin ne saurait justifier que ce dernier conduise dangereusement et compromette la sécurité du public. Si les policiers sont dispensés de l'obligation de respecter les règlements de la circulation, c'est avant tout pour protéger des vies, et non pour les exposer au danger. Ce principe doit être enchâssé dans une politique dont l'objectif et la formulation doivent être sans équivoque et on doit l'enseigner à tous les agents au moyen d'un programme de formation complet.

ImageFormation

Le deuxième élément constituant d'une bonne politique sur les poursuites consiste à bien faire comprendre aux agents le sens et la portée de la politique. La formation donnée aux agents doit comprendre un exposé précis de leur mission, des règles de déontologie qu'ils doivent respecter et des tâches qu'ils sont censés effectuer. En ce qui concerne les poursuites « courantes » et les poursuites « comportant des risques », les agents doivent apprendre ce qu'on attend d'eux et connaître les comportements et les actes que leurs supérieurs tolèrent. En outre, tous les agents doivent recevoir les mêmes documents de formation. En d'autres termes, le service de police doit offrir à ses agents une formation uniforme.

La formation en matière de poursuites doit porte sur la conduite d'un véhicule en situation d'urgence, ce qui comprend les techniques de conduite, mais pas toujours sur la prise de décision. Ces deux éléments sont essentiels, mais aucun ne suffit en lui-même. Un agent doit non seulement savoir conduire un véhicule dans une situation d'urgence, mais il doit aussi être capable de juger si une situation donnée constitue une situation d'urgence. La formation en matière de poursuites doit jumeler ces compétences et ces habiletés. L'International Association of Law Enforcement Standards and Training (IADLEST) propose plusieurs méthodes de conduite qu'on peut enseigner aux agents de police : le Smith System [système Smith], le système IPDE (Identify, Predict, Decide and Execute) [identifier, prévoir, décider et agir] ou SIPDE (Search, Identify, Predict, Decide and Execute) [chercher, identifier, prévoir, décider et agir] et le Zone Control System [Système de contrôle de zone]. Fort heureusement, la plupart des services de police offrent une bonne formation technique en ce qui concerne les méthodes de conduite. Malheureusement toutefois, la plupart des services de police n'offrent pas une bonne formation en ce qui concerne la prise de décisions.

La formation sur les poursuites doit développer le jugement des agents afin qu'ils soient en mesure de décider s'ils entreprennent une poursuite « courante » ou s'ils continuent une poursuite. L'objectif d'un cours axé sur la prise de décisions consiste à préparer les agents à prendre des décisions judicieuses dans une situation stressante et exigeante, soit la conduite en situation d'urgence. Il est essentiel que tous les agents reçoivent une formation identique, afin qu'ils répondent de la même manière aux situations et aux conditions qu'ils rencontrent et que les superviseurs puissent comprendre leur comportement et réagir aux connaissances et à la formation de chaque agent. Premièrement, ce genre de cours doit comprendre une initiation à la mission que représente l'application de la loi et aux considérations déontologiques qui caractérisent la conduite en situation d'urgence. Autrement dit, la mission de l'application de la loi consiste à protéger des vies, à maintenir et sauvegarder la sécurité du public et à arrêter les individus suspects d'actes criminels. Deuxièmement, les règles juridiques qui s'appliquent à la conduite et aux opérations d'urgence doivent être définies et interprétées. Enfin, les éléments opérationnels doivent être couverts dans le moindre détail et les participants doivent avoir la possibilité de poser des questions et d'interroger l'instructeur sur toute situation hypothétique. Il est donc essentiel que les instructeurs soient familiers avec le matériel et connaissent bien les questions les plus fréquentes ainsi que les réponses pertinentes. De plus, les éléments de la politique doivent être expliqués en détail.

L'objectif d'une poursuite doit être d'arrêter un délinquant sans causer de blessures aux agents, au suspect et au public ni de leur faire courir des risques inutiles. Tout cours bien structuré doit expliquer cet objectif et les moyens nécessaires pour y parvenir. La décision de continuer une poursuite doit tenir compte des risques qu'elle comporte et du danger auquel le public est exposé, par rapport à la probabilité d'effectuer l'arrestation et aux avantages qui peuvent en résulter. Les risques et les avantages doivent être expliqués et évalués. De plus, il faut examiner toutes les autres solutions possibles, y compris l'interruption de la poursuite. Plusieurs États, y compris la Californie ( Penal Code, Section 13519.8), obligent les services de police à se doter d'une politique dans ce domaine et à offrir des cours de formation portant sur les sujets suivants :

  1. Quand entreprendre une poursuite;
  2. Le nombre d'unités d'application de la loi qui peuvent y participer;
  3. Les responsabilités des unités primaires et secondaires;
  4. Les tactiques de conduite;
  5. L'assistance par hélicoptère;
  6. Les communications;
  7. La capture du suspect;
  8. L'interruption d'une poursuite;
  9. Les responsabilités du superviseur;
  10. Les techniques de blocage, de tamponnement et d'encerclement et la mise en place de barrages routiers;
  11. Les limites de vitesse;
  12. Les poursuites sur un territoire sous l'autorité d'un autre service de police;
  13. L'état du véhicule, du conducteur et de la route, la circulation et les conditions atmosphériques;
  14. Les risques auxquels sont exposés les passants et les autres automobilistes;
  15. L'analyse de la poursuite et la préparation d'un rapport. [Tr.]

Beach et al.3 ont défini les objectifs de comportement que doivent viser les cours de cette nature. Un tel cours doit permettre à un agent :

  1. De définir en quoi consiste une poursuite;
  2. D'expliquer quelles infractions justifient une poursuite;
  3. D'expliquer en quoi la conduite au cours d'une poursuite est différente de la conduite dans les autres situations d'urgence;
  4. D'expliquer ce qu'est le caractère raisonnable d'une poursuite et comment le déterminer;
  5. D'énumérer les facteurs à considérer avant de décider d'entreprendre une poursuite;
  6. D'expliquer la nature des renseignements à transmettre au répartiteur au cours d'une poursuite;
  7. D'expliquer ce qu'il doit faire s'il décide de ne pas poursuivre un suspect;
  8. D'expliquer les règles de sécurité à suivre au cours d'une poursuite;
  9. D'expliquer le rôle des agents qui lui prêtent main-forte au cours d'une poursuite
  10. De dresser la liste des questions qu'il doit régulièrement se poser au cours d'une poursuite;
  11. D'expliquer comment faire en sorte qu'une poursuite ne devienne pas un défi personnel;
  12. D'expliquer les limitations de l'équipement d'urgence au cours d'une poursuite;
  13. D'expliquer dans quelles circonstances une poursuite doit être interrompue;
  14. D'expliquer les conséquences de l'interruption d'une poursuite;
  15. D'expliquer dans quelles circonstances il est permis de recourir à la force pour mettre fin à une poursuite;
  16. D'énumérer les questions qu'il doit se poser avant de recourir à la force pour mettre fin à une poursuite. [Tr.]
Image

3 Beach, Raymond, Earl Morris et William Smith, Emergency Vehicle Operations: A Line Officer's Guide, Tulsa, Oklahoma, Pecos Press, 1993.


Bien que ces objectifs ne donnent qu'un aperçu du contenu d'un cours de formation et des comportements à développer chez les participants, ils constituent un bon point de départ pour les services de police qui veulent élaborer leur propre cours. Il est important néanmoins non seulement de bien préparer la matière à exposer dans le cours, mais aussi de présenter cette matière d'une façon uniforme, quels que soient le moment et l'endroit. En d'autres termes, un membre de la GRC doit recevoir la même formation, peu importe s'il suit le cours en Colombie- Britannique ou en Nouvelle-Écosse, en 1999 ou en 2001. Lorsque la politique ou les lois changent, les agents doivent suivre un cours de mise à jour. Si la formation n'est pas uniforme partout, les agents ne disposeront pas des mêmes informations pour prendre leurs décisions et les superviseurs ne sauront pas sur quels renseignements un agent appuie ses décisions. Il faut donc que la GRC prépare un guide de formation uniformisé, qui sera utilisé dans tous les cours portant sur la conduite en situation d'urgence et les poursuites en voiture. Aux États- Unis, par exemple, beaucoup d'États ont préparé des guides de formation sur la conduite en situation d'urgence et les poursuites en voiture, qui doivent être utilisés dans toutes les écoles de police reconnues. D'autres États ont adopté des principes directeurs qui définissent les grandes lignes de la formation que les agents doivent recevoir ainsi que les objectifs particuliers de cette formation. Dans un cas comme dans l'autre, toutes les recrues reçoivent la même information et sont jugées en fonction de cette information, peu importe où et quand elles ont reçu leur formation.

La Commission des normes d'application de la loi (Law Enforcement Standards Board) du département de la Justice du Wisconsin a adopté une autre voie. Elle publie des documents de formation à l'intention de ses instructeurs et exige que ceux-ci suivent un plan déterminé. Le document de formation sur les poursuites, publié en 1995, contient les catégories et directives suivantes :

  1. Résumé et objectifs d'apprentissage;
  2. Évaluation de la durée de l'apprentissage;
  3. Méthode d'enseignement;
  4. Documents à distribuer au début du cours;
  5. Guide de formation;
  6. Documents à remettre aux participants;
  7. Autres méthodes d'enseignement;
  8. Méthode d'évaluation;
  9. Objectifs de rendement.

Les directives exigent que les instructeurs présentent la matière du cours de la manière suivante :

Cette section du guide de formation contient toute l'information de base qui doit être présentée dans le cadre de ce module. Cette matière se trouve dans la colonne de gauche, sous le titre NORMES MINIMALES DE FORMATION. Les instructeurs doivent présenter toute la matière de base contenue dans la colonne intitulée NORMES MINIMALES DE FORMATION. Ils sont autorisés à ajouter d'autre matière, à condition que celle-ci n'entre pas en conflit avec les principales notions et techniques contenues dans le guide de formation (les majuscules sont dans l'original). [Tr.]

Avec cette façon de procéder, l'instructeur a la responsabilité d'enseigner une matière clairement définie, qui ne varie pas d'un cours à l'autre ni d'un instructeur à l'autre. Cette méthode permet aussi aux instructeurs d'ajouter d'autres éléments pour insister sur un point ou pour expliquer une notion.

En Californie, la Commission sur les normes et la formation des agents de la paix (Commission on Peace Officer Standards and Training) a publié en 1996 un plan de cours sur les directives en matière de poursuites automobiles à l'intention du personnel des organismes d'application de la loi de la Californie, qui propose aux instructeurs des listes et des sujets leur permettant d'élaborer leurs propres cours. Comme ce plan de cours est destiné à tous les services de police de l'État de la Californie, il doit tenir compte des nombreuses différences qui les distinguent. Même si beaucoup de catégories laissent une certaine marge de manouvre aux services de police et aux instructeurs, les listes des sujets d'apprentissage sont complètes. Par exemple, la section IX. « Interruption d'une poursuite » propose à l'instructeur des objectifs généraux et des sujets spécifiques (pages 22 à 24).

La formation devrait permettre aux agents et à leur superviseur d'être en mesure d'effectuer une analyse des avantages et des inconvénients de toute décision d'interrompre une poursuite. La formation peut expliquer comment comparer la gravité de l'infraction observée et la nécessité d'arrêter immédiatement le délinquant aux risques que la poursuite représente pour le public, les agents et le délinquant.

Voici quelques sujets que la formation peut couvrir :

  • Les conditions du milieu;
  • La durée de la poursuite;
  • L'identité du délinquant, si elle est connue;
  • La nature de l'infraction et les circonstances apparentes;
  • Les avantages d'une arrestation immédiate, par rapport au risque de blessure ou de mort auquel peuvent être exposées d'autres personnes;
  • Les limites de vitesse;
  • Une panne du système de communication, des gyrophares ou de la sirène;
  • Le risque auquel peuvent être exposés l'agent ou d'autres personnes;
  • Le manque de connaissance de la zone où a lieu la poursuite;
  • Une poursuite à contresens de la circulation sur une autoroute ou une route à voies divisées;
  • La sortie hors du territoire où s'exerce l'autorité du service de police;
  • La proximité d'une frontière internationale;
  • La perte du contact visuel avec le véhicule pris en chasse.

ImageÉlément d'apprentissage

Certains services de police définissent des types ou des catégories d'infractions pour lesquelles aucune poursuite ne doit être engagée ou toute poursuite doit être interrompue après une période ou une distance déterminée. Lorsqu'un service de police a fixé de tels critères, ceux-ci devraient être expliqués durant la formation, de même que la procédure à suivre pour mettre fin à la poursuite.

Manière de mettre fin à une poursuite

La décision de mettre fin à une poursuite doit être transmise de façon claire et précise au service des communications, aux agents principaux, aux agents adjoints, au superviseur et à l'unité aérienne. La procédure à suivre en cas d'interruption d'une poursuite doit être expliquée dans le cours de formation.

Le cours de formation doit aussi expliquer la procédure que doivent suivre l'unité primaire et les autres unités lorsqu'elles perdent le contact avec le délinquant ou qu'elles mettent fin à la poursuite. La formation peut porter sur les points suivants :

  • La fin de l'utilisation des dispositifs d'avertissement d'urgence et le retour aux conditions de conduite normales;
  • La modification de la direction du véhicule de poursuite, en sens perpendiculaire ou opposé à la dernière direction connue du véhicule du délinquant. [Tr.]

Les effets de chaque facteur, considéré isolément et en rapport avec les autres, doivent être expliqués aux agents, afin qu'ils soient en mesure de décider en connaissance de cause s'ils doivent mettre un terme à une poursuite. Ces exemples sont proposés dans le seul but de démontrer que les agents et les recrues reçoivent une formation uniformisée dans les États mentionnés.

La manière de conduire lors des poursuites est une technique susceptible de se perdre, et elle doit donc être enseignée, renforcée et mise à jour pendant toute la carrière des agents. En outre, il faut absolument éviter qu'un agent supérieur modifie ou contredise les règles qu'un agent ou une recrue ont apprises sous prétexte que « c'est comme ça que ça se passe dans la réalité ». Cette « formation improvisée » risque de forcer un jeune agent à choisir entre un plan d'action qu'il a appris durant sa formation officielle et un autre plan d'action que lui ont « enseigné » des agents supérieurs. Cette formation parallèle risque d'exercer une grave influence sur les jeunes agents et de donner lieu à des pratiques pouvant avoir des conséquences négatives sur les opérations du service de police. Il faut à tout prix éviter les messages contradictoires.

Les examens répétés, les cours de perfectionnement, les inspections et tout autre moyen de vérifier l'assimilation des connaissances pertinentes font partie intégrante de la formation et de l'administration policière. Pourtant, même si cela semble incroyable, cette façon de faire ne s'applique pas à la conduite en situation d'urgence, tandis qu'on la juge opportune en ce qui concerne le maniement des armes et d'autres activités. Il est donc important de rappeler que les agents s'exercent avec leur arme et suivent un cours de recyclage sur l'usage de la force meurtrière plusieurs fois par année, mais qu'ils ne subissent généralement aucun examen sur leurs compétences en matière de poursuites à haute vitesse! La conduite dans les situations d'urgence et de poursuite doit être soumise à des normes au même titre que le maniement des armes à feu et l'exercice au tir.

ImageAnalogie avec l'usage de la force meurtrière

La dernière section du présent rapport porte sur les points communs qui caractérisent l'usage d'une arme à feu et l'usage d'un véhicule comme force meurtrière. La plupart des agents ne feront jamais feu en direction d'un suspect au cours de leur carrière. Par contre, il est fort probable que tous auront à conduire leur véhicule dans une situation d'urgence. La Foundation for Public Safety de l'AAA (citée dans les Wisconsin Pursuit Guidelines, à la page 1) dit à ce sujet :

Au cours des dernières années, la police et le public en général semblaient croire que les policiers avaient la responsabilité d'attraper toute personne qui tentait de leur échapper, peu importe les coûts. Il arrivait souvent qu'un agent de police se sente obligé d'intercepter un délinquant, même en prenant des risques aussi graves qu'inutiles, pour éviter de paraître négligent de son devoir ou d'être considéré comme faible et lâche par ses collègues. Cette façon de voir les choses peut encore influencer certains policiers, mais la plupart ont adopté depuis cette époque une attitude plus responsable. Le public, le système judiciaire et même la police commencent à considérer différemment le degré de risque que la société est prête à tolérer quand il s'agit d'arrêter un suspect. La sécurité du public, du policier et du délinquant prend de plus en plus de poids dans l'évaluation de l'importance d'une poursuite. Nous commençons à nous rendre compte que « lorsqu'un policier se lance à la poursuite d'un individu, son véhicule devient une arme potentiellement dangereuse, peut-être même l'arme la plus dangereuse de toutes celles dont il dispose. [Tr.]

Quand un policier se sert de son arme, on peut présumer qu'il a l'intention de blesser le délinquant et que la décision de tirer implique la probabilité que quelqu'un soit blessé. La clarté de la politique sur l'usage des armes à feu et l'entraînement régulier auquel se soumettent les policiers font en sorte qu'il est peu probable qu'un agent utilise son arme s'il y a un risque élevé qu'un passant soit atteint par une balle perdue. Par contre, lorsqu'un agent entreprend une poursuite « courante » ou une poursuite « comportant des risques » et qu'il n'a pas l'intention de blesser quelqu'un, il ne mesure pas de façon réaliste le risque qu'il court de se blesser ou de blesser un passant ou le suspect. À cause de l'ambiguïté de la politique et du manque d'uniformité de la formation, il est probable qu'un agent va entreprendre une poursuite même s'il y a de fortes chances qu'elle se termine par une collision.

On rappelle trop peu souvent que durant une poursuite un agent n'a pas beaucoup d'autres moyens que la force meurtrière pour contraindre un suspect à s'arrêter. Une étude sur les poursuites effectuée pour la California Highway Patrol en 1983 dressait la liste des options et faisait remarquer (page 17) : « La liste des événements susceptibles de mettre fin à une poursuite montre que l'une des techniques les plus efficaces pour arrêter un suspect consiste tout simplement à le suivre jusqu'à ce qu'il s'arrête volontairement ou qu'il fasse une collision. » [TRADUCTION] Poursuivre un suspect sans relâche en espérant qu'il va cesser volontairement de fuir la police, ou continuer de le pourchasser jusqu'à ce qu'il fasse une collision, est une méthode qui peut être efficace, mais elle compromet la sécurité du public et peut s'avérer coûteuse. Il serait totalement absurde de tirer une balle de 9 millimètres et d'une masse de 147 grains dans une foule pour arrêter un criminel, mais pourtant on juge souvent nécessaire de poursuivre un véhicule de 2 000 kilos avec un autre véhicule de 2 000 kilos, à haute vitesse dans une circulation dense (voir à l'annexe 1 le document de la Commission sur les normes et la formation des agents de la paix de la Californie, 1996). Les véhicules de police et les armes à feu sont des instruments de force meurtrière et leur usage doit être limité et réglementé. De plus, les agents doivent pouvoir se fier à une politique claire et bénéficier d'une formation uniforme.

ImagePièce jointe no 1

Les poursuites en voiture et l'usage de la force meurtrière

LES POURSUITES EN VOITURE : Guide de formation à distance, page 267

Commission sur les normes et la formation des agents de la paix de la Californie, 1996

Les risques liés aux poursuites policières

Force meurtrière et poursuites policières

Quel est le rapport entre la force meurtrière et les poursuites policières? Tout simplement que ...

Par définition, la force meurtrière est une force qui peut causer la mort ou des dommages corporels graves.

Alors, posez-vous la question ...

Avez-vous recours à la force meurtrière lorsque, au volant de votre véhicule, vous excédez vos capacités et vos aptitudes acquises pendant la formation et que vous faites preuve d'un mépris délibéré et gratuit pour la vie et la propriété d'autrui? Le plus souvent, la question de la force meurtrière est associée à l'utilisation de l'arme de poing par un policier.

Toutefois, qu'est-ce qui est le plus susceptible de causer des dommages corporels? Une balle de calibre 9 mm de 147 grains filant à une vitesse de 955 pieds/seconde ou un véhicule de 4 000 livres roulant à une vitesse de 60 milles/heure (88 pieds/seconde)?

Image Image

La réponse : VOTRE VÉHICULE

Une balle filant à 955 pieds/seconde crée une énergie cinétique de 297 livres-pieds (puissance meurtrière); un véhicule qui roule à 60 milles/heure crée une énergie cinétique de 480 979 livres-pieds (puissance meurtrière).

Peu importe vraiment l'instrument utilisé si le résultat du recours à la force est le même, c'est-à-dire qu'une personne est tuée ou blessée grièvement.

ImageAnnexe 3 :

Politique opérationelle de la Direction générale de la GRC en matière de poursuites policières

manuel

titre du chap.

no du chap.

DES OPÉRATIONS

SOUTIEN SPÉCIALISÉ

II.6

ImageE. 5. Poursuites comportant des risques

E. 5. a. Généralités

  1. La sécurité des citoyens est d'une importance capitale. Il vaut mieux éviter ou abandonner une poursuite que de risquer d'infliger des blessures à quelqu'un.
  2. Les poursuites courantes comprennent toute activité normale de surveillance, d'interception et d'arrêt des véhicules, aux fins de vérification des occupants, de calcul de la vitesse, de doublage, et d'arrestation des contrevenants.
  3. La poursuite comporte des risques lorsqu'un membre tente de doubler et d'arrêter un véhicule dont le conducteur :
    1. semble résister à l'arrestation en ne tenant pas compte de l'équipement d'urgence ou d'autres signaux l'invitant à arrêter, et
    2. accélère ou maintient une vitesse excessive par rapport à la circulation et aux piétons, aux conditions atmosphériques et à l'état des routes, ou à la sécurité de toute personne.
  4. Les poursuites comportant des risques ne doivent être entreprises et continuées qu'en dernier recours lorsqu'on juge que la gravité de l'infraction et la nécessité d'une arrestation immédiate l'emportent sur le danger posé par la poursuite.
  5. Un s.-off. supérieur doit contrôler la poursuite directement à partir d'un centre de télécommunication ou obtenir une liaison pour communiquer directement avec le membre engagé dans la poursuite. Si un s.- off. supérieur n'est pas disponible, un s.-off. doit contrôler la poursuite.
    1. Si le temps et les circonstances ne permettent pas d'établir un poste de superviseur, le membre supérieur directement engagé dans la poursuite doit en assumer le contrôle.
    2. Les centres de télécommunication doivent garder une voie radio-électrique ouverte et enregistrer les communications entre les membres d'une poursuite en cours.
  6. Pas plus de deux véhicules de police ne devraient poursuivre une voiture en fuite. Le deuxième véhicule doit suivre le premier à une bonne distance de façon à pouvoir lui porter secours.
  7. Aucune critique ne sera formulée à l'endroit d'un membre qui décide de mettre fin à une poursuite comportant des risques.
  8. Les poursuites doivent être abandonnées lorsqu'elles compromettent vraiment la vie d'autres personnes, lorsqu'elles deviennent inutiles ou qu'il est possible de recourir à d'autres moyens pour effectuer l'arrestation.
  9. Les personnes suivantes peuvent décider de mettre fin à une poursuite :
    1. le conducteur du véhicule de police,
    2. le membre supérieur directement concerné par la poursuite, ou
    3. le superviseur affecté à la surveillance de la poursuite.

ImageE. 5. b. Membre

  1. Ne pas entreprendre une poursuite comportant des risques avec un civil à bord du véhicule. Un membre auxiliaire est considéré comme un policier.
  2. Utiliser tous les dispositifs d'avertissement d'urgence dont le véhicule est muni.
    1. On ne doit entreprendre une poursuite comportant des risques que dans un véhicule de police identifié muni d'une barre de signalisation, d'une sirène et de gyrophares.
    2. On ne peut entreprendre une telle poursuite dans un véhicule de police non identifié et non muni de ces dispositifs que lorsqu'il faut absolument protéger une vie humaine.
  3. Avant d'entreprendre ou de continuer une poursuite comportant des risques, tenir compte des facteurs suivants :
    1. la possibilité de retarder l'arrestation si le sujet est connu ou peut être identifié;
    2. l'âge du conducteur et la façon dont ce dernier conduit le véhicle;
    3. l'arrestation par d'autres moyens, p. ex. en demandant l'aide des services avoisinants, en utilisant des barrages routiers, voir le par. E.6 ;
    4. la gravité de l'infraction;
    5. l'état apparent du véhicle poursuivi;
    6. les conditions météorologiques et l'état de la chaussée;
    7. la densité de la circulation ou des piétons qui est ou peut raisonnablement être prévue dans la région;
    8. le lieu de la poursuite, c.-à-d. une région urbaine ou rurale;
    9. la durée ou la distance en cause dans la pour- suite, et
    10. les limites quant à l'aptitude du membre à conduire le véhicle de police.
  4. Pour sa propre sécurité, informer le centre de télé- communication du lieu ainsi que des mesures prévues et entreprendre la consultation du CIPC avant d'arrêter un véhicule.
  5. Ne pas se servir d'un véhicule pour emboutir un autre véhicule ou pour le forcer à quitter la route à moins que :
    1. le recours à une telle force ne soit pleinement justifié et qu'aucun autre moyen ne soit possible;

      NOTA : Ne pas faire feu sur un véhicule en marche. Consulter l'al. I.2.G.1.c.

    2. les occupants du véhicule ne soient en train de commettre un acte criminel, et
    3. la sécurité du public ne risque d'être sérieusement compromise si le véhicule n'est pas arrêté.
  6. Après toute poursuite comportant des risques, remplir la formule 2088 et la faire examiner par son chef.

ImageE. 5. c. Chef

  1. Voir à ce que tous les membres prennent connaissance de la directive sur les poursuites comportant des risques.
  2. Tenir une séance de compte rendu après toute poursuite comportant des risques afin de passer en revue les modalités et de vérifier si tout était conforme à la directive.
  3. Examiner la formule 2088 et y inscrire ses remarques sur le bien-fondé de la poursuite.

ImageE. 5. d. Division

  1. Lorsqu'une poursuite cause la mort ou des blessures graves, transmettre immédiatement les renseignements par message ou télécopieur à l'agent AP, avec une copie à la Direction générale, à l'att. du Centre national des opérations.
  2. Avant la fin de janvier, inscrire sur la formule 2438 toutes les poursuites comportant des risques effectuées au cours de l'année civile précédente et la transmettre à la Direction générale, à l'att. de l'off. resp. de la S.-dir. de la police contractuelle.
    1. Une copie du rapport récapitulatif de la GRC sera mise à la disposition des c. div.

 

 

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Date de création : 2003-07-03
Date de modification : 2003-07-03 

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