Commission des plaintes du public contre la GRC - Commission for Public Complaints Against the RCMPImageCanada
Image
EnglishContactez-nousAideRechercheSite du Canada
Page d'accueilNotre organisationDéposer une plainteFoire aux questionsRapports et publications
Cas d'intérêtSalle des nouvellesArchivesLiensCarte du site
Image

 

Rapports de plainte
Audiences publiques
APEC - rapport final
APEC - rapport intérimaire
Décision APEC
T Hughes
Seeton
Glambeck
Nowdluk-Reynolds
Farness
Robinson/Farwell
McFarlane
Rankin
Simard
Goodwin
Dale
Miller-Halliday
Cooper
Ward
Brake/Peter-Paul
Wilson
Audience publique relative à des allégations d'inconduite sexuelle
Enquêtes d'intérêt public
Examens
Rapports d'intérêt
Comptes rendus administratifs
Image

 

Rapports et publications
Image
Image  

DÉCISION CONCERNANT LES REQUÊTES PRÉSENTÉES EN VUE DE FAIRE COMPARAÎTRE D'AUTRES TÉMOINS DU GOUVERNEMENT

1. INTRODUCTION

Au nom de plusieurs plaignants, Joseph Arvay, c.r., du cabinet Arvay, Ward, Sandford, a présenté une requête visant à citer Jean Chrétien, premier ministre du Canada, Lloyd Axworthy, ministre des Affaires étrangères, Marc Brault, Patricia Hassard, David Ashton, Cal Corley et Dilys Buckley-Jones à comparaître coMme témoins à l'audience relative à la conférence de l'APEC. De plus, un plaignant, Jonathan Oppenheim, a présenté une requête visant à citer Peter Donolo, Benjamin Parwoto et Ali Alatas, ainsi que le premier ministre, Lloyd Axworthy et Cal Corley à comparaître à l'audience. À l'exception de MM. Parwoto et Alatas, qui représentent le gouvernement de l'Indonésie, les témoins dont il est question dans les requêtes de MM. Arvay et Oppenheim sont tous des représentants du gouvernement du Canada.

Les requêtes ont été présentées conformément à la procédure suivante que j'ai adoptée le 5 mars 1999 :

1. Il est proposé que, dans le cours normal des activités, les avocats de la Commission appellent et interrogent tous les témoins qui comparaîtront pendant l'enquête. L'avocat d'une partie* peut demander au commissaire de produire la preuve principale d'un témoin en particulier. Si l'avocat reçoit la permission de le faire, l'interrogatoire doit se dérouler selon les règles normales qui régissent l'interrogatoire des témoins de la partie en question.

(*Dans la présente décision, par " partie ", on entend un plaignant participant, une personne dont la conduite fait l'objet d'une plainte ou tout autre participant ayant qualité de comparaître devant la Commission.)

2. Les parties sont encouragées à fournir aux avocats de la Commission les noms et les adresses de tous les témoins qui, selon elles, doivent être entendus.

3. Les avocats de la Commission peuvent refuser d'appeler des témoins dont la déposition ne leur semble pas pertinente ou touche un domaine qu'ils entendent aborder avec d'autres témoins.

4. Si, à la fin d'une étape de l'audience, une partie est d'avis que des personnes que les avocats de la Commission n'ont pas appelées à témoigner doivent être entendues, elle peut présenter une requête en autorisation pour que ces personnes soient appelées à témoigner. Si la requête est accueillie, les avocats de la Commission doivent appeler les personnes en question à témoigner, conformément à la règle no 1.

Le rôle principal des avocats de la Commission au cours de la présente audience consiste à assumer les fonctions définies à l'étape 1 de la procédure ci-dessus. Au cours de 149 jours de séance, ils ont présenté et interrogé 130 témoins avec toute la neutralité qu'exigent leurs fonctions. Contrairement à ce qui se passe souvent dans une commission d'enquête, les avocats de la Commission à cette audience ne sont pas mes conseillers, ni en vertu de la loi, ni dans la pratique. Outre de rares discussions informelles de nature purement administrative, mes rapports avec les avocats de la Commission se limitent aux délibérations qui ont lieu dans la salle d'audience ouverte.

Les étapes 2 et 3 de la procédure ci-dessus sont respectées par les parties en présence. Les requêtes visant à citer à comparaître les dix personnes dont il est question dans le premier paragraphe de cette décision ont été déposées en conformité avec l'étape 4. Les parties m'ont présenté des mémoires à l'appui de leurs requêtes, et les plaidoiries ont été entendues les 19 et 20 janvier 2000.

Les avocats de la Commission se sont opposés aux requêtes, tout coMme les avocats des membres de la GRC dont la conduite est examinée au cours de la présente audience, les avocats de la GRC coMme institution et la procureure générale du Canada.

Dans son mémoire, la British Columbia Civil Liberties Association (BCCLA) ne s'est penchée que sur l'éventualité de faire témoigner le premier ministre. À une exception près, que je ne juge pas particulièrement pertinente, la BCCLA a fait savoir qu'elle ne tenait pas à contraindre le premier ministre à témoigner.

Image

2. COMPÉTENCE DE LA COMMISSION

Pour bien saisir ma décision quant aux requêtes en question, il est essentiel que toutes les parties comprennent clairement la nature de ma compétence dans cette audience. Les six paragraphes ci dessous (a à f) traitent de la nature et de la portée de cette compétence.

a) Loi sur la Gendarmerie royale du Canada
Le paragraphe 45.35(1) de la Loi sur la Gendarmerie royale du Canada (" Loi sur la GRC ") décrit la nature des plaintes que peuvent déposer des membres du public auprès de la Commission :

" Tout membre du public qui a un sujet de plainte concernant la conduite, dans l'exercice de fonctions prévues à la présente loi, d'un membre ou de toute autre personne nommée ou employée sous le régime de la présente loi peut (.) déposer une plainte auprès (.) de la Commission. " (C'est moi qui souligne.)

Après avoir reçu de nombreuses plaintes au sujet de la conduite de membres de la GRC à la conférence de l'APEC1 , la Commission a décidé de convoquer l'audience en cours en vertu du paragraphe 45.43(1) de la Loi sur la GRC, qui se lit coMme suit :

" Le président de la Commission peut, s'il estime dans l'intérêt public d'agir de la sorte, tenir une enquête ou convoquer une audience pour enquêter sur une plainte portant sur la conduite, dans l'exercice de fonctions prévues à la présente loi, d'un membre ou de toute autre personne nommée ou employée sous le régime de celle ci, que la Gendarmerie ait ou non enquêté ou produit un rapport sur la plainte, ou pris quelque autre mesure à cet égard en vertu de la présente partie. " (C'est moi qui souligne.)

Aux termes du paragraphe 45.43(1) de la Loi sur la GRC, il est clair que la présidente de la Commission ne peut convoquer une audience que pour enquêter sur :

i) une plainte;

ii) portant sur la conduite, dans l'exercice de fonctions prévues à la Loi sur la GRC;

iii) d'un membre ou de toute autre personne nommée ou employée sous le régime de la Loi sur la GRC.

La présidente de la Commission n'est pas habilitée à convoquer une audience en vertu du paragraphe 45.43(1) pour toute autre raison. Plus particulièrement, elle n'est pas autorisée à convoquer une audience pour enquêter sur la conduite de membres du gouvernement fédéral, sauf si ceux-ci avaient été nommés ou étaient employés sous le régime de la Loi sur la GRC et qu'ils exerçaient des fonctions prévues à cette loi au moment de la conduite qui leur est reprochée.

Le paragraphe 45.45(14) de la Loi sur la GRC prévoit que, au terme de l'audience :

" (.) la Commission établit et transmet au ministre et au commissaire un rapport écrit énonçant les conclusions et les recommandations qu'elle estime indiquées. "

De toute évidence, les conclusions et les recommandations doivent être liées à la plainte en question qui, coMme il a été mentionné précédeMment, doit porter sur " la conduite, dans l'exercice de fonctions prévues à la présente loi ( Loi sur la GRC), d'un membre ou de toute autre personne nommée ou employée sous le régime de celle ci ".

Image
b) Mandat

CoMme le pouvoir de la présidente de la Commission de convoquer une audience est prévu au paragraphe 45.43(1) de la Loi sur la GRC, il est clair que le mandat établi par celle-ci ne peut conférer de compétences à la commission d'enquête qui outrepassent celles prévues à ce paragraphe. Selon le mandat de l'audience en cours qui a été défini par la présidente de la Commission, je dois :

" (.) enquêter sur toutes les questions ayant trait aux plaintes, entendre toute la preuve pertinente, faire en sorte que l'audience soit impartiale et exhaustive et, à l'issue de l'audience, énoncer les conclusions de faits et les recommandations nécessaires, notaMment, sur les trois points suivants :

a) les événements survenus à Vancouver, en Colombie-Britannique, entre le 23 et le 27 novembre 1997 au cours des manifestations ayant eu lieu dans le cadre de la Conférence de coopération économique en Asie-Pacifique (APEC), événements qui se sont déroulés sur le campus de l'UCB et aux environs de celui-ci, ou qui y sont liés, et par la suite, aux détachements de la GRC de Richmond et de l'UCB;

b) la conduite des membres de la GRC ayant participé à ces événements;

c) la conduite des membres de la GRC ayant pris part aux événements pour déterminer si elle respectait les libertés fondamentales garanties par l'article 2 de la Charte canadienne des droits et libertés2 ."

De toute évidence, conformément au paragraphe 45.43(1) de la Loi sur la GRC, la conduite des membres de la GRC qui font l'objet d'une ou de plusieurs plaintes est centrale à la tenue de l'enquête. CoMme je l'ai dit le 5 mars 1999, elle est le but même, la fonction et la raison d'être de la procédure. Même si le mandat précise que je dois enquêter sur " toutes les questions ayant trait aux plaintes ", je ne peux pas enquêter sur une question qui n'est pas le sujet d'une plainte dûment recevable par la Commission aux termes du paragraphe 45.35(1).

1L'article 2 de la Charte canadienne des droits et libertés se lit coMme suit :

" Chacun a les libertés fondamentales suivantes :

a) liberté de conscience et de religion;
b) liberté de pensée, de croyance, d'opinion et d'expression, y compris la liberté de la presse et des autres moyens de communication;
c) liberté de réunion pacifique;
d) liberté d'association. "

Image
c) La requête de Me Ward

Dans un avis de requête en date du 21 janvier 1999, Me Cameron Ward, maintenant membre du cabinet Arvay, Ward, Sandford, cherchait à clarifier la portée de ma compétence en me demandant de prononcer les trois décisions suivantes :

TRADUCTION

«1) que la Commission des plaintes du public contre la GRC a compétence pour enquêter sur la question de savoir si le très honorable Jean Chrétien, premier ministre du Canada, les membres du cabinet du premier ministre (CPM), le Bureau du Conseil privé (BCP) ou le gouvernement du Canada auraient donné des directives ou des ordres inappropriés à des membres de la GRC relativement à la question de la sécurité lors de la conférence de l'APEC;

2) que la Commission des plaintes du public contre la GRC a compétence pour tirer des conclusions selon lesquelles le très honorable Jean Chrétien, premier ministre du Canada, les membres du CPM, le BCP ou le gouvernement du Canada ont donné des directives ou des ordres inappropriés à des membres de la GRC relativement à la question de la sécurité lors de la conférence de l'APEC;

3) que la Commission des plaintes du public contre la GRC a compétence pour faire des recommandations au commissaire de la GRC en ce qui a trait à l'ingérence politique du premier ministre du Canada, des membres du CPM, du BCP ou du gouvernement du Canada dans ses fonctions. " (C'est moi qui souligne.)»

Le 5 février 1999, j'ai pris la décision suivante au sujet de la requête de Me Ward :

TRADUCTION

" CoMme je dois toujours assumer mes responsabilités conformément à la Loi sur la Gendarmerie royale du Canada et au mandat qui m'a été confié en vertu de celle ci, je réponds qu'effectivement, je peux enquêter si le but recherché par Me Ward dans la première demande de son avis de requête repose sur des éléments de preuve. Voilà ma décision quant au premier élément. Je prends la même décision en ce qui concerne les " conclusions " et les " recommandations " dont il est question respectivement dans les deuxième et troisième éléments énoncés par Me Ward. Donc, ma réponse est affirmative, dans la mesure où il existe des éléments de preuve suffisants. " (C'est moi qui souligne.)

Il est clairement implicite dans ma décision que, compte tenu des pouvoirs qui me sont conférés en vertu de la Loi sur la GRC, je ne peux pas mener d'enquête générale sur la conduite de membres du gouvernement fédéral. Néanmoins, si des éléments de preuve laissaient entendre que la conduite reprochée aux membres de la GRC découlait de directives ou d'ordres donnés par le premier ministre ou le cabinet du premier ministre dans un secteur de compétence exclusivement réservé à la GRC (p. ex., questions de sécurité), je pourrais enquêter sur ces directives ou sur ces ordres dans le cadre de mon évaluation de la conduite reprochée aux membres de la GRC. En effet, lors de l'évaluation de cette conduite, il sera important de déterminer si celle-ci découlait de directives ou d'ordres de la part du gouvernement du Canada ou de ses représentants identifiés. Des enquêtes de ce genre peuvent être menées en application du paragraphe 45.43(1) de la Loi sur la GRC.

Image
d) Confirmation de mon mandat et de ma compétence par les tribunaux

Les tribunaux ont réceMment confirmé la nature de mon mandat et la portée de ma compétence. Dans Singh c. Canada (Procureur général)3 , plusieurs des plaignants à l'audience en cours ont contesté la constitutionnalité du paragraphe 38(6) et de l'article 39 de la Loi sur la preuve au Canada. Le 25 juin 1999, le juge McKeown a décrit le mandat de la Commission coMme suit :

" Le mandat de la Commission, qui consiste à tenir une enquête publique où la responsabilité civile et criminelle ne peut être établie, est d'enquêter sur la question de savoir si la conduite des agents de la GRC affectés à la conférence de l'APEC va à l'encontre de la Charte. Même si la Commission a déclaré qu'elle avait compétence pour tirer des conclusions au sujet de la participation de l'exécutif dans le fait de donner des directives ou des ordres inappropriés à la GRC, l'enquête vise le comportement des agents de la GRC et non celui de l'exécutif. " (C'est moi qui souligne.)

Dans sa décision, le juge McKeown cite les trois décisions sur lesquelles Me Ward m'a demandé de me prononcer. Puis, il déclare ce qui suit :

" Le 5 février 1999, le commissaire Hughes a décidé que la Commission avait compétence pour mener une enquête et pour tirer les conclusions et formuler les recommandations recherchées dans l'avis de requête en question, dans la mesure où elles reposent sur des éléments de preuve qui ont été soumis devant la Commission. Le commissaire Hughes a confirmé sa décision le 5 mars 1999.

La Commission est un tribunal établi par la loi et sa compétence se fonde sur le paragraphe 45.45(14) de la Loi sur la GRC. Dans sa décision rendue le 5 mars 1999, le commissaire Hughes a décrit son mandat en ces termes:

[TRADUCTION] La conduite des membres de la Gendarmerie qui font l'objet d'une ou plusieurs plaintes est centrale à la tenue de l'enquête. Elle est le but même, la fonction et la raison d'être du présent processus.

Le 5 mars 1999, le commissaire Hughes a également décidé que la Commission avait compétence pour enjoindre à toute personne dont la Commission juge le témoignage nécessaire à la tenue d'une enquête et d'un examen complets de la question qui lui a été soumise de venir témoigner devant elle. Le commissaire Hughes a précisé que nul n'était à l'abri d'une citation à comparaître coMme témoin, dans la mesure où cette comparution s'avère nécessaire au vu des éléments de preuve soumis devant la Commission. "

Image
On a interjeté appel de la décision du juge McKeown devant la Cour d'appel fédérale. Le juge Strayer a rendu sa décision dans cette affaire le 14 janvier 2000. Dans sa décision, il fait allusion à ma décision concernant la requête de Me Ward :

" [Le commissaire Hughes] a fait savoir en réponse qu'il était habilité à tirer les conclusions et recommandations de ce genre " si les preuves et témoignages produits le justifient ". Cette décision n'est pas en cause. L'avocat des intimés a bien confirmé à l'intention de la Cour que les agents de la GRC visés par les plaintes formulées sous le régime de l'article 45.35 de la Loi sur la GRC n'excipaient nullement de l'obéissance aux ordres supérieurs. Il est constant qu'il y a eu des communications entre des responsables du bureau du Premier ministre et des responsables de la GRC sur les mesures de sécurité. Le procureur général du Canada tient cependant que ces communications ne constituaient ni des instructions ni une ingérence dans l'exercice par la GRC de ses fonctions de sécurité à la conférence de l'APEC. Bien entendu, certains ou l'ensemble des plaignants soutiennent qu'il y avait instructions et ingérence de la part des hoMmes politiques, qui ont poussé la GRC à porter atteinte aux droits que leur garantit la Charte. "

Plus loin dans sa décision, le juge Strayer a formulé les coMmentaires suivants au sujet de ma compétence :

" À même supposer qu'on puisse considérer la Commission coMme un tribunal où les agissements illégaux de " l'exécutif " puissent entrer en ligne de compte dans la formulation de ses recommandations, il faut noter, coMme l'a fait le juge de première instance, que " l'enquête vise le comportement des agents de la GRC et non celui de l'exécutif ". Essentiellement, l'article 45.35 de la Loi sur la GRC investit la Commission du pouvoir d'instruire les plaintes contre des agents de la GRC puis de faire des recommandations au commissaire de la GRC et au ministre. Toute conclusion qu'elle aurait pu tirer sur les agissements du bureau du premier ministre et d'autres membres de l'exécutif dans le contexte des agissements de la GRC serait forcément accessoire et ne saurait permettre, sur le plan juridique, de conclure si ces personnes ont fait quelque chose d'illégal sur le plan constitutionnel. "(C'est moi qui souligne.)

Image
e) Analyse

L'examen ci-dessus de la nature de ma compétence, telle que définie dans la Loi sur la GRC, dans mon mandat et par les deux paliers de la Cour fédérale (première instance et appel), démontre très clairement que je ne peux pas enquêter sur la conduite de l'exécutif fédéral en tant que tel et que, de plus, je ne peux pas formuler de conclusions quant à la violation éventuelle, par l'exécutif fédéral, de la Charte canadienne des droits et libertés.

Par contraste, si des éléments de preuve laissaient entendre que la conduite reprochée à la GRC avait été attribuable aux directives ou aux ordres relativement à la sécurité donnés par le premier ministre ou par le cabinet du premier ministre, je pourrais enquêter sur ces directives ou ces ordres en vue d'évaluer convenablement la conduite reprochée à la GRC. La tenue d'une telle enquête serait parfaitement conforme à ma compétence aux termes de la Loi sur la GRC.

Toutefois, même si j'en viens à la conclusion que l'exécutif fédéral a donné à la GRC des directives ou des ordres inappropriés relativement à la sécurité, je tiens à ce qu'il ne fasse aucun doute que la Loi sur la GRC ne m'investit pas des pouvoirs nécessaires pour aller au-delà de la source des directives ou des ordres et pour enquêter sur les motifs sous-jacents, qu'ils soient politiques ou d'une autre nature. En fait, la question de savoir pourquoi des ordres ou des directives de la sorte auraient été donnés excède le cadre de l'audience. Mon rôle consiste à enquêter sur la conduite de la GRC. Il ne consiste pas à déterminer ni à examiner les motifs sous-jacents, politiques ou autres, pour lesquels l'exécutif fédéral aurait donné des directives ou des ordres inappropriés, ni à évaluer ces motifs eu égard à la violation présumée des libertés civiles des plaignants. En tant qu'hôte de la conférence de l'APEC, le gouvernement fédéral aurait pu dans son bon droit donner des ordres ou des directives à la GRC pour de multiples raisons (n'ayant aucun rapport avec des questions de sécurité). Mon rôle ne consiste pas à évaluer ces raisons; il consiste plutôt à enquêter sur la conduite de la GRC et à déterminer si elle était appropriée ou non dans les circonstances. CoMme l'a déclaré le juge Strayer, toute enquête sur l'exécutif fédéral ne pourrait être qu'accessoire dans le cadre de l'évaluation de la conduite de la GRC. S'il existe des éléments de preuve démontrant que l'exécutif fédéral a donné des ordres ou des directives à la GRC pour qu'elle prenne certaines mesures relativement à la sécurité, c'est sur ces éléments de preuve que je fonderais mon évaluation de la conduite de la GRC. Bien que l'on soit tenté de se demander pourquoi des directives ou des ordres de cette nature auraient pu être donnés, le cas échéant, je ne suis tout simplement pas habilité à contraindre qui que ce soit à y répondre. En fait, les motifs, qu'ils soient politiques ou d'une autre nature, qui expliqueraient ces ordres ou ces directives ne sont pas un sujet visé par l'audience en cours et ne m'aideront pas à évaluer la conduite de la GRC. Ces arguments sont entièrement conformes à ma décision au sujet de la requête de Me Ward.

Image
f) Résumé de la compétence de la Commission

Compte tenu de tout ce qui précède, les points suivants devraient maintenant être très bien compris par toutes les personnes concernées :

  1. Les limites de ma compétence sont précisées aux paragraphes 45.35(1) et 45.43(1) de la Loi sur la GRC. Je peux enquêter et établir des rapports uniquement sur (i) des plaintes (ii) concernant la conduite, dans l'exercice de fonctions prévues dans la Loi sur la GRC, (iii) d'un membre ou de toute autre personne nommée ou employée sous le régime de celle-ci.

  2. Mon mandat ne peut pas étendre ma compétence définie aux paragraphes 45.43(1) [sic] et 45.43(1) de la Loi sur la GRC et il ne le fait pas.

  3. L'enquête en cours a pour objet d'évaluer la conduite des membres de la GRC qui sont visés par les plaintes et de déterminer si elle a enfreint l'article 2 de la Charte canadienne des droits et libertés.

  4. Dans le cadre de mon enquête sur la conduite de la GRC, je suis habilité à enquêter sur l'éventualité que les membres de l'exécutif qui sont visés par les requêtes aient donné des ordres ou des directives inappropriés à des membres de la GRC relativement à la sécurité, si les éléments de preuve le justifient.

  5. Je ne suis pas habilité à enquêter de façon générale sur la conduite de représentants du gouvernement fédéral ni sur les motifs sous-jacents, politiques ou autres, pour lesquels des membres du gouvernement fédéral auraient donné à des membres de la GRC des ordres ou des directives inappropriés ou d'une autre nature.

  6. Je ne peux pas formuler de conclusions sur des actes de l'exécutif fédéral qui auraient enfreint ou non la Charte canadienne des droits et libertés.

  7. Les conclusions et les recommandations que je pourrais formuler au sujet de l'exécutif fédéral ne pourraient découler que de ma fonction principale, c'est-à-dire enquêter sur la conduite de la GRC.

Image
3. COMPTE TENU DES LIMITES DE MA COMPÉTENCE, Y A-T-IL LIEU DE CITER À COMPARAÎTRE LES PERSONNES QUI FONT L'OBJET DES PRÉSENTES REQUÊTES?

a) Le très honorable Jean Chrétien - Premier ministre

Le 5 mars 1999, j'ai énoncé clairement que la Commission avait compétence :

TRADUCTION " pour enjoindre à toute personne dont la Commission juge le témoignage nécessaire à la tenue d'une enquête et d'un examen complets de la question qui lui a été soumise de venir témoigner devant elle ".

Avant de déterminer si le premier ministre devrait être cité à comparaître, la Commission doit se demander si elle a été saisie d'éléments de preuve laissant entendre qu'il aurait donné à des membres de la GRC des directives ou des ordres inappropriés relativement à la sécurité lors de la conférence de l'APEC.

À cette étape du processus, je ne peux pas formuler de conclusions de fait définitives, et ce, malgré que presque tous les éléments de preuve ont été reçus. Le plaidoyer final qui sera présenté par écrit et de vive voix après l'étape de la " réception des éléments de preuve " devrait m'aider considérablement à formuler des conclusions de fait et à rédiger le rapport prévu dans mon mandat. Par conséquent, bien que je fasse allusion aux éléments de preuve produits jusqu'à maintenant de manière à déterminer si le premier ministre a donné ou non à des membres de la GRC des directives ou des ordres inappropriés relativement à la sécurité lors de la conférence de l'APEC, je tiens à faire comprendre très clairement que je n'ai pas encore formulé de conclusions de fait définitives sur des questions examinées à l'audience en cours.

Des centaines d'heures de témoignage ont été entendues jusqu'à maintenant au sujet des rapports entre les gouvernements canadien et indonésien pendant les mois qui ont précédé la conférence de l'APEC. Dans son mémoire, MeArvay décrit certains de ces rapports :

  • Il semble que le premier ministre ait pris des mesures considérables pour s'assurer que le président Suharto soit présent. À titre d'exemple, le premier ministre a demandé au ministre Axworthy et son envoyé personnel, M. Len Edwards, de rencontrer divers représentants du gouvernement indonésien, notaMment le ministre des Affaires étrangères, M. Alatas, et le président Suharto lui-même. Le commissaire a le droit de savoir si le premier ministre a donné des directives particulières à ces personnes avant leurs rencontres respectives et ce qu'elles lui ont dit, le cas échéant, à leur retour.

  • Le premier ministre a aussi rencontré personnellement l'ambassadeur indonésien, M. Parwoto, qui n'était pas avant tout préoccupé par la sécurité (il n'y avait pas vraiment de problème à cet égard); il souhaitait plutôt avoir l'assurance que le président Suharto ne serait pas embarrassé. (.) Il a reçu l'assurance (les détails n'ont jamais été fournis) du premier ministre que le président Suharto serait traité de la même manière que le premier ministre chinois, Li Peng, lors d'une visite effectuée plus tôt au Canada - un dirigeant étranger qui, lui aussi, préférait ne pas être vu par des manifestants. (.) Le commissaire a le droit d'obtenir, du premier ministre, le compte rendu de cette réunion importante.

  • Le premier ministre a envoyé une lettre spéciale au président Suharto pour s'assurer qu'il participerait à la conférence de l'APEC - lettre qu'aucun autre dirigeant n'a reçue et dont voici un extrait : " J'ai demandé aux représentants de mon gouvernement de ne ménager aucun effort pour s'assurer que toutes les mesures de sécurité appropriées et d'autres dispositions seront en place pour votre séjour au Canada à titre d'invité du gouvernement. " Nous avons le droit de demander au premier ministre ce qu'impliquaient exactement ces directives et pourquoi.

Image
Je suis disposé à entendre les vues des participants à l'audience quant aux façons dont ces rapports, et d'autres aussi, avec des représentants du gouvernement indonésien pourraient m'aider à rédiger mon rapport; toutefois, je ne vois tout simplement rien dans la volumineuse documentation produite à ce jour qui laisse croire que le premier ministre ait pu donner des directives ou des ordres inappropriés à des membres de la GRC concernant la sécurité à la conférence de l'APEC. CoMme les témoignages entendus à ce jour n'indiquent aucunement que de telles directives ou de tels ordres ont été donnés par le premier ministre, il ne convient pas d'assigner ce dernier à comparaître pour sanctionner ce qui, à ce stade-ci, ne serait guère plus qu'une démarche exploratoire. Le fait est que, si l'on se base sur la preuve présentée jusqu'à maintenant au sujet d'une présumée intervention du premier ministre dans les opérations de sécurité de la GRC, rien n'indique que son témoignage soit indispensable pour que je puisse examiner à fond l'affaire qui m'est soumise.

Toutefois, des éléments de preuve laissent entendre que M. Jean Carle, directeur des opérations au cabinet du premier ministre, aurait donné des ordres ou des directives à des officiers supérieurs de la GRC au sujet de l'emplacement de la clôture devant le bâtiment de la faculté de droit qui ont permis d'accroître la distance entre les manifestants et les chefs d'État. Des éléments de preuve laissent supposer que cette intervention pourrait impliquer la formulation de directives ou d'ordres inappropriés à la GRC relativement à une question de sécurité (c.-à-d. une question relevant de la compétence exclusive de la GRC). Au dire de MeArvay,

TRADUCTION " L'incident concernant la clôture de la faculté de droit prouve clairement que le CPM est intervenu dans une question qui aurait dû relever exclusivement de la compétence de la GRC. L'entente entre le gouvernement fédéral et l'UBC était fondée sur le droit de manifester, lequel ne devant être limité que pour des raisons de sécurité. (.) Il ne fait aucun doute que Jean Carle s'est imposé vigoureusement dans une situation qui aurait dû être laissée à la discrétion de la GRC et de l'UBC. Par la suite, la GRC a été honteusement poussée par M. Carle à adresser une lettre au président de l'UBC qui, de l'avis même de M. Vanderloo, était trompeuse. "

" Ce que nous ne savons pas, c'est si le premier ministre a joué un rôle quelconque dans les premiers rapports entre M. Carle et la faculté de droit (.) "

Image
Je suis d'accord avec les avocats de la Commission que rien ne prouve que le premier ministre soit intervenu directement dans l'établissement du périmètre réservé ou de la zone de sécurité à l'UBC et qu'en conséquence, il n'y a pas de fondement pour l'assigner à comparaître dans cette affaire. Dans ces circonstances, je n'ai pas compétence pour citer à comparaître le premier ministre afin de déterminer s'il a joué un rôle dans cette question et, le cas échéant, de déterminer la nature et la portée de son intervention, et je ne suis pas persuadé par la preuve présentée que je devrais le faire.

Dans les motifs invoqués par MeArvay et M. Oppenheim pour citer le premier ministre à comparaître, j'ai décidé de m'attarder à la " question indonésienne " et à la " question concernant la clôture à la faculté de droit " pour des raisons précises. Dans le cas de la question indonésienne, il ne fait aucun doute que les requérants se sont surtout concentrés sur cette question pour appuyer leurs requêtes. Pour ce qui est de la clôture devant la faculté de droit, c'est cette question qui m'a le plus préoccupé étant donné les éléments de preuve concernant l'implication de M. Carle, un haut fonctionnaire dans le cabinet du premier ministre. Ayant examiné à fond les deux questions, et en gardant à l'esprit la définition de ma compétence (telle que résumée au paragraphe 2(f) de la présente décision) et la base sur laquelle la Commission se fonde pour pouvoir délivrer une citation à comparaître (coMme je l'ai énoncé dans ma décision du 5 mars 1999 et ci-dessus), j'estime que la preuve présentée relativement à ces deux questions ne justifie pas l'assignation demandée. Étant parvenu à cette conclusion, il m'a été assez facile de conclure par la suite que les autres motifs invoqués par les requérants ne justifient pas non plus la délivrance d'une assignation.

Mon refus de délivrer la citation à comparaître demandée n'exclut toutefois pas la possibilité que le premier ministre participe, d'une façon ou d'une autre, à l'audience en cours.

L'audience en cours dure depuis longtemps, elle est détaillée et elle coûte cher. Des questions importantes devront être traitées dans mon rapport; la plus importante d'entre elles concerne les liens qui existent entre la conduite reprochée à la GRC et les libertés de pensée, de croyance, d'opinion, d'expression et de réunion pacifique garanties à tous les citoyens par la Charte canadienne des droits et libertés. D'après moi, le temps et l'argent consacrés à cette audience et à la préparation de mon rapport seraient justifiés si mon rapport contribue de façon importante au respect et à l'appréciation des libertés garanties à chaque citoyen dans notre société - société que les Canadiens estiment être aussi libre et aussi démocratique que n'importe quel autre pays au monde. Lorsqu'ils auront été cernés, les faits ayant trait aux activités sur le campus de l'UBC le 25 novembre 1997 présenteront une rare occasion d'examiner l'équilibre approprié entre la nécessité d'assurer la sécurité de visiteurs de l'étranger et le respect des droits et libertés dont jouissent les citoyens canadiens, en particulier le droit et la liberté de tenir des manifestations paisibles.

Image
Selon moi, il est fort probable que de nombreux membres du public estiment que l'audience en cours vise, du moins en partie, à enquêter sur la conduite du premier ministre et sur les motifs politiques de son intervention présumée. Ce n'est pas le but de l'enquête, mais voici un exemple utile du débat public qui a pu donner lieu à cette impression. Il s'agit d'un échange survenu à la Chambre des communes le 9 septembre 1998 entre la députée Deborah Grey et le solliciteur général de l'époque, Andy Scott :

Mme Deborah Grey (Edmonton-Nord, Réf.) : Monsieur le Président, le premier ministre a délibérément ordonné à la police de s'en prendre à des manifestants pacifiques. Les Canadiens veulent savoir pourquoi et ce qu'il a dit.

Pourquoi le premier ministre se préoccupe-t-il davantage des réactions d'un dictateur étranger que de la protection des droits de citoyens canadiens?

L'hon. Andy Scott (solliciteur général du Canada, Lib.) : Monsieur le Président, nous savons tous que la Commission des plaintes du public fait enquête sur les incidents entourant les réunions de l'APEC. Cette institution, qui existe depuis 1986, compte de belles réalisations et mérite que l'on lui donne l'opportunité d'aller au fond de cette affaire. C'est ce qui permettra aux Canadiens d'obtenir des réponses à leurs questions.

Image
Ce n'est qu'un exemple de la profusion de déclarations et de coMmentaires formulés à la Chambre des communes et dans les médias, appareMment sans qu'aient été prises en compte les limites de la compétence de la Commission.

CoMme le public s'attend, dans une certaine mesure, à ce que l'audience en cours enquête sur la conduite du premier ministre et étant donné les éléments de preuve - examinés précédeMment - au sujet de l'intervention directe de M. Carle auprès d'officiers supérieurs de la GRC relativement à une question de sécurité, MeArvay n'a pas tout à fait tort lorsqu'il dit dans son mémoire que, si le premier ministre ne témoigne pas à cette audience, le public pourrait douter de l'exhaustivité, de l'impartialité et de l'intégrité de la présente enquête et du rapport qui en découlera. Cela serait très dommage compte tenu des questions importantes que j'ai examinées précédeMment et sur lesquelles j'entends faire rapport.

MeArvay met beaucoup l'accent sur la perception d'injustice dans la population qui, à son avis, se manifestera si le premier ministre n'est pas cité à comparaître coMme témoin :

TRADUCTION " Si le premier ministre n'est pas cité à comparaître coMme témoin, cela pourrait nuire à la crédibilité du rapport final de la Commission. Le public pourrait conclure que la Commission n'a pas entendu le premier ministre simplement à cause du poste qu'il occupe. Il est question de la primauté du droit dans la présente requête : le premier ministre est tenu, lui aussi, de se conformer à la loi et il est tout aussi susceptible que n'importe qui d'autre d'être cité à comparaître à l'enquête si sa présence est jugée pertinente. Non seulement a-t-il un témoignage pertinent à livrer, mais le commissaire doit se demander s'il y aura perception d'injustice si le premier ministre n'est pas cité à comparaître coMme témoin. "

Par contraste, les avocats de la Commission ont rejeté coMme suit l'argument de la " perception du public " avancé par MeArvay :

TRADUCTION " Nous soutenons que la perception du public et la perception d'injustice ne sont pas les principes juridiques sur lesquels la Commission doit fonder sa décision de faire comparaître ou non un témoin, qu'il s'agisse du premier ministre du Canada ou de quelqu'un d'autre. (.) La décision de faire témoigner ou non une personne doit être fondée sur (.) la question de savoir si cette personne peut produire des éléments de preuve qui feront progresser l'enquête et qui revêtent une valeur probante eu égard aux questions examinées. "

Je suis d'accord avec les avocats de la Commission lorsqu'ils disent que la perception possible d'injustice dans la population ne justifie pas de citer le premier ministre à comparaître. C'est pourquoi j'ai précisé les limites de ma compétence à l'audience en cours. Même si je souhaitais mener une enquête générale sur le gouvernement fédéral ou sur les motifs politiques des décisions prises par le gouvernement fédéral à la conférence de l'APEC, je n'ai tout simplement pas les pouvoirs de le faire.

MeArvay a raison lorsqu'il dit que le premier ministre peut être assigné à comparaître au même titre que n'importe quelle autre personne au pays. Pour que je le cite à comparaître, il doit exister un fondement probatoire qui est conforme à la compétence dont je suis investi aux termes de la loi et dont les détails figurent dans mon mandat. Simplement, les éléments de preuve recueillis jusqu'ici ne justifient pas la décision que MeArvay voudrait que je prenne. Dans ses mémoires, MeArvay déclare que, pour servir les intérêts des plaignants dans ce processus, il faut établir si les abus de pouvoir des policiers étaient attribuables à de l'ingérence politique dans les opérations de la GRC et, le cas échéant, s'assurer que des mesures seront adoptées pour prévenir ce genre de conduite à l'avenir. En d'autres mots, il semble que les plaignants visent avant tout la conduite de membres du gouvernement fédéral. CoMme je l'ai déjà dit, ce n'est pas le but premier de la présente enquête.

Image
Néanmoins, je partage l'inquiétude de MeArvay. En effet, ma décision au sujet du premier ministre et la discussion publique qui en découlera pourraient, à juste titre ou non, donner naissance à une perception d'injustice dans la population et, si le premier ministre ne témoigne pas à cette audience, il se pourrait fort bien que cela nuise à la crédibilité de mon rapport, même si ce n'était pas justifié. ÉvideMment, il est souhaitable que cela soit évité et, par conséquent, je tiens, par l'entremise des avocats du gouvernement du Canada, à inviter le premier ministre à comparaître devant la Commission si celui-ci partage mon opinion que sa comparution servirait l'intérêt public. Même si, pour les raisons que j'ai exposées, le témoignage du premier ministre n'est pas obligatoire pour que je puisse m'acquitter de mes fonctions aux termes de la Loi sur la GRC, j'estime que sa participation pourrait grandement contribuer à la crédibilité de mon rapport final, éliminer toute perception d'injustice dans la population et accroître la confiance du public dans ce processus et dans les enquêtes publiques en général.

Si le premier ministre est disposé à accepter mon invitation, les avocats du gouvernement du Canada peuvent communiquer sa réponse aux avocats de la Commission, qui prendront les dispositions nécessaires. Il serait tenu de comparaître pendant tout au plus une journée d'audience et, étant donné son emploi du temps et ses lourdes responsabilités, il pourrait choisir de comparaître par le biais d'une conférence vidéo ou encore être présent sur place. La façon de procéder serait la même que dans le cas de tous les autres témoins; il serait interrogé sur les mêmes types de questions que celles soulevées en présence d'autres témoins du gouvernement. Je peux donner l'assurance que le premier ministre aurait droit au respect et à la décence que j'ai insisté que l'on accorde à tous les témoins. Étant donné le calendrier chargé du premier ministre, celui-ci pourrait choisir la date de sa comparution. Il serait toutefois préférable que cela se fasse d'ici le 31 mars, ou très peu de temps après.

Image
b) L'honorable Lloyd Axworthy - Ministre des Affaires étrangères

Dans leurs mémoires, les requérants déclarent ceci au sujet de M. Axworthy :

TRADUCTION " M. Axworthy, ministre des Affaires étrangères, possède des éléments de preuve pertinents au sujet de l'intervention du ministère dont il est responsable et de son intervention personnelle directe dans les rapports avec les représentants de l'Indonésie pour apaiser leurs préoccupations quant à un " embarras " possible et pour assurer la présence du président Suharto à la conférence de l'APEC. Il est essentiel qu'il témoigne pour que la Commission ait une idée complète de la nature des mesures et des démarches d'AECIC auprès des Indonésiens, ainsi que de la nature des directives et des renseignements communiqués à la GRC et au BCCA par Affaires étrangères. "

J'ai expliqué soigneusement les raisons pour lesquelles les éléments de preuve touchant les vastes rapports entre les représentants du gouvernement fédéral et leurs homologues indonésiens ne justifient pas la décision de citer le premier ministre à comparaître. Pour ces mêmes raisons, M. Axworthy ne sera pas cité à comparaître. Rien ne laisse supposer que M. Axworthy ait eu des rapports avec la GRC ni qu'il ait donné des directives ou des ordres inappropriés ou d'une autre nature à des membres de la GRC ou à des représentants de son ministère relativement à la sécurité lors de la conférence de l'APEC.

Image
c) Marc Brault - Sous-ministre adjoint (Asie-Pacifique), ministère des Affaires étrangères

Il s'agit ici encore une fois de la " question indonésienne ", et c'est l'intervention de M. Brault dans celle ci qui est à l'origine de la requête en citation à comparaître.

Les requérants soutiennent que le témoignage de M. Brault est pertinent, car il semble avoir joué un rôle important coMme intermédiaire entre le gouvernement canadien et la GRC au sujet de renseignements touchant les Indonésiens.

Je ne citerai pas M. Brault à comparaître pour exactement les mêmes raisons pour lesquelles je refuse de citer à comparaître le premier ministre et le ministre des Affaires étrangères. Il n'existe tout simplement pas d'éléments de preuve laissant entendre que les liens d'intermédiaire avancés par les requérants touchent des ordres ou des directives que M. Brault ou un membre de son personnel aurait donnés à la GRC relativement à la sécurité.

Image
d) Dilys Buckley-Jones - Directrice de la liaison, BCCA

Mme Buckley-Jones était directrice de la liaison au Bureau de coordination canadien de l'APEC (BCCA). Cinq des 13 membres du BCCA ont témoigné à l'audience en cours, y compris le directeur exécutif, M. Robert Vanderloo, et la directrice exécutive adjointe, Mme Mary McNeil. Ces cinq personnes ont subi un interrogatoire et un contre-interrogatoire très poussés sur la question indonésienne, y compris sur les rapports entre le gouvernement canadien et le gouvernement indonésien pendant l'étape de planification de la conférence de l'APEC. On demande de citer Mme Buckley-Jones à comparaître principalement dans le but de l'interroger sur cette question.

Après examen de la question, je suis entièrement d'accord avec les avocats de la Commission qui soutiennent qu'il n'est pas nécessaire d'entendre Mme Buckley-Jones . Il est douteux qu'elle puisse présenter des éléments nouveaux et, de toute façon, rien ne me laisse croire que d'autres témoignages sur les rapports entre le gouvernement canadien et le gouvernement indonésien pourraient m'être d'une quelconque utilité.

Image
e) Patricia Hassard, David Ashton et Cal Corley - Bureau du Conseil privé

Dans leurs mémoires, les requérants soulignent que les responsables des comités du Bureau du Conseil privé chargés de la sécurité lors de la conférence de l'APEC n'ont pas témoigné de vive voix. C'est pourquoi ils demandent que Mme Hassard, M. Ashton et M. Corley soient cités à comparaître.

Dans ses représentations orales, Mme Sandford a déclaré, à juste titre, que la preuve concernant Mme Ashton, M. Hassard et M. Corley TRADUCTION " (...) ne vous est pas très familière. La preuve se trouve dans la salle de lecture, mais, jusqu'à maintenant, la Commission n'a encore appelé aucun témoin qui connaît les questions traitées dans les notes et les autres documents concernant ces témoins ".

Citer à comparaître un ou plusieurs des témoins proposés nous amènerait à explorer un nouvel aspect de cette longue enquête sans avoir l'assurance ni de motifs de croire que les témoignages pourraient aider concrètement la Commission. Encore une fois, les questions soulevées ne sont pas visées directement par le mandat qui m'a été confié. Rien ne laisse supposer que ces personnes auraient pu contribuer à la conduite reprochée à la GRC ou qu'elles y soient liées d'une quelconque façon.

Les anciens avocats de la Commission ont interrogé Mme Hassard et M. Ashton. À la lumière de ces interrogatoires, les avocats actuels de la Commission ont conclu que les témoins éventuels avaient peu à voir avec la planification de la sécurité de la conférence de l'APEC et que leur témoignage n'aurait aucune valeur probante pour l'enquête en cours.

Pour ce qui est de M. Corley, les avocats de la Commission ont conclu, après examen de nombreuses pages de notes prises par celui-ci à diverses réunions, que ces notes contenaient très peu de renseignements nouveaux qui justifieraient de citer M. Corley à comparaître coMme témoin. Après avoir lu le mémoire des requérants au sujet de M. Corley, je n'y ai rien trouvé qui pourrait me pousser à tirer des conclusions différentes de celles des avocats de la Commission.

Je conclus donc que les témoignages que pourraient présenter Mme Hassard, M. Ashton et M. Corley ne justifieraient pas la prolongation de l'enquête en cours au-delà du calendrier fixé. Par conséquent, je refuse de les citer à comparaître.<

Image
f) M. Parwoto, ambassadeur de l'Indonésie, et M. Alatas, ministre indonésien des Affaires étrangères

J'ai déjà formulé mes conclusions quant aux aspects de la requête de M. Oppenheim concernant le premier ministre, le ministre des Affaires étrangères et M. Cal Corley. Quant à sa requête voulant que je cite à comparaître l'ambassadeur de l'Indonésie, M. Parwoto, et le ministre indonésien des Affaires étrangères, M. Alatas, j'estime que, même si ces personnes pourraient être citées à comparaître, leur témoignage ne m'aiderait pas à m'acquitter des responsabilités qui m'ont été confiées dans mon mandat. Pour cette raison, je rejette la requête en citation à comparaître.

Image
g) Peter Donolo - Directeur des communications, CPM

L'examen des documents présentés par M. Oppenheim dans le cadre de sa requête parlent très peu de M. Donolo, qui est aujourd'hui consul du Canada à Milan, en Italie. Je conclus qu'il n'y a aucune raison de citer M. Donolo à comparaître. Dans les paragraphes 9 à 11 de l'addenda à leurs mémoires, les avocats de la Commission exposent les résultats d'un interrogatoire mené avec M. Donolo au cours d'une conférence vidéo le 4 novembre 1999. Après examen des résultats de cet interrogatoire résumés dans les paragraphes en question de l'addenda, j'accepte la conclusion des avocats de la Commission, selon lesquels le témoignage de M. Donolo n'ajouterait rien de nouveau aux éléments dont la Commission a déjà été saisie.

SIGNÉ à Vancouver (Colombie-Britannique), le 25 février 2000.

E.N. (Ted) Hughes, c.r., commissaire

Image ImageHaut de pageImage
 

Date de création : 2003-06-02
Date de modification : 2003-07-25 

Avis important