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COMMISSION DES PLAINTES DU PUBLIC

CONTRE LA GENDARMERIE ROYALE DU CANADA

Loi sur la Gendarmerie royale du Canada

Partie VII

Paragraphe 45.46(3)

Rapport final du Président établi après une audience publique

Plaignante : Kitty Nowdluk-Reynolds

 

Nos de dossier : 2000-PCC-90721

2000-PCC-90753

2000-PCC-90754

2000-PCC-90755

2000-PCC-90756

2000-PCC-90757

Le 4 mars 1993 

TABLE DES MATIÈRES

I. Introduction

 

II. Rapport provisoire

 

III. Avis du Commissaire de la GRC

 

IV. Conclusions et recommandations finales du Président

 

ANNEXE A Rapport provisoire du comité de la Commission

qui a tenu l'audience publique

RAPPORT FINAL DU PRÉSIDENT ÉTABLI APRÈS UNE AUDIENCE PUBLIQUE

I. INTRODUCTION

Processus

En vertu du paragraphe 45.43(1) de la Loi sur la GRC, le Président de la Commission, lorsqu'il l'estime dans l'intérêt public, peut convoquer une audience publique pour enquêter sur une plainte, que la Gendarmerie ait ou non enquêté ou produit un rapport sur la plainte, où pris quelque autre mesure à cet égard. Il nomme alors les membres de la Commission qui tiendront l'audience, et ces membres sont considérés comme la Commission aux fins de l'audience. L'article 45.45 de la Loi prévoit certaines règles régissant les audiences, par exemple quiconque témoignant à l'audience peut être représenté par un avocat. À la fin de l'audience, la Commission, c'est-à-dire les membres composant le comité qui a tenu l'audience, rédige un rapport provisoire énonçant ses conclusions et recommandations concernant la plainte, et ce rapport est transmis au Solliciteur général du Canada, au Commissaire de la GRC et à toutes les parties ainsi qu'à leurs avocats qui ont comparu à l'audience.

Dès réception du rapport provisoire, le Commissaire de la GRC est tenu d'examiner la plainte à la lumière des conclusions et recommandations qu'il contient. Il doit alors avertir le Président de la Commission de toute autre mesure qui a été ou sera prise relativement à la plainte, ou ses motifs pour ne donner suite à aucune des conclusions ou recommandations.

Après examen de l'avis du Commissaire, le Président de la Commission rédige un rapport final énonçant les conclusions et recommandations concernant la plainte, qu'il juge appropriées. Ce rapport est transmis au Solliciteur général du Canada, au Commissaire de la GRC et à toutes les parties ainsi qu'à leurs avocats qui ont comparu à l'audience.

II. RAPPORT PROVISOIRE

Rapport provisoire et avis du Commissaire

En l'espèce, le rapport provisoire daté du 15 novembre 1992, énonçant les conclusions et recommandations, a été transmis au Solliciteur général et au Commissaire. Le Commissaire a informé le Président de la mesure qu'il entendait prendre dans une lettre qu'il lui a envoyée le 15 janvier 1993.

La présente constitue le rapport final du Président concernant cette plainte. À l'appui des conclusions et recommandations finales, il contient le rapport provisoire, notamment un sommaire de la plainte, l'enquête faite par la Gendarmerie sur la plainte, les observations générales et les conclusions et recommandations provisoires. Le présent rapport final contient également la lettre du Commissaire date du 15 janvier 1993.

III. AVIS DU COMMISSAIRE DE LA GRC

Comme le prévoit le paragraphe 45.46(2) de la Loi, le Commissaire a envoyé un avis au Président de la Commission; en voici le texte :

[TRADUCTION]

J'accuse réception du rapport établi après l'audience publique du 15 novembre 1992, nos de dossier 2000 PCC-90721, 2000 PCC-90753/90757, 90G 6896, ainsi que la documentation relative à la plainte de Mme Kitty Nowdluk-Reynolds.

J'en ai examiné les conclusions et je remets l'avis suivant, en vertu de la Loi sur la Gendarmerie royale du Canada.

Je souscris à la majorité des conclusions du comité de la Commission des plaintes du public.

Pour ce qui est de le plainte n° 2600-PCC-90721 je souscris à la recommandation n° 1. La politique sera modifiée pour prévoir que, lorsqu'une assignation est adressée dans une autre juridiction, on devrait donner à la personne recevant signification du document, outre des instructions, le nom d'une personne ou d'un bureau avec lequel elle peut communiquer pour demander des précisions, au besoin.

Quant aux recommandations nos  2 et 3, j'estime que le libellé de 1'assignation est clair, et qu'il s'agit à l'évidence d'une ordonnance judiciaire. Il ne serait pas possible, d'un point de vue pratique, de donner des instructions pour que les membres signifient les assignations à personne dans tous les cas. Toutefois, comme il s'agit d'un service rendu à la collectivité, les membres devraient être sensibilisés aux besoins de la population et s'assurer que les gens comprennent ce qu'on attend d'eux, éléments qui seront signalés aux membres.

Je suis convaincu que les directives contenues dans la politique de la GRC sur la preuve de signification sont suffisantes. Dans le cas de Mme Nowdluk-Reynolds, le membre qui a procédé à la signification a rempli l'affidavit de signification, comme l'indique le rapport de la Commission (p. 7).

Je souscris à la conclusion de la Commission selon laquelle la plainte n° 2000 PCC-90573 n'est pas fondée.

Quant à la recommandation no 1 de la plainte no 2000 PCC-90574, la politique actuelle de la GRC concernant les droits d'un individu après l'arrestation est claire. Des mesures existent, soit les bulletins et les modifications, afin d'informer tous les membres des changements au moment voulu.

Les recommandations nos 2 et 3 sont déférées au directeur de la Formation qui les examinera attentivement.

Quant à la recommandation n° 1 de la plainte n° 2000-PCC-90755, je réitérerai personnellement, en ma qualité de Commissaire de la GRC, les excuses publiques déjà présentées à Mme Nowdluk-Reynolds.

Quant à la recommandation n° 2, j'estime qu'il est inutile qu'une politique interdise aux membres de mettre des personnes en détention parce que c'est ce qui les arrange. Je reconnais que l'escorte de Mme Nowdluk-Reynolds de Surrey à Iqaluit s'est fait dans un délai inacceptable. Les membres de la GRC doivent respecter les dispositions du Code criminel et de la Charte, et faire preuve de bon sens.

Je présenterai également des excuses personnelles, ainsi que le recommande la plainte n° 2000 PCC-90756.

Pour ce qui est de la recommandation n° 2, je souscris au fait que la politique devrait être modifiée afin que l'infracteur et la victime d'un acte criminel qui sont sous la garde de la GRC, ne soient pas transportés ensemble. Quant aux obligations de la GRC concernant la protection des victimes qui sont sous sa garde jusqu'à leur retour chez elles, j'estime qu'il n'est pas nécessaire d'établir une politique à ce sujet. Puisque, dans le cas présent, la victime avait été arrêtée en vertu d'un mandat, cette obligation de protection incombait non pas à la GRC mais aux tribunaux. À mon avis, ce qui est en cause ici, c'est l'insensibilité manifestée par le membre a 1'égard de la prisonnière-victime lorsqu'il l'a escortée.

Je souscris à la recommandation n° 3. Une politique sera mise en oeuvre afin que toute personne sous la garde de la GRC pendant une période prolongée soit autorisée à veiller à ses besoins d'hygiène personnelle.

J'estime que, relativement à la recommandation n° 4, les tribunaux et 1'agent de liaison avec les tribunaux devraient assumer cette responsabilité.

Il ne serait pas réaliste d'adopter une politique, comme le suggère la recommandation n° 5, afin d'informer plus d'une fois les gens de leur droit à un avocat ou de la possibilité de retenir les services d'un avocat, s'ils continuent d'être sous la garde de la GRC.

II revient aux tribunaux et aux avocats de la Couronne de fournir l'aide nécessaire pour les voyages. La GRC n'a aucun droit de regard sur les politiques et procédures concernant ces deux intervenants.

Je souscris à la conclusion de la Commission selon laquelle la plainte n° 2000-PCC-90757 n'est pas fondée. C'est pourquoi je conclus que les recommandations sont indirectement liées à la plainte, et elles seront prises en considération.

Quant aux recommandations générales (qui commencent à la page 38 du rapport), même si elles sont très valables, elles sont trop indirectement liées aux plaintes de Mme Nowdluk-Reynolds, et elles seront prises très sérieusement en considération.

J'aimerais remercier les membres de la Commission pour leurs conseils. J'espère recevoir bientôt votre rapport final ou, si vous le désirez, nous pourrions discuter davantage de l'affaire.

 

IV. CONCLUSIONS ET RECOMMANDATIONS FINALES DU PRÉSIDENT

Le comité de la Commission, composé de trois membres, qui a tenu 1'audience a présenté un rapport provisoire très exhaustif sur la question. Il a examiné de façon approfondie la preuve produite à 1'audience. Dans son rapport provisoire, il a formulé des conclusions et des recommandations relativement aux six plaintes à l'étude. Je désire donc, après avoir considéré 1'avis du Commissaire reproduit à la partie III, présenter mes conclusions et recommandations finales relativement à ces plaintes. J'ai pris note de la déclaration d'ouverture du Commissaire selon laquelle il souscrit à la majorité des conclusions du comité de la Commission des plaintes du public.

N° de dossier 2000 PCC-90721

Le Commissaire a répondu ainsi aux quatre recommandations de la Commission :

[TRADUCTION]

[.]

Pour ce qui est de la plainte nos 2000-PCC-90721, je souscris à la recommandation n° 1. La politique sera modifiée pour prévoir que, lorsqu`une assignation est adressée dans une autre juridiction on devrait donner à la personne recevant signification du document, outre des instructions, le nom d'une personne ou d'un bureau avec laquelle elle peut communiquer pour demander des précisions, au besoin.

Quant aux recommandations nos 2 et 3, j'estime que le libellé de l`assignation est claire, et qu'il s'agit à 1'évidence d'une ordonnance judiciaire. Il ne serait pas possible, d'un point de vue pratique, de donner des instructions pour que les membres signifient les assignations à personne dans tous les cas. Toutefois, comme il s'agit d'un service rendu a la collectivité, les membres devraient être sensibilisés aux besoins de la population et s'assurer que les gens comprennent ce qu'on attend d'eux, éléments qui seront signalés aux membres.

Je suis convaincu que les directives contenues dans la politique de la GRC sur la preuve de signification sont suffisantes. Dans le cas de Mme Nowdluk-Reynolds, le membre qui a procédé à la signification a rempli l`affidavit de signification, comme 1'indique le rapport de la Commission (p. 7)

[.]

Je suis heureux de constater que le Commissaire modifiera la politique de la Gendarmerie afin de tenir compte, en partie, de la première recommandation. Cependant, je réitérerais la recommandation de la Commission et suggérerais au Commissaire d'appliquer cette politique modifiée dans tous les cas où une assignation est signifiée, quel que soit le lieu où elle est adressée.

Quant aux deuxième et troisième recommandations, je souscris à l'opinion du Commissaire lorsqu'il reconnaît que, en tant que service rendu à la collectivité, les membres devraient être sensibilisés aux besoins de la population en s`assurant que les gens comprennent les obligations imposées par une assignation dans le processus judiciaire. La Gendarmerie a toujours été reconnue pour les services qu'elle rend à la collectivité. À cet égard, je suggérerais de rappeler aux membres qui signifient des assignations qu'ils doivent expliquer «la nature, l'objet et l'importance d'une assignation» à ceux qui reçoivent signification du document.

En ce qui concerne la quatrième recommandation, j'ai lu le chapitre III.4.E du Manuel des opérations de la Gendarmerie, portant sur la signification des citations et des assignations. Je suis donc d'accord avec le Commissaire pour dire que cette politique, en vigueur depuis le 31 mars 1992, informe suffisamment les membres sur cette fonction importante.

N° de dossier 2000-PCC-90754

Le Commissaire a répondu ainsi aux trois recommandations formulées par la Commission :

[TRADUCTION]

[.]

Quant à la recommandation n° 1 de la plainte n° 2000-PCC-90754, la politique actuelle de la GRC concernant les droits d'un individu après l'arrestation est claire. Des mesures existent, soit les bulletins et les modifications, afin d`informer tous les membres des changements au moment voulu.

Les recommandations nos 2 et 3 sont déférées au directeur de la Formation qui les examinera attentivement.

[.]

Je suis heureux d'être informé et, par conséquent, je suis convaincu que la Gendarmerie prend activement des mesures pour tenir les membres au courant de ce secteur du droit en rapide évolution, que ce soit par des modifications de la politique ou par des bulletins.

Je suis satisfait de la mesure indiquée par le Commissaire relativement aux deuxième et troisième recommandations.

N° de dossier 2000-PCC-90755

Le Commissaire a déclaré ce qui suit relativement aux deux recommandations :

[TRADUCTION]

[.]

Quant à la recommandation n° 1 de la plainte n° 2000-PCC-90755, je réitérerai personnellement, en ma qualité de Commissaire de la GRC, les excuses publiques déjà présentées à Mme Nowdluk-Reynolds.

Quant à la recommandation n° 2, j'estime qu'il est inutile qu'une politique interdise aux membres de mettre des personnes en détention parce que c'est ce qui les arrange. Je reconnais que l'escorte de Mme Nowdluk-Reynolds de Surrey a Iqaluit s'est fait dans un délai inacceptable. Les membres de la GRC doivent respecter les dispositions du Code criminel et de la Charte, et faire preuve de bon sens.

[.]

Pour ce qui est de la première recommandation, je suis heureux de constater que le Commissaire réitérera les excuses publiques faites à la plaignante. Les excuses présentées par des représentants officiels sont souvent considérées comme une reconnaissance de responsabilité qui entraîne des effets juridiques. Toutefois, les membres ont la faculté de s'excuser s'ils peuvent exprimer leurs regrets à la victime. En l'espèce, la Commission a également demandé à la gendarme Tetso et au commandant sous-divisionnaire de la Division «G» de s'excuser auprès de la plaignante. Comme l'auteur des excuses doit agir de son plein gré, je reconnais qu'un supérieur ne peut forcer ou encourager un membre à s`excuser. Dans cette affaire, j`estime que les excuses présentées par le Commissaire lui-même sont suffisantes.

Quant à la deuxième recommandation, je souscris à l'opinion du Commissaire selon laquelle il n'est pas nécessaire de modifier la politique de la Gendarmerie relativement à la détention. Les obligations juridiques relatives à la détention constituent un sujet de préoccupation pour tous les membres. Je remarque également que les dispositions actuelles du Code criminel sur la détention et, en particulier, sur l'exécution des mandats peuvent être quelque peu confuses. Compte tenu de ce fait, je suggérerais au Commissaire que les régions et les programmes de formation des recrues de la Gendarmerie accordent une importance considérable à cette question.

N° de dossier 2000-PCC-90756

Le Commissaire a répondu ainsi aux six recommandations :

[TRADUCTION]

[.]

Je présenterai également des excuses personnelles, ainsi que le recommande la plainte n° 2000-PCC-90756.

Pour ce qui est de la recommandation n° 2, je souscris au fait que la politique devrait être modifiée afin que l'infracteur et la victime d'un acte criminel qui sont sous la garde de la GRC, ne soient pas transportés ensemble. Quant aux obligations de la GRC concernant la protection des victimes qui sont sous sa garde jusqu'à leur retour chez elles, j'estime qu'il n'est pas nécessaire d'établir une politique à ce sujet. Puisque, dans le cas présent, la victime avait été arrêtée en vertu d'un mandat, cette obligation de protection incombait non pas à la GRC mais aux tribunaux. À mon avis, ce qui est en cause ici, c'est l'insensibilité manifestée par le membre à l'égard de la prisonnière-victime lorsqu`il l'a escortée.

Je souscris à la recommandation no 3. Une politique sera mise en oeuvre afin que toute personne sous la garde de la GRC pendant une période prolongée soit autorisée à veiller à ses besoins d`hygiène personnelle.

J'estime que, relativement à la recommandation n° 4, les tribunaux et 1'agent de liaison avec les tribunaux devraient assumer cette responsabilité.

Il ne serait pas réaliste d'adopter une politique, comme le suggère la recommandation n° 5, afin d`informer plus d'une fois les gens de leur droit à un avocat ou de la possibilité de retenir les services d'un avocat, s'ils continuent d'être sous la garde de la GRC.

Il revient aux tribunaux et aux avocats de la Couronne de fournir l'aide nécessaire pour les voyages. La GRC n'a aucun droit de regard sur les politiques et procédures concernant ces deux intervenants.

[.]

Pour ce qui est de la première recommandation, je suis heureux de constater que le Commissaire réitérera les excuses publiques faites à la plaignante. Comme je l'ai déjà mentionné dans le présent rapport final, j 'estime que les excuses du Commissaire présentées à la plaignante sont suffisantes.

Je suis satisfait de l'intention du Commissaire de modifier la politique de la Gendarmerie afin de refléter, en partie, les deuxième et troisième recommandations de la Commission. Je conviens que la GRC est l'intervenant que l'on désigne comme responsable de l`exécution du processus judiciaire, mais il est parfois difficile de déterminer les rôles spécifiques des divers organismes au sein du système de justice pénale. Après l'arrestation d'une personne, je considère que le service de police a assumé une responsabilité è 1'égard de la prise en charge et du contrôle de cette personne au cours de la détention. J'ai donc passé en revue la politique actuelle de la Gendarmerie, en date du 7 décembre 1992, sur 1'aide apportée aux victimes d'acte criminel. La politique reflète l'importance des programmes d'aide aux victimes dans le système de justice pénale, qu'il s`agisse de programmes communautaires, judiciaires ou policiers. Cette modification de la politique relative au transport des victimes sous garde ne servira qu'à renforcer l`engagement général de la Gendarmerie à aider les victimes d'acte criminel.

Quant aux troisième et quatrième recommandations, je conviens que l'agent de liaison avec les tribunaux devrait être responsable d'informer les témoins, qu'ils soient sous garde ou non, de 1'évolution de la procédure judiciaire.

Pour ce qui est de la cinquième recommandation, je suis convaincu qu'une personne sous garde ne devrait être informée qu'une fois de la possibilité de communiquer avec un conseiller juridique. Certaines personnes peuvent, pour quelque raison que ce soit, ne pas comprendre complètement leur droit de retenir les services d'un avocat. Cependant, le Commissaire a déjà fait allusion au service que chaque membre rend à la collectivité en tant qu'agent de la paix. Dans le cadre de cette notion de service rendu à la collectivité, il faudrait encourager les membres à s'assurer que les personnes sont tout à fait au courant de leur droit aux services d'un avocat à toutes les étapes de la procédure judiciaire.

En ce qui concerne la sixième recommandation, je souscris à l'opinion du Commissaire selon laquelle il faudrait adopter une démarche mieux coordonnée pour ce qui est des dispositions de voyage pour les personnes sous garde et les agents de la paix qui escortent ces dernières. Je reconnais la responsabilité des tribunaux et des procureurs de la Couronne à cet égard, mais il revient à la Gendarmerie de s'occuper des dispositions de voyage de ses membres qui sont assignés à l'escorte. Par conséquent, je réitérerais cette recommandation de la Commission et suggérerais au Commissaire d'établir un mécanisme de liaison permanente entre la Gendarmerie, les tribunaux et les procureurs de la Couronne au sujet des dispositions de voyage.

N° de dossier 2000-PCC-90757

Le Commissaire a répondu ainsi à la recommandation de la Commission :

[TRADUCTION]

[.]

Je souscris à la conclusion de la Commission selon laquelle la plainte n° 2000-PCC-90757 n'est pas fondée. C'est pourquoi je conclus que les recommandations sont indirectement liées à la plainte, et elles seront prises en considération.

[.]

Je suis heureux de constater que le Commissaire examine ces recommandations sérieusement. Même si la Commission estime que cette plainte n'est pas fondée, les recommandations sont pertinentes, non seulement pour ce qui est de la question de l'aide aux victimes et aux témoins, mais également de la nécessité, pour tous les intervenants du système de justice pénale qui ont des contacts avec les victimes et les témoins, d'adopter une démarche mieux coordonnée.

Je souligne que le Commissaire souscrit à la conclusion de la Commission selon laquelle la plainte n° 2000-PCC-90753 n'est pas fondée.

Recommandations générales

À la fin du rapport, le comité de la Commission a formulé huit recommandations visant les victimes d'acte criminel au sein du système de justice pénale. Dans la préface de ces recommandations, qui donne matière à réflexion, les membres du comité ont déclaré ce qui suit :

Puisque c'est la police qui a, durant toutes les étapes de la procédure qui va de la perpétration de l`acte criminel à la condamnation de l`accusé, le plus de contacts avec la victime, c'est elle qui est la mieux placée pour manifester à cette dernière la compréhension et la sensibilité voulues. Mais le comportement de la police est dicté par les obligations que le système de justice pénale lui impose, notamment les exigences formulées par le poursuivant et autorisées par la Cour. La Commission estime qu'il est erroné, et contraire à l'intérêt public, d'exposer la police au processus d'examen des plaintes du public et de la rendre responsable d'obligations que la justice pénale lui impose. La façon dont la police s'acquitte de cette obligation peut, à juste titre, donner lieu à une plainte, mais non pas l`obligation elle-même. Cela étant dit, le rôle que joue la police dans le système de justice pénale doit comporter l`obligation de prendre les mesures qui s'imposent pour apporter des amé1iorations qui permettront au système de justice pénale de mieux servir l'intérêt public en tenant compte des droits de la victime.

Quant à ces huit recommandations générales, le Commissaire a déclaré ce qui suit :

[TRADUCTION]

[.]

Pour ce qui est des recommandions générales (qui commencent à la page 38 du rapport), même si elles sont très valables, elles sont trop indirectement liées aux plaintes de Mme Nowdluk-Reynolds, et elles seront prises en considération très sérieusement.

[.]

Je suis heureux de constater que le Commissaire accorde une attention très sérieuse à ces recommandations. À mon avis, elles correspondent à des questions d'actualité touchant les victimes et la Gendarmerie jouera peut-être le rôle d'un catalyseur en suscitant, entre les divers intervenants du système de justice pénale, une consultation sur les problèmes soulevés dans ces huit recommandations.

En application du paragraphe 45.46(3) de la Loi sur la GRC, je présente le rapport final de la Commission concernant les plaintes de Kitty Nowdluk-Reynolds.

Le président,

Le 4 mars 1993

Jean-Pierre Beaulne, C. R.

Le Président

Commission des plaintes du public contre la GRC

C.P. 3423, succursale D

Ottawa (Ontario) K1P 6L4

 COMMISSION DES PLAINTES DU PUBLIC

CONTRE LA GENDARMERIE ROYALE DU CANADA

 

 Loi sur la Gendarmerie royale du Canada

Partie VII

Paragraphe 45.45(14)

 

Audience publique

relative aux plaintes

déposées par

Kitty Nowdluk-Reynolds 

RAPPORT DE LA COMMISSION

  

Allan Williams, c.r.

S. Jane Evans

Lazarus Arreak

Le 15 novembre 1992

À : L'HONORABLE DOUGLAS G. LEWIS, C.P., SOLICITEUR GÉNÉRAL DU CANADA

À : LE COMMISSAIRE NORMAN INKSTER, GENDARMERIE ROYALE DU CANADA

Le 10 janvier 1992, les soussignés ont été désignés par M. Fernand Simard, président intérimaire de la Commission des plaintes du public contre la Gendarmerie royale du Canada, en vertu des pouvoirs qui lui sont conférés par la partie VII de la Loi sur la Gendarmerie royale du Canada, pour tenir une audience publique concernant les plaintes déposées par Kitty Nowdluk-Reynolds.

Nous avons l'honneur de remettre notre rapport conformément au paragraphe 45.45(14) de la Loi sur la Gendarmerie royale du Canada.

Présenté en toute déférence,

(Signature)

Allan Williams, c.r.

(Signature)

S. Jane Evans

(Signature)

Lazarus Arreak

TABLE DES MATIÈRES

LETTRE D'ENVOI

 

I. L'AUDIENCE 1

II. PROCÉDURES ANTÉRIEURES À LA DÉCISION DE CONVOQUER UNE AUDIENCE 3

III. CADRE GÉNÉRAL DES PLAINTES 5

IV. LES PLAINTES DÉPOSÉES PAR KITTY NOWDLUK-REYNOLDS 18

V. LES PLAINTES ET L'INTÉRÊT PUBLIC 35

 

ANNEXES

A. Rapport de l'inspecteur E. G. Dennis, Division «G» de la GRC, envoyé à Kitty Nowdluk-Reynolds

 

B. Rapport du surintendant W. R. Ring, Division «E» de la GRC, envoyé à Kitty Nowdluk-Reynolds

 

C. Ordres donnés par la Commission avant le début de l'audience

 

D. Décisions prises par la Commission au cours de l'audience

D-1. Compétence de la Commission à l'égard de la conduite d'un membre à la retraite de la GRC

D-2. Contestation de la qualité de procureur des avocats des officiers compétents

 

I. L'AUDIENCE

Par Avis de décision de convoquer une audience et de désigner des membres responsables de l'audience daté du 10 janvier 1992, M. Fernand Simard, président intérimaire de la Commission des plaintes du public contre la Gendarmerie royale du Canada, a convoqué une audience pour enquêter sur six plaintes déposées par Kitty Nowdluk-Reynolds, conformément au pouvoir prévu au paragraphe 45.43(1) de la Loi sur la Gendarmerie royale du Canada (la Loi sur la GRC»). Par cet avis, M. Fernand Simard a désigné les membres de la Commission, Allan Williams, c.r., S. Jane Evans et Lazarus Arreak, pour tenir l'audience conformément au paragraphe 45.44(1) de la Loi sur la GRC.

Dans l'Avis de décision, le président intérimaire a déterminé comme parties les personnes suivantes :

     

  • la gendarme J.L. Anderson, Division «E» de la GRC, détachement de Surrey (Colombie-Britannique) ;

     

  • un membre non identifié, Division «G» de la GRC, détachement d'Iqaluit (Territoires du Nord-Ouest) ;

     

  • le gendarme L.S. Davidson, Division «E» de la GRC, détachement de Surrey (Colombie-Britannique) ;

     

  • la gendarme P. Tetso, Division «G» de la GRC, détachement de Yellowknife (Territoires du Nord-Ouest) ;

     

  • le caporal W.J. Chisholm, Division «G» de la GRC, détachement de Coral Harbour (Territoires du Nord-Ouest) ;

     

  • le caporal G.B. Cull (à la retraite), Division «E» de la GRC, détachement de l'Aéroport international de Vancouver (Colombie-Britannique).

Le 24 février 1992, par ordre de la Commission, le gendarme J.O.M. Beaudoin, Division «G» de la GRC, détachement d'Iqaluit (Territoires du Nord-Ouest), s'est vu conférer les droits accordés aux parties en vertu du paragraphe 45.45(5) de la Loi sur la GRC.

Le 6 mars 1992, par ordre de la Commission, le gendarme Carlos Gramuglia, Division «E» de la GRC, détachement de l'Aéroport international de Vancouver (Colombie-Britannique), s'est vu conférer les droits accordés aux parties en vertu du paragraphe 45.45(5) de la Loi sur la GRC.

Le 27 janvier 1992, la Commission a émis un Avis d'audience en vertu du paragraphe 45.45(2) de la Loi sur la GRC, fixant la date et le lieu de l'audience au 23 mars 1992, à Iqaluit (T. N.O.). L'audience a été convoquée et s'est tenue en public à Iqaluit (T. N.-O.), le 23 mars 1992 et les six jours suivants. La Commission a entendu le témoignage de 15 témoins et a reçu en preuve 36 pièces, notamment des preuves par voie d'affidavit et des témoignages recueillis par commission rogatoire à Vancouver (C.-B.).

À l'ajournement de l'audience à Iqaluit (T. N. -O.), le 28 mars 1992, la Commission a sollicité, puis reçu, l'argumentation des avocats de la plaignante et des parties, sauf ceux des officiers concernés des Divisions «G» et «E» de la GRC.

Tout au long de l 'audience, la Commission a reçu l 'aide des avocats suivants :

  • pour la Commission, N.J. Schultz et Pierre Y. Delage ;
  • pour Kitty Nowdluk-Reynolds, Marion R. Buller ;
  • pour la gendarme J.L. Anderson, G.W. Kent Scarborough ;
  • pour le gendarme L.S. Davidson, James Jardine, c.r ;
  • pour la gendarme P. Tetso et le caporal W.J. Chisholm, Richard Peach ;
  • pour le caporal G.B. Cull (à la retraite), Jack Harris, c.r. ;
  • pour le gendarme J.O.M. Beaudoin, Robert Davidson ;
  • pour le gendarme C. Gramuglia, James W. Williams ;
  • pour les officiers concernés des Divisions «E» et »G», David Gates et Nancy Irving.

Les témoins suivants étaient également représentés par un avocat :

  • Pour David McWhinnie, Virginia Schuler, c.r. ;
  • Pour Betty Smith, Rose Raven;
  • Pour le sergent d'état-major Creighton, G. Malakoe ;
  • Pour le caporal P. Juby, Jack Harris, c.r. ;
  • Pour l'inspecteur M.W.C. Harrower, le sergent d'état-major J.C. Howie et le caporal J. Coldham, David Gates et Nancy Irving.

La Commission remercie les personnes suivantes pour avoir fourni les services de soutien :

  • Susan Hutton, greffière
  • Kim Stewart, sténographe officielle

La Commission désire également remercier le personnel de la Cour territoriale d'Iqaluit (T. N.-O.) pour l'aide qu'elle a apportée.

 

 

  1. PROCÉDURES ANTÉRIEURES À LA DÉCISION DE CONVOQUER UNE

AUDIENCE

Entre la mi-septembre et la mi-octobre 1990, des journaux de la Colombie-Britannique et des Territoires du Nord-Ouest ont fait état de critiques et de vives inquiétudes relatives aux incidents impliquant Kitty Nowdluk-Reynolds et des membres de la GRC, qui forment le fondement des plaintes visées par le présent rapport. En outre, M.J. Sillett, présidente de l'Inuit Women's Association, a écrit à la GRC, à Surrey (C.-B.) et à Iqaluit (T. N. -O.) , exigeant une réponse aux allégations de mauvais traitements subis par Kitty Nowdluk-Reynolds lors de ses contacts avec des membres de la GRC. Des copies de ces lettres ont également été envoyées au directeur, Services de police autochtones de la GRC, à Ottawa. Par conséquent, le 2 novembre 1990, l'Inuit Women's Association et Kitty Nowdluk-Reynolds ont toutes deux été informées par écrit que la GRC avait entrepris, en Colombie-Britannique et dans les Territoires du Nord-Ouest, une enquête sur les incidents ayant donne lieu aux allégations.

Au cours de la même période, Mme Kitty Nowdluk-Reynolds a fait part de ses inquiétudes au sujet de ces incidents a la Commission des plaintes du public contre la GRC, dans une lettre datée du 23 octobre 1990. Dans une lettre datée du même jour, la plaignante a signalé ses préoccupations à Mme Kim Campbell, C.P., ministre de la Justice du Canada. Par suite de la lettre envoyée à la Commission, Kitty Nowdluk-Reynolds s'est rendue au bureau régional de la Commission à Vancouver (C.-B.) et a fourni les détails de sa plainte. Le 26 novembre 1990, conformément au paragraphe 45.35(1) de la Loi sur la GRC, la Commission a envoyé six plaintes à la Division «E» de la GRC concernant la conduite de membres des Divisions «E» et «G» de la GRC, au cours des incidents dans lesquelsKitty Nowdluk-Reynolds a été impliquée entre les 7 juin et 6 septembre 1990.

Les plaintes sont décrites à la partie IV du présent rapport.

Conformément à la partie VII de la Loi sur 1a GRC :

1. les Divisions «G» et «E» de la GRC ont tenu des enquêtes sur les plaintes ;

2. le 21 février 1991, l'inspecteur E.G. Dennis, Division «G» de la GRC, a envoyé un rapport à Kitty Nowdluk-Reynolds relativement aux plaintes concernant la conduite de membres de la Division «G» de la GRC (voir l'annexe A) ;

3. le 4 mars 1991, le surintendant W.L. Ring, Division «E» de la GRC, a envoyé un rapport à Kitty Nowdluk-Reynolds relativement aux plaintes concernant la conduite de membres de la Division «E» de la GRC (voir l'annexe B) ;

4. le 30 mars 1991, Kitty Nowdluk-Reynolds a informé la Commission, en vertu du paragraphe 45.41(1), qu'elle n'était pas satisfaite du règlement par la Gendarmerie de ses plaintes concernant les membres de la Division «E» de la GRC et a renvoyé ses plaintes devant la Commission pour examen ;

5. le 7 janvier 1992, Kitty Nowdluk-Reynolds a confirmé par écrit à la Commission qu'elle n'était pas satisfaite du règlement par la Gendarmerie de ses plaintes concernant les membres de la Division «G» de la GRC et a renvoyé l'affaire devant la Commission pour examen ;

6. en vertu de l'alinéa 45.42(3)c) de la Loi sur la GRC, Fernand Simard, président intérimaire de la Commission, a examiné les plaintes et a fait tenir une enquête plus approfondie par la Commission ;

7. après l'enquête approfondie, le président intérimaire, en vertu du paragraphe 45.43(1), a estimé dans l'intérêt public de convoquer une audience pour enquêter sur les plaintes ;

8. le 10 janvier 1992, en vertu du paragraphe 45.44(1), le président intérimaire a émis un Avis de décision de convoquer une audience.

 

III. CADRE GÉNERAL DES PLAINTES

Chacune des plaintes décrites en détail à la partie IV résulte d'incidents dans lesquels Kitty Nowdluk-Reynolds a été impliquée personnellement et directement avec au moins un membre de la GRC qui, dans chaque cas, exerçait des fonctions imposées par le système de justice pénale du Canada. Ces incidents, bien que reliés, sont épisodiques et peuvent être considérés séparément. Toutefois, la Commission estime que son rapport d'enquête contribuera davantage à l'intérêt public si elle présente ces incidents dans le cadre global dans lequel ils se sont produits.

La Commission comprend que, comme c'est souvent le cas dans de telles procédures, le témoignage de témoins fondé sur le souvenir qu'ils ont des faits dans lesquels ils ont été impliqués peut donner lieu à des différences et à des contradictions avec le témoignage d'autres personnes impliquées dans les mêmes faits. Elle accepte également qu'avec le temps le pouvoir de se souvenir d'un témoin peut diminuer ou, au contraire, des faits peuvent survenir qui servent à éclairer et à préciser le souvenir d'un témoin. Par conséquent, elle reconnaît que le témoignage rendu à l'audience peut, et c'est justifié, différer des déclarations faites auparavant. Mais elle est également consciente du fait que les enquêtes ayant précédé l'audience ont provoqué une réflexion sur les faits survenus, ce qui a permis de les revoir et de favoriser une amélioration ou un embellissement du souvenir de ceux-ci. Elle a pris tous ces facteurs en considération pour évaluer le témoignage des témoins et concilier les différences dans les témoignages ainsi que les contradictions avec la preuve documentaire produite à l'audience. Le récit narratif suivant constitue les conclusions de fait relatives à la présente enquête, acceptées par la Commission. Dans la mesure ou les différences dans les témoignages et les contradictions dans la preuve touchent l'enquête, une analyse est effectuée au moment de l'examen de chacune des plaintes, à la partie IV.

 

CONCLUSION No 1 : NARRATION DES FAITS

La plaignante, Kitty Nowdluk-Reynolds, est une Inuk qui était âgée de vingt-six ans à la date de 1'audience. Née à Iqaluit (Territoires du Nord-Ouest), elle avait, jusqu'au 7 juin 1990, vécu dans cette collectivité sauf pour quelque cinq ans pendant lesquels elle avait résidé en Ontario et en Colombie-Britannique avec son mari.

Vers minuit, le 7 juin 1990, à Iqaluit (T. N.-O.), la plaignante a été violée et sauvagement battue par Inusiq Shoo. William Sevigny, répondant à ses appels à l'aide, a mis fin a l'agression sexuelle violente. I1 a accompagné Kitty Nowdluk-Reynolds au Baffin Regional Hospital ou elle a été examinée et traitée pour des blessures subies pendant l'agression. Elle est demeurée à l'hôpital toute la nuit et a obtenu son congé pendant la journée du lendemain. À l'hôpital, elle a reçu la visite du caporal N. Butts et du gendarme J.O.M. Beaudoin, du détachement d'Iqaluit de la GRC, qui ont pris une photographie d'elle, et à qui elle a fait un compte rendu verbal de l'agression. Les officiers présents ont estimé qu'elle était émotivement trop perturbée pour subir une entrevue prolongée et ont alors reporté le moment de prendre sa déclaration écrite.

Une heure après l'agression de la plaignante, Inusiq Shoo s'est livré au caporal N. Butts, au détachement d'Iqaluit. I1 a été arrêté et accusé d'agression sexuelle grave en vertu de l'article 273 du Code criminel et, après avoir été mis en garde, il a fait plusieurs déclarations incriminantes concernant l'agression qu'il venait de perpétrer contre Kitty Nowdluk-Reynolds. Par la suite, pendant qu'il était en cellule, il a refusé de faire toute autre déclaration.

Le 13 juin 1990, donnant suite à des projets qu'elle avait déjà faits avant l'agression sexuelle, Kitty Nowdluk-Reynolds a quitté Iqaluit, elle a pris l'avion pour Ottawa ou elle a rejoint son conjoint de fait, Robert Callaghan, et s'est rendue avec lui a Surrey (Colombie-Britannique) pour y établir sa résidence.

Le 16 juin 1990, le gendarme J.O.M. Beaudoin, enquêteur, a tenté de communiquer avec Kitty Nowdluk-Reynolds par téléphone, chez elle à Iqaluit, afin de fixer un rendez-vous pour prendre sa déclaration écrite concernant l'agression et obtenir l'autorisation de consulter les dossiers médicaux de son examen, au Baffin Regional Hospital. On l'a informé qu'elle n'était pas chez elle. Le 18 juin 1990, il a appris qu'elle avait quitté Iqaluit et avait établi sa résidence au Timberland Motel, à Surrey (Colombie-Britannique). I1 a téléphoné au bureau du motel et laissé un message pour Kitty Nowdluk-Reynolds, lui demandant de le rappeler. Les dossiers téléphoniques confirment cet appel et révèlent également qu'un appel à frais virés a été reçu au détachement d'Iqaluit, le 19 juin 1990, fait à partir d'un téléphone public au Timberland Motel. Selon les dossiers du détachement d'Iqaluit, un employé civil a reçu un appel ce jour-là, mais rien n'indique que l'auteur de l'appel a laissé un message ni qu'il s'est nommé.

Le 26 juin 1990, le gendarme J.O.M. Beaudoin a demandé au détachement de Surrey de la GRC d'obtenir une déclaration de la plaignante et l'autorisation de consulter des renseignements médicaux la concernant. Cette demande écrite était adressée à un «lecteur» du détachement de Surrey, et non à un enquêteur, et a été conservé à l'agenda pendant un mois. I1 en a été de nouveau question seulement le 9 août 1990, date à laquelle elle a été assignée au caporal P. Juby, membre de la Section des crimes graves du détachement de Surrey. Également le 26 juin 1990, le détachement d'Iqaluit a informé la procureure de la Couronne chargée de la poursuite intentée contre Inusiq Shoo, de l'adresse de Kitty Nowdluk-Reynolds en Colombie-Britannique.

À la fin de juin 1990, Inusiq Shoo avait choisi d'être jugé par la Cour suprême des Territoires, et une enquête préliminaire avait été prévue pour le 27 juillet 1990, à Iqaluit. La procureure de la Couronne a entamé la procédure afin d'obtenir une assignation obligeant Kitty Nowdluk-Reynolds à comparaître à titre de témoin important à l'enquête préliminaire. L'assignation a été émise avec l'autorisation d'un Juge de la Cour suprême des Territoires, le 3 juillet 1990, à la demande du bureau régional de Yellowknife du ministère territorial de la Justice, et envoyée au détachement de Surrey, accompagnée d'une lettre du ministère de la Justice (T. N.-O.), datée du 29 juin 1990. La lettre exigeait la signification de l'assignation à Kitty Nowdluk-Reynolds et le renvoi de l'affidavit de signification au sous-bureau du ministère de la Justice, à Iqaluit. Ces documents ont été livrés par poste prioritaire au détachement de Surrey, le 5 juillet 1990.

Selon la preuve produite à l 'audience, le ministère de la Justice des Territoires du Nord-Ouest a l'habitude, dans les affaires de cette nature, d'envoyer avec l'assignation une lettre d'instructions adressée au témoin contenant un numéro de téléphone que le témoin est tenu de composer avant de se rendre au tribunal pour s'assurer que sa présence en cour est toujours requise. La lettre contient également des instructions à l'intention du témoin lui indiquant comment il peut obtenir de l'aide pour organiser son voyage. Une copie de cette lettre d'instructions était dans le dossier du ministère de la Justice à Yellowknife, mais rien n'indique que le détachement de Surrey l'a reçue, et la lettre envoyée au détachement de Surrey demandant signification de l'assignation à la plaignante ne mentionne ni la signification ni la livraison d'une lettre d'instructions au témoin. Kitty Nowdluk-Reynolds n'a pas reçu cette lettre.

Le 10 juillet 1990, la gendarme J.L. Anderson, du détachement de Surrey, a été affectée à la signification des assignations et d'autres documents judiciaires.

Ces fonctions faisaient partie de son service régulier depuis le 12 avril 1990. Lorsqu'elle s'est présentée au travail le matin du 10 juillet 1990, elle a reçu, comme d'habitude, une trentaine de séries de documents a signifier, notamment les copies de l'assignation envoyées de Yellowknife visant Kitty Nowdluk-Reynolds. Suivant la pratique du détachement, les copies de l'assignation à signifier à la plaignante étaient accompagnées d'un document interne appelé «procès-verbal du processus pénal», qui contient des renseignements sur le document à signifier et sur lequel peuvent être inscrits les détails relatifs à la signification. La gendarme Anderson n'a reçu aucun autre document ni aucune autre lettre à remettre à la plaignante.

La gendarme Anderson s'est rendue au Timberland Motel, à Surrey (C.-B.), vers 16 h 30, le 10 juillet 1990. Elle s'est présentée au bureau de motel et a appris que la plaignante vivait dans l'unité n° 2. Elle était en uniforme et, les documents de l'assignation en main, elle a frappé à la porte de l'unité de motel. La porte a été ouverte par une personne qui, en réponse à la question de la gendarme Anderson, s'est identifiée comme Kitty Nowdluk-Reynolds. La gendarme Anderson s'est identifiée et a informé la plaignante qu'elle avait une assignation à lui signifier. Ainsi que le veut la pratique courante lors de la signification des assignations, elle a lu à haute voix, Kitty Nowdluk-Reynolds lisant en même temps qu'elle, le contenu de l'assignation qui obligeait la plaignante à comparaître devant la Cour suprême des Territoires à Iqaluit (T. N.-O.), le 27 juillet 1990. Elle a demandé à la plaignante si elle comprenait et elle lui a conseillé d'appeler au détachement d'Iqaluit si elle avait des questions. Elle a alors enlevé le procès-verbal du processus pénal du document et a remis l'assignation à Kitty Nowdluk-Reynolds. Pendant ce temps, un homme se trouvait dans l'unité avec la plaignante, mais elle ne l'a pas identifié. Après la signification de l'assignation, elle a quitté l'unité et s'est rendue à son véhicule ou elle a rempli le procès-verbal du processus pénal ainsi que l 'affidavit de signification se trouvant sur sa copie de l'assignation. Par la suite, elle a rempli une lettre type que la GRC utilise pour confirmer la signification du document et transmettre une copie de l'assignation ainsi que l 'affidavit de signification qui était joint et qu'elle avait signés. Elle a remis ces documents au responsable du détachement de Surrey pour qu'il les mette à la poste.

Après la signification de l'assignation à Kitty Nowdluk-Reynolds par la gendarme Anderson, le 10 juillet 1990, Kitty Nowdluk-Reynolds a placé l'assignation sur une table ou dans un tiroir de bureau, dans l'unité. Elle ne s'en est pas préoccupée ni n'était représentée en cour, à Iqaluit (T. N.-O.), le 27 juillet 1990. Ni la plaignante ni aucun mandataire la représentant ne se sont informés auprès du détachement d'Iqaluit ou de la procureure de la Couronne, à Iqaluit ou à Yellowknife, des dispositions de voyage et autres qui lui permettraient de se conformer à l'assignation. Aucun membre de la GRC ni aucun représentant du ministère territorial de la Justice ne lui ont offert de prendre de telles dispositions.

[Le témoignage rendu par Kitty Nowdluk-Reynolds et Robert Callaghan sur les faits survenus peu après la signification de l'assignation le 10 juillet 1990 et concernant un appel téléphonique fait au détachement d'Iqaluit relativement à l'observation de l'assignation contredit directement d'autres témoignages et la preuve documentaire produite à l'audience. Ces différences dans la preuve sont traitées en détail à la partie IV (B).]

Selon la Commission, il convient de signaler qu'il a été donné suite à la demande faite par le détachement d'Iqaluit au détachement de Surrey le 26 juin 1990 afin d'obtenir une déclaration de Kitty Nowdluk-Reynolds, demande conservée à l'agenda pendant un mois puis assignée au caporal P. Juby le 9 août 1990, seulement après que la plaignante ne se fut pas présentée à Iqaluit, le 27 juillet 1990, en réponse à l'assignation. I1 convient également de noter que, le 9 août 1990, lorsque le caporal Juby a parlé à la plaignante au téléphone, il ne savait pas qu'une assignation avait été émise et signifiée par le détachement de Surrey, que la plaignante ne s'y était pas conformée et qu'un mandat d'arrestation avait été lancé contre elle. Il ne s'est pas informé pour savoir ce qui s'était produit depuis le 26 juin 1990. Ignorant tous ces faits, il a parlé longuement avec la plaignante au téléphone afin de fixer un rendez-vous pour obtenir une déclaration concernant l'agression sexuelle. Au cours de la conversation, il a formé l'opinion qu'elle était déterminée à refuser de collaborer avec la GRC à l'enquête et qu'elle ne voulait pas retourner à Iqaluit pour la procédure judiciaire, malgré ses efforts persévérants pour la convaincre de la nécessité de sa collaboration et de la possibilité que son agresseur soit acquitté. Convaincu qu'elle ne fournirait aucune déclaration, il a signalé au détachement d'Iqaluit qu'il n'avait pas réussi à obtenir une déclaration et il a dit qu'elle était un témoin hostile qui ne comparaîtrait probablement pas au procès à moins d'être arrêtée. Même s'il a fait part de son opinion à son collègue, il n'a pas du tout indiqué, dans sa conversation avec Kitty Nowdluk-Reynolds, que sa participation à la poursuite intentée contre Inusiq Shoo pouvait être obligatoire ou qu'elle-même pourrait être tenue de témoigner.

Pendant cette conversation, Kitty Nowdluk-Reynolds n'a pas mentionné la signification de l'assignation ni n'a suggéré qu'il était inutile qu'elle se rende à Iqaluit, comme elle l'a allégué dans sa plainte (partie IV (B) du présent rapport).

La Commission souligne que, dans le cadre de ses fonctions, le caporal Juby enquête sur les incidents d'agression sexuelle, qu'il a de l'expérience à mener des interrogatoires avec des victimes qui hésitent à participer au processus judiciaire et qu'il connaît la détresse émotive que ces victimes ressentent.

L'audience préliminaire des accusations d'agression sexuelle grave portées contre Inusiq Shoo s'est tenue devant la Cour territoriale des Territoires du Nord-Ouest à Iqaluit, le 27 juillet 1990. Au début de la procédure, la procureure de la Couronne a informé la Cour qu'une assignation avait été signifiée à Kitty Nowdluk-Reynolds afin de l'obliger à être présente et que le gendarme J.O.M. Beaudoin avait, le 26 juillet 1990, mais sans succès, tenté de communiquer avec la plaignante par téléphone, chez elle, pour confirmer sa présence. La Cour a également été informée que le gendarme Beaudoin était allé chez les parents de la plaignante à Iqaluit et qu'il n'avait pu déterminer si elle était à Iqaluit ou si elle devait y retourner. Par conséquent, la Cour a ordonné l'émission d'un mandat d'arrestation contre Kitty Nowdluk-Reynolds comme témoin important. Le paragraphe 704(1) du Code criminel prévoit l'émission d'un mandat rédigé dans une forme pouvant être exécutée partout au Canada. Malgré ce fait, il est courant, dans les Territoires du Nord-Ouest, de restreindre l'exécution de ces mandats aux Territoires et, afin de faciliter l'exécution de ce mandat contre la plaignante en Colombie-Britannique, la procureure de la Couronne avait pris des mesures afin d'en faire étendre la portée. Le 3 août 1990, la procureure de la Couronne a confirmé l'émission du mandat territorial au détachement d'Iqaluit et a demandé qu'on fasse tous les efforts possibles pour exécuter le mandat et remettre sous garde Kitty Nowdluk-Reynolds à la Cour, le 4 septembre 1990, qui était la date, selon la procureure de la Couronne, prévue pour la reprise de l'enquête préliminaire. Conformément à une politique de la Division «G» de la GRC, le détachement d'Iqaluit a obtenu l'autorisation d'exécuter le mandat à l'extérieur des Territoires du Nord-Ouest, le 22 août 1990. Par conséquent, ce n'est pas avant le 23 août 1990 que le détachement d'Iqaluit a demandé au détachement de Surrey d'arrêter la plaignante. Le 23 août 1990, un membre du détachement de Surrey a tenté d'exécuter le mandat contre la plaignante, mais il n'a pas pu parce qu'elle n'était pas chez elle.

Le 27 août 1990, le détachement d'Iqaluit a réitéré sa demande d'exécution du mandat et, le lendemain, le gendarme L.S. Davidson s'est rendu à l'unité no 2 du Timberland Motel, vers 12 h 45. I1 a frappé à la porte de l'unité. Un homme lui a répondu. Le gendarme Davidson s'est identifié et a demandé à voir Kitty Nowdluk-Reynolds. Informé qu'elle était là, il a franchi le seuil et a vu une femme assise sur un sofa-lit, qu'il a identifiée comme Kitty Nowdluk-Reynolds. I1 a également identifié l'homme qui avait répondu à la porte comme étant Robert Callaghan. I1 a ensuite parlé à Kitty Nowdluk-Reynolds et lui a dit qu'elle était en état d'arrestation pour ne pas être comparue à Iqaluit en réponse à l'assignation, et il lui a lu les droits garantis par la Charte ainsi que la mise en garde qui étaient inscrits sur une fiche qu'il avait en main. Voici le texte de ce qu'il a lu  :

I1 est de mon devoir de vous informer que vous avez le droit d'avoir recours sans délai à l'assistance d'un avocat. Vous n'êtes pas tenu(e) de dire quoi que ce soit, mais ce que vous direz peut servir de preuve.

I1 l'a informée qu'elle serait ramenée à Iqaluit afin de témoigner dans la poursuite intentée contre Inusiq Shoo. I1 ne lui a pas demandé si elle comprenait les droits garantis par la Charte ni ne les lui a répétés ou expliqués. À ce moment, la plaignante est devenue très contrariée et a commencé à donner libre cours à sa colère, ainsi que ses mouvements et son langage le laissaient voir. Alors à l'intérieur de la chambre de motel, le gendarme Davidson a adopté une position à partir de laquelle, croyait-il, il pourrait, au besoin, maîtriser la situation. I1 a tenté de la calmer en lui parlant, mais il ne savait pas trop dans quelle mesure elle comprenait bien ce qu'il lui disait. Néanmoins, il était convaincu qu'elle savait qu'elle était en état d'arrestation et qu'elle devait être amenée à Iqaluit.

Le gendarme Davidson a ensuite dit à la plaignante de prendre les effets dont elle aurait besoin pour le voyage à Iqaluit et il a demandé à Robert Callaghan de l'aider à la calmer. À ce moment-là, elle était agitée et se déplaçait dans la pièce, elle criait, elle jurait et elle pleurait. Elle a annoncé qu'elle voulait aller à la salle de bain ; le gendarme Davidson a traversé la pièce pour lui en interdire l'entrée jusqu'à ce qu'il ait examiné l'intérieur de la pièce, le tiroir du comptoir et la fenêtre de la salle de bain. I1 lui a ensuite permis d'y entrer, mais il a laissé la porte entrouverte et s'est placé de façon à pouvoir observer la fenêtre de la salle de bain pour s'assurer qu'elle n'échappe pas à l'arrestation en sortant par-là. De l'endroit ou il était, il pouvait voir la fenêtre, mais non la plaignante.

Après avoir quitté la salle de bain, Kitty Nowdluk-Reynolds, qui était toujours très agitée, a frôlé le gendarme Davidson en passant à côté de lui et lui a donné un coup du revers de la main. La Commission conclut que cet incident n'était pas une agression perpétrée contre le gendarme Davidson. Tout au plus, comme il l'a dit, la plaignante s'en prenait à l'uniforme et non pas à la personne.

Avec l'aide de Robert Callaghan, Kitty Nowdluk-Reynolds a rassemblé ses effets personnels, et le gendarme Davidson l'a informée qu'il devait lui passer les menottes. C'est ce qu'il a fait, en plaçant ses mains devant son corps et en mettant une veste sur les mains pour les cacher. Le gendarme a ensuite marché avec elle jusqu'à la voiture, la tenant par le coude, et l'a aidée pour qu'elle ne tombe pas.

Après avoir placé Kitty Nowdluk-Reynolds dans le véhicule, le gendarme Davidson a consigné des notes dans son carnet et a inscrit qu'il était 12 h 52. Toute l'arrestation avait pris environ dix minutes. I1 a quitté le motel à 13 h 04 et s'est rendu au détachement de Surrey, où l'on a procédé à la mise en détention de la plaignante à 13 h 20. Après cette procédure, le gendarme Davidson l'a escortée à sa cellule.

Avant de se rendre au Timberland Motel pour y exécuter le mandat, le gendarme Davidson avait été informé par le caporal P. Juby de ses contacts avec Kitty Nowdluk-Reynolds et du fait que cette dernière avait été victime d'une agression sexuelle et ne voulait pas retourner à Iqaluit afin de témoigner dans la poursuite intentée contre son agresseur. Mis au fait de ces renseignements et ayant observé le comportement de Kitty Nowdluk-Reynolds au cours de l'arrestation, il a conclu qu'elle n'avait obtenu aucun counselling après l'agression sexuelle. Compte tenu de la colère et de la réaction émotive extrême qu'elle avait manifestées, ainsi que du manque apparent de counselling, il a demandé l'aide de Betty Smith, travailleuse sociale de formation ayant sept ans d'expérience comme bénévole au programme d'aide aux victimes, géré par le détachement de Surrey. I1 a informé Betty Smith que Kitty Nowdluk-Reynolds était une Inuk victime d'une agression sexuelle devant comparaître à Iqaluit comme témoin important dans la poursuite intentée contre son agresseur. En outre, il lui a dit que la plaignante n'avait pas répondu à une assignation et avait été arrêtée, et qu'elle serait amenée sous garde à Iqaluit. I1 lui a précisé qu'il s'inquiétait du fait que Kitty Nowdluk-Reynolds ne comprenait pas ce qui arrivait et qu'il ne croyait pas pouvoir lui faire comprendre ce qu'on attendait d'elle.

Le gendarme Davidson a conduit Betty Smith dans le secteur des cellules et lui a présenté Kitty Nowdluk-Reynolds. I1 s'agissait d'une expérience nouvelle pour Betty Smith, car, à l'exception d'une visite de familiarisation, elle n'avait jamais été dans ce secteur et elle n'avait jamais eu l'occasion de rencontrer la victime d'un acte criminel dans un tel cadre.

Les premières tentatives de Betty Smith afin de communiquer avec Kitty Nowdluk-Reynolds ont été difficiles et ont échoué. Betty Smith a constaté que Kitty était très perturbée, en colère et qu'elle avait peur. Elle l'a jugée égarée à un point tel qu'elle n'écoutait pas ou ne pouvait comprendre ce qu'on lui disait. Betty Smith a conclu que la détresse de la plaignante provenait du fait qu'elle était en colère et qu'elle ne comprenait pas pourquoi elle, la victime d'un acte criminel, avait été arrêtée et était forcée de retourner à Iqaluit pour confronter la personne qui l'avait violée. En outre, la plaignante s'inquiétait énormément du préjugé contre les Inuit qu'elle sentait chez les policiers. Betty Smith a conclu, après une dizaine de minutes d'effort, qu'elle ne pouvait communiquer avec Kitty Nowdluk-Reynolds. Elle a donc demandé l'aide de M.L. Mortimer, le garde qui surveillait le secteur des cellules. M. Mortimer s'est révélé une personne ayant beaucoup d'expérience dans les cas de ce genre, et il a réussi à calmer Kitty Nowdluk-Reynolds suffisamment pour que les trois puissent parler des circonstances dans lesquelles la plaignante se trouvait et de ce qui arriverait dans l'avenir immédiat. M. Mortimer et Betty Smith ont pu lui expliquer qu'elle devait aller à Iqaluit et ils lui ont expliqué la nature de la procédure judiciaire à laquelle elle participait. En outre, ils l'ont informée qu'elle pouvait avoir un avocat pour la représenter. Par suite de ces efforts, Kitty Nowdluk-Reynolds a commencé à écouter ce qu'on lui disait et a finalement compris ce qui arrivait. Elle a semblé accepter son obligation de retourner à Iqaluit, même si cela voulait dire qu'elle serait confrontée au violeur. Toute l'entrevue a duré environ une heure. À la fin, convaincue que la plaignante n'avait eu aucun counselling, Betty Smith lui a offert de l'aider à obtenir du counselling après son retour d'Iqaluit. Betty Smith lui a effectivement parlé peu après la mi-septembre 1990, mais à ce moment-là, la plaignante avait communiqué avec les associations Rape Relief et Femmes contre la violence contre les femmes, et elle a refusé l'offre que lui faisait Betty Smith de la renvoyer à d'autres organismes.

Malgré l'évaluation faite par Betty Smith de l'état et de l'attitude de Kitty Nowdluk-Reynolds à la fin de l'entrevue, la Commission accepte le témoignage de la plaignante selon laquelle elle a continué à être traumatisée, et c'est pourquoi elle n'a pas demandé à consulter un avocat. Betty Smith et M. Mortimer lui ont assuré qu'elle aurait la possibilité de consulter un avocat le lendemain, avant de se présenter en cour. Aucun membre de la GRC ne lui a donné d'autres conseils relativement à sa représentation par un avocat.

Kitty Nowdluk-Reynolds est demeurée en cellule, au détachement de Surrey, toute la nuit et, dans l'avant-midi du 29 août 1990, on l'a amenée, en menottes, au palais de justice, à Cloverdale (Colombie-Britannique). À son arrivée, on lui a remis des vêtements, ses effets personnels et une lettre de Robert Callaghan. Un peu plus tard dans la matinée, on l'a amenée voir une avocate qui, selon ce qu'elle a compris, était l'avocat de service au palais de justice. L'avocate de service l'a interrogée pendant une vingtaine de minutes puis elle est partie, disant qu'elle examinerait ce qui était survenu et verrait ce qu'elle pouvait faire pour elle. La plaignante ne l'a plus jamais revue, ni aucun autre avocat.

Plus tard, au cours de l'avant-midi, Kitty Nowdluk-Reynolds a été amenée devant un juge de paix, au palais de justice de Cloverdale (C.-B.), qui l'a renvoyée sous garde au Lakeside Correctional Centre. À ce moment, elle n'avait pas encore reçu une copie de son mandat d'arrestation. Elle n'a vu cette copie que lorsqu'elle s'est présentée au bureau de la Commission, en octobre 1990.

La plaignante a été escortée au Lakeside Correctional Centre où l'on a effectué une fouille a nu, on lui a donné un bain pour l'épouiller, on l'a photographiée, on a pris ses empreintes digitales, on lui a remis un uniforme de prisonnier et on l'a amenée à une cellule qu'elle devait partager avec d'autres prisonnières. Les représentants de la prison lui ont demandé si elle était prête à travailler à la buanderie de la prison ; elle a répondu par l'affirmative, et on l'a transférée dans une cellule plus petite, qu'elle partageait avec une autre femme, autochtone également. Elle a passé le reste de la journée du 29 août, les journées du 30 et du 31 août et celle du 1er septembre 1990 comme prisonnière au Lakeside Correctional Centre. Elle y a travaillé pendant trois jours à la buanderie, travail pour lequel on lui a remis 3 $ par jour, en espèces, à sa sortie.

Pendant les quatre jours et demi que Kitty Nowdluk-Reynolds a passé en prison, au détachement de Surrey et au Lakeside Correctional Centre, elle n'a reçu aucun visiteur et on ne lui a pas expliqué les circonstances de sa détention ni ce a quoi elle pourrait s'attendre, si ce n'est les renseignements donnés par le personnel affecté à l'aide aux victimes, au détachement de Surrey. Robert Callaghan a tenté de la voir au Lakeside Correctional Centre, mais il n'y a pas été autorisé, car il ne pouvait établir de lien de parenté avec elle.

Après l'arrestation de Kitty Nowdluk-Reynolds par le gendarme Davidson, le détachement d'Iqaluit a été informé de l'exécution du mandat. Ensuite, une procédure a été entamée pour le transport sous garde de Kitty Nowdluk-Reynolds à Iqaluit, et une demande à cet égard a été adressée à la Section de la prévôté de la GRC, à Yellowknife. La gendarme P. Tetso a donc été affectée comme escorte. Elle s'est rendue de Yellowknife à Vancouver le 1er septembre 1990. Le matin du 2 septembre 1990, elle est allée au détachement de Burnaby, qui l'a conduite au Lakeside Correctional Centre où elle a pris sous garde Kitty Nowdluk-Reynolds. Elle lui a passé les menottes et l'a amenée à l'Aéroport international de Vancouver. La plaignante avait les menottes aux poignets à l'aéroport, en attendant le départ de l'avion pour Yellowknife. Durant la première partie du vol de Vancouver à Edmonton, elle avait les menottes, sauf lorsqu'elle est allée à la toilette. À son arrivée à Edmonton, elle a été placée dans une cellule du détachement de la GRC, à l'Aéroport international d'Edmonton, jusqu'au départ de l'avion pour Yellowknife. Pendant qu'elle était à l'aéroport d'Edmonton, elle a rencontré son cousin qui voyageait avec son équipe de soccer. Comme elle avait les menottes, elle s'est senti humiliée. Le vol entre Edmonton et Yellowknife a duré environ deux heures et, sauf pour manger, elle avait les menottes à un poignet ou aux deux poignets. À son arrivée à Yellowknife, elle avait les menottes aux poignets dans l'aéroport, jusqu'à ce qu'on ait organisé son transport ainsi que celui de la gendarme Tetso au détachement de Yellowknife, où on a procédé à sa mise en détention. C'était le 2 septembre 1990, vers 21 h 30 ; la gendarme Tetso a alors informé la plaignante qu'elle l'escorterait tôt le lendemain matin pour prendre l'avion de Yellowknife à Iqaluit. Pendant qu'elle était en cellule à Yellowknife, Kitty Nowdluk-Reynolds a demandé à la gendarme Tetso et à la surveillante si elle pouvait prendre une douche, mais aucune disposition n'a été prise. En raison de l'état émotif où elle se trouvait et du tapage causé par les prisonniers dans les cellules voisines, elle n'a pu manger le repas qu'on lui avait apporté et elle a passé une nuit agitée, sans pouvoir dormir.

I1 était prévu que la gendarme Tetso escorterait Kitty Nowdluk-Reynolds à Iqaluit, le 3 septembre 1990, grâce à un vol direct. L'avion quittait Yellowknife à 9 h. Elle a informé la plaignante qu'elle serait amenée à l'aéroport à 8 h 30. La plaignante était prête, mais la gendarme Tetso s'est levée en retard et ne s'est présentée au bureau du détachement qu'après le départ de l'avion. Aucune excuse ni aucune explication n'ont été offertes à la plaignante pour cet incident.

Par conséquent, la plaignante est demeurée sous garde à Yellowknife pendant que d'autres dispositions étaient prises. Le gendarme C. Journeay a été désigné pour l'escorter à Iqaluit, dans les avions allant de Yellowknife à Edmonton, à Toronto et à Ottawa, le 3 septembre 1990, et à Iqaluit, le matin du 4 septembre 1990. Escortée par le gendarme Journeay, la plaignante ne portait pas de menottes. À l'arrivée à Ottawa, il n'y avait aucune cellule dans l'aéroport où la plaignante pouvait être placée, celle-ci a donc été transportée à la prison de la ville d'Ottawa ou elle a été détenue toute la nuit. Au début de la journée du 4 septembre 1990, le gendarme Journeay et elle ont pris l'avion pour Iqaluit, où ils sont arrivés vers 13 h. À l'arrivée, la plaignante a été amenée au détachement d'Iqaluit, et l'on a procédé à sa mise en détention.

Cette procédure terminée, la plaignante a demandé l'autorisation de prendre une douche, car elle n'avait pas pu en prendre une depuis son départ du Lakeside Correctional Centre, le 2 septembre 1990. On lui a dit qu'elle n'aurait pas le temps avant sa comparution comme prévu et qu'elle n'aurait que le temps de se changer.

À ce moment, le gendarme W.J. Chisholm (promu depuis au rang de caporal), qui était affecté aux liaisons avec les tribunaux au détachement d'Iqaluit, est venu à la cellule et a pris la plaignante sous sa garde pour la transporter au palais de justice. À cette heure, quatre autres membres de la GRC étaient en service, mais il n'y en avait aucun dans le bureau du détachement. Le caporal Chisholm n'a pas tenté de communiquer avec eux pour voir si l'un d'eux pouvait escorter la plaignante. I1 l'a amenée à un véhicule de la GRC de marque Suburbain, qui attendait, et l'a placée, toujours les menottes aux poignets, en compagnie de Florence Power, surveillante civile, sur le siège arrière, dans la cabine du véhicule. Lui-même et un garde de sexe masculin se sont installés sur le siège avant de la cabine du véhicule. Le siège occupé par la plaignante et la surveillante était séparé de l'arrière du véhicule par un écran en treillis et en plexiglas. La partie arrière du véhicule était aménagée de façon à loger d'autres passagers.

Kitty Nowdluk-Reynolds s'attendait à être conduite directement au palais de justice. Le caporal Chisholm a témoigné qu'avant de quitter le détachement, il l'avait informée qu'il devait se rendre d'abord au Baffin Correctional Centre où il prendrait d'autres prisonniers devant comparaître en cour, notamment Inusiq Shoo. I1 a témoigné qu'elle a semblé indifférente et qu'au Baffin Correctional Centre, il avait demandé à Inusiq Shoo de ne pas parler à la plaignante ni d'attirer son attention de quelque façon. Elle nie avoir été informée de ces dispositions et a témoigné qu'elle avait été stupéfaite de voir son agresseur dans le même véhicule.

La Commission juge qu'il n'y a aucune preuve concluante pour résoudre cette contradiction entre le témoignage de la plaignante et celui du caporal Chisholm, mais elle considère que cela a peu d'importance pour l'enquête sur la plainte résultant de l'incident. Qu'on le lui ait dit ou non, la plaignante a été confrontée à son agresseur en raison des dispositions de transport, abstraction faite des conséquences qu'elle pouvait en subir.

Au Baffin Correctional Centre, les prisonniers, y compris Inusiq Shoo, ont été placés à l'arrière du véhicule. À ce moment-là, la plaignante a exprimé sa surprise, son trouble et sa colère à l'égard de son agresseur qui était dans le même véhicule, et elle lui a adressé un certain nombre de remarques, notamment [TRADUCTION] «Comment se fait-il que tu ne sois pas encore mort ? Je pensais que les violeurs étaient battus et tués en prison ! » Le caporal Chisholm lui a dit d'ignorer le prisonnier et de regarder en avant. Ensuite, il s'est rendu directement au palais de Justice d'Iqaluit, à quelques milles de là.

À l'arrivée au palais de Justice, le caporal Chisholm a amené la surveillante Florence Power et Kitty Nowdluk-Reynolds dans l'édifice. Habituellement, les prisonnières sont installées dans une des petites salles d'entrevue, mais cette fois il s'est organisé pour que Kitty Nowdluk-Reynolds attende au Tuvvik Centre un centre de jour non officiel adjacent à la salle d'audience, où se déroulent les séances de counselling à l'intention des toxicomanes. I1 estimait que l 'atmosphère du Tuvvik Centre serait plus détendue et que la plaignante pourrait prendre un café en attendant sa comparution.

Au Tuvvik Centre, la plaignante a rencontré William Sevigny, l'homme qui était venu à son aide au cours de l'agression et qui l'avait amenée à l'hôpital le 7 juin 1990. Elle a également téléphoné à sa mère et à sa soeur, qui vivent toutes deux à Iqaluit. Pendant cette période, elle a été interrogée pendant une dizaine de minutes par la procureure de la Couronne, Alison Crowe, concernant la déposition qu'elle ferait. La plaignante pensait qu'elle témoignerait à un procès et qu'après elle serait autorisée à aller chez sa mère.

Lorsque la procédure contre Inusiq Shoo était sur le point de commencer, Kitty Nowdluk-Reynolds et la surveillante ont été amenées dans la salle d'audience. La plaignante s'est assise à l'arrière pendant une trentaine de minutes; la Juge, la procureure de la Couronne et l'avocat de la défense ont alors discuté de questions de procédure relatives à l'affaire. Selon la transcription de la procédure judiciaire, il y avait confusion sur la date de l'audience préliminaire, fixée au 4 septembre 1990. On se demandait si, à cause du rôle de la Cour, l 'audience pourrait se tenir le 4 septembre ou si une remise de quelques semaines s'imposait. Même si elle était accusée d'une infraction et avait été amenée à la cour sous garde, Kitty Nowdluk-Reynolds n'était pas représentée par un avocat, et ni la juge, ni la procureure de la Couronne, ni l'avocat de la défense, ni le caporal Chisholm, agent de liaison avec les tribunaux de la GRC qui en avait la garde, n'ont pris de mesure pour rectifier cette situation ou lui demander si elle désirait être représentée. Selon la transcription de la procédure judiciaire de ce jour produite en preuve à l'audience, d'autres avocats étaient présents dans la salle d'audience à ce moment-là et auraient pu la représenter si elle en avait fait la demande ou si la juge en avait assigné un. La plaignante n'a jamais été informée de cette possibilité.

Au cours de ces discussions, la défense a présenté une demande d'ajournement de deux jours, et la procureure de la Couronne a informé la juge que Kitty Nowdluk-Reynolds était en cour, en état d'arrestation, et ne serait libérée qu'après avoir témoigné. La Cour a suggéré de la libérer ce jour-là et a demandé à la procureure de la Couronne de s'informer si Kitty Nowdluk-Reynolds pouvait témoigner le 5 septembre 1990, auquel cas la juge a indiqué qu'elle ajournerait la procédure pendant un jour. Ensuite, la Cour a prononcé l'ajournement afin de permettre à la procureure de la Couronne de discuter davantage de la question avec la plaignante. Dès que la juge a quitté la salle d'audience, Kitty Nowdluk-Reynolds a réagi fortement et est entrée dans une grande colère. Elle a dit que c'était un simulacre de Justice. Elle a crié après Inusiq Shoo, lui disant qu'il devrait se tuer. Finalement, on l'a sortie de la salle d'audience pour l'amener dans l'une des salles d'entrevue du palais de justice, en compagnie de la surveillante, et on a tenté de la calmer. Pendant ce temps, la procureure de la Couronne, qui ne semblait pas comprendre pourquoi elle était si perturbée, est venue la voir. Après une trentaine de minutes, un membre de la GRC l'a escortée à un véhicule de la GRC et l'a ramenée en cellule, au détachement d'Iqaluit. Elle a demandé à l'agent de police pourquoi elle n'était pas libérée, indiquant qu'elle croyait avoir l'autorisation d'aller chez elle. I1 lui a dit qu'elle retournait en prison, mais que quelqu'un viendrait plus tard lui dire ce qui arrivait.

À ce moment, la procureure de la Couronne est retournée dans la salle d'audience et, avec l'avocat de la défense, a informé la juge qu'ils avaient convenu d'ajourner l'affaire jusqu'au matin du 5 septembre 1990. La juge a indiqué qu'il y aurait beaucoup à faire et a demandé si la plaignante devrait être présente à cette occasion. Elle a également demandé si la plaignante demeurait a l'hôtel, et la procureure de la Couronne lui a répondu que la Couronne ne demanderait pas sa libération. En réponse à une question de la Juge, elle a répondu qu'elle savait que la plaignante serait en cellule, au détachement de la GRC. Elle a indiqué qu'elle n'était pas disposée, à ce moment-là, à demander la libération, mais elle a déclaré que le témoignage que devait rendre la plaignante serait bref et pourrait être entendu au début de la procedure, le lendemain. Par suite de cette observation, la Juge a ordonné que Kitty Nowdluk-Reynolds soit ramenée en cour à 13 h 30, le lendemain après-midi, et qu'elle demeure sous garde jusqu'a nouvel ordre.

Kitty Nowdluk-Reynolds n'a jamais été informée de cette procédure et n'a jamais par la suite été interrogée par la procureure de la Couronne.

Lorsqu'elle est retournée en cellule au détachement d'Iqaluit, elle a demandé de nouveau de prendre une douche, mais on lui a dit qu'il n'y avait aucun membre du personnel qui pouvait l'y accompagner. La surveillante de police lui a donné du shampooing et une débarbouillette, et lui a dit de se laver a l'éponge, dans le petit évier de la cellule.

C'est ainsi que se sont terminés les événements du 4 septembre 1990 pour Kitty Nowdluk-Reynolds. Elle a ainsi passé la nuit dans sa cellule, complètement isolée. Personne du détachement d'Iqaluit ne l'a informée de ce qui était survenu en cour ce jour-là ni des dispositions prises pour elle, le lendemain.

Le matin du 5 septembre 1990, Kitty Nowdluk-Reynolds s'est préparée pour témoigner dans le procès d'Inusiq Shoo. Elle appréhendait la procédure à venir et craignait de confronter l'avocat d'Inusiq Shoo et, encore une fois, son agresseur. Elle a attendu dans sa cellule tout l'avant-midi, ne sachant pas que vers 11 h Inusiq Shoo avait comparu devant la juge, qu'il avait renoncé à son droit à une audience préliminaire et qu'il avait été renvoyé à son procès devant la Cour suprême des Territoires du Nord-Ouest à une date à déterminer. Par suite de cette procedure, la Cour avait ordonné la libération de Kitty Nowdluk-Reynolds et le retrait de l'accusation portée contre elle parce qu'elle n'avait pas répondu à l'assignation. Kitty Nowdluk-Reynolds n'a jamais été informée de ces procédures ni de ce qu'elle aurait à faire dans le procès d'Inusiq Shoo.

Peu après 12 h le 5 septembre 1990, le caporal Chisholm a fini de s'acquitter de ses fonctions d'agent de liaison avec les tribunaux et s'est rendu à une agence de voyage à Iqualuit pour faire des réservations d'avion afin que la plaignante se rende à Vancouver le plus tôt possible. Il est retourné au détachement d'Iqualuit peu après 13 h. À son arrivée au bureau, il a rencontré le père Andrew MacBeth, prêtre catholique, qui visitait, comme il le fait toujours, les prisonniers dans les cellules, à Iqaluit. Le père MacBeth avait travaillé avec le caporal Chisholm à l'établissement d'un programme d'aide aux victimes à Iqaluit. Le caporal Chisholm lui a dit qu'il avait de bonne nouvelles que le père pourrait transmettre à l'un des prisonniers, et il lui a expliqué l`agression et l'arrestation de Kitty Nowdluk-Reynolds, ainsi que le fait qu'elle était sur le point d'être libérée pour retourner à Vancouver. Il croyait aussi qu'il était souhaitable qu'elle reçoive l'appui et l'aide du père MacBeth pour organiser ses choses pendant ses dernières heures à Iqaluit. Le père MacBeth a eu l'impression que le caporal Chisholm craignait pour la sécurité de la plaignante.

Par la suite, le caporal Chisholm a amené le père MacBeth à la cellule où il lui a présenté Kitty Nowdluk-Reynolds. Il est ensuite parti terminer de prendre les dispositions de voyage à Vancouver.

Pendant qu'il était avec la plaignante, le père MacBeth lui a confirmé qu'elle avait été libéré et pouvait partir. Il lui a dit qu'elle avait le choix de faire plusieurs choses avant le départ de son avion, notamment demeurer dans la salle commune au détachement, ou passer l'après-midi avec lui. Elle a décidé d'aller avec lui. En revenant au bureau du détachement, le caporal Chisholm les a informés que, sous réserve de son accord, il avait provisoirement réservé une place sur un avion qui partirait cet après-midi d'Iqualuit, via Yellowknife, et arriverait à Vancouver vers 22 h 30. Elle a exprimé ses inquiétudes au sujet du transport de l'aéroport au Timberland Motel, à Surrey. Elle a informé le caporal Chisholm que personne ne pouvait venir la chercher, et elle s'inquiétait de ce qu'il pouvait ne plus y avoir d'autobus au moment où l'avion arriverait à Vancouver. Il a décidé d'obtenir d'autres renseignements sur les moyens de transport disponibles à l'Aéroport international de Vancouver. Tous les trois ont discuté du transport par autobus, et le caporal Chisholm l'a informée que si elle avait des difficultés pour ce qui est du transport au sol, elle pouvait s'adresser au détachement de l'Aéroport international de Vancouver de la GRC. La plaignante et le père MacBeth ont témoigné que le caporal Chisholm avait dit à la plaignante que la GRC l'aiderait à organiser son transport pour se rendre chez elle. Le caporal Chisholm a témoigné que cette promesse faite à Kitty Nowdluk-Reynolds était fondée sur son expérience du Nord, c'est-à-dire qu'un témoin ayant besoin d'aide pour voyager pouvait d'adresser au détachement de la GRC le plus près, expliquer sa situation, et le détachement ferait tout son possible pour aider le témoin.

D'après la déposition de la plaignante et du père MacBeth, il est évident que le caporal Chisholm s'inquiétait de la plaignante pendant les heures qui lui restaient à Iqaluit et qu'il tenait beaucoup à ce qu'elle profite de l'aide du père MacBeth. Il s'inquiétait du bien-être de la plaignante après sa libération et, selon son expérience de ce type de cas, il reconnaissait la tension émotive qu'elle venait juste de vivre. Il ne voulait pas la laisser seule dans la collectivité. La possibilité d`un suicide lui a traversé l'esprit.

Kitty Nowdluk-Reynolds a accepté l'aide offerte par le père MacBeth, et elle a quitté le bureau du détachement avec lui, le caporal Chisholm lui ayant dit qu'il s'informerait davantage au sujet du transport entre l'Aéroport international de Vancouver et chez elle, à Surrey, et qu'il laisserait un message pour elle à l'aéroport d'Iqaluit. Le père MacBeth a amené la plaignante à un magasin où elle a rencontré sa soeur, et les trois sont allés chez la mère de Kitty Nowdluk-Reynolds. Le père MacBeth l'y a laissée pendant environ 45 minutes, puis il est retourné la chercher et l'a conduite à l'aéroport pour attendre l'avion. À l'aéroport, la plaignante a parlé à un préposé aux billets qui lui a remis un message du caporal Chisholm, selon lequel tout était arrangé pour elle à Vancouver. Le caporal Chisholm a témoigné qu'il avait confirmé qu'il y aurait des autobus à l'heure ou elle arriverait et que, selon son message, le passage de l'autobus serait de 5 $, somme qu'elle pourrait réclamer au greffier de la cour.

Kitty Nowdluk-Reynolds a monté à bord de l'avion à Iqaluit et est arrivée, sans incident, à Vancouver, vers 22 h 30.

Dès son arrivée, elle a quitté l'aéroport à pied pour se rendre au détachement de l'Aéroport international de Vancouver de la GRC et elle a parlé à un commissionnaire. Elle s'est identifiée et lui a dit qu'elle se présentait pour qu'on la conduise chez elle. I1 a signalé l'affaire au caporal G.B. Cull (maintenant à la retraite), qui était le chef de veille intérimaire ce soir-là. À ce titre, le caporal Cull était responsable des cinq gendarmes de la GRC alors en service. L'effectif habituel du détachement se compose de dix ou douze membres, mais ce soir-là il manquait de personnel en raison des absences attribuables à des congés de maladie et à des vacances. Le caporal Cull a parlé à Kitty Nowdluk-Reynolds et l'a trouvée assez exigeante en demandant qu'on la conduise chez elle. Elle a témoigné qu'il lui avait demandé : [TRADUCTION] «Combien de bières avez-vous bues? I1 ne se rappelait pas la conversation, mais il a reconnu dans son témoignage pris par commission rogatoire que la plaignante sentait la boisson. Celle-ci lui a dit qu'elle venait d'Iqaluit, mais il n'avait aucune idée de l'endroit où se trouvait cette ville et il ne comprenait pas l'épreuve qu'elle venait de vivre. I1 a reconnu que, souvent, des personnes demandent au détachement qu'on les reconduise, en particulier si elles reviennent d'un lieu ou elles ont comparu en cour.

Le caporal Cull a témoigné que la plaignante était alors assez véhémente et qu'il avait tenté de la calmer. I1 lui avait offert d'appeler quelqu'un pour qu'on vienne la chercher. I1 avait alors appris que son ami n'avait pas de voiture et qu'il n'y avait pas de téléphone dans l'unité de motel où ils vivaient.

Avec l'aide du gendarme C. Gramuglia, il a vérifié les dossiers se trouvant dans le bureau du détachement et n'a trouvé aucune indication d'une demande de fournir à la plaignante un moyen de transport. I1 a appelé au détachement de Richmond et de Surrey de la GRC pour savoir s'ils pouvaient fournir un véhicule afin de transporter la plaignante au Timberland Motel, à Surrey. Aucun de ces détachements ne le pouvait.

Le caporal Cull estimait qu'il n'avait aucunement l'obligation, en l 'absence d'un engagement ferme conclu avec un autre détachement, de fournir un moyen de transport à Kitty Nowdluk-Reynolds et, puisqu'il n'y avait pas assez de personnel au détachement, il lui était impossible de répondre à sa demande.

I1 a discuté de l'affaire avec le gendarme Gramuglia, qui croyait qu'elle pourrait prendre l'autobus, et le caporal Cull lui a demandé d'accompagner la plaignante à l'arrêt d'autobus. Le gendarme Gramuglia l'a accompagnée à l'arrêt et il a demandé au conducteur quel autobus mènerait la plaignante à destination. Ensuite, il l'a aidée à monter sa valise à bord et a mis l'argent du passage dans la boîte. I1 a pris l'autobus jusqu'au bureau du détachement, puis l'autobus a poursuivi sa route.

L'autobus que Kitty Nowdluk-Reynolds a pris à l'Aéroport international de Vancouver l'a menée à un échangeur situé dans une région rurale éloignée où, d'après ce que lui a dit le conducteur, elle devait prendre un autre autobus. Pour ce faire, elle a dû attendre environ 45 minutes dans cet endroit isolé, dans l'obscurité, où elle était seule. Elle a eu tellement peur qu'elle en a été malade. Elle a finalement monté à bord d'un autobus qui l'a menée à un arrêt près du Timberland Motel : il était environ 1 h 45, le 6 septembre 1990. Par pur hasard, comme elle arrivait à l'arrêt, elle a rencontré Robert Callaghan, qui avait appris l'heure de son arrivée à Vancouver et se rendait à pied vers le téléphone public à l'avant du motel, voulant appeler la GRC pour savoir où elle était.

C'est ainsi que se sont terminés l'odyssée de Kitty Nowdluk-Reynolds et ses contacts avec la GRC et le système de justice pénale. Selon toute apparence, Robert Callaghan, aspirant à une carrière dans le journalisme, a signalé ces incidents à un journaliste du Peace Arch News, et c'est ainsi que tous ces faits ont été rendus publics. Le dépôt des plaintes a donné lieu à la présente enquête.

IV. LES PLAINTES DÉPOSÉES PAR KITTY NOWDLUK-REYNOLDS

(A) No de dossier : 2000-PCC-PCC-90721

Voici le texte de la plainte :

[TRADUCTION]

Le 7 juin 1990, à Iqaluit (T. N.-O.), Mme Nowdluk a été agressée, étranglée et violée par un homme dénommé Inusig Shoo. Vingt-cinq minutes après l'agression et le viol, Shoo s'est présenté au détachement d'Iqaluit, de son plein gré, et a passé aux aveux. I1 a été arrêté et détenu jusqu'à son procès. Mme Nowdluk a été amenée au Baffin Island Regional Hospital où deux membres du détachement ont pris sa déclaration et ont photographié les blessures qu'elle avait subies au visage.

Quelques jours après l'incident, selon des projets qu'elle avait déjà avant l'agression, Mme Nowdluk a déménagé à Surrey (C.-B.) pour s'y installer avec son fiancé. Le 23 juillet 1990 ou vers cette date, à sa résidence de Surrey, une membre non identifiée du détachement de Surrey (C. -B.) lui a signifié une assignation. La membre lui a dit qu'elle devait comparaître en cour, à Iqaluit, mais elle ne lui a pas donné de lettre ni de fiche du bureau du poursuivant d'Iqaluit, lui expliquant que des dispositions de voyage avaient été prises pour elle et que son témoignage en cour était jugé essentiel au procès. Mme Nowdluk a appris le contenu de la lettre et de la fiche du poursuivant lorsqu'elle était à Iqaluit, en septembre.

Mme Nowdluk déclare que la membre non identifiée du détachement de Surrey qui lui a signifié l'assignation ne l'a pas informée régulièrement des circonstances de sa comparution en cour, et elle désire porter plainte contre la conduite de la membre.

CONCLUSIONS

1. La membre non identifiée faisant l'objet de cette plainte est la gendarme J.L. Anderson du détachement de Surrey.

2. Le 10 juillet 1990, dans l`exercice de ses fonctions, la gendarme Anderson a signifié à Kitty Nowdluk-Reynolds une assignation l'obligeant à se présenter en cour à Iqaluit (T. N.-O.), le 27 juillet 1990.

3. Lors de la signification de l'assignation, la gendarme Anderson a d'abord identifié Kitty Nowdluk-Reynolds, elle l'a informée qu'elle lui signifiait une assignation, elle en a lu le contenu avec elle et lui en a remis une copie. Elle lui a demandé si elle comprenait et lui a conseillé d'appeler au détachement d'Iqaluit si elle avait des questions.

4. La plaignante a compris qu'on lui signifiait une assignation et qu'elle était obligée de comparaître en cour au jour fixé.

5. La gendarme Anderson n'a signifié ou n'a remis aucun autre document à Kitty Nowdluk-Reynolds.

6. La gendarme Anderson et la plaignante n'ont pas reparlé de l'importance de l`observation de l'assignation ou de l 'existence de dispositions de voyage.

7. Le ministère de la Justice des Territoires du Nord-Ouest, à Yellowknife, avait rédigé une lettre informant Kitty Nowdluk-Reynolds d'un numéro de téléphone où elle pouvait appeler pour vérifier si elle était toujours tenue de se présenter en cour à Iqaluit ainsi que pour obtenir de l 'aide pour le voyage. Cette lettre n'a pas été envoyée au détachement de Surrey qui devait la remettre à la plaignante ou, si elle a été envoyée, la GRC ne l'a pas reçue ou l'a perdue. La gendarme Anderson n'avait pas reçu ce document pour le signifier à la plaignante. Les renseignements contenus dans cette lettre n'ont jamais été communiqués à la plaignante.

8. Les politiques nationales ou celles des divisions de la GRC ou du détachement de Surrey ne contiennent aucune disposition ou directive sur la façon dont une assignation doit être signifiée et, à l'exception de la politique de la Division «E» applicable aux témoins civils indigents, elles n'indiquent pas aux membres de la GRC qu'ils doivent communiquer aux personnes ayant reçu signification d'une assignation, des renseignements sur l 'existence d'une indemnité de voyage ou de moyens par lesquels un témoin assigné peut vérifier s'il est tenu de répondre à cette assignation.

9. Après avoir été affectée à la signification des assignations et d'autres documents judiciaires en avril 1990, la gendarme Anderson n'a reçu aucune directive ou formation en matière de procédures de signification. Le 10 Juillet 1990, elle ne connaissait pas la politique du détachement ou de la Division et n'en a constaté l'existence que lorsqu`elle a participé à la présente enquête. Étant donné les lacunes de la politique à cet égard, cette ignorance de la part de la gendarme Anderson a peu d'importance.

10. La gendarme Anderson a respecté les exigences techniques minimales visant la signification d'une assignation, mais elle a manqué de jugement en n'expliquant pas à Kitty Nowdluk-Reynolds l'importance de l'assignation et l'obligation que celle-ci lui imposait, et en ne lui demandant pas si elle avait besoin d'aide pour aller à Iqaluit.

RECOMMANDATIONS

1. Comme le Code criminel exige, dans le cas des procédures criminelles, la signification des assignations par un agent de la paix, cette procédure devient, lorsqu'on le lui demande à juste titre, une fonction dont la GRC doit s`acquitter. Par conséquent, la GRC devrait, pour une raison d'ordre administratif, exiger de l'organisme qui demande la signification d'une assignation qu'elle fournisse, dans tous les cas, un avis à remettre au témoin, indiquant un numéro de téléphone et identifiant une personne avec laquelle le témoin peut communiquer pour obtenir des explications sur l'un ou l'autre des aspects de l'affaire, notamment l'existence d'une aide relative aux dispositions de voyage. Lorsqu'elle élaborera cette politique, la GRC devrait concevoir le formulaire de l'avis a remettre au témoin et en uniformiser l'emploi partout au Canada.

2. La GRC devrait prendre des mesures afin que tous les membres affectés à la signification des assignations reçoivent des directives sur l 'application de procédures visant à ce que la personne recevant signification d'une assignation en connaisse la nature, l'objet et l'importance, ainsi que les conséquences de son inobservation, et qu'elle sache qu'il s'agit d'une ordonnance du tribunal. Si le membre de la GRC n'est pas convaincu que cette personne comprend l'objet et l'effet de l'assignation, il doit le signaler à un supérieur et adopter une procédure spéciale pour que la personne visée soit informée de l'obligation que lui impose l'assignation et des conséquences de son inobservation.

3. Dans tous les cas, le membre qui signifie l'assignation devrait informer la personne visée que l'assignation est une ordonnance du tribunal et que son inobservation peut entraîner le dépôt d'une accusation et l'émission d'un mandat d'arrestation contre elle.

4. La GRC devrait prendre des mesures pour que ses membres qui signifient les assignations remplissent correctement l 'affidavit de signification en attestant la véracité du contenu de l'affidavit devant un commissaire à la prestation des serments ou un notaire public, selon les circonstances.

(B) N° de dossier : 2000-PCC-90753

Voici le texte de la plainte :

[TRADUCTION]

À la fin de l'après-midi, le 23 juillet 1990 ou vers cette date, le fiancé de Mme Nowdluk, M. Robert Callaghan, a téléphoné au détachement d'Iqaluit (T N.-O.), afin de savoir ce qui se passerait si Mme Nowdluk décidait de ne pas comparaître, car elle craignait de rencontrer son agresseur. Un membre non identifié du détachement qui était au courant de la situation de Mme Nowdluk a dit à M. Callaghan qu'il était dans l'intérêt de Mme Nowdluk de comparaître en cour, mais que rien ne lui arriverait si elle n'y allait pas. Le membre a mentionné qu'il n'était pas certain de ces renseignements, mais il n'a pas renvoyé son interlocuteur à la Cour territoriale qui avait émis l'assignation. Compte tenu de ces renseignements, Mme Nowdluk a décidé de ne pas comparaître en cour.

Mme Nowdluk déclare que le membre non identifié qui lui a donné de faux renseignements a fait preuve de négligence dans l'exercice de ses fonctions, et elle désire porter plainte contre la conduite du membre.

Avant de consigner ses conclusions relativement à cette plainte, la Commission désire signaler certains faits touchant une question de procédure.

Au cours de 1'audience, Mme Marion Buller, avocate de Kitty Nowdluk-Reynolds, a informé la Commission que la plaignante voulait retirer cette plainte. Compte tenu de la gravité de l'allégation de négligence de la part d'un membre de la GRC, du fait que, si l'allégation était justifiée, la plaignante pourrait être excusée de ne pas avoir répondu à l'assignation, et de la publicité énorme faite à l'incident, la Commission a décidé qu`il était dans l'intérêt public que le membre de la GRC en cause ait la possibilité de répondre aux allégations et qu'on détermine avec précision les faits sur lesquels l 'allégation était fondée.

La Commission estime également qu'un plaignant ne conserve aucun droit sur une plainte portée en vertu de la partie VII de la Loi sur la GRC et qu'il n'a donc pas la faculté de la retirer après le début d'une enquête à ce sujet. Après le règlement de la plainte, l'affaire relève d'abord du Commissaire de la GRC et ensuite de la Commission.

Par conséquent, la Commission a reçu la preuve sur laquelle les faits sous-jacents à la plainte pouvaient être examinés.

La Commission remarque que l'allégation relative à la présente plainte, même si elle semble mineure comparativement aux allégations des autres plaintes, est néanmoins directement liée à son examen des faits qui ont donné lieu aux autres plaintes. Si les faits énoncés dans la présente plainte pouvaient être établis, l'omission de Kitty Nowdluk-Reynolds de ne pas avoir répondu a l'assignation, ainsi que son arrestation et son incarcération pourraient être la conséquence directe de conseils donnés de façon négligente par un membre de la GRC. Si ces faits ne pouvaient être confirmés, d'autres conséquences, mais peut-être plus graves encore, pourraient s'ensuivre. Compte tenu de l'importance que la Commission accorde à ces questions, elle décrira assez en détail les contradictions qui sont apparues dans la preuve à cet égard, au cours de l'audience.

CONCLUSIONS

1. La preuve produite devant la Commission au cours de l'audience ne laisse aucunement douter que, de juin à septembre 1990, le seul membre du détachement d'Iqaluit qui pouvait correspondre à la description donnée par Robert Callaghan du membre à qui il prétend avoir parlé dans l'après-midi du 23 juillet 1990, est le gendarme Joseph Olivier Michel Beaudoin, qui était l'enquêteur sur l'agression sexuelle perpétrée sur Kitty Nowdluk-Reynolds.

2. Selon les témoignages de Kitty Nowdluk-Reynolds et de Robert Callaghan, peu après la signification de l'assignation par la gendarme Anderson, Robert Callaghan est allé à un téléphone public à l'extérieur du bureau du Timberland Motel et a appelé à frais virés au détachement d'Iqaluit. I1 a témoigné qu'il avait fait cet appel pour vérifier si la plaignante était obligée d'aller à Iqaluit en réponse à l'assignation. Peu après qu'il a quitté l'unité de motel pour téléphoner, Kitty Nowdluk-Reynolds est allée le rejoindre dans la cabine téléphonique et l'a entendu dire, au téléphone, [TRADUCTION] «elle n'est donc pas obligée d'y aller.» En entendant ceci, elle est retournée dans l'unité de motel où Robert Callaghan l'a rejointe peu après. I1 lui a dit qu`il avait téléphoné à la GRC, à Iqaluit, et qu'on lui avait dit que, même s'il était important qu'elle obéisse à l'assignation, rien ne lui arriverait si elle n'y allait pas. Kitty Nowdluk-Reynolds a témoigné qu'en entendant ces paroles, elle a décidé de ne pas aller à Iqaluit, comme l'y obligeait l'assignation.

Dans sa plainte officielle, la plaignante a précisé que cet appel téléphonique avait eu lieu le 23 juillet 1990. C'est ce qu'ont soutenu Kitty Nowdluk-Reynolds et Robert Callaghan quand ils ont été interrogés par le personnel de la Commission avant de porter plainte, et ils ont confirmé la date au cours de l'enquête sur la plainte faite par la GRC. Toutefois, à l'audience, ils ont témoigné que l'appel avait été fait le 9 juillet 1990. La plaignante a expliqué la contradiction en disant s`être rappelée cette date parce que c'était la veille de l'anniversaire de sa fille. Robert Callaghan a également déclaré à l 'audience qu'il s'agissait bien du 9 juillet 1990, et il a expliqué la contradiction en consultant des notes qu'il avait prises concernant cet appel téléphonique. Au contre-interrogatoire, le témoignage de Robert Callaghan relativement à la date où il avait pris ces notes et à leur exactitude a été tout à fait discrédité.

La Commission a conclu que l'assignation avait été signifiée le 10 juillet 1990 et que l'appel téléphonique n'avait donc pu être fait le 9 ou le 23 juillet 1990.

Robert Callaghan a déclaré dans son témoignage qu'il avait appelé à frais virés au détachement d'Iqaluit et que, lorsqu'on avait répondu, il avait demandé de parler au responsable, après quoi quelqu'un avait pris l'appel et s'était présenté comme le gendarme «Michael» ou «Mike». I1 a parlé avec ce membre de la GRC dont il disait se souvenir à cause d'un incident impliquant le gendarme, qui était survenu lorsque lui, Callaghan, travaillait à la Légion royale canadienne à Iqaluit. I1 a témoigné avoir dit au gendarme que la plaignante avait reçu une assignation et lui avoir demandé si elle était obligée d'y répondre, puisque la GRC avait un témoin et la confession de l 'accusé. I1 a dit que le membre de la GRC lui a déclaré qu'il ne croyait pas que la plaignante devait comparaître, puisqu'il y avait un témoin et une confession. I1 a également témoigné que le membre de la GRC lui avait dit qu'aucune autre mesure ne serait prise contre Kitty Nowdluk-Reynolds si elle ne comparaissait pas, mais qu'il serait préférable qu'elle aille à Iqaluit. I1 a ajouté avoir demandé comment Kitty Nowdluk-Reynolds pouvait se rendre à Iqaluit, et on lui avait dit qu'une fiche portant un numéro de téléphone ainsi que des instructions devait avoir été remise avec l'assignation. Lorsqu'il a informé le membre de la GRC que la plaignante n'avait jamais reçu ces renseignements, ce dernier a suggéré à M. Callaghan de vérifier les documents signifiés pour s'assurer que les instructions n'avaient effectivement pas été reçues.

Selon la preuve produite devant la Commission à l 'audience, lorsque Robert Callaghan a été interrogé la première fois par le personnel de la Commission relativement à la plainte, il a indiqué que le membre de la GRC à qui il avait parlé au téléphone s'appelait «Peter» et qu'il avait un nom de famille qui sonnait français. On lui a posé d'autres questions à ce sujet le 22 janvier 1992, et il a informé l'employé de la Commission à ce moment-là qu'il avait, depuis, identifié le membre de la GRC comme étant Mike «Bodeen» ou «Bodignon». Au cours de cet interrogatoire, il a confirmé avoir parlé à cet agent entre 16 h et 18 h, le 23 juillet 1990. I1 a dit également être certain de la date parce qu'il avait consigné par écrit les faits le jour même ou ils étaient survenus.

À l'audience, le gendarme Beaudoin a témoigné qu'il n'avait jamais parlé à Robert Callaghan de l'assignation signifiée à Kitty Nowdluk-Reynolds ou de son obligation de répondre à cette assignation et qu'il n'était pas de service à Iqaluit, les 8, 9, 10 et 11 juillet 1990.

La Commission a reçu en preuve des documents de la British Columbia Telephone Company, qui assure le service de téléphone public au Timberland Motel, à Surrey (C.-B.), et de Bell Canada, qui assure le service téléphonique au détachement d'Iqaluit. Les documents fournis par la British Columbia Telephone Company ont été établis et conservés par cette dernière dans le cadre normal de ses activités et indiquaient les appels faits a partir du téléphone se trouvant dans le bureau du Timberland Motel et des deux téléphones publics voisins. Selon ces documents, entre mai et septembre 1990, un seul appel a été fait au détachement d'Iqaluit à partir d'un téléphone public au Timberland Motel, et cet appel a été enregistré entre le 26 mai et le 24 juin 1990. Selon des documents semblables produits par Bell Canada, un seul appel téléphonique a été reçu au détachement d'Iqaluit, provenant d'un téléphone public au Timberland Motel, à Surrey (C.-B.). Cet appel a été enregistré le 19 juin 1990. Les documents de Bell Canada et de la British Columbia Telephone Company relatifs à cet appel indiquent le même numéro de téléphone.

La Commission est obligée de conclure qu'il n'y a eu aucune conversation téléphonique entre Robert Callaghan et un membre du détachement d'Iqaluit, ainsi qu'il est allégué dans la présente plainte.

3. La Commission conclut que la présente plainte est sans fondement.

(C) N° de dossier : 2000-PCC-90754

Voici le texte de la plainte :

[TRADUCTION]

Le 28 août 1990, vers 11 h, le gendarme Davidson, membre du détachement de Surrey de la GRC (C.-B.), est arrivé chez Mme Nowdluk pour 1'arrêter. Le fiancé de cette dernière, M. Robert Callaghan, a ouvert la porte et a laissé entrer le gendarme. Le gendarme a été poli envers M. Callaghan, mais lorsqu'il a vu Mme Nowdluk et a constaté qu'elle était Inuk, son visage a changé et il a été assez brusque avec elle. I1 lui a dit : [TRADUCTION] «Je suis ici pour vous arrêter parce que vous n'avez pas comparu en cour. » Avant de quitter la maison, Mme Nowdluk a demandé la permission d'utiliser la salle de bain. Le gendarme est resté dans la porte et n'a pas respecté son intimité. I1 ne l'a pas informée de son droit constitutionnel de retenir les services d'un avocat ni ne lui a montré le mandat d'arrestation. I1 lui a passé les menottes et l'a conduite par le bras au véhicule de la GRC. Au détachement, Mme Nowdluk a demandé à voir le mandat d'arrestation, et le gendarme lui a dit qu'il le lui apporterait plus tard, mais elle ne l'a jamais vu. Elle a été détenue toute la nuit au détachement.

Mme Nowdluk déclare que le gendarme Davidson a fait preuve d'une attitude préjudiciable à son égard, dans la façon dont il l'a traitée, et qu'il ne l'a pas informée de son droit constitutionnel de retenir les services d'un avocat. Mme Nowdluk désire porter plainte contre la conduite du gendarme Davidson.

CONCLUSIONS

1. Par suite de la non-comparution de Kitty Nowdluk-Reynolds devant la Cour territoriale, à Iqaluit, le 27 juillet 1990, un mandat d'arrestation a été émis contre elle. Le 23 août 1990, le détachement d'Iqaluit a demandé l'aide du détachement de Surrey pour exécuter le mandat, mais une tentative faite ce jour-là a échoué, car la plaignante n'était pas chez elle. Le détachement d'Iqaluit a réitéré sa demande touchant l'exécution du mandat le 27 août 1990 et, le lendemain, le gendarme L.S. Davidson a été affecté à cette tâche. Pour se préparer à exécuter le mandat, il s'est renseigné sur les détails concernant Kitty Nowdluk-Reynolds et a discuté avec le caporal P. Juby de l`évaluation de la plaignante par ce dernier, fondée sur l'interrogatoire téléphonique qu'il lui avait fait le 9 août 1990.

2. Vers 12 h 30 le 28 août 1990, le gendarme Davidson s'est présenté à l'unité n°2 du Timberland Motel et, s'identifiant à Robert Callaghan qui a répondu à la porte, il a demandé à voir Kitty Nowdluk-Reynolds. I1 a pénétré à l'intérieur de l'unité de motel, il a confirmé l`identité de la plaignante et l'a informée qu'il l'arrêtait en vertu d'un mandat valable dans tout le Canada parce qu'elle ne s'était pas présentée au tribunal, à Iqaluit, et qu'elle devrait retourner à Iqaluit pour témoigner. I1 lui a alors lu le texte suivant, à partir d'une fiche qu'il avait à cette fin :

I1 est de mon devoir de vous informer que vous avez le droit d'avoir recours sans délai à l'assistance d`un avocat. Vous n'êtes pas tenu(e) de dire quoi que ce soit, mais ce que vous direz peut servir de preuve.

Le gendarme Davidson n'a pas demandé à Kitty Nowdluk-Reynolds si elle comprenait les droits garantis par la Charte ou la mise en garde.

3. La Commission juge que cet avertissement qui, selon le témoignage du gendarme Davidson, a été donné en application de l'alinéa 10d) de la Charte canadienne des droits et libertés, n'était pas suffisant à cette fin. Le 1er février 1990, la Cour suprême du Canada a statué, dans l'arrêt R. C. Brydges, que l'agent procédant à une arrestation, outre les mots utilisés par le gendarme Davidson, avait l'obligation d'informer complètement la personne arrêtée de la possibilité d'avoir recours à un avocat de service et aux services de l`aide juridique. Lorsqu'elle a rendu sa décision, la Cour a indiqué que l'application de cette règle devait être retardée de trente jours pour permettre aux agents de la paix de modifier la formulation de la mise en garde qu'ils utilisaient au moment de l'arrestation, afin de se conformer à la décision. Par conséquent, les mots utilisés par le gendarme Davidson le 28 août 1990 ne remplissaient pas le critère de constitutionnalité. En outre, la Commission conclut qu'à aucun moment après son arrestation par le gendarme Davidson, Kitty Nowdluk-Reynolds n'a été suffisamment informée de son droit constitutionnel de retenir les services d'un avocat.

4. Le gendarme Davidson a témoigné qu'en procédant à l'arrestation il s'était conduit de façon directe et professionnelle. I1 avait demandé à Kitty Nowdluk-Reynolds de ramasser les effets personnels dont elle aurait besoin pour son voyage à Iqaluit. À ce moment-là, la plaignante avait réagi avec colère et l'avait insulté, et il avait tenté de la calmer en demandant l'aide de Robert Callaghan. Dans ces circonstances, le gendarme Davidson s'était placé de façon à pouvoir maîtriser la situation si la plaignante ou Robert Callaghan faisait un geste quelconque. Lorsque Kitty Nowdluk-Reynolds a tenté d'utiliser la salle de bain, le gendarme Davidson s'est d'abord assuré qu'elle n'avait pas la possibilité de s'enfuir et, pendant qu'elle utilisait la salle de bain, il s'est placé de telle façon à la porte qu'il pouvait observer la fenêtre mais ne pouvait voir la plaignante. Après qu'elle a ramassé ses affaires, il lui a passé les menottes et l'a escortée à son véhicule où il l'a installée sur la banquette arrière. I1 l`a conduite au détachement de Surrey et l'a mise en détention.

5. Kitty Nowdluk-Reynolds a témoigné que, lorsqu'elle s'est identifiée en réponse à la demande du gendarme Davidson, l'expression du visage et le ton de voix de ce dernier avaient changé par rapport au moment ou il parlait avec Robert Callaghan. Elle était consciente du fait qu'il était devenu plus agressif et plus énergique lorsqu'il lui parlait. Selon l'expérience qu'elle avait acquise de ses contacts avec les personnes non Inuits, elle estimait que le gendarme Davidson faisait preuve d'une attitude discriminatoire ou préjudiciable en raison de sa race. Son expérience l'a portée à conclure que l'attitude ainsi manifestée transmettait le message qu'elle était inférieure parce qu'elle était Inuk.

Le gendarme Davidson a été questionné au sujet de son attitude et a nié que, pendant l'arrestation, il s'était conduit autrement qu'il ne l'aurait fait dans d'autres circonstances. I1 a reconnu être conscient du fait qu'il arrêtait une victime d'agression sexuelle qui avait manifesté la volonté de ne pas retourner à Iqaluit, et il considérait que, dans une situation aussi délicate et aussi grave, il fallait agir d'une façon professionnelle et directe. I1 a reconnu que le ton de sa voix et son langage corporel avaient peut-être reflété son intention de prendre et de conserver la maîtrise de la situation pour parer à toute éventualité. I1 a également témoigné que, dans sa jeunesse, il avait vécu parmi les Inuit et il ressentait beaucoup de respect pour eux.

En l'absence de toute preuve forte à cet égard, la Commission n'est pas du tout en mesure de résoudre la contradiction relative à cette question entre les témoignages de Kitty Nowdluk-Reynolds et du gendarme Davidson. La Commission ne peut dire que l'interprétation faite par Kitty Nowdluk-Reynolds de l'attitude et des manières du gendarme Davidson était inexacte ; elle ne peut dire non plus que la façon dont le gendarme Davidson s'est conduit au cours de l'arrestation n'aurait pas pu être mal interprétée par la plaignante, à la lumière de son expérience antérieure. L'arrestation - accuser un individu d'un acte criminel et le priver de sa liberté - n'est pas un acte qui se prête à la gentillesse ou à la sensibilité.

6. À l'arrivée au détachement de Surrey, le gendarme Davidson a mis Kitty Nowdluk-Reynolds en détention. Ensuite, il a demandé à Betty Smith, bénévole qui travaille au service d'aide aux victimes, d'aller la voir parce qu'il s'inquiétait de son état émotif : selon lui, elle avait besoin de counselling et son état l`empêchait de comprendre ce qu'on lui disait et de composer avec les circonstances. I1 a agi ainsi par intérêt pour la plaignante et a donc fait preuve de bienveillance et de sensibilité à son égard, ce qui était le comportement le plus approprié dans les circonstances où le mettait l'exercice de ses fonctions.

7. La Commission conclut que le gendarme Davidson n'a pas informé régulièrement Kitty Nowdluk-Reynolds de son droit constitutionnel de retenir les services d'un avocat et que, pendant qu'elle était sous la garde du détachement de Surrey, personne ne l'a informée ni n'a pris des mesures pour assurer le respect de son droit constitutionnel.

8. Le gendarme Davidson n'a pas remis à Kitty Nowdluk-Reynolds une copie du mandat d'arrestation émis contre elle, mais il l'a informée de la raison de l'émission du mandat, et il s'est donc conformé aux exigences du Code criminel.

RECOMMANDATIONS

1. Le Commissaire doit prendre immédiatement des mesures pour s'assurer que les procédures suivies par les membres de la GRC procédant à une arrestation sont strictement conformes à la Charte canadienne des droits et libertés interprétées à l'occasion par les tribunaux. L'inobservation de ces exigences juridiques expose les membres de la GRC à des allégations de déni des droits constitutionnels et augmente la probabilité que les délinquants se soustraient aux conséquences de leurs actes criminels en raison d'une erreur de procédure. Des mesures devraient être prises pour que tous les membres de la GRC soient informés immédiatement des modifications apportées à la procédure qu'ils doivent suivre pour se conformer à la Charte canadienne des droits et libertés, selon les indications de la jurisprudence.

2. I1 faudrait examiner la politique et les programmes de formation de la GRC et, dans les cas où ils sont jugés insuffisants, il faudrait les modifier pour que tous les membres soient formés de façon à rendre des services de police adéquats dans une société où la diversité ethnique, culturelle et linguistique s'accroît. Toutes les recrues et tous les membres actifs de la GRC devraient recevoir une formation interculturelle.

3. La politique et les programmes de formation de la GRC devraient comprendre des sections spéciales relatives à la façon dont les membres de la GRC s'acquittent de leurs fonctions lorsqu'ils sont en contact avec des victimes d'acte criminel. En particulier, on devrait é1aborer des procédures spéciales dans le cas des femmes qui sont victimes, notamment le recours à des membres de la GRC de sexe féminin ayant reçu une formation spéciale pour répondre aux besoins des victimes qui ont été traumatisées par une infraction criminelle.

(D) No de dossier 2000-PCC-90755

Voici le texte de la plainte :

[TRADUCTION]

Le 29 août 1990, Mme Nowdluk a été amenée au palais de justice de Cloverdale (C.-B.), où un juge de paix l'a renvoyée au Lakeside Correctional Center, à Burnaby (C.-B.). Le 2 septembre 1990, la gendarme spéciale Pauline Tetso, membre du détachement d'Iqaluit (T. N.-O.), 1'a accompagnée à Edmonton (Alberta). Mme Nowdluk a manqué un vol direct pour Iqaluit parce que la gendarme Tetso s'est levée en retard. I1 a fallu faire un autre itinéraire et passer par Toronto et Ottawa. Mme Nowdluk a été très mal à 1'aise et gênée pendant qu'elle était en détention et qu'elle avait les menottes aux poignets dans les aéroports, en transit.

Mme Nowdluk déclare que la gendarme spéciale Tetso a fait preuve de négligence dans l'exercice de ses fonctions lorsqu`elle lui a fait manquer un vol direct pour Iqaluit, et elle désire porter plainte contre la conduite de la gendarme spéciale.

CONCLUSIONS

1. Le 29 août 1990, après avoir passé la nuit dans une cellule au détachement de Surrey, Kitty Nowdluk-Reynolds a été amenée au palais de justice de Cloverdale (Colombie-Britannique), où l'avocate de service l'a interrogée. La Commission ne connaît pas l'identité de cette derrière ni les conseils qu'elle a donnés à la plaignante, mais on a dit à cette derrière que l'avocate de service reviendrait la voir, ce qui ne s'est pas produit. Plutôt que d'être amenée en cour, la plaignante a été conduite à ce que l'on pourrait appeler le bureau du shérif et, de la, renvoyée sous garde au Lakeside Correctional Centre par un juge de paix. À ce moment-là, Kitty Nowdluk-Reynolds n'était pas représentée par un avocat, on ne lui a rien demandé et on ne lui a donné aucun conseil à ce sujet.

2. La Commission conclut également que, sauf pour la brève entrevue avec l'avocate de service au palais de justice de Cloverdale (Colombie-Britannique), pendant toute l'épisode se terminant le 5 septembre 1990, Kitty Nowdluk-Reynolds n'a jamais été conseillée ni représentée par un avocat.

3. La Commission conclut qu'aucun des membres de la GRC ayant eu des contacts avec Kitty Nowdluk-Reynolds au cours de la présente procédure ne s'est bien acquitté de l'obligation énoncée à l`alinéa 10b) de la Charte canadienne des droits et libertés. Cette disposition perd tout son sens à moins que des mesures positives ne soient prises pour que la personne arrêtée comprenne son droit constitutionnel et qu'on l'aide à retenir les services d'un avocat.

4. Le 28 août 1990, le gendarme Davidson a signalé l`arrestation de Kitty Nowdluk-Reynolds au détachement d'Iqaluit qui, à son tour, a confirmé le mandat et a mentionné que des dispositions seraient prises pour faire escorter la plaignante à Iqaluit. Le sergent d'état-major Howie, qui était alors officier responsable intérimaire de la Police criminelle pour les Territoires du Nord-Ouest, a autorisé l'escorte, et le détachement d'Iqaluit a pris des dispositions avec la Section de la prévôté du détachement de Yellowknife pour faire escorter Kitty Nowdluk-Reynolds à Iqaluit, le 4 septembre 1990. La gendarme spéciale Pauline Tetso, du détachement de Yellowknife, a été affectée à cette fonction et a pris l`avion pour Vancouver, le 1er septembre 1990, afin de prendre sous sa garde la plaignante, qui était alors au Lakeside Correctional Centre.

La Commission ne peut trouver aucune excuse justifiable aux cinq jours que cette procédure a pris, en particulier si l'on considère que, selon les modalités du mandat autorisant l'arrestation de Kitty Nowdluk-Reynolds, seul un tribunal des Territoires du Nord-Ouest pouvait rendre une ordonnance à son égard, prévoyant autre chose que la détention. I1 est certain que la durée d`incarcération de Kitty Nowdluk-Reynolds au Lakeside Correctional Centre a été inutilement prolongée directement à cause de l'omission de la GRC de trouver promptement une escorte aux Territoires du Nord-Ouest, où l'on aurait pu demander à un tribunal compétent de décider de meilleures mesures à 1'égard de la plaignante en attendant sa comparution à Iqaluit, le 4 septembre 1990.

5. La preuve produite devant la Commission à l'audience est incontestée à cet égard, c'est-à-dire que, le 2 septembre 1990, Kitty Nowdluk-Reynolds a été escortée du Lakeside Correctional Centre par la gendarme Pauline Tetso, amenée à l'Aéroport international de Vancouver et, de la, via Edmonton, à Yellowknife. Pendant la plus grande partie de ce voyage, elle avait les menottes aux poignets.

Selon le témoignage du sergent d'état-major Howie, la Division «G» n'a aucune politique relative à l'utilisation des menottes au cours de l`escorte de prisonniers. La procédure relève uniquement de la discrétion de l`agent ayant la garde du prisonnier. La gendarme Tetso a témoigné que, pendant sa formation, on lui avait dit d'utiliser les menottes pour l`escorte des prisonniers, qu'elle avait l'habitude de le faire et qu'elle ne savait pas qu'elle avait un pouvoir discrétionnaire à cet égard. Elle a témoigné que, même si elle l'avait su, elle aurait néanmoins laissé les menottes à Kitty Nowdluk-Reynolds pendant qu'elle l'escortait dans des aéroports occupés et non familiers. Dans les circonstances, la décision de la gendarme n'était pas déraisonnable. La Commission conclut que, même si l'utilisation des menottes peut causer de l`incomfort et de l'embarras, la décision d'y avoir recours est laissée à juste titre au responsable de la garde.

6. Le matin du 3 septembre 1990, la gendarme Pauline Tetso s'est levée en retard et elle n'a donc pas pu continuer d`escorter Kitty Nowdluk-Reynolds, comme prévu, de Yellowknife à Iqaluit. Même si Kitty Nowdluk-Reynolds était prête à temps afin de prendre l'avion, aucun autre membre du détachement de Yellowknife ne pouvait l'accompagner comme prévu. Cette négligence de la part de la gendarme Tetso a obligé la plaignante à prendre un autre avion, plus tard ce jour-là, de Yellowknife à Edmonton, à Toronto et à Ottawa, où Kitty Nowdluk-Reynolds a encore passé la nuit en prison avant de prendre un autre avion pour Iqaluit, le matin du 4 septembre 1990.

7. La Commission conclut que la gendarme P. Tetso a fait preuve de négligence dans l'exercice de ses fonctions d'escorte, ce qui a obligé Kitty Nowdluk-Reynolds à faire un voyage long et fatigant dans tout le Canada et à dormir dans une quatrième prison.

8. La Commission conclut que la GRC a été prodigue dans l'utilisation de ses ressources afin de transporter Kitty Nowdluk-Reynolds à Iqaluit, même si, ce faisant, elle n'a pas tenu compte de la possibilité qu'il y avait de permettre à la plaignante de retenir les services d`un avocat et de comparaître devant un tribunal qui aurait pu prendre de meilleures mesures de garde à son égard.

RECOMMANDATIONS

1. Le Commissaire de la GRC, le commandant sous-divisionnaire de la Division «G» de la GRC et la gendarme P. Tetso devraient écrire à Kitty Nowdluk-Reynolds pour lui expliquer les circonstances ayant donné lieu aux dispositions prises pour l`escorter, et lui présenter des excuses pour les désagréments et la détresse occasionnés par les retards qui ont marqué son voyage de Vancouver à Iqaluit.

2. I1 faudrait modifier les politiques et procédures de la GRC pour faire en sorte que les membres ne puissent mettre des personnes en détention parce que c'est ce qui les arrange. Si la détention est nécessaire, la GRC devrait alors s'assurer que la personne a dès le début la possibilité de comparaître devant un juge ou un juge de paix qui peut examiner les mesures de garde. Toutes les escortes devraient prendre l'itinéraire le plus direct pour causer le moins de gêne et d'embarras à la personne escortée.

(E) No de dossier : 2000-PCC-90756

Voici le texte de la plainte :

[TRADUCTION]

Lorsque Mme Nowdluk est arrivée au détachement d'Iqaluit (T. N.-O.), le 4 septembre 1990, on lui a dit qu'elle devait comparaître en cour sans délai et on lui a refusé la permission de prendre une douche, même s`il y avait six jours qu'on le lui interdisait.

En route vers le palais de justice, les personnes détenues au Baffin Correctional Centre, à Iqaluit, notamment son agresseur, ont été transportées dans le même véhicule que Mme Nowdluk. Celle-ci a été consternée de voir qu'on agissait de façon aussi inconsidérée et elle craignait que son agresseur ne la menace.

En cour, la juge a reporté l'audience préliminaire au 27 septembre 1990. Mme Nowdluk craignait d'être sous garde jusqu'à cette date et de n'avoir personne à Surrey (C.-B.) pour s'occuper de son fiancé qui souffrait de maux de dos. Elle était donc affligée de voir que personne ne se préoccupait d'elle, la victime. Après sa comparution, elle a été détenue de nouveau toute la nuit, même si on lui avait dit qu'elle serait libérée après sa comparution et qu'elle pourrait rester en ville, chez sa mère.

Le 5 septembre 1990, un prêtre est venu dans la cellule de Mme Nowdluk pour l'informer qu'elle était autorisée à retourner chez elle. Elle s'oppose au fait qu'un prêtre est venu la voir après que des membres de la GRC l'eurent arrêtée, accompagnée de Surrey à Iqaluit et détenue pendant une semaine. Mme Nowdluk déclare que les membres non identifiés du détachement d'Iqaluit chargés de son bien-être ont manifesté un comportement inconsidéré lorsqu'ils ne lui ont pas laissé le temps de prendre une douche avant d'aller en cour, lorsqu'ils l'ont transportée dans le même véhicule que son agresseur et qu'ils ne l'ont pas informée du moment où elle serait libérée. Mme Nowdluk désire porter plainte contre la conduite de ces membres non identifiés.

CONCLUSIONS

1. À son arrivée à Iqaluit, le 4 septembre 1990, Kitty Nowdluk-Reynolds a été informée que sa comparution était imminente, et on lui a refusé l'autorisation de prendre une douche. On lui a dit qu'elle avait le temps de se changer dans la cellule et qu'elle serait ensuite transportée au palais de justice. D'après le témoignage du sergent d`état-major Howie, il semble qu`aucune politique de la GRC, dans les Territoires du Nord-Ouest, ne porte sur les besoins d'hygiène personnelle des personnes détenues dans les cellules de la GRC.

2. Le caporal (alors gendarme) Chisholm était le membre du détachement d'Iqaluit affecté à la liaison avec les tribunaux. C'est à lui qu'il incombait de transporter Kitty Nowdluk-Reynolds au palais de justice à l'heure voulue pour le début de la procédure, dans l'après-midi du 4 septembre 1990. À cette fin, il avait à sa disposition un véhicule de la GRC aménagé pour le transport de prisonniers. Kitty Nowdluk-Reynolds a été placée dans le véhicule avec une surveillante, conduite au Baffin Correctional Centre où d'autres prisonniers de sexe masculin ont été placés dans un compartiment séparé du véhicule, puis amenée au palais de justice. Parmi les prisonniers se trouvait Inusiq Shoo, l'auteur de l'agression sexuelle grave perpétrée contre Kitty Nowdluk-Reynolds le 7 juin 1990. Les témoignages de Kitty Nowdluk-Reynolds et du caporal Chisholm ne concordant pas sur le fait qu'elle connaissait ou non d'avance ces mesures relatives au transport, mais la Commission juge que ce n'est pas important. Elle conclut que les mesures prises pour le transport qui ont fait se rencontrer la victime d'un crime violent et l'auteur du crime sont inappropriées. Elle comprend que la disponibilité de l'équipement ou du personnel peut créer des difficultés importantes lorsqu'il s'agit de respecter les horaires de comparution en cour, mais elle conclut que le caporal Chisholm n'a pas essayé de savoir s'il y avait d'autres possibilités. Comme solution de recharge, il aurait pu organiser le maintien sous garde de la plaignante au détachement, alors que les autres prisonniers étaient transportés au palais de justice. Cette procédure aurait peut-être causé un peu de retard, mais la Commission est certaine que, informée de l'affaire, la Cour ne s'en serait pas formalisée.

D'après le témoignage du sergent d'état-major Howie, il semble n'y avoir à la Division «G» aucune politique qui porte sur le transport, dans le même véhicule, des prisonniers de sexe masculin et de sexe féminin, ainsi que des victimes et des auteurs des infractions. Compte tenu du témoignage rendu par le père MacBeth, selon lequel le caporal Chisholm était en train d'élaborer un programme d'aide aux victimes, l'absence d'une politique relative aux questions de transport n`excuse pas sa conduite. Le bon sens et le jugement dictaient un autre comportement.

3. La Commission conclut que l`allégation portée dans la présente plainte concernant la remise de l'audience préliminaire n'est pas une question de conduite pour laquelle les membres de la GRC sont responsables. Cependant, il est apparent qu'il y a eu de la confusion entre la procureure de la Couronne et la Cour pour savoir si l'audience préliminaire de l'accusation portée contre Inusiq Shoo avait été fixée au 4 septembre 1990. La discussion de ces questions de procédure à eu lieu en présence de Kitty Nowdluk-Reynolds, et lorsqu'il est apparu que l'audience préliminaire pouvait être remise au 27 septembre l990, la plaignante, et c'est compréhensible, est devenue très perturbée et a dû être sortie de la salle d'audience. Encore une fois, la Commission conclut que le caporal Chisholm, la procureure de la Couronne ou même la Cour n'ont tenté d'expliquer à Kitty Nowdluk-Reynolds ce qui survenait ni ne lui ont permis de retenir les services d'un avocat pendant la discussion de questions qui avaient des conséquences directes sur sa participation, à titre de témoin, à la procédure ou sur l`accusation pour laquelle elle avait été arrêtée et était sous garde. Dans ces circonstances, son anxiété et sa détresse sont des réactions tout à fait compréhensibles.

Alors que Kitty Nowdluk-Reynolds était à l'extérieur de la salle d`audience après avoir donné libre cours à sa crise, la Cour, la procureure de la Couronne et l'avocat de l'accusé se sont entendus pour fixer l'audience préliminaire dans l'après-midi du 5 septembre l990. Selon la transcription de cette procédure, la Cour était prête à modifier les modalités de garde de Kitty Nowdluk-Reynolds, parce que la Cour reconnaissait qu`a défaut de ce faire, celle-ci demeurerait en cellule, au détachement de la GRC. La Cour a ordonné son maintien en détention parce que la procureure de la Couronne s'opposait apparemment à la libération. La Commission conclut que la garde de Kitty Nowdluk-Reynolds était une question à régler entre la plaignante et la Cour. Si la plaignante avait été bien informée de son droit aux services d'un avocat et si on l'avait aidée à en retenir un, elle n'aurait peut-être pas été détenue. C'était une question que la Cour, et non pas la GRC, devait prendre en considération.

La Commission conclut que Kitty Nowdluk-Reynolds n'a été ni consultée ni informée des mesures de son maintien en détention et, sans aucune autre explication, les menottes aux poignets, elle a été renvoyée dans la cellule de la GRC pour y passer la nuit. À son retour dans la cellule, elle a encore demandé l'autorisation de prendre une douche, mais on l'a informée qu'il manquait de personnes. À la place, on lui a donné du shampooing et une débarbouillette, et on lui a dit de se laver à l'éponge, dans l'évier de la cellule. La Commission conclut que ce manque de considération pour le confort de Kitty Nowdluk-Reynolds, le déni de ses droits constitutionnels et le refus d'examiner sa mise en liberté afin qu'elle puisse passer la nuit avec sa famille sont inexcusables. La conduite des membres de la GRC impliqués dans cette affaire a été moins que correcte.

4. Le matin du 5 septembre 1990, l'accusé, Inusiq Shoo, a choisi de subir son procès devant la Cour suprême des Territoires. Par conséquent, l'audience préliminaire était devenue inutile. La Cour a donc ordonné le retrait de l'accusation pour laquelle Kitty Nowdluk-Reynolds avait été arrêtée, et sa mise en liberté. Toutefois, Kitty Nowdluk-Reynolds pouvait toujours être tenue de témoigner devant la Cour suprême. Pendant que la Cour en décidait ainsi, Kitty Nowdluk-Reynolds était dans la cellule de la GRC et n'a été informée de sa nouvelle situation qu'entre 13 h et 14 h. On ne l'a jamais informée que sa présence pourrait de nouveau être requise pour qu'elle témoigne au procès d'Inusiq Shoo.

5. Kitty Nowdluk-Reynolds a appris sa mise en liberté du père Andrew MacBeth. Le caporal Chisholm croyait que la plaignante pouvait bénéficier de l'appui et de l'aide du père MacBeth pendant qu'elle demeurerait à Iqaluit. Dès que la mise en liberté de Kitty Nowdluk-Reynolds a été ordonnée, le caporal Chisholm a fait des réservations d'avion d'Iqaluit à Yellowknife, puis à Vancouver. La Commission conclut que le caporal Chisholm a consulté la plaignante relativement à ces arrangements, mais qu'il a délégué, à tort, ses responsabilités en demandant au père MacBeth d'informer la plaignante des circonstances entourant sa mise en liberté.

6. La Commission conclut que le membre non identifié de la GRC visé dans la présente plainte est le caporal W.J. Chisholm.

7. Le caporal Chisholm a manqué de jugement lorsqu'il a décidé de transporter Kitty Nowdluk-Reynolds au palais de justice dans le même véhicule qu'Inusiq Shoo. I1 aurait dû, à cause de sa connaissance des difficultés auxquelles sont confrontées les victimes d'acte criminel et de son intérêt pour les victimes, fournir un autre moyen de transport. À défaut de personnel ou d'un véhicule, il aurait dû consulter la procureure de la Couronne et, au besoin, la Cour.

RECOMMANDATIONS

1. Le Commissaire de la GRC, le commandant sous-divisionnaire de la Division «G» et le caporal Chisholm devraient envoyer chacun à Kitty Nowdluk-Reynolds une explication des circonstances qui ont déterminé la conduite des membres de la GRC les 4 et 5 septembre 1990, et ils devraient lui présenter leurs excuses pour la détresse que ces circonstances ont occasionnée.

2. I1 faudrait examiner et modifier les politiques et procédures de la GRC relatives à la prise en charge et au transport des personnes sous garde, compte tenu des besoins particuliers des victimes d'acte criminel. Lorsque la GRC est responsable de la prise en charge et de la garde d'une victime, cette responsabilité doit avoir priorité sur les fonctions de garde et prévoir la prise de mesures qui éviteront à la victime un stress émotif inutile comme celui qui peut résulter d'une confrontation soudaine avec l'auteur du crime. Ces procédures devraient faire partie des programmes d'aide aux victimes d'acte criminel, selon le principe que ceux que la GRC, dans l'exercice de ses fonctions, va chercher chez eux ont droit à la protection de la GRC jusqu'à leur retour dans leur milieu.

3. I1 faudrait examiner et modifier les politiques et procédures de la GRC relatives aux soins d'hygiène des personnes sous garde de façon que ces dernières puissent assurer leur propreté.

4. Pendant qu'une personne est sous la garde de la GRC et n'est pas représentée par un avocat, un agent de liaison avec les tribunaux ou un autre membre ayant la responsabilité du prisonnier devrait tenir ce dernier au courant de la procédure ou des faits nouveaux qui touchent les activités du prisonnier.

5. Il faudrait modifier les politiques et procédures de la GRC pour que les personnes sous garde soient bien informées de leur droit aux services d'un avocat et de la possibilité d'avoir recours à un avocat. Lorsque ces personnes continuent d'être sous la garde de la GRC, elles devraient être informées de ces droits plus d'une fois.

6. I1 faudrait modifier les politiques et procédures de la GRC pour ce qui est des modalités de l'aide relative aux voyages, qui est apportée aux personnes sous la responsabilité de la GRC, et il faudrait coordonner ces politiques et procédures avec les mesures prises par les autres intervenants du système de justice pénale.

(F) N° de dossier : 2000-PCC-90757

Voici le texte de la plainte :

[TRADUCTION]

Le 6 [sic] septembre 1990, Mme Nowdluk n'a pas reçu la protection de la police en quittant Iqaluit (T. N.-O.) pour retourner à Surrey (C.-B.), même si les membres de la GRC lui avaient dit qu'ils l'avaient escortée et incarcérée afin de la protéger. Lorsqu'elle a quitté Iqaluit, on lui a demandé de se présenter au détachement de l'Aéroport de la GRC, à Vancouver (C.-B.), où des membres l'attendraient et l'accompagneraient en toute sécurité à sa résidence, à Surrey (C.-B.).

Vers 22 h 30, à son arrivée à l'aéroport de Vancouver, Mme Nowdluk s'est fait répondre par l'officier responsable du détachement qu'il ne l'attendait pas et qu'il n'avait personne pour l'accompagner. I1 a demandé à l'un des membres de marcher avec elle jusqu'à un arrêt d'autobus local. Mme Nowdluk était fatiguée et effrayée, et elle n'avait pas d'argent pour prendre un taxi. Elle a dû changer d'autobus et n'est arrivée chez elle qu'à 1 h 30.

Mme Nowdluk déclare que l'officier responsable à l'aéroport de Vancouver a fait preuve d'un comportement inconsidéré parce qu'il n'a pas assuré son retour en toute sécurité chez elle, et elle désire porter plainte contre sa conduite.

CONCLUSIONS

1. Lorsque Kitty Nowdluk-Reynolds a appris, dans l'après-midi du 5 septembre 1990, qu'elle avait été libérée et que des mesures étaient prises pour son retour à Vancouver par un avion qui arriverait vers 22 h 30, elle a exprimé au caporal Chisholm ses vives inquiétudes sur son transport entre l'Aéroport international de Vancouver et le Timberland Motel à Surrey. Elle n'avait pas accès à une voiture particulière et elle a compris que le caporal Chisholm organiserait son transport avec la GRC, à l'Aéroport international de Vancouver. I1 y a désaccord sur cette question entre la plaignante et le caporal Chisholm, qui a témoigné avoir conseillé à la plaignante de demander l'aide du détachement de l'Aéroport international de Vancouver de la GRC si elle avait des difficultés pour retourner chez elle en autobus. I1 lui a également indiqué qu'il s'informerait des horaires d'autobus à Vancouver et qu'il lui ferait transmettre un message. Lorsqu'elle est arrivée à l'aéroport, à Iqaluit, avec le père MacBeth, elle a reçu un message d'un employé des services des lignes aériennes selon lequel des dispositions à Vancouver avaient été «prises». Elle a compris que, à son arrivée à Vancouver, elle pourrait aller au détachement de l'Aéroport qui lui fournirait un moyen de transport. Selon le caporal Chisholm, il voulait dire que les autobus roulaient toujours. En outre, il a dit l'avoir informée du prix du passage et de la façon dont elle pouvait se le faire rembourser par le ministère de la Justice.

La Commission conclut que le caporal Chisholm a pris des mesures suffisantes à Iqaluit pour aider et protéger la plaignante après sa mise en liberté, mais que ce n'était pas le cas des dispositions de transport concernant le retour de l'Aéroport international de Vancouver à la maison de Kitty Nowdluk-Reynolds. Le caporal ne s'est pas assuré non plus qu'elle comprenait les mesures qu'il avait prises. I1 a témoigné qu'il s'inquiétait du bien-être de Kitty Nowdluk-Reynolds, qu'il comprenait bien la tension émotive que connaissent les victimes et les témoins, et qu'elle se sentirait seule et déprimée et aurait besoin de soutien. Néanmoins, il a expédié le règlement de son départ d'Iqaluit sans prendre les mesures de précaution voulues pour son bien-être et sa sécurité personnelle. Par les mesures qu'il a prises, le caporal Chisholm a posé un certain nombre d`hypothèses non justifiées sur l`aide qu'aurait la plaignante à l'Aéroport international de Vancouver. I1 aurait dû faire plus d'efforts pour confirmer l'exactitude de ces hypothèses et, à tout le moins, il aurait dû s'assurer que les promesses faites à Kitty Nowdluk-Reynolds étaient communiquées au détachement de l'Aéroport international de Vancouver de la GRC, ainsi que l'heure prévue de son arrivée à Vancouver.

2. Lorsque Kitty Nowdluk-Reynolds est arrivée à Vancouver, elle s'est présentée au détachement de l'Aéroport et a appris que les officiers de service n'étaient pas au courant de son arrivée, qu'ils n'avaient reçu aucune demande d`aide d'Iqaluit et qu'ils n'avaient pas les ressources nécessaires pour la transporter. Le caporal Cull a tenté de déterminer si d'autres détachements de la GRC pouvaient faire quelque chose, mais il n'y en avait aucun. Le gendarme Gramuglia, du détachement de l'Aéroport international de Vancouver, l'a aidée à trouver l'autobus qui devait l`amener dans le voisinage du Timberland Motel, et il l'a fait monter à bord. Elle n'a reçu aucune autre aide de la GRC. Pendant son voyage au Timberland Motel, elle a été obligée de changer d'autobus à un échangeur de banlieue, ce qui l'a obligée à attendre longtemps dans un endroit isolé, éloigné de tout, qu'elle ne connaissait pas. Pendant ce temps, elle est devenue tellement anxieuse qu'elle en a été malade. Finalement, elle a embarqué à bord du deuxième autobus qui l'a menée au Timberland Motel, où elle est arrivée vers 1 h 30 le 6 septembre 1990.

3. La Commission conclut que le membre de la GRC mentionne dans la plainte comme étant «l`officier responsable à l'aéroport de Vancouver» était le caporal G.B. Cull (maintenant à la retraite) et que le seul autre membre de la GRC visé par cette plainte est le gendarme G. Gramuglia.

4. La Commission conclut qu'il n'y a aucune preuve que les membres de la GRC aient dit à Kitty Nowdluk-Reynolds qu'elle avait été escortée et incarcérée pour sa protection, comme elle l'allègue dans la plainte, si ce n'est le témoignage selon lequel l'une des raisons pour lesquelles le caporal Chisholm avait demandé l'aide du père MacBeth était qu'il s'inquiétait de la sécurité de la plaignante pendant que celle-ci était à Iqaluit.

5. La Commission conclut que le détachement de l'Aéroport international de Vancouver n'avait pas été averti de l'arrivée de Kitty Nowdluk-Reynolds et que, dans les circonstances de cette soirée, le caporal Cull et le gendarme Gramuglia ont fait des efforts raisonnables pour aider la plaignante a organiser son transport. Les difficultés auxquelles la plaignante a alors été confrontée n'étaient pas attribuables à la conduite irrégulière de ces deux membres de la GRC, mais plutôt à l'insuffisance du système de justice pénale.

6. La Commission conclut que, même si Kitty Nowdluk-Reynolds avait raison de se plaindre de l`insuffisance des dispositions prises pour son transport d'Iqaluit à chez elle, à Surrey, cette plainte particulière contre le caporal Cull n'est pas justifiée.

RECOMMANDATIONS

1. Lorsqu'un membre de la GRC offre à une personne sous la responsabilité de la GRC l'aide d'un autre détachement, il doit communiquer tous les détails relatifs à cette personne à l'officier responsable du deuxième détachement. Le membre qui fait la demande doit obtenir une réponse et confirmer les mesures prises.

2. Dans la mesure où la responsabilité des témoins peut incomber au procureur de la Couronne ou à un autre organisme, le Commissaire devrait conclure une entente avec ces organismes, en vertu de laquelle la prise en charge et le transport des témoins peuvent être autorisés par la GRC et confirmés aux officiers compétents dans tous les cas où les témoins sont sous la garde ou le contrô1e de la GRC.

3. La GRC devrait adopter des politiques et procédures d'application universelle régissant les normes de prise en charge et de transport visant les témoins qui sont sous sa garde ou son contrôle.

 

V. LES PLAINTES ET L'INTÉRET PUBLIC

La Commission juge qu'il est significatif que le président intérimaire, lorsqu'il a donné l'ordre de convoquer la présente audience pour enquêter sur les plaintes déposées par Kitty Nowdluk-Reynolds, a estimé dans l'intérêt public d'agir de la sorte. La source de son pouvoir d'agir ainsi est l'article 45.43 de la Loi sur la GRC. Par conséquent, il faut faire une distinction entre la nature et la portée de la présente enquête et celles d'une enquête tenue conformément à l'article 45.42 de la Loi sur la GRC. Dans ce dernier cas, l'enquête se limite à la plainte elle-même et à la conduite des membres de la GRC qui a donné lieu à la plainte. Toutefois, la portée de la présente enquête doit, si l'intérêt public l'exige, aller au-delà de la conduite des membres de la GRC et viser les questions qui sous-tendent une telle conduite ou qui y sont liées d'une façon directe ou indirecte.

La preuve produite devant la Commission à la présente audience ne permet nullement de douter que Kitty Nowdluk-Reynolds a été deux fois victime.

Le 7 juin 1990, elle a été victime d'une violente agression. Elle a été jetée par terre, étranglée et battue. Elle a été agressée sexuellement. Elle a été agressée émotivement. Elle a été laissée à elle-même pour se remettre du mieux qu'elle le pouvait du choc physique et mental qu'elle avait subi.

Ces incidents ont mis le système de justice pénale en branle, et son agresseur a été arrêté. I1 a fait l'objet d'accusations, il a eu les services d'un avocat, il a comparu devant le tribunal et, après avoir plaidé coupable, il a été condamné à l'emprisonnement. Le système a pourvu à ses besoins. Dans ce processus, Kitty Nowdluk-Reynolds a été une participante involontaire et réticente, forcée de servir les besoins du système de justice pénale. Le système n'a aucunement pourvu à ses besoins.

Dans ce processus, elle a de nouveau été une victime.

Le 10 juillet 1990, sans avoir été consultée ou interrogée par la GRC ou la procureure de la Couronne, ou préparée de quelque façon pour le rô1e que le système de justice pénale s'attendait à lui voir jouer, notamment rencontrer son agresseur en cour, Kitty Nowdluk-Reynolds a reçu signification d'une assignation. La procureure de la Couronne avait besoin de sa présence. La Cour a ordonné qu'elle soit présente. La GRC a exécuté l'ordonnance. Aucun intervenant du système de justice pénale ne s'est informé pour savoir si elle était en mesure, du point de vue physique ou émotif, de s'acquitter de l'obligation que lui imposait l'assignation, ou si elle avait les moyens financiers de se rendre de Surrey (Colombie-Britannique) à Iqaluit (Territoires du Nord-Ouest). Selon toute apparence, personne ne s`en préoccupait.

Kitty Nowdluk-Reynolds n'a pas répondu à l'assignation, et son absence à la cour, à Iqaluit, était contraire aux règles du système de justice. Dans l'intérêt public, la Commission considère qu'il est nécessaire d'examiner les circonstances entourant cette absence et, à la lumière de ces circonstances, d'évaluer d'abord la conduite de Kitty Nowdluk-Reynolds, puis l'opportunité des mesures prises par le système de justice pénale.

La Commission a constaté que, dans les jours suivant l'agression sexuelle, Kitty Nowdluk-Reynolds a quitté Iqaluit et a voyagé dans le Canada avec Robert Callaghan pour établir sa résidence à Surrey (Colombie-Britannique). Sans personne pour la conseiller ou s'occuper de ses besoins physiques et mentaux si ce n'est Robert Callaghan, elle souffre encore de stress mental, d`insomnie, elle fait encore des cauchemars et est effrayée, tous des troubles que les agents de police d'expérience et les personnes travaillant avec les victimes d'acte criminel connaissent. Aucun intervenant du système de justice pénale n'a tenté de façon précise de la rencontrer pour vérifier la nature et l'importance des préjudices qu'elle avait subis au cours de l'agression sexuelle. Aucun intervenant du système de justice pénale n'a tenté de façon précise de la rencontrer pour connaître le témoignage qu'elle pouvait rendre à l'appui de l`accusation portée contre l'auteur du crime. Personne n'a tenté de façon précise de la rencontrer pour lui expliquer ce que le système de justice pénale exigerait d'elle ou pour vérifier si elle était capable de faire ce que lui demandait le système, sans parler de savoir si elle y consentait.

Le seul effort tenté a été la demande adressée par le détachement d'Iqaluit, le 26 juin 1990, au détachement de Surrey afin d'obtenir une déclaration d'elle. On a donné suite à cette demande seulement le 9 août 1990. Ce jour-là, le caporal P. Juby, officier ayant l'expérience des contacts avec les victimes d'acte criminel, lui a parlé au téléphone et a pu conclure qu'elle était un témoin réticent, qui ne retournerait pas à Iqaluit pour témoigner dans la procédure pénale à moins d'y être obligée. Et personne, même après presque deux mois, ne s'est arrêté pour penser offrir à Kitty Nowdluk-Reynolds des services de counselling et d'aide, ce qui aurait pu l'aider a alléger sa détresse et l'inciter à aider le système de justice pénale dans la poursuite intentée contre l'auteur de l'acte criminel, Inusiq Shoo.

À l'insu du caporal Juby, Kitty Nowdluk-Reynolds avait, le 10 juillet 1990, reçu signification d'une assignation d'une manière qui, bien que techniquement correcte, faisait preuve d'un manque de sensibilité à l'égard des besoins et des préoccupations d'une victime d'acte criminel. S'il l'avait su, il aurait peut être compris pourquoi elle croyait être harcelée par la GRC.

Le seul appui que Kitty Nowdluk-Reynolds a reçu pendant cette période provenait de Robert Callaghan qui, par amour et par affection pour elle, a pris la malencontreuse décision de feindre une conversation téléphonique afin de porter Kitty Nowdluk-Reynolds à croire que sa présence à Iqaluit en réponse à l'assignation, même si elle était souhaitable, n'était pas nécessaire. Elle l'a entendu dire, pendant qu'il semblait parler à la GRC, au téléphone, [TRADUCTION] «elle n'est donc pas obligée d'y aller».

Dans ces circonstances, la Commission n'hésite aucunement à conclure que la décision de Kitty Nowdluk-Reynolds de ne pas se rendre à Iqaluit en réponse à l`assignation était compréhensible et prévisible.

Mais qu'elle a été la réaction du système de justice pénale ?

Sans chercher à connaître la raison pour laquelle elle n'avait pas observé l`assignation, la procureure de la Couronne a demandé et la Cour a ordonné l`émission d'un mandat d'arrestation contre Kitty Nowdluk-Reynolds afin de l`obliger à être présente, sous garde, à Iqaluit. Le mandat a été exécuté huit jours avant la date de la comparution même si, dans des circonstances ordinaires, il faut au total 24 heures environ pour aller de la maison, à Surrey, (C. -B. ) à Iqaluit. Kitty Nowdluk-Reynolds a été emmenée de chez elle, on lui a passé les menottes, elle a été emprisonnée pendant cinq jours puis escortée de Vancouver à Edmonton, à Yellowknife, de retour à Edmonton, à Toronto, à Ottawa et enfin à Iqaluit. Pendant ce temps, elle a été gardée dans des cellules de prison au détachement de Surrey, au Lakeside Correctional Centre à Burnaby (C.B.), au détachement de Yellowknife de la GRC, à la prison municipale d'Ottawa et au détachement d'Iqaluit.

Sauf pour un bref interrogatoire qui n'a rien donné, mené par l'avocate de service à Surrey (C.-B.), Kitty Nowdluk-Reynolds n'a pas été représentée et, si ce n'est de sa rencontre avec le personnel du programme d'aide aux victimes du détachement de Surrey, elle n'a pas été informée de ce qu'on attendait d`elle, de ce que chaque jour lui réservait et du moment ou elle pouvait être mise en liberté.

La Commission conclut que l'émission du mandat, le moment de l`exécution du mandat et les dispositions prises pour escorter Kitty Nowdluk-Reynolds n`arrangeaient que le système de justice pénale et, en particulier, n'étaient fonction que des procédures utilisées par la GRC pour transporter les personnes sous garde.

À l`arrivée à Iqaluit, le 4 septembre 1990, par suite des mesures prises pour transporter Kitty Nowdluk-Reynolds au tribunal, encore une fois pour arranger le système de justice pénale et la GRC, elle a été confrontée à son agresseur. Puis, une fois en cour, elle a découvert que la procédure judiciaire à laquelle elle avait été forcée de participer pouvait être retardée pendant des jours ou même des semaines. Son explosion de colère en réaction à ces événements était compréhensible et n'aurait dû surprendre personne. Cependant, son explosion de colère n'a eu qu'un seul résultat - la suggestion formulée par la Cour de la libérer pour la nuit a été rejetée par la procureure de la Couronne. Kitty Nowdluk-Reynolds n'a pas été consultée sur cette question qui touchait son intérêt personnel, et personne ne s'est préoccupé de l'aider à obtenir les services d'un avocat qui pouvait la représenter relativement aux mesures de maintien sous garde.

Le lendemain, lorsque la procédure du système de justice pénale n`exigeait plus sa présence, Kitty Nowdluk-Reynolds a été libérée, et la GRC a pris des dispositions pour qu'elle prenne l'avion le jour même, sans escorte, d'Iqaluit à Vancouver. Elle devait se rendre de l'Aéroport international de Vancouver à sa maison à Surrey en prenant un autobus public. Emmenée de chez elle de force le 28 juillet 1990 pour arranger le système de justice pénale, elle a été mise en liberté à Iqaluit, on lui a remis un billet d'avion et on l'a laissée se rendre seule chez elle. La GRC à Iqaluit lui a fait croire qu'elle pouvait, au besoin, demander l'aide de la GRC à Vancouver, mais personne ne s'est préoccupé d'envoyer un message au détachement de l'Aéroport international de Vancouver de la GRC pour l'informer de cette offre d'aide qu'on venait de faire.

Compte tenu de toutes les occasions que ces circonstances présentaient, la Commission conclut que, à compter du moment où des accusations ont été portées contre l'auteur de l`acte criminel, Inusiq Shoo, le système de justice pénale a manifesté un mépris outrageant pour la victime et a agi de façon insensible relativement à ses besoins. I1 a mis en oeuvre des procédures qui étaient conçues uniquement pour répondre à ses propres besoins. Les besoins et les droits de Kitty Nowdluk-Reynolds ont été complètement ignorés.

Après avoir entendu et observé Kitty Nowdluk-Reynolds au cours de l'audience, la Commission reconnaît que celle-ci continue de souffrir d'anxiéte et de détresse. On peut l'excuser de se demander lequel des incidents victimisants a eu le plus de répercussions, l'agression sexuelle du 7 juin 1990 ou la façon dont le système de justice pénale a traité la plaignante.

La Commission estime que l'intérêt public exige, de la part du système de justice pénale, un rendement supérieur à celui que révèlent les incidents subis par Kitty Nowdluk-Reynolds.

De qu'elle façon l'intérêt public peut-il être le mieux servi ?

Au Canada, le système de justice pénale se compose de quatre principaux éléments, à savoir la police, les poursuivants, les tribunaux et les services correctionnels. Parmi ceux-ci, la police occupe le premier rang. I1 s'agit du premier intervenant à entrer en jeu après la perpétration d`un acte criminel. La police procède à l'enquête et participe au dépôt des accusations. Elle arrête l`accusé et le remet, ainsi que les témoins exigés par la poursuite, aux tribunaux au moment voulu. Dans toutes ces activités, elle est assujettie aux contraintes prévues par le Code criminel du Canada et la Charte canadienne des droits et libertés, ainsi qu'aux exigences de service que lui imposent le poursuivant et la Cour. Les activités de la police sont liées directement à l`arrestation et à la condamnation de l'auteur de l'acte criminel. I1 s'agit de la fonction essentielle du système de justice pénale, et les besoins du contrevenant sont considérés comme primordiaux. Toute l'attention converge sur l`accusé, et le système prévoit des ressources importantes pour répondre à ses besoins et à la protection de ses droits.

Cependant, le système de justice pénale accorde peu d'attention aux besoins et aux droits de la victime.

Le développement historique du système de justice pénale a son origine dans le principe selon lequel l'arrestation et la punition d'un contrevenant sont à la charge de la Couronne, au nom de tous les membres de la société plutôt que de la victime. La validité de ce principe est incontestable, mais il a permis l'apparition d'attitudes et le recours a des procédures qui ne tiennent pas compte des répercussions physiques et émotives profondes et durables que l'acte criminel entraîne chez la victime, ainsi que de l'exacerbation de ces répercussions par suite des exigences imposées à la victime par le système de justice pénale dans l'atteinte de son objectif. Le système ne tient pas compte non plus des besoins et des droits des autres personnes non accusées qui sont appelées à intervenir dans le fonctionnement du système.

Puisque c'est la police qui a, durant toutes les étapes de la procédure qui va de la perpétration de l'acte criminel à la condamnation de l'accusé, le plus de contacts avec la victime, c'est elle qui est le mieux placée pour manifester à cette dernière la compréhension et la sensibilité voulues. Mais le comportement de la police est dicté par les obligations que le système de justice pénale lui impose, notamment les exigences formulées par le poursuivant et autorisées par la Cour. La Commission estime qu'il est erroné, et contraire à l'intérêt public, d'exposer la police au processus d'examen des plaintes du public et de la rendre responsable d'obligations que la justice pénale lui impose. La façon dont la police s'acquitte de cette obligation peut, à juste titre, donner lieu à une plainte, mais non pas l'obligation elle-même. Cela étant dit, le rô1e que joue la police dans le système de justice pénale doit comporter l`obligation de prendre les mesures qui s'imposent pour apporter des améliorations qui permettront au système de justice pénale de mieux servir l'intérêt public en tenant compte des droits de la victime.

Dans les Territoires du Nord-Ouest, au Yukon et dans huit des dix provinces canadiennes, c'est la GRC qui, à l'exception de quelques communautés urbaines, fournit les services de police. C'est donc la GRC qui est la mieux placée pour jouer le rô1e de chef de file dans l`élaboration de politiques et de procédures qui permettront au système de justice pénale de tenir compte des intérêts 1égitimes et du bien-être des victimes et des autres personnes dont l'intervention est nécessaire au fonctionnement efficace du système de justice pénale, et de répondre à leurs besoins.

RECOMMANDATIONS

L'universalité des questions soulevées par l'intervention des victimes et d'autres personnes non accusées dans le système de justice pénale est une indication qu'il faut élaborer des politiques et des procédures pouvant être mises en oeuvre dans toutes les juridictions du Canada. I1 est donc recommandé que le Commissaire de la GRC et les commandants des nombreuses divisions de la GRC s`engagent à élaborer des politiques et à concevoir des procédures qui, à la 1umière de l'expérience qu'ils ont acquise dans tout le Canada, permettront de répondre aux besoins du système de justice pénale et de satisfaire aux exigences suivantes :

1. dès que possible après le début d'une enquête sur un crime, la police fournit à la victime ou met à sa disposition des services d'aide qui répondent à la nature et aux conséquences de l'acte criminel, ainsi qu`aux répercussions qu`en subit la victime ;

2. au cours de l'enquête et pendant toute la procédure pénale subséquente, la victime est informée des faits nouveaux à chaque étape de la procédure ;

3. la victime et toute autre personne devant collaborer à l'enquête ou témoigner en cour est informée de la nature de la procédure et de la mesure dans laquelle elle doit y participer ;

4. lorsqu'une assignation ou une autre ordonnance judiciaire est émise pour assurer la présence d'une personne en cour, on informe clairement cette personne, au moment de la signification, de son obligation légale et de sa présence obligatoire ;

5. dès la fin de la procédure, la victime est informée du règlement de l`accusation et du sort de l'accusé ;

6. les exigences du système de justice pénale peuvent être clairement comprises, et elles le seront. À cet égard, les pratiques et procédures doivent tenir compte de la diversité des personnes avec lesquelles les responsables de l'administration du système communiquent, ainsi que des obstacles qui existent au sein d'une société multiculturelle et multilinguistique ;

7. les politiques, procédures et pratiques adoptées sont appliquées de façon uniforme dans toutes les juridictions du Canada.

L'élaboration de ces politiques et la conception de ces pratiques devraient être entreprises en consultation avec les représentants des ministres de la Justice et des procureurs généraux de tout le Canada. Dès que la GRC, les autres services de police et les représentants des poursuivants se seront entendus sur les politiques et les pratiques, ainsi que leurs modalités d'application, on devrait prendre des mesures pour en coordonner la mise en oeuvre avec la magistrature, de sorte que les tribunaux saisis d'affaires de ce genre puissent répondre pleinement aux besoins de la victime et des autres personnes qui sont obligées d`intervenir dans le système de justice pénale.

En formulant cette recommandation, la Commission est bien consciente des répercussions que ces pratiques pourront avoir sur les ressources à la disposition de la police, des poursuivants et des tribunaux. Toutefois, les modifications que la Commission envisage pour le système de justice pénale devraient servir à réduire plutôt qu'à augmenter les demandes faites à 1'égard des ressources.

Nous espérons que les modifications à mettre en oeuvre permettront d'éviter l`engagement indu de ressources financières et autres, comme dans le cas présent ou les ressources ont été utilisées - gaspillées serait peut-être un meilleur terme - pour donner suite aux plaintes résultant de l'omission du système de justice pénale de reconnaître les besoins de Kitty Nowdluk-Reynolds et d'en tenir compte.

Compte tenu de tous ces facteurs, et reconnaissant la diversité croissante du Canada sur les plans ethnique, linguistique et culturel, la GRC, en tant que principale composante du système de justice pénale, doit être la première à mettre en oeuvre des mesures innovatrices et sérieuses qui permettront de répondre aux besoins tant du système de justice pénale que de l'individu de qui dépend le fonctionnement du système. C'est ainsi que l'intérêt public sera servi.

* * * *

 

ANNEXE A

RAPPORTS DE L'INSPECTEUR K.G. DENNIS, DIVISION «G» DE LA GRC,

ENVOYÉ À KITTY NOWDLUK-REYNOLDS

Voici le texte d'une lettre datée du 21 février 1991, envoyée à la plaignante par la Division «G» de la GRC. Cette lettre a été renvoyée, non livrée, et a été envoyée de nouveau à la plaignante, sous pli séparé, le 21 mars 1991.

[TRADUCTION]

Le 21 février 1991

Madame Kitty Nowdluk

No 2, 3418, route King George

Surrey (C.-B.)

V4A 5B5

Objet : Plainte du public contre la GRC Yellowknife et Iqaluit (T. N. -O. )

Le 29 octobre 1990

Madame,

Par suite de la lettre que je vous ai envoyée le 1er février 1991, je vous informe que l'enquête interne faite concernant votre plainte du public est terminée et que la présente constitue le rapport final visé par l'article 45.4 de la Loi sur la GRC de 1986.

L'un de nos enquêteurs principaux a fait une enquête approfondie et impartiale sur les allégations que vous avez portées contre des membres de la GRC, dans les Territoires du Nord-Ouest.

En résumé, le 29 octobre 1990, vous avez allégué ce qui suit devant la Commission des plaintes du public contre la GRC :

1) un membre non identifié vous a mal informée en vous disant que rien ne surviendrait si vous ne comparaissiez pas en cour ;

2) la gendarme spéciale TETSO a fait preuve de négligence dans l`exercice de ses fonctions lorsqu`elle vous a fait manquer un vol direct pour Iqaluit ;

3) un membre non identifié du détachement d'Iqaluit a fait preuve d'un comportement inconsidéré en ne vous laissant pas prendre une douche ;

4) un membre non identifié du détachement d'Iqaluit a fait preuve d'un comportement inconsidéré en vous transportant dans le même véhicule que votre agresseur ;

5) un membre non identifié du détachement d'Iqaluit a fait preuve d`un comportement inconsidéré en ne vous informant pas du moment où vous seriez mise en liberté.

Selon un résumé de l`enquête, le 23 juillet 1990, Robert CALLAGHAN a téléphoné au bureau de la GRC, à Iqaluit, pour savoir ce qui se passerait si vous ne comparaissiez pas en cour.

Le 30 juillet 1990, vous n'avez pas comparu à l'enquête préliminaire, et un mandat (formule 17) a été émis. L'accusé Inusiq SHOO a été renvoyé sous garde, et l'enquête préliminaire a été ajournée au 9 septembre 1990. On a également appris que vous aviez été accusée d'outrage au tribunal en vertu du paragraphe 708(1) du Code criminel.

Le 28 août 1990, un membre de la GRC vous a arrêtée a Surrey (C.-B.) sur la foi d'un mandat émis à Iqaluit (T N.-O.). Des dispositions ont été prises pour vous faire revenir à Iqaluit par un transporteur aérien commercial. Le 2 septembre 1990, la g.s. TETSO, du détachement de Yellowknife, vous a escortée de Burnaby (C.-B.) à Yellowknife (T. N.-O.). Elle a manqué l'avion, et d'autres mesures ont donc dû être prises pour vous amener à Iqaluit via Toronto et Ottawa.

Lorsque vous êtes arrivée à Iqaluit, à 13 h 15, le 4 septembre 1990, vous avez été immédiatement amenée dans le poste de garde de la GRC et mise en détention, en cellule. À 13 h 40, vous avez été placée dans le compartiment arrière du véhicule de police en compagnie d'une surveillante. On est allé chercher votre agresseur SHOO au Baffin Correctional Centre, on l'a placé dans le compartiment réservé aux prisonniers et amené au palais de justice, qui était à environ 2,4 km ou à quatre minutes de route.

Comme il n'y a pas de lieux de détention séparés au palais de justice, on a pris des dispositions spéciales pour vous séparer de SHOO jusqu'à votre comparution, car vous étiez toujours sous garde. Selon l`enquête approfondie, à votre comparution en cour, vous avez été grossière et avez perturbé l'audience, et la juge a donc ordonné votre maintien sous garde jusqu'à nouvel ordre. À ce moment-là, l'enquête préliminaire a été ajournée au 5 septembre 1990.

Vous avez alors été renvoyée dans la cellule du détachement, conformément aux instructions de la juge, et vous avez reçu toute la considération à laquelle les prisonniers ont droit.

L'audience préliminaire s'est poursuivie le lendemain matin, et vous êtes demeurée en cellule, selon les instructions de la juge. Votre agresseur SHOO a plaidé coupable et a été renvoyé sous garde pour le prononcé de sa peine. Le gendarme CHISHOLM a amené SHOO au Baffin Correctional Centre, il est retourné au détachement et a immédiatement pris des dispositions pour votre mise en liberté, comme l'ordonnait la Cour.

On a appris que vous aviez été mise en liberté a 14 h et que l'on avait fait des réservations de voyage pendant que vous vous occupiez de vos affaires personnelles et sociales.

Le père Andrew MacBETH vous a aidée à cet égard et vous a amenée à l'aéroport d'Iqaluit pour que vous preniez votre avion à 16 h 30, le même jour. Il est demeuré avec vous à l'aéroport jusqu'à votre départ d'Iqaluit par un vol commercial.

Quant à votre allégation selon laquelle un membre non identifié vous a mal informée en vous disant que rien ne surviendrait si vous ne comparaissiez pas en cour, les explications et les faits suivants sont présentés.

Tous les membres de la GRC qui travaillaient le 23 juillet 1990, lorsque Robert CALLAGHAN a appelé pour s'informer des conséquences de votre non-comparution, ont été interrogés. Ils ont tous déclaré qu'ils ne pouvaient se rappeler avoir eu la conversation décrite par CALLAGHAN ou, même, qu'il y a eu une conversation quelconque.

M. CALLAGHAN a déclaré qu'il avait parlé au gendarme Peter «quelque chose», un nom qui sonnait français. Il se peut fort bien que ce fut le gendarme J.O.M. BEAUDOIN, car il a été responsable du dossier criminel portant sur votre agression jusqu'à sa mutation à Hall Beach (T N.-O.). Le gendarme BEAUDOIN a été interrogé relativement à cette allégation et a déclaré qu'il ne se rappelle pas avoir parlé à M. CALLAGHAN à aucun moment au cours de l'enquête. Il n'y a aucun document au dossier, et le gendarme BEAUDOIN est persuadé que s'il avait parlé à CALLAGHAN il l'aurait inscrit dans le dossier. Le gendarme BEAUDOIN déclare également qu'il connaît très bien les obligations d'une personne assignée à comparaître et qu'il aurait informé M. CALLAGHAN correctement, en lui disant que votre présence à l'audience préliminaire était impérativement obligatoire.

En outre, on a appris que la non-comparution des personnes assignées pose un problème à Iqaluit, et il est inconcevable qu'un membre ne fût [TRADUCTION] «pas certain de ces renseignements».

Par suite de ces renseignements, cette allégation ne peut être ni confirmée ni niée.

Quant à votre allégation selon laquelle la g.s. TETSO a fait preuve de négligence dans l'exercice de ses fonctions lorsqu'elle a manqué l'avion pour Iqaluit afin de vous escorter, les explications et les faits suivants sont présentés.

Selon notre enquête, la g.s. TETSO était bel et bien en retard et a manqué l`avion qui devait vous amener à Iqaluit. Par conséquent, d'autres dispositions ont été prises rapidement pour que vous preniez un avion, avec une escorte, via Toronto et Ottawa pour vous rendre à Iqaluit pour l`audience préliminaire.

Ce fait a été signalé à l'attention de la g.s. TETSO et elle a été informée que sa conduite dans cette affaire était inacceptable. Une mesure interne appropriée a été prise à son égard, et on lui a donné les conseils voulus.

En raison des dispositions de la Loi sur la protection des renseignements personnels qui interdit la communication de renseignements personnels au sujet d'un membre, je ne suis pas autorisé à communiquer la nature de la mesure interne prise.

Quant à votre allégation selon laquelle un membre non identifié du détachement d'Iqaluit a fait preuve d'un comportement inconsidéré en ne vous laissant pas prendre une douche, les explications et les faits suivants sont présentés.

Selon notre enquête sur cette allégation, lorsque vous êtes arrivée à Iqaluit, vous avez été mise en détention dans la cellule de la GRC à 13 h 15, le 4 septembre 1990. Comme vous étiez arrivée en retard et que la Cour attendait votre comparution, à 13 h 40, vous avez été amenée au palais de justice. Ces faits sont confirmés par votre rapport de prisonnier, le registre des prisonniers du détachement d'Iqaluit ainsi que les déclarations du gendarme CHISHOLM et de la surveillante de la GRC.

Comme la Cour était déjà en retard et du fait qu'elle contrôlait le rôle et avait demandé votre comparution immédiate, vous n'aviez pas le temps de prendre une douche. On a appris également que vous n'aviez pas demandé de prendre une douche à ce moment-là, et il n'y avait aucune raison de croire que vous aviez besoin d`en prendre une. Selon notre registre des prisonniers, vous avez été remise dans la cellule de la GRC à 18 h.

Pendant ce séjour en cellule, vous avez demandé des objets personnels que la surveillante de service vous a remis. À 22 h 30, vous avez demandé de prendre une douche et, comme il n'y avait aucun membre de la GRC pouvant vous surveiller, on a refusé votre demande. Soulignons que les gardiens et les surveillantes ne sont pas autorisés à mettre les prisonniers en liberté dans la section des douches si un membre de la GRC n'est pas présent. Pour quelque raison que ce soit, on n'a pu accéder à votre demande à ce moment-là, mais notre surveillante vous a remis les objets nécessaires pour que vous vous laviez à l'éponge.

Compte tenu de ces renseignements, je conclus que nos membres et notre surveillante vous ont traitée régulièrement pendant que vous étiez en détention dans les cellules de la GRC, à Iqaluit. Si un membre avait été disponible pour surveiller votre passage entre les cellules et la section des douches, on aurait accédé à votre demande.

Quant à votre allégation selon laquelle un membre non identifié du détachement d'Iqaluit a fait preuve d'un comportement inconsidéré en vous transportant dans le même véhicule que votre agresseur, les explications et les faits suivants sont présentés.

Le gendarme CHISHOLM était le membre responsable de votre présence en cour. Comme l'audience avait été retardée de quatre heures en attendant votre arrivée et que l'accusé avait été détenu sous garde pendant un autre mois par suite de votre non-comparution, la Cour ne voulait pas d'autres retards. Le gendarme CHISHOLM vous a informée que votre agresseur SHOO serait dans le même véhicule que vous. Vous seriez sur la banquette arrière avec la surveillante et SHOO serait dans le compartiment réservé aux prisonniers, à l'arrière du véhicule de police. Le gendarme CHISHOLM vous a demandé de regarder droit devant vous et de ne pas lui parler.

Vous avez alors quitté le bureau de la GRC dans un véhicule de police qui s'est rendu au Baffin Correctional Centre, où on est allé chercher SHOO, les menottes aux poignets. I1 a été placé à l'arrière du véhicule de police. Le gendarme CHISHOLM a déclaré que lorsqu'il avait commencé à se diriger vers le palais de justice, vous vous étiez retournée et aviez essayé de parler à SHOO. Le gendarme CHISHOLM vous a dit de ne pas le faire, vous vous êtes donc retournée et avez regardé en avant. Une fois au palais de justice, vous avez été séparée de votre agresseur, et il n'y a eu aucun autre contact.

Le transport des prisonniers de sexe masculin et de sexe féminin dans le même véhicule est une procédure normale et non contraire aux politiques lorsqu'il y a des compartiments séparés. Le cas était différent, en ce que même si vous étiez prisonnière de la Cour, vous étiez également une victime.

À cause du retard de la procédure et comme il était urgent que vous comparaissiez, le seul membre disponible a procédé ainsi avec le seul véhicule qu'il y avait.

Le gendarme CHISHOLM connaissait fort bien les possibilités de confrontation et vous a avertie de ce qui vous attendait. I1 avait également averti votre agresseur de n'avoir aucun contact visuel avec vous ni de vous parler.

Compte tenu de toutes les circonstances, le transport de votre agresseur et de vous-même s'est fait de la façon la plus efficace possible. Toutefois, même si notre membre s'est préoccupé de vous en ces moments difficiles pour vous, j'estime qu'il n'aurait pas dû vous transporter dans le même véhicule que votre agresseur.

Ce fait a été signalé à l'attention du gendarme CHISHOLM et il a été informé que sa conduite dans cette affaire était inacceptable. Une mesure interne a été prise à son égard, et on lui a donné les conseils voulus.

En raison des dispositions de la Loi sur la protection des renseignements personnels qui interdit la communication de renseignements personnels au sujet d`un membre, je ne suis pas autorisé à communiquer la nature de la mesure interne prise.

Quant à votre allégation selon laquelle un membre non identifié du détachement d'Iqaluit a fait preuve d'un comportement inconsidéré en ne vous informant pas du moment où vous seriez mise en liberté, les explications et les faits suivants sont présentés.

Après votre comparution en cour le 4 septembre 1990, vous avez été renvoyée sous garde et détenue dans les cellules du détachement de la GRC. Le matin du 5 septembre 1990, vous n'étiez pas tenue d'être en cour, vous êtes donc demeurée dans les cellules du détachement pendant que la cause de votre agresseur SHOO était entendue. À ce moment-là, SHOO a modifié son plaidoyer pour plaider coupable et a été renvoyé sous garde pour le prononcé de sa peine. La Cour a alors informé la GRC qu'elle pouvait vous remettre en liberté. Le gendarme CHISHOLM est retourné au bureau et a fait vos réservations de voyage pour que vous retourniez en Colombie-Britannique. Le père Andy MacBETH était au bureau de la GRC pour sa visite hebdomadaire. Le gendarme CHISHOLM lui a demandé si, pour faire changement, il aimerait donner une bonne nouvelle à un prisonnier, et il lui a expliqué vos circonstances. Le gendarme CHISHOLM lui a expliqué les dispositions prises pour le voyage, et le père MacBETH a déclaré qu'il s`occuperait de vous jusqu'à votre départ. Après que le gendarme CHISHOLM vous a expliqué les dispositions de voyage, vous avez été mise en liberté et vous êtes partie avec le père MacBETH à 14 h.

Le père MacBETH a fait une déclaration pour la présente enquête et confirme les faits relatés par le gendarme CHISHOLM touchant ce qui précède. Il a déclaré que ses visites hebdomadaires font partie de ses fonctions pastorales et qu'il était heureux de vous apprendre la bonne nouvelle, de vous conduire en voiture à Iqaluit afin que vous puissiez voir à vos affaires personnelles et finalement de vous amener à l`aéroport pour vous voir prendre l`avion.

Compte tenu des circonstances exposées, j`estime que notre membre n'avait aucun pouvoir relativement à l'heure à laquelle la Cour devait vous libérer. Une fois le procès terminé, vous avez été mise en liberté immédiatement, les réservations de voyage ont été faites et le père MacBETH a déclaré qu'il était heureux de s`occuper de vous jusqu'à votre départ par avion, par un vol commercial. Si vous vous objectiez que ce prêtre vous aide après votre arrestation, vous auriez dû le faire à ce moment-là. Le père MacBETH a décidé que vous sembliez heureuse de le voir et contente d'avoir son aide.

Soulignons que ce service fait partie du programme d`aide aux victimes en vigueur à Iqaluit (T N.-O.) et que la GRC s`inquiétait de votre sécurité et de votre bien-être pendant que vous étiez à Iqaluit.

Je vous remercie de m`avoir signalé cette affaire. Si le retard causé par la gendarme TETSO et la mésentente de la part du membre CHISHOLM, qui vous a conduite au palais de justice avec votre agresseur, vous ont causé des embarras inutiles ou de la détresse, je vous prie d`accepter mes excuses pour les mauvais agissements de nos membres. Je puis vous assurer que les gendarmes TETSO et CHISHOLM sont fort conscients de leurs erreurs, et qu'une telle chose ne se reproduira plus.

Je suis certain que votre plainte a été réglée d'une façon qui vous satisfait entièrement. Si vous n'êtes pas satisfaite de l`enquête faite sur votre plainte, vous pouvez le faire savoir en téléphonant au 1-800-267-6637 ou en écrivant à l`adresse suivante  :

La Commission des plaintes du public contre la GRC

B.P. 3423

Succursale postale «D»

Ottawa (Ontario)

K1P 6L4

Je vous prie d`agréer, Madame, l'expression de mes sentiments distingués.

L`officier responsable,

Administration et personnel,

Division «G»

E.G. DENNIS. inspecteur

 

 

 

ANNEXE B

RAPPORT DU SURINTENDANT W.R. RING, DIVISION «G» DE LA GRC,

ENVOYÉ À KITTY NOWDLUK-REYNOLDS

 

Voici le texte d'une lettre datée du 4 mars 1991, envoyée à la plaignante par la Division «E» de la GRC.

[TRADUCTION]

Le 4 mars 1991

Madame Kitty Nowdluk
Timberland Motel

3418, route King George

Surrey (C.-B.)

V4A 5B5

Madame,

La présente fait suite à la plainte que vous avez présentée, selon laquelle on ne vous a pas donné les détails concernant les dispositions de voyage à Iqaluit (T. N.-O.), vous avez été traitée de façon préjudiciable et les membres de la GRC ne vous ont pas ramenée en voiture de l'aéroport à chez vous.

L'enquête faite sur cette affaire est maintenant terminée, et j'ai eu la possibilité d'examiner le rapport final. Comme votre plainte comporte quatre allégations, je traiterai chacune d'elles séparément.

En premier lieu, vous alléguez que la gendarme Anderson ne vous a pas donné les détails concernant les dispositions de voyage prises pour vous par le ministère de la Justice, lorsqu'elle vous a signifié une assignation.

Votre conjoint de fait et vous-même avez indiqué que la gendarme Anderson avait détaché une lettre dactylographiée et une fiche de la taille d'une carte postale de l'assignation avant de vous signifier ce document. Vous n'avez pu fournir aucun détail sur les documents qui avaient été détachés.

La gendarme Anderson a été interrogée sur ce qu'elle savait au sujet des dispositions de voyage. Elle déclare ne pas se rappeler qu'on lui aurait remis un document relatif aux dispositions de voyage, qu'elle devait vous signifier. Une vérification des dossiers originaux permet de constater que le détachement de Surrey n'a reçu aucun autre document que l'assignation.

On s'est également informé au détachement d'Iqaluit et au bureau du procureur régional de la Couronne de Yellowknife, mais ni l'un ni l'autre n'a pu confirmer que les documents relatifs aux dispositions de voyage avaient jamais été envoyés à des fins de signification au détachement de Surrey. Je ne puis donc déterminer ce qui est arrivé aux renseignements relatifs aux dispositions de voyage. L`insuffisance de la preuve ne permet pas d'appuyer l'allégation portée contre la gendarme Anderson.

Dans votre deuxième plainte, vous dites que des membres du détachement de l'Aéroport international de Vancouver ont fait preuve d'un comportement inconsidéré parce qu'ils ne vous ont pas transportée de l'aéroport à votre résidence, à Surrey.

D'après l'enquête, après avoir reçu votre demande de transport à Surrey, le caporal Cull a communiqué avec des membres du détachement de Surrey pour tenter de répondre à votre demande. Le personnel du détachement de Surrey était incapable de l'aider, et le caporal Cull fonctionnait lui aussi avec un personnel insuffisant au détachement de l`aéroport. I1 ne pouvait donc vous rendre ce service. Le gendarme Gramuglia a transporté votre bagage à l'arrêt d`autobus le plus près et s'est assuré de votre embarquement à bord de l'autobus. I1 vous a également donné 0,60 $ de sa poche pour vous aider à payer le passage d`autobus, car vous n`aviez pas assez de monnaie.

Le gendarme Chisholm a été interrogé relativement aux promesses qu'il a pu vous faire ou ne pas vous faire sur votre transport par la police. I1 déclare qu'il ne vous a rien promis à cet égard. I1 a simplement vérifié que vous aviez assez d`argent sur vous pour payer le passage d'autobus. Je constate que le caporal Cull et le gendarme Gramuglia ont été plus qu'obligeants en essayant de vous aider. I1 n'y a eu aucune contravention au Code de déontologie de la GRC.

En troisième lieu, vous alléguez que l'attitude du gendarme Davidson a changé et est devenue préjudiciable quand il a constaté que vous étiez Inuk. [Dans sa lettre du 4 mars 1991, la Gendarmerie dit que Mme Nowdluk-Reynolds est 'autochtone'. Mme Nowdluk-Reynolds est Inuk. Cette erreur a été corrigée par une lettre datée du 14 mars 1991. Le texte de la présente lettre est corrigé en conséquence.]

Selon l'enquête, le gendarme Davidson savait que vous étiez Inuk avant son arrivée chez vous, car il avait lu votre description dans l'imprimé accompagnant le mandat.

La valeur de votre allégation est affaiblie du fait que le gendarme Davidson a décidé de ne pas déposer d'accusations de voies de fait contre vous relativement à la confrontation physique qui s'est produit lorsqu`il vous a informée que vous étiez en état d'arrestation. De son plein gré, il a également fait venir une personne des services d'aide aux témoins et aux victimes pour vous voir pendant que vous étiez en cellule, parce qu'il comprenait votre situation. I1 ne s'agit pas d'actes posés par une personne raciste.

En quatrième lieu, vous alléguez que le gendarme Davidson ne vous a pas informée de votre droit à obtenir les services d'un avocat.

Le gendarme Davidson a été interrogé à cet égard et répond avec certitude qu'on vous a bel et bien mise en garde et énoncé les droits garantis par la Charte au moment de votre arrestation. Le dossier original de l'enquête contient un document écrit selon lequel on vous a informée de toutes ces exigences juridiques. Je ne suis pas disposé à conclure que le gendarme Davidson a contrevenu au Code de déontologie de la GRC dans ce cas.

Si vous n'êtes pas satisfaite des conclusions de la présente enquête, vous pouvez en demander l'examen en communiquant avec le service mentionné ci-dessous :

La Commission des plaintes du public contre la GRC

Bureau régional de la Colombie-Britannique et du Yukon

Robson Court Building

Bureau 970 - 840, rue Howe

Vancouver (C.-B.) V6Z 2L2

No de téléphone : (604) 666-7363

Veuillez agréer, Madame, l'expression de mes sentiments distingués.

L'officier responsable intérimaire,

Administration et personnel,

Division «E»

W. L. Ring, surintendant

 

 

 

ANNEXE C

ORDRES DONNÉS PAR LA COMMISSION

AVANT LE DÉBUT DE L'AUDIENCE

LA COMMISSION DES PLAINTES DU PUBLIC CONTRE LA GRC

DANS L'AFFAIRE DE LA LOI SUR LA GRC, PARTIE VII ;

 

ET D'UNE AUDIENCE CONVOQUÉE AFIN D'ENQUÊTER SUR LES PLAINTES DÉPOSÉES PAR Mme KITTY NOWDLUK-REYNOLDS,

 

PLAINTES Nos 2000-PCC-90721, 2000-PCC-90753,

2000-PCC-90754, 2000-PCC-90755, 2000-PCC-90756, 2000-PCC-90757

 

 

ORDRE CONCERNANT L'ENREGISTREMENT

ÉLECTRONIQUE OU PHOTOGRAPHIQUE

DE LA PROCÉDURE

 

 

     

  1. Les cameras de télévision et les autres caméras et appareils d`enregistrement électronique ne seront pas autorisés dans la salle d'audience sauf au cours de l'ouverture officielle de l'audience.

2. Cette interdiction ne s'applique pas à la sténographe officielle qui enregistre la procédure afin d'en faire une transcription, ni aux interprètes officiels qui enregistrent la procédure afin de l'interpréter dans une autre langue, sous la directive de la Commission.

 

 

 

FAIT à Vancouver, le 17 février 1992.

PAR ORDRE DE LA COMMISSION,

 

LE PRÉSIDENT,

«Allan Williams»

LA COMMISSION DES PLAINTES DU PUBLIC CONTRE LA GRC

DANS L'AFFAIRE DE LA LOI SUR LA GRC, PARTIE VII ;

ET D'UNE AUDIENCE CONVOQUÉE AFIN D'ENQUÊTER SUR LES PLAINTES DÉPOSÉES PAR Mme KITTY NOWDLUK-REYNOLDS,

PLAINTES Nos 2000-PCC-90721, 2000-PCC-90753, 2000-PCC-90754, 2000-PCC-90755, 2000-PCC-90756, 2000-PCC-90757

ORDRE

ATTENDU QU'il est dans l'intérêt de la tenue juste, ordonnée et expéditive de la présente enquête que les parties et les tierces personnes qui convainquent la Commission qu'elles ont un intérêt direct et réel dans les plaintes, aient accès avant l'audience à des renseignements qui sont en possession de la Commission («renseignements en possession de la Commission») concernant les plaintes faisant l'objet de la présente enquête, que ces renseignements soient ou non admissibles ou admis en preuve à l'audience (procédure appelée dans le présent ordre «communication préalable à 1'audience» ou désignée par une expression semblable) ;

ET ATTENDU QU'il est essentiel à la crédibilité de l'enquête que les renseignements en possession de la Commission obtenus par une communication préalable à l'audience soient mis à la disposition des parties et des autres personnes qui y ont droit pour qu'elles ne s'en servent que pour la préparation et la tenue de l'audience, et non pour les publier ou les communiquer;

PAR CONSÉQUENT, la Commission ordonne que :

1. L'avocat de la Commission soit autorisé à communiquer avant l'audience les renseignements en possession de la Commission aux parties et aux autres personnes qui y ont droit, ou à leurs avocats, dès réception d'un accuse de réception et d'un engagement selon le formulaire joint aux présentes, à l'annexe 1.

2. La publication ou la communication directe ou indirecte de renseignements en possession de la Commission, que ces renseignements aient ou non été obtenus au cours d'une communication préalable à l'audience conformément au présent ordre, ou d'une autre façon, soient interdites.

3. L'avocat qui reçoit les renseignements en possession de la Commission au cours d'une communication préalable à l'audience conformément au présent ordre communique et explique les modalités du présent ordre aux personnes qu'il représente.

FAIT à Vancouver, le 17 février 1992.

PAR ORDRE DE LA COMMISSION,

LE PRÉSIDENT,

«Allan Williams»

 

 

L. ALLAN WILLIAMS, c.r.

 

 

 

 

AVIS : L'inobservation d`un ordre de la Commission constitue une infraction punissable par procedure sommaire, en vertu de l'article 50 de la Loi sur la GRC.

 

ANNEXE 1

LA COMMISSION DES PLAINTES DU PUBLIC CONTRE LA GRC

DANS L'AFFAIRE DE LA LOI SUR LA GRC, PARTIE VII ;

ET D'UNE AUDIENCE CONVOQUÉE AFIN D'ENQUÊTER SUR LES PLAINTES DÉPOSÉES PAR Mme KITTY NOWDLUK-REYNOLDS,

PLAINTES Nos 2000-PCC-90721, 2000-PCC-90753, 2000-PCC-90754, 2000-PCC-90755, 2000-PCC-90756, 2000-PCC-90757

ACCUSÉ DE RÉCEPTION ET ENGAGEMENT

Par les présentes, le soussigné, partie ou tierce personne ayant convaincu la Commission qu'elle a un intérêt direct et réel dans les plaintes faisant l`objet de la présente enquête, ou l'avocat représentant cette partie ou cette personne :

1. accuse réception de l'ordre donné par la Commission de communiquer avant l`audience des renseignements en possession de la Commission;

2. s`engage à recevoir les renseignements en possession de la Commission obtenus au cours d'une communication préalable à l'audience pour ne les utiliser que pour la préparation et la tenue de l'audience, et à aucune autre fin;

3. reconnaît que la communication préalable à l'audience de renseignements en possession de la Commission ne constitue pas une communication publique et que la communication ou la publication directe ou indirecte, notamment aux médias d`information, sont interdites avant que la Commission ne les reçoive en preuve à l'audience convoquée pour enquêter sur ces plaintes;

4. s`engage dans le cas où le soussigné est l'avocat d'une partie ou d'une autre personne admissible, à communiquer et à expliquer à la personne qu'il représente les modalités de l'ordre de la Commission relatif à la communication préalable à l'audience.

FAIT le 1992.

SIGNATURE DE LA PARTIE OU DE LA PERSONNE ADMISSIBLE OU DE L'AVOCAT

 

NOM DE LA PARTIE OU DE LA PERSONNE (EN MAJUSCULES)

 

NOM DE L'AVOCAT (EN MAJUSCULES)

AVIS : L'inobservation d'un ordre de la Commission constitue une infraction punissable par procédure sommaire, en vertu de l'article 50 de la Loi sur la GRC

LA COMMISSION DES PLAINTES DU PUBLIC CONTRE LA GRC

DANS L'AFFAIRE DB LA LOI SUR LA GRC, PARTIE VII ;

ET D'UNE AUDIENCE CONVOQUÉE AFIN D'ENQUÊTER SUR LES PLAINTES DÉPOSÉES PAR Mme KITTY NOWDLUK-REYNOLDS,

PLAINTES Nos 2000-PCC-90721, 2000-PCC-90753, 2000-PCC-90754, 2000-PCC-90755, 2000-PCC-90756, 2000-PCC-90757

ORDRE

ATTENDU QUE, par lettre du 10 février 1992 adressée à la Commission et reçue le 17 février 1992, 1'avocat du caporal Chisholm et de la gendarme Tetso a demandé un ajournement de l'audience :

PAR CONSÉQUENT, la Commission ordonne que :

1. La Commission entende la demande d'ajournement présentée par l'avocat du caporal Chisholm et de la gendarme Tetso dans le cadre d'une téléconférence, le lundi 24 février 1992, à 14 h , heure normale du Pacifique.

FAIT à Vancouver, le 18 février 1992.

PAR ORDRE DE LA COMMISSION,

LE PRÉSIDENT,

«Allan Williams»

L. ALLAN WILLIAMS, c.r.

LA COMMISSION DES PLAINTES DU PUBLIC CONTRE LA GRC

DANS L'AFFAIRE DE LA LOI SUR LA GRC, PARTIE VII ;

ET D'UNE AUDIENCE CONVOQUÉE AFIN D'ENQUÊTER SUR LES PLAINTES DÉPOSÉES PAR Mme KITTY NOWDLUK-REYNOLDS,

PLAINTES Nos 2000-PCC-90721, 2000-PCC-90753, 2000-PCC-90754, 2000-PCC-90755, 2000-PCC-90756, 2000-PCC-90757

 

ORDRE RELATIF À LA DEMANDE D'AJOURNEMENT DE L'AUDIENCE PRESENTÉE PAR

RICHARD J. PEACH, AVOCAT DU CAPORAL W. CHISHOLM ET DE LA GENDARME P. TETSO

VU LA DEMANDE PRÉSENTÉE par Richard J. Peach, avocat du caporal W. Chisholm et de la gendarme P. Tetso, visant l'ajournement de l'audience fixée pour le 23 mars 1992, demande devant être entendue dans le cadre d'une téléconférence avec les membres de la Commission, L.A. Williams, c.r., S. Jane Evans et Lazarus Arreak, le 24 février 1992;

ET APRÈS AVOIR ENTENDU Richard J. Peach et G.W.K. Scarborough, Robert Davidson et Nancy Irving, avocats des diverses parties, ainsi que N. J. Schultz, avocat de la Commission, et après avoir examiné l'argumentation écrite de Marion R. Buller, avocate de la plaignante;

LA COMMISSION ORDONNE QUE :

1. la demande d'ajournement soit refusée;

2. le début de l'audience devant se tenir à Iqaluit (T N.-O.) le 23 mars 1992 soit confirmée.

FAIT à Vancouver (Colombie-Britannique), le 25 février 1992.

PAR ORDRE DE LA COMMISSION,

«Allan Williams»

 

 

L. ALLAN WILLIAMS, c.r.

LA COMMISSION DES PLAINTES DU PUBLIC CONTRE LA GRC

DANS L'AFFAIRE DB LA LOI SUR LA GRC, PARTIE VII ;

ET D'UNE AUDIENCE CONVOQUÉE AFIN D'ENQUÊTER SUR LES PLAINTES DÉPOSÉES PAR Mme KITTY NOWDLUK-REYNOLDS,

PLAINTES Nos 2000-PCC-90721, 2000-PCC-90753, 2000-PCC-90754, 2000-PCC-90755, 2000-PCC-90756, 2000-PCC-90757

 

ORDRE

Après examen de la demande présentée par Robert H. Davidson, avocat du gendarme J.O.M. Beaudoin, datée du 21 février 1992;

Et après examen des observations de N. J. Schultz, avocat de la Commission, sur l`intervention probable du gendarme J.O.M. Beaudoin dans la preuve devant être produite à l'audience des plaintes;

IL EST ORDONNÉ que la Commission est convaincue que le gendarme J.O.M. Beaudoin a un intérêt direct et réel dans ces plaintes et a tous les droits prévus en vertu du paragraphe 45.45(5) de la Loi sur la GRC.

FAIT à Vancouver (Colombie-Britannique), le 24 février 1992.

PAR ORDRE DE LA COMMISSION,

LE PRÉSIDENT,

«Allan Williams»

 

 

L. ALLAN WILLIAMS, c.r.

LA COMMISSION DES PLAINTES DU PUBLIC CONTRE LA GRC

DANS L'AFFAIRE DE LA LOI SUR LA GRC, PARTIE VII;

ET D'UNE AUDIENCE CONVOQUÉE AFIN D'ENQUÊTER SUR LES PLAINTES DÉPOSÉES PAR Mme KITTY NOWDLUK-REYNOLDS,

PLAINTES Nos 2000-PCC-90721, 2000-PCC-90753, 2000-PCC-90754, 2000-PCC-90755, 2000-PCC-90756, 2000-PCC-90757

 

ORDRE DE RECEVOIR UN TÉMOIGNAGE PAR VOIE D'AFFIDAVIT

À la demande de 1'avocat de la Commission qui en a donné avis aux parties, et ces dernières ne s'y étant pas opposées, la Commission ordonne que :

1. La Commission autorise l'avocat de la Commission à recevoir le témoignage de David McWhinnie par voie d'affidavit.

2. Cet affidavit ne contient que les faits relatifs aux plaintes faisant l`objet de la présente enquête, dont David McWhinnie a le souvenir et une connaissance personnelle à l`exception de ceux pour lesquels il déclare avoir été informé et qu'il pense vrais, auquel cas il divulguera la source des renseignements et le fondement de sa croyance, et il exprimera sa croyance en la véracité de ces faits.

3. À l'audience, demande peut être adressée à la Commission pour que celle-ci reçoive cet affidavit comme preuve des faits qui y sont énoncés, qui peut être opposable par l'une des parties et faire l'objet d'une décision de la Commission, sur demande.

FAIT à Vancouver (Colombie-Britannique), le 27 février 1992.

PAR ORDRE DE LA COMMISSION,

Le Président,

«Allan Williams»

 

 

L. A. Williams, c.r.

LA COMMISSION DES PLAINTES DU PUBLIC CONTRE LA GRC

DANS L'AFFAIRE DE LA LOI SUR LA GRC, PARTIE VII ;

ET D'UNE AUDIENCE CONVOQUÉE AFIN D'ENQUÊTER SUR LES PLAINTES DÉPOSÉES PAR Mme KITTY NOWDLUK-REYNOLDS,

PLAINTES Nos 2000-PCC-90721, 2000-PCC-90753, 2000-PCC-90754, 2000-PCC-90755, 2000-PCC-90756, 2000-PCC-90757

 

ORDRE AUTORISANT LA NOMINATION D'UNE PERSONNE QUI RECEVRA

LES TÉMOIGNAGES SOUS SERMENT OU LES AFFIRMATIONS SOLENNELLES

À LA DEMANDE de 1'avocat de la Commission et sur avis donné aux parties aux présentes, qui ne s'y opposent pas, la Commission ordonne que :

1. Le Président autorise la nomination d'une personne qui recevra, à l`heure et au lieu convenus, à Vancouver (Colombie-Britannique) ou près de cette ville, le témoignage sous serment ou l'affirmation solennelle des personnes suivantes :

Betty Smith

Le caporal P. Juby

J.B. Cull (caporal à la retraite)

Le caporal J. Coldham

et leurs réponses aux nombreuses questions que les parties peuvent leur poser, ainsi que les livres, dossiers et documents qu`elles peuvent produire relativement à la présente affaire.

2. Chaque témoin dont la déposition est ainsi reçue affirme sous serment ou solennellement ce qui suit :

Vous jurez (ou affirmez solennellement) que le témoignage que vous rendrez relativement aux questions faisant l'objet de la présente enquête est la vérité, toute la vérité et rien que la vérité. (Dans le cas d'un serment, terminer par : Que Dieu vous vienne en aide.)

3. La personne qui enregistre et transcrit le témoignage fait le serment suivant ou affirme solennellement ce qui suit :

Je jure (ou j'affirme solennellement) que j'enregistrerai et je transcrirai de façon véridique et fidèle toutes les questions posées aux témoins et leurs réponses, selon les directives de l`interrogateur. (Dans le cas d'un serment, terminer par : Que Dieu me vienne en aide.)

4. À la demande de l'avocat de la Commission ou d'une partie, on peut faire un enregistrement vidéo ou sonore de la déposition d'un témoin, aux frais de cette partie. L'original de l`enregistrement est remis à l'avocat de la Commission après la réception du témoignage et gardé en sécurité jusqu'à sa remise, avec les transcriptions et tous les livres, dossiers et documents produits pendant le témoignage, comme l`exige le paragraphe 8 des présentes. Les parties ont droit à une copie de tout enregistrement fait à leurs frais.

5. L`interrogatoire de chaque témoin est exécuté par l'avocat de la Commission, et toute partie ou avocat d'une partie a le droit d'être présent lorsque le témoignage est rendu, de contre-interroger le témoin et d'examiner les pièces produites relativement à l'affaire en cause.

6. Quand, pendant l'interrogatoire d'un témoin, une objection est soulevée relativement à une question ou à une réponse, la question peut être posée et, si elle est posée, doit recevoir une réponse; l'admissibilité de la réponse est déterminée par la Commission à l'audience, avant la production en preuve de la question et de la réponse, dans la présente enquête.

7. Après réception du témoignage de chacune des personnes susmentionnées, la transcription est signée par la personne qui a enregistré ou transcrit le témoignage, qui confirme l'avoir reçu et qu'il s'agit d'une transcription exacte, et la transcription ainsi que toutes les preuves sont remises à l`avocat de la Commission.

8. L'avocat de la Commission présente au greffier, au début de l'audience de l`enquête, tous les enregistrements, transcriptions et pièces reçus conformément aux paragraphes 4 et 7.

9. La production de la déposition d'un témoin reçue conformément au présent ordre est faite sur demande présentée à la Commission à l'audience et elle peut être opposable par l'une des parties et faire l'objet d'une décision de la Commission, sur demande.

10. La Commission rembourse les frais de déplacement raisonnables de chacun des témoins qui comparaissent devant l'interrogateur.

FAIT à Vancouver (Colombie-Britannique), le 28 février 1992.

PAR ORDRE DE LA COMMISSION,

Le Président,

«Allan Williams»

 

 

 

L. A. Williams, c.r.

LA COMMISSION DES PLAINTES DU PUBLIC CONTRE LA GRC

DANS L'AFFAIRE DE LA LOI SUR LA GRC, PARTIE VII ;

ET D'UNE AUDIENCE CONVOQUÉE AFIN D'ENQUÊTER SUR LES PLAINTES DÉPOSÉES PAR Mme KITTY NOWDLUK-REYNOLDS,

PLAINTES Nos 2000-PCC-90721, 2000-PCC-90753, 2000-PCC-90754, 2000-PCC-90755, 2000-PCC-90756, 2000-PCC-90757

 

ORDRE

Après examen de la demande présentée par James W. Williams, avocat du gendarme Carlos Gramuglia, datée du 6 mars 1992;

Et après examen des observations de N. J. Schultz, avocat de la Commission, sur l'intervention probable du gendarme Carlos Gramuglia dans la preuve devant être produite à l'audience des plaintes;

IL EST ORDONNÉ que la Commission est convaincue que le gendarme Carlos Gramuglia a un intérêt direct et réel dans ces plaintes et a tous les droits prévus en vertu du paragraphe 45.45(5) de la Loi sur la GRC.

FAIT à Vancouver (Colombie-Britannique), le 6 mars 1992.

 

 

PAR ORDRE DE LA COMMISSION,

Le Président,

«Allan Williams»

 

 

 

 

L. A. Williams, c.r.

 

 

ANNEXE D

 

DÉCISIONS PRISES PAR LA COMMISSION AU COURS DE L'AUDIENCE

 

ANNEXE D-1

COMPÉTENCE DE LA COMMISSION À L'ÉGARD DE LA CONDUITE

D'UN MEMBRE DE LA GRC À LA RETRAITE

 

SITUATION DU CAPORAL G.B. CULL (À LA RETRAITE)

Le 23 mars 1992, David Gates, avocat de l'officier compétent de la Division «E» de la GRC, a contesté la compétence de la Commission de reconnaître la qualité de «partie» au caporal G.B. Cull (à la retraite) et de formuler des conclusions et des recommandations relativement à sa conduite. M. Gates a déclaré que M. Cull avait pris une retraite volontaire de la GRC le 31 juillet 1991. I1 est accepté que cette date est postérieure à la date à laquelle Kitty Nowdluk-Reynolds a déposé les plaintes, postérieure à la date à laquelle le Commissaire de la GRC a enquêté sur ces plaintes, postérieure aux dates auxquelles la GRC a envoyé des rapports à Kitty Nowdluk-Reynolds sur ces plaintes, mais antérieure à la date de l'avis de la décision du président intérimaire de la Commission de convoquer la présente audience.

M. Gatesaallégué que les articles de la partie VII de la Loi sur la GRC, qui visent toutes les questions concernant les plaintes du public, ne touchent que les personnes qui sont «membres» de la GRC ou qui sont des «personnes nommées ou employées sous le régime de la présente loi». I1 a ajouté que, puisque, au sens de la Loi, un «membre» désigne une personne nommée en vertu de la Loi qui n'a pas été renvoyée de la Gendarmerie et que, conformément au Règlement et aux ordres permanents du Commissaire, une personne qui a pris une retraite volontaire est considérée comme une personne ayant été renvoyée, M. Cull a cessé d'être un membre le 31 juillet 1991. Par conséquent, à cette date, il ne pouvait plus être considéré comme une «partie» aux fins de la partie VII de la Loi. I1 a ajouté que la partie VII ne conférait pas à la Commission le pouvoir de traiter une plainte portant sur la conduite de cette personne à la retraite pendant qu'elle était un «membre».

M. Gates a souligné que, dans les circonstances, toute recommandation formulée dans un rapport de la Commission après l'enquête, exigeant que le Commissaire prenne des mesures comme de la formation, la présentation d'excuses ou la prise d'une mesure disciplinaire, visant une personne qui a cessé d'être un membre n'aurait aucun effet, puisque le Commissaire ne peut exercer aucun pouvoir ni aucun contrôle à l'égard de cette personne.

M. Gates a reconnu que son argumentation soulève une anomalie : la conduite d'une personne qui était membre de la GRC au moment d'un incident donnant lieu a une plainte pourrait faire l'objet d'une enquête jusqu'au départ volontaire à la retraite de cette personne mais pas après, quel que soit le stage de l`enquête au moment du départ à la retraite.

M. Gates a reconnu également que l'acceptation de son argument touchant la qualité de «partie» de M. Cull ne veut pas dire qu'il n'a pas un intérêt direct et réel dans l'issue de la présente enquête, et qu'il a donc le droit, conformément au paragraphe 45.45(5), en personne ou par l'intermédiaire d'un avocat, de présenter des éléments de preuve, de contre-interroger des témoins et de faire des observations à l'audience.

En terminant son argumentation, M. Gates a informé la Commission que cette question est présentement devant la Cour fédérale du Canada, dans le cadre d'une procédure distincte résultant d'une autre plainte présentée en vertu de la partie VII de la Loi. Cependant, ce litige avait pris naissance dans des circonstances où la retraite avait précédé le dépôt de la plainte.

En réponse à cette argumentation, M. J. Harris, avocat de M. Cull, a fait valoir que, abstraction faite de la qualité de «membre» de son client, ce dernier demeure une «partie» dans la présente procédure, et la Commission a donc le droit de formuler, sur sa conduite, les «recommandations» justifiés par la preuve. I1 a ajouté que M. Cull avait un intérêt direct et réel dans l`affaire, mais que la formulation de «recommandations» ne dépend pas du droit de M. Cull à être reconnu conformément au paragraphe 45.45(5) de la Loi.

M. Harris a reconnu que le départ à la retraite de son client plaçait ce dernier hors du pouvoir du Commissaire et pouvait donc annuler toute «recommandation» que la Commission pouvait formuler.

M. N. Schultz, avocat de la Commission, a allégué que, quelle que soit l`interprétation donnée par la Cour fédérale du Canada de la compétence de la Commission de convoquer ou de poursuivre une enquête sur la conduite d'un membre à la retraite de la GRC, M. Cull demeure néanmoins une personne ayant un intérêt direct et réel et, pour cette raison seulement, il a la qualité équivalente à celle de «partie» dans la présente enquête. Ainsi, la Commission peut entendre la déposition de M. Cull sur le rôle qu'il a joué dans les plaintes, et il peut demander à son avocat de contre-interroger des témoins et de présenter des arguments en son nom. Dans les circonstances, la Commission pourrait formuler, dans son rapport établi après l'enquête, les «conclusions» sur la participation de M. Cull aux allégations et aux plaintes, que la preuve peut faire ressortir.

La Commission a reconnu qu'elle pourrait attendre de recevoir la décision de la Cour fédérale du Canada pour se prononcer sur cette question de compétence, mais elle serait obligée d'attendre le règlement définitif de tout appel de cette décision. Cependant, elle estimait qu'un tel retard serait inapproprié et que de faire droit à la contestation de sa compétence dans la présente enquête en raison du départ à la retraite de M. Cull serait contraire à l`objet de la partie VII de la Loi.

La Commission a décidé que M. Cull avait la qualité de «partie» et qu'il n`avait pas perdu cette qualité à cause de son départ à la retraite pendant la procédure intentée en vertu de la partie VII de la Loi sur la GRC.

En prenant cette décision, la Commission a reconnu que la mise en oeuvre de toute recommandation concernant M. Cull pouvait être au-delà du pouvoir du Commissaire. Néanmoins, ce fait n'empêche pas la Commission de formuler des «conclusions» ou les recommandations qui s'imposent par suite de ces conclusions. En statuant ainsi, la Commission a reconnu que ses «conclusions» et «recommandations» résultant de la conduite de M. Cull pourraient être essentielles, si elle doit expliquer ou résoudre des allégations portées dans une plainte fondée sur la conduite de celui-ci ainsi que celle d'autres personnes qui sont parties à la procédure, ou répondre à ces allégations. La Commission ne pouvait s'abstenir d'apporter ces précisions dans son rapport d`enquête.

ANNEXE D-2

CONTESTATION DE LA QUALITÉ DE PROCUREUR DES AVOCATS

DES OFFICIERS COMPÉTENTS - CONFLIT D'INTÉRÈT

Le 26 mars 1992, après l'interrogatoire principal de la gendarme J. Anderson et avant le début de son contre-interrogatoire par Davis Gates, avocat de l`officier compétent de la Division «E» de la GRC, M. K. Scarborough, avocat de la gendarme Anderson, a demandé à la Commission de se prononcer sur la qualité de procureur de David Gates et de Nancy Irving, dans l'enquête. Il a invoqué un conflit d'intérêt et a déclaré qu'il ne convenait pas que l'un et l`autre aient la qualité de procureur à l'audience et qu'ils représentent les officiers compétents de la GRC. Il a ajouté qu'ils étaient dans une situation telle que leur loyauté était divisée de façon irréconciliable et que la GRC était dans une position où ses avocats étaient en conflit.

En élaborant son argumentation, M. Scarborough a fait remarquer que, pendant sa déposition, le gendarme J. O. M. Beaudoin avait témoigné relativement à la responsabilité du ministère de la Justice des Territoires du Nord-Ouest d`organiser les dispositions de voyage des témoins devant comparaître devant les tribunaux des Territoires. Le gendarme Beaudoin a mentionné expressément une conversation qu'il avait eue avec un fonctionnaire du ministère de la Justice, indiquant qu'il prévoyait que ce fonctionnaire signale ce fait à l'attention du procureur de la Couronne, qui est également un fonctionnaire du ministère de la Justice. Dès ce moment, soutient-il, la Commission était saisie d'une preuve selon laquelle le ministère de la Justice, par l`intermédiaire de son fonctionnaire, a pu entrer en possession de renseignements concernant certaines questions touchant l'enquête tenue par la Commission et selon laquelle David Gates et Nancy Irving, qui sont également des fonctionnaires du ministère de la Justice, ont pu être mis au courant de ces renseignements. Ainsi, David Gates et Nancy Irving ne peuvent maintenant représenter les officiers en question de la GRC puisqu'ils peuvent être en possession de renseignements relatifs à la participation d'une personne qui, quoique ce soit de façon éloignée, est liée à eux.

À l'appui de son argumentation, M. Scarborough a cité l'arrêt rendu par la Cour suprême du Canada dans Martin c. Grav, 77 D.L.R. 4th 249. Dans cet arrêt, la Cour suprême du Canada établit le critère rigoureux à appliquer aux questions de conflit d'intérêt résultant d'une relation avocat-client, c'est-à-dire lorsqu'il faut se demander si un avocat a reçu des renseignements confidentiels touchant le litige et s'il existe un risque que ces renseignements soient utilisés au préjudice de son client. En outre, la Cour a statué que, dans l'application du critère, il faut déduire que des renseignements confidentiels ont été communiqués à moins que l'avocat ne convainque le tribunal du contraire, et que le tribunal devrait, d'office, frapper d`incapacité l'avocat qui a des renseignements confidentiels pertinents, à moins d'être convaincu, sur la foi d'une preuve claire et convainquante, que toutes les mesures raisonnables ont été prises pour assurer la non-communication.

Invoquant cet arrêt, M. Scarborough a alors soutenu que M. Gates et M. Irving, fonctionnaires du ministère de la Justice, avaient été retenus par la GRC et que M. Gates était sur le point de contre-interroger la cliente de M. Scarborough, la gendarme J. Anderson, concernant ses contacts avec la plaignante; puisque des allégations avaient été portées relativement au ministère de la Justice et à la participation d'un autre de ses fonctionnaires, David Gates pouvait être en possession de renseignements, ce qui créait le conflit d'intérêt, et il n'avait donc pas l'indépendance ni l`impartialité auxquelles la gendarme Anderson était en droit de s'attendre lorsqu'elle était contre-interrogée par l'avocat de son employeur, la GRC.

Dans cette argumentation, se sont joints à M. Scarborough, M. Jack Harris, avocat de M. G.B. Cull et du caporal P. Juby, ainsi que M. Richard Peach, avocat du caporal W.J. Chisholm et de la gendarme P. Tetso.

La Commission a entendu M. N. Schultz, avocat de la Commission, qui a souligné que cette dernière n'est pas un tribunal et n'a aucun pouvoir de surveillance générale sur les questions de justice, mais que les dispositions de la Loi sur la GRC lui confèrent de façon claire des pouvoirs précis. I1 a ajouté qu'au début de l'audience, la Commission avait décidé, avec l'accord de tous les avocats, que l'enquête se restreindrait, de près, aux activités des membres de la GRC liées aux six plaintes précises portées par Kitty Nowdluk-Reynolds. En orientant ainsi l'enquête, la Commission n'a pas entendu la preuve relative à des questions mettant en cause d'autres personnes comme les procureurs de la Couronne et le tribunal, puisque la compétence de la Commission se limite à la conduite des membres de la GRC. Par conséquent, seule la preuve de la conduite des membres de la GRC dans l`exercice de leurs fonctions est pertinente dans la présente procédure, et l`«équité» que la justice exige sera réalisée si les avocats limitent leur interrogatoire aux questions pertinentes. Par conséquent, qu'un avocat ait un conflit d'intérêt ou non ne discrédite pas l`enquête dans la mesure où les questions posées par celui-ci ont trait à des points liés aux questions en litige dont la Commission est saisie.

M. Schultz a également soutenu que le rôle de la Commission, dans la présente enquête, était de chercher la vérité relativement aux allégations portant sur la conduite de membres de la GRC et que le processus d`enquête était donc inquisitoire et non pas contradictoire. I1 a déclaré que c'était une distinction importante d'avec la procédure dont serait saisi un tribunal, qui exige l'application de règles strictes comme celles adoptées par la Cour suprême du Canada.

M. David Gates, pour lui-même et Nancy Irving, a répliqué à la demande de M. Scarborough en déclarant que la demande résultait d'une mauvaise compréhension de la portée de l'enquête que la Commission faisait. I1 a fait remarquer que la Commission avait été constituée afin d'enquêter sur la conduite de membres de la GRC et d'autres personnes qui travaillent ou dont les services sont retenus en vertu de la Loi sur la GRC. Ainsi, quelque tentant qu'il fût de s'embarquer dans une enquête plus vaste sur toutes les questions soulevées par les plaintes, la présente audience n'était pas le lieu pour ce faire, ni n'avait cet objectif.

I1 a ajouté que l'enquête avait pour but d'établir les faits et non d'infliger le blâme à quelqu`un, puisque les pouvoirs de la Commission, après la conclusion de l`enquête, se limitaient à la formulation de conclusions et de recommandations connexes. Ainsi, la Commission n'a pas le pouvoir de blâmer ou de critiquer un individu ou un organisme qui n'est pas visé par la Loi sur la GRC. Par conséquent, il a soutenu que la représentation des officiers en question ne suscitait chez lui ou Me Irving aucun partage de loyauté entre le ministère de la Justice et les officiers en question de la GRC.

En se prononçant sur la demande, la Commission a fait observer qu'il n'y a rien de plus important, dans l'administration de la justice au Canada, que le fait que ceux qui agissent à titre d'avocat le fassent en toute indépendance et sans la plus légère suggestion qu'un conflit d'intérêt met en jeu la représentation de leur client en raison de leurs relations avec d`autres. Elle a accepté la décision de la Cour suprême du Canada et reconnu la nécessité de la rigueur du critère énoncé dans l'arrêt Martin c. Grav. Toutefois, elle estimait que la rigueur du critère s'appliquant aux affaires dont un tribunal pourrait être saisi n'est peut-être pas nécessaire dans les cas dont elle-même est saisie en vertu de la partie VII de la Loi sur la GRC. La procédure suivie par la Commission est inquisitoire et non pas contradictoire. Par conséquent, il n'y a pas lieu de retenir des critères aussi rigoureux pour des questions comme les conflits d'intérêt. La Commission a également fait remarquer que la partie VII de la Loi sur la GRC avait été conçue pour permettre au public de prendre connaissance d'une procédure qui existait déjà pour régler les plaintes présentées par les citoyens relativement à la conduite de membres de la GRC, et, dans l'enquête que la Commission avait le pouvoir de convoquer, il était essentiel que toute la preuve relative aux questions soulevées soit examinée dans le cadre d'une audience approfondie et équitable. Dans de telles circonstances, il ne conviendrait pas que la Commission frappe d'incapacité un avocat à moins qu'elle n'ait une indication très claire qu'il y avait un conflit d'intérêt et que le conflit empêchait la présentation de preuves relatives aux questions soulevées qui étaient censées être examinées pendant l'enquête.

En outre, la Commission a souligné que, à l'opposé d'un tribunal, elle a son propre avocat qui a le pouvoir de faire comparaître devant elle, par assignation au besoin, quiconque pouvant témoigner, que la Commission considère comme approprié et essentiel à l'enquête et qui passe le critère de la pertinence. Cet élément distingue la Commission des autres tribunaux et lui permet d'éviter les conséquences d'un conflit d'intérêt possible .

La Commission a rejeté la demande présentée par M. Scarborough afin que soient frappés d`incapacité David Gates et Nancy Irving à titre de procureurs des officiers en question de la GRC.

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Date de création : 2003-08-11
Date de modification : 2006-10-25 

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