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COMMISSION DES PLAINTES DU PUBLIC CONTRE LA GENDARMERIE ROYALE DU CANADA

Rapport final du Président intérimaire

Loi sur la Gendarmerie royale du Canada

Partie VII

Paragraphe 45.46(3)

Le plaignant : Me André Simard


août 1991

Dossier : 2000-PCC-89520


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TABLE DES MATlÈRES

I Introduction

i) La procédure

ii) Toile de fonds du Rapport final

Il Commentaires et conclusions sur l'avis du Commissaire

Annexe I - Rapport de la Commission siègeant en audience publique

Annexe Il - L'avis du Commissaire


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Rapport final du Président intérimaire

I. INTRODUCTION

i) La procédure

En vertu de la Partie VII de la Loi sur la GRC, tout membre du public peut déposer une plainte concernant la conduite d'un membre de la GRC ou de toute personne employée sous le régime de la Loi sur la GRC, en autant que cette conduite soit dans l'exercice de fonctions prévues à la Loi en question. C'est à la GRC qu'il revient en premier lieu de faire enquête sur ces plaintes et d'y répondre. Lorsqu'un plaignant n'est pas satisfait du règlement de sa plainte par la Gendarmerie, il peut la renvoyer à la Commission pour examen. Si le Président de la Commission, après en avoir fait l'examen, n'est pas satisfait du règlement de la plainte par la Gendarmerie ou qu'il est d'avis qu'une enquête plus approfondie est justifiée, il peut, entre autres, convoquer une audience pour enquêter sur la plainte. S'il agit ainsi, le président doit alors désigner le ou les membres de la Commission qui tiendront l'audience et transmettre un avis écrit de sa décision de convoquer une audience au Soliciteur général du Canada, au Commissaire de la GRC, aux membres dont la conduite fait l'objet de la plainte ainsi qu'au plaignant. Doit faire partie du comité de la Commission devant tenir l'audience, le membre de la Commission qui a été nommé pour représenter la province contractante dans laquelle l'incident faisant l'objet de la plainte a eu lieu.

La Partie VII de la Loi sur la GRC stipule que l'audience est publique. Lors de cette audience le plaignant, le membre faisant l'objet de la plainte et la Gendarmerie, par l'intermédiaire de son "officier compétent", ont le droit de se faire entendre soit personnellement ou par procureur. À ce titre, ils ont droit de présenter des éléments de preuve, de contre interroger des témoins et de faire valoir leurs prétentions. De plus, toute personne qui convainc la Commission qu'elle a un intérêt direct et réel dans la plainte a aussi les mêmes droits.

Une fois l'audience terminée, le comité de la Commission doit, en vertu de la Loi sur la GRC, transmettre au Soliciteur général ainsi qu'au Commissaire, un rapport écrit énoncant les conclusions et les recommandations qu'il estime indiquées. Lors même que ce rapport est qualifié de "provisoire" dans le texte de loi, la Commission est tout de même d'avis que ce rapport doit être accessible aux parties ainsi qu'au public.

Le Commissaire de la GRC doit ensuite réviser la plainte à la lumière des conclusions et des recommandations énoncées au rapport. Une fois sa révision complétée, le Commissaire doit transmettre au Soliciteur général et au Président de la Commission un avis écrit de toutes mesures additionnelles prises ou devant l'être quant à la plainte. S'il choisit de s'écarter des conclusions ou des recommandations énoncées au rapport, il motive son choix dans l'avis en question. Après examen de l'avis, le Président de la Commission établit et transmet au Ministre, au Commissaire et aux parties un rapport écrit final énoncant les conclusions et les recommandations qu'il estime indiquées. Ce rapport final, au même titre que l'est un rapport du Comité de la Commission, est aussi accessible au public.

ii) Toile de fonds du rapport final

Le ou vers le 20 juillet 1989, le plaignant, Me André Simard, s'est rendu au détachement de la Gendarmerie royale du Canada situé au 4225 ouest, boulevard René Lévesque, afin d'y déposer des plaintes, le tout conformément à l'alinéa 45.35(1)(b) de la Loi sur la GRC.

En date du 17 octobre 1989, le plaignant qui n'était pas satisfait du règlement de ses plaintes par la Gendarmerie, les a renvoyées par écrit devant la Commission pour examen selon les dispositions du paragraphe 45.41(1) de la Loi.

Chacune de ces plaintes ont été examinées par le Président de la Commission et ce dernier, n'étant pas satisfait de leur règlement, a décidé de convoquer une audience publique en vertu de l'alinéa 45.42(1)(c) de la Loi. Un comité de trois membres a été établi pour instruire cette affaire, à savoir Me Fernand Simard (à titre de Président), Me Gisèle Côté-Harper, c.r., et Me Judith MacPherson.

Le 4 mai 1990, le Président du comité de la Commission a fait parvenir un avis à la Procureure générale du Canada et au Procureur général du Québec les informant que, lors de l'audience de cette plainte, la question suivante serait débattue :

Selon l'état actuel des choses, un membre de la GRC a-t-il le pouvoir de faire respecter les lois provinciales dans la province de Québec?

Le comité de la Commission invita donc les deux procureurs généraux à se joindre au débat. Ce même avis fut signifié aux autres parties en cause, soit le membre de la GRC, le plaignant et l'officier compétent.

La Procureure générale du Canada et le Procureur général du Québec sont intervenus par l'intermédiaire de leur procureur respectif en faisant parvenir au comité de la Commission une requête à cet effet.

L'audience se tint à Montréal les 26 juin et 20 novembre 1990.

Furent parties à l'audience, le plaignant, Me André Simard, le gendarme Paul Émile Desautels faisant l'objet de la plainte, la GRC par la voie de son officier compétent, et les procureurs généraux du Canada et du Québec. Le rapport du comité de la Commission, en date du 11 mai 1991, a été remis au Soliciteur général du Canada ainsi qu'au Commissaire de la GRC. Le 18 juin 1991, le Commissaire de la GRC transmit au Soliciteur général du Canada ainsi qu'au Président de la Commission, son avis écrit donnant suite au rapport du comité de la Commission dans lequel il indiqua les mesures additionnelles qui seraient prises ou devraient l'être quant à la plainte.

Le présent rapport est le rapport final du Président de la Commission tel que prévu à la Partie VII de la Loi sur la GRC. Sont reproduits en Annexe I, le rapport du comité de la Commission qui a mené l'audience et en Annexe II, le texte de l'avis du Commissaire daté du 18 juin 1991.


II. COMMENTAIRES ET CONCLUSIONS SUR L'AVIS DU COMMISSAIRE

Voici ce que dit le Commissaire à l'égard des constatations et des recommandations du comité de la Commission. Pour plus de clarté, chaque paragraphe ou groupe de paragraphes de l'avis sera repris et fera ensuite l'objet de mes commentaires :

En ce qui a trait à l'allégation de conduite dangereuse et imprudente par le gendarme Paul-Émile Desautels, je partage l'Avis de la Commission que cette accusation n'est pas fondée.

En ce qui touche la présumée arrestation illégale, je n'ai relevé aucune preuve que le gendarme Desautels a mis le plaignant en état d'arrestation et donc je partage la constatation que le plaignant a été détenu par le gendarme et arrêté par les agents de la Sûreté du Québec.

Je n'ai aucun commentaire à ajouter à ceux du Commissaire, ces derniers étant tout à fait conformes aux constatations et conclusions dans le rapport du comité de la Commission.

Je reconnais dans le présent cas que le gendarme Desautels a retenu illégalement le plaignant car il n'avait pas la compétence de mettre en application les lois provinciales. Le représentant de la Procureure générale du Canada ainsi que le représentant de l'officier compétent de la GRC ont d'ailleurs reconnu que tel était le cas.

Encore ici, les commentaires du Commissaire sont tout à fait conformes aux conclusions du comité de la Commission et je n'ai aucun autre commentaire à ajouter.

Pour ce qui est de la prétendue menace de violence afin d'obtenir les documents nécessaires du plaignant, j'ai relevé que la C.P.P. croit que le geste, si geste il y a eu, était plutôt une manifestation de fermeté de la part du membre de la GRC. Je dois avouer que j'ai de la difficulté à saisir où il y a eu menace. L'officier compétent a nettement expliqué dans son rapport définitif que le membre insère le bâton de défense dans l'anneau de la ceinture lorsqu'il sort de son véhicule. Lorsqu'il accomplit ce geste le membre peut également fort bien ajuster d'autres articles ou objets qu'il porte à sa ceinture avant de s'approcher d'une personne. Donc, je suis porté à croire que le membre ajustait son bâton de défense dans sa ceinture et que son geste ne constituait pas une menace. Je partage la dernière constatation de la Commission. Le membre n'avait pas la compétence nécessaire pour mettre en application des lois québécoises et n'avait pas le pouvoir de demander au plaignant des pièces d'identité dans ce cas.

En lisant le passage souligné, le lecteur pourrait croire que le Commissaire réplique à une conclusion du comité de la Commission, qu'il y aurait pu y avoir menace de la part du gendarme Desautels dans son geste. Il est clair cependant à la lecture du rapport du comité de la Commission que ce dernier n'est nullement arrivé à cette conclusion. Il sied de citer le passage pertinent tel qu'il appert à la page 39 du rapport du comité de la Commission :

Le [comité] de la Commission n'est pas fixé sur laquelle des deux versions, de Me Simard ou du gendarme Desautels, [il] doit préférer. Par ailleurs, même si le [comité] de la Commission choisissait d'adopter la version de Me Simard, il ne pourrait s'empêcher de conclure que ce geste a eu pour effet d'éviter que la situation ne devienne plus grave. Les esprits étaient échaudés. Il ne fallait surtout pas que la température augmente. Menace de violence? Le [comité] de la Commission croit plutôt à une démonstration de fermeté, si le geste a été fait

Ceci dit, ce même passage souligné peut aussi être interprété comme étant une réflexion de la part du Commissaire par laquelle il veut convaincre le lecteur que, dans son esprit, il ne pouvait pas y avoir eu de menace proférée par le gendarme Desautels. D'ailleurs, ne conclut-il pas qu'il est porté à croire "que le membre ajustait son bâton de défense dans sa ceinture et que son geste ne constituait pas une menace". À tout prendre, je crois que cette dernière interprétation du passage est la plus juste.

Quant au reste, le Commissaire partage la dernière constatation du comité de la Commission et je n'ai rien à ajouter à ceci.

Pour ce qui est du prétendu abus de pouvoir, j'accepte la constatation voulant que rien n'indique que le membre ait agi de mauvaise foi. Le membre croyait qu'il avait la compétence nécessaire et qu'il avait le droit d'arrêter sur une route provinciale une personne qui commettait un excès de vitesse.

Compte tenu de l'acceptation par le Commissaire de la constatation qui a été faite par le comité de la Commission, je n'ai rien à ajouter.

J'accepte la recommandation no 1 et je demanderai au commandant de la Division « C » de s' assurer que le plaignant reçoit une lettre d'excuses. Je demanderai également au commandant de la Division « C » d'inviter le gendarme Desautels à faire ses excuses au plaignant. Toutefois, il appartiendra au membre de décider ce qu'il veut faire car des excuses données sous la contrainte d'un ordre sont sans sincérité.

J'accepte également la recommandation no 2 et je demanderai au Directeur de la Police générale d'étudier la question et d'indiquer par la suite à tous les membres de la GRC de la situation juridique qui est propre à la province de Québec.

J'accepte aussi la recommandation no 3 et je demanderai au Directeur de la Police générale d'étudier la question et d'avertir tous les membres de la situation juridique qui est propre à toute autre province et municipalité ainsi qu'à tout autre territoire où il n'existe pas d'entente de services policiers entre la province, le territoire ou la municipalité et le gouvernement fédéral.

Étant donné que toutes les questions portent directement sur la plainte, j'accepte la recommandation no 4 et j'expliquerai au Président de la Commission des plaintes du public les mesures que la GRC a prises dans ce dossier.

Je note l'acceptation par le Commissaire des quatre recommandations qui ont été formulées par le comité de la Commission et me déclare entièrement satisfait de ceci.

Je n'ai donc aucune conclusions ou recommandations à énoncer dans le présent rapport final et me déclare entièrement satisfait de l'avis du Commissaire.

Le présent rapport est établi par le Président intérimaire tel qu'autorisé à ce faire en vertu du paragraphe 45.3(2) de la Loi sur la GRC.

Fernand Simard
Président intérimaire
OTTAWA, ce 9ième jour d'août 1991.


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ANNEXE I

COMMISSION DES PLAINTES DU PUBLIC CONTRE LA GENDARMERIE ROYALE DU CANADA

Loi sur la Gendarmerie royale du Canada

Partie VII

Paragraphe 45.45(14)

Audience publique

relative aux plaintes

déposées par

Me André Simard

RAPPORT DE LA COMMISSION

Fernand Simard
Gisèle Côté-Harper, c.r.
Judith MacPherson


ONT COMPARU :

Me Simon Noël
Procureur de la Commission des plaintes du public contre la GRC
111, rue Champlain
HuIl (Ouébec)
J8X 3R1

Me Luc Carbonneau
Procureur du gendarme Desautels
41 est, rue Notre-Dame
Pièce 801
Montréal (Ouébec)
H2Y 1B8

Me André Morin et Mark L McCombs
Procureurs de l'officier compétent (GRC)
Gendarmerie royale du Canada
1200, promenade Vanier
Ottawa (Ontario)
K1A 0R2

Me André L'Espérance
Procureur de la Procureure générale du Canada
200 ouest, boulevard René-Lévesque
Tour E, 9e étage
Montréal (Ouébec)
H2Z 1X4

Me Louise Provost
Procureure du Procureur général du Ouébec
Palais de Justice
1 est, rue Notre-Dame
Montréal (Ouébec)
H2Y 1B6


I. LES PLAINTES

Le ou vers le 20 juillet 1989, le plaignant, Me André Simard, s'est rendu au détachement de la Gendarmerie royale du Canada situé au 4225, boul. René Levesque ouest, afin d'y déposer des plaintes, le tout conformément à l'alinéa 45.35(1)b) de la Loi sur la GRC.

Les plaintes ont été faites par écrit et ont été déposées sous la pièce P-4 lors de l'audience publique qui a été tenue les 26 juin et 20 novembre 1990. Dans sa lettre, le plaignant décrit sa version d'un incident qui eut lieu le mercredi, 19 juillet 1989. Vers 17 h, alors qu'il circulait en direction ouest sur le chemin Côte de Liesse, il fut intercepté par une voiture-patrouille propriété de la GRC et conduite par un membre de ce corps policier.

Qu'il nous suffise d'extraire de cette lettre les éléments essentiels qui forment les plaintes déposées contre le gendarme Paul-Émile Desautels.

À la page trois de sa lettre adressée au Commissaire adjoint J.A.M. Breau, commandant de la Division "C", le plaignant décrit les plaintes qu'il entend déposer :

Je crois que l'agent de la GRC, s'est rendu coupable de diverses infractions, dont les suivantes, pour lesquelles je désire porter plainte, à savoir :

a) conduite d'une façon dangereuse et insouciante ;

b) arrestation illégale ;

c) détention illégale ;

d) menaces de violence en vue d'obtenir illégalement et obtention illégale de mon permis de conduire, de mon certificat d'immatriculation et de mon attestation d'assurance ;

e) abus de pouvoir.

Dans sa lettre, le plaignant souligne qu'il a déclaré au gendarme Desautels : "qu'il n'avait toujours pas le droit de m'arrêter et de me détenir, comme il l'avait fait puisqu'il n'avait aucune juridiction sur le territoire." Vu cette absence de juridiction, il ne pouvait être considéré dans l'exercice de ses fonctions et ne pouvait agir comme "agent de la paix".


II. LA PROCÉDURE

Les plaintes de Me Simard ont fait l'objet d'une enquête menée par la Gendarmerie et au terme de cette enquête, le Commissaire a transmis au plaignant et au membre concerné un rapport signé par le surintendant G. Guay, l'officier responsable, Administration et personnel à la Division "C". Ce rapport a été déposé lors de l'audience sous la cote P-12 et se lit comme suit :

L'enquête menée suite à votre plainte du 20 juillet dernier est maintenant terminée.

Chacune des allégations que vous avez invoquées comme justification de votre plainte a été étudiée. Ces allégations étaient ainsi formulées :

a) conduite d'une façon dangeureuse et insouciante ;

b) arrestation illégale ;

c) détention illégale ;

d) menaces de violence en vue d'obtenir illégalement et obtention illégale de mon permis de conduire, de mon certificat d'immatriculation et de mon attestation d'assurance ;

e) abus de pouvoirs.

Après avoir entendu les témoignages de toutes les parties en cette affaire, il ressort qu'en aucun moment vous n'avez mentionné aux agents de la Sûreté du Québec les quatre premières allégations de votre plainte. En effet, les agents de la S.Q. ne rapportent que votre insistance sur le fait que notre membre n'avait aucune juridiction et votre déclaration que c'est pour cette raison que vous disiez avoir refusé d'immobiliser votre véhicule.

Par ailleurs, notre membre déclare avoir inséré son bâton dans son fourreau, en quittant son véhicule, tel que le prévoient les directives et nie avoir esquissé un geste menaçant à votre égard avec ledit bâton.

Nous nous trouvons donc ici en face de deux versions contradictoires des faits, et rien ne vient corroborer une version ou l'autre. Il s'ensuit que nous ne pouvons conclure à la culpabilité de notre membre et de ce fait ne pouvons retenir ces allégations contre lui.

Pour ce qui est de l'allégation d'abus de pouvoirs, elle ne peut non plus être retenue contre lui puisqu'il n'a pas outrepassé les pouvoirs qui lui sont conférés par les articles 3, 9 et 18 de la Loi sur la GRC.

Quant à la situation de "non juridiction" dans laquelle se serait trouvé notre membre, nous croyons qu'il possède cette juridiction, et qu'il a agi de manière à prêter assistance aux agents de la S.Q. et que ce faisant il ne faisait que son devoir de policier.

Toutefois, si vous n'étiez pas satisfait de la manière dont nous avons traité votre plainte, vous pouvez en vertu de l'article 45.41 de la Loi sur la GRC la renvoyer, par écrit, devant la Commission des plaintes du public contre la G.R.C., C.P. 3423, Succursale "D", Ottawa (Ontario), K1P 6L4, téléphone : 1(800) 267-6637.

Recevez, cher Maître, nos salutations distinguées.

Le Surintendant,


(signé)


G. Guay, Sdt
Officier responsable
Administration et personnel
Division "C"

En date du 17 octobre 1989 le plaignant qui n'était pas satisfait du règlement de ses plaintes par la Gendarmerie les a renvoyées par écrit devant la Commission pour examen selon les dispositions du paragraphe 45.41(1) de la Loi.

Le président de la Commission a examiné chacune des plaintes et, comme il n'était pas satisfait de leur règlement, a décidé de convoquer une audience publique en vertu de l'alinéa 45.42(1)c) de la Loi. À cet effet, un banc de trois membres a été établi pour instruire cette affaire. Ce banc, d'après la Loi, devient la Commission.

Le 4 mai 1990, la Commission, sous la signature du président du banc, a fait parvenir un avis à la Procureure générale du Canada et au Procureur général du Québec les informant que lors de l'audience de cette plainte, la question suivante serait débattue :

Selon l'état actuel des choses, un membre de la GRC a-t-il le pouvoir de faire respecter les lois provinciales dans la province de Québec?

La Commission invita donc les deux procureurs généraux à se joindre au débat. Ce même avis a été signifié aux autres parties en cause soit le membre de la GRC, le plaignant, et l'officier compétent.

La Procureure générale du Canada et le Procureur général du Québec sont intervenus par l'intermédiaire de leur procureur respectif et les deux requêtes en intervention ont été reçues lors de l'audience sans objection des autres parties.


III. LES FAITS

Témoignage de Me André Simard

Entre 16h30 et 17h, le jeudi 19 juillet 1989, Me Simard circulait sur l'autoroute Côte de Liesse en direction ouest. Un peu à l'ouest de l'autoroute 13, il a remarqué une voiture-patrouille de la GRC qui circulait sur la voie de service et qui voulait s'introduire sur Côte de Liesse en direction ouest. Les deux chauffeurs se sont regardés et le plaignant n'a pas cédé le droit de passage au véhicule-patrouille. Ce dernier a dû ralentir avant de s'introduire sur Côte de Liesse. Par la suite, le plaignant a remarqué que le véhicule-patrouille se plaça immédiatement derrière son véhicule et chaque fois que le plaignant changeait de voie, il était toujours suivi de très près par le véhicule conduit par le gendarme Desautels.

À un moment donné, le plaignant aperçut un véhicule-patrouille de la Sûreté du Québec qui avait intercepté deux voitures. Les trois étaient arrêtées à droite sur l'accotement. Le plaignant continua sa route. Soudain il remarqua que les clignotants(1) du véhicule-patrouille étaient en marche. Il se range un peu et fait signe au chauffeur du véhicule-patrouille de "passer". Le policier fait un signe avec son doigt qui voulait dire, selon le plaignant, "c'est toi que je veux". Et le plaignant immobilise son véhicule sur un espace gazonné.

(1) Me Simard précisa en contre interrogatoire qu'il s'agissait en réalité des gyrophares bleus et rouges sur le toit du véhicule qui étaient en état de fonctionnement.

Les deux chauffeurs sortent de leur véhicule. Le policier demande au plaignant de lui donner son permis de conduire et les enregistrements de son véhicule. Le plaignant rétorque alors au policier qu'il n'a pas juridiction sur les lieux ; qu'il n'a pas le droit de demander la production de ces papiers et, qu'en plus, il n'avait pas le droit de l'arrêter.

C'est alors que le policier aurait mis la main sur "sa matraque" et l'aurait soulevé de son fourreau d'au moins trois pouces. Me Simard produisit les documents demandés et retourna à son véhicule. Après une attente de dix minutes, Me Simard décida de se rendre au véhicule-patrouille et indiqua au policier qu'il était attendu à une cérémonie d'ouverture et pria le policier de lui remettre sa contravention.

Le gendarme lui ordonna de retourner dans son véhicule et d'attendre. Dix ou quinze minutes plus tard, trois voitures de la Sûreté du Québec arrivèrent sur les lieux. Mais une seule y demeura.

Un des policiers de la Sûreté demanda au plaignant de le suivre à son véhicule afin que l'on puisse prendre une déclaration. Le plaignant se conforma à cette demande et prit place sur la banquette arrière du véhicule.

Il est alors informé qu'il est en état d'arrestation pour refus d'obéir à un agent de la paix, et d'avoir causé une entrave à la justice.

Le plaignant s'identifie comme avocat, et les policiers de la Sûreté du Québec le relâche sans émettre de contravention. Mais une semaine plus tard, il reçoit par le courrier une contravention sous l'autorité du Code de Sécurité routière. C'est la pièce P-2.

Interrogé par Me Morin, Me Simard admet qu'il allait au-delà de la vitesse permise sur la Côte de Liesse. Mais, ajouta-t-il, tout le monde circulait plus rapidement que la vitesse permise. Il suivait le courant de la circulation. Me Simard a aussi fait état qu'en voyant le véhicule-patrouille de la GRC sortir de la voie de service pour s'insérer dans la circulation sur la Côte de Liesse, ce dernier n'avait pas activé son clignotant pour indiquer son intention de tourner à gauche dans la circulation. Vu le défaut de signalisation, Me Simard n'avait pas l'intention de lui laisser l'espace pour passer.

Me Simard explicita de plus que c'était les policiers de la Sûreté du Québec qui lui avaient dit qu'il était en état d'arrestation.

À une question posée par le Président au sujet de la matraque qui avait été tirée de son fourreau d'à peu près trois pouces, Me Simard indiquait que ceci s'est fait en même temps que le policier prononçait sa demande : "Me les donnes-tu, tes papiers, oui ou non?"

Témoignage du gendarme Desautels

Le gendarme Desautels déclare qu'il est à l'emploi de la Gendarmerie royale du Canada depuis vingt ans. Du 17 décembre 1973 au 31 mai 1990, il était en poste au détachement de Dorval à l'aéroport de Dorval.

Questionné par le procureur de la Commission, le gendarme Desautels décrit ses fonctions

Q. Quel est le pourcentage de travail en fonction d'autres responsabilités ... je ne veux pas entrer dans les détails, constable, mais la supervision des routes autour de l'aéroport occupait combien de pourcentage de votre temps.

R. Environ 20 à 30 pour-cent de notre temps, c'est sur les routes.

Q. Et ça, j'entends les routes sur le territoire même de l'aéroport de Dorval?

R. Oui fait le tour complet de l'aéroport.

Q. Donc, un territoire fédéral, des terrains appartenant au gouvernement fédéral.

R. Les terrains, les routes, Côte de Liesse, Montée-de-Liesse, Montée-des-Sources, qui suit des routes provinciales et municipales, tout le tour.

Q. Est-ce qu'on vous donne un mandat écrit à la GRC pour la surveillance des routes? D'où prenez-vous votre mandat?

R. Ça fait partie de nos fonctions.

Q. Les fonctions sont décrites à quel endroit, constable?

R. On a des ordres qui sont écrits et puis, là-dedans, c'est marqué qu'on doit appliquer les lois provinciales, municipales, fédérales.

Q. Quand vous dites "des ordres", est-ce que vous vous référez à la loi et aux règlements de la GRC?

R. Les règlements de la RCA (Règlements à la circulation sur les terrains du Gouvernement, Règlement concernant le contrôle de la circulation, des véhicules à moteur, des piétons, des aéronefs et du matériel aux aéroports). Le règlement de circulation aux aéroports dit qu'on est là pour appliquer les règlements provinciaux et municipaux ou autres lois connexes, dépendant dans la province où est-ce qu'on est.

Le gendarme Desautels ajoute que lors de la formation des recrues à Regina, en Saskatchewan, on enseigne qu'ils doivent aider les autres corps de police, leur prêter assistance : "Donc, à partir de ce moment-là, lorsqu'on arrive dans les provinces à contrat ou ailleurs, on va appliquer les règlements qui sont en vigueur dans la province où est-ce qu'on se trouve à être mandaté".

Questionné à ce sujet, le gendarme Desautels n'est pas en mesure de dire si les provinces de l'Ontario et du Québec sont des provinces contractuelles.

À l'aide d'un plan (pièce 1) le témoin explique qu'en date du 19 juillet 1989, il circulait sur la voie de service Côte de Liesse en direction ouest.

Alors qu'il circulait sur la voie de service, il aperçut deux véhicules passer à haute vitesse suivis d'un véhicule de la Sûreté du Québec. Et il aperçut par la suite, le véhicule de Me Simard.

Le gendarme relate qu'il a augmenté sa vitesse à 120 km/h pour être côte à côte avec le véhicule conduit par le plaignant, mais qu'il dût ralentir avant de s'engager sur Côte de Liesse pour éviter de frapper le véhicule de Me Simard.

Le gendarme témoigne à l'effet que :

Je me suis demandé si ce véhicule-là avait été impliqué soit dans un délit de fuite ou quelque chose puis la Sûreté du Québec couraillait les deux autres véhicules pour cet effet-là ou quelque chose.

En résumé, le gendarme Desautels relate les manoeuvres qu'il a faites afin d'intercepter le véhicule conduit par le plaignant. Il quitte la voie de service, s'engage sur Côte de Liesse, se place à l'arrière du véhicule du plaignant, le suit à une distance de 18 à 20 pieds ; le véhicule du plaignant ralentit et ensuite augmente sa vitesse. Le gendarme décide de faire fonctionner ses gyrophares. Il s'explique comme suit :

R. Parce que je me suis aperçu que, Monsieur, il excédait la vitesse et puis que, réellement, il continuait à faire son infraction, malgré

Q. Il excédait la vitesse, selon votre propre dire, depuis l'entrée de service de Côte de Liesse?

R. C'est bien ça.

Q. Mais pourquoi vous avez décidé soudainement?

R. Parce que j'avais assez de preuves à ce moment-là si j'avais à aller à la cour pour le billet.

À la question du procureur de la Commission quant aux motifs du policier de rester toujours à l'arrière du véhicule du plaignant lorsque ce dernier changeait de voie de circulation, il répond :

Ça monsieur, c'est la façon qu'ils nous ont montré à conduire défensivement et puis la façon qu'ils nous ont montré à Regina lors de l'entraînement pour intercepter les véhicules et pour prendre nos preuves, et puis c'est la façon que j'ai été éduqué à conduire par la GRC.

Avant l'interception du véhicule du plaignant, le gendarme nous explique qu'il a activé ses gyrophares et sa sirène, qu'il a passé à côté du véhicule du plaignant, lui a fait signe de se ranger, que le plaignant l'a regardé, s'est retourné, a continué son chemin. Le témoin ajoute qu'à deux reprises il a fait signe au plaignant de se ranger, et que ce dernier a refusé et a même augmenté sa vitesse à 140 km/h.

Finalement, le gendarme a réussi à obliger le plaignant à ralentir et à s Après l'interception, le gendarme descend de son véhicule, met son bâton dans son fourreau, ajuste sa casquette et s'avance vers le plaignant. Suit un échange de mots entre les deux. Le témoignage du gendarme corrobore en partie celui du plaignant à l'effet que le plaignant lui aurait laissé savoir qu'il n'avait "pas d'affaire" à donner son permis de conduire et les enregistrements de son véhicule tel que lui demandait le gendarme, mais il les lui remit tout de même. Le gendarme retourna à son véhicule et demanda de l'aide de la Sûreté du Québec pour émettre la contravention. Il demanda cette aide parce que, selon ses propres mots, il était sur "leur terrain". Si l'infraction avait été commise "au municipal" il aurait appelé la police municipale. Ainsi, une fois les agents de la Sûreté sur les lieux, le gendarme Desautels remit son constat à l'agent Boisvert de la Sûreté (pièce P-5), ainsi que la contravention qu'il avait rédigée.

Questionné par son procureur, le gendarme Desautels explique que dans certaines circonstances la Gendarmerie prête assistance à d'autres corps policiers comme, par exemple, la Sûreté du Québec ou d'autres corps policiers municipaux.

Q. Pouvez-vous expliquer, pour la bonne compréhension des membres de la Commission, qu'est-ce que vous entendez, vos collègues et vous, par "assistance"? D'abord, je comprends que c'est un anglicisme qui est traduit de ...

R. Par "assistance" ce qu'on comprend, c'est que, si on voit une infraction être commise sur le territoire soit de la CUM ou Côte de Liesse, Sûreté du Québec, ou sur un autre territoire, on va agir en tant que policier, premièrement. Donc, si on voit ... je ne sais pas, moi ... un "break and enter", une bataille ou quoi que ce soit qui est hors de l'ordinaire, comme premier répondant, on va agir.

Deuxièmement, avec nos pouvoirs de la GRC, d'agents de la paix, on va détenir s'il faut détenir puis on appelle le corps concerné, soit le municipal ou le provincial, qui a juridiction pour porter les charges à ce moment-là pour répondre à la situation.

Plus loin, le témoin déclare suite à une question de son procureur :

Q. Est-ce que je dois comprendre de votre témoignage que, le 19 juillet 1989, lorsque vous avez constaté les faits, sur lesquels je reviendrai plus tard, impliquant Monsieur Simard, le plaignant, vous avez agi dans ce sens-là?

R. Effectivement.

Se référant à la pièce P-5 (la contravention qu'il a émise), le gendarme Desautels explique que ce document est un aide-mémoire et non pas un avis de contravention. Cet aide-mémoire, poursuit le gendarme Desautels, devait servir pour les fins des procédures à la Cour, le cas échéant.

Le gendarme Desautels dépose ensuite son rapport d'événements (pièce P-6). Il s'agit d'un rapport qu'il doit rédiger et remettre aux autorités du détachement dont il fait partie. On note, à la lecture du rapport, l'inscription, dans le casier intitulé "précisions sur l'incident", la mention suivante :

"Vitesse excessive et refus d'arrêter."

Poursuivant sa narration, le gendarme Desautels explique qu'il s'est rendu au poste de la Sûreté du Québec et a rempli une déclaration statutaire dans laquelle il a décrit les événements qui s'étaient passés.

Le gendarme Desautels expliqua pourquoi il avait décidé d'intercepter le véhicule conduit par le plaignant :

R. Brève, la façon qu'il roulait en arrière des personnes de la Sûreté du Québec, je me posais des questions, parce qu'à un moment donné, lorsque ... par la suite, lorsque les gars de la Sûreté ont mis leurs gyrophares, il s'est tassé en arrière comme il aurait eu peur d'eux-autres ou quelque chose. Donc, j'ai figuré qu'il avait peut- être d'autres choses à cacher ou quoi que ce soit.

C'est pour ça que j'ai décidé d'intervenir puis de partir après.

Le témoin précisa, à la demande du tribunal :

Q. À ce moment-là, lorsque vous avez aperçu la voiture de Monsieur Simard, est-ce qu'à votre connaissance le détachement de la Sûreté du Québec avait demandé au détachement de la GRC de l'assistance dans ce cas-là?

R. Non.

Et le tribunal de poursuivre :

Q. Donc, en l'espèce ... et je ne veux pas faire du contre interrogatoire ; je veux être en interrogatoire direct ... votre évaluation de la situation, quelle était-elle?

R. Que monsieur Simard avait fait avec son véhicule un excès de vitesse.

Le témoin expliqua au tribunal les raisons pour lesquelles il avait inclus dans son rapport (pièce P-6) la mention "refus d'arrêter". Selon son témoignage, il avait indiqué à deux reprises à Me Simard de s'immobiliser puis, vu son défaut de le faire, il dût le "tasser" afin de le forcer à s'immobiliser. C'est ce qu'il expliqua à l'agent Boisvert de la Sûreté du Québec. C'était aux policiers de la Sûreté de décider ce que serait la description de l'infraction. Mais le gendarme Desautels serait ensuite appelé à témoigner si l'affaire se poursuivait devant les tribunaux.

Témoignage du sergent d'état-major Gaston Pichette

Le sergent d'état-major Gaston Pichette, est en charge des opérations du détachement de la GRC de Dorval. Au moment des incidents, il était en charge de la section à l'aéroport et, à ce titre, il était le supérieur hiérarchique du gendarme Desautels.

Le sergent d'état-major a expliqué au tribunal la procédure à suivre lorsqu'une contravention est émise et la façon dont on dispose de cette contravention. Dans les circonstances impliquant le plaignant, il a lui-même annulé le billet et toute autre procédure judiciaire car son émission résultait d'une erreur administrative de la part du personnel oeuvrant au détachement. Le témoin a de plus déclaré qu'il n'y avait pas d'entente écrite entre la Sûreté du Québec, la Sûreté municipale de Montréal et la Gendarmerie permettant à cette dernière d'appliquer le Code de la sécurité routière sur les routes provinciales dans les environs de l'Aéroport international de Dorval. Il ajouta qu'il y avait plutôt une entente, qui semblerait verbale, "d'entraide mutuelle".

Questionné par Me Carbonneau, le témoin déclara que, selon lui, le gendarme Desautels ne s'était rendu coupable d'aucune faute, soit administrative ou opérationnelle, au cours de l'incident en question.

Témoignage de M. Gérard Roberge

M. Roberge était, à l'époque des incidents, l'officier responsable du poste Montréal-Métro de la Sûreté du Québec. Il corrobore le témoignage du sergent d'état-major Pichette à l'effet qu'il n'y a aucune entente écrite entre la Gendarmerie et la Sûreté du Québec concernant l'autorisation des membres de la GRC de faire respecter les lois provinciales et en particulier le Code de la sécurité routière. Monsieur Roberge nous explique qu'un dossier "a été ouvert" par la Sûreté du Québec au sujet d'une infraction au Code de la sécurité routière et une entrave à l'action d'un agent de la paix. M. Roberge n'est pas au courant d'ententes écrites ou verbales qui pourraient exister entre la Sûreté du Québec et la GRC concernant l'autorisation qui pourrait être donnée aux policiers de la GRC de faire respecter les lois provinciales, ou plus particulièrement le Code de la sécurité routière. Quand à lui, par ailleurs, la GRC a juridiction à travers le Canada. Toujours selon lui, un policier de quelque organisme qu'il soit, fédéral, provincial ou municipal, a le devoir d'intervenir lorsqu'il voit la commission d'une infraction.

Monsieur Gilbert, ainsi que le sergent d'état-major Pichette, ont discuté du dossier mais d'après monsieur Gilbert ce n'était pas un cas problème. Il n'y avait rien d'anormal.

Pour ce qui est de l'accusation d'entrave à la justice qui aurait été portée contre Me Simard, monsieur Gilbert expliqua que les faits avaient été portés à la connaissance du Procureur de la Couronne et ce dernier avait conclu qu'il n'y avait pas matière à procéder avec une accusation pour entrave à la justice contre Me Simard.

Le témoignage de l'agent Boisvert

L'agent Boisvert indiqua à la Commission que suite à une demande d'assistance qui provenait de la GRC de Dorval, il s'était rendu sur l'autoroute Côte de Liesse, direction ouest, à la hauteur du rond-point de Dorval, pour prêter assistance à un policier. Il s'agissait du constable Desautels qui venait, selon lui, d'intercepter un véhicule. L'agent Boisvert, qui était accompagné de l'agent Saulnier, se rendit vers l'agent Desautels pour savoir ce qu'il en était.

Après avoir entendu la version de ce dernier, il conclut que le geste de Me Simard de refuser, à prime abord, de remettre ses papiers constituait purement et carrément une entrave.

Par la suite, les deux agents se dirigèrent vers le véhicule de la Sûreté avec Me Simard. Ils l'invitèrent à s'asseoir sur la banquette arrière. D'après l'agent Boisvert, Me Simard semblait nerveux. Mais il était aussi pressé. Lorsqu'invité à le faire, Me Simard refusa de faire une déclaration. Me Simard indiqua à l'agent Boisvert que selon lui le policier de la GRC n'avait pas juridiction de l'arrêter.

Le témoignage du sergent Saulnier

Le sergent Saulnier accompagnait l'agent Boisvert. Arrivé sur les lieux, l'agent Boisvert se dirigea vers Me Simard. Ce dernier lui aurait expliqué qu'il roulait sur Côte de Liesse et que le constable Desautels avait essayé de le tasser.

Le sergent Saulnier se rappelait aussi que Me Simard lui avait fait valoir que le gendarme Desautels n'avait pas juridiction sur cette autoroute.

Une fois installé sur la banquette arrière, Me Simard fut informé par l'agent Boisvert qu'il était en état d'arrestation pour entrave. Les deux policiers gardèrent Me Simard dans le véhicule-patrouille pour une période de dix à quinze minutes.

C'est le sergent Saulnier qui a rédigé la pièce P-2.

Suite à ce témoignage, l'audience fut ajournée et ne put reprendre son cours que le 20 novembre 1990.

Au début de la nouvelle séance, le procureur ad hoc, Me Noël, informa le tribunal qu'il avait été en communication avec les autres procureurs et que tous furent d'accord pour qu'un avis d'expropriation daté du 8 mai 1963 déposé au Bureau d'enregistrements de Montréal, ainsi qu'une carte de la Côte de Liesse et de ses environs, soient déposés en preuve, le tout en liasse, pour porter le numéro de pièce P-8.

Suite à ce dépôt, le président de la Commission voulut savoir si certaines conclusions pouvaient être tirées sur la question de savoir si la Côte de Liesse était bel et bien une route provinciale.

Me Provost, représentant le Procureur général du Québec, fut à même de confirmer qu'il s'agissait effectivement d'une route provinciale. S'il est vrai par contre que l'assise de la route ou le fond de terre sur lequel est bâtie la route appartient aux diverses municipalités que cette route peut traverser, il faut en conclure, d'après Me Provost, que le lieu de la route où les incidents se sont passés est administré par le provincial et appartient au provincial. Tous les autres procureurs se déclarèrent en accord avec Me Provost.

Ceci étant, Me Noël fit entendre le prochain témoin, M. Jean-Marc Bousquet.

Témoignage de M. Jean-Marc Bousquet

M. Bousquet, qui est de la Sûreté du Québec, informa le tribunal qu'entre 16 h et 17 h le 19 juillet 1989, il circulait sur l'Autoroute 520(1) et qu'il a intercepté à 17 h 5, sur ladite autoroute, un véhicule qui circulait à 100 km/h dans une zone de 70 km/h. Ce dernier fut aussi appelé à déposer un rapport d'infraction qui fut reçu par la Commission et identifié sous la cote P-9.

(1) La Commission prend connaissance d'office que l'Autoroute 520 est aussi connue sous l'appellation Côte de Liesse.

Il s'agissait d'une voiture modèle Chrysler, LSC, 1981.

Me Noël fit entendre par la suite M. Guy Lesage.

Témoignage de M. Guy Lesage

M. Lesage informa la Commission que vers 17 h il était aux environs de la Côte de Liesse et qu'il a procédé à une arrestation vers 17 h 5. Il s'agissait d'un véhicule de marque Volkswagen. M. Lesage était dans la même voiture que M. Bousquet.

M. Lesage expliqua qu'il s'était agi en réalité d'une interception double et que les deux véhicules circulaient à une vitesse de 100 km/h dans une zone où la limite de vitesse est fixée à 70 km/h. Par l'intermédiaire de ce témoin, des avis d'infraction furent déposés en liasse sous la cote P-9 et P-9(a).

Par la suite, Me Simard fit entendre M. Louis R. Dennoncourt.

Témoignage de M. Dennoncourt

M. Dennoncourt est ingénieur civil qui s'est spécialisé en génie du transport et mécanique des airs.

En prenant comme données de base celles qui avaient été fournies par le gendarme Desautels sur la distance qui avait été parcourue pour arrêter le véhicule de Me Simard, soit sur .04 kilomètre et à une vitesse de 120 km/h, le témoin pouvait conclure que le temps nécessaire pour couvrir cette distance était de 12 secondes. On sait que, d'après le gendarme Desautels, l'interception qu'il aurait faite du véhicule de Me Simard aurait requis 4 ou 5 secondes. Or, pour obtenir ce résultat il eut fallu, d'après le témoignage de M. Dennoncourt, que le véhicule policier puisse accélérer de 0 à 100 km/h en 5 secondes. Or ce genre de performance ne se retrouve que dans la Porsche 911 Turbo, ou encore la Corvette Twin Turbo. Et il aurait fallu que le véhicule poursuivant circule à une vitesse de 240 km/h. De plus, pour juger de la vitesse du véhicule poursuivi, il aurait fallu que le véhicule poursuivant applique les freins pour décélérer de 240 à 120 km/h dans un espace à peu près nul. C'est à peu près, si l'on considère les mêmes facteurs, décélérer de 120 kilomètres à 0 en dedans de quelques mètres, ce qui est physiquement impossible.

Suivit ensuite un débat sur la pertinence et l'incidence que pouvait avoir ce témoignage dans le litige. Suite à ce débat, le Président ajourna l'audience pour quelques minutes.

À la reprise, Me Carbonneau se dit satisfait qu'il n'avait pas à faire entendre un témoin en réponse au témoignage de l'ingénieur Dennoncourt. Me Noël déclara qu'il n'avait plus de témoins à faire entendre.

Ceci dit, Me Noël indiqua à la Commission qu'il avait reçu de la part du représentant de la Procureure générale du Canada, Me André L'Espérance, une lettre datée du 8 novembre 1990 et qu'il voulut déposer à titre de preuve. La lettre fut acceptée et reçut la cote P-10. Il s'agit d'une lettre adressée à Me McCombs, un des procureurs représentant l'officier compétent dans la présente affaire.

Me L'Espérance résuma la teneur de la lettre en disant que, selon lui, il était clair que les membres de la GRC ne peuvent pas appliquer une loi provinciale au Québec à moins que la loi provinciale leur reconnaisse cette compétence. Mais sa discussion, dans cette lettre, portait plus particulièrement sur le Code de la sécurité routière qui, selon lui, ne pouvait être appliqué par un membre de la GRC que s'il y avait eu une disposition expresse dans ledit Code à cet égard. Or, il n'y en a pas.

Me Noël procéda de la même façon pour ce qui est d'une autre lettre signée par Mes André Morin et Mark McCombs, les conseillers juridiques de l'officier compétent dans la présente affaire. Cette lettre datée du 19 novembre 1990 reçut la cote P-11.

Me Morin expliqua à la Commission qu'il était de la même opinion que Me L'Espérance, c'est-à-dire qu'un membre de la GRC n'a pas la juridiction d'appliquer le Code de la sécurité routière du Québec. D'ajouter Me Morin, il n'y avait pas lieu, ici, d'invoquer les pouvoirs d'agent de la paix que pourrait avoir un membre de la GRC lorsqu'il s'agit de prévenir un "breach of the peace.

Par la suite, le Président pria Me Morin de lui expliquer si un constable spécial, tel que l'avait déjà été le gendarme Desautels, devait suivre un cours de perfectionnement avant de devenir gendarme. Me Morin ne put répondre à cette question. Mais il suggéra que l'un des deux représentants divisionnaires de la GRC qui se trouvaient présents à l'audience, pourrait fournir de plus amples informations à cet égard. M. André Girard fut donc assermenté.

Témoignage de M. André Girard

M. Girard informe la Commission qu'il est conseiller auprès des membres de la Division "C" en ce qui a trait au domaine des relations de travail. À ce titre il fait partie des comités traitant des griefs et des promotions. Il est donc de son rôle d'agir comme conseiller en ce qui a trait à la préparation de certains griefs, se rapportant à leurs termes et conditions de travail, que voudraient porter les membres de la GRC.

Il explique que les membres réguliers, avant de pouvoir agir comme policier, doivent suivre une période de formation de six mois. Par ailleurs, les gendarmes spéciaux sont affectés à des tâches bien particulières, telles que le travail dans les aéroports internationaux ou encore celui qui implique des filatures et quelqu'autres postes de nature particulière. Avec l'avènement de la nouvelle Loi on ne parle plus de constables spéciaux mais plutôt de membres spéciaux. Ainsi, avec le passage de la nouvelle Loi, la Gendarmerie offrit à ceux qui étaient constable spécial, la possibilité de devenir gendarme. Mais pour ce faire, ils devaient recevoir une formation additionnelle. Le témoin informa le Président qu'au meilleur de sa connaissance, le gendarme Desautels avait reçu la formation nécessaire pour devenir gendarme.

Le Président voulut savoir de plus si, lors de la formation, on leur expliquait la différence entre leurs devoirs et obligations dans une province dite contractuelle (1) et celle qui ne l'était pas, comme le Québec par exemple. Le témoin était en mal de répondre à cette question. Par ailleurs, il explicita qu'il existait des "standing orders" indiquant aux membres les tâches qu'ils devaient accomplir dans le poste où ils étaient affectés.

(1) Une province qui, en vertu d'un contrat passé avec le gouvernement fédéral, retient les services de la GRC pour assurer le travail de la Sûreté provinciale.

Pour ce qui est de savoir si un constable, venant au Québec, se voyait éclairer sur ses pouvoirs quant à l'application des lois provinciales, le témoin indiqua que les membres de la GRC à travers le Canada sont sous l'impression que la juridiction est de portée nationale. Ainsi ils auraient le pouvoir d'appliquer les lois au niveau national.

Après avoir entendu le témoin donner ces explications, la Commission a voulu savoir très précisément si on indiquait aux recrues à Regina, les distinctions qui existent eu égard à l'application des lois dans les provinces contractuelles et celles qui ne le sont pas, le Québec pour une.

Me Morin indiqua que la GRC avait pris des démarches auprès de l'académie à Regina afin qu'il soit indiqué de façon spécifique en quoi consiste le rôle de la GRC pour ce qui est de l'application des lois dans cette province. Cette information fera maintenant partie du cours qui est donné aux recrues qui sont à Regina.


IV. LES PLAIDOIRIES

En guise de préambule, Me Noël fit valoir que cette affaire a soulevé un important problème de juridiction. Or, d'après tous les agents de police qui comparurent devant la Commission, il existe des arrangements ou des ententes entre la Sûreté du Québec, la GRC et même la police de la Communauté urbaine de Montréal (CUM) pour l'application des lois ; sauf que ces ententes ne sont ni documentées ni signées.

De plus, il est clair que la Commission devrait indiquer aux différents procureurs généraux que si l'on entend donner des pouvoirs d'agent de la paix à un agent de la GRC, pour ce qui est des lois provinciales au Québec, ceci doit se faire par une entente administrative en bonne et due forme.

La Commission aussi aura à faire des recommandations sur la clarification de ce que sont les pouvoirs d'un membre de la GRC eu égard à l'application des droits dans la province de Québec.

Les parties s'étant entendues sur l'ordre des présentations, Me Simard fut le premier à faire valoir ses prétentions.

Me Simard, après nous avoir expliqué qu'il n'avait jamais eu de démêlé avec les policiers, précisa qu'il avait porté plainte parce que, selon lui, il avait été l'objet d'un abus policier et qu'il s'était adressé à notre Commission afin que cette dernière puisse dire aux Canadiens et peut-être au monde entier, qu'au Canada l'abus de pouvoirs des policiers n'est pas toléré. À son avis la question qu'il avait soulevée auprès du surintendant Breau lorsqu'il initia sa plainte aurait pu se régler très facilement. Qu'il eut été nécessaire d'avoir recours à la Commission lui faisait conclure que les corps policiers sont incapables de s'autodiscipliner. Ils sont plutôt portés à se protéger - à preuve l'arsenal qui a été déployé devant notre Commission, deux procureurs pour la GRC et un autre procureur pour représenter l'agent Desautels.

Selon lui, par le jeu de l'article 20 de la Loi sur la GRC de même que celui du paragraphe 17 du Règlement sur la GRC, la Gendarmerie a une juridiction dans une province du Canada à condition qu'il y ait un arrangement, une entente au niveau ministériel à cet égard ; ou encore qu'une loi soit passée par la Législature de la province donnant à la GRC le pouvoir d'appliquer les lois provinciales.

Selon lui toujours, la Commission doit résister à l'argument en vertu duquel une autorité donnée par la "Common Law" permettrait à un policier d'exercer ses fonctions d'agent de la paix quelle que soit la juridiction provinciale.

Il s'objecte aussi aux arguments que les diverses parties ont voulu faire valoir à l'égard de l'obligation que se reconnaissent les policiers de prêter main forte ou assistance à d'autres policiers dans l'exercice de leurs fonctions. Me Simard fait remarquer que les exemples, qui ont été donnés au cours de la preuve pour illustrer ce principe d'aide mutuelle, sont tous en rapport avec des situations mettant en cause des infractions au Code criminel. Or, il est clair qu'on est bien loin du Code criminel lorsqu'il s'agit de faire respecter le Code de la sécurité routière du Québec.

Il fait ensuite allusion au témoignage de M. Dennoncourt pour prouver que la version du gendarme Desautels, quant à ce qui s'est passé sur la Côte de Liesse, pourrait difficilement passer l'épreuve de la vérité.

D'après Me Simard, la preuve révélait qu'il y avait vraiment eu arrestation illégale ainsi que détention illégale. Cette même preuve révélait aussi qu'il y avait eu menace de violence pour les fins d'obtenir ses papiers.

Les plaintes devaient donc être maintenues.

À une question de la Commission, Me Simard répondit qu'il avait, selon lui, été détenu par le gendarme Desautels et ce, de façon tout à fait illégale. Les faits, qui n'ont d'ailleurs pas été niés par l'agent Desautels, démontrent qu'il a été forcé à demeurer sur les lieux sans pouvoir partir puisque le gendarme Desautels retenait ses papiers, soit l'enregistrement de l'automobile ainsi que son permis de conduire. Selon Me Simard, il était clair que les éléments de preuve démontrant qu'on lui infligeait une restriction dans ses déplacements rencontraient en tout point la définition qu'a donnée la Cour suprême de ce qu'est une détention.

La Commission voulut ensuite connaître la réaction de Me Simard face à la position du gendarme Desautels selon laquelle, d'après ce qu'on lui avait enseigné, il était un agent de la paix et qu'ainsi il avait la compétence d'appliquer toutes les lois provinciales et municipales partout au Canada. De répliquer Me Simard, "peut-être que sur le plan opérationnel face à sa relation avec ses maîtres, il était excusable comme individu. Mais face aux lois qui nous gouvernent, il n'était pas excusable". Par ailleurs, les agents de police doivent connaître la loi parce qu'ils sont là pour l'appliquer. Et d'ajouter Me Simard, "si les agents de police ne connaissent pas la loi et les règlements, qui est-ce qui les connaît?"

Me Carbonneau fut invité à faire connaître son point de vue au nom du gendarme Desautels.

Dans un premier temps, Me Carbonneau a souligné certaines des failles dans la version des faits telle que relatée par Me Simard, en la comparant à celle des autres témoins qui ont été entendus.

Me Simard a vu trois véhicules-patrouille de la Sûreté provinciale se rendre sur les lieux de l'incident, alors que selon la version du gendarme et des autres agents de police, il n'y en avait qu'un seul.

Me Simard prétend qu'il suivait la circulation de 80 à 90 km/h alors que les policiers de la Sûreté indiquèrent qu'ils avaient arrêté deux autres voitures qui circulaient, au moins à 100 km/h. De toute évidence, le gendarme Desautels avait raison de croire que Me Simard circulait à une vitesse excessive.

Me Carbonneau a aussi fait remarqué que si Me Simard s'était senti menacé par le constable Desautels, sa première réaction aurait été d'en parler aux policiers de la Sûreté dès leur arrivée sur la scène de l'incident. Mais il n'en fit rien.

Il fait ensuite une analyse de la réaction du gendarme Desautels face à ce que ce dernier voit, c'est-à-dire un véhicule de la Sûreté du Québec qui poursuit des véhicules allant à une vitesse excessive et un autre véhicule qui suivait, à quelques voitures derrière, lui aussi à une vitesse tout aussi excessive que les premiers. La réaction du gendarme, "est-ce que cette voiture-là aurait été impliquée dans un acte criminel, dans un délit de fuite?" Le gendarme Desautels est toujours dans son territoire habituel de travail. Selon lui, le gendarme n'avait aucun intérêt personnel à intercepter cette voiture-là, compte tenu des circonstances.

Le procureur fait ensuite allusion aux ententes qui existent, dans les faits, entre policiers. Faisant ensuite allusion au témoignage du représentant divisionnaire Gilbert, il démontre la bonne foi du gendarme Desautels qui croyait sincèrement avoir la juridiction d'effectuer la poursuite et l'interception du véhicule de Me Simard.

Me Carbonneau se réfère ensuite aux ordres du RCA qui sont des règlements s'appliquant aux lieux de l'aéroport où ces gendarmes sont appelés à patrouiller. Or dans les RCA, on parle de règlements municipaux, provinciaux et fédéraux sur les terrains d'aéroports. On parle non seulement d'aéroports, mais aussi de terrains où les gendarmes ont juridiction. Enfin, d'ajouter Me Carbonneau, ce qui le frappe c'est la demande que l'on fait aux gendarmes de "faire la démarcation entre la juridiction qu'ils ont en tant qu'agent fédéral ou en tant qu'agent provincial ou municipal, ce qu'ils ne sont pas [en réalité] mais qu'on leur enseigne quasiment d'être".

Brève allusion au calcul du témoin Dennoncourt à l'égard duquel le procureur nous demande de vérifier à la page 163 de la transcription des notes pour nous faire constater que le constable Desautels n'a pas arrêté Me Simard sur une distance de .04 kilomètres mais bien sur une distance de 1 kilomètre. Ce qui fausse évidemment le calcul qu'il a présenté en preuve.

Enfin, Me Carbonneau veut souligner à la Commission que son rôle n'est pas de refaire l'enquête interne qui a déjà été faite sur les agissements du gendarme Desautels. Son rôle est plutôt de faire des recommandations qui vont améliorer la compréhension du citoyen face aux différents corps policiers qui oeuvrent, par exemple, à Dorval. Le constable Desautels ne s'est pas comporté de façon dangereuse en suivant Me Simard. Il a simplement agi selon les normes que lui ont inculquées la GRC dans ce genre de circonstances. S'il avait fait le contraire, il aurait pu faire face à des poursuites disciplinaires.

Ensuite, Me Carbonneau trouve à redire sur le fait que son confrère L'Espérance, représentant la Procureure générale du Canada, ne veuille pas faire de représentations, au nom de l'officier compétent, relativement à la "Common Law" et aux pouvoirs de "Common Law" qu'aurait eus le gendarme Desautels dans les circonstances de cet incident. En revoyant la preuve, et le raisonnement que le gendarme Desautels a tenu lorsqu'il aperçut pour la première fois la BMW de Me Simard, il est clair que ce dernier pouvait avoir raison de croire que Me Simard commettait peut-être un délit de fuite, une infraction tombant sous le coup du Code criminel. Ce qui porte Me Carbonneau à soumettre que l'intention première du gendarme Desautels ce n'était pas de poursuivre la BMW pour excès de vitesse, mais plutôt pour ce qui pouvait être une infraction criminelle. Et, à cet égard, le gendarme avait bel et bien la compétence de poursuivre et finalement arrêter le chauffeur de la BMW.

Me Carbonneau se réfère ensuite à l'arrêt Dedman c. la Reine [1985] 2 S.C.R., 2 où l'on a décidé que des policiers pouvaient sans aucune espèce de raison, autre que la protection du public en matière d'ivresse au volant, effectuer des barrages routiers, arrêter les gens au hasard et les détenir pour fin de vérifier s'ils sont en état d'ivresse.

Selon Me Carbonneau, il n'y a rien dans le Code de la sécurité routière ou dans toute autre loi québécoise ou canadienne qui a éteint, en matière de sécurité routière, les pouvoirs de la "Common Law" qu'un policier peut avoir selon les arrêts Dedman et Ladouceur. (1)

(1) R. c. Ladouceur [1990] 1 S.C.R. 1257.

En terminant, Me Carbonneau demande à la Commission de faire des recommandations pour essayer d'éclairer les gens qui sont impliqués dans une situation où il peut y avoir des problèmes de juridiction dans l'exercice des responsabilités policières.

La Commission voulut savoir de Me Carbonneau ce qu'étaient ses vues sur les articles 45.41 et suivants de la Loi sur la GRC eu égard au traitement des plaintes par la Commission. Cette question se situe dans le contexte des prétentions de Me Carbonneau à l'effet qu'il n'est pas du rôle de la Commission de refaire l'enquête interne qui a été faite sur les agissements du constable Desautels dans l'incident qui fait l'objet du présent débat. Selon la Commission, compte tenu des procédures que le législateur a établies dans la Partie VII de la Loi, il est clair que la Commission pourrait être appelée à refaire l'enquête. De répondre Me Carbonneau, le rôle de la Commission n'est pas de refaire l'enquête si elle a été bien faite.

La Commission invita ensuite Me Morin à lui faire part de sa position.

En revoyant les éléments de preuve, Me Morin fit valoir que, contrairement aux prétentions de Me Simard, lorsque le gendarme Desautels a pris son véhicule en chasse il ne l'a pas fait de façon dangereuse ni insouciante.

Me Morin s'attarda ensuite aux plaintes no 2 et 3 en vertu desquelles l'on prétend que le gendarme Desautels a procédé à une arrestation et à une détention illégale. D'ajouter Me Morin, il ne faut pas confondre les deux expressions. Selon ce dernier, lorsque le gendarme Desautels a poursuivi et enfin intercepté Me Simard, il s'agissait d'une infraction pénale. Selon Me Morin, la preuve n'a aucunement démontré que la GRC avait effectivement procédé à l'arrestation de Me Simard. Les agents de la Sûreté du Québec l'on fait, mais pas le gendarme Desautels.

Quant à la plainte no 4, lorsqu'on parle de menace de violence en vue d'obtenir illégalement les papiers, il y a là deux versions contradictoires. Il est clair, d'après le témoignage du gendarme Desautels, qu'un policier devant être au volant d'un véhicule-patrouille ne peut conduire en portant le bâton à la ceinture sans être gêné par l'instrument. Il doit donc le déposer dans un endroit désigné à l'intérieur du véhicule et, lorsqu'il en ressort, doit l'insérer dans son fourreau. Ainsi, il doit sûrement y avoir méprise de la part de Me Simard lorsqu'il prétend que le gendarme agissait de façon menaçante en manipulant son bâton de policier.

Pour ce qui est de la plainte no 5, c'est-à-dire celle concernant l'abus de pouvoir, Me Morin répond que le gendarme Desautels avait simplement suivi l'enseignement qui lui avait été fourni à Regina et qu'il croyait fermement que les membres de la GRC, qui sont des agents de la paix, peuvent administrer toutes les lois à travers le Canada.

Il n'est pas d'accord avec l'interprétation que donne Me Simard à l'effet que les gendarmes devraient savoir, à la lecture des articles 17 du Règlement et 20 de la Loi, qu'ils n'ont le loisir de faire respecter la loi et l'ordre seulement dans les provinces et les municipalités avec lesquelles un contrat a été conclu en vertu dudit article 20.

Prié par la Commission de lui faire part de la jurisprudence de la Cour suprême sur la distinction qu'il fallait faire entre arrestation et détention illégales, Me Morin identifia l'arrêt Therens.

À cet égard, la Commission voulut faire préciser à Me Morin si d'après lui il y avait eu détention de Me Simard. Le procureur répondit par l'affirmative. Et, de continuer la Commission, la personne qui est détenue a le droit d'être informée de son droit à un avocat? Me Morin répondit par l'affirmative.

Prié de présenter ces propos à la Commission, Me Provost, représentante du Procureur général de la province de Québec, renvoya la Commission aux pièces P-10 et P-11 et se déclara satisfaite de ces admissions.

Me Simard fut invité à présenter sa réplique.

Dans un premier temps Me Simard fit allusion à un arrêt de la Cour suprême, La Reine c. Schmautz que l'on retrouve répertorié dans Jurisprudence Expresse au no 90-484 où l'on définit ce en quoi consiste la détention au sens de l'article 10 de la Chartre canadienne sur les droits et libertés.

Me Simard voulut aussi éclaircir ce qu'on avait prétendu être son témoignage à l'égard de la présence de trois véhicules de la Sûreté du Québec sur les lieux de sa détention. Son témoignage, selon lui, était à l'effet qu'il avait l'impression que deux ou trois voitures de la Sûreté étaient arrivées. Mais il savait qu'une seule était demeurée sur les lieux.

Il souligna, de plus, qu'il voyait mal comment il pouvait se plaindre du comportement du gendarme Desautels auprès des agents de la Sûreté du Québec lorsque ces derniers l'avaient mis en état d'arrestation. Il ne pouvait les voir comme des sauveteurs mais bien plus comme des agresseurs. Et d'ajouter, "je défie qui que se soit de se plaindre à son agresseur sous le coup d'une arrestation qu'il croit non justifiée". Il lie contestation avec Me Carbonneau sur ses conclusions à l'égard des calculs de l'ingénieur Dennoncourt. Selon lui, il était clair que le témoignage du gendarme Desautels ne pouvait être un reflet adéquat de la réalité.

Enfin, ce fut au tour de Me Noël de faire part de ses commentaires à titre de procureur de la Commission.

En premier lieu, Me Noël attira l'attention de la Commission sur la réponse qu'a donnée le gendarme Desautels à la question du Président sur ses impressions qu'il pouvait y avoir un délit de fuite. D'après Me Noël, il est important dans l'appréciation de la preuve de revoir comment le gendarme a perçu la situation.

Me Noël aussi a demandé à la Commission de considérer très sérieusement les propos de Me Carbonneau sur la question de faire deux enquêtes à l'égard d'un même incident. Le procureur fit aussi état de ses préoccupations à propos du fait que le procureur de l'officier compétent avait fait parvenir, la veille de la reprise de la séance, des admissions d'importance qui remettaient en question toute l'enquête interne. Il était permis de croire, d'ajouter Me Noël, que si ces admissions avaient été connues au moment de l'enquête interne, les conclusions des enquêteurs auraient pu être toutes autres. Ainsi, lorsque la Commission aura à faire ses recommandations il y aurait peut être lieu de les diviser. Certaines pourraient être dirigées vers l'officier compétent et les autres porter sur la plainte et les effets de la plainte.

Selon Me Noël, il était important de souligner que la situation méritait d'être clarifiée et que ceci pouvait être réalisé par la signature d'ententes entre les autorités compétentes du Gouvernement du Québec, et de l'Ontario s'il y a lieu, ainsi que le Gouvernement fédéral.

Me L'Espérance ajouta qu'il est important de retenir que si les membres de la GRC ne peuvent sûrement pas appliquer le Code de la sécurité routière, ils peuvent par ailleurs exercer les pouvoirs qui leur sont reconnus par la "Common Law".

La décision de la Commission ne devrait s'appliquer qu'à des cas qui sont identiques aux plaintes qui sont présentement devant elle. La Commission ne doit pas discuter d'autres éventualités. Pour la Procureure générale du Canada, il est clair que la GRC n'a pas la juridiction d'appliquer le Code de la sécurité routière. Mais la prétention ne va pas plus loin que cela.


V. CONCLUSION

Les faits dans cette affaire ne sont pas très complexes. Il est vrai qu'en revoyant la preuve, le minutieux pourrait trouver moult détails contradictoires et possiblement sombrer dans l'indécision.

Mais, selon la Commission, il se dégage de la trame des événements une situation de faits qui peut se résumer comme suit.

Me Simard circule sur Côte de Liesse. Il y va à bon train. C'est un chemin qu'il connaît bien. Lorsqu'il arrive à la bifurcation permettant à des véhicules de joindre la Côte de Liesse, la circulation s'alourdit. Un peu devant lui mais à sa droite, le gendarme Desautels est au volant de son véhicule-patrouille. Il tente de s'insérer dans le flot de la circulation sur la Côte de Liesse. Il ne peut le faire qu'avec difficulté puisque Me Simard est tout juste derrière lui, mais de biais. Me Simard ne voyant pas les feux de direction du véhicule-patrouille, ne freine pas. Le gendarme Desautels est donc obligé de freiner et d'attendre le passage du véhicule de Me Simard.

À ce stade-ci des événements deux réactions sont très claires. Me Simard qui est avocat estime que la GRC n'a aucune juridiction sur la Côte de Liesse. Il continue donc à circuler à une vitesse qui, il l'a avoué, dépassait la limite.

Voyant que la BMW prend une allure qui dépasse la vitesse permise, le gendarme décide de la suivre. Me Simard file toujours à la même allure, qui dépasse la limite de vitesse. Le gendarme active donc ses gyrophares et les deux véhicules s'adonnent par la suite à un espère de ballet routier. Me Simard n'est pas certain que le gendarme lui demande de s'immobiliser. Il essaie donc de lui céder la place en lui faisant signe de le dépasser, mais l'autre lui indique clairement que c'est à lui qu'il s'adresse et le somme à son tour d'immobiliser son véhicule.

Les deux véhicules s'arrêtent sur un espace gazonné. Me Simard sort du sien et le policier fait de même. Me Simard, s'adressant au policier, lui dit que ce dernier n'a aucune juridiction sur cette route provinciale. Sommé de remettre ses papiers au gendarme, il n'est pas prêt à le faire étant toujours convaincu que ce dernier n'avait pas la juridiction sur les routes provinciales pour faire appliquer les prescriptions du Code de la sécurité routière.

À ce stade de l'incident, la Commission n'a aucune difficulté à imaginer que le gendarme a dû se sentir obliger de démontrer une certaine fermeté afin de convaincre Me Simard qu'il devait se rendre à la demande qu'il lui était faite. Un redressement de corps, un regard plus à-pic et peut-être même un rajustement du bâton de police dans le fourreau. Cette gestuelle est-elle reprochable? Ça dépend ; nous en parlerons plus loin.

De toute façon, les papiers sont remis et Me Simard est forcé d'attendre pendant dix ou quinze minutes et ce, jusqu'à ce qu'un véhicule-patrouille de la Sûreté du Québec arrive sur les lieux. Qu'il y en ait eu deux ou trois qui soient arrivés et qu'un seul soit resté ou qu'au contraire seulement un ne soit arrivé, cela n'a vraiment pas grand importance. L'on peut s'imaginer que Me Simard est, à ce moment, assez ébranlé et peut-être même un peu sorti de ses gonds. La tendance à l'exagération est facile dans des moments semblables. Mais elle n'indique pas de mauvaise foi.

Chose certaine c'est que Me Simard est invité à prendre place dans la banquette du véhicule-patrouille de la Sûreté et on l'informe qu'il est en état d'arrestation pour avoir refusé de se rendre à des ordres de la police. On l'informe aussi qu'il a été arrêté pour excès de vitesse.

Les agents de la SQ en avisant Me Simard qu'il était en état d'arrestation lui ont récité la formule régulière pour l'aviser de ses droits. Ce dernier informa alors les agents qu'il était lui-même avocat. Quelque temps après, Me Simard est relâché.

Que conclure de cette description des faits tels que finalement perçus par la Commission?

D'abord, que Me Simard se croyait tout à fait dans son droit de ne pas laisser passer le véhicule-patrouille qui était un peu en avant de lui à sa droite et qui désirait s'insérer dans la circulation de la Côte de Liesse. Il était convaincu que la GRC n'avait aucune juridiction sur ce territoire et qu'ainsi, son geste ne porterait pas à conséquence. Le gendarme Desautels a l'impression que ce chauffeur est en délit de fuite. La Commission ne trouve rien dans la preuve lui permettant de conclure que le gendarme avait des motifs raisonnables de croire à un délit de fuite ni que le gendarme Desautels ait été requis de prêter "assistance" à la Sûreté du Québec.

C'est donc à la lumière de ces faits que la Commission doit maintenant tirer ses conclusions sur chacunes des plaintes qu'a fait valoir Me Simard dans sa lettre de plainte adressée à la GRC et datée du 20 juillet 1939.

A. Conduite de façon dangereuse et insouciante

Il n'appert pas à la Commission, compte tenu de la narration des faits de part et d'autre, que le gendarme Desautels ait conduit d'une façon dangereuse et insouciante, Si l'on considère ce qu'il faisait. Il suivait le véhicule de Me Simard qui, de son admission dépassait la limite de la vitesse permise. De là à dire qu'un policier, en faisant ce qu'il a fait, a conduit d'une façon dangereuse et insouciante, il y a une marge. Cette allégation n'est donc pas retenue par la Commission.

B. Arrestation illégale

La Commission ne croit pas qu'il s'agisse ici d'une arrestation. En effet, la jurisprudence a décrit l'expression "arrestation" comme impliquant un peu plus que l'immobilisation d'un véhicule d'une personne qui commet un excès de vitesse sur une route. Voir à cet égard, entre autres, l'affaire Regina c. O'Donnell (1982) 3 C.C.C. 333 à la page 350. La Commission croit plutôt que Me Simard a été détenu par le gendarme Desautels et a été arrêté par les agents de la Sûreté du Québec.

C. Détention illégale

Dans l'affaire R. c. Schmautz [1990] 1R.C.S.398, la Cour suprême, par la voix du juge Gonthier, fait l'analyse de la jurisprudence récente sur la question de ce en quoi consiste la détention. À la page 407, il reprend à cet égard les mots du juge Ledain dans l'affaire Therens, 1985 1 R.C.S. 613, plus précisément aux pages 641 et 642 :

En utilisant le mot "détention" l'article 10 de la Charte vise une entrave à la liberté autre qu'une arrestation par suite de laquelle une personne peut raisonnablement avoir besoin de l'assistance d'un avocat, mais pourrait, en l'absence de cette garantie constitutionnelle être empêchée d'y avoir recours sans délai ...

Dans l'arrêt Chromiak, cette cour a conclu que le mot "détention" connote "une certaine forme de contrainte". Il ne fait aucun doute qu'une certaine forme de contrainte ou de coercition doit être exercée afin qu'il y ait atteinte à la liberté ou la liberté d'action équivalant à une détention au sens de l'article 10 de la Charte. À ce qu'il me semble, la question est de savoir si cette contrainte doit être physique ou s'il peut s'agir également d'une contrainte psychologique ou morale qui a pour effet d'inhiber la volonté tout autant que l'usage, ou la menace d'usage de la force physique. La question est de savoir si la personne, qui a fait l'objet d'une sommation ou d'un ordre émanant d'un policier ou d'un autre agent d'état, peut raisonnablement s'estimée libre de refuser d'y obtempérer.

Toujours dans l'affaire Schmautz à la page 409 le juge Gonthier s'exprime en ces mots

Dans l'arrêt Therens à la page 644, on dit qu'il peut y avoir détention sans qu'il y ait contrainte physique ou menace de contrainte physique, si la personne intéressée se soumet ou acquiesce à la privation de liberté et croit raisonnablement qu'elle n'a pas le choix d'agir autrement.

Il est clair, selon la Commission, que Me Simard s'est soumis ou acquiesça à la privation de sa liberté et a cru raisonnablement qu'il n'avait pas le choix d'agir autrement.

Il a remis ses papiers au gendarme Desautels et, en ce faisant, il ne pouvait plus utiliser son véhicule. Mais, il y a plus. Il a été forcé d'attendre pendant dix ou quinze minutes jusqu'à ce qu'un véhicule de la Sûreté du Québec arrive sur les lieux. Il y a donc eu détention. Cette détention a été illégale du fait que le gendarme Desautels n'avait aucunement la juridiction d'appliquer les prescriptions du Code de la sécurité routière. Ceci a été admis d'ailleurs par le représentant de la Procureure générale du Canada ainsi que par le représentant de l'officier compétent de la GRC.

D. Menace de violence en vue d'obtenir illégalement et obtention illégale de mon permis de conduire, de mon certificat d'immatriculation et de mon attestation d'assurance

La Commission n'est pas fixée sur laquelle des deux versions, de Me Simard ou du gendarme Desautels, elle doit préférer. Par ailleurs, même si la Commission choisissait d'adopter la version de Me Simard, elle ne pourrait s'empêcher de conclure que ce geste a eu pour effet d'éviter que la situation ne devienne plus grave. Les esprits étaients échaudés. Il ne fallait surtout pas que la température augmente. Menace de violence? La Commission croit plutôt à une démonstration de fermeté, Si le geste a été fait.

Pour ce qui est du reste de cette plainte, il va de soi que Si le gendarme n'avait pas la juridiction de faire appliquer les prescription du Code de la sécurité routière dans les circonstances de l'affaire, il n'avait pas non plus l'autorité de lui demander ses permis de conduire, certificat d'immatriculation et attestation d'assurance.

E. Abus de pouvoir

La notion d'abus de pouvoir a fait l'objet de commentaires par les auteurs René Dussault et Louis Borgeat dans leur Traité de droit administratif, aux tomes III, page 917 :

L'agent public trouve le fondement de son activité dans la loi ou les règlements. Contrairement au droit civil où la capacité est la règle, le droit public présuppose l'incapacité des agents qu'il régit : l'agent public ne peut rien faire d'autre que ce que la loi l'autorise à faire. Aussi doit-il respecter les dispositions législatives ou réglementaires qui constituent la base de son pouvoir d'agir. Et s'il outrepasse ces pouvoirs, sa responsabilité et celle de son commettant peuvent être engagées.

Le domaine de l'activité policière donne lieu à de nombreuses situations de ce genre. En matière d'arrestation, de saisie et de détention, les agents de la paix ont en effet un cadre légal très précis à respecter, et les tribunaux n'hésiteront pas à retenir leurs responsabilités et celles de leurs commettants pour tout excès de pouvoir.

Dans le contexte de sa juridiction, la Commission doit se demander Si le gendarme Des autels, compte tenu du fait qu'il a détenu illégalement Me Simard et l'a forcé à lui remettre ses papiers, sans pour autant avoir la compétence de ce faire, a commis un abus de pouvoir équivalent à un acte d'inconduite. A-t-il sciemment agi de façon dérogatoire dans l'exercice de ses fonctions?

À notre avis, sur le plan de la conduite, la Commission doit tirer des conclusions négatives seulement si elle est convaincue que le membre de la GRC a agi de mauvaise foi.

Or dans les circonstances de la présente affaire, il est clair que le constable Desautels croyait qu'il était en droit d'arrêter un automobiliste qui faisait de la vitesse sur une autoroute provinciale. En effet, le gendarme Desautels ainsi que le représentant divisionnaire Gilbert sont venus nous expliquer que lors de leur formation à l'académie de Regina, ils avaient appris que, règle générale, les policiers ont juridiction partout au Canada pour faire respecter toutes les lois provinciales ou autres dans le pays. Il n'a donc pas agi de mauvaise foi. Par ailleurs, la Commission n'est pas tout à fait convaincue que le gendarme Desautels ne s'est pas livré à un excès de zèle dans les circonstances. Il nous semble que si Me Simard n'avait pas été aussi tenace qu'il le fut lorsque le policier tenta de s'insérer dans la circulation de la Côte de Liesse, il ne se serait pas vu l'objet du genre de surveillance et poursuite à laquelle s'est livré le gendarme Desautels. Ceci étant dit, la Commission se garde d'aller plus loin dans cette réflexion.

Deux dernières remarques :

Il est, selon la Commission, très important qu'une police dite "nationale", c'est à dire qui est appelée à oeuvrer partout au pays dans des juridictions différentes avec des pouvoirs différents qui lui sont entre autres donnés par les provinces où elle exerce ses fonctions, connaisse parfaitement les limites de la compétence de ses membres là où ces pouvoirs sont exercés. Des carences de ce côté rendent la force policière vulnérable aux critiques et peuvent même engager sa responsabilité et celle de ses membres.

Si le gendarme Desautels a procédé à la détention illégale de Me Simard il faut aussi noter qu'en ce faisant il n'a pas semblé respecter les droits de Me Simard en lui faisant part de son droit d'avoir recours à un avocat compte tenu du fait qu'il était détenu. La jurisprudence est claire à cet effet.


VI. RECOMMANDATIONS

Que le gendarme Desautels et la Gendarmerie présentent des excuses à Me Simard.

Que la Gendarmerie avise ses membres de la situation juridique qui existe dans la Province de" Québec, c'est-à-dire, tout en conservant le statut d'agent de la paix pour le moins dans la Province de Québec et tout particulièrement en regard du Code de la sécurité routière, les membres de la Gendarmerie royale du Canada n'ont pas la compétence de faire appliquer les lois provinciales à moins d'entente formelle avec les autorités de la province.

Que la Gendarmerie informe ses membres de la situation juridique qui existe dans tout autre province, territoire ou municipalité où il n'existe aucune entente contractuelle entre ces derniers et le gouvernement fédéral pour l'utilisation des services de la G.R.C. dans ces juridictions.

Que la Gendarmerie informe la Commission de toutes les mesures correctives qu'elle entend prendre afin de permettre au président de la Commission de rédiger le rapport annuel de la Commission, le tout conformément à l'article 45.34 de la Loi.


Fernand Simard

Gisèle Côté-Harper, c.r.

Judith MacPherson


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ANNEXE II

le 18 juin 1991

Monsieur Richard Gosse, C.R.
Président
Commission des plaintes du public
C.P. 3423
Station « D »
Ottawa (Ontario)
K1P 6L4

Monsieur,

J'ai étudié attentivement le rapport de l'audition de la Commission des plaintes du public ainsi que la documentation pertinente portant sur les plaintes de Monsieur André Simard de Montréal retrouvées sous les rubriques 2000-PCC-89520 et 89G-3965.

J'ai pesé vos conclusions et j'ai décidé de prendre les mesures suivantes à l'égard des constatations et des recommandations.

En ce qui a trait à l'allégation de conduite dangereuse et imprudente par le gendarme Paul Émile Desautels, je partage l'avis de la Commission que cette accusation n'est pas fondée.

En ce qui touche la présumée arrestation illégale, je n'ai relevé aucune preuve que le gendarme Desautels a mis le plaignant en état d'arrestation et donc je partage la constatation que le plaignant a été détenu par le gendarme et arrêté par les agents de la Sûreté du Québec.

La Cour suprême du Canada s'est récemment penchée sur la détention. Dans le cas qui nous intéresse, la détention s'est produite sans le recours à un objet de contention et il est évident que le plaignant s'est soumis à la privation de liberté et a cru qu'il n'avait aucun

Je reconnais dans le présent cas que le gendarme Desautels a retenu illégalement le plaignant car il n'avait pas la compétence de mettre en application les lois provinciales. Le représentant de la Procureure générale du Canada ainsi que le représentant de l'officier compétent de la G.R.C. - ont d'ailleurs reconnu que tel était le cas.

Pour ce qui est de la prétendue menace de violence afin d'obtenir les documents nécessaires du plaignant, j, ai relevé que la C.P.P. croit que le geste, si geste il y a eu, était plutôt une manifestation de fermeté de la part du membre de la G.R.C. Je dois avouer que j'ai de la difficulté à saisir où il y a eu menace. L'officier compétent a nettement expliqué dans son rapport définitif que le membre insère le bâton de défense dans l'anneau de la ceinture lorsqu'il sort de son véhicule. Lorsqu'il accomplit ce geste le membre peut également fort bien ajuster d'autres articles ou objets qu'il porte à sa ceinture avant de s'approcher d'une personne. Donc, je suis porté à croire que le membre ajustait son bâton de défense dans sa ceinture et que son geste ne constituait pas une menace. Je partage la dernière constatation de la Commission. Le membre n'avait pas la compétence nécessaire pour mettre en application des lois québécoises et n'avait pas le pouvoir de demander au plaignant des pièces d'identité dans ce cas.

Pour ce qui est du prétendu abus de pouvoir, j'accepte la constatation voulant que rien n'indique que le membre ait agi de mauvaise foi. Le membre croyait qu'il avait la compétence nécessaire et qu'il avait le droit d'arrêter sur une route provinciale une personne qui commettait un excès de vitesse.

J'accepte la recommandation no 1 et je demanderai au commandant de la Division « C » de s'assurer que le plaignant reçoit une lettre d'excuses. Je demanderai également au commandant de la Division « C » d'inviter le gendarme Desautels à faire ses excuses au plaignant. Toutefois, il appartiendra au membre de décider ce qu'il veut faire car des excuses données sous la contrainte d'un ordre sont sans sincérité.

J'accepte également la recommandation no 2 et je demanderai au Directeur de la Police générale d'étudier la question et d'indiquer par la suite à tous les membres de la G.R.C. de la situation juridique qui est propre à la province de Québec.

J'accepte aussi la recommandation no 3 et je demanderai au Directeur de la Police générale d'étudier la question et d'avertir tous les membres de la situation juridique qui est propre à toute autre province et municipalité ainsi qu'à tout autre territoire où il n, existe pas d'entente de services policiers entre la province, le territoire ou la municipalité et le gouvernement fédéral.

Étant donné que toutes les questions portent directement sur la plainte, j'accepte la recommandation no 4 et j'expliquerai au président de la Commission des plaintes du public les mesures que la G.R.C. a prises dans ce dossier.

Je vous remercie de m'avoir communiqué vos conseils et j'attends avec impatience votre rapport définitif.

Veuillez agréer, Monsieur le Président, l'expression de mes meilleurs sentiments.


Le Commissaire,
N.D. Inkster

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Date de création : 2003-08-11
Date de modification : 2003-08-12 

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