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COMMISSION DES PLAINTES DU PUBLIC CONTRE

LA GENDARMERIE ROYALE DU CANADA

Loi sur la Gendarmerie royale du Canada

Partie VII

Paragraphe 45.46(3)

Rapport final du Président par intérim à la suite de la tenue d'une audience publique

Plaignant : Donald Goodwin

Le 22 août 1991

No de dossier : 2000-PCC-89113


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TABLE DES MATIÈRES

I. INTRODUCTION

1. La procédure

2. Contexte du rapport final

II. COMMENTAIRES ET CONCLUSIONS SUR L'AVIS DU COMMISSAIRE

III. RECOMMANDATIONS FINALES

ANNEXE I Rapport du comité d'audience de la Commission

ANNEXE II Avis du Commissaire transmis en application du paragraphe 45.46(2)


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RAPPORT FINAL DU PRÉSIDENT PAR INTÉRIM

I. INTRODUCTION

1. La procédure

Aux termes de la partie VII de la Loi sur la GRC, tout membre du public peut déposer une plainte concernant la conduite, dans l'exercice de fonctions prévues à ladite Loi, d'un membre de la Gendarmerie ou de toute autre personne nommée ou employée sous le régime de la Loi. C'est à la GRC qu'il incombe en premier lieu de faire enquête sur ces plaintes et d'y répondre. Lorsqu'un plaignant n'est pas satisfait de la façon dont la Gendarmerie a réglé sa plainte, il peut renvoyer celle-ci devant la Commission pour examen.

Après examen de la plainte, le Président de la Commission, s'il n'est pas satisfait de la décision de la Gendarmerie ou s'il est d'avis qu'une enquête plus approfondie est justifiée, peut notamment convoquer une audience pour enquêter sur la plainte. S'il agit ainsi, le Président doit alors désigner le ou les membres de la Commission qui tiendront l'audience et transmettre un avis écrit de sa décision au Solliciteur général du Canada, au Commissaire de la GRC, au membre de la Gendarmerie dont la conduite fait l'objet de la plainte ainsi qu'au plaignant. Le membre de la Commission qui représente la province où la cause de la plainte a pris naissance doit faire partie du comité chargé de tenir l'audience.

La partie VII de la Loi sur la GRC dispose que l'audience est publique. Lors de cette audience, le plaignant, le membre de la GRC qui fait l'objet de la plainte et la Gendarmerie, par l'intermédiaire de l'« officier compétent », ont le droit de se faire entendre soit personnellement, soit par procureur. À ce titre, ils ont le droit de présenter des éléments de preuve, de contre-interroger les témoins et de faire des observations. Toute personne qui convainc la Commission qu'elle a un intérêt direct et réel dans la plainte a aussi les mêmes droits. L'audience est une enquête. Ce n'est pas un procès civil ou criminel.

Une fois l'audience terminée, le comité de la Commission doit, en vertu de la Loi sur la GRC, établir et transmettre au Solliciteur général et au Commissaire de la GRC un rapport écrit énonçant les conclusions et les recommandations qu'il estime indiquées. Ce rapport est appelé « provisoire » dans le texte de loi. Dans le cas des audiences publiques, la Commission a adopté comme pratique de communiquer ces rapports intérimaires aux parties de même qu'au public.

Le Commissaire de la GRC doit ensuite réviser la plainte à la lumière des conclusions et des recommandations énoncées au rapport. Après sa révision, il est tenu d'aviser par écrit le Solliciteur général et le Président de toute mesure additionnelle prise ou devant l'être quant à la plainte. S'il choisit de s'écarter des conclusions ou des recommandations énoncées au rapport intérimaire, il doit motiver son choix dans l'avis qu'il transmet au Solliciteur général et au Président.

Après examen de l'avis du Commissaire, le Président doit établir et transmettre au Solliciteur général, au Commissaire ainsi qu'aux parties un rapport écrit final énonçant les conclusions et les recommandations qu'il estime indiquées. Dans le cas des audiences publiques, la Commission a adopté comme pratique de rendre publics ces rapports finals.

2. Contexte du rapport final

Dans une lettre adressée le 11 décembre 1988 au Procureur général de la Nouvelle-Écosse, M. Donald Goodwin s'est plaint de la conduite de membres de la GRC lors d'incidents liés à l'arrestation de son fils, Shawn Goodwin, le 10 décembre 1988 dans la ville de Yarmouth (Nouvelle-Écosse). Le 10 janvier 1989, le Solliciteur général de la Nouvelle-Écosse a transmis la plainte à la GRC.

La GRC a fait enquête sur la plainte et a communiqué sa décision au plaignant. M. Goodwin, insatisfait du règlement de sa plainte, a renvoyé l'affaire devant la Commission pour examen.

Le 8 décembre 1989, le Président de la Commission, M. Richard Gosse, a délivré un avis de décision de convoquer une audience en vue d'enquêter sur la plainte. L'avis a été délivré en application du paragraphe 45.43(1) de la Loi sur la Gendarmerie royale du Canada, L.R., ch. R-9, art. 1, et de ses modifications.

Dans son avis de décision, M. Gosse désignait comme parties le plaignant, M. Donald Goodwin, et les membres suivants de la GRC : les gendarmes G.M. Cougle, S.M. Bourassa-Muise, V.R.A Cameron, D. Charbonneau et J.M. Lacroix ainsi que le caporal F.D. Simmons, relevant tous du détachement municipal de Yarmouth. Les gendarmes R.G. Forbes et G.W. Kendall, du détachement rural de Yarmouth, étaient d'autres membres de la GRC désignés comme parties.

Le 3 octobre 1990, M. Fernand Simard, vice-président de la Commission, a délivré un deuxième avis de décision de convoquer une audience après avoir conclu qu'il était dans l'intérêt public de tenir une audience pour examiner d'autres allégations faites dans le cadre de la même plainte. Les allégations en question concernaient la conduite de membres de la GRC lors de l'arrestation d'une dénommée Denise Muise, petite amie de Shawn, ainsi que de John Allen, un ami. Dans son avis de décision, le vice-président désignait les mêmes parties que dans l'avis de M. Gosse.

Dans les deux avis, les membres de la Commission affectés à la tenue de l'audience étaient MM. Blair Mitchell, président du comité, Graham Stewart et Barry Learmonth. Les audiences du comité ont eu lieu à Yarmouth les 21, 22, 23 et 24 janvier et les 5, 6, 7 et 8 mars 1991.

Le rapport du comité d'audience, contenant les conclusions et les recommandations de la Commission à propos de la plainte, a été communiqué au Solliciteur général et au Commissaire le 24 mai 1991. Un mois plus tard, le Commissaire a transmis au Solliciteur général et au Président de la Commission un avis des mesures qui avaient été prises ou qui devaient l'être à la suite des conclusions et des recommandations du comité.

Le présent rapport constitue le rapport final du Président de la Commission, établi en application de la partie VII de la Loi sur la GRC. Le rapport du comité d'audience est reproduit à l'Annexe I et l'avis du Commissaire, daté du 24 juin 1991, figure à l'Annexe II.

II. COMMENTAIRES ET CONCLUSIONS SUR L'AVIS DU COMMISSAIRE

Pour plus de clarté, j'ai reproduit les observations du Commissaire sur les conclusions et recommandations du comité d'audience. Je reproduirai ensuite les conclusions et recommandations du comité et je les ferai suivre de mes propres observations et conclusions.

Je suis d'accord avec votre conclusion selon laquelle tous les membres en cause ont agi correctement et conformément à la loi en ce qui touche le recours à la force et les accusations portées.

Puisque le Commissaire partage l'avis du comité d'audience, il n'y a vraiment rien à ajouter. Je suis donc satisfait de la réponse du Commissaire.

Même si les questions relatives à la détention ont surgi au cours de l'audience et les recommandations à ce sujet ne sont pas directement liées à la plainte, je prendrai ces recommandations en délibéré. Je donnerai au directeur de la Police générale l'instruction d'examiner cette question. Les résultats seront transmis au commandant de la Division « H », lequel veillera à ce que tous les membres en cause soient au courant des modalités à respecter sous le régime de la Loi sur la réforme du cautionnement.

Dans la lettre de plainte qu'il a adressée au procureur général de la Nouvelle-Écosse, M. Donald Goodwin affirme qu'il aimerait que le bureau du procureur général fasse enquête sur les actes des membres de la GRC « pour ce qui est de la brutalité de leurs méthodes et du dépôt d'accusations inventées de toutes pièces contre ces jeunes gens ».

En principe, donc, le Commissaire a raison d'affirmer que les questions concernant la détention et l'application de la Loi sur la réforme du cautionnement ne sont pas directement liées à la plainte. Toutefois, le comité d'audience s'est senti tenu d'examiner ces questions car elles étaient liées à la conduite des membres qui avaient pris part à l'arrestation et à la détention prolongée des personnes appréhendées. On peut présumer que le Commissaire souhaiterait prendre connaissance de toute recommandation portant sur la conduite des membres de la Gendarmerie en matière d'exécution de la loi et qu'il voudrait y donner suite.

De fait, j'interprète les observations du Commissaire comme signifiant qu'il attache de l'importance aux conclusions et aux recommandations du comité sur ces questions et qu'il veillera à ce qu'on agisse pour corriger la situation. Je suis donc satisfait de la réponse du Commissaire aux recommandations du comité.

Cela dit, je crois que le Commissaire serait désireux de s'assurer que tous les membres de la Gendarmerie connaissent bien les dispositions pertinentes de la Loi sur la réforme du cautionnement, afin que la situation décrite dans le rapport du comité ne se reproduise pas. J'estime qu'une recommandation conduisant en bout de ligne à la réalisation de cet objectif n'est certainement pas hors de propos dans le présent rapport final.

III. RECOMMANDATIONS FINALES

En vertu du paragraphe 45.46(3) de la Loi, je recommande par la présente :

Que le Commissaire donne au directeur de la Police générale l'instruction d'examiner la situation pour faire en sorte que tous les membres de la Gendarmerie soient au courant des modalités à respecter sous le régime de la Loi sur la réforme du cautionnement.

Le présent rapport a été établi par le Président intérimaire, comme l'autorise le paragraphe 45.3(2) de la Loi sur la Gendarmerie royale du Canada.

Le président par intérim,

Fernand Simard

Fait à OTTAWA, ce 22e jour d'août 1991.


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ANNEXE I

COMMISSION DES PLAINTES DU PUBLIC

CONTRE LA GENDARMERIE ROYALE DU CANADA

Loi sur la Gendarmerie royale du Canada

Partie VII

Paragraphe 45.45(14)

Audition publique

des plaintes

de

Donald Goodwin

RAPPORT DE LA COMMISSION

Blair H. Mitchell
Graham W. Stewart
R. Barry Learmonth

--------------------------------------------------------------------------------

COMMISSION DES PLAINTES DU PUBLIC CONTRE LA GRC

Loi sur la Gendarmerie royale du Canada de 1986

NUMÉRO : 2000-PCC-89113

AFFAIRE : Plainte de Donald Goodwin

DEVANT : Blair H. Mitchell
Président

R. Barry Learmonth
Membre

Graham W. Stewart
Membre

COMPARUTIONS :

Avocats de la Commission des plaintes du public contre la Gendarmerie royale du Canada

J. Ronald Culley, c.r., et Peter M. Rogers
1600-5151 George Street
Halifax (Nouvelle-Écosse)
B3J 2N7

Avocat du cpl G.M. Cougle

Joel E. Pink, c.r.
900-1959 Upper Water Street
Halifax (Nouvelle-Écosse)
B3J 2X2

Avocat du plaignant, Donald Goodwin :

Dell C. Wickens
235 Main Street
Yarmouth (Nouvelle-Écosse)
B5A 4B2

Avocats du cpl F.D. Simmons, du gend. V.R.A. Cameron, du gend. J.M. Lacroix, de la gend. S.N. Bourassa-Muise, du gend. G.W. Kendall, du gend. R.G. Forbes, du gend. D. Charbonneau et de l'officier compétent :

Theresa M. Brooker et Ken J. MacDonald
500-1200 promenade Vanier
Ottawa (Ontario)
K1A 0R2


L'AUDIENCE

L'audience a été tenue après que deux Avis de décision de convoquer une audience eurent été signifiés en vertu des dispositions pertinentes de la partie vil de la Loi sur la Gendarmerie royale du Canada.

Le premier avis daté du 8 décembre 1989, a été signifié par M. Richard Gosse, c.r., président de la Commission des plaintes du public contre la GRC, en vertu du paragraphe 45.43(1) de la Loi sur la Gendarmerie royale du Canada, S.R.C. 1986, ch. R-9, dans sa forme modifiée.

Le second avis a été signifié par M. Fernand Simard, vice-président de la Commission, également en vertu du paragraphe 45.43(1) de la Loi. L'avis "Gosse" fait suite aux allégations de Donald Goodwin d'Arcadia (Nouvelle-Écosse) concernant la façon dont des membres de la GRC ont traité son fils, Shawn Goodwin, pendant et après un incident qui s'est produit à Yarmouth (Nouvelle-Écosse), le 10 décembre 1988. L'avis "Simard", signifié en vertu des dispositions de la Loi relatives aux plaintes "mettant en cause l'intérêt du public", a trait à la conduite des membres de la GRC en cause dans l'arrestation et la détention de deux autres personnes, Denise Muise et John Allen, pendant et après le même incident.

Blair Mitchell, président, ainsi que Graham Stewart et Barry Learmonth ont tenu une audience à Yarmouth les 21, 22, 23 et 24 janvier, et les 5, 6, 7 et 8 mars 1991.

Au cours de l'audience, la Commission a reçu 15 pièces ou ensembles de pièces de preuve, et elle a entendu 28 témoins. En vue de se préparer à la tenue de l'audience, les membres de la Commission ont visité le secteur en cause de la K-Mart Plaza à Yarmouth, au cours de la soirée du 20 janvier 1991, en compagnie des avocats des parties.

LA PREUVE

Pour ce qui est de l'objet des plaintes, les preuves reçues par la Commission portaient de façon générale sur la méthode employée et les raisons données pour arrêter Shawn Goodwin, Denise Muise et John Allen à la suite d'un incident survenu le 10 décembre 1988 à la K-Mart Plaza de Yarmouth, ainsi que sur la nécessité de leur détention subséquente au Yarmouth County Correctional Centre.

Voici un résumé de chacun des témoignages.

Richard Hubbard a témoigné que, au cours de la soirée du 10 décembre 1988, il était barman au Pepper's Lounge situé dans la K-Mart Shopping Plaza de Yarmouth. Entre 19 h 30 et 20 h, Shawn Goodwin et John Allen se sont trouvés dans son bar-salon pendant environ dix minutes; ils ont chacun consommé une once de rhum et deux verres de liqueur que l'on appelle "shooters". John Allen est retourné seul au bar environ une heure plus tard et il a consommé deux autres verres de rhum. Richard Hubbard a déclaré que ni Goodwin ni Allen ne se trouvait en état d'ébriété.

Tammy Thibeau, maintenant âgée de 19 ans, une connaissance de Shawn Goodwin, a témoigné qu'elle a recontré Shawn Goodwin près d'un établissement de jeux électroniques dans la K-Mart Shopping Plaza, au cours de la soirée du 10 décembre 1988. Selon ses affirmations, un agent de sécurité en uniforme, Sheldon Rhyno - dont elle a appris le nom plus tard - s'est approché d'elle tandis qu'elle parlait à Goodwin, lui a dit qu'elle avait passé trop de temps dans le secteur et l'a invitée à partir. Puis il y a eu une altercation entre Shawn Goodwin et Sheldon Rhyno. D'après Tammy Thibeau, la confrontation a commencé lorsque Shawn Goodwin a dit à Sheldon Rhyno de la laisser tranquille. Sheldon Rhyno a poussé Shawn Goodwin à l'épaule et il lui a brandi son doigt au visage, et Shawn Goodwin l'a poussé à son tour. Selon ce témoin, Shawn Goodwin n'était pas excessivement bruyant et il ne paraissait nullement ivre, et Goodwin et Rhyno ont tous les deux proféré des obscénités. Elle n'a pas remarqué si l'altercation avait provoqué un attroupement, mais elle a remarqué que quelques personnes s'étaient retournées pour les regarder. Tammy Thibeau est d'avis que c'est Sheldon Rhyno qui est à l'origine de cet affrontement.

Darryl Ollenburger a témoigné qu'il était présent dans le centre commercial et qu'il avait assisté à une partie de l'altercation entre Rhyno et Goodwin. Il a déclaré que Rhyno s'était approché de Shawn Goodwin et avait commencé une dispute, que Sheldon Rhyno avait agité son doigt près du visage de Shawn Goodwin, puis que les deux s'étaient vivement engueulés. Ce témoin n'a remarqué aucun signe d'intoxication ou de consommation d'alcool chez Shawn Goodwin. Il a dit qu'il a quitté ce secteur et que, plus tard, il a vu Shawn Goodwin être arrêté et fracasser les vitres d'une voiture de police dans le stationnement du centre commercial.

Sheldon Rhyno, un gardien de sécurité de la K-Mart Shopping Plaza, a témoigné que, tandis qu'il était de service dans le centre vers 18 h 30, il avait vu Tammy Thibeau, avait jugé qu'elle était restée un peu trop longtemps à flâner sur place et lui avait demandé de s'en aller. Selon lui, Shawn Goodwin a répliqué "Tu me feras pas partir. Je bouge pas.", a proféré des obscénités et l'a invité à sortir pour se battre. Ce témoin nie avoir brandi un doigt au visage de Shawn Goodwin ou avoir commencé une dispute, et il prétend qu'il n'y a eu aucun contact physique entre les deux. Selon ses affirmations, Shawn Goodwin pouvait être entendu jusqu'à l'autre bout du centre commercial et il était très en colère. Sheldon Rhyno a téléphoné à la GRC une première fois, et les policiers sont arrivés au centre entre 18 h 30 et 19 h, mais ils sont repartis sans avoir pu trouver Shawn Goodwin. Par la suite, Sheldon Rhyno a eu une conversation avec le témoin Darryl Ollenburger, qui lui a donné le nom de Shawn Goodwin. Selon Sheldon Rhyno, un deuxième incident s'est produit lorsque Shawn Goodwin est revenu au centre commercial en compagnie de John Allen. Shawn Goodwin lui a dit : "On va t'avoir pour quelque chose." Après cela, le témoin a de nouveau téléphoné à la police, étant donné qu'il craignait pour sa propre sécurité. Il a rencontré à leur arrivée le gendarme (depuis promu au grade de caporal) Gregory M. Cougle et la gendarme Sylvie N. Bourassa-Muise, qui ont répondu à ce qu'il leur a dit être son second appel. Le témoin a dit que le caporal Cougle et la gendarme Bourassa-Muise avaient rattrapé Shawn Goodwin dans le terrain de stationnement près de l'entrée avant du centre commercial. À partir de cette étape-ci de son témoignage, M. Rhyno a essentiellement repris une déclaration écrite qu'il avait fournie à la police relativement aux accusations portées contre Shawn Goodwin. Il a déclaré en gros avoir vu Shawn Goodwin quitter le centre commercial et avoir vu le caporal Cougle l'arrêter pour avoir troublé la paix.

En réponse à des questions suggestives de l'avocat du caporal Cougle, Sheldon Rhyno a déclaré que Shawn Goodwin avait juré contre lui au moment de son arrestation, que Denise Muise avait intercédé auprès du caporal Cougle en soutenant que Shawn Goodwin n'avait rien fait de mal et que la police n'avait pas le droit de l'arrêter. Il a également déclaré que Shawn Goodwin avait frappé le caporal Cougle au-dessus de l'oeil, que lui, Sheldon Rhyno, avait aidé les policiers à faire monter Shawn Goodwin à bord de la voiture de police et que John Allen et Denise Muise avaient tenté d'ouvrir les portières du véhicule tandis que Shawn Goodwin se trouvait à l'intérieur.

Morris Babin a témoigné qu'il travaillait dans un magasin d'articles de sport près de l'endroit où la confrontation entre Rhyno et Goodwin s'était produite. Il a déclaré que, même s'il se trouvait à environ 100 pieds de là, dans une pièce d'entreposage à demi fermée, il avait pu entendre la dispute et que la voix de Shawn Goodwin était la plus forte des deux, beaucoup plus forte que celle du gardien de sécurité. Selon lui, Shawn Goodwin a continué de défier le gardien de sécurité de l'expulser, même après que ce dernier eut commencé à s'en aller. Il croyait que Shawn Goodwin avait bu, étant donné qu'il parlait fort et que sa démarche n'était pas très assurée. Il a en outre déclaré que Shawn Goodwin avait proféré des obscénités et que le gardien de sécurité ne l'avait pas fait.

Glen Surette a témoigné qu'il avait vu le caporal Cougle arrêter Shawn Goodwin dans le terrain de stationnement près de l'entrée du centre commercial. Il a vu le caporal Cougle tenter d'entraîner Shawn Goodwin vers la voiture de police en lui tenant le bras derrière le dos. Le témoin a déclaré que Shawn Goodwin se tenait sur la pointe des pieds pour essayer d'atténuer la pression causée par la prise de bras du caporal Cougle. Il a ensuite vu le caporal Cougle et Shawn Goodwin par terre en train de se battre. Le gardien de sécurité, Sheldon Rhyno, s'est ensuite approché au volant de la voiture de police du caporal Cougle. Glen Surette a déclaré que le caporal Cougle avait finalement réussi à faire asseoir Shawn Goodwin sur la banquette arrière de la voiture de police. Il a vu Shawn Goodwin briser de ses pieds les vitres des portières arrière de la voiture. Il a dit n'avoir pas vu Denise Muise ou John Allen intervenir. Il a vu Denise Muise demander à la police si elle ne pourrait pas ramener Shawn Goodwin à la maison. Selon lui, une foule s'est attroupée, mais personne n'a cherché à aider la police. Il a vu les policiers retirer Shawn Goodwin de la voiture endommagée pour le faire monter dans une autre voiture de police.

Harold Jarvis a témoigné avoir vu le caporal Cougle et la gendarme Bourassa-Muise tenter de faire asseoir Shawn Goodwin sur la banquette arrière de la voiture de police. Il a déclaré avoir refusé de venir en aide aux policiers, comme le lui demandait la gendarme Bourassa-Muise. Il a vu Shawn Goodwin briser les vitres de la voiture de police avec ses pieds. D'où il était, à une distance de quelque 50 à 75 pieds du lieu de l'incident, il a vu d'autres policiers arrivés sur place ultérieurement pousser Shawn Goodwin par terre, parmi les morceaux de verre répandus. Il a vu les policiers arrêter Denise Muise après qu'elle eut semblé s'approcher pour demander ce qui se passait. Il a déclaré que Shawn Goodwin était devenu comme fou à l'intérieur de la voiture de police et qu'il avait essayé de s'enfuir à travers la vitre brisée. Il a ajouté que le caporal Cougle n'était pas l'un des policiers qui avaient tenté de maîtriser Shawn Goodwin après qu'il eut initialement été placé dans la voiture de police et brisé les vitres.

Donna Robichaud, une cousine de Shawn Goodwin, a témoigné qu'elle a d'abord vu le caporal Cougle escorter Shawn Goodwin dans le terrain de stationnement et que Shawn Goodwin ne semblait pas avancer de son plein gré. Une foule qui s'était attroupée autour du lieu de l'incident criait, jurait, sacrait, et cette foule était partagée entre les partisans des policiers et les partisans de Shawn Goodwin. Selon le témoin, Denise Muise a tenté de calmer Shawn Goodwin et elle a reculé lorsque le caporal Cougle lui a ordonné de le faire. Le témoin a vu le caporal Cougle ordonner à un autre agent de la GRC d'arrêter Denise Muise. Elle n'a vu ni Denise Muise ni John Allen s'adonner à des manoeuvres de harcèlement ou d'entrave. Selon ses affirmations, même si Denise Muise n'a pas initialement tenu compte de l'ordre que lui donnait le caporal Cougle de s'éloigner de la voiture de police, elle a fini par reculer légèrement. Ce témoin a déclaré que Shawn Goodwin n'était pas du tout coopératif et qu'il n'avait pas cessé de résister lorsque le caporal Cougle avait tenté de le faire monter à bord de la voiture de police. Elle a ajouté que, lorsqu'il s'était finalement trouvé à bord, Shawn Goodwin avait tenté de sortir en passant à travers la vitre brisée.

Lorsqu'on lui a demandé si les policiers avaient frappé Shawn Goodwin, Donna Robichaud a décrit la mêlée comme étant si mouvementée que les policiers avaient fini par se frapper les uns les autres et qu'il lui avait semblé qu'ils ne cherchaient pas particulièrement à frapper Goodwin. Elle a mentionné avoir entendu le caporal Cougle conseiller à la gendarme Bourassa-Muise de frapper Shawn Goodwin avec une lampe de poche si celui-ci tentait de quitter la voiture de police en passant à travers la vitre brisée. Elle a dit avoir vu Shawn Goodwin tenter sans succès de briser à coups de pied la vitre arrière de la voiture après avoir réussi à briser les vitres de côté. Ce témoin a dit que les coups de pied dans les vitres avaient commencé après que Shawn Goodwin eut entendu le caporal Cougle dire à Denise Muise de s'en aller, sinon il l'arrêterait.

Ernest Robichaud, le mari de Donna Robichaud, a témoigné avoir vu le caporal Cougle tordre le bras de Shawn Goodwin derrière son dos et escorter Shawn jusqu'à la voiture de police. Il a vu Shawn Goodwin et le caporal Cougle se battre au sol et, dans la mêlée, le caporal Cougle a perdu son chapeau. Ce témoin a déclaré que Denise Muise a supplié les policiers de la laisser calmer Shawn Goodwin et que les policiers n'ont pas répondu à sa demande. Il a vu d'autres policiers arrivés sur les lieux retirer Shawn Goodwin de l'arrière de la voiture endommagée et, ce faisant, donner des coups de pied et se battre avec Shawn Goodwin. D'après le témoin, les policiers ont employé une force excessive. En contre-interrogatoire, il a admis avoir tenté d'amener la foule à s'élever contre l'usage de force par les policiers et, dans son emportement, avoir traité les policiers de "chiens" ("pigs") et probablement d'autres choses.

Joseph Surette a témoigné qu'il était arrivé sur les lieux de l'incident au moment où plusieurs agents de la GRC venaient de retirer Shawn Goodwin de la voiture de police endommagée. Un des policiers tenait un objet dans sa main, qui s'est avéré plus tard être une lampe de poche, mais le témoin n'a pas vu le policier l'utiliser. Il a vu le caporal Cougle tenter de maîtriser la foule. Un autre policier avait le pied appuyé derrière la tête de Shawn Goodwin, tandis que d'autres encore le tenaient face contre terre.

Barbara Ann Surette a déclaré avoir vu Shawn Goodwin étendu au sol, menottes aux poings, et un agent de la GRC appuyer son pied derrière la tête de Shawn Goodwin et enfoncer son visage dans les morceaux de vitre brisée tombés de la voiture de police.

Frank Bullerwell a témoigné avoir vu la majeure partie de l'altercation. Il était assis dans son camion stationné et il a vu un attroupement de personnes qui sacraient et juraient contre la police. Il a entendu Shawn Goodwin dire : "Laissez-moi, je partirai pas." Et le caporal Cougle a répondu : "Non, t'as déjà tenté de fuir." Le témoin a déclaré que Shawn Goodwin avait en fait tenté de partir. Il a vu que le caporal Cougle retenait le bras gauche au moyen d'un genre de prise, bien haut derrière le dos de Shawn Goodwin. Il a vu le caporal Cougle et Shawn Goodwin lutter au sol et, dans la mêlée, le caporal Cougle perdre son chapeau et ses lunettes. Le témoin a vu Shawn Goodwin briser les vitres des portes arrière de la voiture de police à coups de pied. Il a pu observer la scène de la position avantageuse où il se trouvait, assis dans son camion stationné à environ une voie de distance de la voiture de police. Il a dit que les vitres du véhicule ont éclaté avec une telle force que des éclats ont atterri sur son camion. Il a manqué une partie de l'action lorsqu'il s'est occupé d'enlever cette vitre qui se trouvait sur son camion. Il a déclaré qu'une jeune femme (Denise Muise) avait demandé à Shawn Goodwin de cesser de donner des coups de pied. Il a dit qu'il n'était pas bien placé pour observer les autres policiers en train d'extirper Shawn Goodwin de la voiture de police. Il a cependant vu Shawn Goodwin donner des coups de pied dans une portière qu'ouvrait un policier et vu la portière revoler et frapper le policier à la tête. Le témoin a vu le caporal Cougle donner l'ordre d'arrêter Denise Muise et John Allen. Il n'a jamais entendu de jurons venant des policiers, mais il en a entendu un certain nombre venant de la foule. Selon lui, Denise Muise et John Allen ont juré contre la police, et les deux s'interposaient dans la dispute.

Blair Doucette a lui aussi été témoin de l'incident tandis qu'il était assis dans son propre véhicule stationné non loin de là. Selon ses affirmations, après que les vitres eurent volé en éclats, les policiers ont tenté d'extirper Shawn Goodwin de la voiture de police, mais celui-ci a résisté. Ils ont fini par le sortir et ils l'ont projeté au sol. Le témoin a déclaré que plusieurs policiers ont crié à la foule de se disperser. Il n'a vu aucun policier frapper Shawn Goodwin.

Charlie Rogers, un agent de correction qui était responsable de l'établissement correctionnel pendant la soirée du 10 décembre, a témoigné avoir observé Shawn Goodwin lorsque les agents de la GRC l'ont amené plus tard à l'établissement. Il a déclaré que tout ce qui pouvait indiquer que Shawn Goodwin avait bu, c'était que son haleine sentait l'alcool, et il s'est dit d'avis que Shawn Goodwin n'était pas ivre à son arrivée en prison. Shawn Goodwin avait des coupures et des éraflures, mais il ne s'est pas plaint de ses blessures et il ne saignait pas beaucoup. Le témoin n'a pas songé à placer Shawn Goodwin dans la "cellule de rêve", qui est habituellement réservée aux personnes en état d'ébriété.

L'ancien gendarme Denis Charbonneau a témoigné avoir répondu à un appel 10-33 (le code utilisé par les agents de la GRC pour demander de l'aide rapidement dans les situations d'urgence) diffusé à la radio par le caporal Cougle au moment où il a commencé à avoir de la difficulté avec Shawn Goodwin. Lorsque le gendarme Charbonneau est arrivé au centre commercial, il a vu une voiture de police dont les vitres étaient brisées et il a vu Shawn Goodwin en train d'essayer de sortir, depuis la banquette arrière, en passant à travers l'une des vitres brisées. Le témoin a déclaré avoir empêché Shawn Goodwin de sortir en le repoussant dans la voiture. Il a ensuite ouvert la portière arrière de la voiture, et Shawn Goodwin est devenu très agité et il a commencé à lui donner des coups de pied. Le témoin a tenté de le calmer. Les gendarmes Kendall et Forbes sont ensuite arrivés, ils ont retiré Shawn Goodwin de la voiture et ils l'ont allongé par terre, où ils ont pu le maîtriser et le menotter. Le gendarme Charbonneau a dit qu'il a ensuite tenté de maîtriser la fouie. Selon ses estimations, il a fini par y avoir environ 200 personnes dans la foule. Il a entendu Ernest Robichaud, qui se trouvait dans cette foule, employer le mot "pigs" et faire des remarques incitatives. Il a entendu le caporal Cougle donner l'ordre d'arrêter Denise Muise. Il n'a vu ni Denise Muise ni John Allen chercher à faire entrave ou à harceler qui que ce soit. Le témoin a déclaré que les agents de la GRC sont entraînés à utiliser les lampes de poche pour se défendre et, au besoin, pour exercer une pression en vue de réaliser une arrestation. Il a dit avoir vu le gendarme Forbes tenir sa lampe de poche et s'en servir défensivement pour parer les coups de pied de Shawn Goodwin. Il estimait que Shawn Goodwin avait agi comme une personne en état d'ébriété, mais il ignorait si Shawn Goodwin était effectivement ivre.

Le gendarme Victor Cameron a témoigné qu'à son arrivée sur les lieux, en réponse à un appel à l'aide 10-33, il avait arrêté Denise Muise sur les ordres du caporal Cougle. Denise Muise se tenait dans le terrain de stationnement, à environ 20 pieds de la voiture, et elle n'a pas résisté à l'arrestation. Le témoin a en outre aidé le caporal Cougle à emmener John Allen, qui s'est lui aussi montré coopératif et est demeuré assez passif. Il a indiqué que l'arrestation de John Allen avait été effectuée par le caporal Cougle. Le témoin n'a pas vu les policiers sortir Shawn Goodwin de la voiture de police endommagée, mais il les a aidés à le menotter, tandis qu'ils le tenaient allongé par terre. Il dit avoir suivi en tout les ordres du caporal Cougle. Il était très inquiet de voir le nombre de personnes attroupées pour voir ce qui se passait. Il a témoigné que Shawn Goodwin a opposé beaucoup de résistance à l'arrestation. Il n'a vu personne frapper Shawn Goodwin et il n'a pas trouvé que l'haleine de celui-ci sentait l'alcool.

Le gendarme Robert Forbes a témoigné que, répondant à l'appel 1O-33, il avait d'abord vu le caporal Cougle et la gendarme Bourassa-Muise retenant John Allen contre le capot d'une voiture de police. D'après lui, John Allen ne résistait pas. Il a vu Shawn Goodwin qui avait un bras et une jambe sortis par la fenêtre de la voiture de police, du côté du passager. Il a empêché Goodwin de sortir du véhicule en agrippant son manteau et, ce faisant, il lui a arraché le manteau.

Le gendarme Forbes a témoigné qu'il tentait en fait de tirer Shawn Goodwin hors du véhicule, puisque ce n'était pas un endroit sûr où garder un prisonnier, les vitres étant brisées. Il a précisé que lui et le gendarme Kendall avaient fait sortir Shawn Goodwin par la force de la banquette arrière de la voiture de police. Ils s'en sont me lés quand ils ont vu que le gendarme Charbonneau ne pouvait y parvenir seul, étant donné que Shawn Goodwin avait commencé à lui donner des coups de pied. Le gendarme Forbes a déclaré avoir réussi à distraire l'attention de Shawn Goodwin en agitant sa lampe de poche devant lui. Cette manoeuvre a permis au gendarme Kendall d'ouvrir la portière de l'autre côté de la voiture et d'agripper Shawn Goodwin par les bras et les épaules. Le gendarme Forbes est ensuite allé rejoindre le gendarme Kendall et il l'a aidé à extraire Shawn par les bras, tandis qu'un troisième policier entrait dans le véhicule par l'autre côté. Le témoin a déclaré que Shawn Goodwin a résisté et proféré des insultes pendant tout ce temps. Il a ajouté que, une fois Shawn Goodwin allongé face contre terre, il a quand même fallu lui-même, le gendarme Kendall et au moins deux autres policiers pour parvenir à l'immobiliser assez longtemps pour le menotter. Le gendarme Forbes a déclaré qu'après cette empoignade, il a vu un peu de sang au visage de Shawn Goodwin et quelques éraflures. Il y avait du verre brisé par terre, là où Shawn Goodwin avait été maîtrisé. Le gendarme a témoigné qu'il n'avait pas battu Shawn avec sa lampe de poche et qu'il n'avait utilisé celle-ci que pour parer les coups de pied de Shawn.

Le gendarme Gerald Kendall de la GRC a témoigné avoir tiré le gendarme Charbonneau pour l'éloigner de l'arrière de la voiture de police lorsque Shawn Goodwin a tenté de lui donner des coups de pied. Il a confirmé de façon générale le témoignage du gendarme Forbes concernant la façon dont Shawn Goodwin a été extirpé de la voiture de police endommagée. Il a précisé que, une fois menotté, Shawn Goodwin a cessé de résister physiquement, mais qu'il a continué à les injurier. Le gendarme Kendall a remarqué que l'haleine de Shawn Goodwin sentait modérément l'alcool, que ses yeux étaient injectés de sang et qu'il avait de la difficulté à articuler. Ces observations l'auraient incité à lui faire subir le test de l'ivressomètre s'il l'avait trouvé en train de conduire. Le témoin s'est dit surpris que les autorités du centre correctionnel où Shawn Goodwin a été conduit n'aient pas jugé bon de placer celui-ci dans la "cellule de rêve". Lorsqu'il est arrivé sur les lieux de l'incident, le gendarme Kendall a vu que le caporal Cougle avait perdu son chapeau et ses lunettes et que son manteau et ses manches étaient déchirés.

Le gendarme Joseph Lacroix a témoigné qu'il avait lui aussi aidé à sortir Shawn Goodwin de l'arrière de la voiture de police. Au début, il est entré dans la voiture du côté opposé à celui où se trouvaient les gendarmes Forbes et Kendall et il a parlé à Shawn Goodwin, lui disant de rester tranquille. Le témoin a attrapé les bras de Shawn Goodwin pour l'empêcher de se cramponner à quoi que ce soit à l'intérieur du véhicule. Shawn Goodwin était en train de devenir fou, il donnait des coups de pied et paniquait. Le témoin a aidé à maîtriser Shawn Goodwin lorsque celle-ci s'est retrouvé par terre, en le tenant par une jambe. Il s'est dit préoccupé par l'importance de la foule, mais il n'a rien entendu de particulier comme des remarques désobligeantes à l'endroit des policiers.

Le caporal Frederick Simmonds de la GRC a témoigné que Shawn Goodwin se trouvait par terre lorsqu'il est arrivé, retenu par les autres policiers. Il a rabattu les jambes de Shawn Goodwin en ciseaux pour arriver à mieux le maîtriser. Il s'est dit d'avis que Shawn Goodwin était ivre; il est arrivé à cette conclusion après avoir observé ses yeux injectés de sang, son teint pâle et, de façon générale, son attitude hostile. Il a dit n'avoir jamais vu personne d'aussi hostile que Shawn Goodwin l'était à cette occasion-là, si ce n'est des personnes se trouvant sous l'influence de l'alcool ou des drogues ou des personnes souffrant de maladie mentale. Il a entendu la foule adresser des injures aux membres de la GRC.

Le sergent d'état-major Eugene Anderson, qui était sous-officier de section, à la subdivision de Yarmouth de la GRC au moment de l'incident, a témoigné qu'on lui avait donné l'ordre de faire enquête sur la plainte portée par Donald Goodwin au nom de son fils Shawn Goodwin. Au cours de l'enquête, il a interrogé un bon nombre des témoins qui ont comparu à cette audience. Son enquête l'a amené à conclure qu'on n'avait pas employé de force excessive. Il a également témoigné sur la politique de la GRC qui oblige ses membres à se tenir au courant de ce que contient le Manuel des opérations de la Gendarmerie, sur les vérifications de rendement effectuées à divers niveaux de la Gendarmerie et sur d'autres questions.

Le Commissaire adjoint Joseph-André Lagassé est le directeur de la Formation à la GRC. Il a témoigné sur les normes de formation et d'entraînement des recrues et autres personnes de la GRC, particulièrement en ce qui a trait à l'usage de la force, à l'autodéfense et aux pouvoirs d'arrestation. Il a passé en revue des parties du Cours de formation de base des recrues et des Plans de leçon de l'École de la GRC. Des exemplaires de ces documents ont été présentés à la Commission.

Denise Muise, l'amie de Shawn Goodwin, a témoigné qu'elle s'était rendue au K-Mart Mali vers 21 h pour y chercher Shawn Goodwin. Elle l'a trouvé à l'extérieur de l'entrée du centre, en compagnie de John Allen. John Allen est rentré dans le centre pour aller au bar prendre un verre, et c'est alors qu'elle-même et Shawn Goodwin ont commencé à se disputer, essentiellement au sujet de ce que Shawn comptait faire pendant la soirée. Denise et Shawn sont ensuite entrés dans le centre ensemble pour chercher John Allen et ils l'ont trouvé. Tandis qu'ils se trouvaient dans le centre, ils ont vu approcher le caporal Cougle, et c'est alors que Shawn a dit : "La Police montée. Partons!"

Selon Denise Muise, Allen et Goodwin sont sortis par l'entrée avant du centre commercial et ils se sont retrouvés sur une plate-forme de béton devant l'entrée. Ils ont été suivis par le caporal Cougle qui a dit à Shawn Goodwin d'arrêter. Shawn s'est arrêté et il s'est retourné pour faire face au caporal Cougle. Selon elle, le caporal Cougle a ensuite dit à Shawn Goodwin qu'il était en état d'arrestation en vertu de l'article 85 de la Liquor Control Act [R.S.N.S. 1967, ch. 169; remplacé par l'article 87, R.S.N.S. 1989, ch. 260], puis il a saisi Shawn Goodwin par le bras droit et le cou, et la gendarme Bourassa-Muise a saisi Shawn par l'autre bras. Les deux policiers ont ensuite entrepris de faire traverser à Shawn Goodwin le terrain de stationnement voisin.

Denise Muise a déclaré avoir ensuite demandé au caporal Cougle de lâcher Shawn Goodwin et lui avoir assuré que Shawn marcherait par lui-même. Le caporal Cougle a répondu par la négative. Denise Muise a dit qu'ensuite - bien qu'elle ignore comment cela s'est produit -, le caporal Cougle et Shawn Goodwin se sont tous les deux retrouvés par terre, en train de se battre, au moins à deux reprises. Le caporal Cougle lui a demandé de ramasser ses lunettes et elle a refusé, en raison de l'attitude "sarcastique" qu'elle percevait chez le caporal Cougle. Elle a ajouté que John Allen, qui se trouvait à ses côtés, avait ramassé les lunettes. À un certain moment, tandis que le caporal Cougle et Shawn Goodwin se trouvaient par terre, le caporal Cougle a fermé le poing comme s'il allait frapper Shawn.

Ce témoin a déclaré que, avec l'aide de la gendarme Bourassa-Muise, le caporal Cougle a finalement réussi à faire monter Shawn Goodwin, qui se débattait, à l'arrière de la voiture de police. Le caporal Cougle a voulu fermer la portière, mais Shawn Goodwin tenait toujours ses jambes à l'extérieur, pour bloquer la portière, semble-t-il Denise Muise a déclaré que le caporal Cougle a poussé violemment la portière contre les jambes de Shawn Goodwin deux ou trois fois, qu'il a réussi à la fermer et qu'à ce moment-là, Shawn a brisé les deux vitres latérales arrière de la voiture à coups de pied. Elle dit avoir tenté de calmer Shawn Goodwin en lui parlant et de lui donner une cigarette, mais que le caporal Cougle ne lui a pas permis de le faire.

Denise Muise a déclaré avoir elle-même été arrêtée par le gendarme Cameron, sur les ordres du caporal Cougle, lorsque les renforts sont arrivés sur les lieux. Elle a témoigné initialement que le gendarme Cameron ne lui avait pas donné les raisons de son arrestation et qu'il ne l'avait pas non plus informée des droits que lui donne la charte des droits et libertés, que ce soit au moment de l'incident ou à quelque autre moment après. Elle a demandé à la gendarme Bourassa-Muise pourquoi on l'arrêtait pour "entrave" et que la gendarme Bourassa-Muise a tenté de lui expliquer en quoi consistait une "entrave". Ce témoin a nié avoir à quelque moment touché un policier ou avoir ouvert ou tenté d'ouvrir la portière de la voiture de police dans laquelle se trouvait Shawn Goodwin. Elle se trouvait dans une autre voiture de police au moment où les agents ont fait sortir Shawn Goodwin. Elle a dit n'avoir rien vu et elle a nié avoir fait entrave au travail du caporal Cougle ou de quelque autre agent, à quelque moment que ce soit. Après son arrestation, elle a passé la nuit au centre correctionnel et elle a été libérée l'après-midi suivant sur remise d'un engagement, sur les ordres du caporal Cougle. Denise Muise portai t des papiers d'identité au moment de son arrestation.

En contre-interrogatoire, Denise Muise a avoué avoir élevé le ton lorsqu'elle a demandé au caporal Cougle de laisser le bras de Shawn Goodwin et de ne pas le frapper. Elle a avoué s'être approchée de la portière arrière de la voiture de police et avoir posé la main sur la portière avec l'intention de donner une cigarette à Shawn Goodwin. Elle a avoué que l'agent qui l'a arrêtée lui a dit sur le coup que c'était pour cause d"'entrave". Elle a toujours soutenu que Shawn Goodwin n'était pas intoxiqué et ne se trouvait pas sous l'influence de l'alcool au moment de son arrestation.

John Allen, le compagnon de Shawn Goodwin dans la soirée du 10 décembre 1988, a témoigné que Shawn Goodwin et lui avaient consommé chacun un verre de rhum et deux "shooters" (liqueurs) au Pepper's Lounge, dans la K-Mart Plaza, en début de soirée. Il était présent au moment de l'altercation entre le gardien de sécurité, Sheldon Rhyno, et Shawn Goodwin. Il a décrit cette confrontation comme étant un échange de sacres et de jurons entre Rhyno et Goodwin, et il a précisé que Shawn Goodwin était très sûr de lui et "fort en gueule". Au sujet de l'arrestation de Shawn Goodwin, John Allen a précisé que, au moment où Denise Muise, Shawn Goodwin et lui-même sortaient en groupe par les portes avant du centre commercial, le caporal Cougle était arrivé derrière eux et avait crié à Shawn Goodwin d'arrêter. Il a mentionné que le caporal Cougle n'avait pas initialement appelé Shawn Goodwin par son nom. Shawn Goodwin n'a rien répliqué à Cougle, mais il s'est arrêté. Le caporal Cougle a demandé à Shawn Goodwin son nom, et Shawn Goodwin le lui a donné. John Allen a précisé que le caporal Cougle a ensuite arrêté Shawn Goodwin en vertu de l'article 85 de la Liquor Control Act. Shawn Goodwin a demandé ce qu'était cet article 85, et le caporal Cougle a répondu : "Tu es saoul."

Le témoin a signalé que le caporal Cougle a ensuite entraîné Shawn Goodwin en lui tenant le bras droit derrière le dos. Shawn Goodwin a demandé au caporal de lui laisser le bras, mais le caporal a refusé. Selon le témoin, Shawn Goodwin marchait sur la pointe des pieds en raison de la pression qui était exercée sur son bras. Shawn Goodwin s'est ensuite dégagé de la prise du caporal Cougle, qui a réagi en sautant sur Shawn Goodwin et en le plaquant au sol. Le caporal Cougle a perdu ses lunettes et son chapeau et John Allen les a ramassés. Le caporal Cougle a saisi les lunettes dans la main de John Allen et il a tenté de reprendre son chapeau. John Allen a témoigné qu'il a tiré le chapeau des mains du caporal Cougle et qu'il l'a remis à la gendarme Bourassa-Muise. Le caporal Cougle a finalement réussi à escorter Shawn Goodwin jusqu'à la voiture de police et à le faire monter à l'arrière. Le témoin a dit avoir vu le caporal Cougle fermer brusquement la portière arrière sur les jambes de Shawn Goodwin et avoir vu le caporal et d'autres policiers "aiguillonner" Shawn Goodwin pour arriver à le faire monter dans la voiture. John Allen a dit qu'à ce moment-là, il a poussé le caporal Cougle afin de détourner son attention de Shawn Goodwin. Selon lui, la gendarme Bourassa-Muise l'a alors maîtrisé (lui, John Allen) au moyen d'une prise de doigt. Puis, tandis que le témoin et la gendarme Bourassa-Muise se tenaient debout à côté de la voiture de police, Shawn Goodwin a fracassé les deux vitres latérales arrière de la voiture à coups de pied.

Selon John Allen, plusieurs policiers arrivés sur les lieux ont extirpé Shawn Goodwin de la voiture de police. À ce moment-là, le caporal Cougle a fait le geste de frapper Shawn Goodwin avec ses poings, mais il ne l'a pas atteint. Le témoin a entendu un des policiers proposer de donner à Shawn Goodwin des coups de pied dans les parties sensibles. John Allen a témoigné que le caporal Cougle lui a ensuite ordonné de s'asseoir à l'avant de la voiture de police et qu'il n'a rien dit concernant l'arrestation. D'autres policiers ont ensuite placé Allen dans une voiture de police différente et ils l'ont menotté. On lui a dit qu'il était arrêté pour entrave à la justice. On l'a amené au centre correctionnel où il a été détenu jusqu'à l'après-midi suivant. Puis on l'a mis en liberté sur remise d'un engagement. John Mien portait des papiers d'identité au moment de son arrestation. Il a reconnu que son ami, Shawn Goodwin, est prompt lorsqu'on le provoque et il a affirmé que lui, John Allen, est prêt à intervenir pour protéger ses amis lorsqu'ils ont raison.

Shawn Goodwin a témoigné que le premier endroit où il s'était arrêté en fin d'après-midi ou en début de soirée le 10 décembre 1988 était le Clipper Ship Tavern, où il n'avait rien consommé. Il a précisé que son ami, John Allen, lui avait acheté une bière, mais qu'il l'avait donnée. De là, ils se sont rendus à Melbourne pour examiner une voiture, puis au Pepper's Lounge du K-Mart Mall, vers 19 h. Au Pepper's Lounge, ils ont chacun consommé un verre de rhum et deux "shooters". Ils ont joué à des jeux électroniques dans le l"'arcade" et ils ont parlé à Tammy Thibeau. Selon lui, Sheldon Rhyno s'est approché de Tammy Thibeau et, agitant son doigt devant son visage, il lui a dit de poursuivre son chemin. Shawn Goodwin a déclaré n'avoir rien dit jusqu'au moment où Sheldon Rhyno s'est retourné pour lui dire de poursuivre son chemin lui aussi, pointant son doigt au visage de Goodwin. Goodwin a dit à Sheldon Rhyno, "Enlève ton doigt de devant ma face.", sinon il lui arracherait la main et la lui "fourrerait dans le cul". Shawn Goodwin a dit qu'à partir de ce moment-là, les échanges se sont envenimés, et ils en sont venus aux insultes et aux menaces. Il nie que Sheldon Rhyno lui ait jamais demandé de quitter le centre commercial; il lui a simplement dit de poursuivre son chemin. C'est alors que Shawn Goodwin et Allen ont quitté le centre commercial pour se rendre au magasin de vins et spiritueux du centre-ville, où ils ont acheté un quarante onces de rhum (mais Goodwin affirme que ni lui ni John Allen n'en ont bu ce soir-là). Puis ils se sont rendus au Grand Hotel où lui, Shawn Goodwin, a loué une chambre pour la nuit. Il a dit avoir agi ainsi parce qu'il n'avait pas l'intention de retourner à la maison ce soir-là, compte tenu du fait qu'il s'attendait à boire en fin de soirée et qu'il ne voulait pas affronter son amie, Denise Muise, dans cet état.

Selon Shawn Goodwin, à un certain moment en début de soirée, lui et John Allen se sont rendus dans une taverne une seconde fois. Ils sont retournés au K-Mart Mall et ils ont vu Denise Muise arriver dans un autre véhicule. Shawn Goodwin et Denise Muise se sont disputés au sujet des projets que Shawn Goodwin avait pour la soirée, lesquels projets n'incluaient apparemment pas Denise Muise.

Tandis que la dispute continuait, John Allen est allé au Pepper's Lounge, où il a pris un autre verre. Shawn Goodwin a déclaré n'avoir rien bu d'autre, cet après-midi et ce soir-là, que le rhum et les deux "shooters" consommés plus tôt. Selon son témoignage, Denise Muise et lui sont ensuite entrés dans le centre commercial pour y chercher John Allen, qu'ils ont trouvé. Puis, ils ont vu le caporal Cougle entrer par la porte avant du centre. Goodwin a alors dit à John Allen : "On devrait partir, v'là la police." Les trois sont partis ensemble, suivis du caporal Cougle qui, selon Shawn Goodwin, a crié "Arrêtez!" ou "Hé vous!". Shawn Goodwin a dit qu'en entendant ces mots, il s'est arrêté, s'est retourné et a marché en direction du caporal Cougle, qui lui a alors demandé son nom. Shawn Goodwin a donné son nom au caporal Cougle. Le caporal a immédiatement agrippé son bras et son dos et il lui a dit qu'il était en état d'arrestation en vertu de l'article 85. Shawn Goodwin a demandé ce qu'était l'article 85, et le caporal Cougle a répondu que c'était parce qu'il était saoul.

Selon Shawn Goodwin, le caporal Cougle l'a escorté à travers le terrain de stationnement jusqu'à la voiture de police en lui tenant le bras derrière le dos. Il a précisé que cette prise de bras ne faisait pas très mal au début, mais que le policier exerçait plus de pression que ce qui était vraiment nécessaire. Il a discuté avec le caporal Cougle de son état, protestant qu'il n'était pas ivre; en guise de réponse, le caporal lui a remonté le bras encore plus. Shawn Goodwin lui a demandé de desserrer un peu ka prise, et le caporal a réagi en remontant son bras encore plus derrière son dos. À ce moment-là, la prise de bras a commencé à faire plutôt mal, et Shawn Goodwin s'est dégagé, puis il s'est retourné et a dit : "Je vais marcher." Il a semblé à Shawn Goodwin que le caporal Cougle s'était aussitôt retrouvé par-dessus lui, le poussant par terre et lui montrant son poing. Shawn Goodwin a fait rouler le caporal Cougle et il s'est retrouvé par-dessus lui. Ce faisant, il s'est frappé la tête par terre. Shawn Goodwin reconnaît qu'à partir de ce moment-là, il a tout tenté pour empêcher que le caporal Cougle ne le fasse monter dans la voiture de police. Selon lui, la gendarme Bourassa-Muise a saisi son autre bras et ensemble, la gendarme Bourassa-Muise, le caporal Cougle et Sheldon Rhyno ont réussi à l'amener jusqu'à la voiture de police. Ils ont refermé brusquement la portière sur ses jambes, qu'il avait laissées à l'extérieur pour bloquer la portière.

Dans son témoignage, Shawn Goodwin a déclaré qu'à ce moment-là, il a demandé à son ami, John Allen : "Es-tu prêt à me suivre?" John Allen a répondu par l'affirmative. John Allen se trouvait à ce moment-là dans le siège du passager à l'avant de la voiture de police. Les policiers ont tiré John Allen hors de la voiture et ils l'ont plaqué contre le capot. C'est alors que Shawn Goodwin a brisé les deux vitres latérales arrière. Il a essayé de passer à l'avant de la voiture avec l'intention d'y causer tout le dommage qu'il pourrait. Le caporal Cougle s'est penché à l'intérieur et l'a empêché de passer à l'avant, puis il a monté l'écran protecteur entre les deux banquettes. Le témoin a dit avoir vu l'un des policiers arrivés en renfort arrêter Denise Muise. Il a ensuite tenté de sortir de la voiture de police en passant par l'une des vitres brisées. Quand les policiers arrivés sur les lieux ont tenté de l'extraire du véhicule, il a donné des coups de pied dans leur direction et il a été frappé à l'aide d'une lampe de poche par le gendarme Kendall. Selon ses affirmations, les policiers ont fini par le cerner des deux côtés de la voiture, l'un le poussant et l'autre le tirant et, au bout du compte, malgré ses vives protestations physiques, il a été retiré de force du véhicule et placé par terre.

Le témoin affirme que, pendant ces démêlés, l'un des policiers a dit : "Un coup de pied dans les gosses!" Il dit avoir été frappé dans la région des reins et avoir reçu des coups de pied à la hanche. Il a par la suite été mené à une autre voiture de police et menotté et, à ce moment-là, il a à peu près cessé de résister. Il affirme avoir subi des blessures légères, du genre bleus et coupures, qui ne nécessitaient pas de soins médicaux. Il a témoigné que son épaule droite est toujours sensible lorsqu'il lève des haltères. On lui a offert des soins médicaux au centre correctionnel où il a été détenu après son arrestation, mais il a refusé, préférant laisser le sang séché intact, pour que ses blessures puissent être prises en photo.

Shawn Goodwin a déclaré avoir été détenu au centre correctionnel jusqu'au lundi matin suivant, quand on l'a amené devant la Cour provinciale pour répondre à un certain nombre d'accusations au criminel découlant de l'incident. Dans l'après-midi du dimanche il décembre, il a comparu devant un juge de paix conformément aux dispositions pertinentes du Code criminel, mais il n'en a pas gardé de souvenir. Pour ce qui est de la résistance qu'il a opposée au caporal Cougle lorsque celui-ci a tenté de l'arrêter et de le faire monter à bord de la voiture de police, Shawn Goodwin a déclaré qu'il se sentait justifié d'agir ainsi parce qu'il n'était pas ivre et parce que le caporal Cougle avait eu recours à une torsion ou à une prise du bras pour exécuter l'arrestation. Lorsqu'on lui a demandé s'il avait frappé le caporal Cougle, il a répondu, "l'espère que je l'ai frappé.", et il a ajouté que son idée durant tout cela avait été de tout faire pour ne pas monter dans la voiture. Il a précisé qu'il n'avait pas de raison particulière d'opposer une telle résistance et qu'il voulait simplement "faire quelque chose."

Donald Goodwin, le père de Shawn Goodwin et le plaignant en l'espèce, a témoigné que Shawn Goodwin n'avait pas bu avant de quitter la maison le 10 décembre 1988. Il a déclaré qu'il se trouvait à la maison et qu'il a reçu un appel du centre K-Mart de la part d'une personne dont il ne reconnaissait pas la voix et qui l'informait du fait que son fils avait été battu par des membres de la GRC. Il s'est rendu immédiatement au centre K-Mart, et Shawn, qui se trouvait alors sur la banquette arrière de la voiture de police et était sur le point d'être amené, lui a dit qu'il avait été arrêté en vertu de l'article 85 de la Liquor Control Act. Donald Goodwin a déclaré qu'il s'est rendu au centre correctionnel où un membre de la GRC lui a dit qu'on ne pouvait guère lui fournir d'information dans l'immédiat et qu'il devrait chercher à s'informer de nouveau le lendemain matin. Le témoin a déclaré qu'en quittant le centre correctionnel, il a rencontré Ernest et Donna Robichaud qui lui ont dit que Sheldon Rhyno était le gardien de sécurité impliqué dans l'incident avec Shawn Goodwin. M. Goodwin a décidé d'aller au centre K-Mart pour rencontrer le Sheldon Rhyno en question. Il a conduit sa voiture directement au centre et il a trouvé M. Rhyno. Il s'est approché de lui par l'arrière et il l'a surpris en train de dire quelque chose qu'il a perçu comme étant désobligeant envers son fils. Selon ses affirmations, c'est alors qu'il a donné plusieurs coups de poing à la tête ou au visage de Sheldon Rhyno.

Le gendarme Bourassa-Muise a témoigné qu'elle et le caporal Cougle se sont rendus trois fois au centre K-Mart au cours de la soirée du 10 décembre 1988. La première fois, ils répondaient à une plainte reçue par téléphone de Sheldon Rhyno qui disait s'être fait injurier par un inconnu (ultérieurement identifié comme étant Shawn Goodwin) et avoir été embarrassé par cet incident. Le gendarme Bourassa-Muise et le caporal Cougle ont dit à Sheldon Rhyno qu'ils tenteraient de parler à l'individu en cause. Le gendarme Bourassa-Muise a décrit Sheldon Rhyno comme étant plutôt agité à ce moment-là. Elle a décrit l'incident comme étant tout à fait mineur. Par la suite, elle et le caporal Cougle ont reçu, tandis qu'ils patrouillaient ailleurs, un appel radio les informant du fait que Shawn Goodwin avait été identifié comme étant la personne dénoncée plus tôt par Sheldon Rhyno et leur fournissant une description du véhicule de Shawn Goodwin. Le gendarme Bourassa-Muise et le caporal Cougle sont retournés au centre commercial et ils ont patrouillé d'autres secteurs de Yarmouth à la recherche du véhicule, pensant qu'ils pourraient trouver à l'intérieur un conducteur en état d'ébriété.

Vers 20 h 55, les deux policiers ont été informés par radio du fait que Shawn Goodwin était retourné au centre commercial. Ils s'y sont rendus, et Sheldon Rhyno les attendait Le caporal Cougle a dit à Sheldon Rhyno qu'ils parleraient à Shawn Goodwin. Sheldon Rhyno a pointé Shawn Goodwin du doigt, et le caporal Cougle s'est approché de lui tandis qu'il sortait du centre. Le gendarme Bourassa-Muise a déclaré qu'elle suivait à environ 20 mètres derrière. Elle a entendu le caporal Cougle crier : "Shawn, je veux te parler une minute." Shawn Goodwin s'est arrêté. Le caporal Cougle l'a escorté jusqu'à l'endroit où se trouvait Sheldon Rhyno et il a demandé : "C'est-lui?" Sheldon Rhyno a répondu par l'affirmative, et la gendarme Bourassa-Muise a entendu le caporal Cougle aviser Shawn Goodwin du fait qu'il était arrêté en vertu de l'article 85.

Plus tard au cours de son témoignage, la gendarme Bourassa-Muise a déclaré avoir entendu le caporal Cougle préciser que Shawn Goodwin était arrêté pour infraction à l'"article 85" et pour avoir troublé la paix. Elle a entendu Shawn Goodwin pro tes ter qu'il n'était pas ivre et elle a vu le caporal Cougle entraîner Shawn Goodwin par le bras vers la voiture de police. Shawn Goodwin a donné une secousse pour se dégager du caporal Cougle, et celui-ci lui a demandé de ne pas compliquer les choses. Le caporal Cougle a saisi de nouveau Shawn Goodwin par le bras, et la gendarme Bourassa-Muise l'a immobilisé au moyen d'une prise au poignet gauche. Selon la gendarme Bourassa-Muise, les trois se sont retrouvés par terre. Elle ignore comment c'est arrivé ou qui a provoqué la chute, si effectivement elle a été provoquée. Le caporal Cougle a perdu ses lunettes et il a demandé à Denise Muise de les lui donner.

La gendarme Bourassa-Muise a entendu un homme (ultérieurement identifié comme étant John Allen) répondre : "Pas question, je les ramasserai pas tes hosties de lunettes." Selon le témoin, le caporal Cougle aurait tenté de menotter Shawn Goodwin à ce moment-là, si le fait d'avoir perdu ses lunettes ne l'avait pas empêché de voir. Elle a précisé que Shawn Goodwin s'était retrouvé par-dessus elle, à un certain moment au cours de la bagarre au sol.

Après que les deux policiers eurent relevé Shawn Goodwin, la gendarme Bourassa-Muise a de nouveau immobilisé son bras dans une prise, et le caporal Cougle l'a tenu par le bras droit. Le témoin a déclaré que le caporal Cougle a remis des clés à Sheldon Rhyno pour qu'il approche la voiture de police. Selon elle, Shawn Goodwin n'a cessé de résister, exigeant d'être libéré et criant des obscénités. Elle a entendu John Allen dire à Shawn Goodwin, "Prends-le, il est plus petit que toi." Elle a entendu Denise Muise dire "Laissez-le. Il peut marcher tout seul."

Le témoin a déclaré que le caporal Cougle a fini par pousser Shawn Goodwin sur la banquette arrière de la voiture de police et a fermé la portière. Selon elle, ni Cougle ni Goodwin n'a frappé l'autre. Elle a vu John Allen tendre la main vers le caporal Cougle, ce après quoi John Allen a été arrêté et placé dans la voiture de police. À la demande du caporal Cougle, la gendarme Bourassa-Muise a contraint John Allen au moyen d'une prise de doigt. Elle a déclaré qu'aussitôt dans la voiture, Shawn Goodwin a tenté de passer à l'avant et que le caporal Cougle l'en a empêché en interposant l'écran protecteur. À ce moment-là, tandis qu'elle maîtrisait John Allen, la gendarme Bourassa-Muise a senti une secousse dans sa direction tandis qu'elle était appuyée contre la voiture et elle a vu Shawn Goodwin briser les vitres latérales arrière à coups de pied. C'est alors que Sheldon Rhyno, à la demande du caporal Cougle, a lancé un appel 1033 (appel à l'aide urgent).

La gendarme Bourassa-Muise a déclaré avoir entendu des cris venant de la foule et quelques mots d'encouragement adressés à Shawn Goodwin. Elle a entendu Shawn Goodwin demander une cigarette tandis qu'il se trouvait à l'intérieur de la voiture de police et elle a vu Denise Muise s'approcher de la voiture avec hésitation. Elle a vu le bras de Denise Muise s'approcher de la portière de la voiture et Denise tenter de calmer Shawn Goodwin. Le témoin a déclaré que Denise Muise semblait déconcertée et que sa crainte qu'elle intervienne était "limitée". Elle a ajouté que Denise Muise avait fini par s'éloigner de la voiture de police, à la demande du caporal Cougle, mais qu'il avait fallu le lui demander plusieurs fois avant qu'elle obéisse et que, de toute façon, elle ne s'était pas éloignée de beaucoup.

Selon la gendarme Bourassa-Muise, lorsque les policiers venus en renfort se sont approchés de la voiture endommagée, Shawn Goodwin avait une attitude très défensive et il a tenté de sortir en passant par la vitre brisée. Elle a d'abord vu Shawn Goodwin donner des coups de pied en direction du gendarme Forbes, puis elle a vu le gendarme Kendall aller de l'autre côté de la voiture et saisir Shawn par le cou en vue de le faire sortir. Elle était préoccupée par le nombre des personnes attroupées. Elle a précisé que, pendant toute la durée de l'incident, Shawn Goodwin sentait l'alcool et il paraissait très agité.

La gendarme Bourassa-Muise a déclaré que, à la demande du caporal Cougle, un policier venu en renfort a arrêté Denise Muise et que John Allen a été arrêté par le caporal Cougle lui-même. Ces trois personnes ont été amenées au Yarmouth Correctional Centre où elles ont été incarcérées. Sur l'ordre du caporal Cougle, John Allen et Denise Muise ont été libérés sur remise d'un engagement l'après-midi suivant, et Shawn Goodwin a été remis en détention après avoir comparu devant un juge de paix. On l'a détenu jusqu'au moment de sa comparution en Cour provinciale, le lundi matin suivant.

La gendarme Bourassa-Muise a déclaré n'avoir reçu aucune instruction du caporal Cougle ou de quelque autre membre de la GRC et n'avoir eu aucune discussion avec le caporal Cougle ou quelque autre membre concernant le besoin d'incarcérer Denise Muise ou John Allen. Elle a décrit la décision de détenir Shawn Goodwin jusqu'à sa comparution devant un juge de paix, avec recommandation de l'incarcérer jusqu'au lundi matin, comme étant une décision conjointe du caporal Cougle et d'elle-même. Elle a précisé que cette décision découlait de leur crainte que la sécurité de Sheldon Rhyno soit compromise par une libération immédiate de Shawn Goodwin. La gendarme Bourassa-Muise a témoigné qu'elle n'a pas donné instruction au bureau du procureur de la Couronne de demander que la mise en liberté de Shawn Goodwin soit assujettie à des conditions au moment de sa comparution en Cour provinciale. La raison pour laquelle elle n'a pas demandé de telles conditions est qu'elle croyait que la Cour elle-même s'en chargerait. La gendarme Bourassa-Muise a déclaré qu'elle ne jugeait pas dans l'intérêt du public d'incarcérer Denise Muise après son arrestation. Elle a ajouté qu'avec du recul, elle pouvait voir comme raison d'incarcérer John Allen après son arrestation la crainte pour la sécurité de Sheldon Rhyno. Ce dernier avait été menacé par Shawn Goodwin plus tôt au cours de la soirée et il avait même été agressé par le père de Shawn Goodwin, Donald Goodwin. La gendarme a toutefois précisé qu'elle n'a été informée de l'agression perpétrée par Donald Goodwin qu'après l'incarcération de John Allen.

Le caporal Cougle a témoigné qu'il était membre de la GRC depuis 1969. Lors de la troisième visite qu'ils ont faite au centre K-Mart, le 10 décembre 1988, à la demande de Sheldon Rhyno, lui et la gendarme Bourassa-Muise se sont fait indiquer par Sheldon Rhyno qui était Shawn Goodwin. Le caporal a dit s'être approché de Shawn Goodwin qui sortait par la porte du centre commercial et avoir tenté de l'arrêter en lui criant "Shawn". Shawn Goodwin s'est arrêté, s'est retourné et a dit au caporal Cougle : "Qu'est-ce que tu veux, crisse?". Le caporal Cougle a demandé à Shawn Goodwin de se nommer, et celui-ci a donné son nom au long. Le caporal Cougle a dit à Shawn Goodwin qu'il voulait lui parler, il l'a pris par le bras et il l'a mené jusqu'à l'endroit où se trouvait Sheldon Rhyno. Il a demandé à M. Rhyno si c'était bien la personne qui causait des problèmes. Selon le caporal, Shawn Goodwin n'a pas essayé de partir, il a traité Sheldon Rhyno de "téteux" et a dit au caporal Cougle : "Pis toi, va chier." Le caporal Cougle a précisé qu'il y avait entre dix et quinze personnes tout près au moment où ces paroles ont été prononcées. Il a averti Shawn Goodwin de surveiller son langage et, lorsque celui-ci a en fait proféré d'autres obscénités, le caporal Cougle l'a immédiatement arrêté pour infraction à l'article 85 de la Liquor Control Act et pour avoir troublé la paix. Selon le caporal Cougle, Shawn Goodwin a répliqué que le caporal n'avait aucun pouvoir et qu'il n'avait rien à lui reprocher. Le caporal Cougle a déclaré qu'il a arrêté Shawn Goodwin en vertu de la Liquor Control Act parce qu'il avait remarqué que ses yeux étaient injectés de sang, que son haleine sentait fort l'alcool, qu'il avait une attitude belliqueuse et qu'il proférait des obscénités.

Le caporal Cougle a déclaré qu'au moment où il a commencé à escorter Shawn Goodwin jusqu'à la voiture de police en le tenant par le bras droit, Shawn s'est dégagé en donnant une secousse et il a donné un coup avec sa main en direction de la tête du caporal. Ce dernier a tenté d'agripper Shawn Goodwin, les deux ont trébuché et sont tombés par terre, et le caporal a perdu ses lunettes. Sans ses lunettes, le caporal Cougle ne pouvait parvenir à menotter Shawn Goodwin. Il a finalement réussi à relever Shawn Goodwin et il a continué à l'escorter jusqu'à la voiture de police.

Le caporal Cougle a nié avoir exercé suffisamment de pression sur le bras de Shawn Goodwin pour l'obliger à marcher sur la pointe des pieds. Il a précisé que, selon lui, la prise de bras était nécessaire et que Shawn Goodwin se serait enfui s'il n'avait pas été retenu. Cette impression venait du fait que Shawn Goodwin s'était dirigé vers la porte lorsqu'il avait vu approcher le caporal Cougle dans le centre commercial. Le caporal a ajouté que l'attroupement - évalué par lui à environ 200 ou 300 personnes - créé par l'incident le préoccupait. Selon lui, un certain nombre de personnes dans la foule le huaient et il s'inquiétait pour la sécurité de la gendarme Bourassa-Muise.

Le caporal Cougle a réussi à faire monter Shawn Goodwin à l'arrière de la voiture de police. Les jambes de Shawn Goodwin ont accidentellement bloqué la portière lorsqu'il a donné des coups de pied au moment même où le caporal Cougle tentait de fermer la portière.

Le témoin a dit qu'à ce moment-là, Shawn Goodwin était tout simplement déchaîné. Selon ses affirmations, immédiatement avant qu'il ne place Shawn Goodwin dans la voiture, il a entendu John Allen dire à Shawn, "Tes plus gros, prends-le!", et John Allen a alors sauté sur le dos du caporal Cougle. Lorsque Shawn Goodwin a brisé les vitres arrière de la voiture de police à coups de pied, le caporal Cougle a demandé à Sheldon Rhyno de se servir de la radio de la voiture de police pour lancer un appel à l'aide urgent 10-33. Le caporal Cougle a ajouté que, tandis qu'il escortait Shawn Goodwin jusqu'à la voiture de police, il a été agrippé au bras droit par Denise Muise. Il a précisé que, une fois Shawn Goodwin assis dans la voiture, Denise Muise a de plus ouvert la portière arrière et tenté de donner une cigarette à Shawn Goodwin, mais le témoin a refermé la portière. Le caporal Cougle a témoigné avoir dit à Denise de s'en aller et, bien qu'elle ait reculé un peu, elle n'est pas partie.

Le caporal Cougle a témoigné qu'il avait été responsable de l'arrestation des trois individus. Il a lui-même arrêté John Allen pour avoir entravé un agent de police dans l'exécution de ses fonctions et il a aussi donné instruction au gendarme Cameron d'arrêter Denise Muise pour la même infraction. Le témoin a précisé n'avoir pas été en cause lorsque les autres policiers ont retiré Shawn Goodwin de la voiture de police dont les vitres avaient été brisées.

Le caporal Cougle a déclaré qu'après les arrestations, les trois individus ont été amenés au Yarmouth County Correctional Centre. John Allen et Denise Muise ont été détenus jusqu'au lendemain après-midi et ils ont été libérés sur remise d'un engagement. Le caporal Cougle se considérait être l'officier responsable de cette mise en liberté. Également sur les instructions du caporal Cougle, Shawn Goodwin a été traduit devant un juge de paix qui l'a renvoyé en détention provisoire jusqu'au lendemain matin afin qu'il comparaisse en Cour provinciale. En cour, Shawn Goodwin devait répondre à des accusations portées en vertu de l'alinéa 118a) du Code criminel (résister à son arrestation), du paragraphe 387(4) du Code criminel (méfait volontaire à l'égard d'un bien), du sous-alinéa 171a)(ii) du Code criminel (troubler la paix en étant ivre), du sous-alinéa 171a)(i) du Code criminel (troubler la paix en employant un langage insultant) et de l'alinéa 246(1)a) du Code criminel (voies de fait contre un agent de police).

Le caporal Cougle a reconnu, tout comme la gendarme Bourassa-Muise, qu'il n y avait aucune raison de garder Denise Muise en détention après son arrestation et qu'elle aurait dû être mise en liberté. Il a précisé n'avoir pas donné instruction de détenir Denise Muise, mais il acceptait tout de même la responsabilité de cette décision, étant donné qu'il était l'officier responsable.

Le caporal Cougle s'est dit d'avis que John Allen avait à raison été détenu jusqu'au lendemain, étant donné qu'il était intoxiqué, qu'il était un ami de Shawn Goodwin et que le caporal craignait pour la sécurité de Sheldon Rhyno. Le caporal Cougle avait antérieurement témoigné qu'il avait pris la décision de garder John Allen en détention, au moment de l'arrestation ou peu de temps après. Le caporal a affirmé n'avoir été informé de l'agression de Donald Goodwin contre Sheldon Rhyno qu'après avoir quitté le centre correctionnel à la suite de l'incarcération de John Allen. Le caporal Cougle a déclaré n'avoir pas envisagé d'autres mesures que l'arrestation et la détention de Shawn Goodwin avant sa comparution en cour du lundi matin, étant donné qu'il voulait qu'un juge de la Cour provinciale assortisse la mise en liberté de conditions strictes qui obligeraient Shawn Goodwin à se tenir loin de Sheldon Rhyno et de la K-Mart Plaza. Le caporal Cougle a indiqué qu'il s'attendait à ce que la gendarme Bourassa-Muise demande à la Cour, par l'entremise de l'avocat de la Couronne, d'imposer ces conditions, étant donné qu'au moment de la comparution, c'était elle qui était l'officier responsable de l'enquête. Il n'a pas donné instruction à la gendarme Bourassa-Muise de demander ces conditions. Il a précisé que son expérience dans la police l'avait amené à croire que les conditions de mise en liberté avaient plus de poids lorsqu'elles étaient imposées par un juge que par un juge de paix.

Le caporal Cougle a ajouté n'avoir jamais auparavant, au cours de sa carrière dans la police, lancé un appel 10-33 (appel à l'aide urgent).

En réponse aux questions de la Commission, le caporal Cougle a affirmé ne s'être pas rendu au centre commercial avec l'intention d'arrêter et de détenir Shawn Goodwin. Il a pris la décision de procéder à l'arrestation uniquement après que Shawn Goodwin eut sacré en présence de 10 à 15 personnes, au moment de leurs premiers contacts. Le caporal s'est dit d'avis que l'alcoolémie de Shawn Goodwin se serait avérée excessive s'il avait subi le test. Il était aussi d'avis que Shawn Goodwin avait bu plus qu'un rhum et deux "shooters".

CONCLUSIONS DE FAIT

Après avoir entendu et pris en considération tous les témoignages et toutes les pièces de preuve présentés à l'audience, la Commission a tiré, à l'égard des plaintes en cause, les conclusions de fait suivantes.

Le 10 décembre 1988, entre 18 h et 18 h 30, il y a eu une altercation et une légère bousculade entre Shawn Goodwin et Sheldon Rhyno, un gardien de sécurité, dans l'espace commun intérieur de la K-Mart Plaza, à Yarmouth (Nouvelle-Écosse).

L'altercation a débuté lorsque Sheldon Rhyno a demandé à Tammy Thibeau, une jeune femme qui se trouvait avec Shawn Goodwin, de ne pas s'attarder davantage à l'endroit où elle et Goodwin se tenaient. Shawn Goodwin a tenté de prendre la défense de Tammy Thibeau. Il y a eu une dispute, le ton a monté, et Shawn Goodwin a fini par proférer des jurons et des menaces à l'endroit de Sheldon Rhyno. Goodwin parlait assez fort pour être entendu des piétons qui circulaient autour. Goodwin a dit à Sheldon Rhyno en des termes on ne peut plus clairs que lui, Shawn Goodwin, ne s'en irait pas. Chacun des hommes a posé la main sur l'autre au moins une fois, se donnant une légère poussée.

Sheldon Rhyno a ensuite quitté le secteur où la confrontation avait eu lieu et il a téléphoné au détachement approprié de la GRC. Au moment du premier appel, il ne connaissait pas l'identité de Shawn Goodwin. Lorsque le caporal Cougle et la gendarme Bourassa-Muise sont arrivés au centre commercial en réponse à l'appel, Sheldon Rhyno n'a pu indiquer ni le nom de Shawn Goodwin ni l'endroit où il se trouvait. À ce moment-là, les policiers n'ont pas jugé que l'incident était grave et ils n'avaient pas vraiment l'intention de procéder à une arrestation. Ils souhaitaient simplement parler à l'individu en cause.

Plus tard, après le départ des policiers, Sheldon Rhyno a appris le nom de Shawn Goodwin au cours d'une conversation avec Darryl Ollenburger. Sheldon Rhyno a retéléphoné à la GRC pour communiquer ce renseignement. Le caporal Cougle et la gendarme Bourassa-Muise sont retournés au centre commercial en réponse à ce deuxième appel et ils ont par la suite patrouillé le secteur à la recherche du véhicule que Shawn Goodwin était censé conduire, croyant que Goodwin se trouvait peut-être en état d'ébriété.

Pour ce qui est de l'alcool consommé par Shawn Goodwin ce soir-là, les preuves non contredites révèlent que Goodwin et son ami, John Allen sont allés dans une taverne avant de se rendre au centre commercial et que Shawn Goodwin n'a pas bu de bière à la taverne. Peu avant l'altercation entre Goodwin et Rhyno, Shawn Goodwin et John Allen ont chacun bu un verre de rhum et deux "shooters" (liqueurs) au Pepper's Lounge, dans la K-Mart Plaza. Après l'altercation, Goodwin et Allen ont quitté le centre commercial et ils ont acheté un 40 onces de rhum dans un magasin de vins et spiritueux du centre-ville. Ils n'ont pas entamé la bouteille. Les deux ont loué une chambre au Grand Hotel, au nom de Shawn Goodwin, et ils sont retournés dans une taverne locale. Il n'y a pas de preuve que Shawn Goodwin ait bu de la bière la deuxième fois qu'il est allé dans une taverne ou qu'il ait bu d'autre alcool ce jour-là que les verres de chez Pepper's. La Commission accepte son témoignage selon lequel il n'est pas un grand buveur de bière.

Shawn Goodwin et John Allen sont retournés au centre K-Mart un peu après 20 h. Ils ont rencontré Denise Muise à l'extérieur du centre. Denise Muise et Shawn Goodwin ont commencé à se disputer au sujet de ce que Shawn Goodwin projetait de faire pendant la soirée. Il projetait entre autres de continuer à boire. John Allen a laissé Shawn Goodwin et son amie pour se rendre seul au Pepper's Lounge où il a bu un autre verre de rhum. Shawn Goodwin et Denise Muise sont entrés dans le centre pour chercher John Allen. À l'intérieur du centre, Shawn Goodwin et Sheldon Rhyno se sont croisés, et Shawn Goodwin a adressé des remarques désobligeantes ou des menaces à Sheldon Rhyno.

À la suite de cette rencontre avec Goodwin, Rhyno a téléphoné une troisième fois à la GRC, et le caporal Cougle et la gendarme Bourassa-Muise sont retournés de nouveau au centre commercial. Le caporal Cougle et Shawn Goodwin se sont aperçus au moment où Goodwin se trouvait près de l'entrée du centre. Dès cet instant, Goodwin a su que les policiers étaient à sa recherche et il a tenté de partir - en compagnie de John Allen et de Denise Muise - en passant par la porte avant. Le caporal Cougle a ensuite avancé rapidement à l'intérieur du centre et il est sorti par les portes principales, du côté avant. Même si le caporal Cougle connaissait à ce moment-là le nom de Shawn Goodwin, il ne l'avait jamais vu auparavant et il n'était pas personnellement en mesure de l'identifier. Il a crié le nom de Shawn Goodwin et il a dit à l'individu qu'on lui avait désigné comme étant Shawn Goodwin de revenir. Shawn Goodwin, qui se trouvait à ce moment-là dans le terrain de stationnement à proximité de l'entrée avant du centre, en compagnie de Denise Muise et de John Allen, s'est arrêté, s'est retourné et il a marché en direction du caporal Cougle.

Le caporal Cougle a rencontré Shawn Goodwin, il l'a pris par le bras et il l'a mené jusqu'à Sheldon Rhyno. Il a demandé à Rhyno si Goodwin était bien la personne qui avait causé des problèmes. Shawn Goodwin a dit des obscénités au caporal Cougle et à Sheldon Rhyno. À ce moment-là, il y avait un petit nombre de piétons autour. Il n'existe pas de preuve directe que quiconque parmi ces piétons a entendu les obscénités initiales. On pouvait observer chez Shawn Goodwin certains signes d'intoxication. Son haleine sentait l'alcool, ses yeux étaient injectés de sang et, de façon générale, il avait un comportement agité.

Se fiant à ces observations, le caporal Cougle a décidé, lorsque Shawn Goodwin a commencé à proférer des obscénités, de l'arrêter pour s'être trouvé en état d'ébriété dans un endroit public, en vertu de l'article 85 de la Liquor Control Act. Le caporal Cougle a immédiatement ramené le bras droit de Shawn Goodwin derrière son dos et il a placé sa propre main gauche sur la nuque de Shawn Goodwin, puis il a commencé à escorter Shawn Goodwin jusqu'à la voiture de police.

La gendarme Bourassa-Muise et Sheldon Rhyno suivaient derrière. Tandis que le groupe commençait à avancer, Shawn Goodwin a protesté qu'il n'était pas en état d'ébriété et il a dit au caporal Cougle qu'il n'avait rien à lui reprocher et qu'il n'avait pas le pouvoir de l'arrêter.

En réponse, le caporal Cougle a resserré la pression en remontant le bras de Shawn Goodwin plus haut derrière son dos. Shawn Goodwin a alors protesté qu'il pouvait marcher de lui-même sans se faire tordre le bras. Le caporal Cougle a refusé de lâcher prise et, en réaction, Shawn Goodwin s'est dégagé et il s'est retourné pour faire face au caporal. Ce dernier s'est avancé pour agripper Shawn Goodwin de nouveau, et les deux sont tombés par terre en même temps que la gendarme Bourassa-Muise qui s'était dans l'intervalle approchée par l'arrière et avait saisi Shawn Goodwin au bras et à la main gauches. Le caporal Cougle a perdu ses lunettes et son chapeau, et il avait de la difficulté à voir sans ses lunettes. Les deux policiers ont lutté contre Shawn Goodwin par terre. Le caporal Cougle a fini par relever Shawn Goodwin, et lui et la gendarme Bourassa-Muise ont repris la direction de la voiture de police -- qui entre temps avait été approchée des lieux par Sheldon Rhyno -- entraînant Shawn Goodwin par la force. Shawn Goodwin était désormais bien décidé à résister à l'arrestation avec toute la force et l'énergie qu'il pouvait rassembler.

Dans l'intervalle, peu après que le caporal eut relevé Shawn Goodwin, John Allen a fait une observation à Shawn Goodwin, l'incitant à ne pas abandonner la lutte. John Allen a saisi le bras du caporal Cougle dans le but de détourner son attention. Allen a ramassé les lunettes et le chapeau du caporal Cougle qui se trouvaient par terre. Le caporal Cougle a saisi ses lunettes dans la main de John Allen, mais Allen a retenu brièvement le chapeau avant de permettre à la gendarme Bourassa-Muise de le lui reprendre.

À peu près au même moment, l'amie de Shawn Goodwin, Denise Muise, a commencé à répéter au caporal Cougle de laisser Shawn Goodwin aller, en disant qu'il pouvait marcher par lui-même. Tandis que Shawn Goodwin commençait à s'enrager, Denise Muise tentait de le calmer.

Quand le caporal Cougle et la gendarme Bourassa-Muise ont réussi à maîtriser Shawn Goodwin et à repartir avec lui en direction de la voiture de police, il a commencé à y avoir un attroupement. La foule a grossi rapidement au cours de l'incident, si bien qu'il a fini par y avoir au moins 100 personnes, et sans doute plus. Au moins une des personnes dans cette foule, Ernie Robichaud, a tenté d'inciter les gens à aider Shawn Goodwin ou à s'interposer en sa faveur. Robichaud, et peut-être d'autres personnes dans cette foule, a traité les agents de la GRC de "chiens" ("pigs"). (La Commission a trouvé bien intéressant d'entendre un témoin lui assurer qu'un chien" n'est pas n'importe quel policier, mais bien un policier qui abuse de son pouvoir et use d'une force excessive.)

Les policiers ont finalement réussi à faire monter Shawn Goodwin à l'arrière de la voiture du caporal Cougle. Presque immédiatement, Shawn Goodwin a tenté de passer de la banquette arrière à la banquette avant, expressément dans le but d'endommager le plus possible le véhicule. Le caporal Cougle l'en a empêché en se penchant dans la voiture pour relever l'écran protecteur. À ce moment-là ou presque, Denise Muise s'est approchée de la portière arrière de la voiture de police et elle a placé sa main sur la portière ou près de la portière. Elle a tenté de calmer Goodwin en lui parlant. Shawn Goodwin a demandé une cigarette et elle a tenté de lui en donner une. Elle a soit ouvert la portière de la voiture ou fait un geste pour l'ouvrir, et le caporal Cougle lui a dit de s'en aller. Elle a reculé, mais elle ne s'est pas vraiment éloignée. À ce moment-là, Shawn Goodwin s'est servi de ses pieds pour fracasser les deux vitres latérales arrière de la voiture. Il a aussi tenté de briser la vitre arrière à coups de pied, mais sans succès.

Entre temps, John Allen avait été maîtrisé par la gendarme Bourassa-Muise qui le tenait contre la voiture. Le caporal Cougle a fait monter John Allen à l'avant de la voiture de police. Shawn Goodwin a demandé à son ami John Allen, "Es-tu prêt à me suivre?", et John Allen a répondu qu'il l'était.

En entendant cette réponse, Shawn Goodwin a tenté de sortir de la voiture de police à travers la vitre brisée, mais il en a été empêché par le gendarme Forbes qui était arrivé sur les lieux pour prêter main forte. Le gendarme Forbes a en fait tenté de tirer Shawn Goodwin pour le faire sortir au complet par la fenêtre, mais il n'a réussi qu'à sortir le blouson de Shawn Goodwin. L'un des policiers venus en renfort a ouvert la portière arrière de la voiture, et Shawn Goodwin a donné des coups de pied dans sa direction. Ce policier a reculé, et un autre policier s'est approché de Shawn Goodwin tenant une lampe de poche pour parer les coups de pied que Shawn Goodwin continuait de donner. Un troisième policier a couru de l'autre côté de la voiture, il a ouvert cette portière et il a tiré Shawn Goodwin hors de la voiture, tandis qu'un autre policier tentait de maîtriser les jambes de Shawn Goodwin par l'ouverture de la portière opposée. Shawn Goodwin a résisté au policier qui tentait de l'extirper de la voiture avec toute la force et l'énergie qu'il pouvait rassembler. Il a fallu au moins trois et peut-être même quatre agents pour arriver à le sortir de là. Puis Shawn Goodwin a été poussé par terre; un agent s'est chargé de lui tenir les jambes, un autre, de lui tenir le torse et un troisième ou un quatrième, de lui menotter les mains derrière le dos. Il a fallu aux policiers un certain temps pour y parvenir, et Shawn Goodwin a continué à résister autant qu'il le pouvait. Dans cette mêlée, Shawn Goodwin a subi quelques coupures et éraflures mineures, mais aucune d'elles n'étaient suffisamment grave pour nécessiter des soins médicaux.

Shawn Goodwin, Denise Muise et John Allen ont ensuite été amenés en voiture de police jusqu'au centre correctionnel municipal, où ils ont été détenus pour la nuit. Sur instruction du caporal Cougle, John Allen et Denise Muise ont été remis en liberté le lendemain à midi. Le caporal Cougle a aussi donné instruction à la gendarme Bourassa-Muise de faire mener Shawn Goodwin devant un juge de paix et de demander que le juge de paix renvoie Shawn Goodwin en détention provisoire pour qu'il comparaisse en Cour provinciale le lundi matin, soit le lendemain.

C'est seulement après que la décision d'incarcérer les trois individus eut été prise que le caporal Cougle a été informé du fait que Donald Goodwin, le père de Shawn Goodwin, avait agressé Sheldon Rhyno. À ce moment-là, le caporal Cougle avait un motif raisonnable de croire que la mise en liberté inconditionnelle de Shawn Goodwin pouvait faire craindre pour la sécurité physique de Sheldon Rhyno. Il a pensé qu'il pouvait être risqué pour la sécurité de Sheldon Rhyno de permettre que Shawn Goodwin soit mis en liberté sans condition. Le caporal Cougle n'a pas donné instruction, que ce soit directement ou par l'entremise d'autres membres de la GRC, de demander à la Couronne de veiller à ce que la Cour provinciale assortisse de conditions l'éventuelle mise en liberté de Shawn Goodwin. La Commission n'a, au cours de cette audience, pris connaissance d'aucune preuve ou indication que la Cour provinciale a imposé des conditions.

CONCLUSIONS

Les questions dont la Commission est saisie dans cette affaire sont l'usage de la force par divers membres de la GRC contre Shawn Goodwin, et la détention subséquente de Shawn Goodwin, Denise Muise et John Allen.

Pour ce qui est de la force employée par le caporal Cougle contre Shawn Goodwin au cours de la soirée du 10 décembre 1988, la Commission est convaincue, compte tenu de la preuve présentée et de toutes les circonstances, que le degré de force employé était raisonnable. Il est bien établi en droit, dans la province de la Nouvelle-Écosse, qu'un policier qui se trouve devant une personne apparemment en train de commettre une infraction à une loi provinciale peut, si les autres conditions de la loi sont remplies, procéder à l'arrestation de la personne en question. Il est aussi bien établi que, lorsqu'il est effectivement habilité à effectuer l'arrestation, le policier est en droit d'employer le degré de force raisonnablement nécessaire pour y parvenir.

Dans le cas présent, la Commission est convaincue que le caporal Cougle avait suffisamment de motifs, après avoir observé l'état et le comportement de Shawn Goodwin, pour conclure que celui-ci était apparemment en train de commettre une infraction à l'article 85 de la Liquor Control Act et que l'arrestation était légitime. Après avoir examiné la preuve relative à tous les contacts physiques entre le caporal Cougle et Shawn Goodwin pendant l'incident du 10 décembre 1988, la Commission se dit convaincue que le degré de force employé par le caporal Cougle pour effectuer l'arrestation était raisonnable.

De plus, la Commission est convaincue que la conduite de la gend. Sylvie N. Bourassa-Muise, du gend. Victor R.A. Cameron, du gend. Robert G. Forbes, de l'ancien gend. Denis R. Charbonneau, du caporal Frederick D. Simmons, du gend. J. M. Lacroix et du gend. G. W. Kendall ainsi que la force qu'ils ont employée pour maîtriser Shawn Goodwin après l'arrestation constituaient une réaction légitime, mesurée et proportionnelle à la conduite de Shawn Goodwin en tant que personne en état d'arrestation et qu'elles étaient conformes à la politique et à la formation de la GRC.

De même, pour ce qui est de l'arrestation de Denise Muise et de John Allen et du fait qu'on les ait amenés hors du secteur du centre K-Mart, la Commission est d'avis que la conduite de tous les membres de la GRC qui y ont été mêlés était, dans les circonstances, appropriée. John Allen avait mis la main sur le caporal Cougle dans le but avoué de le distraire de sa tâche, qui était de s'assurer la garde légitime de Shawn Goodwin. Denise Muise avait fait un geste qui pouvait être interprété comme étant une tentative de faire sortir Shawn Goodwin de l'arrière de la voiture dans laquelle il était retenu. Dans le cas de John Allen, le caporal Cougle avait donc des motifs raisonnables de croire que, par sa conduite, il s'était rendu coupable d'"entrave". Dans le cas de Denise Muise, le caporal avait des motifs de croire que, par sa conduite, elle s'était apparemment rendue coupable de la même infraction.

Ainsi, après avoir conclu que ces arrestations étaient légitimes et avoir tenu compte du nombre de personnes attroupées et de l'état d'agitation de certaines de ces personnes, la Commission est convaincue qu'il était nécessaire et qu'il était dans l'intérêt du public que les membres de la GRC retirent Denise Muise et John Allen des lieux après leur arrestation en vue de vérifier leur identité et de leur signifier un avis de comparution.

Toutefois, la Commission est résolument d'avis que les membres de la GRC n'étaient pas justifiés d'exercer le pouvoir de garder Denise Muise et John Allen en détention pour la nuit. Selon la Commission, ces détentions constituent une erreur manifeste dans une opération policière par ailleurs exécutée professionnellement. La Commission ne voit rien dans la preuve qui lui permettrait de conclure que l'intérêt du public justifiait la détention de ces deux personnes pour une période plus longue que le temps nécessaire pour vérifier l'identité et signifier les avis de comparution.

La Commission signale qu'il est tout à l'honneur de la Gendarmerie qu'au moment de l'audition de cette affaire, le caporal Cougle et la gendarme Bourassa-Muise aient tous deux reconnu avoir commis une erreur en détenant Denise Muise pour une période inutilement longue.

Le caporal Cougle a imputé la faute commise dans le cas de Denise Muise à un problème de communication entre les différents membres de la GRC mêlés à son arrestation. La Commission juge cette explication insatisfaisante. Elle juge de même insatisfaisante l'explication fournie par le caporal Cougle ou par la gendarme Bourassa-Muise au sujet de la détention prolongée de John Allen.

La gendarme Bourassa-Muise a dit à l'audience qu'avec du recul, on pourrait justifier la détention de John Allen par le fait qu'on craignait pour la sécurité de Sheldon Rhyno. Le témoignage du caporal Cougle était du même ordre.

La Commission est d'avis que ces suppositions, même avec du recul, sont loin de constituer une justification raisonnable devant une décision aussi grave que celle qui consiste à priver un citoyen de sa liberté ou à restreindre cette liberté. Le caporal Cougle n'a été informé de l'agression de Donald Goodwin contre Sheldon Rhyno que bien après avoir décidé de garder John Allen en détention. De plus, il n'y avait pas à ce moment-là et il n'y a pas plus maintenant de preuves qui permettent de blâmer John Allen pour l'inconduite de Shawn Goodwin devant Sheldon Rhyno. En bref, au moment où il a décidé que John Allen devait être gardé en détention pour la nuit, le caporal Cougle n'avait aucune preuve que John Allen pouvait menacer la sécurité de Sheldon Rhyno. Ainsi, aux yeux des membres de la Commission, les raisons fournies par le caporal Cougle pour justifier l'incarcération de John Allen pour la nuit ne sont pas fondées.

En fait, il aurait été tout à son honneur que la GRC avoue s'être trompée en incarcérant John Allen comme elle a avoué s'être trompée en incarcérant Denise Muise.

Pour ce qui est de Shawn Goodwin, la Commission est d'avis que la GRC était justifiée de le garder en détention, pour les motifs d'intérêt public énoncés par le caporal Cougle, jusqu'à ce que des conditions de mise en liberté puissent être imposées en vertu des dispositions pertinentes du Code criminel. Comme le caporal Cougle l'a dit dans son témoignage, ces conditions auraient pu inclure l'obligation pour Shawn Goodwin de se tenir loin de la K-Mart Plaza et de Sheldon Rhyno en attendant le procès. Toutefois, aux yeux de la Commission, on n'était pas justifié de demander que le juge de paix renvoie Shawn Goodwin en détention provisoire l'après-midi du dimanche 11 décembre 1988 simplement pour permettre que la Cour provinciale impose ces conditions le lendemain, soit le lundi 12 décembre 1988.

Si l'on cherchait seulement à obtenir des conditions de mise en liberté, par opposition à une incarcération plus longue en attendant le procès ou à d'autres exigences reliées au cautionnement, on pouvait et on aurait dû demander ces conditions au juge de paix. Le caporal Cougle croyait personnellement que les conditions avaient plus de chances d'être observées si elles étaient imposées par un juge de la Cour provinciale que si elles étalent imposées par un juge de paix, mais en cela, il a mal interprété le Code criminel.

Le pouvoir d'un juge de paix d'assortir une libération provisoire de conditions est prévu dans le Code criminel et il existe expressément pour empêcher la détention inutile d'un accusé. La ligne de conduite énoncée dans le Code criminel profite non seulement à l'accusé, du fait qu'on le remette en liberté le plus tôt possible sans aller à l'encontre de l'intérêt du public, mais aussi à l'ensemble de la société.

RECOMMANDATIONS

Les modifications apportées au Code criminel en 1972 par une loi connue comme étant la Loi sur la réforme du cautionnement ont pour but d'assurer un certain équilibre entre les divers intérêts du public qu'on a cités pour justifier la détention avant procès et le principe fondamental voulant que la liberté individuelle soit protégée le plus possible tant que l'accusé n'a pas été jugé et reconnu coupable. Les policiers ont un rôle précis à jouer dans ce processus; ils ont notamment la délicate responsabilité d'appliquer les principes de la législation d'une manière objective et désintéressée.

Nous recommandons que le Commissaire prenne toutes les mesures nécessaires pour s'assurer que le caporal Cougle, la gendarme Bourassa-Muise et tous les autres membres de la subdivision de Yarmouth (Nouvelle-Écosse) se familiarisent avec les dispositions de mise en liberté de la Loi sur la réforme du cautionnement et qu'ils les appliquent d'une manière juste et objective en veillant à ce que, quand il y a lieu, les personnes arrêtées soient mises en liberté sans retard injustifié. Il conviendrait notamment de faire subir au caporal Cougle et à la gendarme Bourassa-Muise un examen écrit sur les dispositions de mise en liberté de la Loi sur la réforme du cautionnement Les résultats de cet examen devraient être portés à la connaissance du président de la Commission.

FAIT le 24e jour de mai 1991.

BLAIR H. MITCHELL

GRAHAM W. STEWART

R. BARRY LEARMONTH


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ANNEXE II

Le 24 juin 1991

Monsieur Fernand Simard
Vice-président
Commission des plaintes du public contre la GRC
C.P. 3423
Succursale D
Ottawa (Ontario)
K1P 6L4

Monsieur le Vice-président,

J'ai examiné le rapport établi par la Commission à la suite de la tenue d'une audience publique sur la plainte de M. Donald Goodwin (nos de dossier : 2000-PCC-89113 et 88G-3228).

Je suis d'accord avec votre conclusion selon laquelle tous les membres en cause ont agi correctement et conformément à la loi en ce qui touche le recours à la force et les accusations portées.

Même si les questions relatives à la détention ont surgi au cours de l'audience et que les recommandations à ce sujet ne sont pas directement liées à la plainte, je prendrai ces recommandations en délibéré. Je donnerai au directeur de la Police générale l'instruction d'examiner cette question. Les résultats seront transmis au commandant de la Division « H », lequel veillera à ce que tous les membres en cause soient au courant des modalités à respecter sous le régime de la Loi sur la réforme du cautionnement.

Je vous remercie de vos conseils et j'attendrai avec intérêt votre rapport final.

Veuillez agréer, Monsieur le vice-président, l'expression de mes sentiments distingués.


Le commissaire,


N.D. Inkster

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Date de création : 2003-08-11
Date de modification : 2006-10-25 

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