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COMMISSION DES PLAINTES DU PUBLIC CONTRE LA GRC

Loi sur la GRC - Partie VII

Paragraphe 45.46(3)


RAPPORT FINAL DE LA PRÉSIDENTE

À LA SUITE D'UNE AUDIENCE PUBLIQUE

Plaignants :

Mme Theresa Brake et M. Stephen Peter-Paul

19 janvier 1999 Nosde dossier : 2000-PCC-950252/253

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RAPPORT FINAL DE LA PRÉSIDENTE À LA SUITE D'UNE AUDIENCE PUBLIQUE

I. INTRODUCTION

Procédures

En vertu du paragraphe 45.43(1) de la Loi sur la GRC, la Présidente de la Commission peut, si elle le juge dans l'intérêt du public, convoquer une audience publique pour enquêter sur une plainte, que la GRC ait ou non enquêté, produit un rapport sur la plainte ou pris quelque autre mesure à cet égard. L'audience est menée par les membres de la Commission désignés par la Présidente et, au terme de l'audience, le comité produit un rapport intérimaire énonçant ses conclusions et ses recommandations relativement à la plainte. Ce rapport est envoyé au Solliciteur général du Canada, au Commissaire de la GRC, à toutes les parties visées et à leurs conseillers juridiques.

Le Commissaire de la GRC doit, sur réception du rapport intérimaire, revoit la plainte à la lumière des conclusions et des recommandations. Il doit ensuite informer la Présidente de la Commission de toute mesure ultérieure qui a été ou qui sera prise en rapport avec la plainte, ou lui expliquer pourquoi il ne tiendra pas compte des conclusions et recommandations.

Lorsqu'elle a pris connaissance de l'avis du Commissaire, la Présidente de la Commission rédige un rapport final dans lequel elle inclut les conclusions et les recommandations qu'elle juge appropriées. Ce rapport est également envoyé au Solliciteur général, au Commissaire de la GRC, à toutes les parties visées et à leurs conseillers juridiques.

Rapport intérimaire et avis du Commissaire

Le rapport intérimaire du 31 décembre 1997, dont copie est annexée au présent document (Annexe A), a été envoyé au Solliciteur général et au Commissaire. Ce dernier a réagi au rapport intérimaire dans une lettre datée du 11 septembre 1998 et adressée à la Présidente (l'avis du Commissaire); une copie de cette lettre est annexée au présent document (Annexe B). Le rapport intérimaire comprend un résumé adéquat de la plainte et des témoignages entendus aux fins de la préparation du présent rapport final.

II. CONCLUSIONS ET RECOMMANDATIONS

Je constate avec intérêt que le Commissaire est d'accord avec les conclusions du comité.

Trois de ces recommandations, à savoir continuer d'offrir une formation interculturelle et une sensibilisation aux disparités culturelles, maintenir un « bureau satellite » dans la réserve d'Indian Brook, et recruter, former et déployer un plus grand nombre de membres d'origine autochtone, avaient trait aux services de police autochtones. Dans son Avis, le Commissaire faisait référence à la formation pertinente des cadets, à la poursuite des programmes de formation interculturelle et de sensibilisation aux disparités culturelles, aux ententes particulières avec certaines Premières nations, dont celle d'Indian Brook, ainsi qu'à la politique de recrutement de cadets autochtones et aux services de police autochtones en général. Dans son rapport intérimaire, le comité a formulé les commentaires suivants :

[Traduction]

La question des services de police autochtones est complexe et son étude doit aller bien au-delà de l'examen de la preuve qui a été présentée à l'audience. Il serait par conséquent inapproprié de faire des recommandations détaillées en ce qui a trait à l'établissement du modèle de services de police dans cette collectivité.

Il semble évident que le Commissaire a relevé les observations générales du comité au sujet des services de police autochtones et j'estime que la GRC s'intéresse à cette question « complexe ».

Pour ce qui est de la recommandation du comité voulant que les membres de la GRC qui font l'objet d'une plainte du public devraient se retirer des enquêtes criminelles visant les plaignants, je crois qu'il s'agit d'une recommandation appropriée.

Dans son avis, le Commissaire rejette cette recommandation en s'appuyant sur une politique qui interdit à un membre de faire une enquête sur une plainte du public lorsque ce membre pourrait se trouver en conflit d'intérêts (section XII.2.C.9 - Manuel de l'administration de la GRC). Je suis d'avis qu'il existe un conflit d'intérêts chaque fois qu'un membre dirige une enquête criminelle sur une personne qui a porté plainte relativement au comportement de ce membre. La politique citée par le Commissaire ne traite pas de cette question, ni directement, ni par inférence. Le problème n'est pas que les officiers qui traitent les plaintes ne devraient pas participer directement à d'autres enquêtes, mais plutôt que les membres qui font l'objet d'une plainte ne devraient pas participer à une enquête criminelle visant le plaignant. La politique proposée devrait indiquer clairement qu'un membre ne peut participer à une enquête criminelle lorsque la personne visée par cette enquête a déposé une plainte contre ce membre ou dans toute autre circonstance pouvant donner lieu à un conflit d'intérêts réel ou apparent. La confiance du public dans la procédure de traitement des plaintes et d'enquête criminelle serait considérablement réduite si on autorisait un membre faisant l'objet d'une plainte à mener une enquête criminelle sur le plaignant.

L'importance du conflit inhérent qui existe lorsqu'un membre participe à une enquête criminelle visant un plaignant est mentionnée dans la politique de la GRC qui précise qu'un membre doit s'assurer que la Couronne est mise au courant de la plainte du public lorsque celle-ci est déposée par un accusé contre le membre qui l'a arrêté ou qui fait enquête dans l'affaire (section XII.2E.11 - Manuel de l'administration de la GRC). Il faudrait réviser la politique pertinente pour refléter les préoccupations du comité et y énoncer clairement les restrictions. Cette question ne devrait pas faire l'objet d'une interprétation au cas par cas.

Pour ce qui est de la recommandation finale du comité, j'ai examiné les observations du Commissaire et je suis satisfaite de la réponse proposée.

Le présent document constitue le rapport final que je présente au Solliciteur général et au Commissaire en rapport avec cette plainte.


Présidente


Le 19 janvier 1999

Shirley Heafey
Présidente
Commission des plaintes du public contre la GRC
C.P. 3423, succursale D
Ottawa (Ontario)
K1P 6L4

Pièces jointes (2)


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ANNEXE A

COMMISSION DES PLAINTES DU PUBLIC CONTRE LA GRC

Loi sur la GRC - Partie VII

Paragraphe 45.45(14)

RAPPORT INTÉRIMAIRE DE LA COMMISSION

à la suite d'une audience publique

relativement aux plaintes

de

Stephen Peter-Paul

et

Theresa Brake

COMITÉ

Alan T. Tufts, c.r.
Ronald S. Noseworthy, c.r.
Julie Dutil (démissionnaire)

31 décembre 1997 No de dossier 2000-PCC-950253

--------------------------------------------------------------------------------

COMMISSION DES PLAINTES DU PUBLIC CONTRE LA GRC

Loi sur la Gendarmerie royale du Canada

Partie VII

Paragraphe 45.45.(14)

RAPPORT DE LA COMMISSION

À la suite d'une audience publique

relativement aux plaintes

de

Stephen Peter-Paul

et

Theresa M. Brake


COMITÉ

Alan T. Tufts, c.r.
Président

Ronald S. Noseworthy, c.r.
Membre

Julie Dutil
Membre (démissionnaire)

Audience tenue à Halifax (Nouvelle-Écosse)
Du 15 au 30 avril 1996
Du 27 au 31 mai 1996
Du 9 au 15 septembre 1996

COMMISSION DES PLAINTES DU PUBLIC CONTRE LA GRC

LOI SUR LA GENDARMERIE ROYALE DU CANADA, 1986


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TABLE DES MATIÈRES

Section


Introduction - Avis de décision de convoquer une audience


Plaintes


Procédures


Démission de Julie Dutil, membre de la Commission


Sommaire des faits


Témoignages


Conclusions de faits
Plainte de Stephen Peter-Paul
Plainte de Theresa Brake


Questions
L'arrestation de Stephen Peter-Paul était-elle légale?
A-t-on frappé délibérément la tête de Stephen Peter-Paul contre la portière de la voiture de police?
Stephen Peter-Paul a-t-il reçu immédiatement des soins médicaux adéquats?
A-t-on tenu des propos racistes?
Theresa Brake a-t-elle été frappée par un membre de la GRC? Le cas échéant, par qui et a-t-elle reçu un coup de poing?
Theresa Brake et Tamara Peter-Paul ont-elles été traitées adéquatement par les membres du détachement d'Enfield de la GRC?


Services de police autochtones


Demande de remboursement des coûts par l'officier compétent


Sommaire et conclusions


Sommaire des recommandations


Annexes
Demande de divulgation des dossiers disciplinaires des membres nommés de la GRC
Décision relative à la compétence

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1. INTRODUCTION -- AVIS DE DÉCISION RELATIVEMENT À LA CONVOCATION D'UNE AUDIENCE
Le 5 septembre 1995, le Président de la Commission des plaintes du public contre la GRC a donné avis de sa décision rendue conformément au paragraphe 45.43(1) de la Loi sur la GRC de convoquer une audience publique pour enquêter sur les plaintes déposées par Stephen Peter-Paul et Theresa Brake, et, conformément au paragraphe 45.44(1) de la Loi, le Président a désigné M. Alan T. Tufts comme Président, ainsi que Ronald S. Noseworthy, c.r. et Shirley Heafey, membres de la Commission des plaintes du public contre la GRC pour diriger une audience publique. Le 19 octobre 1995, le Président de la Commission des plaintes du public contre la GRC a envoyé des avis révisés relativement aux plaintes susmentionnées faisant état d'une modification à la composition du comité. Ainsi, Mme Shirley Heafey a été remplacée par Mme Julie Dutil.

2. PLAINTES

Les plaintes de M. Stephen Peter-Paul telles que précisées dans l'avis de décision relative à la convocation d'une audience sont les suivantes :

1. Le 29 avril 1994, M. Stephen Peter-Paul a été arrêté illégalement par le gendarme M.K. Stothart à son domicile situé au 11, avenue Vine, à Indian Brook; les officiers l'ont sorti du véhicule de son frère, l'ont menotté et emmené au détachement d'Enfield où il a été détenu.

2. Le 29 avril 1994, M. Peter-Paul à été arrêté illégalement par le gendarme M.K. Mackin [sic] à son domicile situé au 11, avenue Vine, à Indian Brook; les officiers l'ont sorti du véhicule de son frère, l'ont menotté et emmené au détachement d'Enfield où il a été détenu.

3. Le 29 avril 1994, M. Peter-Paul à été arrêté illégalement par le gendarme G.J. Fiander à son domicile situé au 11, avenue Vine, à Indian Brook; les officiers l'ont sorti du véhicule de son frère, l'ont menotté et emmené au détachement d'Enfield où il a été détenu.

4. Lors de son arrestation le 29 avril 1994, M. Peter-Paul a été sorti du véhicule par le gendarme F.J. Mackin et jeté au sol; lorsqu'il était au sol, on lui a ramené les mains derrière le dos et on l'a menotté; on a frappé son visage et son corps contre le sol et il a subi des blessures au visage, aux bras et à la partie supérieure du corps; lorsqu'on l'a placé dans la voiture de police, on a frappé sa tête contre la portière le blessant à la tempe droite; tous ces éléments constituent un usage abusif de la force par le gendarme Mackin.

La plainte de Theresa M. Brake telle que précisée dans l'avis de décision se lit comme suit :

Le 29 avril 1994, le gendarme Stothart [pendant son enquête, la GRC a déterminé qu'il s'agissait du gendarme F.J. Mackin et non du gendarme Stothart] était par terre, pratiquement par-dessus Steven Peter-Paul pour lui passer les menottes; dans le but d'attirer l'attention du gendarme, Mme Theresa Brake lui criait après et le poussait à la hauteur des épaules, car elle se trouvait au-dessus de lui; à un certain moment, le gendarme Mackin a levé le bras et frappé Mme Brake sur la tempe gauche; celle-ci est alors tombée à la renverse; selon Mme Brake, ces gestes constituent une agression; le gendarme Mackin a ensuite empoigné Mme Brake et lui a tordu le bras en lui disant qu'elle serait mise en état d'arrestation; Mme Brake a crié et il l'a lâchée quand elle lui a demandé le motif de son arrestation. Mme Brake a perdu ses lunettes lorsque le gendarme Mackin l'a frappée; l'ensemble de ces gestes constitue un usage abusif de la force par le gendarme Mackin.

3. PROCÉDURES

L'audience publique s'est déroulée au Airport Hotel, près de Halifax (Nouvelle-Écosse), et à quelque 20 kilomètres à l'est de la réserve d'Indian Brook, là où les événements faisant l'objet des plaintes se sont déroulés. L'audience s'est tenue du 15 au 30 avril 1996, du 27 au 31 mai 1996 et du 9 au 16 septembre 1996; par la suite, la Commission a reçu des mémoires au nom de toutes les parties représentées à l'audience.

Les membres de la Commission ont entendu le témoignage de 30 personnes pendant l'audience et se sont rendus au domicile de M. Stephen Peter-Paul, ont visité les environs et le lieu de détention du détachement d'Enfield de la GRC. Les membres de la Commission ont également assisté à une démonstration de la procédure d'arrestation consistant à faire coucher la personne face contre le sol, effectuée par des membres de la GRC au détachement d'Enfield. Quarante-neuf pièces ont été présentées à la Commission.

Lors de l'audience, la Commission était représentée par son avocat. Chacun des membres visés de la GRC, l'officier compétent et les plaignants bénéficiaient également des services d'un avocat. Le sergent d'état-major Kelly Palmer était représenté par un avocat pendant les deux premières semaines de l'audience, soit du 15 au 30 avril 1996. La Commission n'a reçu aucun mémoire au nom du sergent d'état-major Palmer. Tous les autres avocats ont été présents tout au long de l'audience.

4. DÉMISSION DE JULIE DUTIL, MEMBRE DE LA COMMISSION

Le 2 octobre 1996, Madame Julie Dutil a démissionné de son poste au sein de la Commission des plaintes du public contre la GRC. On a entendu les observations des parties au sujet des répercussions de la démission de Madame Dutil sur la compétence de la Commission pour ce qui est de la poursuite de l'audience conformément à la Partie VII de la Loi sur la GRC. Les deux autres membres du comité ont conclu qu'ils avaient le pouvoir de poursuivre l'audience et de soumettre un rapport au Ministre et au Commissaire contenant les conclusions et recommandations relativement à la plainte conformément au paragraphe 45.45(14) de la Loi sur la GRC. L'intégralité de la décision de la Commission en ce qui concerne la compétence du comité est contenue dans l'annexe B du présent rapport.

5. SOMMAIRE DES FAITS

L'incident qui a donné lieu aux deux plaintes s'est produit dans la réserve d'Indian Brook le 29 avril 1994. M. Stephen Peter-Paul, un Mi'kmaq, habite rue Vine dans la réserve d'Indian Brook, une collectivité autochtone située près de Shubenacadie, en Nouvelle-Écosse (à environ 50 kilomètres à l'ouest de Halifax).

M. Peter-Paul exploitait une petite entreprise de nettoyage au moment de l'incident; il avait travaillé toute la nuit à Halifax jusqu'au matin du 29 avril. Avant de rentrer chez lui, il a rendu visite à sa tante qui était soudainement tombée malade et dont l'état était apparemment grave. M. Peter-Paul a indiqué dans son témoignage que l'état de santé de sa tante le préoccupait énormément.

M. Peter-Paul est arrivé chez lui vers 13 h 30. Dès son arrivée, il s'est mis à boire à même une bouteille de vodka. Les témoignages sont plutôt contradictoires sur la sobriété de M. Peter-Paul et sur les gestes qu'il a posés à l'arrivée des officiers de la GRC.

Vers 14 h 15, quelqu'un a téléphoné au détachement d'Enfield de la GRC, situé à environ 20 kilomètres d'Indian Brook, se plaignant au sujet de certains gestes de M. Peter-Paul. C'est le gendarme Keith Stothart et le gendarme Frank Mackin qui ont répondu à la plainte.

Après avoir patrouillé la réserve à la recherche de M. Peter-Paul, les deux officiers ont rejoint un troisième officier, le gendarme Gower Fiander, avant de se rendre chez M. Peter-Paul. Tout au long de l'opération, les officiers communiquaient par radio avec le sergent d'état-major Kelly Palmer et le sergent d'état-major Cornect qui sont demeurés au détachement pendant presque toute la durée de l'incident.

À l'arrivée des trois officiers au domicile de M. Peter-Paul, celui-ci était assis à la place du passager dans la voiture de son frère qui était stationnée devant la maison. Le gendarme Stothart s'est approché du véhicule et a expliqué à M. Peter-Paul les motifs de leur présence. M. Peter-Paul a admis avoir proféré des obscénités à l'endroit des officiers. Pendant cette rencontre, le gendarme Stothart s'est entretenu avec la mère de M. Peter-Paul, Mme Theresa Brake.

Après une courte discussion, on a procédé à l'arrestation de M. Peter-Paul. On l'a fait coucher face contre le sol. On l'a menotté puis installé dans la voiture de police. Tout au long de la procédure, quelques membres de la collectivité se sont rassemblés sur les lieux. D'autres membres de la famille de M. Peter-Paul sont intervenus, y compris la mère de ce dernier qui a allégué qu'un des officiers l'avait frappée après qu'elle a tenté de convaincre ceux-ci de ne pas arrêter son fils.

Il existe ici aussi des divergences considérables entre les descriptions de ce qui s'est produit au domicile de M. Peter-Paul. À certains égards très importants, les témoignages de certaines personnes sont tout à fait contradictoires. Le présent rapport contient un compte rendu et un examen complets des témoignages.

M. Peter-Paul a par la suite été conduit au détachement d'Enfield de la GRC où il a passé la nuit. On l'a relâché le lendemain et accusé d'avoir troublé la paix en contravention avec le sous-alinéa 175(1)a)(i) du Code criminel. M. Peter-Paul a été acquitté de cette accusation. Il a subi des contusions et des lacérations par suite de son arrestation et de sa détention.

Lorsque les policiers ont quitté le domicile de M. Peter-Paul, Theresa Brake et Tamara Peter-Paul, la femme de Stephen Peter-Paul, se sont rendues au détachement d'Enfield. Mme Brake a déposé une plainte officielle au sujet du comportement d'un des officiers. Elle a été accusée d'avoir entravé un agent de la paix dans l'exécution de ses fonctions, ce qui constitue une infraction à l'alinéa 129a) du Code criminel; elle a par la suite été acquittée.

Plus tard, M. Peter-Paul a déposé une plainte à la Commission des plaintes du public contre la GRC, conformément aux dispositions de la Loi sur la GRC, au sujet du comportement des officiers.

6. TÉMOIGNAGES

On note d'importantes divergences en ce qui concerne quelques aspects essentiels des témoignages de nombreuses personnes qui se trouvaient chez M. Peter-Paul avant et pendant son arrestation. La version donnée par M. Peter-Paul de ce qui est arrivé dans l'aire de détention du détachement d'Enfield de la GRC diffère grandement des témoignages fournis par les autres personnes présentes ce soir-là. De plus, la version donnée par Mme Brake et Tammy Peter-Paul quant à leurs échanges avec la GRC au détachement d'Enfield le jour en question ne correspond pas à celle des officiers de la GRC qui ont témoigné.

On procédera par conséquent à un examen minutieux de chacun des témoignages et on portera une attention particulière aux divergences.

L'ordre dans lequel les témoignages sont présentés dans le présent document ne correspond pas nécessairement à l'ordre dans lequel les personnes ont témoigné à l'audience.

Témoignage de Theresa Brake

Theresa Brake était chez son fils, rue Vine dans la réserve d'Indian Brook, le jour des incidents. Elle travaillait dans le magasin situé au sous-sol. Elle était venue donner un coup de main et s'occuper de ses petits-enfants, ce qu'elle faisait apparemment régulièrement.

La maison de M. Peter-Paul se trouve en bordure d'une petite pente, ce qui fait que le sous-sol est entièrement exposé. Lorsqu'on regarde la maison à partir de la rue Vine, on voit le magasin du côté droit du sous-sol. Dans la partie gauche de la maison, il y a une arcade tenue par M. Stephen Peter-Paul. À gauche de l'arcade, il y a un long escalier menant à un palier qui permet d'accéder à l'entrée de la partie principale de la maison, au-dessus de l'arcade et du magasin. Le palier est bien visible à partir des autres maisons du voisinage.

Stephen Peter-Paul est arrivé chez lui vers 13 h 30 après avoir travaillé toute la nuit. Il a dit à sa mère qu'avant de rentrer à la maison, il avait rendu visite à sa tante Yvonne à l'hôpital et que celle-ci était malade. Apparemment, sa tante n'était pas en bonne santé, ce qui l'a perturbé.

Mme Brake a mentionné qu'il avait une bouteille de vodka, qu'il l'avait ouverte et avait l'intention d'en boire le contenu. Elle a pris la bouteille et a versé un peu de vodka par terre, près de l'entrée du magasin. Elle a ensuite pris du jus d'orange au magasin et en a versé un peu dans la bouteille. Stephen Peter-Paul s'est alors mis à boire à même la bouteille.

Après une courte discussion avec sa mère, M. Peter-Paul a quitté le magasin et est monté à l'étage où se trouvaient sa femme et d'autres membres de sa famille. Environ 20 minutes plus tard, Tamara Peter-Paul, la femme de Stephen Peter-Paul, est allée chercher Mme Brake parce que son fils voulait lui parler. Tamara Peter-Paul est restée au magasin et Mme Brake est montée. Celle-ci a trouvé son fils dans la chambre et est restée avec lui pendant une vingtaine de minutes; durant cette période, il buvait à même la bouteille de vodka.

Après un certain temps, elle a quitté la maison et est retournée au magasin; elle se tenait dans l'entrée pendant que ses petits-enfants jouaient sur le terrain devant la maison. Elle s'est souvenue que son fils était sorti de la maison, qu'il tenait une bouteille à la main et avait levé les bras. Il se trouvait alors sur le palier, en haut de l'escalier à l'entrée de la maison. Elle a nié avoir entendu une dispute entre son fils et sa bru, et a aussi nié avoir entendu son fils proférer des injures, tel que l'ont prétendu d'autres témoins. Elle a de plus nié que son fils était agité ou perturbé et qu'il était en état d'ébriété. Son témoignage à cet égard différait considérablement des témoignages de quelques voisins et des officiers de la GRC.

Elle a témoigné que son autre fils, Christopher Paul, est arrivé dans l'allée au volant d'une Thunderbird noire qu'il a stationnée près de son véhicule. Stephen a descendu l'escalier et s'est installé dans la voiture avec Christopher. Elle s'est rendue du côté du passager où se trouvait Stephen et a eu une brève conversation avec lui au sujet du fait que Stephen s'en allait et qu'il devrait aller dormir chez elle.

Elle parlait avec Stephen lorsque les officiers de la GRC sont arrivés. Elle a mentionné que les officiers sont sortis de leur voiture, qu'ils se sont approchés de Stephen et lui ont posé des questions au sujet d'une arme à feu. À ce moment-là, elle s'est reculée et un des officiers s'est approché d'elle et lui a demandé s'il y avait des armes à feu sur les lieux. Elle a répondu qu'à sa connaissance, il n'y en avait pas.

Elle a admis que Stephen a dit aux officiers de « c. le camp de ma cour » et qu'il l'a répété trois fois. Elle a dit que les officiers ont dit ceci à Stephen : « tu restes ici ». Elle a indiqué que Stephen a détaché sa ceinture de sécurité et a fait un geste vers la portière, mais avant qu'il tire la poignée, l'officier a ouvert la portière et l'a sorti de la voiture. On l'a ensuite jeté au sol, face contre terre; un officier se trouvait de chaque côté et un troisième, près de sa tête. Il était placé de façon parallèle par rapport à l'avant de la maison et il semble d'après le témoignage de Mme Brake que le gendarme Frank Mackin se trouvait à la droite de M. Peter-Paul et qu'il faisait dos à la rue (donc face au magasin); le gendarme Keith Stothart était à gauche face à la rue et le gendarme Gower Fiander, près de la tête de M. Peter-Paul.

Mme Brake a affirmé qu'elle se trouvait entre Stephen et le magasin. Elle a mentionné qu'elle a étendu le bras pour taper le gendarme Mackin sur l'épaule et l'a imploré de ne pas arrêter son fils et d'attendre l'arrivée d'un gendarme autochtone. Elle ne connaissait pas le nom du gendarme, mais elle affirme clairement qu'il s'agissait de l'officier qui se trouvait face au magasin, à la droite de Stephen. Elle a déclaré que ce même officier avait levé les yeux et l'avait frappée au visage, la renversant sur sa bru Tamara, et lui faisant perdre ses lunettes. Elle a déclaré à une occasion qu'il « m'a frappée sur la tempe avec son poing ».

Après qu'elle s'est relevée, un enfant lui a tendu une paire de lunettes qui semblaient tordues. Elle a déclaré qu'elle avait tordu encore plus les lunettes avant qu'un des gendarmes les lui arrache des mains. Elle a affirmé que malgré le fait qu'on lui a dit plus tard qu'il ne s'agissait pas de ses lunettes, elle ne le savait pas à ce moment-là. Elle a dit qu'elle était frustrée et en colère, et que c'était pourquoi elle avait voulu détruire ses propres lunettes. Elle a ensuite continué à chercher ses lunettes et les a trouvées par terre où quelqu'un les avait apparemment écrasées. Elle a affirmé que pendant l'arrestation, un gendarme a tiré Stephen par les cheveux et a appuyé son visage dans les graviers.

Elle a aussi déclaré qu'une personne qui se trouvait dans la foule ou une autre personne avait dit « c. d'Indien ». Elle s'est aussi rappelée qu'après l'incident des lunettes, le gendarme Mackin lui a tordu le bras derrière le dos puis l'a amenée vers la voiture de police. Il lui a dit qu'elle était en état d'arrestation, mais l'a relâchée avant de monter dans la voiture. Elle a déclaré avoir vu les officiers emmener Stephen vers la voiture de police et qu'on lui a frappé la tête contre la portière de la voiture.

Alors que les officiers ayant procédé à l'arrestation quittaient les lieux, elle se rappelle avoir vu arriver le gendarme Stephen Michael, qui est un Autochtone. Elle lui a parlé brièvement, car elle voulait savoir précisément qui étaient les officiers afin de pouvoir porter plainte contre eux. Elle a alors quitté les lieux en compagnie de Tamara Peter-Paul et elles se sont rendues en voiture jusqu'au détachement d'Enfield de la GRC. Elle a dit s'être rendue là pour porter plainte contre l'officier qui l'avait frappée, ainsi que pour savoir ce qui était arrivé à son fils. Lorsqu'elle est arrivée sur place, elle a informé la réceptionniste qu'elle souhaitait porter plainte contre l'un des officiers. Après avoir attendu pendant environ 15 à 20 minutes, elle a décidé de s'en aller. Alors que les deux femmes quittaient le détachement et s'apprêtaient à monter dans leur voiture, l'un des officiers est accouru vers elles et leur a demandé : « N'avez-vous pas l'intention de porter plainte? ». On l'a alors ramenée dans les locaux du détachement et installée seule dans un bureau. Elle dit avoir été questionnée à savoir si elle voulait «porter plainte», mais avant de ce faire elle a été accusée d`obstruction au travail des policiers. On lui a demandé de faire une déclaration, mais elle a refusé. Elle a déposé sa plainte par la suite, en expliquant à l'officier ce qui s'était passé. Il a consigné sa plainte, qu'elle a signée. Entre-temps, Tamara Peter-Paul essayait de voir Stephen, mais on ne l'y a pas autorisée. Theresa et Tamara Peter-Paul ont alors quitté le détachement.

Témoignage de Stephen Peter-Paul

Le témoignage de M. Peter-Paul concorde largement avec celui de sa mère, Theresa Brake. Il a confirmé être arrivé à la maison vers 13 h 30, après avoir travaillé toute la nuit dans son entreprise de nettoyage à Halifax. Apparemment, il s'était arrêté pour rendre visite à sa tante Yvonne à l'hôpital, car celle-ci était soudainement tombée malade. Il a dit s'être arrêté dans un magasin d'alcool pour acheter une bouteille de vodka d'un litre, dans l'intention de rentrer à la maison, de « caler » sa bouteille et de se coucher.

Il a confirmé le témoignage de Theresa Brake, selon laquelle, lorsqu'il est arrivé à la maison, il a rencontré sa mère qui travaillait dans le petit magasin situé au sous-sol de sa maison. Il a commencé à boire la vodka directement à la bouteille après que sa mère l'a mélangée avec une petite quantité de jus d'orange. Dans son témoignage, il a admis qu'il était en désaccord avec sa femme en ce qui concerne son travail. Apparemment, elle n'appréciait pas le fait qu'il travaille le soir. Il reconnaît qu'il a eu des échanges d'injures avec elle, mais considérait que ce type de langage était normal dans la conversation de tous les jours.

Il a également confirmé que sa belle-mère, Geneviève Paul, ainsi que Sheena Paul, Frank Smith et Sandy Brooks, étaient chez lui à ce moment-là. Il a ajouté avoir sorti la bouteille de vodka sur la véranda à l'avant de la maison, en haut d'un escalier comptant de nombreuses marches. Il a bu à la bouteille assis dans l'escalier, et a fini par la jeter à terre en avant de la maison. Selon lui, il restait alors un peu de vodka dans la bouteille.

Durant son témoignage, il s'est souvenu que son frère Chris Paul était arrivé en voiture et s'était stationné devant le hangar, et qu'il lui avait parlé depuis l'escalier. Il a dit à son frère « Allons faire un tour d'auto » et celui-ci a accepté. Il est alors monté en avant dans la voiture de son frère, à la place du passager, et Frank Smith s'est assis sur la banquette arrière. Il a confirmé que sa mère s'était alors approchée de lui afin de le persuader d'aller se coucher chez elle.

D'après son témoignage, sa chaîne stéréophonique jouait de la musique country assez fort et de la musique « rap » aussi forte venait de l'arcade située en dessous. Il a maintenu qu'en raison du bruit de la musique et des enfants qui jouaient dans la cour, il lui était difficile de dormir chez lui; c'est pourquoi il allait partir chez sa mère.

Selon son témoignage, lorsque les officiers de la GRC sont arrivés, ils se sont approchés du véhicule du côté du passager, où il était assis. Ils lui ont dit qu'ils avaient reçu une plainte relativement à une arme à feu. Il a admis leur avoir dit de « crisser le camp de sa cour », puis « je suppose que vous voulez me fouiller, maintenant, crisse ». On lui a demandé de détacher sa ceinture de sécurité et de sortir de la voiture. Après avoir détaché sa ceinture, il a « volé » hors de la voiture et s'est retrouvé directement par terre, tombant sur son bras. Au moment de l'incident, il avait les cheveux longs; un des officiers de police l'a attrapé par les cheveux et lui a appuyé le visage dans les graviers de l'allée. À un moment donné, il lui a frappé la tête par terre, lui causant une large coupure à la lèvre. Il a affirmé ne pas avoir opposé de résistance à son arrestation, mais a admis avoir crié après les officiers.

Dans son témoignage, il a dit s'être frappé la tête sur la portière de la voiture de police au moment où on l'installait à l'arrière du véhicule. Il a affirmé qu'il ne s'était pas débattu lorsque les policiers l'ont soulevé de terre et transporté jusqu'à leur voiture. Selon lui, ils lui ont délibérément frappé la tête contre la portière et, pour reprendre ses propres termes, qu'ils lui ont donné « un dernier petit coup avant de partir ». Il a perdu connaissance en raison du choc. Il a par ailleurs nié le fait qu'une arme à feu était sur les lieux durant l'incident.

Dans son témoignage, M. Peter-Paul a dit avoir été emmené au détachement d'Enfield de la GRC et placé dans une cellule. Il a affirmé avoir été jeté contre le mur de la cellule, ce qui lui a causé une blessure à la tempe. On lui aurait dit ceci : « Mes hosties de guerriers, vous vous prenez pour des durs ». Il se souvient s'être réveillé et avoir exigé la présence de l'officier de prévention du suicide et d'un médecin, même s'il a admis ne pas se souvenir clairement de ce qui s'était passé. Pendant qu'il était en prison, il a chanté à plusieurs reprises un chant rituel destiné à lui donner des forces. Il s'est souvenu que le gendarme Stephen Michael est venu le voir. Son témoignage n'était pas clair du tout quant aux événements survenus pendant qu'il était au détachement ou dans sa cellule. Il a été libéré dans la matinée et accusé d'avoir troublé la paix.

Pendant le témoignage de M. Peter-Paul, on a produit une série de photographies du haut de son corps prises après l'incident. Ces photos montraient un certain nombre d'érosions, de contusions et de lacérations au visage et sur le haut du torse. En particulier, elles montraient une importante coupure sur la lèvre supérieure, ainsi qu'une ecchymose très visible sur la tempe gauche. Elles révélaient également un certain nombre d'égratignures et de coupures sur le haut du corps ainsi que sur les jambes. Il a dit avoir été examiné par le Dr Locke le lendemain de l'incident et avoir pris 20 milligrammes de valium ce même jour. Il a admis avoir demandé au Dr Locke une prescription de valium, que celui-ci lui a refusée.

Dans son témoignage, M. Peter-Paul a indiqué que, tout au long de l'incident, il n'était pas en état d'ébriété, a nié le fait qu'il faisait un esclandre ou causait des troubles comme l'ont souligné d'autres témoins, et a nié avoir dit qu'il allait se tirer une balle dans la tête.

Témoignage de Tamara Peter-Paul

Tamara Peter-Paul est la femme de Stephen Peter-Paul. Son témoignage corrobore largement celui de son mari. Elle a confirmé qu'après l'arrivée de son mari à la maison le matin, celui-ci était très perturbé par la nouvelle de l'hospitalisation de sa tante. Elle a confirmé que, lorsqu'il est entré dans la maison, il buvait à même une bouteille de vodka, et qu'il a mis de la musique et faisait les cent pas dans la maison. Elle a également confirmé qu'ils avaient eu un « léger désaccord à propos de son emploi à lui », parce qu'elle n'approuvait pas le fait qu'il travaille de nuit et qu'il dorme le jour. Elle a admis qu'il y avait probablement eu un échange d'injures, mais pas qu'ils s'étaient parlé en haussant le ton.

Elle a dit avoir reçu un appel de la GRC, qui l'informait d'une plainte déposée relativement à la possession d'une arme à feu par son mari. Elle a répondu que son mari possédait bien une arme, mais qu'il ne l'avait pas sur lui. Il semble que cet appel ait eu lieu dans le magasin, au sous-sol de la résidence de M. Peter-Paul. C'est juste à l'extérieur du magasin que l'arrestation a eu lieu. Pendant que Mme Peter-Paul parlait à la police au téléphone, les officiers de la GRC sont arrivés dans sa cour. À ce moment-là, elle a laissé le téléphone décroché et est sortie pour voir ce qu'il se passait. C'est là que le sergent d'état-major Kelly Palmer a entendu ce qu'il pensait être un coup de feu.

Elle a déclaré que Chris Paul, son mari et Frank Smith étaient dans la voiture. Elle se tenait derrière Theresa Brake, qui était elle-même près du côté du passager de la Thunderbird noire. Elle a confirmé que les officiers de police avaient mentionné à son mari une plainte relative à une arme à feu; il aurait alors dit à la police : « Je suppose que vous allez me fouiller, crisse. ». Elle a affirmé qu'ils lui ont répondu « Oui. ». Elle a indiqué que la conversation entre les officiers et son mari était très dure de part et d'autre. Elle ne savait pas vraiment si son mari avait posé la main sur la portière du véhicule mais, en tout cas, elle a vu les officiers ouvrir cette portière et le tirer vers l'extérieur.

Dans son témoignage, Mme Peter-Paul a indiqué que, durant l'arrestation, Theresa Brake et elle-même demandaient aux officiers d'arrêter et d'attendre l'arrivée du gendarme autochtone. Elle a confirmé que Theresa Brake essayait d'avoir l'attention des officiers; c'est pourquoi elle a touché l'épaule de l'un d'eux et lui a demandé d'attendre. Selon elle, l'officier en question s'est « relevé un peu » et l'a alors frappée au visage. Mme Peter-Paul a ajouté qu'elle se tenait juste derrière Mme Brake à ce moment-là et qu'à la suite de ce coup, celle-ci lui était tombée dessus et qu'elles étaient toutes deux tombées par terre. Elle a ajouté que Mme Brake avait perdu ses lunettes lorsqu'elle a reçu le coup, et que l'officier qui l'a frappée a également frappé Anna-Marie Peter-Paul.

Elle a ajouté qu'un certain nombre de personnes étaient rassemblées sur place et que les officiers de police leur criaient de reculer. Par ailleurs, les gens criaient après les officiers de police après que Mme Brake a reçu son coup, en leur demandant pourquoi ils l'avaient frappée. Elle a confirmé que de la musique rap venait de l'arcade et que le mot « C. » avait été prononcé à plusieurs reprises.

Elle ne se souvenait pas clairement avoir vu son mari soulevé du sol par les officiers, mais se souvenait très bien les avoir vu le prendre par le cou et lui plaquer délibérément le visage contre la portière du véhicule au moment où ils l'ont fait monter à l'arrière. Elle s'est également souvenue que Stephen Michael était arrivé sur les lieux au moment où les officiers de police s'en allaient, et qu'il lui avait dit que les deux gendarmes en question s'appelaient Fiander et Stothart.

Dans son témoignage, elle a indiqué qu'elle s'était rendue au détachement d'Enfield de la GRC avec Theresa Brake parce qu'elles s'inquiétaient pour la sécurité de son mari et ne savaient pas où il était. Elle a présenté la même version des faits que Theresa Brake.

Témoignage d'Anna-Marie Peter-Paul

Anna-Marie Peter-Paul est une cousine de Stephen Peter-Paul et vit près de chez lui, dans la réserve d'Indian Brook. Cette journée-là, elle était partie pour le magasin de M. Peter-Paul vers 14 h 30. Elle a déclaré qu'il semblait de toute évidence perturbé par le fait que sa tante (donc sa mère à elle) se trouve à l'hôpital dans un état critique et soit condamnée. C'était la première fois qu'Anna-Marie Peter-Paul apprenait la gravité de l'état de santé de sa mère.

Elle a vu arriver les officiers de la GRC et les a vus tirer Stephen Peter-Paul hors de la voiture et le jeter à terre. Elle se tenait derrière eux et ne cessait de leur crier de le laisser tranquille. Elle a déclaré que l'un d'eux l'avait poussée à terre et frappée à la poitrine de ses deux mains. Elle a en outre affirmé avoir vu Theresa Brake et Tammy Peter-Paul par terre. Durant l'arrestation, elle a vu un des officiers ouvrir la portière de la Thunderbird noire et pousser Stephen Peter-Paul contre le côté de la voiture, puis le jeter à terre. Elle ne pensait pas que Stephen avait bu ou pris des substances illicites, mais a reconnu qu'elle n'était pas assez près de lui pour pouvoir détecter l'odeur de l'alcool. Elle ne se rappelait pas avoir entendu des propos orduriers, pas plus que de la musique forte. Elle portait des pantalons roses en Spandex, ce qu'il convient de souligner, étant donné que les autres témoins ont souvent fait référence à elle.

Témoignage de Christopher Paul

Christopher Paul est le demi-frère de Stephen Peter-Paul et le fils de Theresa Brake. Dans son témoignage, il a confirmé être arrivé à la résidence de Stephen Peter-Paul entre 14 h 30 et 15 h le jour de l'incident. Il a eu l'impression que M. Peter-Paul était dans son état normal, et rien ne pouvait lui laisser supposer que celui-ci s'était disputé ou était perturbé. Il a néanmoins confirmé qu'après que la police l'a approché, il a commencé à jurer et à parler fort. De leur côté, les officiers de police ont changé de ton en réaction à l'attitude de Stephen.

Il a également confirmé que Stephen et lui étaient dans la voiture depuis environ 10 minutes lorsque la police est arrivée. Il ne se souvenait pas s'ils avaient l'intention de se rendre chez Theresa Brake pour y passer la nuit, mais plutôt que Stephen et Frank Smith voulaient « faire un tour d'auto »; mais il a indiqué que cela ne le tentait pas. Son témoignage relatif à la ceinture de sécurité était à la fois confus et illogique. À un moment donné, il a dit que cette ceinture était attachée, pour se contredire par la suite. Néanmoins, il était certain que Stephen n'avait pas ouvert la portière du véhicule, mais que c'était sans doute un officier qui l'avait fait.

Il a également déclaré qu'un des officiers avait frappé Theresa Brake au visage, et de près. Il a indiqué que cet officier était celui qui était agenouillé à ce moment-là, mais qu'il s'était relevé pour la frapper. Il a ajouté que Mme Brake est tombée à la renverse lorsqu'elle a reçu le coup et que l'officier a essayé à nouveau de la frapper, mais l'a manquée. Il a vu Theresa Brake ramasser une paire de lunettes et les tordre avant de les jeter à nouveau à terre. Il a confirmé avoir crié des injures aux officiers de police après que Mme Brake s'est fait frapper, et un des officiers a commencé à lui courir après mais, ne réussissant pas à l'attraper, est retourné sur les lieux. Il a admis avoir levé la main sur un des officiers, étant donné qu'il était en colère et voulait en frapper un parce qu'ils avaient eux-mêmes frappé Mme Brake.

Témoignage de Geneviève Paul

Geneviève Paul, qui vit dans la réserve d'Indian Brook, est la mère de Tamara Peter-Paul. Elle était chez Stephen Peter-Paul le jour de l'incident, où elle était arrivée dans la matinée. Elle se souvient qu'elle était dans la chambre d'en arrière pendant que Stephen Peter-Paul parlait avec sa mère. Elle s'est souvenu qu'il buvait de la vodka et, tout en confirmant qu'il n'était pas en état d'ébriété, elle a admis qu'il semblait sous l'influence de l'alcool. Elle n'a jamais eu l'impression que Stephen Peter-Paul était fâché et n'a assisté à aucune dispute entre sa femme et lui relativement à ses longues heures de travail. Elle a déclaré qu'il était de bonne humeur.

Elle se trouvait en haut de l'escalier lorsque les officiers de police sont arrivés, mais a descendu les marches et les a vus expulser Stephen Peter-Paul de la voiture. Elle a pu voir Stephen Peter-Paul enlever sa ceinture de sécurité par les fenêtres de la voiture, et il a été tiré hors du véhicule et jeté à terre par les officiers de la GRC. Elle ne pouvait pas entendre ce que disait M. Peter-Paul, mais elle a eu l'impression qu'il était coopératif.

Elle a fait le tour de la voiture et se tenait près de Stephen Peter-Paul lorsqu'elle a vu Theresa Brake se faire frapper. À cet égard, son témoignage ne correspond pas à celui de la plupart des autres témoins. Selon elle, l'officier en question avait les cheveux gris et une moustache et semblait être le plus vieux des deux, ce qui désignait clairement le gendarme Mackin. Elle a affirmé que cet officier était celui qui se trouvait le plus près du magasin et faisait face à la rue. Elle l'a vu s'agenouiller et appuyer un genou sur le dos de M. Peter-Paul. Elle a vu Mme Brake implorer l'officier de ne pas faire de mal à son fils en tendant les mains vers lui. Elle ne l'a pas vue toucher l'officier, mais a admis lors d'un contre-interrogatoire qu'elle lui avait donné une tape sur l'épaule. Par la suite, elle a déclaré que l'officier s'était tourné et l'avait frappée [Theresa Brake] au visage, la faisant tomber sur sa fille et entraînant celle-ci dans sa chute.

Elle a affirmé que la musique jouait fort, et qu'il lui était donc difficile d'entendre ce qui se disait. Selon elle, il n'y avait pas de monde sur les lieux avant l'arrivée de l'autobus scolaire, qui s'est présenté après la police. Elle a ajouté que Stephen Peter-Paul n'opposait aucune résistance aux officiers venus l'arrêter et avait l'air coopératif lorsqu'ils l'ont fait monter dans leur voiture. Elle a vu les officiers lui frapper délibérément la tête sur la portière au moment de l'installer à l'arrière du véhicule. Par ailleurs, elle a affirmé que le gendarme Mackin avait menacé de la frapper avant de se lancer à la poursuite de Frank Smith.

Témoignage de Sandy Brooks

Sandy Brooks, qui vit dans la réserve d'Indian Brook, se trouvait chez Stephen Peter-Paul le jour de l'incident. Il a confirmé que M. Peter-Paul était assis dans les escaliers et parlait fort, et qu'il a même crié pendant cinq à dix minutes avant l'arrivée de la police. Il ne savait pas vraiment pourquoi M. Peter-Paul criait, mais a confirmé qu'il jurait.

Il a vu M. Peter-Paul dans la voiture de Chris Paul, et pensait qu'ils s'apprêtaient à s'en aller chez la mère de Stephen Peter-Paul. Il a vu la portière de la voiture s'ouvrir et un des officiers empoigner Stephen Peter-Paul et le jeter à terre avant qu'il ait la chance de sortir du véhicule. Il a affirmé que M. Peter-Paul n'avait opposé aucune résistance aux officiers.

Il ne savait pas vraiment si Mme Brake avait touché ou non un des officiers, mais il a vu un des deux la frapper, sans toutefois pouvoir l'identifier. Il a simplement vu « un coup de poing arriver de nulle part. ».

Témoignage de Sheena Paul

Le jour de l'incident, Sheena Paul travaillait dans l'arcade de Stephen Peter-Paul, au sous-sol de sa maison. Elle ne se souvient pas de l'attitude de Stephen avant l'arrivée de la police. Elle a par contre précisé que la musique venant de l'arcade jouait très fort.

Elle se trouvait dans l'arcade lorsque les officiers de police sont arrivés, mais elle a quand même affirmé les avoir vu sortir Stephen de la voiture et le jeter à terre. Elle a entendu Theresa Brake demander aux officiers de la laisser parler à son fils. Ensuite, elle a vu l'officier frapper Mme Brake, après quoi elle est retournée dans l'arcade mais n'a pas assisté à la suite de l'incident. Durant cet épisode, elle s'occupait de Reuben, le fils de Monsieur et Madame Peter-Paul. Elle a admis que Mme Brake s'interposait entre l'officier de police et M. Peter-Paul, mais a ajouté qu'elle avait été perturbée par le fait qu'un des officiers ait frappé Mme Brake sans raison apparente.

Témoignage de Mary Brooks

Mary Brooks vit dans la réserve d'Indian Brook, près de chez Stephen Peter-Paul. Elle est la tante de Tamara Peter-Paul, la sour de Genevieve Peter-Paul et la mère de Frank Smith et de Sandy Brooks. Le jour de l'incident, elle était dans le magasin de M. Peter-Paul au moment où les officiers de police ont fait monter celui-ci à l'arrière de leur véhicule.

Elle a dit avoir vu les officiers frapper la tête de M. Peter-Paul sur la portière de la voiture au moment de le faire monter à l'arrière. Elle a ajouté avoir eu une brève conversation avec Mme Brake, qui lui a confirmé qu'un officier l'avait frappée au moment où il arrêtait son fils.

Témoignage de Christine Brooks

Christine Brooks vit rue Sesame, dans la réserve d'Indian Brook, près de chez M. Peter-Paul. Elle est la grand-mère de Tamara Peter-Paul. Le jour de l'incident, elle se dirigeait vers le magasin de M. Peter-Paul pendant qu'il était dehors en train de « faire une scène ». Elle l'a entendu hurler et, lorsqu'elle a demandé à sa femme pourquoi il agissait ainsi, celle-ci lui a répondu qu'il était en état d'ébriété. Elle l'a vu dehors avec une bouteille à la main, qui jurait et criait de toutes ses forces. Elle ne s'est jamais rendue jusqu'au magasin, parce qu'elle a eu peur et est retournée chez elle.

Elle a essayé d'appeler la police, mais son téléphone ne fonctionnait pas. Elle est allée voir sa voisine Annie Benoit et lui a demandé de faire l'appel pour elle.

Témoignage d'Annie Benoit

Mme Benoit vit rue Sesame, dans la réserve d'Indian Brook, près de chez M. Peter-Paul. Elle est considérée comme une « aînée » au sein de la collectivité, ce qui en fait une personne respectée. Le jour de l'incident, sa voisine, Christine Brooks, est venue chez elle pour appeler la police parce qu'elle s'inquiétait du comportement de M. Peter-Paul. Mme Benoit s'est rendue dans sa véranda située à l'arrière de la maison pour finir d'étendre son linge. Sa véranda est directement dans l'axe de la maison de M. Peter-Paul, et elle pouvait le voir s'agiter sur les marches. Elle l'a entendu jurer et hurler, et elle a supposé qu'il était en état d'ébriété.

Mme Benoit a appelé la police afin qu'on envoie des officiers à la résidence de M. Peter-Paul. Elle a nié avoir dit à la police que M. Peter-Paul avait une arme à feu, mais admis que d'autres personnes pensaient qu'il pourrait avoir une telle arme.

Elle a également déclaré qu'un important attroupement (entre 25 et 30 personnes) s'était formé dans la cour de M. Peter-Paul, même si elle ne se souvient pas exactement à quelle heure les gens ont commencé à se regrouper. Elle a vu que M. Peter-Paul avait quelque chose dans la main qui ressemblait à une bouteille, et qu'il la brandissait. Dans une déclaration écrite, elle a indiqué qu'il avait quelque chose dans la main et l'a entendu dire : « vous savez, vous savez, je vais même me tirer une balle dans la tête ».

Mme Benoit est la mère d'Elizabeth Michael, qui est la femme de Joe Michael, et de Sally Gehue, qui a également assisté à certains des événements ce jour-là.

Témoignage de Sally Gehue

Mme Gehue vit rue Sesame, dans la réserve d'Indian Brook, près de chez M. Stephen Peter-Paul. Dans son témoignage, elle a déclaré être arrivée à la maison le jour de l'incident vers 14 h 10 et s'être rendue à l'arrêt d'autobus situé en face de la maison de M. Peter-Paul pour chercher sa fille de 14 ans. Elle attendait sur la pelouse d'un voisin située directement en face de la maison de M. Peter-Paul. Elle a vu celui-ci assis dans l'escalier extérieur, qui jurait et hurlait après les gens se trouvant sur le terrain en dessous. Elle a dit qu'il était vulgaire, et qu'il tenait une bouteille à la main et semblait boire directement à même cette bouteille.

Sa maison étant très proche de celle de M. Peter-Paul, elle est retournée chez elle avant de revenir au même endroit pour attendre l'autobus où se trouvait son neveu. À un moment donné, elle a vu M. Peter-Paul en bas devant le magasin, qui frappait du poing sur la voiture de sa mère, tandis que celle-ci, Theresa Brake, essayait de le calmer. Elle n'a pas vu de quelle façon M. Peter-Paul a été arrêté, ou si Mme Brake a été frappée par les officiers de police.

Témoignage de Roger Bernard

M. Bernard vit dans la réserve d'Indian Brook et exploite un petit magasin à l'autre extrémité de la réserve par rapport à l'emplacement de la maison de M. Peter-Paul. Le jour de l'incident, il était dans son camion qu'il avait stationné de l'autre côté de la rue où se trouve la maison de M. Peter-Paul. Il attendait que ses enfants arrivent par l'autobus. Il avait entendu Mme Brake, qui essayait de persuader Stephen de venir chez elle et de se coucher. Il pensait que celui-ci avait bu.

Il était présent lorsque les officiers de police sont arrivés et les a vus s'approcher du véhicule dans lequel M. Peter-Paul était assis. Il a entendu l'officier lui poser une question à propos d'une arme à feu, ainsi que sa réponse. Il a vu M. Peter-Paul détacher sa ceinture, après quoi ils l'ont sorti de la voiture immédiatement et jeté à terre. Il a entendu l'officier dire : « Vous êtes en état d'arrestation pour désordre public. »

Il a considéré que les officiers de la GRC avaient fait preuve de « brutalité policière » envers M. Peter-Paul. Il a déclaré que ce dernier était de petite taille et que les trois officiers étaient beaucoup plus imposants que lui. Selon lui, des officiers autochtones auraient été moins agressifs et se seraient montrés plus patients lors des discussions avec M. Peter-Paul avant de l'arrêter.

Il a vu Mme Brake se faire frapper par l'officier qui avait les cheveux gris et une moustache grise; cet officier s'est relevé pour la frapper, faisant tomber ses lunettes. Ce même officier aurait dit : « vous allez y goûter maintenant, crisse d'Indiens ». Il a ajouté que le gendarme Mackin portait un chapeau, qu'il a perdu durant cet épisode. Il l'a également vu pousser Anna-Marie Peter-Paul par terre.

Témoignage du Dr Stewart Montgomery

Le Dr Montgomery est un généraliste qui exerce à Stewiacke, petite localité située à proximité d'Enfield. Dans son témoignage, il a déclaré avoir reçu, en début de soirée le jour de l'incident, un appel de la GRC. On lui a demandé d'examiner un prisonnier qui avait pris part à une altercation et était soupçonné d'avoir pris de la drogue ou de l'alcool.

Lorsqu'il est arrivé au détachement, M. Peter-Paul dormait. Il a observé certaines contusions et des lacérations, ainsi qu'une coupure large d'un pouce sur le côté du visage. Il a indiqué que M. Peter-Paul était « sonné » et irritable; il avait de la difficulté à parler, jurait et hurlait, et lui demandait de s'en aller.

Il a dit qu'il n'était pas prêt à suturer la lacération lorsqu'il s'est rendu sur place et qu'il préférait ramener le prisonnier à son cabinet ou l'emmener à l'hôpital. Toutefois, il a indiqué que M. Peter-Paul n'était pas son patient et pensait donc qu'il n'était pas habilité à dire aux officiers de la GRC comment il fallait le traiter. Dans son témoignage, il a déclaré ceci : « Je ne savais pas vraiment ce que je faisais là. J'y ai repensé à plusieurs reprises depuis... Je ne sais même pas si c'est à leur demande ou à celle de M. Peter-Paul que j'étais là. »

Il a également examiné le dos de M. Peter-Paul, parce qu'on lui avait dit que le prisonnier se plaignait de douleurs au dos. Il n'était pas préparé pour effectuer un examen neurologique. De plus, il avait peur de se faire frapper, car on lui avait dit que M. Peter-Paul pourrait se montrer violent. Il a néanmoins admis que les injures de M. Peter-Paul étaient mineures et indiqué qu'il ne voyait aucun problème à ce que la police le garde en cellule pour la nuit.

Dr Trevor Locke

Le Dr Locke est médecin de famille à l'hôpital régional de Colchester. Il a examiné M. Peter-Paul et Theresa Brake à son cabinet le lendemain matin du jour de l'incident. Dans son témoignage, il a déclaré que M. Peter-Paul se plaignait de douleurs au poignet gauche, à l'épaule gauche et aux hanches, ainsi que d'égratignures et d'érosions sur le haut du torse. Il a également observé une lacération de deux centimètres à la lèvre supérieure. Il a en outre remarqué plusieurs érosions sur son corps et ses bras, et confirmé que le patient avait mal à l'épaule et à l'avant-bras gauches.

Il n'a pas voulu suturer la lacération, parce que ce n'était pas pratique; en effet, plus de 6 heures s'étaient écoulées depuis la blessure. Il a ajouté que M. Peter-Paul avait demandé une prescription de valium et que, quand il la lui a refusée, celui-ci a dit qu'il pouvait s'en procurer dans la rue.

Le médecin a également examiné Theresa Brake et confirmé qu'elle n'avait pas de blessure grave à la tête, même si elle disait être étourdie et avoir des maux de tête. Il a tout de même observé que sa tempe gauche était légèrement sensible au toucher. Il a diagnostiqué une blessure des tissus mous du côté gauche de la tête, ainsi qu'une sensibilité au toucher du cou, de la partie gauche de la poitrine et de l'épaule gauche.

Témoignage de Darrell Watson, Charles Purcell et William Arthur Chapman

Charles Purcell était le gardien de prison en poste au détachement d'Enfield la nuit en question. Il se souvient que M. Peter-Paul a été amené dans la section des cellules et qu'il a été fouillé à son arrivée. Selon M. Purcell, il semblait s'être battu. Il se souvient que M. Peter-Paul était excessivement agressif et très exigeant.

M. Purcell a demandé au gendarme Stephen Michael de se rendre dans la cellule du prisonnier, car ce dernier avait demandé à le voir. Il se souvient également que M. Peter-Paul avait demandé à voir un avocat, mais il a ajouté que ce genre de demande doit être transmise à un membre de la GRC. Il a confirmé qu'on ne peut communiquer avec un agent de la GRC que par radiorécepteur, et on lui a précisé de ne le faire qu'en cas d'urgence. Selon lui, un prisonnier demandant un avocat ne constituait pas une situation d'urgence.

M. Purcell a confirmé qu'il avait conservé un journal du prisonnier et qu'il y ajoutait une nouvelle entrée à toutes les quinze minutes. Une copie de ce journal a été présentée comme pièce, prouvant ainsi que M. Purcell et M. Watson, qui a pris sa relève, ont consigné leurs observations sur le prisonnier à intervalle régulier. M. Purcell ne trouvait pas inhabituel que le prisonnier soit bruyant et qu'il cogne sur la porte de sa cellule. Le journal contient certaines observations de M. Purcell et de M. Watson au sujet de M. Peter-Paul; on y lit notamment que le prisonnier dormait, faisait les cent pas dans sa cellule ou utilisait la toilette. À une occasion, M. Watson a mentionné avoir vu le prisonnier essuyer sa lèvre fendue et l'avoir entendu gémir, et qu'ensuite il a passé sa main sur sa bouche à plusieurs reprises.

M. Chapman est un officier de la GRC; il était en poste au détachement la nuit où M. Peter-Paul était dans sa cellule. Il n'a aucun souvenir précis des événements de la soirée et n'a pu dire si M. Peter-Paul était en état d'ébriété ou non.

Témoignage de Alexander Gorman

M. Gorman est membre de la GRC; il est spécialiste des éclaboussures de sang. Il nous a montré des photographies de l'intérieur de la cellule occupée par M. Peter-Paul sur lesquelles on peut voir des éclaboussures et des taches de sang sur le banc et les murs de la cellule.

Le sergent d'état-major Gorman nous a livré son témoignage au sujet de sept taches ou éclaboussures de sang distinctes apparaissant sur les photographies. Il a conclu que les taches de sang sont apparues après que M. Peter-Paul ait commencé à saigner et que la tache sur le mur est attribuable au fait que M. Peter-Paul ait touché le mur à cet endroit précis. Selon lui, il n'y a aucune autre tache de sang sur les lieux permettant de conclure que cette tache sur le mur soit attribuable au fait que l'on ait employé la force avec M. Peter-Paul. Il est d'avis que les taches de sang sur le plancher de la cellule laissent croire que M. Peter-Paul est demeuré immobile dans le coin de la cellule pendant une certaine période, et qu'il se soit également déplacé dans sa cellule.

Témoignage de Kelly Palmer

M. Palmer est un membre de la GRC à la retraite; il était le sergent d'état-major en fonction au détachement d'Enfield la journée en question. M. Palmer était en poste lorsqu'on l'a informé qu'un de ses collègues répondait à un incident dans la réserve de Indian Brook impliquant un individu « brandissant une arme à feu ». Il a appelé le service de télécommunications Truro pour suivre la situation et garder les « lignes de communication ouvertes ».

Dans son témoignage, il a déclaré avoir appelé à la résidence de M. Peter-Paul et parlé à Anna-Marie Peter-Paul. Elle lui a confirmé que M. Peter-Paul était bouleversé parce que sa tante était malade. M. Palmer lui a demandé s'il avait une arme à feu en main et elle lui a répondu que « sa femme gardait toutes les armes sous clé ». Il a rappelé un peu plus tard et a parlé à Tamara Peter-Paul; il lui a également demandé de l'information sur les armes. On lui a répondu à nouveau que les armes étaient gardées sous clé. Il a présumé que M. Peter-Paul avait eu une arme en main et qu'on la lui avait retirée. Cette hypothèse était fondée sur le fait que ses officiers avaient été appelés sur les lieux pour un incident impliquant une arme à feu.

Au cours de cette conversation avec Tamara Peter-Paul, il a quitté le téléphone pour parler par radiorécepteur à ses collègues qui ont répondu à l'appel. Lorsqu'il est revenu au téléphone, il a entendu 4 ou 5 détonations, qu'il a interprété comme des coups de feu. Juste avant cela, il avait tenté de communiquer par radiorécepteur avec ses collègues pour leur dire qu'on lui avait précisé que M. Peter-Paul n'était pas armé, mais qu'ils devraient tout de même faire attention. Il n'a obtenu aucune réponse à cet appel.

Après avoir entendu ce qu'il croyait être des coups de feu, il a demandé au sergent d'état-major Cornect d'aller chercher des vestes antiballes et de l'accompagner sur les lieux de l'incident. En se rendant à la voiture, il a reçu un appel « 10-33 » du gendarme Stothart précisant qu'un officier avait besoin d'aide. En route vers la réserve d'Indian Brook, on les a informés que l'incident était clos. Ils se sont entendus pour rejoindre les autres officiers avant de revenir au détachement.

M. Palmer était présent lorsqu'on a amené M. Peter-Paul à sa cellule. Dans son témoignage, il a déclaré que M. Peter-Paul semblait être dans un état d'ébriété avancé, qu'il divaguait, qu'il avait de la difficulté à garder son équilibre et que son comportement était très instable. Il pouvait être tranquille par moment, pour plus tard se mettre à crier et à jurer.

M. Palmer était présent lorsque M. Montgomery, le médecin, est arrivé au début de la soirée. Il a confirmé que M. Peter-Paul dormait à ce moment-là, et qu'il a été réveillé par le médecin. Il a confirmé également que M. Peter-Paul a commencé à crier et à s'emporter. Il a ajouté qu'il était inquiet pour le médecin. Toutefois, il ne se souvient pas que le médecin ait recommandé d'amener M. Peter-Paul à l'hôpital pour des points de suture. Il a mentionné que « si on lui avait recommandé une telle chose, il aurait considéré qu'il s'agissait d'un ordre du médecin ». Il a affirmé que si on lui avait recommandé une telle action, M. Peter-Paul aurait reçu des soins immédiatement.

M. Palmer savait que Mme Brake était à la réception du détachement et voulait déposer une plainte contre un de ses membres. À ce moment, il était déjà d'avis que Mme Brake avait fait obstruction au travail de ses membres pendant l'arrestation de M. Peter-Paul. Comme il craignait d'être témoin pour un voir-dire à un procès éventuel de Mme Brake, il a demandé à un des autres membres, soit le caporal Jacobs ou le sergent Cornect, d'interroger Mme Brake relativement aux accusations d'obstruction. Une fois l'interrogatoire terminé, il a rencontré Mme Brake concernant sa plainte. Il a déclaré avoir expliqué le processus de plainte et la façon dont la plainte serait traitée. Il a affirmé qu'après avoir pris sa déclaration, il la lui a relue pour s'assurer que tout était exact. Il a demandé à Mme Brake si elle avait été blessée au cours de l'incident, et elle a mentionné qu'elle n'avait eu qu'un mal de tête attribuable à tout le stress entourant cette histoire.

M. Palmer a également déclaré dans son témoignage que 25 des 35 enquêtes concernant des armes à feu menées par le détachement d'Enfield en 1993 découlaient d'incidents sur la réserve d'Indian Brook, qui compte 1 100 habitants. Il ajoute qu'il y a beaucoup plus d'incidents de ce genre dans cette réserve que dans l'ensemble de la collectivité. Même s'il convient que les statistiques ne devraient jouer aucun rôle dans la façon dont ses membres répondent aux appels, il croit qu'elles peuvent influencer la façon dont les membres réagissent aux plaintes provenant d'une communauté en particulier.

Témoignage du sergent Richard Wayne Cornect

Le sergent Cornect était en poste au détachement d'Enfield de la GRC le jour en question. Il était présent lorsque le sergent d'état-major Palmer a envoyé ses membres couvrir l'incident de la réserve d'Indian Brook. Il a appelé le gendarme Stephen Michael et lui a demandé de se rendre sur les lieux de l'incident.

Il a déclaré que la GRC avait déjà eu affaire à M. Peter-Paul. Il croyait que les membres qui ont répondu à l'appel devaient appréhender M. Peter-Paul et qu'il fallait l'éloigner des lieux pour désamorcer la situation. Selon ce qu'il sait de M. Peter-Paul, il se doutait que ses membres devraient faire face à une situation très instable. À un certain moment, il a dit :

« Le résultat de cette visite de mes membres reposait sur leur décision d'appréhender M. Peter-Paul, et s'ils ne l'avaient pas fait, ils auraient reçu l'ordre d'arrêter M. Peter-Paul et de le ramener au bureau pour désamorcer la situation, comme nous l'avons fait pour un incident similaire survenu un mois plus tôt. Alors, si les membres avaient hésité, ou quoi que ce soit, ils auraient reçu l'ordre d'agir. Alors oui, je peux l'affirmer, le résultat final de cette situation, c'est nécessairement l'arrestation de M. Peter-Paul. »

Lorsqu'on lui a demandé de préciser qui donnerait cet ordre aux membres, le sergent Cornect nous a confirmé que ce serait lui. À cet égard, nous avons trouvé les déclarations du sergent Cornect assez remarquables, car elles témoignent d'un manque de compréhension des dispositions de la Partie XVI du Code criminel concernant les arrestations. Heureusement, rien ne prouve qu'il ait demandé aux officiers d'intervenir comme il avait l'intention de le faire.

Il était également présent lorsque M. Peter-Paul est arrivé au détachement. Le sergent d'état-major Palmer lui a demandé de trouver un médecin, ce qu'il a fait. Il l'a informé de la coupure à la lèvre de M. Peter-Paul.

Il se souvient que le caporal Jacobs a escorté Theresa Brake dans son bureau. Le sergent Cornect a confirmé qu'il discutait avec Mme Brake au sujet de l'enquête criminelle qui serait menée sur les accusations portées contre elle pour avoir fait obstruction au travail des policiers lorsqu'ils ont arrêté M. Peter-Paul, et également pour dommages matériels. Il a informé Mme Brake de ses droits en vertu de la Charte et il a mentionné qu'elle pourrait téléphoner à un avocat plus tard. Elle lui a confirmé qu'elle voulait porter plainte contre les membres impliqués.

Témoignage du caporal Lindsey R. Jacobs

Le caporal Jacobs était en fonction le jour en question lorsque Mme Brake et Tammy Peter-Paul se sont présentées au détachement. Le caporal Jacobs était l'officier qui venait de l'immeuble et qui a fait signe à Mme Brake et à Tamara Peter-Paul de revenir au détachement, après qu'elles soient parties. Il a affirmé qu'il avait séparé Mme Brake et Tamara Peter-Paul, sous les ordres du sergent d'état-major Palmer, parce qu'il était possible que des plaintes soient portées contre Mme Brake.

Il a confirmé avoir installé Mme Brake dans le bureau du sergent Cornect et avoir rencontré, seul, Tamara Peter-Paul. Il lui a lu ses droits en vertu de la Charte, et il se souvient qu'elle a parlé à un avocat, parce qu'il a composé le numéro pour elle.

Témoignage de Elizabeth Eleanor Michael

Elizabeth Michael est une résidente de la réserve d'Indian Brook et est mariée au gendarme Joseph Michael, un membre de la GRC. Mme Michael est également la fille d'Annie Benoit, et la sour de Sally Gehue. Au cours de la journée en question, elle a laissé Sally Gehue chez elle. Elle a remarqué que M. Peter-Paul était devant la maison et paraissait très agité. Elle a confirmé qu'il avait un objet dans les mains qui ressemblait à une bouteille de bière.

Elle était si inquiète du comportement de M. Peter-Paul qu'elle a décidé d'appeler le bureau de la bande de la réserve; elle a parlé avec Noreen Knockwood et lui a demandé si elle pouvait appeler l'école pour que l'autobus scolaire prenne un autre trajet, car il y avait beaucoup de véhicules près du magasin de M. Peter-Paul. Elle a ensuite téléphoné au détachement d'Enfield de la GRC pour les informer de la situation, mais on lui a répondu qu'on était déjà au courant de l'incident.

Témoignage de Eleanor Margaret Michael

Mme Michael réside dans la réserve d'Indian Brook et est mariée au gendarme Stephen Michael. Elle se souvient avoir reconduit son mari chez M. Peter-Paul, où il devait répondre à une plainte. Mme Michael a confirmé qu'il y avait de nombreuses personnes sur place qui criaient et injuriaient son mari et elle-même. Lorsqu'elle est arrivée, on assoyait M. Peter-Paul à l'arrière de la voiture de police.

Témoignage du gendarme Stephen Michael

Le gendarme Michael est membre de la GRC et travaille au détachement d'Enfield de la GRC. Il a confirmé que le détachement d'Enfield avait communiqué avec lui la journée en question et qu'on lui a demandé d'intervenir relativement à un incident survenu dans la réserve. Au départ, il s'est trompé sur le lieu de l'incident et croyait qu'il s'était produit à un autre endroit. Il a donc demandé à sa femme de l'y conduire. Lorsqu'il est arrivé à l'intersection de la rue, à une courte distance de chez lui, il a été témoin de l'incident devant le magasin de M. Peter-Paul. Il a stationné son véhicule et s'est avancé vers le magasin. Il a déclaré avoir été confronté par Genevieve Paul et sa fille et d'autres personnes qui l'insultaient et lui criaient des noms vulgaires. Le gendarme Frank Mackin lui a demandé de s'approcher des personnes impliquées et a dit à ces dernières qu'elles faisaient obstruction au travail des policiers. Il a confirmé que Mme Brake l'a approché et qu'elle lui a mentionné qu'elle avait été agressée par le gendarme Stothart. Il lui a dit d'en parler avec le sergent d'état-major Palmer. Il a également confirmé qu'Anna-Marie Peter-Paul lui a mentionné qu'elle avait été poussée. Selon lui, à son arrivée, la situation était hors de contrôle.

Le gendarme Michael a parlé longuement des différences culturelles en ce qui a trait à la façon dont les membres de sa communauté réagissent lorsqu'ils sont confrontés par la police. Il a déclaré que « ces derniers ont tendance à combattre, ils ne se laissent pas arrêter calmement, il faut les pousser de force dans la voiture de police. Toute autre personne, une fois arrêtée, suivra les policiers volontairement. Mais ici, ce n'est pas le cas ». Il a mentionné qu'il n'était pas rare que les personnes appréhendées usent de propos injurieux et que c'est de cette façon que la plupart des membres de sa communauté expriment leur colère. Il croit également qu'il était mieux placé qu'un autre pour traiter avec les membres de sa communauté, car il peut leur parler et tenter d'apaiser leur colère.

Il a également déclaré qu'il a vu Stephen dans la cellule au détachement d'Enfield. Il a affirmé qu'il était furieux et très en colère. Même s'il n'était pas en état d'ébriété lorsqu'il lui a parlé, il semblait avoir consommé de l'alcool précédemment et être en voie de redevenir sobre. Le gendarme Michael a affirmé que M. Peter-Paul était plus fâché qu'en état d'ébriété et qu'il fallait le calmer. Il a confirmé que M. Peter-Paul avait exprimé des inquiétudes au sujet de la maladie de sa tante, ainsi qu'au sujet de sa femme. Il a également confirmé que M. Peter-Paul voulait sortir de prison et qu'il a parlé de suicide. Le gendarme Michael a mentionné qu'il n'est pas rare pour les membres de sa communauté de parler de suicide, mais qu'il a réussi à écarter cette idée de M. Peter-Paul en lui parlant.

Le gendarme Michael a parlé longuement de sa relation avec le gendarme Frank Mackin. Il a donné des preuves très convaincantes de l'intérêt du gendarme Mackin à l'égard de la communauté autochtone et de son désir de se sensibiliser aux coutumes autochtones. M. Michael a mentionné que le gendarme Mackin venait régulièrement dans la réserve et croit que c'est grâce à cela qu'il est devenu un meilleur agent de police pour sa communauté. Nous avons été très impressionné par le témoignage du gendarme Michael et lui accordons beaucoup de poids.

Témoignage de Bernard Sylliboy

M. Sylliboy a mentionné qu'il roulait à bord de son véhicule sur la rue Hollywood, près de chez M. Peter-Paul. Il a vu un nombre de personnes inhabituel devant la maison de M. Peter-Paul et a remarqué que ce dernier était assis sur le siège du passager de la voiture de son frère. Comme il quittait la réserve, il a vu les policiers. Lorsqu'il s'est arrêté pour leur parler, ils lui ont demandé s'il avait vu Stephen Peter-Paul. Il leur a expliqué où il avait vu M. Peter-Paul, mais a ajouté n'avoir vu aucune arme à feu.

Témoignage du gendarme Gower James Fiander

Le gendarme Fiander est membre de la GRC et avait à son actif plus de 20 années de service dans la GRC en avril 1994. Le jour en question, il patrouillait en automobile dans la région d'Enfield lorsqu'il a entendu une conversation sur son radiorécepteur entre les gendarmes Keith Stothart et Frank Mackin. Il leur a demandé s'ils avaient besoin d'aide et ils ont convenu de se rencontrer à un endroit appelé The Meadows, à l'entrée de la réserve d'Indian Brook. C'est à cet endroit que le gendarme Keith Stothart l'a informé que Stephen Peter-Paul troublait la paix et brandissait une arme à feu près de sa résidence. Le gendarme Fiander avait eu vent d'une plainte antérieure impliquant M. Peter-Paul et une arme à feu et en a informé les autres agents. Pendant leur rencontre aux Meadows, M. Bernard Sillyboy s'est arrêté et leur expliqué que M. Peter-Paul était assis à la place du passager dans une voiture noire stationnée dans sa cour, juste devant son commerce.

Il a décrit comment les trois agents sont arrivés à la résidence de M. Peter-Paul dans deux voitures de police identifiées. Il a expliqué que le gendarme Stothart s'est dirigé vers la portière de la voiture, le gendarme Frank Mackin était près de l'arrière de la voiture et lui-même se trouvait 5 ou 6 pieds derrière. Il a entendu M. Peter-Paul parler à voix forte, sur un ton agressif, et jurer; ce dernier a crié qu'il allait au magasin d'alcool et que les officiers de la GRC ne pouvaient pas l'en empêcher. Selon le témoignage du gendarme Fiander, M. Peter-Paul avait le visage cramoisi, ses yeux étaient injectés de sang, il était très agité et hors de contrôle. Il a ajouté qu'il hurlait et qu'il jurait, et qu'il avait de l'écume aux coins de la bouche.

Il a mentionné que le gendarme Stothart a ensuite été approché par Theresa Brake, et qu'ils ont eu une brève conversation; toutefois, il n'a pas entendu clairement ce qu'ils se disaient. Il a affirmé que M. Peter-Paul continuait à lui parler de façon agressive.

Il a remarqué que M. Peter-Paul avait détaché sa ceinture de sécurité et qu'il ouvrait la portière. Il a décrit comment ce dernier avait tenté de sortir de la voiture et avait mis son pied sur le sol. À ce moment, il a expliqué que le gendarme Stothart a immobilisé M. Peter-Paul au sol. Pendant que ce dernier sortait de la voiture, le gendarme Fiander a entendu M. Peter-Paul dire : « je suppose que vous voulez me fouillez, maintenant, crisse ». Il a entendu un de ses collègues lui répondre : « vous êtes en état d'arrestation ». Une foule se formait tout au long du déroulement de l'incident. Pendant que M. Peter-Paul était au sol, le gendarme Fiander a confirmé que ce dernier gardait sa main droite sous lui et qu'il empêchait l'officier de l'en déloger pour qu'il puisse lui passer les menottes.

Il se souvient d'une femme en pantalon rose poussée au sol par le gendarme Mackin. Il a également confirmé que le gendarme Stothart avait perdu l'équilibre et était tombé. Il n'a pu dire à quel moment le gendarme Stothart a perdu ses lunettes. Il a mentionné qu'après que ce dernier se soit remis sur pied, il a utilisé sa radio portative pour demander du renfort.

Le gendarme Fiander a mentionné qu'il n'avait été témoin d'aucun contact physique entre le gendarme Mackin et Mme Brake. Dans sa déclaration devant le sergent d'état-major Burke, présentée comme pièce dans cette affaire, et au cours de son témoignage au procès de Theresa Brake, dont la transcription a également été présentée comme pièce dans cette affaire, le gendarme Fiander laisse entendre qu'il y a eu un échange entre le gendarme Mackin et Theresa Brake. Toutefois, dans son témoignage, il mentionne que la femme qu'il a décrit comme portant un T-shirt blanc avec l'inscription « Northern Reflections », la femme portant des lunettes et la femme portant des pantalons de jogging rose étaient pour lui une seule et même personne, qu'il croyait alors être Mme Brake. En entendant les témoignages rendus au cours de cette affaire, le gendarme Fiander a déduit que la femme portant un pantalon rose n'était pas Mme Brake, et par conséquent, il n'a pu confirmer que le gendarme Mackin a frappé Mme Brake. Le gendarme Fiander a été questionné longuement au sujet de cette incohérence. Toutefois, il a insisté pour dire qu'il n'y avait eu aucun contact entre le gendarme Mackin et la femme qu'il sait maintenant être Theresa Brake, même si sa déclaration rendue devant le sergent d'état-major Burke et la preuve fournie au procès de Mme Brake laissent clairement entendre qu'il avait été témoin d'un échange entre le gendarme Mackin et Mme Brake.

Il a mentionné que lorsque M. Peter-Paul a été amené vers la voiture, il a trébuché, est tombé et s'est frappé la lèvre sur la portière, ce qui a causé une coupure. Il a également été témoin d'un échange entre le gendarme Mackin et Frank Smith, mais il n'a pas vu le gendarme Mackin tenter d'arrêter Mme Brake et de la faire monter dans la voiture.

Témoignage du gendarme Keith Stothart

Le gendarme Keith Stothart est membre de la GRC et était en poste au détachement d'Enfield en avril 1994. C'est lui qui a reçu l'appel d'Annie Benoit concernant le comportement étrange de M. Peter-Paul. Il a affirmé que Mme Benoit lui a décrit ce que faisait M. Peter-Paul devant sa résidence : il criait, hurlait et troublait la paix. Même s'il ne se souvient pas exactement des mots qu'elle a employés, il était convaincu qu'il y avait une arme à feu en cause, que M. Peter-Paul brandissait son arme à tort et à travers et que des coups de feu avaient peut-être été tirés. Il se souvient que Mme Benoit appelait au nom d'une autre personne.

Il a communiqué avec le gendarme Mackin et lui a demandé de se présenter au détachement; ils se sont alors rendu ensemble à Indian Brook après avoir appelé le service de télécommunications Truro en vue d'établir une communication avec Mme Benoit pour qu'elle puisse leur dire comment se déroulait la situation. Ils ont quitté le détachement à 14 h 20. En route vers la réserve, ils ont reçu un autre appel du service de télécommunications Truro les informant que M. Peter-Paul descendait les escaliers en criant : « je vais me tirer une balle ».

Pendant qu'ils se dirigeaient vers la réserve d'Indian Brook, ils ont reçu un appel du gendarme Fiander leur demandant s'ils souhaitaient avoir du renfort. Ils ont rencontré le gendarme Fiander près de la réserve. Par la suite, le sergent d'état-major Palmer les a informés que M. Peter-Paul avait été vu sur une bicyclette. Ils ont donc patrouillé la réserve, et ont posé des questions aux résidants, mais ne trouvant pas M. Peter-Paul, ils ont décidé de se réunir dans un endroit appelé The Meadows près de l'entrée de la réserve.

C'est là qu'ils ont rencontré le gendarme Fiander qui leur a confirmé qu'il avait déjà répondu à une plainte impliquant M. Peter-Paul et une arme à feu. Le gendarme Stothart a ajouté qu'à de nombreuses occasions, on mentionnait qu'il y avait des armes à feu en cause pour que les policiers interviennent plus rapidement; toutefois, ces plaintes étaient souvent sans fondement. Il ne se rappelle pas avoir entendu le sergent d'état-major Palmer lui dire que M. Peter-Paul n'était pas armé, mais qu'il devait tout de même demeurer prudent.

Après que M. Sillyboy ait informé les officiers que M. Peter-Paul était assis dans une voiture près de son commerce, ils ont quitté les Meadows pour se rendre à la résidence de M. Peter-Paul.

Il se souvient à être approché du véhicule et avoir interrogé M. Peter-Paul au sujet de la plainte relative à une arme à feu. M. Peter-Paul a immédiatement nié avoir une arme à feu et s'est montré verbalement agressif envers l'officier, et s'est mis à hurler après lui. Le gendarme Stothart a mentionné que M. Peter-Paul n'agissait pas de façon rationnelle, que ses yeux étaient grands ouverts et qu'il avait de l'écume à la bouche. Il a affirmé qu'il avait approché M. Peter-Paul de façon professionnelle et calme pour lui répéter ses questions avant de recevoir une réponse agressive.

Il se rappelle avoir été approché par Theresa Brake qui s'est identifiée comme la mère de Stephen Peter-Paul. Il lui a demandé ce qu'il en était au sujet des armes à feu, et elle lui a répondu qu'elle les avait rangées. Il croyait que M. Peter-Paul avait eu une arme à feu en main cette journée-là, qu'on la lui avait retirée et qu'on l'avait rangée. Au cours de cette conversation avec Mme Brake, M. Peter-Paul continuait d'être verbalement agressif avec les autres officiers.

Pendant qu'il parlait avec Mme Brake, il a entendu la portière de la voiture s'ouvrir. Le gendarme Stothart s'est retourné et a regardé le gendarme Mackin. Ils ont échangé un regard et le gendarme Stothart a fait un signe d'acquiescement de la tête pour faire connaître au gendarme Mackin son intention d'arrêter M. Peter-Paul. Comme M. Peter-Paul s'apprêtait à sortir du véhicule, le gendarme Mackin l'a pris par le bras droit, et lorsqu'il s'est rapproché de l'extrémité extérieure de la portière, le gendarme Stothart a agrippé son bras gauche et les deux officiers ont immédiatement couché M. Peter-Paul au sol. Le gendarme Stothart lui a alors dit : « vous êtes en état d'arrestation pour avoir troublé la paix ». Il a mentionné qu'au début, il n'avait pas l'intention de faire coucher M. Peter-Paul au sol, mais que lorsqu'il lui a pris le bras, ce dernier s'est raidi et a résisté. C'est alors que les gendarmes l'ont couché au sol.

Le gendarme Stothart a expliqué qu'il se tenait à genoux, à côté de M. Peter-Paul, faisant dos au magasin et face à la rue. Il se souvient avoir été poussé, avoir temporairement perdu l'équilibre et être tombé sur M. Peter-Paul, mais il a réussi à retrouver l'équilibre et lorsqu'il s'est retourné, il a vu Theresa Brake. Il se souvient que la poussée était suffisamment forte pour lui faire perdre l'équilibre, mais il n'a pas effectivement vu Mme Brake le pousser. À ce moment, il était inquiet pour sa sécurité, celle de M. Peter-Paul et la sécurité des autres officiers de police. Il croyait qu'on l'avait poussé intentionnellement afin que M. Peter-Paul puisse s'échapper. Lorsqu'il a repris son équilibre, il a transmis un code 10-33 sur sa radio portative, ce qui signifie qu'un officier a besoin d'aide. En même temps, les officiers tentaient de libérer l'autre bras de M. Peter-Paul, que ce dernier gardait sous lui.

Il a mentionné que pendant cette tentative d'arrestation, ses lunettes sont tombées au sol de l'autre côté de M. Peter-Paul. Il a vu Mme Brake se diriger vers les lunettes et les prendre; il lui a alors demandé de les lui redonner. Il a alors expliqué qu'elle a plié les lunettes et qu'elles les a jetées au sol.

Le témoignage du gendarme Stothart est similaire à celui du gendarme Fiander. Même s'il a admis avoir laissé entendre, dans ses déclarations précédentes, qu'il y a avait eu un échange entre le gendarme Mackin et Mme Brake, il croit maintenant s'être trompé. Il a déclaré dans son témoignage n'avoir vu aucun échange entre le gendarme Mackin et la femme qu'il sait maintenant être Mme Brake. Comme le gendarme Fiander, il croit que la femme qu'il avait auparavant décrite comme Mme Brake, et la femme portant un pantalon de jogging rose qui a été poussée par le gendarme Mackin ne sont qu'une seule et même personne. Il a déclaré qu'il n'avait pas réellement vu le gendarme Mackin pousser la femme portant un pantalon de jogging rose, mais qu'il avait vu cette femme perdre l'équilibre et tomber à la renverse près du gendarme Mackin. Il a confirmé avoir été témoin d'une altercation entre le gendarme Mackin et Frank Smith, mais qu'aucun coup n'a été échangé.

Il a affirmé qu'au moment où ils embarquaient M. Peter-Paul, ce dernier a bougé la tête soudainement et s'est frappé sur la portière de la voiture. Le gendarme Mackin a mis la main sur la tête de M. Peter-Paul et l'a assis dans la voiture de police. Il contredit le gendarme Fiander qui a affirmé que M. Peter-Paul s'était coupé la lèvre en se frappant sur la portière de la voiture. Il soutient que M. Peter-Paul s'est coupé la lèvre lorsqu'il a été couché face contre sol au moment de son arrestation.

Témoignage du gendarme Frank Mackin

Le gendarme Mackin a confirmé qu'il a été appelé par le gendarme Stothart pour répondre à un appel concernant un incident à la résidence de M. Stephen Peter-Paul. Son témoignage est identique à celui du gendarme Stothart, jusqu'à l'arrivée des officiers à la résidence de M. Peter-Paul.

Il se souvient que lorsque les officiers se sont approchés du véhicule, il se tenait près du panneau arrière, sur le côté du passager de la voiture dans laquelle était installé M. Peter-Paul. Il a entendu le gendarme Stothart mentionner à M. Peter-Paul les raisons de la présence des officiers, ainsi que la nature de la plainte. Il a entendu la réponse de M. Peter-Paul et se souvient que celui-ci jurait et vociférait; en outre, M. Peter-Paul n'écoutait pas ce que les officiers avaient à lui dire.

Il se souvient que M. Peter-Paul a voulu sortir du véhicule; à ce moment, le gendarme Mackin a eu la nette impression que « tous les ingrédients d'une bagarre étaient réunis ». Il n'a pas vu d'arme à feu, mais était au courant des allégations et craignait ce que la situation pouvait lui réserver. Il a mentionné avoir échangé un regard avec le gendarme Stothart; c'est à ce moment que M. Peter-Paul a été arrêté et couché au sol. Le gendarme Stothart était à la gauche de M. Peter-Paul, et le gendarme Mackin, à sa droite, à genoux, et tentait de dégager le bras que M. Peter-Paul gardait sous lui. Il avait les deux genoux au sol. Il se souvient que les gens hurlaient, et que la foule grossissait tout au long de l'incident. Il se souvient d'une femme en pantalon rose qui se dirigeait vers lui, de sa droite. Il a mentionné qu'il l'a repoussée et qu'elle est tombée par terre. Il se souvient également que Theresa Brake s'est retrouvée à l'endroit précis où ils tentaient d'arrêter M. Peter-Paul et qu'elle nuisait à la procédure. Il a expliqué que Theresa Brake a sauté sur le dos du gendarme Stothart. Il a affirmé : « elle était en plein milieu ». Elle essayait d'empêcher l'arrestation et elle criait, mais il ne se souvient pas de ses mots exacts.

Il ne savait pas qui était Mme Brake à ce moment, mais il pouvait quand même faire la distinction entre elle et Anna-Marie Peter-Paul (la femme en pantalon de jogging rose). Il a également confirmé qu'il a pris Mme Brake par le bras et l'a amenée vers la voiture de police, mais qu'il a été interrompu par Frank Smith qui s'est interposé.

Il nie avoir poussé Mme Brake ou lui avoir donné un coup de poing, et décrit ses allégations comme « un mensonge pur et simple ». Il soutient qu'il est impossible qu'il l'ait frappée, et maintient qu'il n'a jamais posé de tel geste. Il nie également avoir dit : « vous allez y goûter maintenant, crisse d'Indiens », ainsi que toute altercation avec Genevieve Paul, comme cette dernière l'a laissé entendre dans son témoignage. Il a également déclaré que ni le gendarme Stothart, ni le gendarme Fiander n'ont frappé Mme Brake.

Témoignage du sergent d'état-major Donald A. Burke

Le sergent d'état-major Burke était au service de la GRC de Truro et agissait à titre de sous-officier de section pour la sous-division de Truro. On lui a demandé d'enquêter sur les deux plaintes qui font l'objet de cette poursuite. Il a interrogé les plaignants et les membres en cause, ainsi que d'autres témoins de l'incident. Il a déposé un rapport concernant chaque plaignant dans lequel il déterminait que les plaignants devaient être relâchés. Il a conclu tout particulièrement que les officiers avaient des motifs raisonnables et valables d'arrêter M. Peter-Paul et que ses blessures ne lui ont pas été infligées intentionnellement. Il a conclu que ses blessures n'étaient pas graves et ne se limitaient qu'à des ecchymoses et des éraflures.

En ce qui a trait à la plainte de Mme Brake, il a conclu qu'elle nuisait à la procédure d'arrestation de son fils, Stephen Peter-Paul. Il a toutefois reconnu que Mme Brake avait été poussée par le gendarme Mackin parce qu'elle tentait d'entraver le travail des officiers. Il a conclu qu'elle n'a pas reçu de coup de poing, comme elle le prétend, mais qu'elle a été seulement poussée.

En interrogeant tous les témoins, le sergent d'état-major Burke a eu la nette impression qu'il y a eu deux incidents : le premier impliquant le gendarme Mackin et Mme Brake, et l'autre impliquant le gendarme Mackin et Anna-Marie Peter-Paul. En aucun moment au cours de l'interrogatoire a-t-il eu l'impression, en interrogeant ses officiers, que Mme Brake et la femme portant un pantalon de jogging rose étaient une même et seule personne. Le sergent d'état-major Burke a conclu que si le gendarme Mackin a poussé ou touché la plaignante, de quelque façon que ce soit, ce n'était pas intentionnel.

Témoignage du chef Reginald Matthew Maloney

Reg Maloney est le chef de la bande d'Indian Brook. La bande compte environ 1 100 Mi'Kmaq répartis sur quatre réserves à Indian Brook, Grand Lake, New Ross, Pennal et Dodds; il n'y a aucun habitant à Dodds. Indian Brook est la plus grande des réserves et on y compte environ 1 200 habitants. Le chef Maloney a déclaré avoir servi six mandats de deux ans comme chef.

Le chef Maloney a déclaré qu'il n'a jamais été satisfait des services de police de la GRC et qu'il était en faveur d'un service de police autochtone pour la réserve. Il s'est dit particulièrement préoccupé par les délais d'intervention de la GRC suite à des plaintes provenant de la réserve d'Indian Brook. Il a mentionné avoir participé à l'établissement d'un bureau satellite de la GRC, qui est maintenant situé dans la réserve, mais que ce bureau n'existait pas encore au moment de l'incident, en avril 1994. Il a ajouté qu'il y a maintenant six officiers de police autochtones affectés à la réserve d'Indian Brook. Il a confirmé qu'il y a eu des tentatives pour établir un contact plus solide entre la bande et la GRC en vue de s'assurer que la police soit présente sur la réserve en tout temps.

Témoignage de Dale Sylliboy

M. Sylliboy est un Mi'Kmaq qui, selon les membres du tribunal, est considéré comme un expert habilité à témoigné en ce qui a trait aux services policiers, plus particulièrement aux services de police autochtones, et aux questions sur le stress des agents de police. M. Sylliboy a fréquenté l'Académie de police de l'Atlantique en 1980 et a travaillé pour la police de Truro de 1980 à 1992; au cours de cette période, il a occupé pendant six ans le poste d'officier de police au service de la Première nation Millbrook. Il travaille actuellement avec le service d'information communautaire. Il est également membre du comité consultatif autochtone de la GRC.

M. Sylliboy a parlé longuement des services de police autochtones et tribaux. Il croit que les services de police tribaux ne sont pas appropriés pour le moment parce qu'il n'y a pas suffisamment de membres autochtones capables d'assumer des rôles de gestion au sein de leur propre force policière. Toutefois, il a ajouté que les services de police de la réserve d'Indian Brook doivent être davantage axés sur la collectivité, et que l'on devrait accorder moins d'importance aux aspects liés à « l'exécution de la loi ». Il est d'avis qu'il faut donner un visage sympathique aux officiers de police dans la collectivité.

M. Sylliboy a également fait des commentaires sur le niveau de stress que vivent les agents de police lorsqu'ils répondent à des plaintes, et plus particulièrement à des plaintes de violence conjugale où des armes à feu et l'alcool sont en cause. Il a parlé de la réaction des policiers aux incidents qui surviennent dans des collectivités isolées. Il nous a décrit comment les policiers adoptaient des comportements stéréotypés dans les situations qui surviennent dans ces collectivités.

M. Sylliboy a donné son opinion sur les autres interventions qui auraient pu être effectuées dans l'incident impliquant M. Peter-Paul. Il a mentionné que le langage agressif utilisé par M. Peter-Paul était habituel dans sa collectivité et qu'un effort supplémentaire pour essayer de parler à M. Peter-Paul et aux membres de sa famille afin de désamorcer la situation aurait été plus approprié. Il a laissé entendre que, dans ce cas particulier, les officiers avaient agi de façon sommaire lorsqu'ils ont arrêté M. Peter-Paul. Il a toutefois confirmé que la procédure d'arrestation où l'on doit coucher le suspect au sol est employée lorsque les officiers sont portés à croire que le suspect pourrait opposer une certaine résistance.

Il mentionne également qu'il aurait agi différemment en ce qui a trait à la confrontation avec Mme Brake. Il mentionne qu'il aurait fallu lui demander de s'éloigner, sauf s'il était évident qu'elle tentait délibérément de nuire à l'arrestation.

M. Sylliboy a présenté son témoignage de façon professionnelle et réfléchie. Nous avons été impressionné par son témoignage car il nous a bien renseigné sur la façon dont les agents de police réagissent dans des situations stressantes.

7. CONCLUSIONS DE FAITS

a) Conclusions en ce qui a trait aux plaintes de Stephen Peter-Paul

Lorsque Stephen Peter-Paul est arrivé à la maison la journée en question, il était fatigué et triste, en partie à cause de la maladie inattendue de sa tante. Avant d'arriver à la maison, il s'est arrêté dans un magasin d'alcools et a acheté une bouteille de vodka (d'une pinte). Il avait l'intention de boire de la vodka et de se coucher. Selon les faits présentés, il a commencé à boire dès son arrivée à la maison, et a consommé la presque totalité, sinon la totalité, du contenu de la bouteille de vodka. Il est rapidement devenu ivre.

La fatigue et la consommation d'alcool, combinées, l'ont rendu agité et furieux. Il s'en est suivi une dispute entre sa femme et lui, et à certains moments, il criait, hurlait et injuriait sa femme, ses enfants et ceux qui se trouvaient à proximité de son domicile.

À certains moments, il sortait sur sa véranda et dans sa cour, il agitait les bras et dérangeait les voisins. Il brandissait tout particulièrement sa bouteille d'alcool, qui était noire et opaque, et que l'on aurait facilement pu confondre avec une arme à feu.

Nous acceptons le témoignage d'Annie Benoit, de Christine Brooks et de Sally Gehue quant au comportement de M. Peter-Paul avant l'arrivée de la police, et nous préférons leur témoignage à celui de M. Peter-Paul et des autres personnes présentes chez lui, témoignages qui d'ailleurs se contredisent. Le témoignage de M. Peter-Paul et de sa famille sur la question de sa sobriété n'est pas crédible à la lumière du propre témoignage de M. Peter-Paul sur la quantité d'alcool qu'il a consommé et ses habitudes de consommation. Également, comme M. Peter-Paul était en état d'ébriété, nous avons écarté le reste de son témoignage.

Même s'il n'est pas clair, selon la preuve présentée, que Christine Brooks a spécifiquement mentionné que M. Peter-Paul avait une arme en sa possession, nous sommes convaincus que le gendarme Stothart, qui a reçu l'appel, a été informé qu'il y avait ou aurait pu y avoir une arme à feu. Les officiers ont agi en supposant qu'une arme était en cause, et l'on fait adéquatement. Nous concluons donc que les agents ne croyaient pas vraiment que M. Peter-Paul avait une arme en sa possession, mais que la présence d'une telle arme était possible et que cette information a joué un rôle important dans la façon dont ils ont approché M. Peter-Paul, et également dans leur décision de l'arrêter.

Lorsque le gendarme Stothart s'est approché de M. Peter-Paul, celui-ci était assis dans le siège du passager du véhicule où se trouvait également son frère Christopher Paul. Il a immédiatement informé M. Peter-Paul des raisons de la présence des gendarmes et lui a plus particulièrement posé des questions sur la plainte concernant une arme à feu. Nous concluons que l'attitude et le comportement de M. Peter-Paul, ainsi que le langage utilisé pour répondre aux demandes des officiers, étaient agressifs et inappropriés. Son comportement agressif a contribué à l'incident qui a suivi. M. Peter-Paul a fait savoir clairement dans sa réponse qu'il ne souhaitait pas que des agents de la GRC soient présents chez lui, et il a répété à trois reprises les mots « crissez le camp de ma cour ». Selon nous, le comportement de M. Peter-Paul était en partie attribuable au fait qu'il avait consommé de l'alcool et était en état d'ébriété.

M. Peter-Paul sortait du véhicule lorsque le gendarme Stothart lui a pris le bras. On ne sait pas exactement si son pied avait touché le sol ou s'il avait simplement détaché sa ceinture de sécurité et commencé à ouvrir la portière. Toutefois, nous sommes convaincus du fait que M. Peter-Paul avait l'intention de sortir du véhicule et qu'il était en train de le faire. Nous acceptons le témoignage de Keith Stothart qui a expliqué de façon détaillée comment M. Peter-Paul a été arrêté. Plus particulièrement, lorsque M. Peter-Paul a fait connaître clairement ses intentions de sortir du véhicule, les officiers avaient de bonnes raisons de croire qu'une confrontation pourrait s'ensuivre. C'est alors que les gendarmes Stothart et Mackin ont échangé un regard pour préciser leur intention d'arrêter M. Peter-Paul. Nous n'acceptons pas la proposition de M. Peter-Paul selon laquelle il sortait du véhicule pour être fouillé, à la demande des officiers.

Nous trouvons que l'attitude agressive de M. Peter-Paul combinée à la résistance physique qu'il opposait ont porté les gendarmes Stothart et Mackin à croire que M. Peter-Paul ne se laisserait pas arrêter de bon gré; c'est sur cette impression qu'ils ont fondé leur décision de le coucher face contre le sol pour l'arrêter.

M. Peter-Paul a continué à s'opposer à son arrestation et a résisté aux efforts que déployaient les officiers pour dégager le bras qu'il gardait sous lui, et pour lui passer les menottes. La difficulté de cette manouvre était amplifiée par le poids de M. Peter-Paul sur son bras et le genou que l'officier devait poser sur son dos et qui est un aspect nécessaire de ce type d'arrestation.

Nous concluons également que la tête de M. Peter-Paul n'a pas été appuyée contre le gravier, comme certains l'ont prétendu, mais qu'il était maintenu au sol par le gendarme Fiander qui tentait de le contrôler. Toutes les marques d'éraflures sur sa figure et son torse résultent de ses tentatives de relever la tête et le haut du corps. La coupure sur sa lèvre supérieure a sans doute été causée par l'impact, lorsqu'il a été couché au sol, ou pendant qu'il se débattait, toujours au sol.

Entre le moment où la police est arrivée, et celui où a fait monter M. Peter-Paul dans le véhicule, des habitants de la réserve ont commencé à affluer vers le lieu de l'incident. De nombreuses personnes criaient et injuriaient les membres de la GRC, et utilisaient un langage obscène et vulgaire. De nombreux membres de la famille de M. Peter-Paul qui se trouvaient chez lui cette journée-là couraient dans toutes les directions et confrontaient les officiers. Tout ce brouhaha a contribué à créer une ambiance chaotique, qui a accru le sentiment d'urgence des officiers et la nécessité de procéder rapidement à l'arrestation et de quitter les lieux.

M. Peter-Paul a continué de s'opposer aux policiers pendant qu'on l'amenait vers la portière arrière de la voiture de police. Il s'est frappé la tempe sur le cadre de la portière pendant qu'on tentait de le faire monter sur la banquette arrière, mais on ne peut conclure qu'il s'agissait d'un geste intentionnel des officiers. Après avoir été installé dans la voiture, il a commencé à se frapper la tête contre le plexiglas qui sépare les banquettes arrière et avant, souvent appelé dans le jargon du métier le « patrouilleur silencieux ».

M. Peter-Paul a été amené au détachement d'Enfield de la GRC et enfermé dans une cellule. Nous n'avons rien trouvé d'inapproprié quant à la façon dont M. Peter-Paul a été amené au détachement ou enfermé dans la cellule. Il n'y a aucune preuve crédible pour appuyer l'allégation de M. Peter-Paul selon laquelle il y aurait eu des commentaires racistes proférés à son endroit. Nous concluons également qu'on ne l'a pas jeté contre le mur, comme il l'a laissé entendre, et considérons qu'il n'y a aucune preuve selon laquelle les blessures qu'il a subies ont été causées par des gestes qui auraient été posés dans la cellule.

b) Conclusions de faits concernant la plainte de Theresa Brake

Lorsque les membres de la GRC se sont présentés sur les lieux, le gendarme Stothart, après avoir parlé avec M. Peter-Paul, s'est entretenu avec Theresa Brake qui s'est identifiée comme la mère de Stephen Peter-Paul. Le gendarme Stothart savait donc qui elle était et pouvait la distinguer des autres personnes présentes, malgré la confusion qui régnait sur les lieux. Theresa Brake s'est jetée sur les officiers et a fait obstacle à la tentative d'arrestation de Stephen Peter-Paul; elle voulait ainsi que les officiers attendent l'arrivée d'un gendarme autochtone et les persuader de libérer son fils pour qu'il puisse rentrer chez elle. Mme Brake, avant l'arrivée de la police, tentait de persuader son fils d'aller dormir chez elle, car il était en état d'ébriété, il était agité, se disputait avec sa femme et faisait une scène.

Theresa Brake, dans un effort pour attirer l'attention du gendarme Mackin et pour le convaincre de lâcher son fils, a poussé le gendarme Stothart qui a perdu l'équilibre pendant qu'il était agenouillé à côté de M. Peter-Paul afin de lui passer les menottes. Elle lui a donc fait perdre pied accidentellement. Elle poussait sur les épaules du gendarme Mackin pour attirer son attention. Ses efforts étaient dirigés et ont eu pour résultat d'entraver, presque volontairement, le travail des officiers. Elle était inquiète pour son fils et voulait persuader les officiers de ne pas l'arrêter. Nous concluons également que Mme Brake a été frappée ou poussée par un des officiers, que dans sa chute elle a perdu ses lunettes et est tombée à la renverse sur sa belle-fille. Une description plus complète de nos conclusions à cet égard est comprise dans la dernière section du présent rapport.

Le gendarme Mackin a admis avoir pris Mme Brake par le bras et l'avoir amenée vers la voiture de police, avant d'être interrompu par Frank Smith. Nous concluons que le gendarme Mackin tentait d'éloigner Mme Brake du lieu d'arrestation pour qu'elle cesse ce qui selon lui constituait une entrave à la procédure d'arrestation. Il ne s'agissait pas d'un usage abusif ou inadéquat de force de la part du gendarme Mackin.

8. QUESTIONS

a) L'arrestation de Stephen Peter-Paul était-elle légale?

Les pouvoirs d'arrestation d'un agent de la paix sont décrits au paragraphe 495 (1) du Code criminel, qui se lit comme suit :

495. (1) Un agent de la paix peut arrêter sans mandat :

a) une personne qui a commis un acte criminel ou qui, d'après ce qu'il croit pour des motifs raisonnables, a commis ou est sur le point de commettre un acte criminel;

b) une personne qu'il trouve en train de commettre une infraction criminelle;

c) une personne contre laquelle, d'après ce qu'il croit pour des motifs raisonnables, un mandat d'arrestation ou un mandat de dépôt, rédigé selon une formule relative aux mandats et reproduite à la partie XXVIII, est exécutoire dans les limites de la juridiction territoriale dans laquelle est trouvée cette personne.

(2) Un agent de la paix ne peut arrêter une personne sans mandat :

a) soit pour un acte criminel mentionné à l'article 553;

b) soit pour une infraction pour laquelle la personne peut être poursuivie sur acte d'accusation ou punie sur déclaration de culpabilité par procédure sommaire;

c) soit pour une infraction punissable sur déclaration de culpabilité par procédure sommaire, dans aucun cas où :
d) d'une part, il a des motifs raisonnables de croire que l'intérêt public, eu égard aux circonstances, y compris la nécessité :

(i) d'identifier la personne,

(ii) de recueillir ou conserver une preuve de l'infraction ou une preuve y relative,

(iii) d'empêcher que l'infraction se poursuive ou se répète, ou qu'une autre infraction soit commise, peut être sauvegardé sans arrêter la personne sans mandat;

e) d'autre part, il n'a aucun motif raisonnable de croire que, s'il n'arrête pas la personne sans mandat, celle-ci omettra d'être présente au tribunal pour être traitée selon la loi.

(3) Nonobstant le paragraphe (2), un agent de la paix agissant aux termes du paragraphe (1) est censé agir légalement et dans l'exercice de ses fonctions aux fins :

a) de toutes procédures engagées en vertu de la présente loi ou de toute autre loi fédérale;
b) de toutes autres procédures, à moins qu'il n'y soit allégué et établi par la personne qui fait cette allégation que l'agent de la paix ne s'est pas conformé aux exigences du paragraphe (2).

La Cour suprême du Canada a interprété les mots « trouve en train de commettre une infraction criminelle » à l'alinéa 495(1)b) comme signifiant « trouve, en apparence, en train de commettre une infraction criminelle » - voir -R. c. Biron 23 C.C.C. (2d) 513.

Lorsque les trois officiers de police sont arrivés à la résidence de M. Peter-Paul, il n'y avait aucune infraction apparente en train d'être commise. Nous ne suggérons pas que la raison justifiant l'arrestation par les officiers était leur sentiment qu'une infraction criminelle avait été commise. Ce qu'il reste à savoir, c'est si M. Peter-Paul a « en apparence » commis une infraction criminelle pendant qu'il était interrogé par le gendarme Stothart.

L'article 175 du Code criminel inclut les infractions qui contribuent à troubler la paix. Il se lit en partie comme suit :

175. (1) Est coupable d'une infraction punissable sur déclaration de culpabilité par procédure sommaire quiconque, selon le cas :

a) n'étant pas dans une maison d'habitation, fait du tapage dans un endroit public ou près d'un tel endroit;

(i) en se battant, en criant, vociférant, jurant, chantant ou employant un langage insultant ou obscène;

(ii) soit en étant ivre,

(iii) soit en gênant ou molestant d'autres personnes.

(2) À défaut d'autre preuve, ou sous forme de corroboration d'une autre preuve, la cour des poursuites sommaires peut déduire de la preuve apportée par un agent de la paix sur le comportement d'une personne, même indéterminée, la survenance d'un désordre visé aux alinéas 1a), c) ou d).

Le sous-alinéa 175 (1)a)(i) exige une preuve d'une manifestation externe troublant la paix, au sens d'une entrave à l'utilisation ordinaire ou habituelle des lieux par le public. Une entrave au déroulement ordinaire ou habituelle des activités dans ou près d'un lieu public peut se limiter au simple fait d'être distrait dans son travail, mais cette entrave doit exister et doit se manifester extérieurement. Cette entrave doit raisonnablement avoir été prévue dans les circonstances particulières liées au temps et au lieu : R. c. Lohnes (1992), 69 C.C.C. (3d) 289 C.S.C.

La voiture dans laquelle se trouvait M. Peter-Paul était stationnée devant l'arcade et le commerce qu'il exploitait, et était donc dans un lieu public, au sens de cet article du Code criminel. Il ne fait aucun doute que les réponses de M. Peter-Paul aux questions posées par le gendarme Stothart étaient en fait injurieuses et obscènes, conformément à ce que l'on trouve à l'article 175 du Code criminel. Nous considérons que la conduite de M. Peter-Paul, qui a juré et proféré des obscénités, pourrait très bien avoir dérangé les membres de la GRC qui menaient leur enquête, ou encore les témoins. Par conséquent, les officiers qui ont procédé à l'arrestation ont « en apparence » trouvé M. Peter-Paul en train de commettre une infraction criminelle et étaient en droit de l'arrêter, pourvu qu'ils n'usent pas d'une force abusive. Nous concluons également que la tentative de M. Peter-Paul pour sortir du véhicule, jumelée à son comportement agressif et violent a porté les officiers à croire qu'il pourrait s'ensuivre une altercation physique; la possibilité qu'il y ait également une arme à feu en cause leur a donné une raison de plus pour procéder à l'arrestation.

L'article 25 du Code criminel prévoit qu'un agent de la paix effectuant une arrestation a le droit d'user de la force nécessaire à cette fin. L'article se lit comme suit :

25. (1) Quiconque est, par la loi, obligé ou autorisé à faire quoi que ce soit dans l'application ou l'exécution de la loi :

a) soit à titre de particulier,

b) soit à titre d'agent de la paix ou de fonctionnaire public;

c) soit pour venir en aide à un agent de la paix ou à un fonctionnaire public;

d) soit en raison de ses fonctions,

est, s'il agit en s'appuyant sur des motifs raisonnables, fondé à accomplir ce qu'il lui est enjoint ou permis de faire et fondé à employer la force nécessaire pour cette fin.

On a convenu, dans les allégations, que même si une arrestation est légale, elle devient illégale si les officiers emploient plus de force que nécessaire.

Au cours de l'audience, les membres de la GRC du détachement d'Enfield nous ont fait la démonstration d'une arrestation où le suspect est couché face contre sol. La procédure consiste à coucher immédiatement le suspect au sol; l'officier doit appliquer son genou sur le dos du suspect et ramener les mains de ce dernier dans son dos pour lui passer les menottes. D'autres officiers peuvent être appelés à intervenir pour empêcher le suspect de bouger jusqu'à ce qu'il soit menotté. Cette procédure d'arrestation est recommandée dans les situations où le suspect est réticent et résiste à son arrestation.

Dale Sylliboy qui a témoigné en tant qu'expert en questions policières, a reconnu que cette procédure est une méthode d'arrestation acceptable lorsque le suspect est réticent ou n'est pas collaboratif. Les trois officiers avaient toutes les raisons de croire que M. Peter-Paul serait peu susceptible de coopérer avec eux. En effet, ses réponses à leurs premières questions étaient : « crissez le camp de ma cour ». Il hurlait et se montrait peu coopératif. Il affichait des signes d'ivresse avancée et il était peu probable qu'il accepte de se prêter de bonne grâce à l'enquête des officiers.

Nous acceptons le témoignage du gendarme Stothart selon lequel la décision de choisir cette procédure d'arrestation n'a été prise qu'une fraction de seconde après que M. Peter-Paul ait tenté de sortir du véhicule. À ce moment, le gendarme Stothart a déclaré que M. Peter-Paul a commencé à se « raidir », indiquant ainsi qu'il résistait aux officiers. La décision de recourir à la force est souvent prise instantanément, sans le bénéfice d'une longue réflexion. Nous n'avons aucune raison de remettre en question la décision du gendarme Stothart à l'égard de la procédure d'arrestation, dans la mesure où il était justifié d'arrêter M. Peter-Paul, et où il a employé une méthode d'arrestation acceptée dans les circonstances appropriées. C'est, selon nous, ce qu'il a fait.

Les autres témoins, comme Dale Sillyboy et le gendarme Stephen Michael, laissent entendre qu'une discussion plus approfondie avec M. Peter-Paul aurait pu éviter l'arrestation et les blessures qui en ont découlé. Même si ces suggestions ont du mérite, et en effet deux officiers peuvent approcher la situation de deux façons différentes, elles ne règlent pas le problème en cause, soit déterminer si cette arrestation était justifiée et si une force raisonnable a été employée. Nous répondons oui à ces deux questions.

De par sa nature même, une procédure d'arrestation où l'on doit coucher le suspect face contre sol constitue un exercice violent. Il est regrettable que les officiers n'aient pas pu choisir un sol moins dur. Les blessures qui en ont découlé étaient naturelles et une conséquence regrettable de l'arrestation, combinée aux efforts de M. Peter-Paul pour résister aux officiers.

b) A-t-on frappé délibérément la tête de Stephen Peter-Paul contre la portière de la voiture de police?

Même si M. Peter-Paul a été amené de force à la voiture de police, sa tête a frappé la portière de la voiture au-dessus de la fenêtre. De nombreux témoins ont déclaré que les officiers avaient délibérément frappé la tête de M. Peter-Paul contre la portière, même si le gendarme Stothart maintient que M. Peter-Paul a trébuché et s'est cogné la tête avant de monter à l'arrière du véhicule.

Selon nous, il n'y a pas suffisamment de preuves crédibles pour conclure que le gendarme Stothart a délibérément frappé la tête de M. Peter-Paul contre la portière. C'était la réaction de M. Peter-Paul au fait d'être arrêté qui a entraîné cette blessure. Cette blessure est en fait un accident.

Toutefois, nos croyons que les officiers de la GRC devraient faire particulièrement attention lorsqu'ils font monter un suspect dans une voiture de police, car dans ces situations, le suspect est sous le contrôle des officiers qui doivent par conséquent éviter que le suspect ne se blesse. Dans ce cas particulier, nous avons conclu que M. Peter-Paul s'est cogné la tête contre la portière de la voiture de police en raison de ses propres actes, qui n'auraient pas nécessairement pu être évités par des mesures préventives prises par les officiers.

c) Stephen Peter-Paul a-t-il reçu immédiatement des soins médicaux adéquats?

Le sergent d'état-major a agi adéquatement et à temps en demandant au sergent Cornect de demander à un médecin d'examiner les blessures de M. Peter-Paul. Toutefois, M. Montgomery, le médecin, ne comprenait pas très bien quelles étaient ses responsabilités à l'égard du prisonnier. Dans son témoignage, il a déclaré que le prisonnier n'était pas son patient, et qu'il devait recevoir ses instructions de la GRC avant de procéder à un traitement.

De l'autre côté, le sergent d'état-major Palmer a déclaré que si le médecin avait mentionné son intention de transporter M. Peter-Paul à l'hôpital pour lui faire des points de suture, il aurait obtempéré. Il y a eu un malentendu certain entre les membres de la GRC et, dans ce cas, M. Montgomery. La GRC était responsable de M. Peter-Paul pendant toute la période où il était sous sa garde. Le sergent d'état-major Palmer a partiellement assumé cette responsabilité lorsqu'il a demandé un médecin pour M. Peter-Paul. Toutefois, il n'a pas informé correctement M. Montgomery quant à qui était responsable d'assurer le traitement médical de M. Peter-Paul. Plus particulièrement, il n'a pas précisé à M. Montgomery que si ce dernier jugeait nécessaire de faire des points de suture, il pouvait faire transporter M. Peter-Paul à l'hôpital pour recevoir les soins nécessaires.

Nous recommandons que la GRC établisse un protocole pour s'assurer que tout médecin examinant un prisonnier soit au courant de ses responsabilités; on pourra ainsi s'assurer que les soins médicaux appropriés, quelles que soient les circonstances, sont prodigués au prisonnier. En bref, le médecin doit savoir de façon précise si son devoir est envers la GRC ou le prisonnier.

d) A-t-on tenu des propos racistes?

Alors que les officiers ayant procédé à l'arrestation s'occupaient de M. Peter-Paul et le faisaient monter dans la voiture de police, des témoins ont dit entendre quelqu'un dire : « Vous allez y goûter maintenant, crisse d'Indiens. ». Cette remarque a été attribuée au gendarme Mackin. Le témoignage le plus flagrant à cet égard a été celui de Roger Bernard, qui était assis dans son camion près de l'allée d'accès au garage de M. Peter-Paul, et attendait que ses enfants arrivent de l'école par l`autobus. Il a décrit de quelle façon le gendarme Mackin avait frappé Mme Brake et poussé Anna-Marie Peter-Paul à terre. Ensuite, il a déclaré ceci : « À ce moment-là, je crois que le gendarme Mackin a dû perdre son sang-froid, parce qu'il a dit quelque chose qu'il n'aurait pas dû dire et s'est mis à poursuivre un autre gars... ». Dans sa déclaration, il a clairement indiqué que c'était le gendarme Mackin qui avait tenu ces propos. Dans son témoignage, celui-ci a nié avoir dit une telle chose. Les deux autres officiers ont également nié avoir fait un tel commentaire, et aucun des trois n'a entendu quelqu'un tenir ces propos.

Il semble que le gendarme Mackin ait joué un rôle plus actif que les autres officiers ayant participé à l'incident. Il a admis avoir poussé Anna-Marie Peter-Paul lorsqu'elle s'est avancée vers lui. Il a également déclaré avoir pris Mme Brake par le bras et l'avoir emmenée vers la voiture de police avant de se retrouver face à face avec Frank Smith, qui aurait essayé de se battre avec lui. C'est alors qu'il a laissé partir Mme Brake afin de faire face à Frank Smith. D'autres témoins ont déclaré qu'il avait poursuivi Chris Paul, qui l'avait interpellé après l'avoir vu frapper Mme Brake.

Dans son témoignage, il a en outre décrit les circonstances de l'arrestation avec beaucoup de détails. Selon lui, la situation était en train de dégénérer, et il craignait vraiment pour sa sécurité et pour celle des autres officiers. Par ailleurs, le comportement qu'ont observé l'ensemble des témoins donne à penser qu'il était plus préoccupé par une éventuelle attaque des gens qui observaient la scène et qu'il s'est davantage occupé des témoins que les autres officiers. C'est pourquoi M. Bernard a surtout remarqué les agissements du gendarme Mackin.

Nous avons été très surpris par le témoignage du gendarme Stephen Michael relativement à l'attitude et à l'intérêt du gendarme Mackin à l'égard de la collectivité autochtone. Il a parlé en détail des moments qu'il a passés en compagnie du gendarme Mackin et de l'intérêt que celui-ci portait aux coutumes et à la culture autochtones. Il est évident que le gendarme Mackin respecte les Autochtones et leur culture.

En raison du témoignage édifiant du gendarme Stephen Michael, nous ne sommes pas persuadés, selon toute probabilité, que le gendarme Mackin ait fait cette remarque. Il est tout à fait possible que la remarque en question ait été faite par quelqu'un d'autre, étant donné le nombre de personnes qui se sont rassemblées sur les lieux. Par ailleurs, il ne faut pas oublier que les gens rassemblés étaient bruyants, et qu'ils criaient et insultaient les policiers. Le gendarme Michael a déclaré que, lorsqu'il est arrivé sur les lieux, il s'est fait insulter. Il est tout à fait possible que ces remarques aient été faites par d'autres personnes ou qu'elles aient été mal interprétées par M. Bernard.

Au détachement, M. Peter-Paul a déclaré que l'un des employés de la GRC lui avait dit ceci : « Tu ne joues plus le dur maintenant. » L'ensemble des employés de la GRC présents au lieu de détention ont dit ne pas avoir entendu cette remarque. La seule personne à l'avoir entendue était M. Peter-Paul lui-même. Or il était en état d'ébriété lorsqu'il a été incarcéré, et son témoignage ne pouvait donc pas être crédible. En particulier, le fait qu'il se soit dit sobre et ce qu'il a déclaré relativement aux événements survenus chez lui avant l'arrivée de la police n'est pas crédible, compte tenu du témoignage d'autres personnes impartiales. En conséquence, nous attribuons peu ou pas de crédit au témoignage de M. Peter-Paul et, à la lumière du témoignage des autres personnes présentes sur le lieu de détention, nous ne sommes pas convaincus que quelqu'un ait fait cette remarque.

e) Theresa Brake a-t-elle été frappée par un membre de la GRC? Le cas échéant, par qui et a-t-elle reçu un coup de poing?

Un grand nombre de témoins ont déclaré que Mme Brake avait été frappée ou affirmé le contraire. Nous avons également eu la possibilité d'examiner les nombreuses déclarations des témoins à ce sujet. La plupart des personnes présentes à la résidence de M. Peter-Paul au moment de l'incident ont déclaré que Mme Brake avait été frappée. Il convient de noter que tous les policiers ont déclaré qu'ils ne l'avaient pas vue se faire frapper, et l'officier nommément accusé de ce geste, à savoir le gendarme Mackin, a insisté sur le fait qu'il n'avait pas frappé Mme Brake mais qu'il pouvait l'avoir touchée par accident. Il a nié les faits qui lui étaient reprochés.

Theresa Brake a déclaré qu'elle se tenait à gauche de M. Peter-Paul lorsque celui-ci était étendu à terre. Elle a dit avoir tapé sur l'épaule du gendarme Mackin pour attirer son attention durant l'arrestation. Il était agenouillé à ce moment-là; il s'est alors relevé et lui a donné un coup de poing sur la joue gauche, ce qui a fait tomber ses lunettes et l'a poussée sur sa belle-fille, Tamara Peter-Paul. Le témoignage qu'elle a fait lors de l'audience recoupait sa déclaration, ainsi que le témoignage qu'elle avait fait lors du procès qui a été intenté contre elle pour obstruction à un agent de la paix dans l'exercice de ses fonctions. Elle s'est plainte presque immédiatement d'avoir été frappée par l'un des officiers.

Anna-Marie Peter-Paul, qui portait le pantalon de jogging rose, se souvient avoir été elle aussi poussée à terre; lorsqu'elle s'est relevée, elle a vu que Theresa Brake, qui était elle aussi à terre, se relevait en même temps qu'elle. Elle ne l'a pas vue se faire frapper. Chris Paul, qui est le fils de Theresa Brake, s'est également souvenu que sa mère avait été frappée, mais n'a pas pu identifier l'officier responsable. Il a affirmé qu'elle avait reçu un coup de poing d'un des officiers qui était agenouillé.

Genevieve Paul a elle aussi confirmé que Mme Brake avait été frappée et dit avoir vu le gendarme Mackin lui donner un coup de poing. Par contre, elle a déclaré que celui-ci se trouvait entre M. Peter-Paul et le magasin, c'est-à-dire à l'opposé de l'endroit où tous les autres témoins l'ont vu. Elle l'a vu se tourner et frapper Mme Brake à la joue, puis a vu celle-ci tomber sur Tamara Peter-Paul, l'entraînant dans sa chute. Elle a également décrit de quelle façon ce même officier avait poussé Anna-Marie Peter-Paul.

Sandy Brooks a déclaré que Theresa Brake avait été frappée par un des officiers, qui lui aurait donné un coup de poing. Il n'a pas pu identifier l'officier responsable, mais il a indiqué qu'il se trouvait entre M. Peter-Paul et le magasin et faisait face à la rue. L'officier s'est alors tourné et a frappé Mme Brake, et elle est tombée sur quelqu'un. Cependant, lors d'un contre-interrogatoire, il a admis ne pas être sûr de l'endroit où se trouvait l'officier par rapport à M. Peter-Paul. Sheena Paul a elle aussi déclaré que Theresa Brake avait été frappée par un des officiers. Par contre, elle n'a pas indiqué clairement quel officier avait porté le coup, ou à quel endroit il se trouvait. Elle affirme que Mme Brake a été frappée et qu'on l'a « écartée ». Elle n'a pas pu déterminer si l'officier a donné ou non un coup de poing.

Nous avons également reçu des déclarations écrites de William John Nevin et de Robert Sack. Ces déclarations ont été admises par un consentement de tous les avocats. Néanmoins, aucun de ces messieurs n'a témoigné lors de l'audience. M. Nevin, qui est le neveu de Theresa Brake, a précisé dans sa déclaration que Mme Brake tapait sur l'épaule de l'un des officiers lorsque celui-ci lui a donné un coup de poing au visage. Il a ajouté que l'officier avait « remis ça » en la frappant une deuxième fois. Dans sa courte déclaration, M. Sack a indiqué ceci : « Un des policiers, celui qui avait les cheveux gris, a poussé Anna-Marie en premier. Il l'a jetée à terre puis a empoigné Theresa et l'a emmenée vers la voiture. Elle était près de la porte. Il l'a alors laissée partir et s'est mis à courir après Frankie Smith. Je n'ai vu aucun policier la frapper. ». De toute évidence, M. Sack fait référence au gendarme Mackin, et on peut conclure d'après sa déclaration qu'il n'a pas vu Mme Brake se faire frapper. Aucun des deux hommes n'a été soumis à un contre-interrogatoire.

Roger Bernard a dit avoir vu le gendarme Mackin frapper Mme Brake. Il affirme que ce dernier était debout et, même s'il lui est difficile de dire de quelle façon il l'a frappée, il croit que c'est plutôt un « coup rapide » qui a été porté, et non un coup de poing prémédité. Il a insisté sur le fait que l'officier avait asséné un coup de poing à Mme Brake.

Le témoignage des trois policiers qui figure dans leurs déclarations et leurs rapports est confus. Dans son rapport de suivi, le gendarme Stothart a notamment déclaré : « Le gendarme Mackin a repoussé Mme Brake lorsque celle-ci l'a poussé et bousculé, et c'est à ce moment-là que Smith est intervenu. » Dans sa déclaration du 1er juin 1994, le gendarme Stothart avait déclaré : « J'ai regardé autour de moi et j'ai vu la mère qui se tenait derrière le gendarme Mackin. Je me souviens qu'il l'a repoussée, et je crois qu'il l'a amenée jusqu'à la voiture de police. En fait, j'ai vu un certain nombre de personnes qui en poussaient d'autres. »

Il a ajouté par la suite que la mère de M. Peter-Paul avait ramassé ses lunettes à lui et les avait tordues. On lui a ensuite posé les questions suivantes :

1) De quelle façon Theresa Brake a-t-elle été poussée?

Réponse : Elle me poussait dans le dos et j'ai perdu l'équilibre et suis tombé sur M. Peter-Paul.

2) Est-ce que vous vous rappelez avoir poussé Theresa Brake ou l'avoir frappée?

Réponse : Non - mais je me souviens avoir vu le gendarme Mackin la pousser par en arrière, parce qu'elle le poussait elle-même. (soulignement ajouté)

Dans sa déclaration, le gendarme Fiander a indiqué ceci : « à ce moment-là, j'ai vu la dame qui s'était approchée du gendarme Stothart en premier lieu pousser celui-ci. Elle s'est approchée du gendarme Mackin et j'ai remarqué qu'il la repoussait par en arrière. »

Durant le procès de Theresa Brake, le gendarme Fiander a témoigné de façon détaillée à propos de l'incident en question. Il a parlé d'une femme qui portait un t-shirt Northern Reflections et des lunettes (il s'est avéré ultérieurement qu'il s'agissait de Theresa Brake) et qu'il a vue parler avec le gendarme Stothart après l'arrivée des officiers. Par la suite, il a déclaré :

À ce moment-là, je me trouvais près de la tête de M. Peter-Paul et la dame que le gendarme Mackin avait déjà rencontrée, celle qui portait le t-shirt blanc Northern Reflections et des lunettes, a poussé le gendarme Mackin dans le dos, et il est comme tombé sur M. Peter-Paul. Euh, après ça, euh, le gendarme Stothart a repris son équilibre et nous avons poursuivi la procédure d'arrestation. Euh, peu de temps après, en fait. on parle de quelques secondes, mais je ne sais pas exactement combien de temps, j'ai remarqué que la même dame était à terre aux pieds de M. Peter-Paul et qu'elle avait une paire de lunettes dans la main et, euh, juste après ça, je l'ai vue écraser les lunettes, et le gendarme Stothart lui a parlé de nouveau. (italiques ajoutés)

Dans la suite de son témoignage, le gendarme Fiander a précisé que c'était le gendarme Stothart que Mme Brake poussait, et non le gendarme Mackin comme il l'avait dit au départ.

Le gendarme Mackin n'a pas été très précis en ce qui concerne la plainte de Mme Brake. Il a bel et bien fait une déclaration à propos de la plainte de M. Peter-Paul, mais cette plainte ne mentionnait pas le fait qu'il aurait frappé Mme Brake. En fait, l'officier enquêteur, à savoir le sergent d'état-major Burke, a utilisé le rapport de suivi préparé par le gendarme Mackin comme déclaration. Dans ce rapport, celui-ci écrit ceci :

Pendant que nous faisions ceci, une dame portant un pantalon de jogging rose s'est approchée de moi, mais je l'ai repoussée. Elle s'apprêtait à attaquer l'un de nous. Ensuite, une femme plus âgée (il s'est avéré plus tard que c'était Mme Brake) s'est approchée en arrière de Keith et a attaqué le gendarme Stothart. Ça s'est passé si vite qu'il est difficile de dire qui était qui. Frank Smith, qui est un grand gars (autochtone), criait après moi et me disait que nous n'avions pas le droit d'agir ainsi. J'ai essayé de leur dire qu'ils faisaient obstruction à l'arrestation. Les gens nous jetaient des pierres (des graviers) et un important groupe a commencé à se former. À un moment donné, j'ai dit à Mme Brake qu'elle faisait obstruction à l'arrestation et qu'elle devait cesser d'agir ainsi, sans quoi je l'assoirais dans la voiture de police. J'ai dit la même chose à Frank Smith. Il m'a semblé que Smith voulait se battre avec moi. C'était difficile à dire à ce stade. Pourtant, je n'ai frappé personne. Je me rappelle seulement avoir repoussé la dame qui portait un pantalon de jogging rose.

Le gendarme Mackin n'a pas témoigné au procès de Mme Brake. Par ailleurs, aucun des officiers n'a témoigné au procès de M. Peter-Paul. Le témoignage du gendarme Stothart lors du procès de Mme Brake n'a pas révélé quoi que ce soit à ce sujet.

Lors de son témoignage à l'audience, le gendarme Mackin a maintenu qu'il n'avait pas poussé Mme Brake de quelque façon que ce soit. À cet égard, son témoignage concorde avec son rapport de suivi et avec ce qu'il avait dit au sergent d'état-major Burke durant l'enquête de celui-ci. Par contre, les gendarmes Stothart et Fiander ont déclaré qu'ils s'étaient trompés lorsqu'ils avaient dit que le gendarme Mackin avait poussé Mme Brake. Ils ont tous deux dit s'être trompés en décrivant comme Mme Brake la femme que le gendarme Mackin avait poussée. Ils affirment tous les deux qu'ils se sont trompés sur l'identité de la femme portant le pantalon de jogging rose. Ils ont pensé à tort qu'il s'agissait de Mme Brake, et que c'était la même personne qui portait le t-shirt Northern Reflections et qui avait parlé au gendarme Stothart après l'arrivée de la police.

Il faut reconnaître que les déclarations et les rapports de suivi préparés par les officiers semblent ne parler que d'une seule fois où le gendarme Mackin aurait poussé ou frappé quelqu'un. Pourtant, ces déclarations des gendarmes Stothart et Mackin, ainsi que les rapports, indiquent à plusieurs reprises que Mme Brake est la personne qui a été poussée. Il est difficile de comprendre comment ces officiers pourraient avoir confondu Mme Brake, qui parlait avec le gendarme Stothart et que le gendarme Fiander a décrite comme portant un t-shirt Northern Reflections, et Anna-Marie Peter-Paul, que le gendarme Mackin a effectivement poussée par en arrière, de l'avis de tous. Il semble qu'il l'ait poussée en lui appuyant sur la poitrine; si ces officiers ont assisté à la scène, ils auraient pu en principe la distinguer de Mme Brake. Il est possible que les gendarmes Fiander et Stothart n'ait assisté qu'à un seul incident au cours duquel le gendarme Mackin aurait poussé quelqu'un, et qu'il s'agisse d'Anna-Marie Peter-Paul. Peut-être qu'il n'ont tout simplement pas été témoins d'aucun contact entre le gendarme Mackin et Mme Brake.

Il est très difficile de faire concorder le témoignage du gendarme Mackin et celui des autres témoins. On lui a demandé clairement s'il était possible qu'il ait poussé ou frappé Mme Brake accidentellement ou involontairement alors qu'il s'efforçait de faciliter l'arrestation de M. Peter-Paul. On l'a invité à réfléchir aux circonstances entourant l'arrestation : le fait que les officiers aient vu des gens qui en poussaient d'autres, qui criaient, hurlaient et jetaient des pierres au moment de l'arrestation. Mais il s'en est tenu au témoignage dans lequel il affirmait ne pas avoir frappée Mme Brake, qu'il ne pouvait pas l'avoir frappée et que rien ne s'était passé.

Malheureusement, le sergent d'état-major Burke n'a pas accordé d'importance au dilemme créé par son enquête. De toute évidence, il a établi un lien entre le fait que les gendarmes Stothart et Fiander aient vu le gendarme Mackin pousser Mme Brake et le fait qu'elle ait déclaré avoir été frappée au visage. Il n'a pas essayé de distinguer le fait qu'Anna-Marie Peter-Paul ait été poussée du coup de poing que Theresa Brake prétend avoir reçu du gendarme Mackin. C'est pourquoi, lorsqu'on examine les déclarations recueillies pendant son enquête et ses conclusions, on ne voit pas vraiment à quoi les membres de la GRC faisaient référence.

La confusion créée par les déclarations des gendarmes Stothart et Fiander au sergent d'état-major Burke et par leurs « éclaircissements » ultérieurs lors de l'audience publique a compliqué davantage nos délibérations. Jusqu'aux derniers jours de l'enquête, on ne connaissait pas la position des membres de la GRC à ce sujet, à savoir : est-ce que Mme Brake avait été frappée ou poussée, et avait-elle reçu un coup de poing? Il aurait été préférable qu'ils expriment clairement leur point de vue au début de l'enquête.

La raison de leur silence n'est pas évidente au premier abord. Les plaignants pensent que les gendarmes Stothart et Fiander ont adapté leur témoignage après les faits en faveur du gendarme Mackin. Nous ne sommes pas prêts à aller aussi loin. Toutefois, nous avons effectivement le sentiment que ces officiers n'ont pas été aussi clairs qu'ils auraient pu être dans leurs déclarations. Il n'est pas nécessaire d'en imputer la faute aux officiers eux-mêmes, au sergent d'état-major Burke ou simplement à une regrettable omission dans leur déclaration. Il est clair que les gendarmes Stothart et Fiander ont tous deux émis des hypothèses (sur lesquelles ils sont revenus par la suite) à propos de l'identité des personnes présentes sur les lieux. Personne ne devrait faire de supposition lors d'une déclaration. Lorsqu'une personne fait une déclaration ou un témoignage qu'elle présente comme le reflet de la vérité, alors qu'elle ne sait pas s'il s'agit de la vérité, elle crée la confusion. C'est ce qui s'est produit dans ce cas-ci.

En outre, si l'on avait demandé au gendarme Mackin de faire une déclaration et exigé qu'il accorde la priorité à cette question, la position des officiers aurait peut-être été plus claire. Nous admettons que le gendarme Mackin n'a pas pu faire de déclaration parce qu'il était en congé pour des raisons personnelles non liées au dossier à l'étude. Cependant, nous pensons que, si le sergent d'état-major Burke avait attendu de recevoir une déclaration détaillée du gendarme Mackin, les choses auraient été plus claires.

Il est difficile de comprendre comment le gendarme Stothart a pu confondre Mme Brake avec Anna-Marie Peter-Paul. Il a parlé à Mme Brake et a pu l'identifier comme étant la personne qui l'avait poussé dans le dos. Dans sa déclaration, il l'a appelée « la mère ». Il a indiqué que le gendarme Mackin la « repoussait » par en arrière parce qu'elle l'avait elle-même poussé. Rien n'indique qu'Anna-Marie Peter-Paul ait poussé le gendarme Mackin. L'ensemble des témoignages indiquent que c'est Theresa Brake qui poussait soit le gendarme Stothart, soit le gendarme Mackin. En effet, dans son témoignage, le gendarme Mackin a déclaré que Mme Brake était « en plein milieu » et faisait obstruction à la procédure d'arrestation. Cela semble indiquer clairement que le gendarme Stothart faisait bien la différence entre Mme Brake et Anna-Marie Peter-Paul.

Le seul témoin impartial de cet incident particulier est M. Bernard. Malheureusement, son témoignage présente certains problèmes. En particulier, dans sa déclaration, il a dit qu'Anna-Marie Peter-Paul avait été frappée, alors que tous les témoignages indiquent clairement que le gendarme Mackin l'a poussée des deux mains; d'ailleurs, il a admis dans son témoignage qu'elle avait été poussée. À différents moments de son témoignage et de sa déclaration, il indique que le gendarme a donné un coup de poing à Mme Brake. Cependant, lorsqu'on examine l'ensemble de son témoignage, les choses ne sont plus aussi claires à ce sujet. À un moment donné, il a dit qu'il n'était pas sûr de la façon dont elle avait été frappée. Il a notamment dit : « Il est difficile de dire de quelle façon il l'a frappée. » C'est ce qu'il convient de retenir de ses observations.

M. Bernard était dans son camion, qu'il avait stationné dans la rue à une certaine distance du lieu de l'incident. Bien qu'il dise pouvoir décrire de quelle façon Mme Brake a été frappée et qui l'a frappée, il se trompe de toute évidence dans d'autres éléments de son témoignage. Nous ne sommes donc pas disposés à accepter ce témoignage.

L'arrestation s'est déroulée dans un espace relativement restreint, entre la voiture de Chris Paul, le magasin et le véhicule de Theresa Brake. En plus de M. Peter-Paul, les personnes suivantes étaient présentes à un moment où à un autre : Theresa Brake, Anna-Marie Peter-Paul, Tamara Peter-Paul, Sheena Paul, Chris Paul, Genevieve Paul, Frank Smith, Sandy Brooks, les trois gendarmes et un certain nombre d'écoliers et de personnes non identifiées. On a entendu des gens hurler et jurer, et vu des gens arriver, partir et se déplacer autour des lieux de l'incident. Les officiers avaient de la difficulté à maîtriser M. Peter-Paul. Il y avait beaucoup d'agitation autour d'eux. Il est fort probable que Mme Brake ait été frappée soit par le gendarme Mackin, soit par le gendarme Stothart, mais accidentellement, alors que ces officiers s'acquittaient de leur tâche en arrêtant M. Peter-Paul. Nous pouvons par contre affirmer que le gendarme Fiander n'a pas frappé Mme Brake de quelque façon que ce soit.

Étant donné la confusion relative qui régnait et le nombre de personnes présentes dans cet espace restreint, on peut comprendre pourquoi les témoignages relatifs à la personne qui aurait frappé Mme Brake ne sont pas concluants. Malheureusement, le climat de confusion a été aggravé par le manque de crédibilité des témoignages que nous avons entendus. Les témoignages des personnes présentes chez M. Peter-Paul n'étaient pas catégoriques, en particulier en ce qui concerne la sobriété de M. Peter-Paul et son comportement irrationnel avant l'arrivée de la police. Par ailleurs, les déclarations que les policiers ont incluses dans leur rapport écrit et celles qu'ils ont remises au sergent d'état-major Burke, leur témoignage au procès de Mme Brake et leur témoignage à la présente audience rendent leur témoignage à ce sujet confus et douteux.

Nous avons déterminé que Mme Brake avait été frappée ou poussée; par contre, elle n'a pas reçu de coup de poing. Si tel avait été le cas, et qu'on l'avait frappée avec la force nécessaire pour la faire tomber comme elle l'a affirmé, il est probable que ses blessures auraient été beaucoup plus nombreuses que ce qu'a découvert le Dr Locke durant son examen, le lendemain.

Nous avons conclu que Mme Brake avait été frappée accidentellement par un officier de la GRC lorsqu'elle s'est immiscée sur les lieux de l'arrestation. L'officier en cause était soit le gendarme Mackin, soit le gendarme Stothart. Le niveau de preuve dont nous avons besoin pour pouvoir établir que le gendarme Mackin a fait un usage abusif de la force comme on le prétend est le fardeau de la preuve en matière civile selon la prépondérance des probabilités. Nous avons déterminé que la preuve n'avait pas été établie et que la plainte contre le gendarme Mackin devait donc être retirée.

Il est clair que Theresa Brake se trouvait trop près des lieux de l'arrestation et, même si ses intentions étaient honorables, au sens où elle essayait de persuader les officiers qu'elle avait convaincu son fils de venir dormir chez elle, elle s'est immiscée de façon inappropriée dans une procédure légale d'arrestation. Une fois que cette procédure a été engagée, elle aurait dû rester en retrait, peu importe ce qu'elle pensait du moment où la police devait intervenir et de la pertinence de cette intervention.

f) Traitement réservé à Theresa Brake et à Tamara Peter-Paul au détachement d'Enfield de la GRC

Au terme de l'enquête, on nous a invités dans des présentations à commenter le traitement qu'on a réservé à Theresa Brake et à Tamara Peter-Paul lorsqu'elles se sont rendues au détachement, après l'incident survenu sur la réserve.

Certains ont prétendu que Mme Brake et Tamara Peter-Paul étaient préoccupées car elles ne savaient pas où se trouvait Stephen Peter-Paul, alors qu'en fait, Mme Brake s'est avant tout présentée au détachement pour y déposer une plainte à propos de l'incident ayant marqué l'arrestation de son fils à la résidence de celui-ci. Il est tout à fait clair que Mme Brake ne connaissait pas la procédure de dépôt de plainte et/ou d'« accusations » contre les officiers qui avaient arrêté son fils. Il est tout aussi évident qu'elle ne faisait pas du tout confiance aux personnes présentes dans les locaux du détachement, qui étaient chargées d'enregistrer et de traiter sa plainte.

On peut comprendre que le rôle des policiers chargés d'enregistrer les plaintes relatives à la conduite criminelle d'un des membres de la GRC ne soit pas clair. Il est évident que la GRC ne peut enquêter sur ses propres membres de la même façon qu'elle reçoit des plaintes à propos d'autres personnes. Malheureusement, cette distinction n'est pas évidente pour le grand public.

Nous pensons que le sergent d'état-major Palmer a agi professionnellement lorsqu'il a enregistré la plainte de Mme Brake. Il a fait ce qu'il fallait en ne l'interrogeant pas à propos de l'accusation dont elle faisait l'objet pour obstruction à un policier dans l'exercice de ses fonctions. Il a agi ainsi en partie parce qu'il ne voulait pas intégrer les deux processus et nuire de ce fait à toute déclaration que Mme Brake aurait pu lui faire relativement à ces accusations. Cela lui a par contre permis de conserver une certaine impartialité lorsqu'il a enregistré sa plainte. Nous sommes convaincus que la plainte en question reflétait adéquatement les préoccupations de Mme Brake, qui nous ont été communiquées par la suite durant son témoignage dans le cadre de l'enquête.

On peut comprendre que Theresa Brake et Tamara Peter-Paul aient pu être intimidées par la présence policière, d'autant qu'elle était liée à une enquête portant sur les accusations portées contre Mme Brake. Toutefois, les techniques d'enquête policière sont conçues pour être quelque peu intimidantes et, dans ce cas-là, Mme Brake faisait l'objet d'une enquête criminelle. La police a tout à fait le droit d'user de telles techniques, à condition qu'elles soient adaptées aux circonstances; et nous avons le sentiment que c'était le cas.

Nous ne nous sentons pas obligés de recommander des changements ou de faire des commentaires négatifs relativement à l'enregistrement de la plainte de Mme Brake par le sergent d'état-major Palmer. Nous nous contenterons de dire que les plaignants devraient être traités avec respect et leurs plaintes, reçues de façon correcte, même s'ils sont considérés comme des suspects en raison d'autres allégations. Nous pensons également que les officiers qui traitent les plaintes ne devraient pas participer directement aux autres enquêtes que le sergent d'état-major Palmer a menées correctement dans le cas présent.

Nous sommes néanmoins d'accord avec les arguments de l'avocat de la Commission, selon lequel les personnes visées par une plainte devraient se tenir à l'écart de toute enquête ultérieure sur le plaignant, compte tenu des circonstances. Il y a apparence de partialité si l'officier qui fait l'objet de la plainte continue à enquêter sur le plaignant. On préserverait davantage l'intégrité de l'enquête si un autre officier (qui peut appartenir au même détachement) reprenait l'enquête jusqu'à la conclusion des procédures criminelles. On ne sait pas vraiment ce que le gendarme Stothart, qui était l'enquêteur principal dans ce dossier, a pu faire pour faire progresser l'enquête. Cependant, nous avons le sentiment qu'il n'est pas trop compliqué pour la GRC d'insister sur cette exigence supplémentaire afin de maintenir une apparence d'équité dans le cadre de l'enquête. Il faut préciser que les présents commentaires ne visent pas à laisser croire que la volonté du gendarme Stothart de poursuivre Mme Brake a été motivée par des raisons douteuses ou qu'il s'est fondé sur des éléments injustifiés pour établir qu'un acte criminel avait été commis.

9. SERVICES DE POLICE AUTOCHTONES

On a mentionné à de nombreuses reprises les conflits culturels liés aux services de police dans la réserve d'Indian Brook et dans d'autres réserves autochtones. Tout au long des témoignages, diverses allégations plus ou moins subtiles ont été faites au sujet d'un traitement raciste réservé par les policiers blancs, et plus particulièrement par la GRC, aux Autochtones. On a clairement laissé entendre que les plaintes à l'étude étaient directement liées à des problèmes plus généraux en rapport avec les services de police autochtones. Nous avons entendu des témoignages sur les services de police autochtones et les services de police dans des collectivités éloignées.

Nous reconnaissons que les différences culturelles qui existent sont pertinentes pour ce qui est de définir le contexte dans lequel les événements se sont produits. Ces différences expliquent la façon dont les divers témoins ont interprété les comportements des agents de police. Ce sont là des points importants qu'on ne peut ignorer; ils ont en effet été très utiles lors de nos délibérations. Nous avons surtout trouvé le témoignage de Dale Sylliboy très informatif sur les services de police dans les communautés autochtones et le témoignage du gendarme Stephen Michael au sujet des problèmes liés aux services de police dans sa communauté a été particulièrement utile.

Notre rôle dans le cadre de cette audience ne consistait toutefois pas à mener des enquêtes ou à tirer des conclusions précises à ce sujet. La question des services de police autochtones est complexe et son étude doit aller bien au-delà de l'examen des témoignages qui ont été présentés à l'audience. Il serait par conséquent inapproprié de faire des recommandations détaillées en ce qui a trait à l'établissement du modèle de services de police dans cette collectivité. Il convient de ne pas oublier que seulement quelques membres de la collectivité ont témoigné relativement à un incident isolé. De toute évidence, certains groupes ont une opinion bien arrêtée sur les services de police assurés par la GRC.

Notre rôle consiste à enquêter sur des plaintes précises relativement à des comportements précis. S'il existe des problèmes systémiques relativement aux services de police assurés par la GRC qui soient directement liés à ces comportements, il conviendrait que nous examinions ces problèmes. Toutefois, comme c'est le cas dans l'affaire qui nous occupe, lorsque ces problèmes, aussi importants qu'ils soient, ne sont pas liés de manière intrinsèque aux événements dont il est question, il faut éviter de tirer des conclusions et de formuler des recommandations autres que de nature générale. Cela ne signifie pas pour autant qu'il ne serait pas plus souhaitable que les services de police soient assurés par des membres autochtones de la GRC dans cette localité. Nous reconnaissons que la prestation de services de police par des officiers autochtones dans les collectivités autochtones présenterait certains avantages, mais il ne s'agit pas d'une observation négative sur la conduite des membres de la GRC visés dans l'affaire qui nous occupe. Rien n'indique ici que le comportement des officiers de la GRC a été influencé ou motivé par des préjugés. Outre la suggestion selon laquelle un officier autochtone aurait agi différemment, rien dans les témoignages n'établit un lien direct entre ce problème et les plaintes à l'étude; il existe bel et bien un contexte, mais aucun lien direct n'a été établi. Nous nous abstenons par conséquent de tirer des conclusions ou de faire des recommandations détaillées en ce qui concerne les services de police dans les collectivités autochtones.

Il paraît évident que les personnes qui se trouvaient au domicile de M. Peter-Paul, dont de nombreux membres de sa famille, sont très méfiants à l'égard des membres de la GRC. On ne sait pas exactement si ce sentiment est répandu dans la collectivité. D'autres témoignages donnent à entendre le contraire, bien qu'il soit clair qu'il existe certains problèmes liés aux services de police dans cette collectivité et que les différences culturelles y sont pour quelque chose.

Les membres de la GRC doivent visiblement être sensibilisés aux différences culturelles qu'on observe dans les collectivités autochtones et autres collectivités isolées. Ils doivent aussi éviter les comportements stéréotypés lorsqu'ils répondent à un appel dans ces collectivités. À cet égard, le témoignage de Dale Silliboy nous a particulièrement frappés; M. Silliboy a décrit les réactions des agents de police qui se rendent dans les collectivités autochtones. Il a mentionné que si les officiers ne sont pas sensibilisés à de tels comportements, ils peuvent avoir tendance à réagir par automatisme.

Les témoignages donnent à entendre que les officiers de la GRC sont sensibilisés à ces problèmes. D'ailleurs, M. Sylliboy agit à titre de conseiller auprès de la GRC à cet égard. Nous encourageons la GRC à poursuivre sa formation sur les divergences culturelles de même que la formation interculturelle, plus particulièrement en ce qui a trait à la culture autochtone.

Depuis l'incident, la GRC a ouvert un bureau satellite dans la réserve d'Indian Brook pour améliorer les services de police dans la collectivité et améliorer également le temps de réponse de la GRC. Le chef Maloney a soulevé ces préoccupations et nous félicitons la GRC pour les mesures qu'elle a prises à ce sujet. Nous l'encourageons à poursuivre les programmes existants.

10. DEMANDE DE REMBOURSEMENT DES COÛTS PAR L'OFFICIER COMPÉTENT

L'officier compétent demande à la Commission le remboursement des dépens et autres frais juridiques, ainsi que des autres dépenses associées avec sa représentation devant le Comité et la représentation des membres nommés de la GRC.

L'officier compétent fonde sa demande sur le paragraphe 45.45(5) de la Loi sur la GRC qui porte que la Commission doit accorder aux parties toute latitude de présenter des éléments de preuve à l'audience, d'y contre-interroger les témoins et d'y faire des observations, soit personnellement, soit par l'intermédiaire d'un avocat. L'officier compétent indique également que la Commission a versé une aide financière pour permettre aux plaignants d'obtenir les services d'un avocat. Il précise en outre que les coûts engagés par la GRC auraient été évités si la Commission s'était acquittée de sa tâche et avait mené une enquête avant de décider de tenir une audience. Selon lui, une telle enquête aurait révélé que la GRC a mené une enquête complète, systématique et professionnelle; il est également d'avis que si la Commission avait enquêté plus avant, on aurait pu éviter la tentative de « dénigrement » public des officiers de la GRC dans cette affaire.

L'officier compétent poursuit en disant que la Commission, par l'entremise de son avocat, a appuyé une motion des plaignants exigeant que l'officier compétent produise les dossiers personnels des officiers nommés de la GRC; il a en outre soutenu que l'audience a servi de prétexte pour ridiculiser lesdits officiers. Il a également allégué que la Commission, par l'entremise de son avocat, avait appelé des témoins et posé des questions superflus et non pertinents, ce qui a contribué à retarder considérablement l'audience. L'officier compétent suggère que toutes les parties doivent recevoir un traitement juste et équitable et que, par conséquent, les frais juridiques et autres coûts associés à la représentation des membres de la GRC et de l'officier compétent doivent être remboursés par la Commission des plaintes du public contre la GRC.

Nous rejetons les allégations de l'officier compétent. Aucune disposition de la Loi sur la GRC ne prévoit le remboursement de ces coûts. À notre avis, le paragraphe 45.45(5) de la Loi ne prévoit pas de tels pouvoirs. Ce paragraphe prévoit simplement que les parties, dont l'officier compétent, peuvent se faire représenter par un avocat et participer pleinement à l'audience en y contre-interrogeant les témoins et en y faisant des observations. L'officier compétent a eu l'occasion de participer et l'a effectivement fait, tout comme les membres nommés, et ce, tout au long de l'audience. À notre avis, ce paragraphe de la Loi n'accorde pas à la Commission le pouvoir d'attribuer les dépens en faveur de l'officier compétent, comme celui-ci le suggère.

Par ailleurs, le comité nommé par la Présidente conformément au paragraphe 45.44(1) de la Loi n'a pas le pouvoir de réviser la décision de la Présidente soit d'enquêter plus avant sur la plainte soit d'instituer une audience pour enquêter sur la plainte conformément à l'alinéa 45.42(3)c) de la Loi, comme nous le demande l'officier compétent.

Nonobstant ce qui précède, aucune des allégations de l'officier compétent n'est, à notre avis, justifiée en ce qui a trait à l'attribution des dépens. Par conséquent, la demande de remboursement des coûts est rejetée.

11. SOMMAIRE ET CONCLUSIONS

Stephen Peter-Paul est rentré du travail le 29 avril 1994 dans l'intention de consommer de l'alcool en quantité excessive. Il est devenu très soûl, s'est disputé avec sa femme, et a fait une scène chez lui, ce qui a attiré l'attention du voisinage.

À l'arrivée des membres de la GRC, M. Peter-Paul ne s'est pas calmé et lorsqu'il a voulu sortir du véhicule, les officiers avaient de bonnes raisons de l'arrêter de la façon dont ils l'ont fait. L'arrestation était légale et la force utilisée était raisonnable et non excessive. M. Peter-Paul s'est accidentellement frappé la tête sur la voiture de police lorsque les officiers l'ont amené dans la voiture. La plupart de ses autres blessures ont été subies pendant qu'on lui passait les menottes. Les plaintes de M. Peter-Paul contre les trois officiers doivent par conséquent être rejetées.

Theresa Brake a été frappée sur le côté du visage par suite de son intervention lors de l'arrestation de son fils. Elle tentait de convaincre les officiers d'attendre l'arrivée d'un gendarme autochtone. Elle n'a pas reçu de coup de poing, et la conduite de l'officier ne constitue pas une agression ou un usage abusif de la force. Elle a été frappée ou poussée accidentellement par le gendarme Keith Stothart ou le gendarme Frank Mackin pendant l'arrestation. La plainte déposée contre le gendarme Mackin à cet égard doit par conséquent être rejetée. L'enquête de la GRC sur cet élément de la plainte n'était pas complète et c'est en partie pour cette raison que l'enquête de la Commission s'est prolongée.

M. Peter-Paul n'a pas fait l'objet de mauvais traitement dans sa cellule du détachement d'Enfield ou pendant la nuit qu'il a passée dans le lieu de détention. La lacération de la lèvre aurait dû être suturée comme le recommandait le Dr Montgomery. On aurait dû donner des instructions claires au médecin traitant au sujet des procédures médicales recommandées pour les prisonniers et sur la façon d'appliquer ces procédures.

Enfin, l'exécution des services de police pose d'importants problèmes, du moins dans certains secteurs de cette collectivité. Ces problèmes découlent en partie des différences culturelles qui existent entre les policiers blancs, en particulier la GRC, et les communautés autochtones. Il faudra poursuivre la sensibilisation à ces différences, déployer un plus grand nombre de gendarmes autochtones et assurer une plus grande présence policière dans la collectivité, ce qui aidera à régler ces problèmes. L'examen complet de la question des services de police autochtones dépasse la portée de l'enquête.

12. SOMMAIRE DES RECOMMANDATIONS

1. Nous recommandons que la GRC continue d'offrir une formation interculturelle et une sensibilisation aux disparités culturelles à ses membres et en particulier à ceux qui sont affectés à des collectivités autochtones.

2. Nous recommandons que la GRC maintienne un « bureau satellite » dans la réserve d'Indian Brook pour assurer une meilleure présence policière et améliorer le temps de réponse dans cette collectivité.

3. Nous recommandons que la GRC recrute, forme et déploie davantage de membres d'origine autochtone pour assurer les services de police, en particulier dans les collectivités autochtones.

4. Nous recommandons que les membres de la GRC qui font l'objet de plaintes du public ne mènent pas d'enquête sur des accusations au criminel portées contre les plaignants.

5. Nous recommandons que la GRC établisse un protocole indiquant aux médecins comment obtenir et fournir des traitements médicaux aux prisonniers de manière à ce que les médecins disposent de lignes directrices claires à ce sujet.

FAIT à Kentville (Nouvelle-Écosse) ce 31e jour du mois de décembre 1997.


________________________________
ALAN T. TUFTS, c.r., PRÉSIDENT

_______________________________________
RONALD S. NOSEWORTHY, c.r., MEMBRE


13. ANNEXES

Annexe A Décision relative à la production de dossiers du personnel et de dossiers disciplinaires

La Commission a rendu une décision à ce sujet pendant l'audience. Cette décision est énoncée comme suit :

[Traduction]

Le plaignant, M. Stephen Peter-Paul, demande, par l'entremise de son avocat, que la Commission ordonne la production de certains documents par le commissaire de la GRC, qui est une des parties à l'audience. Cette demande est appuyée par l'avocat de Theresa Brake, plaignante, et l'avocat de la Commission.

Les documents demandés sont les suivants : les évaluations annuelles et les avis concernant les lacunes, contenus dans le dossier de service des membres, et les dossiers disciplinaires des membres visés. Le plaignant s'appuie sur le paragraphe 24.2(3) de la Loi sur la GRC et soutient que les dossiers et documents sont pertinents pour la présente procédure.

L'application de ce paragraphe donne lieu aux questions suivantes :

(1) La Loi autorise-t-elle la Commission à ordonner la production des documents mentionnés?

(2) Dans l'affirmative, la Commission devrait-elle exercer ses pouvoirs et exiger la production desdits documents tel que demandé?

En ce qui a trait à la première question, le paragraphe 45.45(4) de la Loi sur la GRC accorde à la Commission certains pouvoirs conférés à une commission d'enquête, plus particulièrement ceux dont il est question aux alinéas 24.1 (3)a), b) et c) ; 24.1(3)a), se lit comme suit :

« La commission d'enquête dispose, relativement à la question dont elle est saisie, des pouvoirs suivants :

a) assigner des témoins,... [et à] produire les documents et pièces dont ils ont la responsabilité et que la commission estime nécessaires à une enquête et étude complètes (italiques ajoutés)

La Commission a conclu qu'elle est autorisée, en vertu de l'alinéa 24.1(3)a), à ordonner la production desdits documents. Nous ne sommes pas convaincus que les textes de loi qui ont été cités empêchent la Commission d'ordonner la production de ces documents lorsque cela est justifié. Il reste par conséquent à établir si la demande est justifiée compte tenu de la deuxième question susmentionnée, à savoir si les documents demandés sont nécessaires et pertinents à la procédure.

La Loi sur la GRC confère à la Commission le pouvoir d'enquêter sur « la » plainte. Dans l'affaire de la Commission des plaintes du public contre la Gendarmerie royale du Canada (Colvin) 1994, 173 N. R. 290 (Cour d'appel fédérale), J.A. Décary mentionne ce qui suit à la page 304 :

De toute évidence à mon avis, le législateur avait l'intention de restreindre, ce qu'il a effectivement fait, la compétence de la Commission à l'examen de plaintes précises portant sur des comportements précis et il s'est bien gardé d'établir, pour reprendre les mots du solliciteur général, « un organisme d'enquête permanent pour étudier les questions de politique qui touchent la GRC » (italiques ajoutées)

Dans l'affaire Rankin, [1991] 1 C.F. 226, la Section de première instance de la Cour fédérale du Canada s'est penchée sur une demande présentée en vertu de l'article 38 de la Loi sur la preuve au Canada. Dans cette affaire, la Commission voulait établir la validité d'une objection à la divulgation de certains renseignements de la GRC. Dans cette affaire, on alléguait que la GRC avait fait preuve de force excessive et avait empiété sur le droit du plaignant à la liberté d'expression; ces allégations étaient liées à un incident au cours duquel le plaignant a été amené à l'extérieur d'une zone d'accès restreint où il protestait à l'occasion de la visite du Président des États-Unis au Canada en 1989.

Le plaignant demandait la divulgation de certains dossiers de renseignements et de parties du manuel de politique sur la protection de la GRC. On peut lire ce qui suit à la page 237 :

La question de savoir s'il a été maltraité par suite du recours à une force excessive ou si son droit de participer à une manifestation a de fait été violé est une question de fait qui dépend des circonstances de l'affaire. En tirant sa conclusion, la Commission doit comparer le témoignage de M. Rankin avec celui de la GRC et déterminer si en l'espèce, il y a eu abus. Il n'a pas été prouvé à la satisfaction de la Cour que le Manuel de la police de protection, le dossier de renseignements de l'intimée et le dossier no P.O.B.-2000 sont nécessaires en ce qui concerne cette conclusion de fait. Les documents en question ne portent pas sur un fait essentiel en litige et la GRC ne s'appuie pas sur les renseignements qu'ils renferment dans sa défense.

Par conséquent, les documents litigieux ne sont pas essentiels à la plainte que M. Rankin a déposée contre la GRC et leur non-divulgation ne porterait pas préjudice à celui-ci. (italiques ajoutés)

Si les documents demandés dans l'affaire qui nous occupe sont différents et que les objections soulevées à l'égard de leur divulgation sont également différentes, les mêmes principes s'appliquent. La demanderesse n'a pas établi de motifs de faits ou de droit soutenant la nécessité de divulguer les documents. En fait, elle reconnaît qu'elle a pris une chance en demandant à la production des documents.

Lors du contre-interrogatoire, on a fait référence au dossier criminel du plaignant et la demanderesse fait valoir qu'on devrait divulguer le contenu des dossiers de service et disciplinaires des membres. Les dossiers criminels du plaignant sont des documents publics, tandis que les dossiers de service et disciplinaires des membres sont des documents internes, privés. À notre avis, il existe une différence.

Nous ne sommes pas convaincus que la pertinence des documents a été démontrée. La Commission n'est donc pas disposée à ordonner la production de ces documents dans l'affaire qui nous occupe. Nonobstant cette décision, la demanderesse peut présenter une autre demande dans le cadre de la présente procédure s'il est établi que les documents demandés sont pertinents, conformément à la définition ci-dessus.


FAIT à Kentville (Nouvelle-Écosse) ce 31e jour du mois de décembre 1997.

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ALAN T. TUFTS, c.r., PRÉSIDENT

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RONALD S. NOSEWORTHY, c.r., MEMBRE


Annexe B Décision relative à la compétence

COMMISSION DES PLAINTES DU PUBLIC CONTRE LA GENDARMERIE ROYALE DU CANADA

DANS L'AFFAIRE DE : La Loi sur la gendarmerie royale du Canada, L.R. c. R-9

- et -

DANS L'AFFAIRE DE : La plainte de Theresa Brake au sujet de la conduite du gendarme F.J. Mackin, dans l'exercice de ses fonctions;
- et -

DANS L'AFFAIRE DE : La plainte de M. Steven Peter-Paul au sujet de la conduite des gendarmes F.J. Mackin, M.K. Stothart et G.J. Fiander, dans l'exercice de leurs fonctions.

DÉCISION RELATIVE À LA COMPÉTENCE PAR SUITE DE LA DÉMISSION DE JULIE DUTIL, MEMBRE DE LA COMMISSION

DEVANT : M. Alan T. Tufts, c.r., Président
M. Ronald S. Noseworthy, c.r., membre

1. Cette audience de la Commission des plaintes du public contre la Gendarmerie royale du Canada a été convoquée conformément au paragraphe 45.44(1) de la Loi sur la Gendarmerie royale du Canada, L.R., ch. R-9. Le 19 octobre 1995, le Président de la Commission a émis un Avis de décision de convoquer une audience et a formé un comité constitué de trois membres de la Commission des plaintes du public contre la Gendarmerie royale du Canada (« le Comité ») pour diriger l'audience.

2. L'audience a débuté le 15 avril 1996 et l'audition des témoignages a pris fin le 18 septembre 1996. Avant que le Comité reçoive les mémoires des parties et avant le début des délibérations, un des membres de la Commission a donné sa démission. Ce membre ne provenait pas de la province contractante, à savoir la Nouvelle-Écosse. Le paragraphe 45.44(2) de la Loi porte qu'un tel membre doit faire partie du comité.

3. Les deux autres membres du Comité ont-ils la compétence voulue pour poursuivre l'audience et présenter un rapport tel que le prévoit le paragraphe 45.45(14) de la Loi?

4. Les dispositions législatives pertinentes sont les suivantes :

a) Loi sur la Gendarmerie royale du Canada, S.R., ch. R-9

45.29 (1) Est constituée la Commission des plaintes du public contre la Gendarmerie royale du Canada composée d'un Président, d'un vice-Président, d'un représentant de chacune des provinces contractantes et d'au plus trois autres membres, nommés par décret du gouverneur en conseil.

45.44 (1) Le Président de la Commission, s'il décide de convoquer une audience pour enquêter sur une plainte en vertu des paragraphes 45.42(3) ou 45.43(1), désigne le ou les membres de la Commission qui tiendront l'audience, transmet un avis écrit de sa décision au ministre et en signifie copie au ministre, au commissaire, au membre ou à l'autre personne dont la conduite fait l'objet de la plainte et, dans le cas d'une plainte en vertu du paragraphe 45.35(1), au plaignant.

(2) Dans les cas où la plainte faisant l'objet de l'audience porte sur la conduite, dans le cadre de services fournis en exécution d'arrangements conclus en vertu de l'article 20, le membre de la Commission représentant la province où la cause de la plainte a pris naissance doit être désigné, seul ou avec d'autres membres de la Commission, pour tenir l'audience.

45.45 (1) Pour l'application du présent article, le ou les membres qui tiennent l'audience sont réputés être la Commission.

b) Loi d'interprétation, S.R., ch. I-23:

2. (1) Les définitions qui suivent s'appliquent à la présente loi.

« texte » Tout ou partie d'une loi ou d'un règlement;

« règlement » Règlement proprement dit, décret, ordonnance, proclamation, arrêté, règle judiciaire ou autre, règlement administratif, formulaire, tarif de droits, de frais ou d'honoraires, lettres patentes, commission, mandat, résolution ou autre acte pris :

a) soit dans l'exercice d'un pouvoir conféré sous le régime d'une loi fédérale;

b) soit par le gouverneur en conseil ou sous son autorité.

3. (1) Sauf indication contraire, la présente loi s'applique à tous les textes, indépendamment de leur date d'édiction.

22. (1) La majorité d'un groupe de plus de deux personnes peut accomplir les actes ressortissant aux pouvoirs ou obligations du groupe.

(2) Les dispositions suivantes s'appliquent à tout organisme - tribunal, office, conseil, commission, bureau ou autre - d'au moins trois membres constitué par un texte :

a) selon que le texte attribue à l'organisme un effectif fixe ou variable, le quorum est constitué par la moitié de l'effectif ou par la moitié du nombre de membres en fonctions, pourvu que celui-ci soit au moins égal au minimum possible de l'effectif;

b) tout acte accompli par la majorité des membres de l'organisme présents à une réunion, pourvu que le quorum soit atteint, vaut acte de l'organisme;

c) une vacance au sein de l'organisme ne fait pas obstacle à son existence ni n'entrave son fonctionnement, pourvu que le nombre de membres en fonctions ne soit pas inférieur au quorum.

5. Les dispositions citées de la Loi d'interprétation semblent fournir une réponse claire à la question susmentionnée. L'avis émis par le Président de la Commission conformément au paragraphe 45.44(1) est un « acte pris soit dans l'exercice d'un pouvoir conféré sous le régime d'une loi fédérale, soit par le gouverneur en conseil ou sous son autorité », conformément au paragraphe 2(1) de la Loi d'interprétation et constitue par conséquent un règlement tel que défini dans la Loi et donc un « texte » aux fins des paragraphes 22(1) et (2) de la Loi d'interprétation.

6. L'avis du Président de la Commission établit une commission formée de trois membres. Par conséquent, en vertu, du paragraphe 22(2) de la Loi d'interprétation, le quorum est constitué de deux membres, soit la moitié des membres désignés. Étant donné que les deux membres qui restent constituent un quorum du Comité de la Commission, ils ont le pouvoir d'agir au nom du Comité original, conformément à l'alinéa 22(2)b), si la Loi d'interprétation s'applique.

7. La Cour d'appel fédérale a examiné ces dispositions de la Loi d'interprétation dans l'affaire de la Loi sur la Commission du tarif, [1977] 2 C.F., 228. L'article 22 de la Loi d'interprétation actuellement en vigueur est identique à l'article 21 de la L.R.C. de 1970, ch. I-23, auquel on a fait référence dans l'affaire de la Commission du tarif. Dans cette affaire, le tribunal a examiné certaines dispositions de la Loi sur la Commission du tarif, S.R.C. 1970, ch. T-1. Les dispositions pertinentes sont les suivantes :

3.(1) Est établie une commission, appelée la Commission du tarif, qui se compose de sept membres nommés par le gouverneur en conseil.

(8) En ce qui concerne un appel à la Commission sous le régime de toute loi autre que la présente loi, trois membres ou plus détiennent et peuvent exercer les pouvoirs et les fonctions de la Commission.

5.(7) Le Président peut ordonner que toute enquête prévue par l'article 4 soit faite par un ou des membres de la Commission qu'il désigne et, aux fins de cette enquête, le membre ou les membres ainsi désignés possèdent et peuvent exercer tous les pouvoirs de la Commission et peuvent accomplir toutes les fonctions dont cette dernière est chargée.

8. Le tribunal devait déterminer si les deux membres restants du Comité original qui présidait une audience pouvaient faire une déclaration valide après le décès d'un de ses membres.

9. Le tribunal a statué que les paragraphes 3(8) et 5(7) de la Loi sur la Commission du tarif établissait des quorums pour certains aspects des activités de la Commission et que, par conséquent, l'article 21 (maintenant l'article 22) de la Loi d'interprétation ne s'appliquait pas. On peut lire ce qui suit à la page 230 de la décision du tribunal :

La Commission du tarif doit son existence à l'article 3(1) de la Loi sur la Commission du tarif (L.R.C. 1970, ch. T-1); elle se compose de sept commissaires dont un Président. Sa loi constitutive l'oblige, sur demande du ministre des Finances ou du gouverneur en conseil, à enquêter et consécutivement à faire rapport, en matière de douanes, de droits d'accise ou d'industrie et de commerce en général. Par ailleurs, elle s'acquitte d'une tâche tout à fait différente, celle de statuer, en vertu de diverses autres lois, sur des appels, sur des différends ou des difficultés d'interprétation relatifs à des litiges de nature fiscale. À l'égard de ce que l'on pourrait appeler sa fonction « inquisitoriale », le Président peut, en vertu de l'article 5(7), confier l'enquête à un ou plusieurs commissaires et « le membre ou les membres ainsi désignés possèdent et peuvent exercer tous les pouvoirs de la Commission et peuvent accomplir toutes les fonctions dont cette dernière est chargée ». En ce qui concerne un « appel » fondé sur une loi différente, voici ce que prévoit l'article 3(8) :

(8) En ce qui concerne un appel à la Commission sous le régime de toute loi autre que la présente loi, trois membres ou plus détiennent et peuvent exercer les pouvoirs et les fonctions de la Commission.

Bien que la Loi ne le précise pas expressément, il s'agit de dispositions établissant un quorum, c'est-à-dire, fixant un nombre minimal de membres de la Commission devant participer à l'exécution de deux catégories de fonctions qui lui sont confiées (soulignement ajouté)

10. La Cour semble conclure que les deux dispositions établissent les quorums pour la Commission.

11. Après l'examen de l'article 21 de la Loi d'interprétation, la Cour a conclu ce qui suit :

À notre avis, on ne saurait se servir de l'article 21(1) pour modifier une disposition prévoyant un « quorum » requis dans un cas particulier. Bien que nous reconnaissions qu'une interprétation littérale du paragraphe n'interdise pas de lui donner le sens que veut lui donner l'avocat, les termes employés ayant une portée suffisamment large, il nous semble que l'article 21(1) ne vise que les cas d'exercice du pouvoir légal par un quorum légal; il a pour effet de faire de la décision de la « majorité » la décision du groupe.

12. Le tribunal a rejeté l'argument selon lequel le paragraphe 3(8) de la Loi sur la Commission du tarif créait un tribunal distinct de « trois membres ou plus ». On peut lire ce qui suit à la page 232 de la décision de la Cour :

À notre avis, l'article 3(8) ne crée pas un nouveau tribunal distinct de la Commission du tarif; il ne fait qu'établir le mode de composition de la Commission lors d'un « appel ».

13. La conclusion finale de la Cour semble être limitée à l'analyse du paragraphe 3(8), même si les observations qu'elle a faites précédemment donnent à entendre qu'elle s'applique aux deux paragraphes.

14. Incidemment, le paragraphe 3(8) de la Loi sur la Commission du tarif a été modifié en 1977 - voir la loi modificative de 1977 S.C. 1976-1977, ch. 28, article 43 - portant que lorsqu'un membre d'un comité d'appel n'occupe plus ses fonctions conformément au paragraphe 3(8), les autres membres conservent le plein exercice des pouvoirs et fonctions de la Commission. Aucune modification n'a été apportée au paragraphe 5(7).

15. Le paragraphe 45.44(1) de la Loi sur la Gendarmerie royale du Canada est remarquablement similaire au paragraphe 5(7) de la Loi sur la Commission du tarif; en effet, il autorise le Président de la Commission à désigner les membres de celle-ci pour diriger une audience conformément aux paragraphes 45.42(3) et 45.42(1) de la Loi. Le comité créé en vertu du paragraphe 45.44(1) constitue-t-il un quorum de la Commission tel que prévu par la Loi?

16. Contrairement à la Commission du tarif, la Commission des plaintes du public contre la Gendarmerie royale du Canada n'est pas autorisée par la loi à s'acquitter des fonctions dont il est question. En vertu de la Loi sur la Commission du tarif, c'est l'ensemble du comité qui a la compétence de faire enquête, par exemple, conformément à l'article de la Loi et c'est à la « Commission » que sont renvoyés les appels interjetés en vertu d'autres lois, comme ce fut le cas dans l'affaire de la Commission du tarif, avec la Loi sur l'accise et la Loi sur les douanes. Par conséquent, comme l'a déterminé la Cour d'appel fédérale, la disposition de la Loi sur la Commission du tarif dont il est question définit ce qu'est un quorum de la Commission pour ce qui est de l'exécution de ces fonctions; elle ne crée pas un nouveau tribunal.

17. Les audiences tenues conformément aux paragraphes 45.42(3) et 45.43(1) de la Loi sur la Gendarmerie royale du Canada ne sont pas du ressort de la « Commission » dans son ensemble. C'est plutôt le Comité dont le ou les membres sont désignés par le Président de la Commission conformément au paragraphe 45.44(1) qui dirige ces audiences. Ce comité est un tribunal distinct et ne constitue pas un quorum de la Commission dans son ensemble. Si, au sens du paragraphe 45.45(1), le Comité est considéré comme la Commission aux fins de l'application dudit paragraphe, il est une entité distincte de la Commission telle que constituée en vertu du paragraphe 45.29(1). En fait, le paragraphe 45.45(1) soutient davantage la proposition selon laquelle le Comité n'est pas un quorum de la Commission, mais est la Commission. L'argument rejeté par la Cour d'appel fédérale dans l'affaire de la Commission du tarif s'applique dans le cas présent.

18. Par conséquent, nous sommes d'avis que le comité constitué en vertu du paragraphe 45.44(1) de la Loi sur la Gendarmerie royale du Canada est un tribunal distinct. L'article 22 de la Loi d'interprétation s'applique et par conséquent un quorum de deux membres demeure valide et a la compétence voulue pour terminer l'audience et présenter un rapport.

FAIT à Kentville (Nouvelle-Écosse), ce 31e jour du mois de décembre 1997.


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ALAN T. TUFTS, c.r., PRÉSIDENT

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RONALD S. NOSEWORTHY c.r., MEMBRE


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ANNEXE B

PROTÉGÉ «A»

Le 11 septembre 1998

Madame Shirley Heafey
Présidente
Commission des plaintes du public
contre la GRC
C.P. 3423
Succursale D
Ottawa (Ontario)
K1P 6L4

Madame,

J'accuse réception du rapport intérimaire du 31 décembre 1997, dossier no 2000-PCC-950253, et des documents relatifs à la plainte de Mme Theresa Brake et de M. Stephen Peter-Paul.

Le 25 août 1998, j'ai étudié les conclusions et les recommandations relatives à ce dossier; le présent avis est fourni conformément à la Loi sur la Gendarmerie royale du Canada.

Je suis d'accord avec vos conclusions relativement aux allégations de Mme Brake et de M. Peter-Paul.

En ce qui a trait à la recommandation 1, pendant leur formation à l'École de gendarmerie, les cadets participent à des scénarios mettant en cause des collectivités autochtones. Les cadets étudient la nature du conflit dans la collectivité, définissent et analysent le problème, les besoins et attentes de la collectivité/des clients, et déterminent toute autre information qui pourrait être requise de même que les sources connexes. Un groupe d'experts et de représentants communautaires est sur place pour répondre aux questions des cadets. À la fin de leur formation, les cadets devraient être mieux en mesure de comprendre les traités, les revendications territoriales de même que les problèmes sociaux, économiques et culturels des Autochtones.

À la Division « H », des cours de sensibilisation aux disparités culturelles et des exposés offerts dans le cadre de certains cours de formation et portant sur la culture, les traditions et la spiritualité ont été donnés par des membres autochtones.

Toutefois, à l'heure actuelle, il n'existe aucun cours de formation interculturelle en tant que tel. La Division « H » élabore actuellement un cours qui sera présenté dans le cadre d'un camp culturel auquel participeront des membres de la GRC et des représentants de la collectivité, y compris des jeunes, ainsi que d'autres partenaires de l'extérieur provenant des forces armées et d'autres services de police.

On compte en tout treize Premières nations au sein de la Division « H », et la GRC est responsable des services de police pour neuf d'entre elles. La Division « H » a conclu un accord tripartite avec quatre Premières nations; par suite de ces accords, on a établi deux détachements autonomes, un dans la localité d'Indian Brook où travaillent cinq membres (un sergent, un caporal et trois gendarmes autochtones), et l'autre dans la localité de Millbrook, ainsi que deux détachements satellites où les services de police sont assurés par des membres autochtones; un de ces détachements se trouve à Pictou Landing, l'autre, sur le territoire de la Première nation Wagmacook. Même si aucune entente n'a été conclue avec les cinq autres Premières nations, des membres autochtones sont en poste aux détachements responsables des services de police dans ces collectivités.

La section II.1.R. du Manuel de l'administration de la GRC définit la politique relative au Programme de valorisation des cadets autochtones, qui vise à fournir aux cadets autochtones les compétences nécessaires pour réussir le cours et s'acquitter efficacement de leurs fonctions sur le terrain. De 1995-1996 à 1997-1998, 278 cadets autochtones sont entrés à la GRC. À l'heure actuelle, la Division « H » compte 30 membres autochtones qui occupent diverses fonctions, y compris dans les domaines des douanes et accises, de l'administration, des fonctions générales et des tâches liées au groupe anti-émeute. En outre, le coordonnateur de la justice réparatrice, Police criminelle, est également un Autochtone.

La section XII.2.C.9. du Manuel de l'administration de la GRC précise qu'un membre ne peut enquêter sur une plainte lorsqu'il peut se trouver en conflit d'intérêts. De plus, la section XII.2.E.11. précise que lorsque l'accusé dans une affaire portée devant le tribunal dépose une plainte contre le membre qui l'a arrêté ou qui s'occupe de l'enquête, la Couronne doit être mise au courant de la plainte. Du point de vue stratégique, ces deux sections vont dans le sens de la recommandation 4 et de la suggestion selon laquelle les officiers qui traitent les plaintes ne devraient pas participer directement à d'autres enquêtes.

En ce qui a trait à la recommandation 5, il ne revient pas à la police de dire à un médecin comment effectuer un examen médical. Je demanderai toutefois au commandant divisionnaire de la Division « H » de veiller à ce que les membres qui se trouvent dans une telle situation fassent savoir sans équivoque à un médecin qu'il est tenu de prendre les mesures nécessaires pour s'assurer qu'une personne détenue est traitée immédiatement après un examen médical.

Pour ce qui est des dispositions relatives aux services de police autochtones, la section IV.8.C.1. du Manuel des opérations de la GRC précise que la GRC mettra sur pied, perfectionnera et évaluera des services de police adaptés à la culture, dans le cadre du Programme des services de police autochtones, en collaboration avec des représentants de la collectivité autochtone. La section IV.8.D.1. de ce manuel mentionne également que dans les régions où on trouve de fortes concentrations d'Autochtones, c'est-à-dire des Premières nations, des Inuit, des Indiens non inscrits et des Métis, il est souhaitable que les services de police comptent des membres de même origine ethnique et culturelle. La section IV.8.E.1. précise que dans chaque collectivité autochtone, le commandant doit mettre sur pied un comité ou groupe consultatif autochtone composé de représentants de la population autochtone, par exemple, des aînés, des femmes, des jeunes, des membres des conseils de bande, de hameau ou local, et la section IV.8.F.1.a. indique que le Comité consultatif du commissaire sur les Autochtones favorise la discussion sur le recrutement, la formation et les relations communautaires relativement aux Autochtones, aux relations interculturelles et à d'autres questions connexes.

Je vous remercie pour vos conseils et j'attends avec impatience votre rapport final.

Veuillez agréer, Madame, l'expression de mes sentiments les meilleurs.

J.P.R. Murray

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Date de création : 2003-08-11
Date de modification : 2006-10-25 

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