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Chaque jour, entre 10 et 20 tout-petits se réunissent au centre pour enfants Katl'odeeche First Nation sur la réserve Hay River Dene dans les Territoires du Nord-Ouest. Ils y apprennent le South Slavey, la langue de leurs ancêtres. Ils font de l'artisanat et chantent des chansons sur les légendes et coutumes indiennes. On leur fait connaître les cérémonies traditionnelles et ils participent aux activités communautaires. La culture et la langue font partie intrinsèque de chaque activité.
Elaine René-Tambour, coordonnatrice du centre, travaille dans les services de garde depuis 35 ans. Elle est convaincue que le centre enrichit la vie des bambins qui le fréquentent. « Les enfants sont ravis et fiers de parler le South Slavey et d'apprendre des choses sur leur culture. »
Le centre Katl'odeeche s'inscrit dans un vaste mouvement de communautés
autochtones du pays. Les spécialistes du développement de l'enfant savent
que les jeunes qui ont une bonne opinion d'eux-mêmes ont plus de chances de
grandir en santé. Les chefs autochtones partagent cette opinion depuis longtemps.
En outre, ils sont d'avis qu'en donnant aux enfants une identité culturelle
solide, ils ouvrent la voie à la guérison de leurs communautés et à la survie
de leur culture.
Le sens d'identité est au cœur même du sentiment d'appartenance
Le sentiment d'identité est au cœur même du sentiment d'appartenance
Nous développons constamment notre identité, de notre premier au dernier souffle. Nous la définissons en fonction des relations que nous entretenons avec notre parenté, nos amis, notre communauté, notre lieu de résidence, notre langue et d'autres facteurs sociaux.
L'identité joue un rôle important dans le développement de l'enfant. En effet, lorsqu'un enfant éprouve un sentiment d'appartenance à sa famille, à sa communauté et à ses pairs, il est mieux outillé pour affronter les problèmes de la vie.
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L'identité est particulièrement importante pour le développement sain des enfants
autochtones étant donné que la communauté et le sentiment d'appartenance font
partie intégrante de leurs croyances culturelles. Depuis quelques années, les
chefs autochtones s'efforcent de développer le sentiment d'appartenance des
enfants. Certains parlent du « cercle
de connexité », symbole sacré dans toutes les cultures autochtones.
Cet emblème d'intégrité, d'unité et d'infini représente les cycles de la vie
et la signification de l'univers. L'enfant s'y trouve au centre, entouré de
ses parents, qui à leur tour sont entourés de leur communauté.
Les enjeux sont considérables
La recherche
sur le développement de l'enfant montre clairement que la réussite scolaire,
professionnelle et personnelle est directement liée aux expériences vécues durant
les premières années de la vie. À l'heure actuelle, 38 % des Autochtones ont
moins de 15 ans, une proportion deux fois plus élevée que dans le reste du Canada.
Comme l'ensemble de la population autochtone est beaucoup plus jeune que la
population canadienne, le développement sain des jeunes Autochtones est particulièrement
essentiel à l'avenir de leurs communautés.
Pourtant, les jeunes Autochtones doivent souvent relever des défis de taille au fur et à mesure qu'ils grandissent. Ils sont plus à risque de vivre dans la pauvreté que tout autre enfant au Canada. En outre, les jeunes des Premières nations ont un taux élevé de diabète et d'obésité. Les problèmes environnementaux contaminent les sources de nourriture traditionnelle et d'eau potable des Inuits. Certains enfants autochtones sont désavantagés dès la naissance en raison du syndrome d'alcoolisation fœtale. Ils sont souvent victimes de discrimination à l'école et dans le cadre de services communautaires.
De nombreuses communautés autochtones croient qu'elles peuvent surmonter ces défis en inculquant un sentiment d'identité culturelle à leurs enfants.
«
...les jeunes qui ont une bonne opinion d'eux-mêmes ont plus de chances
de grandir en santé. »
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Rebâtir l'identité
Vu l'importance de l'identité dans la culture autochtone, on comprend mieux pourquoi certains événements historiques ont été si dévastateurs.
Du début du siècle jusque vers le milieu des années 1970, des milliers d'enfants autochtones ont été retirés de leur famille et placés dans des pensionnats. Ces établissements avaient pour mandat de les éduquer et de les assimiler, mais les résultats ont été désastreux.
De nombreux témoignages d'abus physiques et psychologiques ont été très bien documentés, mais ce ne sont pas là les seuls préjudices que les Autochtones ont subis. On interdisait aux enfants de parler leur langue maternelle ou de pratiquer les coutumes ancestrales. On leur faisait croire que leur mode de vie était « primitif », voire « immoral ». Avec le temps, un grand nombre ont fini par dédaigner le mode de vie de leur peuple et par se détacher de leur communauté. Une autre triste séquelle des pensionnats, c'est que ces enfants, devenus parents, n'avaient aucun modèle pour élever leurs enfants dans la culture traditionnelle. Les plaies restent à ce jour béantes. À l'heure actuelle, 86 000 personnes ayant passé par ce système sont toujours en vie.
Entre les années 1960 et 1980, on a arraché de nombreux enfants autochtones à leur famille pour les placer dans des foyers d'accueil ou en adoption. Comme ils étaient généralement placés dans des familles non autochtones, ils ont perdu tout contact avec leur famille naturelle. On disait vouloir donner la chance aux enfants de grandir dans des foyers plus avantagés. De nombreux enfants mis en adoption ont déclaré avoir ressenti un immense sentiment de perte d'identité à la suite de cette expérience.
Des solutions autochtones pour les jeunes Autochtones
Afin de favoriser l'identité culturelle, il est essentiel de laisser les communautés autochtones développer des solutions qu'ils jugent pertinentes pour aider leurs jeunes.
Certaines communautés ont établi des cercles qui invitent les parents à se
rassembler pour échanger sur les expériences vécues et apprendre les uns des
autres. D'autres ont établi un service de bénévoles qui rendent visite aux nouveaux
parents afin de les conseiller et les appuyer. Les programmes qui remportent
le plus de succès sont ceux qui ciblent les forces plutôt que les faiblesses
des parents.
Un programme proposé par la Nation Métis de l'Ontario soutient les parents autochtones en les jumelant à d'autres parents de la communauté. Le programme Lay Home Visitors invite les parents de la communauté qui ont de l'expérience à rendre visite aux familles avec de jeunes enfants. Ces visiteurs à domicile sont formés pour appuyer les parents et favoriser le développement de l'enfant. Ils travaillent avec les familles pour améliorer leurs points forts, développer les aptitudes parentales et les encourager à avoir recours aux ressources communautaires.
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Les chefs autochtones sont d'avis que les programmes de garde à l'enfance
jouent un rôle important dans le développement de l'identité culturelle des
jeunes. L'Assemblée des Premières Nations a déclaré que les services de garde
pour les enfants autochtones qui « reflètent les valeurs et les croyances
des Premières nations redonneront la place légitime à nos enfants, et ce faisant,
rétabliront le pouvoir et l'autonomie de nos communautés ». Selon le rapport
intitulé Inuit Early Childhood Development Issues Discussion Paper, le
jeune enfant inuit doit s'épanouir dans un milieu qui lui permet « d'avoir
une image positive de lui-même, une assise solide dans la culture et la langue
inuites ainsi qu'un sentiment de fierté d'être Inuit ».
Le Hopedale Language Nest dans le nord du Labrador est l'un des nombreux « groupes de renaissance de la langue autochtone » au Canada. Le concept de ces groupes s'inspire des Maoris de la Nouvelle-Zélande. Leur programme a pour objet de plonger les jeunes dans la culture et la langue locales dans un environnement stimulant qui favorise le concept de la famille élargie et encourage les parents à faire revivre la langue à la maison. Le programme Hopedale, mené en collaboration avec le Torngasok Cultural Centre, cible les bébés de trois à 24 mois, une phase critique du développement du langage. Le personnel ne parle qu'en Inuktitut aux enfants et offre un programme d'activités organisées autour de la culture inuite. Les enfants redonnent espoir et fierté à leur communauté en ravivant une langue presque oubliée.
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Les services de garde à l'enfance peuvent favoriser l'identité culturelle
en embauchant des éducateurs autochtones et en faisant participer la communauté
à la création des divers programmes.
Les Premières nations de Meadow Lake en Saskatchewan ont collaboré
avec l'University of Victoria pour élaborer un programme de formation
destiné aux éducateurs de la petite enfance autochtone. Le programme présente
à la fois les connaissances actuelles sur les pratiques exemplaires et
les coutumes autochtones en matière d'éducation des enfants. Les cours
sont offerts aux étudiants autochtones que l'on encourage ensuite à aller
travailler dans leur communauté auprès des enfants autochtones.
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Le rôle des Aînés est très important
Au centre pour enfants Katl'odeeche First Nation, les Aînés jouent un rôle très important dans la transmission des valeurs et des croyances.
Elaine René-Tambour explique qu'une Aînée vient au centre avec ses travaux
de couture ou d'artisanat. Les enfants s'assoient sur ses genoux pour la regarder
travailler ou pour tout simplement se faire cajoler. Certains d'entre eux apprennent
à faire des broderies de perles. Un autre Aîné, responsable de l'entretien paysager
du centre, est trappeur. Parfois il apporte les bêtes qu'il a prises au piège
pour les montrer aux enfants et les renseigner sur les différents animaux. Un
autre vient cuisiner des repas traditionnels.
Mme René-Tambour estime que la communauté est fière de ce qu'apprennent
les jeunes au centre. « Tout le monde a remarqué une différence chez les
enfants. Aux fêtes communautaires, ils connaissent les règlements et l'étiquette
entourant le rituel du tam-tam. Ils parlent le South Slavey avec les Aînés.
Les enseignants nous disent que nos enfants sont calmes et affichent beaucoup
d'assurance lorsqu'ils commencent l'école. »
Elle s'est elle-même rendu compte de l'influence que peut avoir un fort sentiment d'identité dans la vie d'un jeune enfant. « La langue et la culture sont cruciales. Les enfants ont soif d'apprendre. Ils veulent savoir qui ils sont. »
Cadeaux du Créateur, espoir pour l'avenir
Selon de nombreuses croyances autochtones, un enfant est un cadeau du Créateur. Aujourd'hui, les Autochtones croient également que si les enfants grandissent avec un sentiment d'appartenance, ils peuvent maintenir leur culture en vie et rebâtir leur communauté.
Comme le dit l'Aînée Mary Thomas de la bande de Shuswap, « nous prenons
soin de nos enfants depuis toujours. L'enseignement de nos valeurs, de nos principes
et de notre mode de vie aux enfants et aux jeunes a assuré notre existence en
tant que communautés, nations et peuples. Les valeurs de nos peuples ont assuré
notre existence. Ce sont à nos enfants que nous transmettons ces valeurs. Les
enfants représentent notre avenir et notre survie ».
Que vous soyez parent, éducateur ou professionnel de la santé, vous pouvez favoriser le développement de l'identité chez l'enfant autochtone des façons suivantes :
- Renseignez-vous le plus possible sur la culture de l'enfant, ses traditions,
ses points forts et les défis qu'il doit surmonter. Les cultures autochtones
sont variées (il existe environ 50 différents groupes autochtones au
Canada) et il y a autant de diversité au sein d'une communauté.
- Essayez d'équilibrer les dimensions physiques, mentales, émotionnelles
et spirituelles de l'enfant.
- Aidez l'enfant à apprendre sa langue maternelle et encouragez-le à
la parler.
- Offrez-lui périodiquement des occasions de participer à des activités
traditionnelles : aller à la pêche, cueillir des petits fruits, préparer
et manger un repas traditionnel.
- Permettez-lui de participer à des activités communautaires, à des rituels, etc.
- Encouragez les interactions enrichissantes avec les Aînés de sa communauté.
Ces derniers peuvent apprendre aux enfants la valeur du respect et de
la sagesse.
- Aidez l'enfant à apprendre les légendes et
les contes traditionnels.
- Mettez à sa disposition des livres, des jeux et des vidéos qui contiennent de la musique et des danses traditionnelles afin de renforcer la valeur des coutumes et de la vie familiale et quotidienne.
- Parlez de la discrimination en toute franchise.
- Établissez un réseau de parents, de collègues et d'Aînés autochtones pour échanger expériences et idées.
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