Actualités en épidémiologie sur le VIH/sida - mai 2004
L'infection à VIH et le sida chez les femmes au CanadaIntroductionL'épidémie d'infection à VIH et de sida qui sévit au Canada a changé depuis ses débuts; alors qu'elle touchait principalement les hommes ayant des relations sexuelles avec des hommes (HRSH), aujourd'hui, elle affecte de plus en plus d'autres groupes tels que les utilisateurs de drogues par injection (UDI) et les hétérosexuels. Aussi, observe-t-on une hausse du nombre et du pourcentage de femmes qui vivent avec le VIH/sida. L'épidémie d'infection à VIH/sida chez les femmes est particulièrement préoccupante à cause du risque de transmission aux nourrissons. Le présent rapport fait le point sur la situation de l'infection à VIH et du sida chez les femmes adultes et adolescentes (15 ans et plus) au Canada au 30 juin 2003. Données de surveillance du sidaAu Canada, parmi les 18 713 cas cumulatifs de sida chez des adultes signalés en date du 30 juin 2003 au Centre de prévention et de contrôle des maladies infectieuses (CPCMI), 1 555 (8,3 %) étaient des femmes. La proportion de tous les cas de sida déclarés (dont on connaît le sexe et l'âge) dans la population féminine adulte a augmenté avec le temps, étant passée de 6,1 % avant 1994 à 15,8 % en 1999. En 2002, la proportion était de 16,5 %1. Parmi tous les cas cumulatifs de sida signalés chez les femmes au 30 juin 2003, 67,9 % étaient attribués à des contacts hétérosexuels*, 23,3 % à l'injection de drogues et 8,5 % à la transfusion de sang ou de produits sanguins. La proportion de cas de sida chez les femmes adultes attribués à l'injection de drogues a augmenté, étant passée de 20,1 % avant 1998, à 46,2 % en 1998, mais a depuis connu une diminution, s'établissant à 29,3 % en 20021. * La catégorie « contacts hétérosexuels » comprend trois sous-catégories : contacts sexuels avec une personne à risque, origine d'un pays où l'infection à VIH est endémique et relations sexuelles avec une personne du sexe opposé comme seul risque identifié Données de surveillance de l'infection à VIHLes données sur le sida peuvent aider à comprendre les tendances en ce qui concerne les infections à VIH, mais seulement celles qui ont été contractées environ 10 ans auparavant. En revanche, les rapports de test positif pour le VIH brossent un tableau des infections plus récentes. Selon les données des programmes provinciaux et territoriaux de dépistage du VIH, 7 256 tests positifs pour le VIH chez des sujets dont on connaissait l'âge et le sexe avaient été recensés chez les femmes adultes en date du 30 juin 20031. Une proportion croissante des adultes au Canada qui ont obtenu un résultat positif au test de dépistage du VIH et dont on connaît l'âge et le sexe sont des femmes. La proportion de femmes a en effet augmenté chaque année, étant passée de 12 % entre 1985 et 1997 à près de 25 % entre janvier 1999 et le 31 décembre 2001. En 2002, cette proportion a légèrement augmenté, atteignant 25,4 %. La proportion du total des rapports positifs pour le VIH enregistrée chez les femmes varie considérablement selon l'âge et est la plus forte chez les adolescentes et les jeunes adultes. En 2001, 44,4 % des rapports de test positif pour le VIH concer-naient des femmes de 15 à 29 ans, comparativement à 42 % en 2000. En 2002, cette proportion a diminué légèrement et se situait à 38,6 % (figure 1)1. Figure 1. Proportion des rapports de test positif pour le VIH chez les femmes selon le groupe d'âge et l'anée du test (1985-2002) Chez les femmes, les principales catégories d'exposition associées aux infections à VIH nouvellement diagnostiquées sont les contacts hétérosexuels et l'injection de drogues (tableau 1). La proportion des tests positifs chez les femmes qui étaient attribués aux contacts hétérosexuels a crû avec le temps, étant passé de 46,2 % pour la période de 1985 à 1997 à 62,5 % en 2001. En 2002, cette proportion a légèrement diminué, atteignant 58,3 %. La proportion attribuée à l'injection de drogues a varié entre 33 % et 48 % durant cette période et semble diminuer légèrement avec le temps (tableau 1). Les contacts hétérosexuels constituent encore le principal facteur de risque d'infection à VIH chez les femmes. L'injection de drogues continue cependant de faire courir un risque important d'infection à VIH aux Canadiennes, et, dans certaines études, ce risque est plus élevé chez les UDI de sexe féminin que de sexe masculin2. Hausse du nombre de femmes vivant avec le VIH/sida, selon les estimations de la prévalence et de l'incidence de l'infection à VIHLes estimations de la prévalence nationale de l'infection à VIH (nombre total de personnes vivant avec le VIH) indiquent que le nombre de femmes qui vivent avec le VIH au Canada, y compris celles atteintes du sida, continue d'augmenter. À la fin de 2002, on estimait à 7 700 (6 500 à 9 000) le nombre de femmes qui vivaient avec le VIH, ce qui représente environ 14 % du total national. Il s'agit d'une hausse de 13 % par rapport aux 6 800 cas estimés à la fin de 19993. Les données relatives aux rapports de test positif pour le VIH ne donnent pas un aperçu complet du nombre annuel de nouvelles infections à VIH, étant donné que seule une proportion de ces nouvelles infections sont détectées la même année. De plus, les personnes qui ont obtenu un résultat positif dans une année n'ont pas toutes été infectées cette année-là. Le nombre estimé de nouvelles infections (incidence) chez les femmes demeure constant par rapport à celui enregistré il y a trois ans. En 2002, les femmes constituaient 23 % de tous les nouveaux cas d'infection à VIH au Canada, soit, selon les estimations, entre 600 et 1 200 cas sur les 2 800 à 5 200 cas totaux recensés. En ce qui concerne la distribution des catégories d'exposition parmi les nouveaux cas féminins d'infection, une proportion légèrement plus élevée était attribuée aux contacts hétérosexuels en 2002 comparativement à 1999 (53 % contre 46 %, respectivement). Le reste des nouveaux cas d'infection chez les femmes a été attribué à l'injection de drogues (figure 2)3. Figure 2. Distribution estimée des catégories d'exposition (%) parmi les nouveaux cas d'infection à VIH chez les femmes par période Infection à VIH chez les femmes enceintes et les femmes en âge de procréerLe dépistage du VIH durant la grossesse est une option offerte aux femmes dans tout le Canada. Cependant, les lignes directrices ou les recommandations à l'intention des médecins visant à encourager la prise de décisions éclairées concernant le dépistage du VIH durant la grossesse varient d'une province et d'un territoire à l'autre. Ces questions sont abordées plus en détail dans la section des Actualités en épidémiologie intitulée « Transmission périnatale du VIH ». Les études sur la prévalence du VIH chez les femmes enceintes peuvent être une source importante d'information sur le taux de pré-valence de l'infection à VIH dans la population hétérosexuelle en général. Les études de séroprévalence chez les femmes enceintes au Canada font état d'un taux estimatif national chez les femmes enceintes de 3 à 4/10 000. Selon des études de séroprévalence anonymes non couplées, les grandes agglomérations urbaines affichent des taux plus élevés d'infection à VIH chez les femmes enceintes (4,7 à Vancouver contre 3,4 dans le reste de la C.-B. en 19944; 15,3 à Montréal contre 5,2 dans la province de Québec en 19905). Même les provinces qui ne comptent aucun grand centre urbain ont enregistré des taux importants (par exemple 4,1/10 000 au Nouveau-Brunswick en 1994-19966). Les données du Manitoba laissent entrevoir une tendance à la hausse de l'infection à VIH chez les femmes en âge de procréer, le taux étant passé de 0,7/10 000 en 1991 à 3,2/10 000 en 1994-19957. Selon une étude en cours portant sur les Autochtones enceintes en C.-B., le taux de prévalence de l'infection à VIH était de 31,3 pour 10 000 grossesses en 2000-2002 (JD Martin, Médecin chargé des programmes régionaux, Région du Pacifique, Direction générale de la santé des Premières nations et des Inuits, Santé Canada, et A Jin, consultant pour le BC First Nations Chiefs' Health Committee : communication personnelle). Le programme universel de dépistage prénatal du VIH de l'Alberta (dans lequel toutes les femmes enceintes sont testées, à moins qu'elles décident de s'exclure du programme) a signalé un taux d'infection à VIH de 3,3/10 000 grossesses en 20008. Une étude en cours sur la séroprévalence du VIH chez les femmes enceintes en Ontario a fait état d'un taux d'infection de 3,7/10 0009. Ce taux est calculé à partir du nombre de femmes enceintes qui se présentent volontairement pour subir un dépistage (environ 70 %), alors que les taux dans les autres provinces (sauf l'Alberta) sont basés sur des échantillons complets provenant d'études anonymes non couplées. Les comportements à risque chez les femmes, comme les relations sexuelles non protégées et l'injection de drogues, continuent d'entraîner un risque plus élevé d'infection à VIH chez les femmes. Selon une étude en cours portant sur des femmes UDI de différentes régions du Canada, en 2003, environ 40 % des femmes qui s'injectent de la drogue ont signalé avoir travaillé dans l'industrie du sexe. L'étude indique également qu'environ 92 % des femmes utilisaient toujours des condoms avec leurs clients masculins, mais qu'environ un tiers ne se servaient jamais du condom avec leurs partenaires occasionnels et n'en utilisaient que de façon irrégulière avec leurs partenaires habituels10. CommentaireLes Canadiennes, particulièrement les UDI et les femmes ayant des partenaires sexuels à risque élevé, sont de plus en plus nombreuses à contracter l'infection par le VIH. Bien que le taux des nouvelles infections à VIH chez les femmes soit semblable à celui enregistré il y a trois ans, il demeure trop élevé. Les estimations de la prévalence indiquent que plus de femmes vivaient avec le VIH en 2002 qu'en 1999, ce qui entraîne des répercussions sur les programmes de prévention et de soins. Les efforts visant à réduire la transmission du VIH chez les femmes devront non seulement être axés sur la promotion des comportements sexuels à risques réduits et la réduction de l'abus de substances, mais également tenir compte des facteurs sous-jacents qui entraînent un risque plus élevé d'infection à VIH chez les femmes. Toutes les femmes, et en particulier celles en âge de procréer, devraient avoir accès à des services de dépistage du VIH, de counselling et de soins. Il importe de disposer de meil-leures données sur les tendances, les facteurs de risque et les variations géographiques de l'infection à VIH chez les Canadiennes afin de mieux cibler les programmes de prévention et de soins. Références
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Mise à jour : 2004-12-01 |