Série de monographies sur les maladies
liées au vieillissement : IX. Arthrose Définition L'arthrose, affection articulaire chronique la plus courante chez les personnes âgées, est un trouble dégénératif des articulations synoviales caractérisé par une perte localisée du cartilage articulaire accompagnée de changements réactionnels dans l'os sous-chondral et marginal, dans la synoviale et dans les structures para-articulaires 1-3 . L'arthrose, aussi nommée arthropathie chronique dégénérative, ostéo-arthrite dégénérative ou ostéo-arthrose1 , est un état hétérogène qui évolue très différemment selon sa localisation articulaire. Il est donc important de la classer selon la ou les principales articulations intéressées, selon ses causes apparentes, et selon ses caractéristiques cliniques, pathologiques ou radiologiques4 . Selon son origine, l'arthrose peut être classée comme primitive (ou primaire), lorsqu'il n'y a aucune cause sous-jacente apparente, ou comme secondaire, lorsqu'elle est précédée d'un trouble prédisposant5 (tableau 1). L'arthrose peut être dite généralisée, lorsqu'au moins trois articulations extravertébrales sont atteintes6 . Deux types d'arthrose généralisée ont été décrits : le type non-nodal, légèrement plus fréquent chez les hommes et moins souvent héréditaire, qui intéresse avant tout les articulations interphalangiennes proximales (IPP), et le type nodal, prédominant chez les femmes et souvent héréditaire, caractérisé surtout par les nodosités d'Heberden des articulations interphalagiennes distales (IPD) 7-9 . Habituellement, cette affection frappe les extrémités des os longs, où la proportion de tissus spongieux dépasse celle des tissus compacts1 . Si toutes les articulations synoviales peuvent être atteintes, l'arthrose n'en frappe pas moins certaines articulations tout en épargnant d'autres. Les articulations de la main, du genou et de la hanche, de même que les articulations apophysaires de la colonne sont les plus fréquemment atteintes. Dans la main, ce sont surtout les articulations IPD, les articulations IPP et l'articulation carpométacarpienne du pouce qui sont touchées. Les articulations du poignet, du coude, de l'épaule et de la cheville le sont moins10-12 .
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Pathogenèse Malgré les problèmes que posent toujours sa définition, sa mesure et son évaluation, l'arthrose est une maladie qui sévit depuis fort longtemps, chez les humains comme les animaux13,14 . Absente des restes d'hominidés, c'est chez le Néanderthalien que l'on a relevé la première preuve généralisée de la maladie chez l'Homo sapiens1,15-17 . La pathogenèse spécifique de l'arthrose demeure toutefois inconnue. Dans une étude qui portait sur 500 personnes souffrant d'arthrose aux articulations des membres, Cushnaghan et Dieppe10 n'ont pu trouver de causes prédisposantes manifestes que chez 46 (9,2 %). Parmi ces causes figuraient le traumatisme sévère, la méniscectomie, la dysplasie épiphysaire et l'instabilité articulaire. Bien que les données de cette étude et d'autres3,5,18 indiquent que les facteurs de risque d'arthrose peuvent varier selon la ou les articulations touchées, il est clair qu'il existe un lien entre certaines localisations de l'arthrose3 . Dans une étude sur l'incidence des affections arthritiques chez les animaux, Fox19 a découvert que les dimensions corporelles constituaient une variable discriminatoire pertinente entre les espèces plus vulnérables et celles généralement épargnées par le trouble; il en a conclu que la mise en charge jouait un rôle important dans le développement de la maladie. La théorie de la pathogenèse de l'arthrose élaborée par Hutton tient compte de la localisation de l'affection tant à l'intérieur des articulations qu'entre elles. Hutton a posé l'hypothèse que l'arthrose était plus susceptible de survenir dans les articulations «simples» parce que la pression évolutive avait été insuffisante pour permettre à celles-ci de s'adapter aux exigences propres à la bipédie de l'être humain20 . La position debout, par exemple, entraîne une mise à nu relative de la tête du fémur à la marge supérieure de l'articulation, soit la zone la plus vulnérable à l'arthrose3 . La séquence exacte des événements entrant en jeu dans la survenue de l'arthrose demeure controversée, mais les données s'accumulent selon lesquelles l'arthrose primitive serait un trouble de l'os dans ses premiers stades plutôt qu'un trouble du cartilage21 . Radin et coll.22,23 ont posé l'hypothèse que l'un des mécanismes déclencheurs de l'arthrose pourrait être l'existence d'un gradient prononcé de raideur dans l'os sous-chondral sous-jacent; lorsque ce dernier n'arrive plus à se déformer sous l'impact, le cartilage sous-jacent est endommagé, ce qui causerait l'arthrose24 . Les informations sur l'histoire naturelle de l'arthrose chez les humains et sur ses mécanismes de réparation sont limitées5,11,12,25-27 . Bien que la dégradation des cartilages soit un phénomène extrêmement courant lié à l'âge28,29 , l'évolution de l'arthrose est généralement considérée comme lente, son rythme variant selon la localisation articulaire30,31 . On a suggéré32 qu'une fraction seulement des modifications observées du cartilage évolue. Dans l'étude menée par Spector et coll.33 sur des individus souffrant d'arthrose et portant sur un intervalle moyen de 11 ans entre les examens radiologiques, le tiers des sujets environ a vu son état s'aggraver, quelques-uns ont vu le leur s'améliorer et la plupart n'ont connu aucun changement notoire, ce qui donne à penser que l'état peut être stable pendant de longues périodes. Toutefois, dans une étude suédoise portant sur des patients atteints de gonarthrose que l'on a soumis à une première évaluation au début des années 50, puis à une seconde en 196834,35 , il est apparu que la plupart des sujets présentaient une détérioration radiologique marquée au suivi, et qu'aucun n'avait vu son état s'améliorer5 . Par ailleurs, d'après les données de l'étude longitudinale sur le vieillissement menée à Baltimore, la maladie progresserait lentement dans une articulation donnée chez les sujets souffrant d'arthrose de la main. Il lui faudrait en effet de 10 à 20 ans pour passer d'un grade à un autre, et une fois les grades supérieurs atteints, un stade stable d'«épuisement» semble vouloir persister26,31 . En revanche, dans une autre étude sur l'histoire naturelle de l'arthrose de la hanche sur une période de 10 ans, on a observé une amélioration clinique et radiologique dans 14 cas sur 31 (45 %)36 . Ces études et d'autres donnent à penser qu'il pourrait y avoir interruption ou au moins inversion partielle du processus pathologique. D'autres recherches doivent cependant être faites à ce sujet. On ignore ce qui différencie l'arthrose symptomatique de l'arthrose radiographique asymptomatique, ou même s'il s'agit là de deux sous-ensembles distincts de la maladie12,37,38 . Ce que l'on sait, par contre, c'est que les personnes présentant des preuves radiographiques manifestes d'arthrose ont plus souvent des symptômes que celles qui présentent un moins grand nombre d'anomalies radiographiques39 , et que l'association entre les symptômes et les caractéristiques radiographiques est plus prononcée dans le cas des articulations portantes que dans les autres40 . Malgré la faible corrélation entre le changement radiographique et les symptômes dans la colonne lombaire, les hanches et les genoux, en général plus la maladie radiographique est sévère, plus le sujet risque de présenter des symptômes5,12,39 . La proportion des sujets symptomatiques varie selon l'articulation intéressée ainsi que selon l'âge et le sexe41 . On sait que les principaux symptômes de la maladie sont la douleur liée à l'usage et la difficulté d'amorcer un mouvement (tableau 2), mais on comprend encore mal ce qui provoque de la douleur11 . Bien qu'à la radiographie, la maladie affecte le plus souvent les mains et les pieds, l'arthrose de la main donne lieu à des symptômes moins fréquents et moins sévères que l'affection radiographique notée dans d'autres articulations12 . Dans l'étude de Lawrence et coll.42 , par exemple, seulement 9 % des hommes et 25 % des femmes présentant des preuves radiographiques d'arthrose modérée ou sévère aux articulations IPD déclaraient avoir des symptômes.
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Les symptômes et les changements radiographiques graves semblent plus fréquents chez les femmes que chez les hommes40 . D'autres études ont montré que l'arthrose symptomatique du genou était aussi plus courante chez les femmes, mais on ne sait pas au juste si cela est dû à une prévalence plus élevée de la maladie chez elles ou à leur réticence moindre à déclarer leurs symptômes39 . En revanche, les données de la National Health and Nutrition Examination Survey I (NHANES I) aux États-Unis indiquent que les hommes présentant une arthrose radiographique du genou étaient proportionnellement un peu plus nombreux à déclarer des symptômes que les femmes41,43 . Lawrence et coll.42 ont observé que les sujets obèses souffrant de gonarthrose étaient plus susceptibles de présenter des symptômes que les autres. Aucune association n'a toutefois pu être établie entre l'obésité et les symptômes chez les sujets de la NHANES I et de la NHANES I Epidemiologic Followup Survey (NHEFS) souffrant de gonarthrose44,45 . Dans la Tecumseh Community Health Study (TCHS)46 , l'obésité (mesurée au moyen de l'index de masse corporelle) a été associée à la douleur dans le cas de l'arthrose de la main, mais non dans celui de la gonarthrose. Diagnostic À défaut de critères couramment acceptés, le diagnostic de l'arthrose se fonde souvent sur la présence de symptômes et une manifestation radiographique évocatrice en l'absence d'autres affections arthritiques. Les résultats cliniques sont non spécifiques et diffèrent d'une articulation à l'autre, sauf pour ce qui est de la raideur matinale minimale et de l'âge supérieur à 40 ans2 . Bien que l'on définisse l'arthrose différemment selon les études, semant souvent ainsi la confusion et limitant la comparabilité des études2 , du point de vue épidémiologique, les critères les plus largement utilisés pour l'arthrose sont les critères radiologiques établis par Kellgren et Lawrence47 . Mortalité Il existe relativement peu de données qui permettraient de déterminer si l'arthrose est associée à une survie abrégée. Nombre d'études n'ont en effet pas pris en considération les états comorbides ou les autres facteurs de risque de mortalité qui peuvent être liés à l'arthrose, tels que l'obésité48,49 , le diabète50 , l'hypertension51 ou le tabagisme52,53 . Monson et Hall54 ont relevé, chez les patients souffrant d'arthrose, un taux de mortalité attribuable à des maladies respiratoires et gastro-intestinales supérieur de 11 % à celui de l'ensemble de la population. En se fondant sur les données de la NHEFS, Lawrence et coll.55 ont étudié la mortalité chez les personnes âgées de 55 à 74 ans souffrant de gonarthrose radiographique. Les taux de mortalité cumulatifs ajustés en fonction de l'âge, mais analysés sans vérification de facteurs confusionnels comme la présence d'états comorbides ou d'une consommation parallèle de médicaments56 , étaient significativement plus élevés chez les femmes souffrant de gonarthrose que chez les autres. Une analyse de survie a révélé par ailleurs que les premières avaient survécu moins longtemps que les secondes sur la période de suivi de 8 à 10 ans, ce qui n'était pas le cas chez les hommes46 . L'analyse de la relation entre l'arthrose radiographique du corps entier et la survie effectuée par Cerhan et coll.56 a révélé que la survie était moindre chez les femmes et qu'un nombre supérieur de groupes articulaires était atteint d'arthrose chez elles, indépendamment de l'âge et des autres états comorbides évalués. Distribution géographique L'arthrose se retrouve partout dans le monde57-59 (tableau 3). Certaines études donnent à penser que le trouble pourrait être moins fréquent dans les climats froids, comme en Alaska et en Finlande, mais d'autres, effectuées par latitude, n'ont relevé aucun gradient dans sa prévalence74 . Si, d'après les données nationales européennes et américaines, les tendances liées à l'âge et au sexe seraient similaires pour l'arthrose des articulations IPD, on note par contre une différence marquée dans la fréquence de l'arthrose du genou5 . van Sasse et coll.59 ont comparé la situation de l'arthrose radiologique dans une population hollandaise à celle observée dans dix autres populations du Japon, des États-Unis, de la Bulgarie, de l'Angleterre et de l'Afrique du Sud; ils sont arrivés à la conclusion que l'évolution de la maladie selon l'âge et selon la localisation articulaire était semblable et que, pour la plupart des articulations, les différences relevées entre les populations n'étaient que des différences de degré; les articulations pour lesquelles la prévalence de la maladie était faible dans une population étaient relativement exemptes d'arthrose dans toutes les populations. Il reste toutefois à établir si ces différences sont réelles ou si elles sont dues à une variation entre observateurs, ou à des différences dans les caractéristiques génétiques ou dans la distribution des facteurs de risque.
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Morbidité au Canada La mesure dans laquelle on peut interpréter les cas d'arthrite déclarés dans les enquêtes épidémiologiques comme synonymes d'arthrose est un facteur critique. La meilleure comparaison qu'on puisse trouver se trouve dans la NHANES I, dans laquelle la concordance globale entre les symptômes de l'appareil locomoteur signalés et ceux confirmés par un médecin était bonne75 . L'examen clinique a confirmé le diagnostic d'arthrite ou de rhumatisme pour 16,3 % de cette population âgée de 24 à 74 ans, et dans 75 % des cas (12,3 % de la population), le diagnostic confirmé était l'arthrose75 . Au Canada, Badley signale que les résultats de l'Enquête sur la santé en Ontario de 1990 et ceux de l'Enquête canadienne sur la santé et les limitations d'activités76 concordent essentiellement avec ceux des enquêtes antérieures menées au pays et ailleurs75 . Les résultats de ces deux enquêtes ont été pondérés de façon à être représentatifs de l'ensemble de la population canadienne75 . Badley et Tennant rapportent que, dans l'Enquête sur la santé et les limitations d'activités, 20,6 % de la population âgée de 16 ans et plus déclarent souffrir d'arthrite, de rhumatisme, ou de troubles du dos, des membres ou des articulations77 . Dans l'autre enquête, 18,5 % de la population de 16 ans et plus déclarent souffrir d'arthrite, quel que soit le contexte75 , et 15,2 % affirment qu'il s'agit pour eux d'un problème de santé chronique78 . La prévalence de l'arthrite sous toutes ses formes augmentait avec l'âge, passant de 6,3 % dans le groupe des 16 à 74 ans, à 51,2 % chez les sujets de 75 ans et plus; le taux global se situait à 21,1 % chez les femmes et à 15,7 % chez les hommes78 . La spondylose et les troubles «connexes» sont inclus dans les taux d'hospitalisation pour arthrose au Canada (tableau 4). En général, les taux annuels moyens d'hospitalisation pour les hommes augmentaient avec l'âge. Chez les femmes toutefois, ces taux n'augmentaient avec l'âge que jusqu'au groupe des 80 à 84 ans. Si les taux d'hospitalisation donnent surtout une idée de la sévérité du problème dans l'ensemble de la population, les taux d'hospitalisation pour mise en place d'une prothèse articulaire (tableau 5) donnent également une idée de la sévérité du problème pour les individus. Il est apparu que les taux annuels moyens de remplacement d'articulation avaient augmenté avec l'âge pour les trois périodes considérées, sauf dans les groupes des 80 ans et plus, entre 1989 et 1992.
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Âge L'âge est le facteur le plus fortement et le plus systématiquement associé à l'arthrose. Cela vaut pour toutes les articulations12 , bien que la tendance à ce chapitre diffère entre les hommes et les femmes74 . Selon le National Arthritis Data Workgroup, environ le tiers des Américains âgés de 25 à 74 ans souffrirait d'arthrose radiographique à une main, un pied, un genou ou une hanche79 . L'arthrose frappe toutefois surtout entre les âges de 40 et de 50 ans2 et est relativement peu courante chez les moins de 40 ans12 . Elle touche plus de 80 % de la population âgée de 75 ans et plus80,81 . Les autopsies originales effectuées par Heine29 ont révélé que la détérioration des cartilages était presque universelle chez les personnes âgées de 65 ans et plus. La Health Examination Survey, qui étudiait l'arthrose des mains et des pieds aux États-Unis, a révélé que moins de 5 % des individus de moins de 35 ans souffraient d'arthrose radiographique des mains, alors que c'était le cas de plus de 70 % des personnes de 65 ans et plus14 . Selon les données épidémiologiques, l'arthrose apparaîtrait au départ dans l'articulation métatarso-phalangienne, à partir de l'âge de 25 ans, puis s'étendrait aux articulations du poignet et aux articulations interfacettaires de la colonne vertébrale à partir de l'âge de 35 ans. C'est toutefois à partir de 45 ans que l'incidence de l'arthrose est la plus élevée, d'abord dans les articulations interphalangiennes et dans les premières carpométacarpiennes, puis dans le genou, et enfin dans la hanche7 . Selon l'étude National Health Interview Survey Supplement on Aging (NHIS-SOA) menée aux États-Unis, les taux de prévalence de l'arthrose atteignent un plateau entre les âges de 75 et de 80 ans83 , ce qui concorde avec les données de l'étude Framingham et les données recueillies en Scandinavie82 . Sexe Un certain nombre d'enquêtes épidémiologiques ont relevé des différences dans la prévalence, dans la localisation et dans la sévérité de l'arthrose selon le sexe41,42,48,84-86 . Ces enquêtes donnent en effet à penser que les femmes souffrent plus souvent d'atteintes articulaires multiples que les hommes 42 , et que la prévalence et la sévérité de l'arthrose des mains, des genoux, des chevilles et des pieds sont chez elles plus élevées. Par contre, l'arthrose des hanches, des poignets et de la colonne vertébrale serait plus fréquente et plus sévère chez les hommes87,89 . Lorsqu'on tient compte de tous les âges, l'arthrose semble frapper également les deux sexes90 , bien qu'en deçà de 45 ans, elle semble légèrement plus fréquente chez les hommes et touche habituellement une ou deux articulations. C'est également ce qui ressort de l'étude NHANES, qui a relevé, chez les moins de 50 ans, un plus grand nombre de cas d'arthrose radiographique chez les hommes que chez les femmes91 . Passé l'âge de 44 ans, le taux de prévalence de l'arthrose augmente plus rapidement chez les femmes que chez les hommes60 ; au delà de 55 ans, l'arthrose apparaît plus souvent chez les femmes et touche habituellement de multiples articulations7,90,92 . Les résultats de la Women's Health and Aging Study93 , par exemple, qui s'est penchée sur les femmes handicapées résidant dans la communauté, révèlent que l'arthrite est l'affection chronique la plus couramment signalée dans la population des 65 ans et plus93 . Des données recueillies au Royaume-Uni révèlent que l'arthrose radiographique se retrouve légèrement plus souvent chez les femmes que chez les hommes et que la différence liée au sexe est plus marquée dans les grades sévères de la maladie, parmi les groupes plus âgés et chez les sujets souffrant d'arthrose du genou et de la main59 . Les taux de prévalence varient quelque peu selon le sexe lorsqu'on tient compte de la localisation de l'affection. Selon le National Arthritis Data Workgroup, en deçà de 45 ans, la prévalence de la gonarthrose serait plus élevée chez les hommes; par contre, au delà de 54 ans, elle serait plus élevée chez les femmes79 . L'arthrose de la hanche semble plus fréquente chez les hommes que chez les femmes en deçà de l'âge de 65 ans; à 65 ans et au delà, la situation s'équilibrerait94 . Dans l'étude Tecumseh, le taux de prévalence de l'arthrose des mains et des poignets était supérieur chez les femmes pour presque toutes les articulations dans chaque classe d'âge61 . Passé 64 ans, l'arthrose de la main et du poignet touchait 78 % des hommes et 90 % des femmes95 . Incapacité Bien que l'on ne possède guère de données sur les facteurs de risque de douleur et d'incapacité, on sait que les personnes souffrant d'arthrose, notamment d'arthrose du genou ou de la hanche, sont beaucoup plus nombreuses à développer une incapacité que les sujets non arthrosiques96 . Parmi les causes d'incapacité liée au travail chez les hommes de plus de 50 ans, l'arthrose vient immédiatement au second rang après les cardiopathies ischémiques80 ; c'est la plus courante des affections rhumatismales, celle qui entraîne les plus grandes pertes de temps de travail2 . Des études comme la NHIS-SOA83,97-100 , la Longitudinal Supplement on Aging 101,102 , l'étude Framingham103,104 et l'Enquête sur la santé en Ontario105 ont mis en évidence une relation entre l'arthrose et l'incapacité caractérisée soit par des limitations fonctionnelles, soit par des difficultés à accomplir des activités de la vie quotidienne (AVQ) et des AVQ instrumentales93 . D'après les données de la NHIS-SOA, les personnes souffrant d'arthrose sont 2,7 fois plus nombreuses que celles qui n'en souffrent pas à avoir du mal à marcher, deux fois plus nombreuses à avoir des limitations fonctionnelles et trois fois plus nombreuses à avoir au moins cinq limitations fonctionnelles96 . Cette étude a également montré que la plupart des facteurs de risque d'incapacité étaient communs aux personnes souffrant d'arthrose et à celles n'en souffrant pas, sauf l'obésité, qui n'était un facteur de risque d'incapacité que chez les premières96 . Dans l'Enquête sur la santé et les limitations d'activités, la prévalence de l'incapacité associée à l'arthrite était de 2,7 %78 , soit la même que celle relevée dans l'Enquête sur la santé en Ontario105 . Plus élevée chez les femmes (3,8 %) que chez les hommes (1,6 %), elle augmentait de façon marquée avec l'âge, à 20,6 % dans le groupe des 85 ans et plus. Globalement, 53 % des répondants souffrant d'arthrite déclaraient éprouver des douleurs qui restreignaient leurs activités75 . Les répercussions économiques de l'arthrose sont importantes. Une étude nationale menée aux États-Unis sur le recours aux services de santé ambulatoires par les femmes âgées a permis d'établir que, sur 1 000 femmes de plus de 65 ans vivant dans la communauté, 270 consultaient un médecin à cause de l'arthrite chaque année74 . Dans l'Enquête sur la santé en Ontario, l'arthrite était la principale cause d'incapacité prolongée, se situant au second rang (après les troubles respiratoires) pour le nombre de jours d'activité restreinte et l'utilisation de médicaments en vente libre, et au troisième rang pour l'utilisation des médicaments de prescription et la consultation d'un professionnel de la santé75 . Dans le groupe d'âge de 16 à 64 ans étudié par l'Enquête ontarienne, plus de la moitié des sujets ne faisait pas partie de la main-d'oeuvre active spécifiquement à cause d'une incapacité. De surcroît, les personnes handicapées étaient plus de deux fois plus nombreuses à avoir un revenu inférieur à 20 000 dollars comparativement aux personnes non handicapées (1986)75 . On ne sait toujours pas encore très bien pourquoi certains individus échappent à l'arthrose toute leur vie et d'autres non. On connaît par contre un certain nombre de facteurs de risque d'arthrose (tableau 6), que l'on peut classer en associations «systémiques» généralisées et en facteurs «biomécaniques» locaux5 , ou encore en facteurs «intrinsèques» et «extrinsèques». Dans certains cas, les influences locales spécifiques prédominent, alors que dans d'autres, les facteurs systémiques sont plus importants. Aucun cas d'arthrose ne pourrait ainsi être attribué à un seul facteur de risque et les facteurs de risque différeraient selon la localisation du trouble21,106,107 . Il importe de souligner qu'un certain nombre de ces facteurs ont été déterminés grâce à des études épidémiologiques transversales et que l'on ne sait donc pas vraiment s'ils ont une importance étiologique ou s'ils surviennent simplement comme épiphénomènes.
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Âge L'âge est l'un des plus importants facteurs de risque d'arthrose2,4,7,9,26,40,63,107-109 , bien que les mécanismes par lesquels il y est associé demeurent obscurs. Si l'altération des cartilages articulaires qui survient avec l'âge diffère de celle qui caractérise le cartilage arthrosique, les changements dans les caractéristiques biomécaniques de certaines articulations pourraient jouer un rôle important dans la pathogenèse de la maladie110 . La question est de savoir si les altérations biomécaniques et structurales du cartilage modifient les propriétés biomécaniques du cartilage articulaire et augmentent sa susceptibilité à l'usure, prédisposant ainsi le sujet à l'arthrose25 . Sexe Un certain nombre d'études ont relevé des différences dans la prévalence, la localisation et la sévérité de l'arthrose selon le sexe41,42,48,84-88 . Kallgren et Lawrence48 sont arrivés à la conclusion que la prévalence supérieure de l'arthrose observée chez les femmes n'était pas liée à la profession, aux antécédents de lésions ou à la présence de polyarthrite rhumatoïde, et que, bien qu'elle soit associée à une plus grande prévalence d'arthrose dans les articulations portantes, l'obésité n'était pas liée à cette prévalence élevée de la polyarthrite. Les données de la NHANES I ont révélé que le sexe était l'un des quatre facteurs fortement reliés à la gonarthrose108 . Comparativement à ce qui se passe chez les hommes, les modifications du genou attribuables à l'arthrose étaient, chez les femmes, plus clairement liées au poids (rapport de cotes de 4,5 chez les hommes et de 9,0 chez les femmes; associé à un excès pondéral supérieur de 50 % au poids corporel idéal)5,111 . Si l'on tient compte de l'obésité dans les données de la NHANES I, la différence liée au sexe dans la prévalence de la gonarthrose se trouve réduite, sans toutefois être éliminée, ce qui donne à penser que des facteurs autres que l'obésité jouent également un rôle important dans cette différence60 . Race et ethnie Les nombreuses différences observées sur le plan de l'arthrose entre les races et les ethnies pourraient être réelles, mais pourraient aussi être attribuables à des différences dans les facteurs de risque ou encore à des variations entre observateurs. C'est toutefois l'examen de ces différences qui peut fournir d'importants indices sur les causes de l'arthrose. Ainsi, si la prévalence de l'arthrose de nombreuses localisations varie considérablement, celle de l'arthrose des doigts semble comparable pour toutes les races étudiées59,91,112 . On observe un moins grand nombre de nodosités d'Heberden dans les populations du Nigeria et du Liberia que dans la population de l'Angleterre67,113,114 . La gonarthrose est plus fréquente chez les Sud-africains noirs que chez leurs compatriotes blancs8 . L'analyse des données de la NHANES I révèle que la prévalence de la gonarthrose aux États-Unis est plus élevée chez les noirs que chez les blancs, notamment chez les femmes5,108 . D'après des études menées en Afrique du Sud 8,67 , la prévalence de la polyarthrose et de l'arthrose des mains, des pieds et des hanches serait moins élevée chez les femmes noires que chez les femmes blanches, alors que l'arthrose des mains serait plus fréquente chez les hommes noirs que chez les hommes blancs. Après avoir comparé des sujets orientaux japonais et blancs américains, et après analyse d'autres enquêtes épidémiologiques, Hoaglund et coll. ont conclu que l'arthrose primitive de la hanche était un trouble propre aux Américains blancs d'origine européenne115 . Cette conclusion est étayée par les faibles taux d'arthrose de la hanche relevés dans les populations noires de la Jamaïque, de l'Afrique du Sud, du Nigeria et du Liberia comparativement aux taux élevés observés dans les populations du nord de l'Angleterre, de l'Allemagne de l'Ouest, de la Tchécoslovaquie et de la Suisse57 . Si les études sur les Indiens Pieds-Noirs et Pima des États-Unis révèlent que l'arthrose est plus fréquente dans ces populations que dans l'ensemble de la population américaine112 , les taux d'arthrose de la hanche relevés chez les Amérindiens semblent par contre se situer à un niveau intermédiaire, entre les taux élevés observés chez les Européens et les taux faibles observés ailleurs dans le monde5 . Dans certaines des populations étudiées, les différences dans la prévalence et dans la distribution articulaire de l'arthrose semblent associées à des différences dans les malformations congénitales et dans les habitudes d'utilisation des articulations5,6,58 . L'arthrose de la hanche, par exemple, est rare dans la population chinoise de Hong Kong et dans d'autres populations où la dysplasie congénitale de la hanche est peu fréquente et où l'on s'assoit rarement dans un fauteuil6,66,116 . L'Italie du nord, par contre, affiche les plus hauts taux connus de dysplasie congénitale de la hanche (dont la luxation) et d'arthrose de la hanche117 . Par ailleurs, on a laissé entendre que la prévalence de gonarthrose plus élevée que prévue observée chez les Jamaïquains serait liée à la marche en terrain accidenté, alors que la faible prévalence de l'arthrose des articulations métatarsolphalangiennes le serait au fait de marcher pieds nus8,114 . On a aussi fait un rapprochement entre la faible prévalence de l'arthrose de la hanche dans la population noire et une absence de dysplasie acétabulaire ou fémorale ou de trouble juvénile de la hanche58 dans cette population, alors que des études récentes ont révélé une prévalence élevée d'arthrose de la hanche dans deux communautés noires africaines géographiquement isolées où l'on note aussi une prévalence élevée de dysplasie acquise de la hanche5,58 . Aspects génétiques Un facteur héréditaire semble clairement jouer dans plusieurs formes distinctes d'arthrose. Par exemple, une prédisposition génétique joue un rôle important dans l'apparition et l'évolution de l'arthrose primitive généralisée, la forme la plus courante d'arthrose héréditaire118 . Des études récentes ont établi que plusieurs types d'arthrose se transmettaient selon un modèle autosomique mendélien. Mentionnons notamment une variété de mutations du gène du collagène de type II, qui encode les principales composantes collagènes du cartilage articulaire dans certains types d'arthrose familiale et d'autres troubles héréditaires du cartilage, dont le syndrome de Stickler et la chondrodysplasie119 . Au nombre des autres formes d'arthrose héréditaire figurent la chondrocalcinose familiale, la pseudogoutte (la chondrocalcinose articulaire diffuse), la maladie attribuable aux dépôts de cristaux d'hydroxyapatite, le syndrome de Stickler, l'arthro-ophtalmopathie héréditaire et la dysplasie épiphysaire12,94,119-121 . Maladies prédisposant à l'arthrose Des associations inconsistantes ont été signalées entre l'hypertension et l'arthrose49,51,122 , entre le diabète et l'arthrose63,111,122,123 et entre l'hyperuricémie et l'arthrose9,49,63,122,123 ; cette dernière association s'observe plus souvent chez les sujets souffrant d'arthrose généralisée86,124 et les hommes jeunes souffrant de gonarthrose que chez les personnes non arthrosiques108 . Une étude portant sur plusieurs échantillons de population de Grande-Bretagne et de Jamaïque a révélé que l'arthrose généralisée était beaucoup plus courante chez les hommes âgés dont la tension artérielle diastolique est élevée que chez ceux dont la tension est faible. Indépendamment de l'obésité, l'arthrose intéressait avant tout les hanches, les genoux et les articulations carpométarcapiennes et métacarpophalangiennes74 . La chondrocalcinose, ou calcification linéaire du cartilage, est associée à une augmentation de 50 % de la prévalence de la gonarthrose63 . Dans l'étude Framingham, la prévalence de la chondrocalcinose augmentait de façon marquée avec l'âge; par ailleurs, certaines données incitaient à penser que la chondrocalcinose et l'arthrose augmentent indépendamment avec l'âge63 . Les rapports sont contradictoires quant à savoir si les anomalies de développement contribuent ou non de façon significative à la majorité des cas d'arthrose de la hanche117,125-134 . Felson5 conclut que certaines maladies de la hanche, congénitales ou de développement, conduisent invariablement à l'arthrose plus tard dans la vie; les trois principales anomalies de développement sont la luxation congénitale de la hanche, la maladie de Perthes (coxa vara) et l'épiphysiolyse (coxa vara essentielle de l'adolescence). Parmi les autres maladies (tableau 1) qui ont été associées à l'arthrose, mentionnons les antécédents de maladies articulaires inflammatoires79 et certaines maladies endocriniennes et métaboliques moins courantes, comme les hémoglobinopathies et les troubles thyroïdiens2 . Oestrogènes On a posé l'hypothèse que les différences observées dans les taux d'arthrose selon le sexe pouvaient être liées au rôle protecteur des oestrogènes jusqu'à la période de la ménopause. Les changements métaboliques, comme les changements dans le taux d'hormones sexuelles et l'augmentation du ratio d'oestrogènes libres et de progestérone qui surviennent à la périménopause et après la ménopause, pourraient en effet jouer un rôle dans la survenue de la dégénérescence polyarticulaire chez les femmes135 . On a également suggéré que les taux élevés persistants d'oestradiol libre dus à l'obésité ou à d'autres sources connues pendant une période prolongée chez les femmes jeunes ou périménopausées, pourraient être l'une des causes de l'arthrose que l'on observe souvent chez les femmes ménopausées92 . La relation inverse observée entre l'arthrose et l'ostéoporose136,137 a conduit à émettre l'hypothèse selon laquelle l'oestrogénothérapie, qui protège contre la perte osseuse après la ménopause5,138-144 , pourrait entraîner une augmentation relative de la masse osseuse et un raidissement relatif de l'os sous-chondral145 . Les résultats des études sont toutefois contradictoires quant au rôle joué par les oestrogènes exogènes et endogènes146,147 . La découverte récente de taux élevés d'oestradiol synoviale et de liaisons plus fortes des récepteurs des oestrogènes dans le cartilage arthrosique humain donne à penser que l'apport local de l'oestradiol pourrait être important et qu'il pourrait y avoir une régulation à la hausse des récepteurs des oestrogènes92 . Toutefois, dans la NHANES I, on n'a pu relever aucune association entre la gonarthrose et la parité ou la ménopause précoce108 . En outre, dans l'étude Framingham, aucune association définie n'a été relevée entre la durée du traitement aux oestrogènes et la prévalence de l'arthrose145 . On a plutôt observé un effet protecteur, modeste et généralement non significatif, sur la gonarthrose145 . Obésité Certains chercheurs postulent que, puisque l'obésité est associée à des anomalies métaboliques (diabète sucré, hyperuricémie, hyperlipidémie), elle pourrait provoquer l'arthrose indirectement plutôt que mécaniquement, lorsque les troubles qui y sont associés altèrent le métabolisme synovial, cartilagineux ou osseux60,122 . L'obésité pourrait donc avoir un effet mécanique sur certaines articulations, comme dans la gonarthrose, et un effet métabolique sur d'autres30 . Diverses études ont relevé une association inconsistante entre l'obésité et l'arthrose des mains et des pieds; elles ont par contre constaté plus souvent l'absence de toute association entre l'obésité et l'arthrose de la hanche ou de la cheville48,86,87,107,111,147-152 . Le rapport entre la gonarthrose et l'obésité a été étudié dans le cadre de nombreuses études de cohorte transversales et longitudinales 42,48,49,60,63,108,111,122,123,151,153-156 , dont plusieurs ont mis en évidence une association significative entre les deux affections49,108,111,157 . Dans la plupart des cas, cette association était plus prononcée chez les femmes que chez les hommes12 . L'étude longitudinale Framingham49 , qui tenait compte de l'obésité parmi les facteurs précédant la survenue de l'arthrose, a révélé que l'indice de masse corporelle (le poids corrigé en fonction de la taille) était fortement associé à la gonarthrose; l'obésité au début de l'étude a en effet été un prédicteur de la survenue de l'arthrose 36 ans plus tard12,63 . Les résultats de cette étude donnent également à penser que l'effet à long terme de l'obésité sur les cartilages ou sur l'os sous-chondral pourrait être moins important que chez les personnes d'âge moyen ou âgées158 . Dans la NHANES I122 , l'obésité a été plus fortement associée à la gonarthrose bilatérale qu'à la lésion du genou; cette dernière a été plus fortement associée à la gonarthrose unilatérale qu'à l'obésité. Ces associations indiquent qu'il pourrait y avoir un rapport de cause à effet entre l'obésité et la gonarthrose bilatérale. Quant à la gonarthrose unilatérale, elle semble davantage associée à un traumatisme du genou qu'à l'obésité. À partir des données de la NHANES I, Davis et coll.122 ont examiné divers facteurs liés à l'obésité, comme le cholestérol sérique, l'acide urique sérique, le diabète, la distribution lipidique et la tension artérielle; ils ont découvert que ces facteurs ne réduisaient pas de façon significative l'association entre l'obésité et la gonarthrose. Il en découle que l'obésité pourrait, dans le cas de la gonarthrose, agir par l'intermédiaire d'un processus mécanique (stress exercé sur l'articulation à cause de la charge accrue ou de l'altération de la mécanique de la marche)2 , plutôt que par un processus métabolique60,122,157 . Bien que ces études aient mis en évidence une association forte, les résultats obtenus dans le cadre d'études cliniques n'ont pas été aussi convaincants5 . Ostéoporose et masse osseuse Les personnes souffrant d'ostéoporose postménopausique et celles souffrant d'arthrose semblent appartenir à des populations différentes sur le plan anthropométrique13 . On a relevé que tout le monde ne développe pas l'arthrose ou des fractures ostéoporotiques en vieillissant159 et que, sur le plan épidémiologique, l'ostéoporose et l'arthrose semblent rarement coexister159,160 . Verstraeten et coll.159 ont conclu que l'arthrose et l'ostéoporose risquaient peu d'apparaître simultanément chez les mêmes sujets, mais qu'on les retrouvait ensemble plus souvent à mesure que les sujets vieillissent. Selon certaines données, l'ostéoporose pourrait protéger contre l'arthrose161,162 . En revanche, l'ostéopétrose, un trouble héréditaire rare qui rend les os particulièrement sclérosés et probablement raides, est associée à un risque élevé d'arthrose généralisée163 , et l'arthrose se déclare tôt chez les personnes qui souffrent de cette maladie. Healy et coll.164 ont relevé une prévalence normale de l'arthrose de la hanche chez leurs sujets atteints d'ostéoporose; ils en ont conclu que l'ostéoporose ne protégeait pas contre l'arthrose de la hanche, mais que cette dernière était un facteur de risque négatif pour les fractures par tassement ostéoporotique48,137,165 . Un certain nombre d'études qui se sont penchées sur l'association entre la densité osseuse et l'arthrose ont donné lieu à des rapports contradictoires136,166-168 . La TCHS a conclu à une association entre une masse osseuse moyenne supérieure et l'arthrose de la main135 . La NHANES I et l'étude Framingham ont été incapables de mettre en évidence une association entre la densité osseuse et la gonarthrose96 ; il semble par ailleurs que la densité osseuse ne soit guère élevée chez les sujets souffrant d'arthrose généralisée169 . Dequeker et coll.13 signalent que la perte osseuse est plus lente chez les sujets arthrosiques que chez les sujets souffrant d'ostéoporose, et que la masse osseuse pourrait jouer un rôle à ce chapitre. En outre, l'obésité pourrait provoquer l'arthrose chez les femmes ménopausées en maintenant chez elles une masse osseuse élevée et en prévenant ainsi l'ostéoporose5 . Exercice et sports La question de savoir si l'exercice constitue ou non un facteur de risque d'arthrose est fort complexe. L'arthrose a une longue phase asymptomatique. La prédisposition des sujets à développer une affection articulaire varie, tout comme leurs habitudes en matière d'exercice et leurs antécédents de lésions articulaires. Selon le sport pratiqué, le stress exercé sur les diverses articulations varie et la réponse à l'exercice peut différer selon l'articulation170 . Les sports comportent également des risques de lésions articulaires graves, un usage répétitif des articulations, et même parfois un usage répétitif après une lésion grave5 . De surcroît, les définitions données à l'arthrose et le score de l'arthrose radiographique peuvent être différents, les données sur les antécédents de lésions articulaires et l'exercice sont recueillies rétrospectivement, et la plupart des études sont transversales. Tous ces facteurs font qu'il est difficile d'évaluer les études sur le rapport entre l'exercice et l'arthrose170 . En conséquence, l'association entre l'activité sportive et une arthrose subséquente reste à établir. Certaines données laissent croire que la pratique intensive d'activités athlétiques professionnelles avec sauts par de jeunes adultes pourrait être un facteur de risque d'arthrose dans les articulations qui sont mises à contribution170 . Plusieurs études de ce genre de sports ont en effet mis en évidence des associations avec des taux accrus d'arthrose5 : arthrose de la main chez les boxeurs, arthrose du coude171,172 et de l'épaule173 chez les lanceurs de base-ball, arthrose du genou, de la cheville et du pied chez les joueurs de soccer174,175 , et arthrose du genou chez les haltérophiles176 . D'autres études sur l'arthrose de la hanche et les sports ont donné des résultats moins concluants166,177-182 . Les études sur les joueurs de football183,184 posent une question fondamentale au sujet du rapport entre l'activité athlétique et l'arthrose en ce qu'elles donnent fortement à penser qu'il existe entre les deux une association qui serait avant tout attribuable aux importants traumatismes articulaires5 . On ignore au juste si ceux qui n'ont aucune lésion articulaire grave sont plus exposés à l'arthrose. D'autre part, les coureurs (étudiés dans un certain nombre d'études transversales et longitudinales), sauf ceux qui souffraient déjà de lésions articulaires ou d'anomalies articulaires anatomiques185 , ne semblent pas plus exposés que les autres à l'arthrose96,166,170,179-181,186-188 . Un facteur de risque pourrait prédisposer à l'arthrose même les athlètes n'ayant jamais eu de lésions : leur masse osseuse accrue166 due à leur activité athlétique5 . De surcroît, bien que les résultats des études évaluant les sportifs soient contradictoires12 , certaines données portent à croire que certains types d'exercices répétitifs seraient associés à une prévalence accrue d'arthrose dans les articulations hyperutilisées189 . En somme, les articulations normales semblent tolérer davantage l'exercice prolongé, vigoureux et à faible impact sans qu'il y ait apparition précoce d'arthrose. Les personnes dont l'anatomie articulaire est anormale ou dont la structure portante a été lésée et qui participent à des exercices comportant des mises en charge semblent être davantage exposées à une arthrose précoce170,190 . Celles dont les structures portantes ont été lésées (comme les ligaments, les tendons ou les ménisques) pourraient souffrir d'arthrose précoce aux articulations portantes même en l'absence de tout stress articulaire additionnel attribuable à l'exercice 12,170,190,191 . Profession L'activité physique professionnelle, cadre type d'une utilisation répétitive d'articulations particulières pendant des périodes prolongées, pourrait être le meilleur exemple d'hyperutilisation répétitive5 . Les études évaluant le rapport entre la profession et l'arthrose ont généralement mis l'accent sur les travailleurs industriels; bien qu'elles donnent à penser qu'il y aurait une association entre l'activité physique et l'arthrose, leurs résultats sont parfois contradictoires6 . Davis6 cite nombre d'études sur le travail qui n'ont pu mettre en évidence aucune association entre, par exemple, les mineurs de charbon et l'arthrose du coude192 , les opérateurs de marteau pneumatique et l'arthrose du coude193 , les travailleurs de chantier naval et l'arthrose de la hanche (comparativement aux cols blancs)194 , et les enseignants en éducation physique et l'arthrose du genou195. Le résultat le plus consistant obtenu dans le cadre de ces études sur le travail27,73,196-203 a été de mettre en évidence une prévalence accrue de l'arthrose, et notamment de l'arthrose de la hanche, chez les travailleurs agricoles. Une étude cas-témoins204 a découvert un risque d'arthrose de la hanche lié aux professions nécessitant de soulever régulièrement de lourdes charges, de rester longtemps en position debout et de marcher en terrain accidenté. Il semble en outre qu'en général, la posture soit un facteur de risque d'arthrose plus important que le lever de charges205 . On présume par ailleurs que le risque accru d'arthrose de la hanche observé chez les agriculteurs est lié à la mauvaise angulation de l'articulation que commande la conduite d'un tracteur201 . D'après Vingard et coll.203,206 , les hommes exposés pendant de longues périodes à des charges de travail physique, de même que les adultes exerçant certaines professions ou appartenant à certains groupes professionnels classés comme hautement exposés à des forces agissant sur les membres inférieurs, risquent davantage que les autres de souffrir d'arthrose de la hanche et du genou. Dans une étude203 , il est apparu que les agriculteurs, les travailleurs de la construction, les pompiers et les femmes de ménage risquaient davantage de souffrir d'arthrose du genou. Les agriculteurs, les travailleurs de la construction, les pompiers et certains travailleurs du domaine de traitement des aliments risquaient davantage d'être hospitalisés pour une arthrose de la hanche, et un nombre anormal de femmes facteurs risquaient de souffrir d'arthrose de la hanche203 . Si certaines études utilisant des classifications plus générales de l'arthrose ont relevé des associations irrégulières entre l'arthrose et le travail physique intense52,194,197,204 , les résultats obtenus par Vingard et coll.203 concordent toutefois avec ceux de trois études cas-témoins de la gonarthrose effectuées aux Pays-Bas207 , en Suède123 et aux États-Unis208 . Malgré la forte association observée entre le travail et l'arthrose chez les hommes dans l'étude Framingham, Felson et coll.189 n'ont pu trouver aucune relation significative du genre chez les femmes en dépit de l'association mise en évidence dans la NHANES I108 . Dans l'ensemble, toutefois, ces auteurs en concluent que les résultats de plusieurs études sur l'activité professionnelle et l'arthrose, y compris l'étude Framingham et la NHANES I, incitent à inclure cette affection parmi les maladies professionnelles189 . Tabagisme Une corrélation négative a été mise en évidence entre le tabagisme et l'arthrose. Deux études antérieures à la NHANES I ont en effet relevé une association négative entre l'arthrose radiographique et le tabagisme63 , et une étude britannique209 n'a relevé aucune association significative entre les deux. D'après une analyse des données de la NHANES I, il y a une association de protection modeste, quoique statistiquement significative, entre le tabagisme et l'arthrose qui revêt la forme d'une relation dose-réponse, association qui a persisté après ajustements statistiques en fonction de l'âge, du sexe et du poids53 . L'étude Framingham sur la gonarthrose a mis en évidence une association négative entre l'arthrose et le tabagisme après ajustement en fonction de l'âge, du sexe,du poids, des antécédents de lésions au genou, du niveau d'activité physique et d'autres facteurs12,63 . Ces résultats n'ont cependant pas été étayés par l'analyse de la maladie symptomatique; le tabagisme n'a rien changé au risque d'arthrose symptomatique63 . Si le fait de fumer protège effectivement contre l'arthrose, on n'a encore trouvé aucune explication biologique de la façon dont cela se produit. Conclusion L'arthrose est l'une des maladies chroniques les plus courantes74 , dont les principaux facteurs de risque reconnus sont l'âge, le sexe, la prédisposition génétique, le stress mécanique, l'utilisation répétitive des articulations, les traumatismes articulaires, l'obésité, les troubles congénitaux et de développement et les antécédents de maladies articulaires inflammatoires. Avec le temps, l'arthrose ne pourra que devenir un problème de santé dominant vu l'allongement de l'espérance de vie des individus, la diminution de la tolérance face à l'immobilité personnelle et le vieillissement généralisé de la société. Malgré notre connaissance limitée de la pathogenèse propre de l'arthrose, nous possédons suffisamment de données sur les facteurs de risque pour orienter nos stratégies de prévention et réduire les coûts humains et financiers de la maladie pour la société. Une meilleure prévention et la réduction des expositions professionnelles et sportives aux traumatismes articulaires devraient permettre de diminuer le nombre de cas d'arthrose attribuables aux lésions. Il faudra mettre au point des méthodes ergonomiques et modifier le stress professionnel pour réduire l'incidence des pressions physiques liées à certains emplois sur l'arthrose. Un dépistage adéquat permettra d'identifier les personnes à haut risque pour qui un traitement efficace des affections congénitales et de développement de la hanche est possible. Les initiatives de prévention générales et de prévention primaire visant les personnes à haut risque axées sur l'obésité et l'inactivité physique2 sont capitales. Il faudra par ailleurs poursuivre les recherches sur l'arthrose, notamment mener des études longitudinales avec suivi complet, pour mieux comprendre l'étiopathogénie de la maladie, pour déterminer les facteurs de protection et les facteurs de risque, et pour élaborer des méthodes de prévention plus efficaces.
Références des auteurs Kirsten Rottensten, a/s Division du vieillissement et
des aînés, Direction de la santé de la population,
Direction générale de la promotion et des programmes de
santé, Santé Canada
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Dernière mise à jour : 2002-10-29 |