Commission des plaintes du public contre la GRC - Commission for Public Complaints Against the RCMPImageCanada
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Présentation du Président pour la rencontre annuelle 2006 de l'ACSCMO
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Rapport final du vice-président - Incident lié au recours à la force
Plainte déposée par le Président concernant la mort par balle de Dennis St. Paul
Rapport annuel 2005-2006
Présentation à l'intention des anciens de la Western University of Ontario (le 4 avril 2006)
Plainte déposée par le Président: Vanderhoof (Colombie-Britannique) (le 15 mars 2006)
Rapport ministériel sur le rendement 2004-2005
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VERSION EXPURGÉE

COMMISSION DES PLAINTES DU PUBLIC CONTRE LA GRC
RAPPORT FINAL DU PRÉSIDENT

Plaignant :

Président de la Commission des plaintes du public contre la GRC

  No de dossier : PC-2005-0016

CONTEXTE

Le 3 janvier 2005, le gendarme Darcy Muth du détachement de la GRC à Norway House, au Manitoba, a arrêté M. Dennis St. Paul à son lieu de travail, en vertu d'un mandat d'arrêt décerné parce qu'il avait enfreint les conditions de sa libération. Voyant que M. St. Paul acceptait de coopérer, le gendarme Muth ne lui a pas passé les menottes. Mais M. St. Paul s'est enfui lorsque le gendarme Muth a voulu le faire monter à bord de l'auto-patrouille. Le gendarme Muth a donc demandé des renforts, après quoi il s'est lancé à la poursuite de M. St. Paul. L'ayant rattrapé, le gendarme Muth a tenté de lui passer les menottes, mais M. St. Paul s'est enfui de nouveau, dans un champ enneigé. Le gendarme Muth est retourné à sa voiture et a patrouillé les environs pour y retrouver M. St. Paul.

Le gendarme Muth a repéré M. St. Paul peu de temps après. Il s'est à nouveau lancé à sa poursuite et l'a rattrapé. Le gendarme Muth a aspergé M. St. Paul de gaz poivré, mais en vain. C'est alors que le gendarme Muth et M. St. Paul se sont débattus. Le policier s'est servi de son bâton télescopique pour frapper M. St. Paul à la cuisse, à la suite de quoi M. St. Paul a poussé le gendarme au sol et a arraché le bâton au policier pour frapper ce dernier à la tête. Craignant pour sa vie, le gendarme Muth a abattu M. St. Paul, qui a succombé à ses blessures. 

Le 6 janvier 2005, la présidente de la Commission des plaintes du public contre la GRC à l'époque, Mme Shirley Heafey, a déposé une plainte en vertu du paragraphe 45.37(1) de la Loi sur la GRC. Madame Heafey allègue essentiellement qu'un membre non identifié de la GRC, identifié par la suite comme étant le gendarme Muth, a abattu M. St. Paul et que ce geste, qui a causé la mort de M. St. Paul, n'était aucunement justifiable.

Selon la GRC, le gendarme Muth craignait pour sa vie; il était ainsi en droit de recourir à la force qu'il a employée.

Conformément au paragraphe 45.42(1) de la Loi sur la GRC, la Commission doit examiner toute plainte déposée en vertu du paragraphe 45.37(1) de la Loi.

L'examen de la preuve documentaire m'amène à conclure que le gendarme Muth avait raison de recourir à la force létale lorsqu'il a abattu M. St. Paul.

EXAMEN DE LA PLAINTE PAR LA COMMISSION

Il importe de mentionner que la Commission des plaintes du public contre la GRC est un organisme fédéral indépendant de la GRC. Quand elle enquête sur une plainte, la Commission  n'agit pas en qualité d'avocat du plaignant ni de membres de la GRC. Son rôle consiste plutôt à enquêter de façon indépendante et à tirer des conclusions à l'issue d'un examen objectif des renseignements dont elle dispose.

J'ai fondé ma conclusion sur un examen soigné des documents relatifs à l'enquête exhaustive que la GRC a menée sur la mort de M. St. Paul, du rapport d'enquête de la GRC sur la plainte du public; et des lois et de la politique de la GRC applicables. J'ai aussi examiné les documents relatifs à l'enquête administrative faite sur la première enquête, ainsi que le rapport d'enquête du médecin légiste daté du 19 juillet 2006.

ALLÉGATION : Le gendarme Darcy Muth a abattu M. Dennis St. Paul le 3 janvier 2005, et ce geste, qui a causé la mort de M. St. Paul, n'était aucunement justifiable.

Les faits

Le 9 juillet 2004, M. Dennis St. Paul fut libéré conditionnellement de l'établissement de Stony Mountain, au Manitoba, où il purgeait une peine de quatre ans et demi après avoir été condamné pour introduction par effraction et d'autres infractions de la sorte. Monsieur St. Paul avait de lourds antécédents judiciaires, des infractions contre les biens pour la plupart, telles que des vols et des introductions par effraction.

Monsieur St. Paul allait habiter à Norway House, au Manitoba, un village situé à environ 450 kilomètres au nord de Winnipeg qui compte près de 6 000 habitants, dont la majorité sont membres de la Première nation de Norway House. Monsieur St. Paul était lui-même un autochtone, d'une autre Première nation du Manitoba.

Monsieur St. Paul devait, entre autres choses, communiquer avec son agent de libération conditionnelle qui se trouvait à Thompson, au Manitoba, à environ 190 kilomètres de Norway House le 10 juillet 2004. Monsieur St. Paul devait également respecter la condition interdisant la consommation de substances intoxicantes. Monsieur St. Paul n'a pas communiqué avec son agent de libération conditionnelle et un mandat d'arrêt pour avoir enfreint les conditions de sa libération a été décerné. On a informé le détachement de la GRC à Norway House à la mi-juillet 2004 du fait que M. St. Paul avait été libéré de prison et qu'il habiterait Norway House. Toutefois, les policiers du détachement n'étaient pas au courant du mandat d'arrêt non exécuté. Le détachement de la GRC à Norway House a ouvert un dossier à l'époque en ce qui concerne la mise en liberté de M. St. Paul dans la collectivité de Norway House.

Le gendarme Darcy Muth, un autochtone lui aussi[1],  est entré en fonction à Norway House en septembre 2004. Le 3 septembre 2004, le caporal Stan Knight, commandant intérimaire du détachement de la GRC à Norway House, a assigné le dossier concernant M. St. Paul au gendarme Muth. Le 29 septembre 2004, le détachement de Norway House a reçu un fax indiquant qu'un mandat d'arrêt avait été décerné contre M. St. Paul et que celui-ci habitait probablement avec Mme Crystal Gunn à Norway House.

Le 22 octobre 2004, le gendarme Muth a confirmé que M. St. Paul n'avait pas encore communiqué avec son agent de libération conditionnelle et que le mandat d'arrêt était toujours valide. Le gendarme Muth a rencontré Mme Gunn chez elle, mais celle-ci lui a dit que M. St. Paul était absent. Monsieur St. Paul a appelé le gendarme Muth plus tard dans l'après-midi pour lui dire qu'il se rendrait lui-même à la police le lendemain, promesse qu'il n'a pas tenue.

Le gendarme Muth est retourné chez Mme Gunn le 26 octobre 2004. La mère de Mme Gunn lui a dit que Mme Gunn et M. St. Paul s'étaient rendus à Winnipeg pour y régler certains problèmes légaux. Le gendarme Muth a vérifié le statut du mandat le 26 octobre, le 10 novembre et le 31 décembre 2004. Il a parlé à Mme Gunn le 31 décembre, qui lui a dit que M. St. Paul faisait des allées et venues entre Winnipeg et Norway House et qu'il travaillait au « resto ».

Suivant la mort de M. St. Paul, Mme Gunn a confirmé que M. St. Paul était au courant du mandat d'arrêt décerné contre lui parce qu'il avait omis de communiquer avec son agent de libération conditionnelle. Aux dire de Mme Gunn, lorsque le gendarme Muth lui a parlé le 31 décembre, il l'a incité à convaincre M. St. Paul de se livrer à la police. D'après Mme Gunn, M. St. Paul n'était pas violent.

L'arrestation de M. St. Paul

Monsieur St. Paul travaillait au restaurant York Boat, près du centre récréatif Multi-Plex à Norway House. Le lundi 3 janvier 2005, vers 14 h 30, le gendarme Muth s'est présenté au restaurant sans rapport avec la présente affaire. Le gendarme affirme que bien qu'il avait entendu dire que M. St. Paul travaillait peut-être au restaurant, le gendarme ne s'y était pas rendu pour le rencontrer. Aux dires du gendarme, il ignorait quelles étaient les heures de travail de M. St. Paul, mais il avait l'intention de se renseigner afin de savoir s'il travaillait en effet au restaurant.

Le gendarme Muth atteste qu'il a examiné le casier judiciaire de M. St. Paul lorsqu'il a traité son dossier, mais il ne se rappelait pas les détails du document lorsqu'il s'est rendu au restaurant. Le gendarme affirme qu'il a vu M. St. Paul dans la cuisine du restaurant et, qu'après s'être acquitté de la tâche pour laquelle il s'était rendu au restaurant, il a poliment demandé à parler à M. St. Paul. Le gendarme s'est ensuite rendu à la cuisine. Le cuisiner lui a dit que M. St. Paul travaillait cette journée-là mais il ignorait où il était. C'est alors que M. St. Paul est rentré dans la cuisine et que le gendarme Muth lui a dit qu'un mandat d'arrêt avait été décerné contre lui et qu'il était en état d'arrestation. 

Selon le cuisinier, M. St. Paul a dit au gendarme qu'il avait déjà communiqué avec son agent de liberation conditionnelle. Le gendarme lui aurait répondu que son nom figurait toujours dans le système et qu'il devrait l'arrêter. Aux dires du cuisinier, le gendarme Muth aurait dit ce qui suit à M. St. Paul : [traduction] « tu peux passer un appel une fois au détachement et nous verrons ce qui se passera ensuite, mais pour l'instant, je t'arrête ».  Le gendarme déclare qu'il n'a pas informé M. St. Paul de ses droits à ce moment-là parce qu'il avait l'intention de l'en informer dans l'auto-patrouille.

Le gendarme Muth a demandé à M. St. Paul s'il allait lui causer des ennuis et s'il devait lui passer les menottes.  Selon le gendarme, l'homme a répondu : [traduction] « non, allons-y, finissons-en ». Le gendarme Muth a laissé M. St. Paul se servir du téléphone à la sortie du restaurant. Il a passé un appel chez lui, mais il n'y avait pas de réponse. Aux dires du gendarme, M. St. Paul lui avait d'abord demandé à voir ses enfants, mais il lui a répondu qu'ils devaient [traduction] « régler certaines choses en premier lieu » et qu'on « prendrait sans doute des dispositions plus tard ».

D'après les quatre autres employés qui travaillaient au restaurant lorsque M. St. Paul fut arrêté, M. St. Paul est sorti accompagné du gendarme Muth.  Rien n'indiquait que M. St. Paul était peu coopératif.  D'ailleurs, le gendarme Muth a déclaré que M. St. Paul était tout à fait coopératif et qu'il marchait normalement, et qu'il (le gendarme) n'avait aucune raison d'être sur le qui-vive.

Le gendarme Muth a accompagné M. St. Paul à l'auto-patrouille et il s'est servi d'une commande à distance pour déverrouiller les portières. Lorsque le gendarme a voulu ouvrir la portière, M. St. Paul s'est enfui. Le gendarme Muth lui a dit d'arrêter, à la suite de quoi il s'est lancé à sa poursuite. Il a communiqué avec le détachement de la GRC pour y prévenir les autres  policiers du déroulement de l'action. Le caporal Knight, qui était au détachement à ce moment-là, a décidé de se rendre sur les lieux pour aider le gendarme Muth.

Le gendarme a rejoint M. St. Paul non loin de l'auto-patrouille. Il l'a agrippé par les épaules et ils sont tous les deux tombés. Le gendarme Muth s'est retrouvé sur le dos de M. St. Paul, essayant de le maîtriser et de lui passer les menottes, et il lui a dit qu'il était en état d'arrestation. Monsieur St. Paul a réussi à repousser le gendarme et s'est relevé pour continuer sa course dans un champ enneigé. Le gendarme Muth a tenté de le suivre, mais il s'enfonçait dans la neige.

De retour à l'auto-patrouille, le gendarme Muth a appelé le détachement à nouveau pour dire que M. St. Paul s'était enfui une fois de plus et qu'il allait patrouiller les environs pour le retrouver. Le caporal Knight a décidé d'aller à la rencontre du gendarme Muth, à quelque cinq kilomètres du détachement. Le gendarme Muth a fait le tour du champ dans lequel M. St. Paul s'était enfui et s'est rendu au mail de Norway House, où il croyait que M. St. Paul s'était réfugié. Il a contourné le mail et un poste d'essence et c'est alors qu'il a aperçu M. St. Paul qui courait près du mail. Le gendarme a garé sa voiture tout près de l'arrière du mail et s'est lancé à la poursuite  de M. St. Paul dans un sentier de moto-neige. Il a averti le caporal Knight qu'il poursuivait M. St. Paul à pied.

Le gendarme Muth a rattrapé M. St. Paul et l'a enjoint de s'arrêter. Constatant que M. St. Paul l'ignorait, le gendarme Muth a aspergé M. St. Paul de gaz poivré dans le visage. Monsieur St. Paul a continué à courir sans qu'il ne ressente les effets du gaz poivré. Le gendarme Muth affirme qu'il a [traduction] « décidé de suivre M. St. Paul d'une certaine distance » et qu'il savait que « le caporal arriverait en auto-patrouille et il a précisé où il se trouvait ». Le gendarme Muth a continué à suivre M. St. Paul dans le sentier de moto-neige jusqu'à ce qu'ils atteignent un chemin. C'est alors que M. St. Paul s'est mis à fouiller ses poches.

Croyant que M. St. Paul allait brandir une arme, le gendarme Muth a dégainé son pistolet et a dit à M. St. Paul d'arrêter, de lui montrer ses mains et de s'étendre au sol. Selon le gendarme Muth, M. St. Paul s'est retourné et a répondu : [traduction] « vas-y, tire ». Le gendarme a rengainé son pistolet en constatant que M. St. Paul avait sorti des gants de sa poche.

Le gendarme Muth déclare qu'il a [traduction] « décidé de simplement suivre M. St. Paul étant donné que des renforts arriveraient bientôt ». Selon le gendarme Muth, M. St. Paul s'est arrêté, a fait volte-face et s'est dirigé vers lui. Le gendarme explique que bien qu'il suivait M. St. Paul de loin, ils se sont rencontrés au milieu d'une intersection en raison de la vitesse à laquelle il marchait et du fait que M. St. Paul avait rebroussé chemin pour aller le rencontrer.

Le gendarme Muth affirme qu'il a agrippé M. St. Paul par les épaules et lui a dit d'arrêter et de s'étendre au sol. Aux dires du gendarme, M. St. Paul lui a répondu qu'il aurait dû le laisser voir ses enfants. Le gendarme a tenté de retenir M. St. Paul jusqu'à ce que le caporal Knight arrive. Il indique que M. St. Paul [traduction] « a ramené son bras droit vers l'arrière, ce qui lui a donné l'impression que M. St. Paul allait le frapper ».

Le gendarme Muth a frappé M. St. Paul à l'aine, après quoi ce dernier a crié de douleur. Monsieur St. Paul s'est ensuite avancé, la tête baissée, vers le gendarme et lui a mordu la main droite. Le gendarme l'a frappé au visage de sa main gauche afin qu'il lâche prise. Monsieur St. Paul a alors essayé de frapper le gendarme à coup de pied. Ce dernier s'est poussé pour éviter le coup et a réussi à sortir le bâton télescopique de son étui.

Tout en retenant M. St. Paul avec sa main gauche, le gendarme Muth a allongé son bâton, [traduction] « en continuant d'ordonner à M. St. Paul de se coucher au sol ». Comme M. St. Paul se débattait toujours, le gendarme lui a donné un coup de bâton à la cuisse gauche à deux reprises. Il a tenté de le frapper une troisième fois, mais M. St. Paul a réussi à repousser le bras du gendarme et à faire dévier le coup. Le gendarme Muth explique que c'est alors que M. St. Paul lui a assené un coup et l'a fait tomber à reculons. Monsieur St. Paul s'est retrouvé sur le gendarme Muth en l'immobilisant à l'aide du bras du gendarme, après quoi M. St. Paul lui a enlevé son bâton. D'après le gendarme, il lui était impossible de tenir le bâton et d'empêcher du même coup que M. St. Paul le lui enlève.

Monsieur St. Paul l'a ensuite frappé au moins deux fois à la tête avec le bâton, l'un des coups étant assez dur sur sa tête. Le gendarme a été blessé sur le dessus et le côté droit de la tête et on a dû lui donner des points de suture. Il a également été blessé légèrement au dos du nez et à la main droite. Ses blessures, que la GRC a photographiées, ont été soignées par la suite.

Le gendarme Muth affirme qu'après le deuxième coup, il se rappelle que sa vision périphérique commençait à baisser, et il avait l'impression qu'il allait s'évanouir. Le gendarme indique qu'il craignait pour sa vie. Il se rappelle que M. St. Paul a prononcé des paroles selon lesquelles le gendarme aurait dû le laisser voir ses enfants et qu'il lui avait demandé comment il se sentait maintenant.

Plusieurs personnes ont été témoin de la poursuite et de la bagarre entre le gendarme Muth et le M. St. Paul. Ils indiquent d'ailleurs pour la plupart que M. St. Paul était sur le gendarme et qu'il le frappait à la tête avec le bâton. Un témoin qui a assisté à la scène de plus près affirme qu'il a entendu M. St. Paul dire : [traduction] « voilà comment on se sent ». Un autre témoin déclare que M. St. Paul a dit : [traduction] « tu veux voir l'effet que ça donne ». On a mentionné  que M. St. Paul était quelque peu plus corpulent que le gendarme Muth.

Le gendarme Muth, qui était toujours au sol, a brandi son pistolet et a tiré deux coups vers le haut, dans le torse de M. St. Paul. Celui-ci a reçu les coups à la poitrine et à l'abdomen, et il est tombé. Le gendarme s'est relevé et c'est alors que le caporal Knight est arrivé. Bien qu'on ait fait venir une ambulance, le caporal Knight a emmené M. St. Paul à l'hôpital sans tarder, à environ sept kilomètres du lieu de la fusillade. On a traité M. St. Paul à l'urgence, mais son décès a été constaté peu de temps après. D'après le rapport d'autopsie, M. St. Paul est mort d'une balle en pleine poitrine et d'un hémothorax instantané.

Analyse

La personne qui enfreint les conditions de la libération présente, de prime abord, un risque de fuite. Le gendarme Muth reconnaît franchement qu'il ne se souvenait pas des détails du casier judiciaire de M. St. Paul lorsqu'il s'est rendu au restaurant York Boat. S'il s'était rappelé les antécédents de M. St. Paul avant d'essayer d'arrêter ce dernier, il s'y serait peut-être pris différemment pour l'arrêter. Quoi qu'il en soit, le gendarme Muth a décidé d'arrêter lui-même M. St. Paul sans l'aide d'un autre policier et de ne pas lui passer les menottes. Malgré que le gendarme n'ait pas pris la meilleure décision qui soit, celle-ci n'allait pas à l'encontre de la politique de la GRC[2] et ne tenait pas compte du contexte global de la situation[3].

Lorsque M. St. Paul a pris la fuite, le gendarme Muth n'avait d'autre choix que de se lancer à sa poursuite. Il aurait manqué à son devoir s'il l'avait laissé s'enfuir tout bonnement. Quand il a parlé au caporal Knight, le gendarme Muth lui a relaté les circonstances de la situation. Le caporal Knight s'est dès lors empressé d'aller rejoindre le gendarme Muth. Lorsque M. St. Paul s'est enfui, le gendarme Muth s'est rendu compte qu'il aurait sans doute recours à la force pour de nouveau maîtriser M. St. Paul.

La GRC se sert du Modèle d'intervention pour la gestion des incidents (guide MIGI) pour former ses policiers en ce qui concerne le recours à la force, promouvoir l'évaluation du risque et illustrer diverses catégories de résistance ou de comportements et les bonnes méthodes d'intervention.  Selon le guide MIGI, la meilleure stratégie consiste à intervenir le moins possible pour gérer le risque, et la meilleure intervention est celle qui cause le moins de mal et de dommages.

Le guide encourage l'intervention verbale si possible pour maîtriser la situation afin de favoriser le professionnalisme, la politesse, et le respect à l'égard de la personne.  Le guide s'inspire du modèle de résolution de problèmes CAPRA[4] et oblige les policiers à considérer des facteurs conjoncturels tels que la taille des policiers et celle du suspect ainsi que le nombre de policiers présents et le nombre de suspects.

Le gendarme Muth a appliqué la règle du recours progressif à la force du guide MIGI, qui dicte le niveau de force convenant à chaque situation. Selon le guide MIGI, il faut d'abord intervenir verbalement et se mouvoir d'une position tactique vers une autre. À mesure qu'une personne modifie son comportement peu coopératif et qu'elle devient combative, le guide MIGI autorise des méthodes d'intervention plus prononcées, de la maîtrise à mains nues à l'emploi du gaz poivré à la maîtrise à mains fermées. L'emploi d'une arme à impact telle que le bâton télescopique est autorisé si la personne devient de plus en plus combative.

Le gendarme Muth a tenté d'intervenir verbalement à plusieurs reprises en ordonnant à M. St. Paul de s'arrêter et de se coucher au sol parce qu'il était en état d'arrestation. Le gendarme Muth a d'abord employé la technique de maîtrise à mains nues pour tenter de subjuguer M. St. Paul près du restaurant York Boat et lorsqu'ils se sont débattus plus tard sur la route. Le gendarme s'est servi du gaz poivré quand M. St. Paul a refusé de coopérer et qu'il résistait à l'arrestation.

Le gendarme Muth a brandi son pistolet lorsque M. St. Paul a mis la main dans sa poche car il croyait que l'homme allait peut-être y sortir une arme. Il a ensuite rengainé son pistolet en constatant que M. St. Paul n'avait sorti que des gants de sa poche. Le gendarme Muth a tenté de ne pas intervenir auprès de M. St. Paul et de garder ses distances jusqu'à ce que le caporal Knight arrive, mais M. St. Paul a fait volte-face et s'est dirigé vers le gendarme et c'est alors que les deux hommes se sont retrouvés face à face et qu'ils se sont bagarrés.

Croyant que M. St. Paul allait le frapper, le gendarme Muth l'a frappé à coups de pied, mais M. St. Paul l'a aussitôt mordu à la main. Le gendarme Muth a employé d'autres types de techniques de maîtrise à mains fermées, dont l'emploi du bâton télescopique, afin que l'homme lâche prise. Étant donné qu'il tenait toujours M. St. Paul d'une main, le gendarme a difficilement tenté de frapper M. St. Paul avec son bâton.

Le gendarme Muth a frappé M. St. Paul à la cuisse avec son bâton télescopique comme il se doit selon la formation donnée par la GRC. Monsieur St. Paul a cependant saisi le bâton et s'est mis à frapper sans arrêt le gendarme Muth.

Le gendarme affirme qu'il commençait à s'évanouir, ce qui correspond aux blessures qu'il a reçues, lesquelles ont été photographiées et documentées dans les rapports médicaux. Les propos du gendarme concordent aussi avec les témoignages des personnes qui ont assisté à la dernière bataille. Le gendarme déclare qu'il craignait pour sa vie, crainte tout à fait raisonnable étant donné les coups que M. St. Paul lui donnait.

C'est à ce moment que le gendarme Muth a employé la force létale et qu'il a tiré deux coups dans le torse de M. St. Paul, comme on le lui a appris lors de sa formation au tir. Étant donné que le gendarme Muth risquait de mourir ou de recevoir de graves blessures, l'emploi de la force létale était autorisé conformément au guide MIGI. Ce recours à la force létale est également conforme aux principes d'auto défense et de protection des personnes chargées de l'application et de l'exécution de la loi énoncés dans le Code criminel du Canada[5] étant donné que le gendarme Muth appréhendait M. St. Paul en toute légalité pour l'arrêter en vertu du mandat d'arrêt délivré contre M. St. Paul et que le gendarme Muth craignait pour sa vie et qu'il risquait de recevoir de graves blessures.

Il va sans dire que les circonstances entourant la mort de M. St. Paul sont tragiques, non seulement pour la famille du défunt mais aussi pour la collectivité et le gendarme Muth. En dépit de cet incident regrettable, la Commission doit examiner la preuve en toute objectivité afin de déterminer si le gendarme Muth a employé une force excessive en abattant M. St. Paul. Compte tenu de l'ensemble des circonstances, je suis convaincu que le gendarme Muth avait raison d'employer la force létale lorsqu'il a abattu M. St. Paul.

CONCLUSION :  Le gendarme Muth était en droit de recourir à la force létale en abattant M. St. Paul.

Je dépose mon rapport final conformément au paragraphe 45.42(2) de la Loi sur la GRC.

Le président,

 

___________________________
Paul E. Kennedy



[1] Selon le rapport du juge de la cour provinciale suivant l'enquête du médecin légiste daté du 19 juillet 2006.

[2] Il n'existe aucune politique quant à l'obligation pour un policier de recourir à de l'aide lorsqu'il doit arrêter un contrevenant violent ou une personne qui présente, de prime abord, un risque de fuite. La politique de la GRC prévoit que l'emploi des menottes est laissé à la discrétion du policier.

[3] Le mandat d'arrêt avait été décerné parce que M. St. Paul avait omis de communiquer avec son agent de libération conditionnelle et non parce qu'il avait consommé des substances intoxicantes, lequel geste aurait influencé le comportement de M. St. Paul; M. St. Paul vivait dans la collectivité et s'était trouvé un emploi même s'il savait que le gendarme Muth était à sa recherche et qu'il voulait l'arrêter; le gendarme Muth ne s'est pas rendu au restaurant pour arrêter M. St. Paul, il ignorait si M. St. Paul y travaillait; enfin, selon toute évidence, M. St. Paul était coopératif.

[4] L'acronyme CAPRA signifie Clients, Acquisition et analyse de renseignements, Partenariats, Réponses et Auto-évaluation.

[5] Voir les paragraphes 25(1), 25(3) et 34(2) du Code criminel.

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Date de création : 2006-09-14
Date de modification : 2006-09-14 

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