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RAPPORT DE RECHERCHE

Incidence des changements familiaux, de la situation d’emploi et du revenu des parents sur le bien-être économique des enfants : perspective longitudinale

Analyse de l’Enquête longitudinale nationale sur les enfants et les jeunes

Première phase d’un projet en trois phases réalisé à la demande du ministère de la Justice du Canada sur l’influence des transitions familiales opérées par les parents sur l’environnement familial et le bien-être économique des enfants : une évaluation longitudinale

2003-FCY-2F

Préparé par :
Heather Juby
Céline Le Bourdais
Nicole Marcil-Gratton

Centre interuniversitaire d'études démographiques
Institut national de la recherche scientifique
Université de Montréal

Présenté à la :
Section de la famille, des enfants et des adolescents
Ministère de la Justice du Canada

La recherche et l’analyse ont été faites à partir de données de Statistique Canada et les opinions exprimées ne représentent pas nécessairement celles du ministère de la Justice du Canada

Also available in English

Version PDFAide PDF

Le présent rapport peut être reproduit, en tout ou en partie, par quelque moyen que ce soit, sans frais et sans qu’il soit nécessaire d’en demander la permission au ministère de la Justice du Canada, pourvu que toutes les précautions raisonnables soient prises pour assurer l’exactitude de la matière reproduite, que le ministère de la Justice du Canada soit désigné comme source et que la reproduction ne soit pas présentée comme la version officielle du rapport d’origine.

©  Sa Majesté la Reine du chef du Canada
     représentée par le Ministre de la Justice et
     procureur général du Canada, 2003


TABLE DES MATIÈRES

LISTE DES TABLEAUX

LISTE DES FIGURES

RÉSUMÉ

1.  INTRODUCTION

2.  LES TRANSITIONS FAMILIALES, LA PARTICIPATION AU MARCHÉ DU TRAVAIL ET LES CHANGEMENTS DE REVENUS

3.  L’INFLUENCE DU REVENU ET DU PARTAGE DU TRAVAIL AVANT LA SÉPARATION SUR LES MODALITÉS DE GARDE ET LES ENTENTES CONCERNANT LA PENSION ALIMENTAIRE POUR ENFANTS

4.  ÉVOLUTION AU FIL DU TEMPS : MODALITÉS DE RÉSIDENCE, CONTACTS PÈRE/ENFANT ET PENSION ALIMENTAIRE

CONCLUSIONS

BIBLIOGRAPHIE

NOTES


Liste des tableaux

Tableau 1
Proportion des enfants vivant au moins une transition familiale entre la naissance et le cycle 2, selon leur âge lors de l’enquête et le type d’union des parents à leur naissance, ELNEJ 1996-1997

Tableau 2
Revenu des familles intactes et monoparentales et variation procentuelle pour les enfants dont les parents se sont séparés après le cycle 1 et qui vivaient avec un parent seul pendant le cycle 2, selon le sexe du parent seul, ELNEJ, 1994-1995 et 1996-1997

Tableau 3
Revenu familial moyen et hausse procentuelle pour les enfants dont les parents se sont séparés après le cycle 1 et qui vivaient avec leur mère lors du cycle 2, selon la participation des parents au marché du travail avant la séparation, ELNEJ, 1994-1995 et 1996-1997

Tableau 4
Revenu familial et hausse procentuelle pour les enfants vivant avec leur mère en 1994-1995, selon la situation conjugale de la mère en 1996-1997, ELNEJ

Tableau 5
Hausse procentuelle du revenu familial pour les enfants vivant avec leur mère en 1994-1995, selon le niveau de revenu en 1994-1995 et la situation conjugale de la mère en 1996-1997, ELNEJ

Tableau 6
Revenu familial et variation procentuelle pour les enfants vivant avec leur mère en 1994-1995, selon la situation d’emploi de celle-ci en 1994-1995 et sa situation conjugale en 1996-1997, ELNEJ

Tableau 7
Modalités de résidence pour les enfants dont les parents se sont séparés entre les cycles 1 et 2, selon la participation des parents au marché du travail avant la séparation, ELNEJ, 1994-1995 et 1996-1997

Tableau 8
Entente sur la pension alimentaire et paiements, pour les enfants dont les parents se sont séparés entre les cycles 1 et 2 et qui vivaient avec leur mère pendant le cycle 2, selon le revenu familial avant la séparation, ELNEJ, 1994-1995 et 1996‑1997

Tableau 9
Contacts avec le père en 1994-1995 et 1996-1997 parmi les enfants de familles séparées qui vivaient avec leur mère en 1994-1995, ELNEJ

Tableau 10
Répartition des enfants qui vivaient avec leur mère, selon qu’il y avait ou non entente sur la pension alimentaire et selon la régularité des versements en 1994‑1995 et 1996-1997, ELNEJ


Liste des figures

Figure 1
Catégories de revenus des ménages, par type de familles, ELNEJ 1994-1995

Figure 2
Ratio entre le revenu familial et le seuil de faible revenu, par type de familles, ELNEJ 1994-1995

Figure 3
Participation au marché du travail des parents d’enfants vivant dans des familles biparentales, ELNEJ 1994-1995

Figure 4
Participation au marché du travail des parents d’enfants vivant dans des familles monoparentales, selon le sexe des parents, ELNEJ 1994-1995

Figure 5
Catégories de revenus des ménages pour les enfants vivant dans des familles biparentales, selon la participation des parents au marché du travail, ELNEJ 1994‑1995

Figure 6
Catégories de revenus des ménages pour les enfants vivant dans des familles monoparentales, selon le sexe des parents et leur situation d’emploi, ELNEJ, 1994‑1995

Figure 7
Type et fréquence des contacts avec le père en 1996-1997 pour les enfants dont les parents se sont séparés entre les cycles 1 et 2, ELNEJ

Figure 8
Modalités de résidence, pendant le cycle 2, pour les enfants dont les parents se sont séparés entre les cycles 1 et 2, selon le revenu du ménage avant la séparation, ELNEJ, 1994-1995 et 1996-1997

Figure 9
Fréquence des contacts, avec leur père non-gardien, des enfants qui vivaient avec leur mère pendant le cycle 2 et dont les parents se sont séparés entre les cycles 1 et 2, selon le revenu du ménage avant la séparation, ELNEJ, 1994-1995 et 1996-1997

Figure 10
Modalités de pension alimentaire, en 1996-1997, pour les enfants dont les parents se sont séparés entre les cycles 1 et 2, selon le revenu du ménage avant la séparation, ELNEJ, 1994-1995 et 1996-1997

Figure 11
Répartition des enfants dont les parents étaient séparés avant le cycle 1, selon les modalités de résidence et la fréquence des contacts avec le père, ELNEJ, 1994-1995 et 1996-1997

Figure 12
Répartition des enfants dont les parents étaient séparés avant le cycle 1, selon qu’il y avait ou non entente sur la pension alimentaire et, le cas échéant, selon la régularité des paiements de pension, ELNEJ, 1994-1995 et 1996-1997


RÉSUMÉ

Ce rapport a été commandé par la Section de la famille, des enfants et des adolescents du ministère de la Justice du Canada et vise à poursuivre l’analyse des données tirées de l’Enquête longitudinale nationale sur les enfants et les jeunes (ELNEJ). Il se fonde sur les données recueillies au sujet d’environ 15 000 enfants, âgés de 2 à 13 ans au moment du deuxième cycle (1996-1997), qui avaient fait partie du premier cycle de l’ELNEJ (1994-1995). Il s’agit, au Canada, de l’une des principales sources de données servant à étudier le développement et les caractéristiques des enfants canadiens et de leurs familles.

L’existence de ces deux cycles de données permet d’étudier les cas de familles qui ont subi des ruptures entre 1994-1995 et 1996-1997. Pour la première fois, cela permet d’analyser la situation de ces familles « avant » et « après » les transitions subies, telles la séparation des parents ou la recomposition, ce qui jette un nouvel éclairage sur les liens entre les changements dans les familles, le revenu et la participation au marché du travail. Cela permet également d’étudier la façon dont la garde (physique), les contacts père/enfant et le paiement de la pension alimentaire changent avec le temps dans les cas où les parents étaient déjà séparés lors du cycle 1.

Principaux résultats

Types de familles et situations d’emploi et de revenu

Dans les familles biparentales, 95 % des enfants de la naissance à 11 ans, en 1994-1995, bénéficiaient du revenu de travail à temps plein d’au moins un parent. Selon la situation la plus courante, partagée par 43 % des enfants, les deux parents avaient un emploi à temps plein. Un peu plus du quart des enfants (27 %) avaient un parent travaillant à temps plein et l’autre à temps partiel. La même proportion (25 %) avaient un parent à la maison et l’autre travaillant à temps plein.

Dans les familles monoparentales, un peu plus de 40 % des enfants vivaient avec un parent ayant un revenu d’emploi à temps plein. Soixante-dix-huit pour cent des pères seuls et trente-neuf pour cent des mères seules travaillaient à temps plein.

Séparation des parents

Les mères qui avaient un emploi à temps plein avant la séparation ont une meilleure situation financière après la séparation que celles qui n’en avaient pas. Leur revenu annuel moyen de près de 32 000 $ est considérablement plus élevé que celui des autres mères seules (revenu moyen de 20 000 $) au cours du cycle 2.

Engagement de mères seules dans une union conjugale

Le revenu moyen des mères seules a augmenté entre les cycles 1 et 2, qu’elles se soient ou non engagées dans une union conjugale, et plus le revenu était faible en 1994-1995, plus grande était l’augmentation deux ans plus tard.

Caractéristiques de la famille biparentale avant la séparation et modalités de garde à la séparation des parents

Plus le revenu familial est élevé avant la séparation, plus les enfants sont susceptibles de vivre sous la garde de leur père ou en régime de garde partagée après la séparation. Le revenu semble jouer un rôle plus direct dans les cas de garde partagée que si les pères ont la garde dite traditionnelle, ce qui est prévisible étant donné le besoin d’avoir deux domiciles familiaux dans les cas de garde partagée.

Les parents qui se séparent et qui sont tous deux sur le marché du travail choisissent plus souvent la garde partagée. Environ 20 % des enfants vivant dans des familles ayant deux revenus alternaient d’un domicile parental à l’autre après la séparation de leurs parents, comparativement à moins de 6 % des enfants vivant dans des familles dont un seul parent avait un emploi ou dont aucun n’avait d’emploi.

Les enfants des familles dont un seul parent travaille sont plus susceptibles que les autres d’être sous la garde de leur père après une séparation. Un sur cinq (20 %) d’entre eux demeurait avec son père à la séparation de ses parents, comparativement à moins de 8 % des enfants dont les deux parents travaillaient ou dont aucun des parents ne travaillait.

Les chances sont très élevées (89 %) que les enfants aillent vivre avec leur mère après une séparation si aucun parent ne travaille à temps plein.

Caractéristiques familiales et pensions alimentaires pour enfants

Les ententes concernant les pensions alimentaires sont plus courantes dans les familles dont les revenus sont plus élevés et le paiement des pensions est aussi plus fiable. Dans les cas où il y avait une entente sur la pension, les paiements étaient faits régulièrement pour la majorité des enfants des familles aux revenus les plus élevés (55 %), ce qui n’était le cas que pour le tiers des enfants des familles ayant les revenus les moins élevés (31 %).

Changements dans les modalités de résidence et les contacts père/enfant dans le temps

Les modalités de résidence pour les enfants dont le père avait la garde sont très durables. Bien que relativement peu nombreux (7 % des enfants en 1994-1995), presque tous les enfants vivant avec leur père en 1994-1995 étaient encore avec lui deux ans plus tard.

Les modalités de résidence des enfants dont la mère avait la garde étaient stables elles aussi, mais la fréquence des contacts avec le père variait avec le temps. Deux enfants sur les cinq qui avaient certains contacts avec leur père au début de la période ne passaient pas autant de temps avec lui à la fin de cette période.

Les modalités associées à la résidence partagée semblent plus souples. Pour neuf des dix enfants qui avaient deux résidences pendant le cycle 1, les modalités de résidence étaient différentes deux ans plus tard. Plus de deux enfants sur cinq (41 %) vivaient avec leur père et la moitié (50 %), avec leur mère; chez ces derniers, presque tous avaient des contacts réguliers avec leur père.

L’absence de contacts père/enfant n’est pas nécessairement permanente. Plus d’un enfant sur cinq qui n’avait aucun contact avec son père en 1994-1995 en avait certains (généralement « irréguliers ») en 1996-1997.

Changements dans les pensions alimentaires avec le temps

L’absence de pension alimentaire pour enfants n’est pas nécessairement permanente. Plus du quart des enfants pour lesquels aucune pension n’a été versée pendant au moins six mois en 1994-1995 avaient reçu un certain soutien financier au cours des deux années suivantes. Presque la moitié de ces paiements étaient faits régulièrement en 1996-1997.

L’absence de pension alimentaire pour enfants n’est pas nécessairement permanente, mais les chances de parvenir à une entente plus tard sont relativement faibles. Les deux tiers des enfants (65 %) pour lesquels aucune entente n’existait en 1994-1995 étaient dans la même situation deux ans plus tard. Parmi ceux pour lesquels une entente avait été conclue au cours de ces années, moins de la moitié recevaient des paiements réguliers en 1996-1997.

Répercussions

Les études sur les familles qui se fragmentent mettent d’ordinaire l’accent sur les ententes ainsi que sur les conditions, le fonctionnement et le respect de celles-ci. L’ELNEJ permet d’examiner les différentes caractéristiques des familles avant la séparation afin de voir s’il existe une relation entre les choix et ententes survenus après la séparation.

Plus précisément, les possibilités de revenu, les choix de travail et les situations d’emploi existant avant la séparation permettent-ils de prédire ce qui se passera après celle-ci? C’est en comprenant comment les familles canadiennes vivent et s’organisent en fonction de leur revenu et de leurs choix en matière d’emploi que les décideurs peuvent instaurer des programmes et services et faire des réformes législatives en tenant compte de ces incidences. D’autres cycles de données permettraient de répondre à d’autres questions, par exemple : Comment et dans quelles circonstances les ententes familiales évoluent-elles? À quel point les résultats sont-ils stables ou changeants? Qu’impliquent habituellement les changements et à quelle fréquence surviennent-ils? Il est primordial de poursuivre la recherche dans ce domaine et, pour ce faire, les données recueillies par l’ELNEJ sont essentielles.


1.  INTRODUCTION

Ce rapport fait suite à une analyse des données sur la garde des enfants, le droit de visite et les pensions alimentaires pour enfants qui avaient été recueillies lors du cycle 1 de l’Enquête longitudinale nationale sur les enfants et les jeunes (ELNEJ) réalisé en 1994-1995 (Marcil-Gratton et Le Bourdais, 1999). L’ELNEJ est une enquête à échantillon constant réalisée en partenariat par Développement des ressources humaines Canada et Statistique Canada. Plus de 22 000 enfants âgés de 0 à 11 ans ont d’abord fait l’objet de l’enquête au cours de l’hiver de 1994‑1995; toutefois, à cause de contraintes financières, tous ces enfants n’ont pu être retenus dans l’échantillon du deuxième cycle[1]. La présente étude a été réalisée à partir des données portant sur environ 15 000 enfants présents dans les deux cycles et âgés de 2 à 13 ans lors de l’enquête de 1996-1997. L’ELNEJ couvre de nombreux sujets, mais la présente étude porte essentiellement sur les données de la section de l’enquête traitant des antécédents familiaux et de ceux en matière de garde. Cette section fournit une rétrospective complète de l’histoire parentale et conjugale pour chacun des parents biologiques des enfants jusqu’au moment de l’enquête. Dans le cas des enfants dont les parents se sont séparés ou n’ont jamais vécu ensemble, des données additionnelles sont fournies au sujet des modalités de garde, des contacts avec le parent non-gardien ainsi que de la constance des versements de la pension, tant lors de la séparation qu’au moment de l’enquête.

Une analyse des questions rétrospectives sur l’histoire familiale et sur les modalités de garde pendant le cycle 1 a révélé la complexité du cours de la vie familiale des enfants canadiens nés vers la fin du XXe siècle (Marcil-Gratton et Le Bourdais, 1999). Les séparations parentales étant plus courantes et survenant plus tôt dans la vie des enfants, le milieu familial s’est élargi du fait que les parents ont décidé d’aller « chacun de son côté » — de se remarier ou de former une union de fait avec un nouveau partenaire et d’avoir des enfants au sein de cette nouvelle union, ajoutant ainsi beaux-parents, sœurs ou frères par alliance, demi-sœurs ou demi-frères aux réseaux familiaux de leurs enfants. Chaque changement dans le cours de la vie parentale entraîne une « transition familiale » dans celui des enfants. Pendant le cycle 2 de l’enquête (1996-1997), lorsque ces enfants avaient de 2 à 13 ans (et, en moyenne, tout juste plus de huit ans), près du quart d’entre eux avaient connu au moins une transition dans leur milieu familial. Cette proportion varie selon l’âge des enfants au moment de l’enquête (voir le tableau 1) et oscille entre 14 %, à l’âge de 2 à 3 ans, et près de 30 % chez les enfants au seuil de l’adolescence.

La probabilité de vivre un changement familial dépend aussi du fait que l’enfant est né ou non dans le cadre d’une union conjugale, ainsi que du type d’union. La majorité des enfants (93 %) sont nés dans le cadre d’une union conjugale, de parents mariés ou cohabitant; pour eux, la séparation des parents est la première transition familiale. Cette expérience est beaucoup plus courante pour les enfants nés dans le cadre d’une union de fait (44 %) que d’un mariage, surtout si le mariage n’a pas été précédé d’une période de cohabitation (12 %). Parmi la minorité (7 %) des enfants nés hors d’une union conjugale, plus des trois quarts (76 %) avaient connu au moins une transition familiale. Toutefois, cette proportion plus élevée est essentiellement due à la nature de la première transition. Nés de parent « séparés » au départ, la première transition implique la formation d’une union au lieu d’une séparation, leur mère ou leur père s’engageant dans une union, soit l’un avec l’autre, soit avec un nouveau partenaire.

Tableau 1
Proportion des enfants vivant au moins une transition familiale entre la naissance et le cycle 2, selon leur âge lors de l’enquête et le type d’union des parents à leur naissance, ELNEJ 1996-1997

 

a) Groupes d’âges lors du cycle 2

 

De 2 à 3 ans

De 4 à 5 ans

De 6 à 7 ans

De 8 à 9 ans

De 10 à 11 ans

De 12 à 13 ans

Total

Pourcentage des enfants ayant vécu au moins une transition familiale avant 1996-1997

14,2

20,9

25,6

26,6

26,6

29,2

23,9

 

b) Type d’union des parents à la naissance de l’enfant

 

Mariage non précédé d’une cohabitation

Mariage précédé d’une cohabitation

Cohabitation

Pas d’union

Total

Pourcentage des enfants ayant vécu au moins une transition familiale avant 1996-1997

12,3

19,9

43,6

75,7

23,9

Les transitions que les parents opèrent en quittant ou formant une union conjugale se traduisent généralement dans la vie de leurs enfants par un mouvement d’un type de famille à un autre, par exemple d’une famille biparentale à une monoparentale ou encore d’une famille monoparentale à une recomposée. Ces types de transitions constituent la base des analyses de ce rapport. La mobilité des familles n’est toutefois que l’un des processus affectant les enfants. Les familles sont dans un état de mouvement constant à plusieurs niveaux. Sur le plan économique, par exemple, le revenu familial augmente ou diminue en fonction des mises à pied ou des promotions, ou lorsque les mères entrent ou retournent sur le marché du travail. Toutefois, même si les changements dans le revenu ou l’emploi peuvent se faire indépendamment des changements familiaux, les transitions familiales surviennent rarement sans provoquer d’importants changements sur ces deux plans. Dans une société où la discontinuité est de plus en plus courante, tant sur le marché du travail que dans la famille, il est important d’explorer les liens entre les diverses facettes du milieu des enfants. Avec les seules données tirées du cycle 1, les transitions familiales ne pouvaient être liées à des changements dans d’autres secteurs parce que les données les plus pertinentes sur le plan socio-économique et sur celui du développement des enfants correspondaient uniquement à la situation existant au moment de l’enquête. L’addition de l’information recueillie sur ces mêmes enfants deux ans plus tard, pendant le cycle 2 de l’enquête (1996-1997), a éliminé nombre de ces limites et permis l’approche longitudinale utilisée dans la plus grande partie de la présente recherche.

Ce rapport comporte trois sections principales, comportant toutes des données « avant » et « après » (tirées des cycles 1 et 2) qui jettent un nouvel éclairage sur des questions précises.

  • La première section met l’accent sur les liens entre le type de famille, le revenu et la façon dont l’activité rémunérée est partagée par les parents dans la famille. Elle s’intéresse en particulier à l’influence de la séparation et de la recomposition d’une famille sur le niveau de revenu familial et en examine les liens avec la participation des parents au marché du travail.
  • La deuxième section aborde la question de l’organisation de la prise en charge physique et du soutien économique des enfants par les parents lorsqu’ils se séparent. Pour la première fois, il est possible d’explorer la façon dont les caractéristiques familiales « pré-rupture », comme le niveau de revenu et la participation au marché du travail, influencent les décisions des parents sur les modalités de garde et la pension alimentaire pour enfants lorsqu’ils se séparent.
  • La troisième section s’intéresse à la nature changeante de la garde, du contact et de la pension alimentaire dans le temps. Elle examine la façon dont les modalités de résidence et les contacts père/enfant d’une part, et les ententes sur la pension alimentaire pour les enfants et les paiements, d’autre part, ont évolué au cours de la période de deux ans entre les cycles 1 et 2, pour les enfants dont les parents étaient déjà séparés lors du cycle 1.


2.  LES TRANSITIONS FAMILIALES, LA PARTICIPATION AU MARCHÉ DU TRAVAIL ET LES CHANGEMENTS DE REVENUS

Les écrits abondent au sujet de l’importance cruciale du revenu pour le bien-être des enfants et la recherche montre que certains effets négatifs associés à la séparation et au divorce découlent, en fait, de la baisse de revenu qui les accompagne généralement (Amato, 2000; Duncan et Brooks-Gunn, 1997; McLanahan, 1990). Lorsqu’un couple se sépare, les ressources autrefois nécessaires au soutien d’un ménage doivent dorénavant en faire vivre deux et, même si elles sont réparties équitablement entre les membres de la famille, chaque individu s’en trouve forcément moins bien nanti. La majorité des parents se voient forcés d’abaisser leur niveau de vie, parfois sensiblement, et différentes stratégies peuvent être adoptées pour faire face à cette situation. Certains parents séparés tentent de réduire le coût du logement, du moins temporairement, en vivant dans un ménage soutenu par quelqu’un d’autre (souvent leurs parents), tandis que d’autres tentent d’augmenter les ressources disponibles en occupant un emploi salarié ou en augmentant leurs heures de travail.

Cela nous amène à la deuxième influence importante que les transitions familiales exercent sur le revenu. Au Canada, au cours des trois dernières décennies, les familles ont maintenu leur niveau de vie principalement grâce à la participation accrue des mères au marché du travail. Les familles comptant deux membres au travail sont devenues la norme. En d’autres mots, le niveau de vie dont jouit la famille est étroitement lié au nombre d’adultes qui peuvent avoir un revenu — soit, généralement, le nombre de parents que compte un ménage. La séparation réduit ce nombre et la recomposition d’une famille l’augmente. Le fait d’avoir deux soutiens économiques potentiels permet aussi un plus grand choix dans les stratégies d’emploi élaborées par les parents pour faire l’équilibre entre la nécessité de gagner un revenu et les autres exigences de la vie familiale; un parent peut se concentrer sur le soutien économique, tandis que l’autre s’occupe des enfants, par exemple, ou encore les deux parents peuvent choisir de travailler à temps plein et d’utiliser le revenu excédentaire pour payer les services de garde.

La première partie de ce rapport met l’accent sur l’influence directe des transitions familiales sur les niveaux de revenu et les régimes de travail. La section commence par une mise en situation, au moyen des données transversales du cycle 1 afin de comparer les différents types de familles (intactes, recomposées et monoparentales) en fonction des deux principales variables de cette partie de l’analyse : le revenu et les stratégies d’emploi. Elle se poursuit par une analyse longitudinale de la façon dont le revenu et le travail sont affectés par deux types précis de transitions familiales qui ont eu lieu entre les deux cycles de l’enquête.

  • De la famille intacte à la famille monoparentale. À partir de l’échantillon d’enfants dont les parents se sont séparés entre les cycles 1 et 2, nous avons étudié le revenu familial avant et après la séparation des parents et exploré comment cela a influé sur la participation au marché du travail des mères qui se sont retrouvées sans conjoint au cours de cette période.
  • De la famille dirigée par une mère seule à la famille recomposée. À partir de l’échantillon d’enfants vivant avec une mère seule en 1994-1995, nous avons étudié jusqu’à quel point la formation d’une union conjugale a modifié le niveau du revenu familial comparativement au maintien d’une famille monoparentale. À cause du petit nombre des familles dirigées par un père seul, celles-ci n’ont pas fait l’objet d’une analyse semblable.

2.1  Mise en situation

Types de familles et revenus

Au moment du cycle 1 de l’enquête en 1994-1995, les enfants vivaient dans différents types de familles (intactes, recomposées, avec un père seul ou une mère seule) qui étaient étroitement associés aux ressources financières disponibles pour leur éducation. La figure 1 présente une comparaison des niveaux de revenu des familles dans ces quatre types de familles pour six catégories de revenus annuels : de moins de 20 000 $ à plus de 80 000 $[2]. Elle montre clairement l’écart de revenu entre les familles biparentales et monoparentales ainsi qu’entre les familles dirigées par un père seul ou une mère seule[3].

Quelques éléments peuvent être dégagés de cette figure.

  • Les familles intactes et les familles recomposées ont des niveaux de revenu similaires, bien que le revenu des premières soit légèrement supérieur. Une proportion plus faible d’enfants de familles intactes se classent au plus bas échelon de revenu (moins de 30 000 $) et une plus grande proportion, à l’échelon de revenu le plus élevé.
  • Les familles biparentales sont considérablement plus riches que les monoparentales, même si elles sont dirigées par un père seul. Moins d’un enfant sur huit (4 % et 7 %) vivant avec leur mère et moins du tiers (9 % et 23 %) de ceux vivant avec leur père faisaient partie de ménages ayant un revenu annuel supérieur à 40 000 $ (ce qui est le cas de plus des deux tiers des enfants de familles biparentales).
  • Bien que les pères seuls soient, en moyenne, en bien meilleure situation financière que les mères seules, nombreux sont ceux qui soutiennent leur famille avec un revenu très faible. Plus du quart des enfants (26 %) vivant avec leur père sont élevés avec un revenu annuel de moins de 20 000 $.
  • La majorité des mères seules élèvent leurs enfants avec un budget très limité. Pour trois enfants sur cinq vivant dans une famille dirigée par une mère seule (61 %), le revenu familial annuel était de moins de 20 000 $ et, pour près de quatre sur cinq d’entre eux, de moins de 30 000 $.

Sous le seuil de faible revenu

Même s’ils fournissent une information précieuse, les niveaux de revenu ne sont pas toujours le meilleur indicateur du niveau de vie, car ils ne tiennent pas compte du nombre de personnes devant vivre de ce revenu. Le ratio de faible revenu, en revanche, est une évaluation du rapport du revenu d’une famille au seuil de faible revenu, mesure qui est établie à partir de divers indicateurs, dont la taille de la famille. Un ratio de 0,75, par exemple, signifie que le revenu du ménage est de 25 % inférieur au seuil de faible revenu estimé pour une famille ayant certaines caractéristiques (comme le nombre d’adultes et d’enfants). La figure 1 donne le ratio de faible revenu pour chacun des quatre types de familles.

Les deux catégories du bas représentent la proportion des familles ayant un revenu inférieur au seuil de faible revenu. La figure confirme l’impression générale donnée par les niveaux de revenu de la figure 1 et indiquant que les familles biparentales se trouvent moins souvent sous le seuil de faible revenu que les familles monoparentales et les pères seuls, moins souvent que les mères seules. La différence entre les types de familles est clairement illustrée dans les cas de revenu inférieur de plus de 25 % au seuil de faible revenu; tandis que seulement 1 enfant sur 12 (8 %) de familles intactes vivent de ces budgets très limités, plus de la moitié (53 %) des enfants de familles monoparentales dirigées par une mère se retrouvent dans ce cas. En réalité, moins de 30 % des enfants vivant dans une famille dirigée par une mère seule ne sont pas dans une famille « à faible revenu ». Les proportions sont inversées dans le cas des enfants vivant dans une famille dirigée par un père seul : près de 70 % se trouvent au-dessus du seuil de faible revenu et légèrement plus de 30 %, au-dessous.

Figure 1
Catégories de revenus des ménages, par type de familles, ELNEJ 1994-1995

(Cliquer pour voir Figure 1)

Figure 2
Ratio entre le revenu familial et le seuil de faible revenu, par type de familles, ELNEJ 1994-1995

(Cliquer pour voir Figure 2)

Modèles d’activité rémunérée

Deux facteurs liés au travail expliquent en grande partie l’écart de revenu entre les familles biparentales et monoparentales ainsi qu’entre les familles dirigées par un père seul ou par une mère seule. Ces deux facteurs sont le nombre de salariés potentiels dans une famille et celui des heures travaillées. Les couples ont plus de latitude que les parents seuls pour équilibrer leur vie professionnelle et familiale, étant donné qu’un seul parent ou les deux peuvent avoir un emploi à temps plein ou à temps partiel. Les différentes modalités adoptées par les parents des familles biparentales sont présentés à la figure 3.

  • Le travail à temps plein des deux parents est la situation la plus courante, soit celle de 43 % des enfants.
  • Un peu plus du quart des enfants (27 %) ont un parent qui travaille à temps plein et l’autre, à temps partiel.
  • Un autre quart ont un parent à la maison tandis que l’autre est sur le marché du travail à temps plein.

Figure 3
Participation au marché du travail des parents d’enfants vivant dans des familles biparentales, ELNEJ 1994-1995

(Cliquer pour voir Figure 3)

Dans l’ensemble, 95 % des enfants de familles biparentales bénéficient du revenu d’emploi à temps plein d’au moins un parent, situation qui diffère beaucoup de celle des familles monoparentales (figure 4). Un peu plus de 40 % des enfants de familles monoparentales (78 % des familles dirigées par un père seul et 39 % de celles dirigées par une mère seule) peuvent compter sur un revenu d’emploi à temps plein, donnée qui est encore plus troublante si l’on sait que la grande majorité des enfants vivent dans une famille monoparentale dirigée par leur mère. En revanche, avoir un parent à la maison est plus courant, particulièrement chez les enfants de familles dirigées par une mère seule (43 %); en fait, ces enfants vivent dans la situation la plus « traditionnelle » en ce sens qu’ils sont plus susceptibles que les autres enfants d’avoir leur mère à la maison.

Le nombre d’employés salariés et celui des heures travaillées sont étroitement liés au niveau du revenu familial, comme le montrent les figures 5 et 6 pour les familles biparentales et les familles monoparentales, respectivement. Le modèle général qui émerge de ces données est prévisible : plus les parents consacrent de temps à un emploi salarié, plus leur revenu familial est élevé. Toutefois, un regard plus attentif sur ces données permet de mettre en relief trois caractéristiques importantes des relations entre l’organisation du travail et le revenu.

Figure 4
Participation au marché du travail des parents d’enfants vivant dans des familles monoparentales, selon le sexe des parents, ELNEJ 1994-1995

(Cliquer pour voir Figure 4)

Premièrement, il existe une grande disparité de revenus, quel que soit le modèle d’emploi. Prenons par exemple la situation de deux parents travaillant à temps plein. Vu le nombre d’heures passées à travailler, leur principal défi est de « trouver du temps » pour répondre aux besoins de la vie familiale. Le revenu familial avec lequel sont élevés plus du quart des enfants appartenant à des familles biparentales dépassait 80 000 $ en 1994-1995; ces parents pouvaient probablement compenser jusqu’à un certain point les heures passées au travail par l’achat de services allégeant les tâches domestiques. Toutefois, même si les chances d’être financièrement à l’aise sont plus grandes pour une famille comptant deux parents salariés, cela n’est pas une garantie. Les parents de 16 % des enfants vivant dans des familles à double revenu gagnaient moins de 40 000 $ à eux deux; si le revenu permet à peine de couvrir les dépenses de base, on ne peut envisager d’acheter des services.

Deuxièmement, un revenu d’emploi à temps plein n’a pas une « valeur » équivalente pour tous les types de familles, ce qui témoigne de différences dans la capacité de gagner un revenu. Dans plus de la moitié des situations (33 % et 13 % et 7 %), les familles biparentales dans lesquelles un seul conjoint a un emploi peuvent compter sur un revenu de 40 000 $ ou plus par année; dans les familles monoparentales, ce pourcentage baisse à 39 % et, dans les cas où la mère dirige le ménage, à 27 %. À l’autre extrême, 9 % les familles biparentales dans lesquelles un seul conjoint a un emploi et 12 % (7 % et 5 %) des pères qui ont un emploi gagnent moins de20 000 $ par année, comparativement à 31 % des mères seules. En d’autres mots, non seulement les pères seuls sont deux fois plus nombreux que les mères seules à avoir un emploi à temps plein, mais ils sont aussi mieux rémunérés, deux facteurs auxquels est attribuable le large écart entre les revenus des pères seuls et des mères seules.

Figure 5
Catégories de revenus des ménages pour les enfants vivant dans des familles biparentales, selon la participation des parents au marché du travail, ELNEJ 1994-1995

(Cliquer pour voir Figure 5)

Figure 6
Catégories de revenus des ménages pour les enfants vivant dans des familles monoparentales, selon le sexe des parents et leur situation d’emploi, ELNEJ, 1994-1995

(Cliquer pour voir Figure 6)

Troisièmement, à l’autre bout de l’échelle, sauf pour quelques familles « indépendantes financièrement », avoir deux parents sans emploi signifie que la famille doit vivre avec un budget très serré. Près de 60 % de ces enfants sont élevés avec un revenu annuel de moins de 20 000 $, proportion qui est presque identique à celle des enfants vivant avec une mère sans emploi (57 %) ayant un revenu inférieur à 15 000 $. L’adulte de plus signifie que le budget d’une famille biparentale dont les parents ne travaillent pas est aussi limité que celui des familles dirigées par une mère seule sans emploi. En revanche, la présence de deux adultes dans une famille augmente les chances qu’au moins un des parents ait un emploi à un moment donné : seulement 3 % des enfants vivant dans des familles biparentales sont dans cette situation, comparativement à 45 % des enfants vivant dans des familles dirigées par une mère seule. Étant donné que seulement un père seul sur cinq n’a pas d’emploi à temps plein, les données sont trop maigres pour inclure ce groupe dans la figure 6. Elles donnent néanmoins à penser que le niveau de pauvreté de ces pères surpasse même celui des mères seules sans emploi.

Évidemment, les modèles d’emploi et le revenu sont loin d’être statiques et changent par suite de nombreux facteurs, comme les forces du marché, les possibilités de s’instruire et les choix personnels. Ils peuvent aussi se modifier par suite de transitions familiales. Dans la prochaine section, nous verrons quels sont les effets d’une séparation et de la recomposition d’une famille sur le revenu et l’emploi, dans une perspective longitudinale.

2.2  De la famille biparentale à la famille monoparentale

Les données tirées des cycles consécutifs de l’ELNEJ permettent pour la première fois d’évaluer directement la baisse du revenu familial qui accompagne la transition d’une famille intacte à une famille monoparentale. L’information recueillie sur le revenu familial, tant avant la séparation (au moment du cycle 1) qu’après (au moment du cycle 2), était disponible pour environ 500 enfants dont les parents biologiques se sont séparés entre les deux enquêtes. Parmi ces enfants, seuls ceux qui vivaient avec un parent seul en 1996-1997 ont été inclus dans cette analyse. Les enfants en garde partagée ont été traités comme membres de la famille du parent qui a répondu au sondage de 1996-1997, étant donné que l’information sur le revenu familial n’a pas été recueillie pour l’autre parent[4]. Les enfants ont d’abord été classés en quatre groupes, selon le niveau du revenu familial avant la séparation en 1994-1995 et selon qu’ils vivaient avec leur mère ou leur père deux ans plus tard. Pour chacun de ces sous-groupes, le revenu familial annuel moyen, avant et après la séparation, et la variation procentuelle sont présentés au tableau 2. Les deux catégories de revenus les plus bas ont été combinées pour les pères seuls à cause du petit nombre d’enfants vivant dans des familles au revenu annuel inférieur à 40 000 $ qui résidaient avec leur père après la séparation.

Tableau 2
Revenu des familles intactes et monoparentales1 et variation procentuelle pour les enfants dont les parents se sont séparés après le cycle 1 et qui vivaient avec un parent seul pendant le cycle 2, selon le sexe du parent seul, ELNEJ, 1994-1995 et 1996-1997


Niveau du revenu de la famille intacte en 1994‑1995

Parent seul en 1996-1997

Mère

Revenu moyen avant la séparation ($)

Revenu moyen après la séparation ($)

Variation
(%)

N

Moins de 25 000 $

17 800

15 700

-11,8

123

De 25 000 $ à 39 0999 $

30 100

16 500

-45,2

100

De 40 000 $ à 59 999 $

48 000

28 800

-40,0

94

60 000 $ et plus

89 800

40 500

-54,9

116

TOTAL

46 500

25 500

-45,2

434

Revenu moyen

38 000

19 000

-50,0

 



Niveau du revenu de la famille intacte en 1994‑1995

Parent seul en 1996-1997

Père

Revenu moyen avant la séparation ($)

Revenu moyen après la séparation ($)

Variation
(%)

N

Moins de 25 000 $

23 9002

22 5002

-5,92

232

60 000 $ et plus

92 400

64 800

-29,9

54

TOTAL

68 100

50 000

-26,6

95

Revenu moyen

60 000

49 200

-18,0

 

1  Arrondi à 100 $ près.
2  Comprend tous les pères dont le revenu était inférieur à 40 000 $ avant la séparation.

Comparaison entre les mères seules et les pères seuls

Premièrement, le tableau 2 montre clairement une baisse globale beaucoup plus sensible du niveau relatif de revenu pour les enfants vivant avec leur mère (45 %) que pour ceux vivant avec leur père (27 %) après une séparation. Cette disparité s’accentue si on la calcule à l’aide de la valeur médiane au lieu de la moyenne : 50 % dans le cas des mères et seulement 18 % dans celui des pères. Le revenu médian indique que la moitié des enfants qui demeurent avec la mère lorsque les parents se séparent sont élevés avec un revenu annuel de moins de 19 000 $; dans le cas des enfants élevés par leur père, ce revenu est de 49 200 $. La différence entre les mères et les pères est la même pour chaque catégorie de revenus avant séparation et reflète le fait que les hommes procurent à leur famille un revenu en moyenne plus élevé que celui des femmes.

Deuxièmement, il semblerait que, chez les pères, la baisse relative du revenu est étroitement liée au niveau du revenu familial avant la séparation : plus le revenu avant la séparation est élevé, plus grande en est la baisse relative au moment de la séparation. Dans le cas des mères, ce modèle est moins net étant donné que la baisse relative est grande pour tous les niveaux de revenus, soit près de 50 % pour tous les niveaux sauf celui des revenus les moins élevés. Nous avons mentionné précédemment que les revenus élevés étaient plus courants dans les familles à deux revenus à temps plein. En d’autres mots, pour les niveaux de revenus plus élevés, l’apport de la mère au revenu familial est plus grand. D’une part, cela compense la baisse de revenu des mères seules qui continuent d’apporter à la famille les gains d’un travail à temps plein après la séparation. D’autre part, c’est à la perte du salaire de l’ex-conjointe qu’est attribuable la baisse plus marquée du revenu familial des pères au fur et à mesure de la hausse du revenu familial avant la séparation. Nous serons en mesure de vérifier cela dans un plus grand nombre de cas pendant le cycle 3.

La constatation la plus inattendue et intéressante concerne peut-être l’écart considérable qui existe entre le revenu familial moyen d’ensemble avant la séparation pour les enfants qui vivent avec leur mère (46 500 $) ou leur père (68 100 $) après la séparation. Les enfants de familles relativement aisées ont-ils plus de chances de demeurer avec leur père après la séparation que ceux de familles plus pauvres? Nous reviendrons sur ce point dans une autre section qui traite des répercussions du revenu familial avant la séparation sur les modalités de garde.

La situation d’emploi et le revenu des mères après la séparation

D’après les conclusions tirées à la section précédente, les modèles de revenu avant séparation expliquent en grande partie la différence entre les ménages dirigés par la mère ou par le père quant à la baisse relative du revenu familial après la séparation. Le tableau 3 présente des données similaires sur le changement du revenu familial lors de la transition d’une famille biparentale à une famille monoparentale lorsque les parents se séparent, mais cette fois selon la participation des parents au marché du travail avant la séparation. Dans les familles où il n’y a qu’un seul revenu de travail à temps plein, la mère est habituellement le parent qui demeure à la maison, ou bien elle a un travail à temps partiel.

  • Les mères seules qui provenaient de familles ayant auparavant un double revenu et qui travaillaient à plein temps avant la séparation sont plus aisées que les autres mères seules. Leur revenu annuel moyen de près de 32 000 $ est sensiblement plus élevé que celui des mères se trouvant dans les trois autres situations.
  • Les mères seules, membres de familles à revenu unique tiré d’un travail à temps plein avant la séparation, étaient dans une situation similaire, qu’elles aient travaillé à temps partiel avant la séparation (22 500 $), ou non (21 800 $), malgré le revenu plus élevé avant la séparation des premières. Avec une baisse relative plus prononcée du revenu des mères seules qui avaient travaillé à temps partiel (54 %), par rapport à celles qui n’avaient pas travaillé à temps partiel (47 %), de nombreuses mères élevaient leurs enfants avec un revenu inférieur au seuil de faible revenu après la séparation.
  • Les familles dont aucun parent ne travaillait à temps plein tiraient déjà le diable par la queue de sorte que, un minimum étant nécessaire pour survivre, la baisse relative après la séparation est moins grande pour les mères seules (9 %).

Tableau 3
Revenu familial moyen1 et hausse procentuelle pour les enfants dont les parents se sont séparés après le cycle 1 et qui vivaient avec leur mère lors du cycle 2, selon la participation des parents au marché du travail avant la séparation, ELNEJ, 1994-1995 et 1996-1997

Situation d’emploi en 1994-1995

Revenu familial moyen des familles biparentales 1994-1995
($)

Revenu familial moyen des familles avec mère seule 1996-1997 ($)

Variation (%)

N

Deux parents à temps plein

60 000

31 900

-46,8

168

Un à temps plein / un à temps partiel

48 900

22 500

-54,0

94

Un à temps plein

41 200

21 800

-47,1

97

Aucun à temps plein

18 700

17 000

-9,1

57

TOTAL

47 500

25 400

-46,5

4162

Revenu médian

40 000

20 000

-50,0

 

1 Arrondi à 100 $ près.
2 À l’exclusion de 18 cas pour lesquels manquait l’information sur le travail.

Dans l’ensemble, la séparation réduit l’écart entre les niveaux de vie des femmes qui deviennent des mères seules. Avant la séparation, par exemple, le revenu moyen des femmes vivant dans des familles ayant un double revenu était plus du triple de celui des femmes vivant dans des familles sans aucun revenu à temps plein; après la séparation, leur revenu était moins de deux fois plus élevé.

2.3  De la famille dirigée par une mère seule à la famille recomposée : un moyen d’échapper à la pauvreté?

Cette section traite du mouvement contraire à celui examiné dans la section précédente : de la famille monoparentale à la famille biparentale. Compte tenu du nombre relativement limité de pères seuls qui ont effectué cette transition au cours de cette période, l’analyse a été restreinte aux répercussions de la formation d’une union sur le revenu familial des mères seules. La majorité des enfants vivant avec leur mère seulement, en 1994-1995, étaient dans la même situation deux ans plus tard. Toutefois, 6 % d’entre eux vivaient avec leurs deux parents biologiques après que ceux-ci eurent décidé de donner une autre chance à leur union et 12 % vivaient dans une famille recomposée par suite de l’union de leur mère avec un nouveau partenaire. Le tableau 4 compare l’évolution du revenu familial moyen pour chacun de ces trois groupes. La première colonne présente le revenu familial moyen pour chaque groupe en 1994‑1995, alors entièrement gagné par une mère seule. La deuxième colonne donne le revenu moyen deux ans plus tard, tandis que la troisième indique le changement du revenu au cours de la période pour chaque groupe. Les valeurs médianes figurent aussi dans chaque colonne, montrant le niveau de revenu au‑dessous et au-dessus duquel 50 % de l’échantillon se situe; le fait que la médiane soit toujours inférieure au revenu moyen signifie que celui-ci est une surestimation du revenu de la majorité des mères.

Tableau 4
Revenu familial1 et hausse procentuelle pour les enfants vivant avec leur mère en 1994-1995, selon la situation conjugale de la mère en 1996-1997, ELNEJ

Situation conjugale en 1996-1997

Revenu familial moyen des mères seules 1994-1995
($)

Revenu familial moyen 1996-1997 ($)

Variation
(%)

N

Mère seule

21 800

23 600

8,3

1 790

En couple :

 

 

 

 

· Avec un nouveau partenaire dans une famille recomposée

24 200

43 600

80,2

260

· Réunie au père de l’enfant

18 800

33 700

79,3

127

TOTAL

21 900

26 600

21,5

2 177

Médiane

16 800

19 200

14,3

 

1 Arrondi à 100 $ près.

Le revenu familial moyen a augmenté dans les trois groupes. Toutefois, comme on pouvait le prévoir, l’augmentation a été beaucoup plus grande si les mères ont formé une union dans l’intervalle : le revenu familial a augmenté d’environ 80 % pour les enfants vivant dans une famille recomposée ou avec leurs parents réconciliés en 1996-1997, comparativement à une hausse de 8 % pour ceux dont les mères étaient encore seules. Il est intéressant de noter que le revenu moyen pour le groupe des mères seules qui se sont réconciliées avec le père de leurs enfants était le plus bas des trois groupes de femmes en 1994-1995 (à 18 000 $ annuellement); le revenu annuel moyen des mères seules qui ont formé ultérieurement une union avec un beau-père pour leurs enfants, par exemple, était supérieur du tiers environ (à 24 000 $). L’établissement de ce lien requiert un plus ample examen. Les difficultés financières forcent-elles les parents à partager à nouveau leur résidence? Ou, au contraire, sont-elles la cause de la rupture temporaire d’une union qui, par ailleurs, serait satisfaisante? Quelle que soit la raison, avec un revenu familial annuel moyen de 33 700 $, les mères qui s’unissent ou qui reviennent avec le père de leurs enfants sont considérablement moins aisées que celles qui s’unissent à un nouveau partenaire (43 600 $).

Y a-t-il un lien entre le niveau du revenu des familles dirigées par une mère seule à l’époque du cycle 1 et les hausses relatives du revenu des mères qui avaient ou non formé une union conjugale au cours de cette période? Voici ce que montre le tableau 5 :

  • Le revenu moyen a augmenté entre les cycles 1 et 2, que les femmes aient ou non formé une union conjugale et, plus le revenu était bas en 1994-1995, plus grande a été l’augmentation.
  • Parmi les mères qui avaient un revenu annuel de moins de 12 000 $ en 1994-1995, même celles qui étaient toujours seules deux ans plus tard avaient vu leur revenu augmenter de près de 60 %. Les mères qui ont formé un couple (avec un nouveau partenaire ou avec le père de leurs enfants) ont plus que triplé leur revenu. Toutefois, la taille de cette hausse traduit davantage la pauvreté des familles dirigées par une mère seule en 1994-1995 que leur richesse deux ans plus tard.
  • À un niveau de revenu légèrement supérieur en 1994-1995 (plus de 16 000 $ par année), les mères qui n’ont pas renoué avec le père de leurs enfants ni formé une union avec un nouveau partenaire ont connu une augmentation à peu près nulle de leur revenu moyen.
  • Même dans la catégorie des revenus les plus élevés, les mères qui ont renoué avec le père de leurs enfants ou formé une union avec un nouveau partenaire ont vu leur revenu familial augmenter notablement (46,8 %).

Tableau 5
Hausse procentuelle du revenu familial pour les enfants vivant avec leur mère en 1994-1995, selon le niveau de revenu en 1994-1995 et la situation conjugale de la mère en 1996-1997, ELNEJ


Niveau de revenu des familles dirigées par une mère seule en 1994-1995

Situation conjugale de la mère en 1996-1997
Mère seule

Revenu familial moyen 1994-1995 ($)

Revenu familial moyen 1996-1997 ($)

Variation
(%)

N

Moins de 12 000 $

9 400

14 900

58,5

342

De 12 000 $ à 15 999 $

13 600

15 800

16,2

492

De 16 000 $ à 24 999 $

19 100

19 400

1,6

455

25 000 $ et plus

40 900

41 300

1,0

500

TOTAL

21 800

23 600

8,3

1790

Médiane

16 000

17 900

11,9

 



Niveau de revenu des familles dirigées par une mère seule en 1994-1995

Situation conjugale de la mère en 1996-1997
En couple

Revenu familial moyen 1994-1995 ($)

Revenu familial moyen 1996-1997 ($)

Variation (%)

N

Moins de 12 000 $

8 800

27 900

217,0

45

De 12 000 $ à 15 999 $

13 500

36 500

170,4

112

De 16 000 $ à 24 999 $

19 200

30 700

59,8

120

25 000 $ et plus

40 800

59 900

46,8

110

TOTAL

22 500

40 300

79,1

387

Médiane

18 000

35 000

94,4

 

En d’autres mots, l’un des effets concrets de la formation d’un couple est la nette augmentation du revenu familial des mères, ce qui se vérifie surtout pour celles qui ne travaillent pas à temps plein. Toutefois, trouver un nouveau partenaire est une situation compliquée pour de nombreuses mères seules, en particulier pour les moins aisées. En perdant leur droit à certains avantages, elles subissent parfois même une baisse de leur revenu disponible; le nouveau partenaire peut ne pas vouloir s’engager financièrement auprès des enfants d’un autre homme ou peut avoir lui-même des enfants dont il doit assurer le soutien financier hors du ménage.

Toutefois, comme le montre le tableau 6, le travail à temps plein protège aussi de la pauvreté de nombreuses femmes qui élèvent leurs enfants seules. Parmi les femmes qui n’ont pas formé d’union conjugale au cours de cette période, celles qui travaillaient à temps plein en 1994‑1995 avaient un revenu annuel moyen de 32 700 $ en 1996-1997. Elles étaient dans une situation financière bien meilleure que celles qui travaillaient à temps partiel (22 000 $) ou qui n’étaient pas sur le marché du travail (16 100 $). De plus, l’augmentation relative du revenu des mères seules qui ont formé une union conjugale était considérablement plus élevée pour les mères qui ne travaillaient pas (87 %) ou qui travaillaient à temps partiel (140 %) que pour celles qui travaillaient à temps plein (60 %). Ainsi, les écarts de revenus entre les groupes de mères seules qui ont formé un couple ont diminué au cours de cette période.

2.4  RÉSUMÉ

Dans cette section, nous avons exploré les relations entre les types de familles, les niveaux de revenu et les situations d’emploi. Premièrement, l’analyse transversale des données du cycle 1 fait ressortir les liens étroits entre les types de familles dans lesquels vivent les enfants, d’une part, et les ressources financières disponibles pour leur éducation, d’autre part. L’étroite relation entre le nombre de salariés potentiels dans une famille, le niveau de revenu et les stratégies offertes aux parents pour équilibrer le travail salarié et les autres responsabilités de la vie familiale a aussi été démontrée. Les analyses longitudinales de données des cycles 1 et 2, qui ont établi un lien entre le passage a) d’une famille intacte à une famille monoparentale et b) d’une famille monoparentale dirigée par une mère à une famille biparentale, confirment l’importance de ce lien étroit entre la famille, le revenu et l’emploi et illustrent clairement les répercussions de la formation ou de la séparation d’un couple sur la situation financière familiale.

Toutefois, en plus des tendances générales, ces analyses révèlent aussi la grande diversité des expériences des familles canadiennes que ce soit par rapport aux niveaux de revenu, à la situation d’emploi ou aux répercussions des transitions familiales sur ces deux plans. Par exemple, bien qu’il soit généralement vrai que plus les parents participent au marché du travail, plus le revenu familial est élevé, de nombreuses familles ayant un double revenu gagnent à peine assez pour joindre les deux bouts. De la même manière, les mères seules qui vivent d’un budget serré ne demeureront pas toutes dans cette situation pendant une période prolongée; la hausse du revenu familial découlera, pour certaines, de leur entrée sur le marché du travail et, pour d’autres, d’un changement de situation conjugale.

L’analyse des transitions de la famille intacte à la famille monoparentale donne à penser que la situation financière du parent seul après la séparation est étroitement liée au revenu de la famille intacte avant la séparation et au mode de partage de l’activité rémunérée par le couple. Ainsi, les mères seules qui sont dans la meilleure situation financière sont celles qui proviennent des familles intactes les plus riches et qui étaient déjà pleinement engagées dans le marché du travail lorsqu’elles se sont séparées.

La prochaine section poursuit l’investigation dans cette voie et examine comment la situation socio-économique de la famille intacte influence les décisions, prises par les parents qui se séparent, au sujet de la prise en charge physique et du soutien financier des enfants.

Tableau 6
Revenu familial1 et variation procentuelle pour les enfants vivant avec leur mère en 1994-1995, selon la situation d’emploi de celle-ci en 1994-1995 et sa situation conjugale en 1996-1997, ELNEJ


Situation d’emploi des mères en 1994-1995

Situation conjugale des mères en 1996-1997

Mère seule

Revenu familial moyen 1994-1995 ($)

Revenu familial moyen 1996-1997 ($)

Variation (%)

N

Travail à temps plein

31 100

32 700

5,1

690

Travail à temps partiel

18 300

22 000

14,8

328

Sans emploi

14 900

16 100

14,8

762

TOTAL

21 800

23 600

8,3

1 780



Situation d’emploi des mères en 1994-1995

Situation conjugale des mères en 1996-1997

En couple

Revenu familial moyen 1994-1995
($)

Revenu familial moyen 1996-1997
($)

Variation
(%)

N

Travail à temps plein

32 100

51 300

59,8

155

Travail à temps partiel

17 200

41 300

140,1

74

Sans emploi

15 500

29 000

87,1

157

TOTAL

22 500

40 300

79,1

386

1 Arrondi à 100 $ près.


3.  L'INFLUENCE DU REVENU ET DU PARTAGE DU TRAVAIL AVANT LA SÉPARATION SUR LES MODALITÉS DE GARDE ET LES ENTENTES CONCERNRANT LA PENSION ALIMENTAIRE POUR ENFANTS

La relation entre les changements familiaux et le revenu n’est pas unidirectionnelle. D’une manière moins directe, le revenu a également un effet sur les transitions familiales et influe sur la décision de se séparer ou de former une nouvelle union. Le stress causé par les difficultés financières, par exemple, peut contribuer à sonner le glas d’une union. Parallèlement, la crainte de difficultés financières encore plus graves peut constituer un important frein à la séparation, bien que celle-ci n’ait pas les mêmes effets pour les familles à faible revenu que pour d’autres, plus aisées. Un point auquel on n’a guère prêté attention jusqu’ici, sans doute en raison de la rareté de l’information à ce sujet, est celui de savoir si les caractéristiques des familles intactes, comme le niveau de revenu ou la manière dont les parents organisent leurs horaires de travail, influent sur le mode de partage des responsabilités liées aux enfants lorsque les parents se séparent. Les données longitudinales tirées des cycles consécutifs de l’enquête permettent pour la première fois d’établir une relation entre les ententes conclues par les parents à la séparation et les caractéristiques des familles et des parents avant la séparation, renseignements qui ne sont pas disponibles au sujet des parents qui étaient déjà séparés lors du cycle 1 de l’enquête. Voici donc le sujet de cette partie du rapport : l’influence du revenu familial et des horaires de travail avant la séparation sur les modalités de garde, de même que sur la fréquence des contacts et le paiement de la pension alimentaire qu’ont établis les couples qui se sont séparés entre les cycles 1 et 2.

Les résultats de la section précédente donnent à penser que le revenu familial avant la séparation peut avoir une influence sur le fait que les enfants vivent avec leur père ou avec leur mère après la séparation. Il est également possible que l’emploi des parents, et plus particulièrement de la mère, influe sur les décisions prises par les parents au moment de la séparation en ce qui a trait aux modalités de résidence et à la pension alimentaire pour enfants. Les données recueillies avant et après la séparation permettent d’examiner directement ces questions et de mieux comprendre la relation entre les facteurs économiques et l’adaptation aux changements familiaux. L’analyse qui suit est fondée sur l’étude d’environ 500 enfants dont les parents se sont séparés entre les cycles 1 et 2 de l’ELNEJ et qui l’étaient toujours au moment du cycle 2.

3.1  FACTEURS PRÉCÉDANT LA SÉPARATION, GARDE ET CONTACTS

L’étude des données sur les enfants dont les parents se sont séparés entre les deux cycles donne un aperçu intéressant des modalités de résidence et de la fréquence des contacts pendant la période qui suit immédiatement la séparation. Les données révèlent que les pères s’intéressent de près à leurs enfants pendant un an ou deux après la séparation (voir figure 7). Au moment du cycle 2, près du quart des enfants vivaient à temps plein (10 %) ou à temps partiel (14 %) avec leur père et plus de la moitié le voyaient au moins toutes les semaines (36 %) ou toutes les deux semaines (15 %). Parmi les autres enfants, la plupart voyaient leur père de façon irrégulière (17 %) et seuls 8 % n’avaient plus aucun contact avec lui.

Figure 7
Type et fréquence des contacts avec le père en 1996-1997 pour les enfants dont les parents se sont séparés entre les cycles 1 et 2, ELNEJ

(Cliquer pour voir Figure 7)

Revenu familial avant la séparation et modalités de garde

La figure 8 met en relief le lien entre les modalités de résidence pour les enfants après la séparation (qu’ils vivent avec leur mère ou leur père ou en garde partagée) et le revenu familial avant la séparation[5]. La répartition des données donne à penser que ce revenu est lié aux modalités de garde adoptées par les parents qui se séparent. Ces liens sont particulièrement clairs dans le cas de la garde partagée, qui devient plus courante à mesure que le revenu familial augmente. Les enfants de familles dont le revenu annuel dépasse 60 000 $ sont quatre fois (25 %) plus susceptibles de passer du temps avec chacun des parents que ceux de familles au revenu annuel inférieur à 20 000 $ (6 %). La garde partagée semble être une modalité plus courante pour les parents qui ont les moyens financiers d’entretenir deux domiciles familiaux. Toutefois, le lien entre la garde par le père et le revenu est moins évident. Bien que les enfants de familles ayant un revenu supérieur à 60 000 $ soient deux fois plus susceptibles que les autres de vivre avec leur père, sous ce niveau, la proportion varie très peu (7 % et 8 %). Néanmoins, il est clair que plus le revenu familial est élevé avant la séparation, plus les enfants sont susceptibles de vivre au moins une partie du temps avec leur père.

Figure 8
Modalités de résidence, pendant le cycle 2, pour les enfants dont les parents se sont séparés entre les cycles 1 et 2, selon le revenu du ménage avant la séparation, ELNEJ, 1994-1995 et 1996-1997

(Cliquer pour voir Figure 8)

Revenu du ménage avant la séparation et contacts avec le père non-gardien

Un autre enjeu est celui de la fréquence des contacts que les pères non-gardiens ont avec leurs enfants. Le revenu familial avant la séparation a-t-il une incidence sur le temps que les pères passent avec les enfants qui vivent avec leur mère après la séparation? Si le paiement d’une pension est lié à la capacité de payer du père et à la fréquence de ses contacts avec ses enfants, on s’attendrait à ce que les pères non-gardiens, membres de familles dont le revenu familial est plus élevé, restent en contact plus étroit avec leurs enfants, après la séparation, que les pères de familles ayant un revenu moins élevé. Toutefois, les résultats présentés à la figure 9 appuient cette hypothèse uniquement pour la perte effective de contact du père avec les enfants : près d’un père non-gardien sur cinq (19 %), membres de familles moins bien nanties, comparativement à seulement 3 % des pères de familles au revenu plus élevé, ont perdu contact avec leurs enfants durant la période relativement brève entre la séparation et l’enquête. Au-delà de ces résultats, les liens sont moins nets. Par exemple, la différence est presque inexistante entre les pères non-gardiens qui se situent aux extrémités de l’échelle des revenus, quant à la proportion de ceux qui restent en contact étroit avec leurs enfants; environ la moitié des enfants de ces groupes voient leur père au moins une fois par semaine. Il ressort donc clairement que le revenu ne peut, à lui seul, expliquer les variations de fréquence des contacts que les pères non-gardiens entretiennent avec leurs enfants.

Figure 9
Fréquence des contacts, avec leur père non-gardien, des enfants qui vivaient avec leur mère pendant le cycle 2 et dont les parents se sont séparés entre les cycles 1 et 2, selon le revenu du ménage avant la séparation, ELNEJ, 1994‑1995 et 1996-1997

(Cliquer pour voir Figure 9)

Le travail des femmes et les modalités de garde

Toutefois, le lien entre le revenu du ménage avant la séparation et les modalités de résidence des enfants par la suite n’est pas forcément déterminant. Nous avons vu que les familles dont le revenu était plus élevé sont également celles dont les deux parents travaillent. Dans les familles où la mère travaille, les pères ont tendance à participer plus activement aux soins aux enfants; il se pourrait donc qu’ils soient des parents plus compétents, confiants de pouvoir s’occuper de leurs enfants et, par conséquent, plus susceptibles de vouloir que ceux-ci vivent avec eux après la séparation. De leur côté, les mères qui travaillent pourraient aussi être plus susceptibles de vouloir continuer à partager avec le père les responsabilités quotidiennes à l’égard des enfants après la séparation. Les données du tableau 7 soutiennent cette hypothèse.

  • Les modalités de garde partagée sont plus courantes parmi les parents qui avaient tous deux un emploi rémunéré, à temps plein ou à temps partiel, avant la séparation. Environ 20 % des enfants dont les deux parents travaillaient passaient d’un domicile à l’autre, contre moins de 6 % dans le cas des enfants dont un parent, voire les deux, ne travaillait pas.
  • Les enfants provenant de familles intactes à revenu unique sont beaucoup plus susceptibles que les autres de vivre avec leur père après la séparation. Le cinquième d’entre eux (20 %) vivaient avec leur père au moment du cycle 2, comparativement à moins de 8 % des enfants des enfants dont les parents avaient adopté d’autres modes de partage du travail.
  • Il y a de très grandes chances que les enfants restent avec leur mère (89 %) si aucun des parents n’a d’emploi à temps plein avant la séparation.

Autrement dit, il est possible que le lien apparent entre le revenu et les modalités de garde soit en fait un lien entre l’emploi des femmes et les modalités de garde, en ce sens que le revenu familial est plus élevé si les mères contribuent au revenu du ménage. Pour mieux comprendre le lien qui existe entre ces deux facteurs et les décisions prises quant au lieu de résidence des enfants lorsque les parents se séparent, nous avons effectué une analyse de régression logistique multinomiale en contrôlant divers autres éléments mesurés pendant le cycle 1 et susceptibles d’avoir une incidence sur les modalités de garde. Concrètement, nous avons voulu vérifier comment le revenu, l’emploi de la mère et d’autres variables potentiellement importantes pouvaient influer sur le fait que les enfants vivaient en garde partagée ou avec leur père, plutôt que de rester avec la mère comme c’est très souvent le cas. Les autres variables de l’analyse étaient le niveau de scolarité des parents, la situation d’activité de la mère, le genre d’union dans lequel est né l’enfant, s’il y avait ou non des enfants issus d’une union antérieure, le nombre d’enfants du ménage, l’âge des parents et des enfants au moment de la séparation, le sexe de ceux-ci et la région (le Québec par rapport au reste du Canada).

Tableau 7
Modalités de résidence pour les enfants dont les parents se sont séparés entre les cycles 1 et 2, selon la participation des parents au marché du travail avant la séparation, ELNEJ, 1994-1995 et 1996-1997

Situation d’emploi avant la séparation(1994-1995)

Modalités de résidence en 1996-1997

Avec la mère

Résidence partagée

Avec le père

Deux parents à temps plein

75,3

19,8

4,9

Un à temps plein / un à temps partiel

72,7

20,0

7,3

Un à temps plein

74,2

5,8

20,0

Aucun à temps plein

89,0

5,5

5,5

TOTAL

76,5

14,2

9,3


Situation d’emploi avant la séparation
(1994-1995)

Modalités de résidence en 1996-1997

Total

N

Deux parents à temps plein

100,0

182

Un à temps plein / un à temps partiel

100,0

110

Un à temps plein

100,0

120

Aucun à temps plein

100,0

73

TOTAL

100,0

485

L’analyse de régression a confirmé le rôle important que jouent tant le revenu que l’emploi de la mère lors du choix des modalités de garde, même si l’on tient compte d’autres caractéristiques[6]. Plus le revenu est élevé, plus les enfants sont susceptibles de vivre avec leur père ou en garde partagée. Cependant, au-delà de cette similitude, les circonstances favorisant le choix de la garde partagée plutôt que la garde par le père uniquement (comparativement à la garde par la mère) laissent entrevoir un tableau fort différent. D’abord, le revenu semble jouer un rôle plus direct sur la garde partagée, ce qui est prévisible étant donné la nécessité de deux domiciles familiaux. Le travail de la mère est aussi un facteur important, la garde partagée étant beaucoup plus probable chez les femmes qui étaient sur le marché du travail avant la séparation. Somme toute, le profil des couples qui choisissent la garde partagée lors de la séparation est celui des couples relativement aisés dont l’homme est plus âgé et a un niveau de scolarité plus élevé et dont la femme est sur le marché du travail, bref des couples qui pratiquent une « égalité » relative des rôles dans le cadre de la famille. Ce profil est également plus courant au Québec et dans les familles où il n’y a pas plus de deux enfants qui ne sont pas en bas âge.

Le contexte favorisant les modalités relativement peu courantes où les enfants vivent avec leur père après la séparation semble être passablement différent et davantage influencé par des facteurs liés à la mère. L’analyse multivariable confirme l’importance de la situation d’activité de la mère, les pères étant beaucoup plus susceptibles de garder les enfants après la séparation si la mère ne travaillait pas, et plus particulièrement si elle n’avait pas terminé ses études secondaires. Le nombre d’enfants est aussi un facteur important, les enfants de familles de deux enfants étant plus susceptibles de rester avec leur père que les enfants uniques ou ceux ayant plus d’un frère ou d’une sœur.

3.2  FACTEURS PRÉCÉDANT LA SÉPARATION ET PENSION ALIMENTAIRE

De nombreux facteurs influent sur le paiement de la pension alimentaire, mais on pourrait s’attendre à un lien étroit entre deux facteurs qui sont au cœur de ce rapport : la capacité de payer du parent non-gardien et la mesure dans laquelle le parent gardien compte sur le paiement de la pension alimentaire. La capacité d’entretenir deux domiciles familiaux plutôt qu’un seul dépend largement du niveau du revenu familial avant la séparation. Par exemple, les parents non-gardiens qui ne peuvent se payer un logement ne sont guère en mesure de verser une pension alimentaire pour les enfants. D’autre part, la mesure dans laquelle le parent gardien compte sur la pension alimentaire dépend surtout de la manière dont les parents organisaient leur apport respectif au revenu familial : les mères qui étaient entièrement intégrées au marché du travail avant la séparation et qui continuent de travailler par la suite comptent moins que les autres sur la pension alimentaire.

S’entendre sur une pension alimentaire pour enfants

La figure 10 présente la répartition des enfants dont les parents se sont séparés entre les deux cycles, selon qu’il existait ou non une entente sur la pension alimentaire ou que la négociation d’une telle entente était en cours. Les données soutiennent l’hypothèse que plus le revenu familial est élevé avant la séparation, plus une entente est probable entre les parents au sujet de la pension alimentaire. En 1996-1997, près de la moitié (49 %) des familles à faible revenu n’avaient pas d’entente; cette proportion diminue à chaque échelon d’augmentation du revenu, à tel point qu’un peu plus du cinquième (21 %) des familles les plus aisées n’avaient pas d’entente de pension alimentaire, malgré la période relativement courte écoulée depuis la séparation. Une autre caractéristique intéressante de ces données est la proportion de familles plus aisées qui négociaient une entente de pension alimentaire lors du cycle 2, soit 17 %, proportion de loin la plus élevée par rapport aux autres catégories. Les familles plus à l’aise mettent-elles plus de temps que les autres à s’entendre sur une pension? Il est bien possible que, d’une part, elles aient plus de questions financières à régler et que, d’autre part, elles soient soumises à moins de pressions pour régler leurs affaires rapidement. Nous avons vu, par exemple, que le niveau élevé du revenu familial avant la séparation tient généralement au fait que la mère travaille à temps plein. Ainsi, à la séparation, s’entendre sur le paiement d’une pension alimentaire peut être un sujet moins urgent pour les mères qui travaillent et pour qui le revenu de la pension représente une proportion moins importante du revenu total, que pour les femmes sans travail rémunéré.

Paiement de la pension alimentaire

Le fait d’avoir une entente sur la pension alimentaire ne veut pas nécessairement dire que l’argent passe d’un foyer à l’autre. Il arrive parfois que la pension alimentaire ne soit pas versée en raison des modalités de garde établies entre les parents. Par exemple, même si plus des trois quarts des enfants en garde partagée bénéficient d’ententes de pensions alimentaires, il n’y a pas toujours transfert d’argent d’un foyer à l’autre. Ainsi, dans l’analyse suivante des liens entre le revenu et la régularité du paiement de la pension alimentaire, seuls les enfants vivant avec leur mère ont été inclus dans les répartitions figurant au tableau 8. Dans chaque catégorie de revenus avant la séparation, on indique la proportion des enfants dont les parents n’ont pas d’entente de pension alimentaire, qui ont entrepris d’en négocier une ou qui ont une entente de paiement de pension alimentaire de la part du père non-gardien. Ceux qui ont une entente de pension sont subdivisés en fonction de trois facteurs : paiements réguliers (malgré certains retards occasionnels), paiements non réguliers et aucun paiement.

Figure 10
Modalités de pension alimentaire, en 1996-1997, pour les enfants dont les parents se sont séparés entre les cycles 1 et 2, selon le revenu du ménage avant la séparation, ELNEJ, 1994-1995 et 1996-1997

(Cliquer pour voir Figure 10)

Tableau 8
Entente sur la pension alimentaire et paiements, pour les enfants dont les parents se sont séparés entre les cycles 1 et 2 et qui vivaient avec leur mère pendant le cycle 2, selon le revenu familial avant la séparation, ELNEJ, 1994-1995 et 1996-1997

Entente sur la pension alimentaire

Revenu familial avant la séparation

Moins de 20 000 $

De 20 000 $ à 39 999 $

De 40 000 $ à 59 999 $

Aucune d’entente

47,2

37,8

21,7

Entente en cours de négociation

6,9

4,4

6,0

Entente

45,9

57,8

73,3

· paiements réguliers

15,3

36,3

55,4

· paiements irréguliers ou aucun paiement

30,6

21,5

16,9

Total

100,0

100,0

100,0

N

72

135

83


Entente sur la pension alimentaire

Revenu familial avant la séparation

60 000 $ et plus

Total

Aucune d’entente

21,5

32,1

Entente en cours de négociation

24,7

10,2

Entente

53,8

57,7

· paiements réguliers

49,5

39,7

· paiements irréguliers ou aucun paiement

4,3

18,0

Total

100,0

100,0

N

93

383

Ces répartitions mettent en relief le lien étroit qui existe entre le revenu et le paiement de la pension alimentaire. Non seulement les ententes sur la pension alimentaire sont-elles plus courantes dans les familles dont le revenu est plus élevé, mais encore les paiements sont effectués de manière plus prévisible. Les paiements sont irréguliers ou inexistants pour seulement 4 % des enfants provenant des familles les plus à l’aise comparativement à plus de 30 % pour ceux des catégories de revenus les moins élevés. En fait, parmi les familles au revenu plus faible dont les parents se séparent, non seulement est-on parvenu à une entente pour moins de la moitié (46 %) des enfants vivant avec leur mère, mais l’entente n’a été respectée que dans le tiers de ces cas. Dans l’ensemble, une pension alimentaire a été versé pour seulement 15 % de ces enfants. De toute évidence, entretenir deux domiciles avec un revenu qui servait à en soutenir un seul demande beaucoup d’ajustements financiers dans les meilleures circonstances; mais dans les situations où le revenu familial suffit à peine à subvenir aux besoins d’un foyer, le transfert de ressources d’un foyer à l’autre est tout simplement impossible.

3.3  RÉSUMÉ

Le sujet examiné dans cette section visait à établir si les caractéristiques de la famille « intacte », comme le revenu et la manière dont les parents organisent leur horaire de travail, ont une influence sur la manière dont les parents qui se séparent partagent la responsabilité des enfants. La réponse semble être affirmative, tant en ce qui a trait au revenu qu’à la présence des parents sur le marché du travail. En moyenne, les pères de familles intactes à l’aise financièrement entretiennent au quotidien, avec leurs enfants, des contacts plus étroits que les pères de familles moins bien nanties, c’est-à-dire qu’ils en ont plus souvent la garde dite traditionnelle ou partagée. Le lien entre le revenu et la garde partagée est particulièrement manifeste, et prévisible, étant donné le besoin de soutenir deux domiciles familiaux. Cependant, outre ces facteurs, il y en a d’autres en jeu. Bien que beaucoup de pères de familles à faible revenu aient des contacts fréquents avec leurs enfants, certains perdent contact assez rapidement avec les enfants après la séparation puisqu’ils n’ont pas les moyens de verser une pension alimentaire, ce qui arrive rarement pour les pères dont le revenu est plus élevé. Dans les familles où les deux parents travaillent, les pères étaient plus susceptibles de contribuer au soin quotidien des enfants et plus nombreux à envisager plus facilement de s’occuper seul de leurs enfants après la séparation. En outre, les mères qui travaillaient pouvaient également vouloir plus volontiers partager la garde des enfants avec un père qui participait activement à leur éducation avant la séparation. Voilà donc certains des facteurs qui influent sans aucun doute sur les décisions prises par les parents qui se séparent au sujet de la garde et de la pension alimentaire. Toutefois, comme on le verra dans la prochaine section, quelles que soient les ententes prises par les couples au cours de la période qui suit la séparation, pour de nombreux enfants, ces ententes sont modifiées au fur et à mesure qu’évolue la situation de la mère, du père et des enfants.


4.  ÉVOLUTION AU FIL DU TEMPS : MODALITÉS DE RÉSIDENCE, CONTACTS PÈRE/ENFANT ET PENSION ALIMENTAIRE

Les modalités de garde et de visite, établies à la séparation des parents, sont loin d’être immuables et évoluent en fonction des changements de la situation de vie des intéressés (Maccoby et Mnookin, 1992). Les données recueillies au cours des deux premiers cycles permettent d’évaluer l’étendue des changements à la fois au lieu de résidence principal de l’enfant (qu’il vive avec le père ou la mère ou qu’il passe de l’un à l’autre) et aux contacts avec « l’autre » parent au cours d’une période de deux ans. Toutefois, en raison du nombre restreint d’enfants dont le père a la garde après la séparation, il est difficile d’inclure la fréquence des contacts mère/enfant; c’est pourquoi seules les variations de la fréquence des contacts père/enfant sont présentées.

4.1  VARIATIONS AUX MODALITÉS DE RÉSIDENCE ET À LA FRÉQUENCE DES CONTACTS PÈRE/ENFANT

La figure 11 présente la distribution des enfants dont les parents étaient déjà séparés en 1994‑1995, selon les modalités de résidence et les contacts père/enfant en 1994-1995 et 1996‑1997[7]. L’augmentation de la proportion d’enfants vivant avec leur père (de 7 % à 12 %) indique que certains pères renforcent les liens avec leurs enfants avec le temps. Pour d’autres, les contacts se raréfient et peuvent même cesser : 23 % des enfants avaient perdu contact avec leur père à partir de 1996-1997, en hausse par rapport aux 17 % de 1994-1995. Toutefois, le changement le plus notoire est la proportion décroissante d’enfants en garde partagée, qui passe de 8 % à moins de 1 %.

Toutefois, une comparaison des distributions transversales ne révèle pas l’étendue réelle des changements dans la vie des enfants. En fait, plus de 40 % de ceux-ci ont vécu des changements en ce qui a trait aux contacts avec leur père au cours des deux années séparant les cycles (voir tableau 9). Les seuls enfants pour lesquels le contact avec le père est resté constant sont ceux dont le père avait la garde en 1994-1995; presque tous vivaient toujours avec leur père à la fin de la période. Ce sont les enfants en garde partagée qui ont été les plus touchés; pour plus de 90 % d’entre eux, la modalité de résidence n’était plus la même deux ans plus tard. Cependant, cela ne se traduit pas nécessairement par une réduction des contacts avec le père, puisque environ 40 % de ces enfants vivaient en permanence avec leur père à la fin de la période. De plus, la plupart des autres enfants qui avaient emménagé avec leur mère continuaient à voir leur père régulièrement.

Tableau 9
Contacts avec le père en 1994-1995 et 1996-1997 parmi les enfants de familles séparées qui vivaient avec leur mère en 1994-1995, ELNEJ

Contacts avec le père en 1994-1995

Répartition en 1994-1995

Modalités de résidence/contacts avec le père en 1996-1997

Vit avec le père (%)

Résidence partagée (%)

N

%

Vit avec le père

119

7

96

-

Résidence partagée

137

8

41

9

Vit avec la mère, contacts avec le père

 

 

 

 

· chaque semaine

399

23

2

-

· aux deux semaines

334

20

2

-

· sporadiques1

424

25

2

-

· pas de contact

294

17

-

-

Répartition en 1996-1997

1 707

100

12

1


Contacts avec le père en 1994-1995

Répartition en 1994-1995

Modalités de résidence/contacts avec le père en 1996-1997

Vit avec la mère, contacts avec le père

Chaque sem. (%)

Aux deux sem. (%)

Spora-diques1 (%)

Pas de contact (%)

N

%

Vit avec le père

119

7

-

-

-

-

Résidence partagée

137

8

24

20

6

-

Vit avec la mère, contacts avec le père

 

 

 

 

 

 

· chaque semaine

399

23

56

19

13

10

· aux deux semaines

334

20

15

60

14

9

· spora-diques1

424

25

10

11

55

22

· pas de contact

294

17

-

7

15

78

Répartition en 1996-1997

1707

100

20

22

22

23


Contacts avec le père en 1994-1995

Répartition en 1994-1995

Modalités de résidence/contacts avec le père en 1996-1997

Total

Variation entre les cycles 1 et 2 (%)

N

%

Vit avec le père

119

7

-

4

Résidence partagée

137

8

100

91

Vit avec la mère, contacts avec le père

 

 

 

 

· chaque semaine

399

23

100

44

· aux deux semaines

334

20

100

40

· sporadiques1

424

25

100

45

· pas de contact

294

17

100

22

Répartition en 1996-1997

1 707

100

100

41

1  Comprend visites mensuelles, vacances seulement ou visites irrégulières.

Figure 11
Répartition des enfants dont les parents étaient séparés avant le cycle 1, selon les modalités de résidence et la fréquence des contacts avec le père, ELNEJ, 1994-1995 et 1996-1997

(Cliquer pour voir Figure 11)

Même si, selon la recherche, les contacts père/enfant ont tendance à diminuer avec le temps après la séparation, de nombreux enfants qui vivaient avec leur mère en 1994-1995 passaient en réalité plus de temps avec leur père deux ans plus tard. Les nombres en caractère gras en diagonale montrent la proportion des enfants dans chaque situation qui avaient pratiquement le même nombre de contacts avec leur père à la fin et au début de la période. Les pourcentages situés dans la partie supérieure droite à la diagonale représentent une diminution du temps passé avec le père et ceux situés dans la partie inférieure gauche, une augmentation[8].

Dans l’ensemble, parmi les enfants qui vivaient avec leur mère pendant le cycle 1, 16 % avaient plus de contacts avec leur père et 23 % en avaient moins (données non présentées). Par exemple, parmi les enfants ayant des contacts chaque semaine ou aux deux semaines avec leur père en 1994‑1995, les trois quarts le voyaient encore fréquemment en 1996-1997 et une faible proportion d’entre eux avaient emménagé avec lui. Toutefois, environ 10 % de ces enfants avaient perdu contact avec leur père, ce dont les données ne permettent pas de déterminer la cause. À l’autre extrémité de l’échelle, plus du cinquième des enfants (7 % et 15 %) qui n’avaient pas de contacts avec leur père en 1994-1995 en avaient quelques-uns en 1996-1997, bien que sporadiques dans la majorité des cas.

En résumé, l’analyse de la variation dans les modalités de résidence et la fréquence des contacts avec le père révèle que :

  • Les modalités de résidence pour les enfants dont le père a la garde sont très durables. Presque tous les enfants vivant avec leur père en 1994-1995 étaient toujours avec lui deux ans plus tard. Bien que ce type de modalité soit relativement peu fréquent (7 % des enfants en 1994‑1995), les facteurs ayant entraîné ce choix semblent en favoriser la continuation.
  • Les modalités de résidence des enfants dont la mère a la garde sont également stables; toutefois, la fréquence des contacts avec le père varie avec le temps. À la fin de la période considérée, cette fréquence avait changé pour les deux cinquièmes des enfants qui avaient une forme ou une autre de contacts avec leur père au début de cette période.
  • Les modalités de résidence partagée semblent être plus souples. Pendant le cycle 1, les modalités de résidence de neuf enfants sur dix n’étaient plus les mêmes deux ans après. Plus de deux enfants sur cinq (41 %) vivaient avec leur père et la moitié, avec leur mère; la plupart de ces derniers avaient des contacts réguliers avec leur père.
  • Les variations dans la fréquence des contacts père/enfant ne sont pas unidirectionnelles : 40 % d’entre elles représentent des contacts plus fréquents et 60 %, des contacts moins fréquents.
  • L’absence de contacts père/enfant n’est pas nécessairement une situation permanente. Plus de 20 % des enfants qui n’avaient aucun contact en 1994-1995 en avaient, sous une forme ou une autre (contacts généralement « irréguliers »), en 1996-1997.

En d’autres termes, la forme la plus constante de contacts père/enfant se situe aux deux extrémités, soit les enfants qui vivent avec leur père et ceux qui n’ont aucun contact avec lui. Entre les deux, il y beaucoup de changements, particulièrement parmi ceux qui ont des modalités de résidence partagée. C’est la situation que choisissent une minorité croissante de parents au moment de la séparation (solution très rarement adoptée par la suite) et situation qui évolue en une forme différente de garde après un certain nombre d’années. Dans l’ensemble, plus la fréquence des contacts avec le père était élevée au moment du cycle 1, plus elle était demeurée élevée deux années plus tard. La majorité des enfants qui avaient perdu contact avec leur père pendant cette période n’avaient que des contacts intermittents avec lui au début, même si une proportion presque égale d’entre eux avaient une relation plus durable avec leur père à la fin de la période.

4.2  Variations à la pension alimentaire

La pension alimentaire est un élément important du bien-être de l’enfant après la séparation des parents. Les études montrent la relation favorable entre elle et le niveau de scolarité de l’enfant de même que d’autres comportements (Amato et Gilbreth, 1999; Argys et coll., 1998; Bartfeld, 2000; McLanahan et coll., 1994). Cependant, il existe peu de données au sujet de la pension alimentaire pour les deux premiers cycles de l’ELNEJ. On a demandé aux répondants s’ils avaient une entente à l’amiable ou ordonnée par les tribunaux au sujet du soutien financier ou de la pension alimentaire; et à ceux qui en avaient une, on a demandé si la pension avait été versée régulièrement. S’il n’y avait pas d’entente ou que celle-ci était en négociation au moment de l’enquête, on n’a pas de renseignements directs sur l’existence ou la régularité des paiements de pension[9], ce qui rend les variations de la pension alimentaire difficiles à évaluer. Ce problème, qui limite les analyses de données du cycle 1 (Marcil-Gratton et Le Bourdais, 1999), est amplifié si l’on tente de scruter l’évolution entre les deux cycles. Par exemple, une proportion appréciable des personnes qui avaient une entente en 1994-1995 (et, par conséquent, pouvaient répondre à la question sur la régularité des paiements) ont déclaré deux ans plus tard ne pas avoir d’entente ou avoir entrepris d’en négocier une (et n’ont donc pas été interrogées au sujet de la régularité des paiements). Dans ces cas-là, il n’est donc pas possible d’évaluer s’il y a eu variation ou non de la pension alimentaire, au cours de la période, et de quelle nature a été cette variation, car l’absence d’entente en la matière ne veut pas nécessairement dire qu’aucune pension alimentaire n’a été versée. Parmi les mères qui ont déclaré qu’une entente était en négociation, une proportion relativement élevée (34 % et 48 % aux cycles 1 et 2, respectivement) ont déclaré avoir reçu un certain montant de pension alimentaire[10]. Cette proportion était beaucoup moindre chez celles qui n’avaient pas d’entente (6 % et 8 % aux cycles 1 et 2, respectivement).

Ce problème reflète la nature changeante des modalités relatives aux pensions alimentaires au fil du temps, mais même s’il impose certaines limites, il n’empêche pas d’analyser la question. La figure 12 présente une comparaison de la répartition des enfants dont les parents étaient séparés au moment des deux cycles, selon qu’il y avait ou non entente sur la pension alimentaire et selon la régularité des paiements (quatre catégories). En 1994-1995, il y avait entente de pension alimentaire pour 60 % des enfants de parents séparés; une entente était en négociation pour 9 % d’entre eux et il n’y avait pas d’entente pour 31 % des enfants. Les versements étaient effectués de manière régulière et ponctuelle dans le tiers des cas (33 %), c’est-à-dire pour plus de la moitié des enfants bénéficiant d’une entente. Et pour seulement un peu moins du quart des cas où il y avait entente, aucun versement n’avait été effectué au cours des six mois précédant l’enquête. En 1996-1997, la situation s’était améliorée jusqu’à un certain point, la proportion des enfants faisant l’objet d’une entente étant passée de 60 % à 68 %. Cependant, cette augmentation ne se traduisait pas toujours par le maintien des paiements de la pension. Alors qu’il y avait hausse du pourcentage des enfants pour qui les versements étaient effectués régulièrement, la proportion de ceux pour lesquels aucune pension n’avait été versée au cours des six derniers mois augmentait aussi, passant de 14 % à 17 %. En outre, pour près du tiers des enfants, il n’y avait toujours pas d’entente sur la pension alimentaire (28 %), sinon elle était en voie de négociation (4 %).

Figure 12
Répartition des enfants dont les parents étaient séparés avant le cycle 1, selon qu’il y avait ou non entente sur la pension alimentaire et, le cas échéant, selon la régularité des paiements de pension, ELNEJ, 1994-1995 et 1996-1997

(Cliquer pour voir Figure 12)

Tableau 10
Répartition des enfants qui vivaient avec leur mère, selon qu’il y avait ou non entente sur la pension alimentaire et selon la régularité des versements en 1994-1995 et 1996-1997, ELNEJ

Entente sur la pension alimentaire et paiements en 1994-1995

Répartition en 1994-1995

Entente sur la pension alimentaire et paiements en 1996-1997

Réguliers, à temps (%)

Réguliers, parfois en retard (%)

Irréguliers (%)

Aucun au cours des six derniers mois1 (%)

N

%

Entente à l’amiable ou ordonnée par le tribunal, paiements :

 

 

 

 

 

 

· réguliers, à temps

486

31

71

10

3

8

· réguliers, parfois en retard

118

8

42

25

6

14

· irréguliers

117

8

22

10

30

25

· aucun au cours des six derniers mois1

233

15

9

3

14

54

Aucune entente

446

29

12

2

3

15

Entente en négocia-tion

146

9

25

18

24

14

Répar-tition en 1996-1997

1546

100

34

9

9

19


Entente sur la pension alimentaire et paiements en 1994-1995

Répartition en 1994-1995

Entente sur la pension alimentaire et paiements en 1996-1997

Aucune entente (%)

Entente en négociation (%)

Total (%)

N

%

Entente à l’amiable ou ordonnée par le tribunal, paiements :

 

 

 

 

 

· réguliers, à temps

486

31

5

3

100

· réguliers, parfois en retard

118

8

14

0

100

· irréguliers

117

8

4

9

100

· aucun au cours des six derniers mois1

233

15

15

5

100

Aucune entente

446

29

65

3

100

Entente en négociation

146

9

10

8

100

Répartition en 1996-1997

1546

100

25

4

100

1 Comprend un petit nombre d’enfants pour lesquels les paiements ont cessé en raison d’un « changement de circonstances ».

Cependant, l’examen approfondi de l’évolution des modalités concernant la pension alimentaire au cours de la période trace un tableau beaucoup plus complexe et changeant, en grande partie masqué par les images transversales. Le tableau 10 présente le mouvement des enfants entre les catégories liées à la pension alimentaire pendant les deux années séparant les cycles de l’enquête. Comme les modalités concernant la pension alimentaire diffèrent selon les enfants en garde partagée et comme les mères sont beaucoup moins susceptibles de verser une pension pour les enfants dont le père a la garde (Seltzer, 1994), ce tableau ne présente que les données concernant les enfants vivant avec leur mère au moment des deux cycles d’enquête[11]. Dans ce tableau, les données en caractère gras formant une diagonale représentent la proportion des enfants pour qui la situation est demeurée stable au cours de la période. Par exemple, parmi les enfants pour lesquels on effectuait des versements de pension réguliers et ponctuels en 1994-1995, la situation était la même deux années plus tard pour 71 % d’entre eux. Les proportions figurant dans le rectangle correspondent aux enfants pour lesquels il y avait une entente sur la pension alimentaire au moment des deux cycles et pour lesquels des données au sujet de la régularité des paiements étaient donc disponibles au début et à la fin de la période. Dans ce rectangle, les données situées dans la partie de droite, au-dessus de la diagonale, représentent une diminution de la régularité des paiements, alors que celles situées dans la partie de gauche, sous la diagonale, indiquent une plus grande régularité.

Dans l’ensemble, environ 45 % des enfants dont la mère avait la garde sont passés d’une « catégorie » de pension alimentaire à une autre au cours de la période et cette proportion varie selon le type de modalité déjà en place en 1994-1995[12]. Les caractéristiques les plus marquantes de l’évolution liée à la pension alimentaire au cours de la période sont les suivantes :
  • Une fois établi le paiement régulier et ponctuel d’une pension alimentaire, il a tendance à se maintenir. Pour plus de 70 % des enfants de cette catégorie en 1994-1995, les paiements sont demeurés réguliers tout au long de la période. Seulement 11 % ont cessé de recevoir une pension régulière après deux ans (bien que cela puisse également être le cas des 8 % d’enfants pour lesquels il n’y avait pas d’entente en 1996-1997), ou de la plupart d’entre eux.
  • Le fait de recevoir une pension quelconque, même si les paiements sont en retard ou irréguliers, est positif. Les paiements en retard ou intermittents deviennent souvent plus réguliers avec le temps. Par exemple, pour près du tiers des enfants pour lesquels les paiements étaient irréguliers en 1994-1995, ceux-ci sont devenus plus réguliers au cours de la période (22 % et 10 %).
  • L’absence de pension alimentaire n’est pas nécessairement une situation permanente. Plus du quart des enfants (9 %, 3 % et 14 %) pour lesquels aucune pension alimentaire n’avait été versée pendant au moins six mois en 1994-1995 ont reçu une forme ou une autre de pension dans l’intervalle. Et dans près de la moitié de ces cas, en 1996-1997, ces paiements étaient effectués régulièrement.
  • L’absence d’entente sur la pension alimentaire n’est pas nécessairement une situation permanente, bien que les chances d’en arriver à une entente par la suite soient relativement minces. La situation des deux tiers (65 %) des enfants pour lesquels il n’y avait pas d’entente en 1994-1995 n’avait pas changé deux années plus tard. En outre, parmi ceux pour lesquels une entente est intervenue dans l’intervalle, moins de la moitié (12 % et 2 %) recevaient les paiements régulièrement en 1996-1997.

4.3  Résumé

Comme c’est le cas pour la fréquence des contacts père/enfant, les modalités relatives à la pension alimentaire à un moment donné influent fortement sur la manière dont la situation évolue. Cependant, contrairement aux contacts père/enfant, la situation ne semble pas tendre, dans l’ensemble, vers un engagement moindre en ce qui a trait au soutien économique apporté à l’enfant. Parmi les enfants visés par une entente sur la pension alimentaire pendant les deux cycles d’enquête le soutien était devenu plus prévisible, en moyenne, au cours de la période. Toutefois, ce gain est neutralisé, dans une certaine mesure, par la proportion appréciable d’enfants pour lesquels l’entente sur la pension alimentaire existant au moment du cycle 1 ne s’est avérée être qu’une entente de principe lors du cycle 2.

De toute évidence, la portée de cette analyse est limitée par les données disponibles. Au cours du troisième cycle de l’ELNEJ, des renseignements supplémentaires ont été recueillis, notamment :

  • les raisons de l’absence d’entente sur la pension alimentaire;
  • le type de modalité concernant la pension alimentaire pour les personnes qui avaient une entente amiable;
  • les modes de versement de la pension (directement, sur ordonnance du tribunal, programme d’exécution des ordonnances, etc.);
  • la proportion des paiements ordonnés qui a réellement été versée.

Ces nouvelles données devraient non seulement permettre de brosser un bien meilleur tableau des circonstances entourant les ententes sur la pension alimentaire et le paiement de celle-ci, mais également de mieux évaluer le rôle que joue la reconstitution de la famille sur l’évolution de l’investissement des parents non-gardiens au profit des enfants[13]. Alors que l’étude a révélé de manière constante un lien étroit entre le paiement de la pension alimentaire et les contacts que maintiennent pères et enfants, nous en savons beaucoup moins sur les incidences que peuvent avoir sur la pension alimentaire l’arrivée d’un autre conjoint et des enfants de celui-ci ou la naissance de demi-frères ou de demi-sœurs. On pourrait s’attendre à ce que les pères qui forment une union avec une nouvelle conjointe aient moins de temps et de ressources à consacrer à leurs enfants, particulièrement si leur nouvelle conjointe a déjà des enfants ou s’ils en ont un ensemble. Pour un père non-gardien, il est également probable que l’arrivée d’un nouveau « père » dans la vie de ses enfants puisse déclencher certains changements quant au temps ou à l’argent qu’il est prêt à investir. Il existe relativement peu de données sur ce sujet, mais deux études récentes ont porté sur la manière dont l’arrivée d’une nouvelle conjointe et de nouveaux enfants dans la vie du père non-gardien peut modifier l’investissement qu’il consent pour ses enfants qui ne vivent pas avec lui (Manning et Smock, 1999; Smock et Manning, 2000). Les conclusions de ces rapports indiquent que ce n’est pas tant l’arrivée d’une nouvelle conjointe ou des enfants de celle-ci qui fait diminuer l’investissement du père dans ses autres enfants biologiques que la naissance d’enfants qu’il a avec elle. Les futures données de l’ELNEJ fourniront un meilleur aperçu des conséquences que peut avoir l’arrivée de nouveaux conjoints et de leurs enfants, ou la naissance de demi-frères ou demi-sœurs, sur les relations continues entre les pères et leurs enfants.


CONCLUSIONS

La collecte de données au sujet des mêmes enfants à des périodes différentes ouvre de nombreuses possibilités quant aux types de questions que l’on peut poser et à la manière de les aborder. Il est maintenant possible d’étudier les effets des changements familiaux à partir de la situation qui régnait avant que ces changements aient lieu, au lieu de se limiter à en étudier les conséquences. Cette première phase de recherche sur les conséquences que peuvent avoir les transitions des familles des parents sur le milieu familial et le bien-être économique des enfants a tiré parti de ces nouvelles possibilités en étudiant à fond trois sujets principaux : 1) le lien entre le type de famille, le revenu et l’apport de chaque parent au revenu familial, avec un accent spécial sur les conséquences de deux transitions familiales particulières : la séparation des parents et la formation d’une famille recomposée; 2) les effets des caractéristiques de la famille « intacte », comme le revenu ou la participation des parents au marché du travail, sur les décisions prises par les parents qui se séparent au sujet des modalités de garde et de la pension alimentaire; et 3) la nature évolutive de la garde, de la fréquence des contacts et des modalités relatives à la pension alimentaire, au fil du temps.

Les analyses confirment le lien étroit entre la structure familiale et les ressources financières disponibles pour l’éducation des enfants et illustrent clairement l’incidence de la formation ou de la dissolution d’un couple sur la situation financière de la famille. Elles mettent également en relief la relation entre le nombre de salariés potentiels dans une famille, le niveau de revenu et les stratégies qui s’offrent aux parents en ce qui a trait à l’équilibre entre l’activité rémunérée et les autres responsabilités familiales. Le revenu des familles intactes et la manière dont les parents organisent leurs horaires de travail influent fortement sur la manière dont ils partagent les responsabilités à l’égard des enfants lorsqu’ils se séparent : plus l’égalité entre les parents est grande (ou plus les rôles sont interchangeables entre eux) lorsqu’ils forment encore un couple, plus les responsabilités semblent partagées également lorsqu’ils se séparent. Néanmoins, comme le montrent les analyses finales, au cours des années qui suivent la séparation, la garde des enfants, la fréquence des contacts et la pension alimentaire subissent des changements importants, et notamment la garde partagée.

Quelles sont les répercussions de cette recherche sur les politiques sociales? Le message, peut-être le plus important, à retenir de la recherche sur les changements familiaux est la grande diversité de situations et de comportements des familles canadiennes quant au parcours de vie familiale, au revenu dont elles disposent et aux choix qu’elles font pour assurer l’équilibre entre l’activité rémunérée et les autres responsabilités familiales. Cependant, c’est cette diversité même qui présente l’un des défis les plus importants auxquels doivent faire face les décideurs, comme Joseph Heat l’a mentionné avec beaucoup d’à‑propos dans son discours-programme à la conférence « À vos marques, prêts, partez! » tenue à Ottawa (janvier 2000). Promouvoir la justice sociale dans une société qui compte la diversité et la liberté parmi ses valeurs fondamentales oblige à concilier la liberté de choix de l’individu et la nécessité de protéger les droits de ceux que ces choix pourraient toucher. Dans le cas qui nous occupe, le défi consiste à concilier la liberté de choix des parents en ce qui a trait à leur vie conjugale et aux responsabilités liées à la fonction parentale.

Notre analyse a mis en lumière une variation considérable de certains aspects des mesures prises par les couples pour équilibrer l’activité rémunérée et le temps consacré aux soins des enfants. Dans certaines familles, les parents choisissent de travailler tous les deux à temps plein ou sont parfois forcés de le faire. D’autres préfèrent que l’un reste à la maison à temps plein ou à temps partiel pour élever les enfants. Ces valeurs ne changent pas nécessairement lorsque les parents se séparent, bien que la liberté de vivre en harmonie avec ces valeurs puisse évoluer. La pauvreté peut forcer certaines mères (qui avaient choisi de rester à la maison avec les enfants) à travailler à l’extérieur, alors que d’autres, qui le faisaient déjà, peuvent sentir le besoin de réduire leurs heures de travail ou même de quitter leur emploi pour s’occuper des enfants. Idéalement, les politiques devraient en tenir compte et proposer des moyens de permettre aux parents séparés et à leurs enfants de bien s’adapter aux changements, et cela, de la manière qui correspond le mieux à leurs valeurs, à leur expérience et à leur éducation. Par exemple, avoir un travail peut ne pas être la solution la plus satisfaisante pour toutes les mères seules. Notre analyse a montré que les plus aisées d’entre elles participaient déjà pleinement au marché du travail avant leur séparation; ainsi, des services de garde appropriés peuvent certainement aider ces mères à rester sur le marché du travail après la séparation. Cependant, un travail mal rémunéré n’est pas nécessairement la meilleure solution pour certaines mères qui sont dépourvues de compétences et ont peu d’expérience sur le marché du travail et qui ont de jeunes enfants à la maison.

La garde partagée constitue un défi particulièrement important pour les décideurs, puisqu’un nombre croissant de couples qui se séparent décident de partager les responsabilités à l’égard des enfants. Les mères étant plus occupées hors du foyer familial, les pères y consacrent plus de temps et sont donc plus susceptibles de vouloir continuer à prendre part à la vie quotidienne de leurs enfants. Et, puisque la recherche d’une plus grande égalité du partage de la garde des enfants après la séparation est susceptible d’augmenter, il est essentiel de comprendre comment évoluent les modalités de la garde partagée et pourquoi beaucoup de couples décident ensuite d’y apporter des changements. Y mettent-ils fin pour des raisons négatives, à cause de difficultés d’organisation liées au fait d’avoir deux domiciles? Ou la garde partagée est-elle une étape importante du processus de séparation qui procure aux parents et aux enfants une période d’adaptation à la fin des contacts quotidiens mutuels et qui facilite le passage à un lieu unique de résidence? Les données de l’ELNEJ ne sont pas conçues pour répondre à ces questions. Il faut donc poursuivre la recherche qualitative auprès des familles qui ont fait l’expérience de la garde partagée, non seulement pour comprendre la dynamique de celle-ci, mais également pour élargir l’éventail des stratégies en matière de partage de la prise en charge des enfants. Les choix offerts aux parents qui se séparent devraient refléter de manière plus appropriée la diversité des besoins des familles canadiennes.

Les politiques sociales devraient également tenir compte des autres aspects de la nature fort changeante des modalités de garde et de pension alimentaire mis en lumière dans la section 4 du présent rapport. La vie familiale exige des ajustements constants quant au temps passé avec les enfants et aux investissements financiers qui s’y rapportent, même lorsque les deux parents habitent avec leurs enfants. Et s’ils n’habitent plus avec eux, les ajustements sont encore plus difficiles. Par exemple, dans une famille intacte, les parents prennent habituellement ensemble la décision d’avoir un autre enfant et sont donc prêts à accepter les ajustements que cela exige. Ce n’est de toute évidence pas le cas pour les parents séparés qui peuvent être contrariés par les investissements de temps et de ressources financières de « l’autre » parent à l’égard de nouveaux enfants, particulièrement si cela se traduit par une réduction de la part allouée à leurs propres enfants. En d’autres termes, il est essentiel de concevoir des politiques souples qui intègrent la notion même de changement. En effet, il n’existe aucune modalité de garde ou de pension alimentaire qui soit idéale pour tous les enfants et à tous moments. Ce qui peut être « l’intérêt supérieur » de l’enfant à un moment donné ne l’est pas nécessairement en d’autres temps. Les besoins des enfants changent et la famille ou la vie professionnelle du père ou de la mère peuvent évoluer de sorte que, pour être efficaces et utiles, les politiques doivent avant tout pouvoir épouser ces changements.

Les transitions familiales sont rarement sans conséquences importantes sur les ressources financières disponibles pour l’éducation des enfants. Tout simplement, le fait de passer d’une famille biparentale à une famille monoparentale réduit le revenu familial, et vice‑versa. La baisse relative du revenu dépend en grande partie du revenu familial et du modèle d’activité rémunérée avant la séparation : plus la contribution du parent « absent » du foyer familial était grande avant la séparation, plus la perte de revenu sera lourde à la suite de la séparation. Inversement, le revenu a également une incidence sur les transitions familiales, car il influe sur les ententes conclues par les parents qui se séparent au sujet de la prise en charge physique et du soutien financier des enfants. La présente recherche constitue la première étape d’un programme qui, à partir de la profusion de données offerte par les cycles consécutifs de l’ELNEJ, vise à mieux comprendre l’évolution de ces relations, à brosser un tableau de la nature changeante et complexe de la vie familiale des parents et des enfants et à cerner le mode d’adaptation des parents à ces changements quant au partage des responsabilités à l’égard des enfants. Enfin, ce programme vise à améliorer notre connaissance des facteurs qui peuvent faciliter la manière dont les enfants s’ajustent à ces changements ou, au contraire, qui peuvent les empêcher de le faire.


BIBLIOGRAPHIE

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NOTES

[1]  Pour plus d’information, consultez la publication conjointe de Développement des ressources humaines Canada et Statistique Canada : Enquête longitudinale nationale sur les enfants et les jeunes : aperçu du matériel d’enquête pour la collecte des données de 1996-1997 — Cycle 2, no de catalogue 89FOO78XPE.

[2]  Pour les enfants en garde partagée, le revenu familial est donné pour la famille du « parent qui est le plus au courant » de ce qui concerne l’enfant; dans les trois quarts des cas, il s’agissait de parents seuls (la moitié étaient des mères et le quart, des pères) et les autres étaient des mères ou des pères vivant dans une famille recomposée.

[3]  Les niveaux de revenu des parents seuls pourraient être légèrement sous-estimés. Un petit pourcentage de parents seuls qui ont déclaré toucher régulièrement une pension alimentaire n’ont pas déclaré de « pension alimentaire » dans les « sources de revenu ». Les récents changements qui ont rendu le « payeur » responsable de l’impôt sur le revenu correspondant à la pension alimentaire pour enfants peuvent avoir contribué à la perception que la pension n’est pas vraiment un « revenu »; aussi, il est possible que ces parents n’aient pas inclus ce montant dans leur déclaration de revenu.

[4]  En d’autres mots, aucun enfant n’a été compté comme appartenant à deux familles, l’une dirigée par le père et l’autre, par la mère.

[5]  Les données utilisées ont trait au revenu du ménage où vivait l’enfant. Comme la plupart des ménages sont composés d’une seule famille, les termes « revenu du ménage » et « revenu familial » sont interchangeables dans ce rapport.

[6]  Pour des renseignements plus détaillés au sujet de cette analyse, veuillez communiquer avec les auteures.

[7]  Une faible proportion des enfants (4 %) dont les parents avaient renoué pendant le cycle 2 ne sont pas compris dans l’analyse qui suit.

[8]  La direction que prend cette variation est de toute évidence liée au type de modalités déjà en place pendant le cycle 1. Toute variation de la fréquence des contacts pour les enfants faisant partie de la catégorie « aucun contact », par exemple, ne peut qu’aller dans le sens d’une plus grande fréquence.

[9]  Toutefois, les données sur les sources de revenu fournissent une idée de la proportion minimale des mères, dont l’entente était en négociation ou qui n’avait pas d’entente, qui avaient reçu des versements de pension alimentaire pour enfants lors de l’enquête. Elles ne fournissent toutefois aucune indication quant à la régularité des paiements.

[10]  Ces proportions représentent la limite inférieure, puisque ce ne sont pas toutes les mères qui incluent la pension alimentaire dans leur revenu. Une minorité appréciable de mères qui ont déclaré toucher une pension alimentaire dans la section sur la garde n’ont pas mentionné la « pension alimentaire » à titre de source de revenu.

[11]  Ces répartitions sont donc différentes de celles de la figure 9, qui englobaient tous les enfants de l’échantillon.

[12]  Certains changements, en particulier ceux touchant les catégories « aucune entente » ou « entente en négociation », ne se traduisent pas nécessairement par un changement quant à la pension alimentaire.

[13]  Toutefois, les problèmes qui surgissent à l’heure actuelle au sujet de ces données peuvent en réduire l’utilité.


Table des matières

 

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