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TRADUCTION

La surveillance civile dans une société en plein changement

Allocution prononcée par
 
Shirley Heafey
Présidente
Commission des plaintes du public contre la GRC

À l'Institut canadien d'administration de la justice
Le 26 mars 2002

SEUL LE TEXTE PRONONCÉ FAIT FOI

On se souviendra du 11 septembre 2001 comme d'un point culminant de l'histoire moderne.

Six mois plus tard, nous nous adaptons toujours aux répercussions de ce tragique événement.

Des images de morts et de destruction hantent notre mémoire.

Aujourd'hui, les soldats canadiens combattent de pair avec nos alliers dans la guerre contre le terrorisme.

Ici au pays, nous avons de plein gré laissé la menace terroriste modifier les relations entre le public et les forces de l'ordre qui sont investies du pouvoir de nous protéger.

Nous avons tous accepté le besoin d'une sécurité accrue, même au prix d'inconvénients personnels.

Dans les aéroports et les édifices publics, nous faisons la file pendant que des inconnus fouillent méticuleusement nos effets personnels.

Le Parlement a confié des pouvoirs considérables aux services de police afin qu'ils puissent non seulement arrêter les terroristes, mais aussi prévenir les actes terroristes. Et, je ne parle même pas de la Loi sur le crime organisé (projet de loi C-24) qui pose également de nouveaux défis aux services de police et aux organismes de surveillance.

La GRC, ainsi que d'autres corps policiers, fait face à un défi majeur et significatif alors qu'elle commence à exercer ces pouvoirs pour combattre le terrorisme.

Le défi se résume ainsi : comment exercer ces nouveaux pouvoirs efficacement et de façon responsable?

Le public doit préserver sa confiance en la GRC : la confiance qu'elle possède les outils et les ressources pour mener à bien des tâches très exigeantes, mais aussi la confiance que la GRC, en exécutant son travail, respecte les droits de chacun.

Tout comme n'importe quel acte terroriste, toute action qui porte atteinte à la confiance du public envers les services de police est une menace à notre régime démocratique.

Laissez-moi expliquer davantage mon point de vue.

Aujourd'hui, j'ai soumis mon rapport final à la suite de l'audience publique des événements qui se sont déroulés dans le cadre de la conférence de l'APEC.

Le souvenir des événements qui ont eu lieu à la conférence de l'APEC à Vancouver en novembre 1997 est un rappel opportun de l'ampleur du défi auquel les policiers font face.

L'insuffisance de planification, une communication inadéquate, une formation lacunaire et une compréhension limitée de la loi en vigueur se sont traduits en une réponse inacceptable de la part de la GRC lors d'une manifestation légitime.

J'ai souligné la compréhension limitée de la loi en vigueur et, par le fait même, je faisais référence aux fouilles à nu de prisonnières que M. Ted Hughes a qualifié d'injustifiées, d'envahissantes et d'incompatibles à la Charte.

J'ai également mené une autre enquête sur un incident au cours duquel la GRC a commis des erreurs semblables.

Je pense à la réaction excessive de la GRC lors des manifestations qui ont eu lieu à Saint-Simon et à Saint-Sauveur au Nouveau-Brunswick en mai 1997.

Afin de maîtriser ces manifestations organisées par des familles qui s'opposaient à la fermeture d'écoles de langue française dans deux petites collectivités acadiennes de 800 habitants, la GRC a déployé l'escouade anti-émeute, le Groupe tactique d'intervention, les lanceurs de gaz lacrymogènes, l'escouade canine et un hélicoptère.

La GRC a filmé ces confrontations. Les Canadiens et les Canadiennes n'ont pas visionné les bandes magnétiques.

Cependant, moi, je les ai visionnées.

Et, pour les avoir visionnées, je comprends à quel point ces tactiques au même titre que les arrestations inappropriées ont laissé les citoyens de ces collectivités traumatisés et effrayés par les policiers.

Effrayés par ces mêmes policiers qui doivent assurer leur protection.

Et tout ceci s'est déroulé avant le 11 septembre 2001.

Toutefois, la GRC a endossé la responsabilité pour cette conduite et a présenté des excuses publiques aux citoyens de Saint-Sauveur et de Saint-Simon.

Je n'ai aucun doute que les membres de la GRC ont grandement appris des examens détaillés des événements qui ont eu lieu à Vancouver et au Nouveau-Brunswick.

Seulement, ces événements démontrent que, même en temps de paix, le recours excessif aux pouvoirs extraordinaires confiés aux policiers peut miner notre confiance envers les services de police.

Et nous ne vivons pas une période des plus calmes.

J'aimerais revenir sur un dilemme que je viens tout juste de décrire.

D'une part, nous percevons le besoin d'accorder davantage de pouvoirs aux policiers afin d'assurer notre sécurité au regard de la menace grandissante du terrorisme.

D'autre part, nous appuyons fortement la primauté du droit et les droits reconnus par nos lois et notre constitution.

Voilà pourquoi le défi auquel fait face la GRC et les autres services de police est si important.

Les services de police doivent redoubler d'efforts afin de prévenir l'abus de ces nouveaux pouvoirs considérables.

Parallèlement, les organismes de surveillance civile sont aussi confrontés à de sérieux défis.

La communauté des organismes de surveillance civile doit tenter de comprendre l'objectif du Parlement en confiant ces nouveaux pouvoirs.

Qui plus est, les organismes de surveillance civile doivent prendre les devants pour aider à définir les limites de ces nouveaux pouvoirs.

Il y a des raisons pour cela.

Nous ne sommes pas sans savoir que l'objectif de la Loi antiterroriste est la prévention d'actes terroristes par opposition aux poursuites judiciaires de terroristes.

Par conséquent, plusieurs dossiers dans lesquels la GRC a exercé ou mis en pratique ces pouvoirs ne seront probablement jamais déférés à la cour.

Une conséquence importante découle de ce fait.

La Commission des plaintes du public contre la GRC, que j'appellerai dorénavant la CPP, a été créée en 1988.

Avant la création de la CPP, l'unique surveillance civile de la conduite policière relevait des tribunaux criminels.

Les tribunaux se chargent toujours d'expliquer les lois ayant trait à la conduite policière.

Mais, si les poursuites judiciaires intentées conformément à la nouvelle législation ne surviennent que rarement, les tribunaux n'auront donc plus l'occasion de guider la conduite policière.

Donc, à ce jour, les organismes de surveillance civile doivent tenter de comprendre l'étendue et l'utilisation prévue de ces nouveaux pouvoirs, souvent sans l'aide habituelle des tribunaux.

Ensuite, nous devons utiliser efficacement nos mécanismes de surveillance civile afin d'assurer que ces nouveaux pouvoirs seront utilisés à juste titre.

Depuis les événements du 11 septembre, un danger réel persiste, à savoir si les nouveaux pouvoirs seront utilisés pour cibler injustement des citoyens selon leur origine ethnique.

Les organismes de surveillance civile devront envisager cette possibilité en vue de garantir les mêmes bénéfices et la même protection de la loi à tous les citoyens.

Je ne peux éviter d'aborder les grandes questions soulevées par les pouvoirs élargis des policiers.

Le ministre de la Justice et le Solliciteur général de l'époque, lorsqu'ils se sont présentés devant le Comité sénatorial chargé d'examiner le projet de loi C-36, ont tous deux fait particulièrement référence au rôle de la CPP dans le cadre de la discussion relative à la reddition de comptes des corps policiers depuis que ces derniers ont recours à ces nouveaux pouvoirs.

Le ministre de la Justice et le Solliciteur général ne pouvaient prévoir, à la lumière du rôle élargi, l'ensemble des conséquences pour la CPP. Or, j'ai eu l'occasion de prendre connaissance de lacunes et je trouve un certain réconfort à savoir que des gens comme J.P. Brodeur et Paul Copeland ont également réfléchi à ces enjeux.

La GRC possède peut-être de plus grands pouvoirs, mais l'organisme responsable de sa surveillance n'a pas, pour sa part, vu ses pouvoirs augmenter.

Laissez-moi vous donner un exemple.

Quand le Parlement a rédigé la Loi sur le SCRS et créé le Comité de surveillance des activités de renseignements de sécurité (CSARS), il a reconnu que, lorsqu'il est question de sécurité nationale, les opérations sont sujettes au secret absolu.

Par conséquent, afin de garantir une surveillance adéquate, le CSARS a été pourvu d'un large éventail d'outils de surveillance.

À titre d'exemple, le Comité a des pouvoirs de vérification qui lui permettent d'étudier toute situation dont l'examen est justifié. 

Aussi, selon la loi, le SCRS doit rendre compte de certaines activités au Comité de surveillance des activités de renseignements de sécurité.

En particulier, le CSARS a accès aux mandats ainsi qu'aux affidavits sur lesquels sont basés les mandats.

La CPP ne possède pas ces pouvoirs.

La partie VII de la Loi sur la GRC, qui décrit les pouvoirs de la CPP, expose le mécanisme des plaintes du public.

Ce processus est fondé sur le dépôt de plaintes.

Ce qui veut dire qu'en général, je ne prends connaissance d'un problème que lorsqu'un plaignant dépose une plainte.

Mais que se passe-t-il lorsqu'un plaignant ne connaît pas l'existence de la CPP ou, pis encore, n'ose pas se plaindre des actions de policiers?

Comment pourrais-je alors être avisée d'un problème potentiel?

Et si, à l'opposé, je suis mise au fait d'un présumé problème mais qu'aucune plainte n'a été formulée, comment puis-je poursuivre une enquête sans la collaboration de la personne concernée?

Le Canada est fier de son identité multiculturelle.

Plusieurs citoyens canadiens ont fui des pays où la crainte des services policiers et la méfiance à l'égard du gouvernement est un fait brutal.

Et, de tels sentiments de peur peuvent facilement refaire surface, même au Canada.

Au cours des derniers mois, on m'a informé de situations, d'incidents troublants, provenant de certains membres de notre collectivité qui sont convaincus que les services de police ciblent des individus selon leur origine ethnique.

En divers cas, on m'a précisément informé que des personnes étaient trop effrayées pour se plaindre à la suite d'une mauvaise expérience.

Sans plainte et sans le pouvoir d'examiner des dossiers au hasard, il est difficile d'enquêter et d'évaluer l'utilisation que fait la GRC de ces nouveaux pouvoirs.

Sans pouvoir de vérification, il sera ardu de déterminer si certaines collectivités sont ciblées injustement.

Une fouille est permise lorsqu'il y a un mandat délivré par un fonctionnaire judiciaire qui a pris connaissance d'un affidavit qui appuie la demande de mandat.

Si je n'ai pas accès à ces documents, comment puis-je, en bonne connaissance de cause, garantir au ministre de la Justice et au Solliciteur général que je surveille ces nouveaux pouvoirs que la GRC exerce?

La GRC détient des pouvoirs élargis et de nouveaux outils pour intervenir avec force dans la vie de civils; la CPP ne devrait-elle pas également détenir des pouvoirs de surveillance élargis?

En fait, la GRC serait avantagée par des pouvoirs élargis de surveillance civile. La GRC pourrait éviter d'être blâmée injustement par le public concernant des dossiers dans lesquels, contrairement à la perception du public, la CPP pourrait à la limite démontrer que les actions de la GRC ont été commises conformément aux intentions du Parlement.

Dans l'urgence d'adopter une loi pour combattre le terrorisme, le ministre de la Justice et le Solliciteur général ne pouvaient envisager les conséquences de ce déséquilibre.

La CPP a besoin de pouvoirs et de ressources supplémentaires afin de rétablir l'équilibre et de contrebalancer les nouveaux pouvoirs et les nouvelles ressources accordées à la GRC pour combattre le terrorisme.

Les enjeux sont considérables.

Si la surveillance civile des services de police n'est pas une priorité, nous risquons en dernier ressort de voir s'établir fermement des pratiques policières préjudiciables à notre société démocratique.

Nous devons nous assurer qu'en détruisant une sorte de tyrannie, nous n'en tolérons pas une autre. 

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Date de création : 2003-07-25
Date de modification : 2005-08-15 

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