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LA SURVEILLANCE ET LA REDEVABILITÉ DES CORPS POLICIERS

Allocution prononcée par

 
Shirley Heafey
Présidente
Commission des plaintes du public contre la GRC

 

International Society For The Reform Of Criminal Law
10 août 2004


SEUL LE TEXTE PRONONCÉ FAIT FOI


En 1988, cette société a été mise sur pied dans le but d'élaborer et de discuter de la réforme du droit criminel.

Cette année, le thème de la conférence est la Redevabilité des systèmes judiciaires.

Voilà de quoi je veux parler aujourd'hui : une réforme, et une réforme que je crois urgente, ainsi que la redevabilité des corps policiers.

Manifestement, mes commentaires s'appuient sur mon expérience canadienne, mais j'ose espérer, en étant conforme aux besoins de cette société, que les idées que j'exposerai seront acceptées par les délégués de toutes les juridictions représentées ici même aujourd'hui.

Premièrement, j'aimerais établir les justifications qui me poussent à accélérer le processus d'une réforme et d'un examen de la redevabilité des corps policiers.

En tant qu'avocate et à titre de Présidente de la Commission des plaintes du public contre la Gendarmerie royale du canada (la GRC), j'ai été, depuis les sept dernières années, engagée professionnellement à temps complet dans la surveillance civile de notre police fédérale.

À titre de Présidente, je suis la première responsable du système de plaintes du public établi par le Parlement canadien dans le but d'assurer la redevabilité de la GRC envers le public.

Avant d'être nommée Présidente, j'ai été un membre de la Commission pour une durée approximative de deux ans.  Auparavant, j'ai travaillé pendant quatre ans à titre d'enquêteur principal pour le Comité de révision du renseignement de sécurité, à ses débuts, un organisme civil responsable de la surveillance du SCRS, le Service canadien du renseignement de sécurité.

Donc, lorsqu'il est question de surveillance civile des corps policiers et des organismes de renseignements, je revendique la connaissance et l'expérience.

Les dispositions législatives que j'administre (la Partie VII de la Loi sur la GRC) font parties intégrantes du système canadien de justice pénale. Le projet entourant la redevabilité des corps policiers et sa réforme est un sujet approprié pour ce forum.

Lorsqu'on entrevoit une réforme, nous devons reconnaître et conserver ce qui fonctionne bien tout en améliorant le reste.

En tenant compte de cette formule, je veux souligner deux aspects du système actuel des plaintes du public contre la GRC qui ne sont pas visés par la réforme.

Il existe différents modèles de surveillance.  Le modèle dont j'ai la responsabilité accorde à la GRC l'opportunité, en premier lieu, de répondre à une plainte.  Cette façon de procéder soulève des préoccupations à propos des services de police qui enquête sur les policiers.  Je comprends ce point de vue.  Il existe de bonnes raisons de permettre à la GRC de mener l'enquête initiale.  L'une d'entre elles est la redevabilité et l'opportunité de remédier à un conflit et maintenir la confiance du public.  Pour ces raisons, je ne crois pas que de permettre à la GRC de tenter le règlement d'une plainte initialement soit inapproprié.  De plus, en guise de mesures de protection envers ce système de surveillance, j'ai le pouvoir de mener une enquête initiale si je crois que les intérêts du public le justifient.

Le modèle semble fonctionner.  Seulement 10 % des plaintes gérées par la GRC se retrouvent ensuite à la Commission par un plaignant insatisfait.  

Si le gouvernement pouvait imprimer de l'argent à volonté, il serait peut-être mieux que des civils mènent une enquête sur chaque plainte déposée contre la police. Le monde dans lequel nous vivons n'est pas parfait; les gouvernements n'ont pas accès à des ressources illimitées. Je le répète, je crois qu'il est approprié que la police enquête d'abord sur les plaintes; c'est pourquoi je ne souhaite pas que cet aspect de notre procédure de plaintes du public soit modifié.

Parlons maintenant du deuxième aspect pour lequel je ne vise pas de réforme.  Selon le modèle de surveillance que j'administre, je peux seulement émettre des recommandations et non des ordres.  Comme il fallait s'y attendre, cette façon de procéder amène parfois la suggestion que le processus des plaintes du public manque de rigueur.

Après quelques années de réflexion, j'ai conclu qu'il ne serait pas dans l'intérêt public qu'une agence véritable de redressement soit rigoureuse.

J'ai répété à plusieurs reprises qu'un ordre, accepté à contrecour et mis à exécution, ne peut changer qu'un résultat.  Par contre, une recommandation, si elle est convaincante et concluante, peut changer une attitude ancrée.

En me limitant qu'aux recommandations, je dois m'imposer une certaine discipline. Je ne peux pas envisager apporter des changements à moins que mes recommandations soient basées sur une analyse soignée et impartiale des faits.  L'analyse doit être raisonnable dans sa portée et présentée de façon persuasive.  De mon point de vue, cet aspect n'est pas visé par la réforme.

Évidemment, il existe une certaine tension que l'on peut qualifier de saine entre les policiers et les civils qui sont chargés d'assurer une surveillance. Il ne s'agit pas d'une mauvaise chose.

Certes, les policiers en savent davantage sur la vie dans la rue que la plupart des civils. Ils connaissent bien les pouvoirs extraordinaires qui leurs sont conférés. Ils ne comprennent pas toujours le mélange de confiance et de soupçon qui est souvent à la base de l'opinion que se forment les civils à leur sujet. Ainsi, l'harmonie complète entre la police et les organismes de surveillance civile du maintien de l'ordre est peu probable. 

Bien sûr, je ne suis pas toujours d'accord lorsque le Commissaire de la GRC n'accepte pas une recommandation particulière, mais comme le Commissaire souscrit à près de 80 %  de nos conclusions défavorables et de nos recommandations, c'est avec philosophie que je prends cette différence relativement minime.

La Loi qui nous régit applique des mesures de sauvegarde en ce qui concerne ce petit 20 %.  Je fais état de mes propres conclusions et recommandations à la Ministre de la Sécurité publique et de la protection civile, qui est responsable politiquement de la GRC. Et je dois rendre compte au Parlement. Par conséquent, les différends que le Commissaire et moi partageons sont transmis expressément au Parlement.

Je suis convaincue qu'il s'agit d'une entente convenable, c'est pourquoi je ne propose aucun changement en ce qui concerne cet aspect du système actuel.

Les rouages de la surveillance civile des corps policiers semblent être sans cesse à l'étude.  Ceci est certainement vrai au Canada et je soupçonne la même chose à l'étranger compte tenu de la relation fragile mais importante entre les corps policiers et le public.

C'est pourquoi j'ai voulu partager mon expérience avec vous concernant ces deux aspects du modèle fédéral canadien qui fonctionne bien.

Cette mise au point clarifiée, si nous voulons une surveillance civile efficace envers la conduite de la GRC, je crois ardemment que le système fédéral comporte un aspect qui a un besoin urgent d'être développé à nouveau.

Encore une fois, je crois que mes observations sont admissibles au Canada et à l'étranger.

L'information - son acquisition et son interprétation - constituent les fondements sur lesquels repose une surveillance civile efficace. 

Afin d'effectuer un travail de qualité, l'accès sans contrainte à l'information est primordial. Mon accès à toute information disponible est la clé de la confiance du public envers l'exercice de ma fonction de surveillance.

Malheureusement, je fais face présentement à un accès limité à l'information dont j'ai besoin. Je suis donc largement restreinte dans l'exercice de mes fonctions.

Dans un dossier récent, une plainte à la Commission a porté un intérêt particulier concernant la délivrance d'un mandat de perquisition.  En résumé, le plaignant a allégué que le membre de la GRC qui a obtenu le mandat avait trompé le juge qui avait signé le mandat.

Le mandat avait été délivré d'après l'information rigoureuse qui, selon la GRC, avait été fournie par une personne demandant l'anonymat.

Selon la Partie VII de la Loi sur la GRC, cette dernière se doit de me fournir toute information pertinente à une plainte.  La justification d'un affidavit à l'appui d'un mandat de perquisition n'a jamais été au cour du problème mais la GRC a refusé de me fournir l'information pertinente selon la théorie que cela constituerait une violation de la common law sur le privilège de l'informateur de police.

Préoccupée par les implications de la position de la GRC à ce sujet, j'ai fais une requête d'examen juridique envers le refus du Commissaire de m'accorder l'accès à l'information.

Compte tenu que ce dossier est présentement en appel devant le tribunal, je veux bien peser mes commentaires.  Aussi longtemps que je représenterai fidèlement les positions des plaignants et les raisons du jugement prononcé par M. le juge Russell, je ne crois pas qu'une discussion respectueuse à ce forum soit inappropriée.

Sans trop me lancer dans les détails, je me suis appuyée sur le fait que plusieurs personnes du système juridique - par exemple, les policiers, les avocats de la Couronne, les juges et même les greffiers du tribunal - ont accès à l'identité des informateurs de police.

À titre de représentante de confiance de l'état, tout comme ceux que je viens de mentionner, je demande l'admission au cercle de gens qui ont accès à l'information concernant les informateurs de police.

Je continue de croire que ceci ne constitue pas une violation du privilège des informateurs de police et, par conséquent, que ce privilège ne peut servir à justifier le refus de me fournir l'information dont j'ai besoin pour accomplir mon travail.

De toute évidence, si l'accès m'est accordé, je devrai prendre les mesures nécessaires afin de protéger l'information.  Lors de l'examen d'une plainte, je ne peux fournir au plaignant la chance de pouvoir identifier un informateur de police.  Cette responsabilité ne diffère pas vraiment de celle imposée aux policiers, aux avocats de la Couronne et aux juges.

Le refus de l'accès à l'information à une autorité civile en matière de surveillance a une conséquence sérieuse :   dans cette affaire, je ne pouvais simplement pas examiner la plainte.  Le système de surveillance civile a donc échoué envers ce plaignant et envers le public en général. La simple existence d'une agence civile avec un accès illimité à l'information encourage l'honnêteté et une conduite appropriée.

Le processus est une fois de plus compromis, car la GRC décide par elle-même ce que je peux voir (le syndrome du renard qui garde le poulailler).  Si la GRC peut me refuser l'accès à de l'information, il y a la possibilité qu'une fausse requête à ce privilège soit revendiquée par la police.   Il est également possible qu'on étire ce privilège afin de filtrer certaines informations qui donneraient une mauvaise image de la police.  Ces possibilités ont été soulevées dès qu'une certaine limite sur l'accès à l'information a été acceptée.

J'ai l'appui de plusieurs personnes lorsque j'évoque que toute limite sur mon accès à l'information engendre des conséquences sérieuses à la fonction de surveillance. Bien que nous n'ayons pas eu gain de cause en Cour fédérale, lorsque M. le juge Russell a rendu son jugement, il a écrit parmi ses arguments et je cite : [traduction] « Je suis en accord avec la requérante (j'étais la requérante) lorsqu'elle affirme que la revendication du privilège de l'informateur dans cette affaire, ainsi que dans d'autres dossiers similaires, fera sérieusement obstacle à la Commission dans sa capacité d'examiner les plaintes. » fin de la citation. Malgré cette affirmation, il s'est senti limité par certains précédents, a annulé la requête et a dit et je cite : [traduction] « La solution aux difficultés que ceci peut causer à la Commission des plaintes ne peut être apportée par cette Cour, car elle doit venir de la part du Parlement. » fin de la citation.

À ce sujet, une réforme doit voir le jour.  L'accès illimité à l'information est un aspect nécessaire à tout système de surveillance en vigueur. Sans cet accès, je ne peux affirmer au Parlement ou au public que j'assume la surveillance envisagée lors de la création de la Commission.

Depuis les attentats du 11 septembre, le besoin d'avoir accès à de l'information complète devient pour moi de plus en plus important. Les mesures de contrôle qui visent la protection de notre sécurité nationale peuvent devenir dérangeantes. Je ne fais aucune critique envers la police en général ou envers la GRC en particulier. En tant que société, nous acceptons de plus en plus l'ingérence comme étant un résultat de la guerre contre le terrorisme.

Peut-être connaissez-vous l'affaire de M. Maher Arar? Il est ce citoyen canadien qui a été détenu par les autorités américaines et qui a été déporté en Syrie, un pays où il détient également la citoyenneté.  Le rôle des responsables canadiens dans cette affaire est le sujet d'une Commission d'enquête dirigée par l'honorable M. Dennis O'Connor.  Je n'aurai aucun rôle à jouer dans la détermination des faits de cette enquête.  Toutefois, je devrai m'impliquer dans l'examen de la politique exigée à M. le Juge O'Connor.  Ceci impliquera l'examen de la législation actuelle et des recommandations afin de raffermir l'efficacité de la surveillance de la GRC.

Lorsque la condition de M. Arar est devenue public, j'ai décidé de déposer une plainte, pratique permise par la Loi, afin d'examiner le rôle qu'a jouée la GRC dans cette affaire. En résumé, la GRC m'a avisé qu'ils avaient mené une enquête en regard de ma plainte et qu'ils avaient conclu que tous les membres de la GRC impliqués dans ce dossier avaient agi de façon appropriée.  La GRC n'a pas voulu me fournir davantage de détails en s'appuyant sur le fait que je ne pouvais pas avoir accès à l'information reliée à la sécurité nationale.  Cette décision a été prise malgré le fait que je possède une cote de sécurité « top secret » et que la Commission possède des locaux sécuritaires approuvés par la GRC.

Voyez-vous pourquoi j'envisage une réforme urgente?  Il y a d'abord eu le privilège de l'informateur de police pour justifier la retenue d'information. Maintenant la GRC me dit que je ne peux avoir accès à l'information impliquant la sécurité nationale. 

On comprend pourquoi M. Arar ne jugeait pas satisfaisante à elle seule la procédure de la Commission et ce qui l'a poussé à exercer des pressions pour convoquer une Commission d'enquête comme celle qui suit son cours présentement.

M. le juge O'Connor aura accès à toute l'information nécessaire qui lui permettra d'apporter des conclusions sur les faits et les recommandations.  Il ne pourra pas diffuser toute l'information publiquement, mais nous saurons qu'il a examiné la totalité des documents et nous accepterons ses conclusions, quoi qu'elles soient.

M. le juge O'Connor fournira une surveillance attentive en ce qui touche les agences canadiennes et les responsables qui participent à ces évènements. Il a un accès illimité à l'élément-clé en matière de surveillance : l'information.

Selon moi, une surveillance attentive et continue est une fonction des plus importantes en ce qui a trait à la redevabilité des corps policiers. Il est important de ne pas dépendre uniquement d'une décision politique pour convoquer une requête.

Comme je l'ai mentionné plus tôt, on a demandé à M. le juge O'Connor la recommandation d'un système approprié pour l'examen des activités de la GRC en matière de sécurité nationale.

J'ai fais part au juge O'Connor et à ses conseillers que la Commission possède actuellement un mandat clair et réglementaire concernant l'examen de la conduite des membres de la GRC engagés dans les activités entourant la sécurité nationale. Il nous manque tout simplement les outils pour le faire efficacement.

Grâce à notre connaissance approfondie de la GRC, la Commission des plaintes du public contre la GRC occupe une position officielle afin de fournir un examen efficace des activités de la GRC en matière de sécurité nationale. Cette affirmation est d'autant plus vraie lorsque la ligne de démarcation entre les activités entourant la sécurité nationale et les autres activités concernant l'application des lois est si difficile à distinguer.

Voici ce que je peux vous dire :  à moins que la Commission ou une nouvelle agence se voit donner un accès illimité à l'information, la fonction de surveillance ne pourra être efficace.  Le résultat ne sera que poudre aux yeux et M. Arar et d'autres vivant une situation similaire ainsi que le public en général ne pourront accorder une grande confiance en le système.

Lors  d'une décision récente de la Cour suprême du Canada, M. le juge Iacobucci a dit et je cite : [traduction] « La capacité d'adaptation de la démocratie est manifeste par la façon prudente de gérer les circonstances critiques où les actions de l'état interviennent et empiètent sur les libertés individuelles. » fin de la citation.

Malgré qu'il se référait à un contexte différent, M. le juge Iacobucci partage mes idées et j'espère qu'il partage les vôtres, d'autant plus que nous tenons compte des défis auxquels nos politiciens sont confrontés dans l'ajustement entre la sécurité nationale et les libertés individuelles. Une surveillance civile efficace des corps policiers est l'une des façons de garder les systèmes judiciaires justes et redevables.

Vos commentaires sont les bienvenus.

 

 

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Date de création : 2004-10-18
Date de modification : 2005-01-12 

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