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LES RELATIONS ENTRE LA POLICE
ET LES PERSONNES ATTEINTES DE MALADIE MENTALE


 Allocution prononcée par
 

Shirley Heafey
Présidente
Commission des plaintes du public contre la GRC


Comité canadien de liaison sur l'intervention policière en santé mentale
 30 septembre 2002

 

 SEUL LE TEXTE PRONONCÉ FAIT FOI



Bonjour.

Je vous remercie, Dr Cotton, de votre aimable présentation. C'est un honneur pour moi d'être ici aujourd'hui pour participer à la première conférence canadienne sur les services de police et la maladie mentale.

Il s'agit là d'une question très importante qui mérite notre attention. En mettant en commun nos bonnes et nos mauvaises expériences, nous comprendrons mieux  les problèmes auxquels les policiers se heurtent lorsqu'ils interviennent auprès de personnes atteintes de maladie mentale. 

En mettant nos idées en commun, il nous sera possible de trouver de nouveaux moyens d'améliorer la qualité des relations entre les policiers et les personnes souffrant de maladie mentale. 

Je suis reconnaissante au Dr Cotton de se préoccuper de la question au point d'avoir organisé cette conférence et je vous remercie tous de vous en soucier suffisamment pour y assister.

Tout d'abord, en tant que présidente de la Commission des plaintes du public contre la GRC, il m'incombe d'examiner, d'approfondir et de recommander des modifications aux politiques d'intervention policière auprès des personnes atteintes de maladie mentale.

Selon le guide d'accompagnement des familles et des soignants de la Société canadienne de schizophrénie, ces changements de perception bouleversent entièrement l'existence des gens qui sont atteints de cette maladie. Les nerfs qui transmettent les messages sensoriels au cerveau se dérèglent, amenant la personne à voir, à entendre et à sentir des choses qui n'existent pas ou à éprouver des sensations qui ne sont pas réelles.

Ce sont des hallucinations. Lorsqu'une personne souffrant de schizophrénie est en proie à des hallucinations ou au délire, les gens réagissent avec incrédulité. Par conséquent, elle se sent incomprise et rejetée et peut en venir à cesser toute communication avec les autres. Mais il se peut aussi que la réaction soit exactement le contraire.

Ces épisodes de déséquilibre intense peuvent provoquer des sentiments de panique, de crainte et d'anxiété - réactions tout à fait naturelles dans les circonstances. En outre, la douleur causée par la schizophrénie est d'autant plus forte que les personnes qui en sont atteintes souffrent de savoir qu'elles sont une source d'angoisse et de soucis pour leur famille et leurs amis. Il faut faire preuve de beaucoup de patience et de compréhension et les rassurer parce qu'elles craignent constamment d'être abandonnées à leur sort.

La plupart des gens ont peur des personnes atteintes de maladie mentale. Elles ont une apparence qui effraie et des comportements étranges, marmonnant ou parlant à des gens qui ne sont pas là. Tous cherchent à les éviter; même ceux qui vivent en marge de la société. 

Mais j'ai également constaté que la plupart du temps, les policiers canadiens agissent de bonne foi et ne font que ce qu'ils estiment nécessaire compte tenu de la formation qu'ils ont reçue. 

Nos policiers ne sauraient être à la fois médecins, travailleurs sociaux, spécialistes de la santé mentale et défenseurs de l'ordre public. Pourtant, il est bien évident qu'ils sont souvent en première ligne et forcés d'intervenir auprès de personnes qui souffrent de maladie mentale.

J'ai été surprise d'apprendre, en regardant l'émission 60 Minutes du réseau CBS, que ce problème prend également de l'ampleur aux États-Unis. Selon les auteurs de l'émission, un appel 911 sur dix a pour objet une personne atteinte de maladie mentale. Ils ont même mentionné qu'il est « étonnamment fréquent » que le policier, la personne malade ou même les deux perdent la vie lorsque la police répond à ce genre d'appel. 

Le nombre d'appels d'urgence que la police reçoit au sujet de personnes souffrant de maladie mentale augmente aussi au Canada. La plupart des provinces ont considérablement réduit le nombre de lits disponibles dans les établissements psychiatriques. Bien souvent, on se contente de donner aux gens des médicaments et de les renvoyer se débrouiller tout seuls chez eux.

Nous sommes loin de l'époque où les malades étaient suivis de près pour veiller à ce qu'ils prennent bien leurs médicaments. De nos jours, certaines de ces personnes n'ont nulle part où aller et se retrouvent dans la rue.

Ce sont les policiers qui supportent les conséquences de ce virage de société. À Calgary, la police provinciale recevait autrefois quatre appels par jour concernant des personnes atteintes de maladie mentale. Ce nombre est maintenant passé à plus de treize. Il y a dix ans, la police d'Edmonton ne recevait que deux appels par semaine à ce sujet. Elle en reçoit maintenant deux par jour. La situation est la même partout au pays.

Alors que devons-nous faire? Que pouvons-nous faire pour remédier à cet état de choses?

Il est évident que nous devons aider les policiers à mieux comprendre ces personnes et les problèmes qu'elles vivent. Nous devons leur offrir des programmes de formation et leur fournir les outils dont ils ont besoin pour faire face aux problèmes qui se posent à eux lorsqu'ils interviennent auprès de personnes souffrant de maladie mentale. 

Permettez-moi d'illustrer cet argument en vous relatant l'histoire de Norman Reid, un homme atteint de schizophrénie qui était bien connu des policiers de Little Catalina, à Terre-Neuve. Le 26 août 2000, l'agent John Graham a répondu à un appel selon lequel Normand Reid avait, à un certain moment, menacé de trancher la gorge d'un enfant du voisinage. Voici comment le Chronicle Herald a rendu compte de l'enquête sur cet incident.

« Il a dit qu'il allait me tuer. Il s'est dirigé vers moi en brandissant une hache », a déclaré l'agent John Graham.

« Le gaz poivré n'a eu strictement aucun effet sur lui », a poursuivi l'agent Graham.

« Il s'est mis à descendre l'escalier et je lui ai crié : Arrêtez! Arrêtez! Arrêtez! J'ai attendu qu'il pose le pied sur la dernière marche (de son perron) et, voyant qu'il n'allait pas s'arrêter, j'ai tiré sur lui. »

« Je n'avais pas le choix », a-t-il dit.

L'agent Graham a confirmé qu'il n'avait reçu que trois heures de formation sur la façon d'intervenir auprès des personnes atteintes de maladie mentale. « C'était il y a onze ans. »

L'agent Graham était en larmes à la barre des témoins. Il a déclaré que cet incident le hanterait toute sa vie. 

Cet exemple illustre ce qui peut se produire lorsqu'un policier arrive sur la scène d'un incident impliquant une personne souffrant de maladie mentale et que la tension monte rapidement. Plusieurs facteurs peuvent expliquer ce qui s'est passé.

Lorsqu'une personne est en proie à une crise de paranoïa, elle peut avoir des hallucinations, de fausses impressions ou des troubles de la pensée, lesquels peuvent provoquer une hausse de l'agressivité.

Les policiers sont formés à parler fort et semblent parfois avoir une attitude menaçante lorsqu'ils essaient de faire preuve d'autorité. Lorsqu'on traite avec une personne souffrant de maladie mentale, ces méthodes provoquent souvent l'effet contraire. Plutôt que de se calmer, ces personnes peuvent réagir en devenant plus agitées.

Dans bien des cas, une personne souffrant de maladie mentale à laquelle on parle fort, qui se sent provoquée ou critiquée, que l'on retient par la force ou à qui l'on barre le passage, sera portée à devenir plus agressive pour se protéger du risque immédiat qu'elle perçoit. Lorsqu'elles deviennent violentes, ces personnes peuvent avoir une force surhumaine et tenter de s'infliger des blessures ou de blesser les gens qui se trouvent près d'elles. Il devient alors nécessaire de recourir à la force pour protéger toutes les personnes en cause.

Lorsqu'elles sont contraintes par la force, certaines personnes atteintes de maladie mentale voient leur rythme cardiaque s'accélérer au point de provoquer parfois une défaillance cardiaque. Elles peuvent devenir plus agitées que jamais lorsqu'on les maîtrise par la force.

Autrement dit, les méthodes d'intervention traditionnelles de la police ne donnent pas les résultats escomptés dans le cas des personnes atteintes de maladie mentale.

Depuis que j'occupe le poste de présidente de la Commission des plaintes du public contre la GRC, j'ai été mise au courant de quelques projets intéressants. Une des meilleures idées vient de Surrey en Colombie-Britannique. Jamie Graham, ancien surintendant principal du détachement de la GRC à Surrey, qui est maintenant chef de police à Vancouver, et un de ses collègues, ont créé la carte que je tiens dans ma main.

On y trouve le rôle des policiers aux termes de la loi sur les maladies mentales de la Colombie-Britannique. Au verso sont inscrits des conseils destinés aux agents de la GRC pour qu'ils puissent porter secours efficacement aux personnes en état de crise psychiatrique.

    1. Se concentrer sur la crise en cours. Ne pas poser de diagnostic. Les troubles mentaux peuvent ressembler à l'abus de drogues ou d'alcool.
    2. Faire le calme autour de la personne.
    3. Éviter de faire des mouvements brusques.
    4. Ne pas se presser autour de la personne.
    5. Prévoir une voie de sortie pour soi.
    6. Vérifier si la personne possède une arme ou y a accès.
    7. Rassurer la personne et lui dire ce que vous faites.
    8. Se montrer gentil, obligeant et ferme envers la personne.
    9. Demander à la personne ce qu'elle ressent.
    10. Aider la personne à identifier et à classer par ordre de priorité les questions qui la préoccupent.
    11. Dans le cas où la personne entend des voix, lui demander si celles-ci sont maîtres de ses actions.
    12. Obtenir des renseignements au sujet de sa maladie de son médecin, de sa famille ou de son avocat.
    13. S'il le faut, utiliser les moyens de contention les moins radicaux.


Cette carte contient aussi les numéros de téléphone d'un hôpital, d'une ligne d'écoute, d'un service de santé mentale, etc. C'est un outil pratique et utile qui pourrait facilement être adopté par tous les services policiers du Canada.

Une autre initiative majeure nous vient de Steve Duncan, sous-commissaire de la Division nord-ouest de la GRC. Il a pris une décision importante en équipant ses postes de fauteuils spécialement conçus pour les détenus souffrant, entre autres, de maladie mentale.

Ce fauteuil permet à la personne d'être assise normalement plutôt que de se retrouver pieds et poings liés, par exemple. Elle permet une certaine liberté de mouvement, ce qui atténue la sensation de claustrophobie qui peut provoquer de la panique. C'est une façon plus sécuritaire pour les détenus et pour les officiers responsables de leurs soins. C'est une façon plus humaine d'immobiliser les gens. J'aimerais que tous les postes de police possèdent ce genre de fauteuil.

Durant la conférence, nous entendrons parler d'autres projets que je n'aborderai pas ici, si ce n'est pour dire que chaque initiative est un pas en avant dans la recherche de mesures à prendre pour aider les policiers à intervenir plus efficacement auprès des personnes souffrant de maladie mentale.

Je crois que le Canada a fait des progrès à ce sujet. J'ai récemment entendu parler, à ma grande satisfaction, d'un cas à Baker Lake, à Iqaluit, où la GRC a fait preuve de beaucoup de savoir?faire. Un homme de quarante et un ans faisait des ravages au domicile de ses parents et ces derniers ont appelé la police. 

Sachant que cet homme avait des antécédents de maladie mentale, les policiers ont communiqué avec des psychologues de la GRC à Ottawa dans le but de désamorcer la situation. Ils sont parvenus à convaincre l'homme, qui était armé, de se rendre et personne n'a été blessé. Les négociations ont duré trois jours. C'est là un investissement de ressources considérable, mais que de résultats  remarquables! À n'en pas douter, la sécurité de ce malade, de ses proches et des policiers valait un tel investissement.

Plusieurs projets sont présentement en cours pour améliorer les relations entre les services policiers et les personnes atteintes de maladie mentale. Cependant, l'identification des personnes à risque demeure un des problèmes les plus difficiles auxquels font face les policiers. Les maladies mentales peuvent se manifester de bien des façons. La consommation de drogues ou d'alcool peut en exacerber ou en camoufler les symptômes. 

Dans bien des communautés, les policiers sont fréquemment appelés à intervenir auprès de personnes qui ont consommé de l'alcool ou de la drogue. Le policier présent doit alors décider s'il convient de conduire le détenu à l'hôpital pour lui faire subir une évaluation. Les policiers qui prennent ces décisions importantes doivent pouvoir s'appuyer sur des lignes directrices claires et une formation adéquate.

La Commission s'est penchée sur plusieurs cas de policiers qui ne possédaient pas les connaissances nécessaires pour juger si un détenu courait un risque. Nous avons donc formulé les recommandations suivantes dans le but d'améliorer les pratiques policières auprès des personnes souffrant de maladie mentale :

  • Modifier les programmes de formation de la police afin de sensibiliser les agents aux symptômes les plus fréquents de la maladie mentale et de la surconsommation de drogues ou d'alcool.
  • Offrir aux agents des cours de perfectionnement dans ce domaine.
  • Veiller à ce que les agents puissent communiquer avec des professionnels diplômés en soins de santé pour obtenir des conseils.
  • Mettre en ouvre un système de contrôle et d'évaluation périodique des compétences en matière de premiers soins.
  • Réévaluer périodiquement la formation des gardes civils et passer en revue la politique afin que les dispositions relatives à la détention de personnes souffrant de maladie mentale soient aussi claires et cohérentes que possible. 


Merci.

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Date de création : 2005-01-12
Date de modification : 2005-01-12 

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