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CONFÉRENCE SUR L'ACCÈS ET LES RENSEIGNEMENTS PERSONNELS - 2005

Allocution prononcée par

 
Shirley Heafey
Présidente
Commission des plaintes du public contre la GRC

 

Un examen civil des activités de la GRC en matière de sécurité nationale : une nécessité

Edmonton (Alberta)
17 juin 2005


SEUL LE TEXTE PRONONCÉ FAIT FOI


Je vous remercie de cette chaleureuse présentation.

Comme vous venez de l'entendre, je suis la présidente de la Commission des plaintes du public contre la GRC. Vous devez donc vous demander à quel titre j'ai été invitée à la conférence sur l'accès et les renseignements personnels. D'ailleurs, j'y ai moi-même réfléchi.

Et, à bien y penser, je me rends compte à quel point nous partageons les mêmes intérêts.

Chaque jour, je dois gérer des renseignements personnels protégés.

Chaque jour, je pense aux défis à relever pour obtenir l'accès à des renseignements retenus par la Gendarmerie royale du Canada : un organisme gouvernemental important et puissant.

Nous avons également un autre point en commun : bon nombre d'entre vous ici ont été nommés par les responsables politiques ou bien relèvent de la supervision d'une telle personne.

Et ce travail n'est pas toujours facile.

Les responsables d'organismes sont parfois perçus comme des marionnettes du gouvernement qui les a nommés. J'ai eu l'occasion de lire ce propos à mon endroit, plusieurs fois.

J'occupe ce poste depuis huit ans et j'ai toujours été reconnaissante de l'occasion que l'on m'a donnée de servir ce pays et certains principes bien importants.

Toutefois, les journées ne se déroulent pas toujours sans embûches.

Vous rappelez-vous la première fois où, à votre nouvel emploi, vous avez dû prendre une décision difficile? Lorsque votre gorge est nouée, qu'une armée de fourmis se livre bataille dans votre estomac et que la seule chose à faire est d'y aller selon votre instinct? Ça vous dit quelque chose?

Moi, si.

Quelques mois après que M. Chrétien et son cabinet m'ont nommée pésidente de la Commission par décret pour une période de trois ans, la conférence notoire de l'APEC avait lieu à Vancouver.

Les manifestants ont affronté la police - essentiellement la GRC - et la Commission a reçu plus de 50 plaintes. Plusieurs de ces plaintes alléguaient une ingérence politique active dans le travail de la GRC. Les plaignants ont allégué que le Premier Ministre et son personnel avaient ordonné à la GRC de harceler les manifestants.

La télévision projetait des images très explicites et j'ai eu la conviction profonde que je devais mener une enquête. Trois mois s'étaient écoulés depuis ma nomination et je confrontais le Premier Ministre du Canada. J'étais inquiète, je ne me cache pas pour le dire, car je ne savais pas ce qui m'attendait exactement. J'ai tout de même pris les devants.

Des mois plus tard, incapable d'obtenir, de la part de la GRC, un simple document lié à l'événement, j'ai décidé de tenir une audience publique. Ainsi, je pouvais évoquer le pouvoir d'assignation, un pouvoir que je détiens seulement lors de la tenue d'une audience.

Tout s'est pratiquement déroulé comme je l'avais envisagé. À la GRC, des milliers de documents étaient désormais disponibles et, tel que je le craignais, les médias se sont emparés de l'affaire. On m'a traité de marionnette, et le gouvernement a été à son tour accusé de camoufler l'affaire car il répétait sans cesse de laisser la Commission effectuer son travail.

Malgré le lot de difficultés que j'ai rencontrées, l'expérience s'est avérée positive.

Ni le bureau de M. Chrétien ni aucun employé du gouvernement n'a tenté de m'influencer. On me permettait de faire mon travail et j'avais accès aux ressources nécessaires. Et lorsque j'ai eu besoin que l'on nomme rapidement un nouveau membre afin de mener l'audience - en l'occurence M. le Juge Hughes - le gouvernement a acquiescé à ma demande et ce, sans délai.

L'audience, aussi longue qu'elle fût, a apporté de bons résultats : le respect envers les droits de manifestants ainsi qu'une meilleure compréhension du travail des policiers qui doivent assurer la sécurité des personnes jouissant d'une protection internationale.

Le Commissaire de la GRC a souscrit à la plupart des recommandations formulées par M. Hughes et il les a mises en ouvre.

Lorsqu'une fois de plus j'ai eu à me fier à mon instinct, la décision s'est prise un peu plus facilement.

Avez-vous déjà vécu une expérience semblable?

On nous a confié un travail qui peut s'avérer difficile. Nous devons être persévérants.

Parfois, nous devons affronter franchement notre gouvernement et lui dire qu'il s'est trompé. Et, parfois, nous devons poursuivre un gouvernement en justice, le gouvernement même qui nous a nommés à nos postes.

Et nous devons le faire - coûte que coûte - car c'est la meilleure avenue. Nous avons dû le faire et je peux affirmer que le Commissaire à l'information du Canada, John Reid, sait de quoi je parle.

Parfois, on s'engage dans un projet sans trop savoir où il va nous mener et voilà que nous voulons savoir ce qui se passe chez les puissants.

L'année dernière, la Commission a reçu de nombreuses plaintes provenant d'anciens résidents du Centre de formation pour jeunes de Kingsclear, au Nouveau-Brunswick.

Ce centre était un établissement pénitentiaire pour jeunes qui accueillait également des garçons qui avaient besoin de protection.

Au lieu d'être protégés, plusieurs garçons ont été constamment victimes de violence physique et sexuelle.

Nous le savons pertinemment : un gardien a été déclaré coupable d'après quelque 30 chefs d'accusation.

Les plaignants allèguent que la justice n'a pas été rendue, car la GRC n'a pas pris leurs demandes au sérieux. Ils affirment que la GRC a mené une enquête inadéquate concernant les allégations de violence.

Pis encore, ils allèguent qu'un membre de la GRC était également impliqué dans ces actes de violence. Ils allèguent aussi que l'enquête de la GRC était inadéquate et que la GRC a simplement tenté de camoufler les actes criminels d'un des siens.

Une fois de plus, je devais me fier à mon instinct pour prendre une décision, car le Commissaire actuel de la GRC, avant d'occuper ce poste, a supervisé ces enquêtes et les plaignants l'ont particulièrement pointé du doigt.

J'ai décidé d'aller de l'avant - ce qui veut dire que j'enquêterai sur le rôle du Commissaire actuel concernant ce présumé camouflage.

Cette décision ne fut pas facile à prendre; toutefois, l'enquête a débuté sur une bonne note. Le Commissaire Zaccardelli s'est engagé à collaborer, de quelque façon que ce soit, pour aider l'enquête.

Et il a tenu son engagement.

Il devrait toujours en être ainsi. Pourtant, les choses ne se déroulent pas toujours de cette façon. Trop souvent, nous nous heurtons à de la résistance et nous devons alors nous battre pour obtenir tout document nécessaire à notre travail.

Notre travail nous amène parfois à voir que certaines tâches ardues doivent être effectuées et nous nous demandons si nous possédons le courage et la détermination pour les mener à bien.

Tout en sachant que nous allons nous buter à de l'opposition et, pis encore, à de l'indifférence.

Me voilà arrivée au sujet dont je vous parlerai aujourd'hui : l'équilibre entre la sécurité de notre pays et les droits des Canadiens.

La Loi antiterroriste a provoqué bien des débats publics concernant le juste équilibre entre les droits d'une part, et la sécurité d'autre part.

Au cours de la période sombre qui a suivi les événements du 11 septembre, la GRC a assumé un rôle élargi dans la protection de la sécurité nationale. Peu de temps après, des murmures de mécontentement ont circulé à propos de « profilage raciste » et de techniques d'enquête intimidantes.

On m'a informée que des musulmans recevaient la visite de la GRC à leur lieu de travail. On leur demandait s'ils priaient cinq fois par jour et ce qu'ils pensaient de « Al Quaïda ». Aussi, on leur disait qu'ils n'avaient pas besoin de recourir aux services d'un avocat, qu'ils devaient collaborer et être de bons citoyens.

Des gens m'ont fait part de ces histoires. Je n'ai pas enquêté sur ces faits, car, à deux exceptions près, personne parmi ces gens n'a déposé de plainte à la Commission.

Et dans les circonstances actuelles, sans plainte, je ne peux pas mener d'enquêtes. Je dois d'abord recevoir une plainte d'un citoyen. Le plaignant doit aussi accepter de collaborer, ce qui n'est pas toujours le cas. Bien des personnes craignent des représailles.

Ce n'est pas difficile à comprendre. En déposant une plainte, on attire l'attention des services de police et des responsables du gouvernement.

Ce n'est pas l'ensemble des citoyens de ce pays qui ont confiance en les services de police et en les responsables du gouvernement pour assurer leur protection.

Lorsque le Parlement a envisagé la Loi antiterroriste, il misait davantage sur la détention préventive et les enquêtes judiciaires. Ça n'est guère surprenant, puisque cette loi sert à prévenir des infractions ou des actes terroristes, et non à poursuivre en justice les terroristes après qu'ils ont commis ces actes.

Peu de gens ont apprécié la définition du terme terrorisme dans les textes de lois.

En réalité, le terrorisme est un acte de mauvaise foi accomplie par une personne à des fins politiques, idéologiques ou religieuses.

Depuis les événements du 11 septembre, il ne fait aucun doute que la GRC doit s'acquitter des activités en matière de sécurité nationale. Ce n'est pas la GRC qui en a fait la demande, mais cette responsabilité lui est revenue.

Nous savons aussi que les lois ont été claires en stipulant que les propensions politiques, idéologiques et religieuses de tout individu visé par une enquête en matière de sécurité nationale sont justifiées. Les policiers n'ont pas décidé de s'attribuer ce droit. C'est un droit légal qui leur a été conféré.

La nature préventive de la Loi antiterroriste signifie que la police doit aller au-delà des soupçons habituels. Et nous devons nous préoccuper de la façon dont elle s'y prend.

Nous avons appris, par exemple, que M. Arar s'est fait connaître des autorités par le biais d'une autre personne sous surveillance qui avait fait foi du bail pour l'appartement de M. Arar. Cette constatation est importante, puisque cela veut dire qu'un grand nombre de personnes risquent de se trouver dans la mire d'une enquête policière générale.

Compte tenu que le maintien de l'ordre est un travail on ne peut plus accaparant, il est d'autant plus facile d'ignorer ou de transgresser la loi si aucun mécanisme efficace de responsabilisation n'est établi.

Que l'on soit d'accord ou non avec la loi telle qu'elle a été écrite et adoptée par le Parlement - et je ne suis pas ici aujourd'hui pour débattre cette question - il ne faut pas beaucoup d'imagination pour envisager que de telles enquêtes peuvent mener à des cas où l'on a eu recours à des techniques abusives.

Je ne suggère pas que la GRC ou tout autre corps policier a fait preuve de malveillance. Ils font leur travail pour assurer notre sécurité. Ils doivent relever des défis énormes.

Toutefois, dans un pays démocratique préoccupé à établir un équilibre entre les droits et la sécurité, la violation des droits et libertés de quiconque, même commise selon les meilleures intentions, ne peut être tolérée.

Afin de garantir que les techniques policières utilisées à la suite des événements du 11 septembre sont appropriées, le mécanisme d'examen indépendant ne doit pas être fondé sur les plaintes.

Un système fondé sur les plaintes n'est tout simplement pas adéquat pour exécuter cette tâche.

Il est évident que nous avons besoin d'un mécanisme indépendant et efficace pour examiner les activités de la GRC en matière de sécurité nationale.

Lorsque M. Martin est devenu Premier Ministre au mois de décembre 2003, il a immédiatement engagé le gouvernement à la mise en place d'un mécanisme approprié.

À cet effet, lorsque M. le Juge O'Connor a été nommé pour enquêter sur les circonstances entourant la déportation des États-Unis vers la Syrie du citoyen canadien Maher Arar, on lui a également demandé de formuler des recommandations concernant la meilleure option pour l'examen des activités de la GRC en matière de sécurité nationale.

La Commission a consacré beaucoup de temps et d'efforts à la rédaction de sa présentation au Juge O'Connor, car un examen efficace des activités en matière de sécurité nationale est crucial au maintien de nos droits de la personne et de nos droits constitutionnels.

Nous avons proposé quelques suggestions, seulement aujourd'hui je me limiterai à une seule d'entre elles : le besoin d'obtenir le pouvoir de vérification.

À titre de présidente de la Commission, je peux déposer personnellement une plainte concernant la conduite de la GRC. Toutefois, si je ne suis pas mise au fait d'un problème, je peux difficilement avoir recours à cette option.

À moins d'être mise au fait d'un incident par le biais des médias, je peux difficilement intervenir.

Et même lorsque je suis mise au fait d'un incident, je dois agir avec beaucoup de précautions afin de ne traumatiser davantage les personnes concernées en les entraînant dans un processus d'enquête auquel ils ne veulent pas participer.

Il m'est donc très difficile de déposer une plainte personnelle à moins d'avoir l'appui des personnes concernées.

Par ailleurs, le pouvoir de vérification est l'examen de dossiers au choix parmi lesquels aucune plainte n'a été déposée.

La tenue d'une vérification n'exige pas la suggestion d'une mauvaise conduite et il n'est pas nécessaire d'avertir la personne visée ou que celle-ci participe à l'examen.

En détenant un pouvoir de vérification, je pourrais, par exemple, examiner 10 dossiers parmi lesquels des mandats de perquisition ont été émis au regard d'une présumée activité terroriste. Ou bien, je pourrais demander à voir 10 dossiers parmi lesquels on a interviewé des personnes à leur lieu de travail pour des raisons de sécurité nationale.

Le Comité de surveillance des activités de renseignements de sécurité (CSARS) qui examine le travail du Service canadien du renseignement de sécurité(SCRS) détient ce pouvoir.

Il y a vingt ans, lorsque le SCRS et le CSARS ont été créés, un tel pouvoir confié au CSARS était semble-t-il nécessaire compte tenu que le travail lié au renseignement de sécurité est confidentiel et qu'il comporte un aspect d'ingérence.

Aujourd'hui, la GRC est fortement impliquée dans ce type de travail. Alors, pourquoi ne fait-elle pas l'objet d'un même type d'examen que le SCARS?

J'estime donc qu'un mécanisme efficace pour l'examen des activités de la GRC en matière de sécurité nationale doit comporter un pouvoir de vérification.

Il s'agit de la seule façon de vraiment déterminer si la GRC a recours à la loi adoptée par le Parlement tout en respectant les droits et libertés de tous les citoyens.

Tout mécanisme d'examen fondé uniquement sur les plaintes ne nous permet pas de garantir un équilibre approprié entre les droits et la sécurité.

J'ai parlé plus tôt de la persévérance que nous, les gens dans cette salle, devons parfois montrer pour effectuer notre travail. Maintenant, serait-il juste de laisser de simples particuliers tenter tant bien que mal de rendre le mécanisme d'examen civil efficace?

Des gens faisant partie d'une minorité visible, des gens étant ou non des citoyens, des gens arrivés tous récemment au pays et qui ont toujours peur des policiers et des gouvernements.

Je ne crois pas. Un pays est démocratique ou ne l'est pas. Au Canada, on ne peut pas violer les droits de la personne ou les droits constitutionnels.

Favoriser un mécanisme d'examen civil efficace en vue de garantir un équilibre approprié entre les droits et la sécurité ne portera pas atteinte à la réputation de la GRC.

La longue et fière histoire ainsi que l'excellente réputation dont la GRC jouit au pays et à l'étranger sont bien justifiées.

Seulement, cette réputation ne peut permettre à la GRC d'éviter d'effectuer une tâche permanente, celle de rendre des comptes au public.

Vous savez, pour certains, questionner ou critiquer la GRC peut sembler quasi antipatriotique.

Lorsque j'ai eu à poser des questions difficiles au regard de dossiers en examen, des membres de la GRC m'ont déjà répondu : « Ne me faites-vous donc pas confiance? » Que puis-je bien répondre?

Dernièrement, j'ai beaucoup réfléchi à la confiance du public. Ces derniers temps, j'ai assisté à une table ronde organisée par le Conference Board du Canada qui portait sur le rétablissement de la confiance autant au secteur privé que public.

La confiance du public est fragile : elle est facile à perdre et très difficile à regagner.

Vous et moi, les chefs d'entreprises et les chefs politiques ainsi que les organismes gouvernementaux, devons tenir compte de cette réalité tous les jours.

À l'aide de processus efficaces traduisant l'équilibre, nous favorisons la confiance du public. Voilà pourquoi un mécanisme d'examen civil pour les activités de la GRC en matière de sécurité nationale doit comprendre un pouvoir de vérification au hasard.

En tant que chef dans nos domaines, nous favorisons la confiance du public en donnant notre maximum chaque jour, même lorsque nos gorges sont nouées et que nous avons l'impression d'avoir des papillons dans l'estomac.

Je ne veux pas insinuer que nous ne commettrons aucune erreur, car nous en commettrons.

Seulement, je ne crois pas que pour acquérir la confiance du public, tout doit être parfait. Les gens raisonnables savent que d'autres personnes vaillantes et raisonnables commettent des erreurs.

Et je ne regrette pas mes erreurs si je peux expliquer en toute conscience mes actions au Parlement ou au public et affirmer que j'ai donné mon maximum.

J'ai mentionné plus tôt que des membres de la GRC m'avaient déjà demandé : Ne me faites-vous donc pas confiance?

La question n'est pas de savoir si j'ai confiance en la GRC. Mon travail consiste à poser des questions, à obtenir des réponses et à formuler des conclusions. C'est l'essence même de la redevabilité, le meilleur moyen pour la GRC d'être redevable envers le public par le biais de ma personne.

Si j'accepte leurs paroles sans contredit, alors je ne défends aucune cause.

En terminant, la solution partielle concernant l'équilibre entre les droits et la sécurité passe par... un examen civil efficace. Et aux membres de la GRC, je réponds : Acceptez cette méthode. En vous y accommodant, vous en tirerez des bénéfices.

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Date de création : 2005-06-22
Date de modification : 2005-10-14 

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