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l'Initiative de lutte contre la violence familiale
La violence familiale et les sourds Questions liées à la vulgarisation et à l’information
juridiques – évaluation des besoins nationaux
Innovations, analyse et intégration
Programme de vulgarisation et d’information juridique (PVIJ)
Initiative de lutte contre la violence familiale
Justice Canada Septembre 2000 Préparé par
Jamie C. MacDougall, Ph.D.
Version PDF
![Aide pour PDF](/web/20061026021216im_/http://www.justice.gc.ca/img/pdf_24x12.gif) L’opinion exprimée dans le présent document est uniquement
celle de l’auteur et ne reflète pas nécessairement celle du
ministère de la Justice du Canada.
TABLE DES MATIÈRES RÉSUMÉ REMERCIEMENTS 1.0 INTRODUCTION ET CONTEXTE
1.2 La prestation de services pour les personnes
sourdes 2.0 LE PRÉSENT PROJET 3.0 MÉTHODOLOGIE 4.0 CONCLUSIONS
4.1 Personnes sourdes, organismes, professionnels
et réunions 4.2 Vulgarisation et information juridiques 5.0 DISPONIBILITÉ DU MATÉRIEL ET DE L'INFORMATION
6.0 RECOMMANDATIONS 7.0 BIBLIOGRAPHIE NOTES RÉSUMÉ
Des données non scientifiques ont fait voir que la violence familiale devenait
un grave problème au sein de la collectivité des sourds du Canada. Le présent
projet consiste en un examen des besoins de base à cet égard, au moyen de
renseignements recueillis auprès d’intéressés du domaine de la surdité
et d’un certain nombre de centres de vulgarisation et d’information
juridiques (VIJ) de diverses régions du Canada. L’examen vise particulièrement
les personnes qui ont le langage gestuel comme principal mode de communication.
Parmi les méthodes de recherche utilisées il y a eu des communications téléphoniques
avec divers organismes et individus à travers le Canada et des visites effectuées
au Nouveau-Brunswick, au Québec, en Ontario, au Manitoba et en Colombie-Britannique. On a pu constater que la violence familiale constituait un problème important
(au sein des familles comptant une personne sourde) partout au Canada. La
pénurie de services appropriés et le manque flagrant de matériel didactique
et d’information ont été signalés dans toutes les régions du Canada.
Tous ont clairement confirmé la nécessité d’efforts accrus en matière
de vulgarisation et d’information juridiques. Les personnes culturellement
Sourdes utilisent le langage gestuel (ASL ou LSQ) comme principal mode de
communication. Peu de matériel est disponible dans ce langage sur les questions
juridiques reliées à la violence familiale. Ainsi, la plupart des personnes
sourdes n’ont aucun accès non seulement à du matériel mais aussi à des
programmes de formation et d’enseignement, lesquels sont la plupart
du temps conçus exclusivement pour les personnes non atteintes de surdité.
On a pu constater que du travail préliminaire avait déjà été accompli dans
diverses parties du pays en matière de vulgarisation et d’information
juridiques, des vidéos et des documents imprimés étant disponibles en la forme
appropriée et beaucoup de ressources étant également disponibles dans le domaine
général de la violence familiale. Bien que divers types de matériel existent,
on ne dispose toutefois d’aucun système permettant de les distribuer
et de les rendre disponibles à l’échelle nationale. Les communications
dans le domaine sont minimales à travers le pays à l’heure actuelle.
On présente un certain nombre de conclusions, qui mettent l’accent
sur la nécessité absolue de l’élaboration de programmes de vulgarisation
et d’information juridiques en collaboration avec les personnes sourdes
et les organismes qui les desservent. La coordination à l’échelle nationale
et l’établissement de priorités en vue de la prise de mesures concrètes
sont essentiels pour que soient utilisées de manière efficace des ressources
restreintes. La décision récente Eldridge c. Colombie- Britannique,
rendue par la Cour suprême du Canada en 1997, incite encore à passer maintenant
à l’action.
Il faudra examiner de manière distincte les besoins particuliers des Autochtones
et des Inuits atteints de surdité. En outre, bien qu’on fasse état
dans le présent rapport de renseignements en provenance du Québec, les besoins
particuliers des francophones et anglophones du Québec et des francophones
des autres provinces qui sont atteints de surdité devront être examinés dans
le cadre d’une étude distincte. Le présent rapport renferme également une bibliographie sommaire sur la question
des sourds et de la violence familiale ainsi qu’une liste du matériel
et des ressources disponibles.
REMERCIEMENTS De nombreux organismes et individus ont fourni l’information à la base
du présent rapport. J’aimerais remercier tous les organismes de VIJ
qui ont collaboré et pris part au présent projet et les organismes offrant
des services aux sourds et les personnes – atteintes de surdité ou non
– qui ont fait partie de groupes de discussion. Je désire remercier
particulièrement pour leur contribution exceptionnelle Deborah Doherty (Nouveau-Brunswick),
Barbara Palace (Manitoba), Rick Craig (Colombie-Britannique), Sheila Smallwood
(Ontario), Julie Mathews (Ontario), Dr Jane Ursel (Manitoba), David
Martin (Manitoba), Bonnie Dubienski (Manitoba), Bonnie Destounis (Québec),
Louise Ford (Ontario), Lynn LeBlanc (Nouveau-Brunswick), Laura Peters (Nouveau-Brunswick),
Nicole Parise (Québec), Louise Roussel (Québec), Veronique Boisvert (Québec),
Jeanne Lorenz (Québec), Louise Martin (Québec), Helen Brisebois (Québec),
Martine Gagnon (Québec), Leanor Vlug (Colombie-Britannique), Esther Shinkaw
(Colombie-Britannique), Linda Hill (Colombie-Britannique), Roger Carver (Colombie-Britannique),
Chantale Paye (Québec), Michele Dean (Québec), Catherine MacKinnon (Ontario),
Gary Malkowski (Ontario), Francoise Boucher (Québec) et Gilles Read (Québec).
Je désire aussi remercier tout particulièrement les personnes sourdes qui,
au sein des groupes de discussion informels, ont fait part à cœur ouvert
de leur expérience ainsi que les personnes, notamment les professionnels,
qui s’occupent au jour le jour des problèmes de violence familiale.
Je dois reconnaître ici qu’en raison de la portée restreinte du présent
rapport, il n’est pas fait écho à une grande part de ce qui a été dit
et partagé dans le cadre du projet. Le présent rapport ne peut donner une
idée adéquate de toute l’émotion et la détermination et de tout le courage
dont j’ai été témoin dans le cadre du projet. Je peux seulement espérer
que le présent rapport incitera à la prise – plus que souhaitable –
de mesures dans ce domaine très délaissé.
Je désire remercier mon épouse Michele MacDougall qui a apporté son aide
pour toutes les questions administratives et reliées aux déplacements et pour
son appui indéfectible et ses vues pénétrantes tout au long du processus.
Je désire signaler également les bons conseils, le soutien, la patience et
les encouragements des chargés de projet à Justice Canada, Veronica Doyle
et Nahid Roboubi. J’aimerais également remercier le Secrétariat national
à l’alphabétisation (de Développement des ressources humaines Canada,
particulièrement Jim MacLaren) pour l’appui donné à des projets d’alphabétisation
des sourds à travers le Canada; le présent projet s’appuie sur bon nombre
de ces projets et beaucoup de renseignements recueillis ont pu l’être
par ce biais. Je désire également remercier Peter Lawless et Collinda Joseph
du Bureau de la condition des personnes handicapées (BCHP, DRHC), pour avoir
lancé le projet; leur soutien et leur encouragement n’ont jamais défailli.
J’aimerais finalement remercier les étudiants de mon cours avancé sur
la surdité à l’Université McGill pour leur intérêt marqué pour les questions
à l’étude et leurs vues perspicaces.
Parmi les autres sources de soutien, je dois mentionner la faculté de psychologie
de l’Université McGill (particulièrement le président, le Dr
A. A. J. Marley), l’Institut canadien de recherche et de formation sur
la surdité de Montréal et le Centre de réadaptation (L’Institut de recherche
et de développement en réadaptation) d’Ottawa (particulièrement Dorothyann
Curran et Debra Schleyer pour l’aide apportée en vue de la préparation
du présent rapport). L’auteur demeure seul responsable de toute erreur
ou omission dont pourrait être entaché le présent rapport.
1.0 INTRODUCTION ET CONTEXTE Dans une étude récente (1994), Ticoll a signalé que la violence conjugale
à l’égard des femmes en général était devenu « un problème grave
et envahissant de la société d’aujourd’hui ». Au sein de
la population générale, 95% des victimes de violence conjugale sont des femmes
et au moins 89% des agresseurs sont des hommes. Dans le cas des femmes handicapées
(y compris celles souffrant d’un retard du développement ou atteintes
de surdité), la proportion est, selon les données, de 20% supérieure à celle
concernant les personnes non handicapées.
D’après un sondage mené par le Réseau des femmes handicapées (le Réseau)
en 1985, on estime que « les femmes handicapées sont de 1,5 à 10 fois
plus susceptibles d’être maltraitées que les femmes non handicapées,
selon qu’elles vivent dans la collectivité ou dans des établissements ».[1]
Tant l’étude de Ticoll pour le compte de l’Institut Roeher que
l’étude du Réseau dressent un sombre tableau en ce qui concerne la violence
familiale à l’égard des personnes handicapées au Canada. On y traite
de bon nombre des facteurs principaux à la source de la violence, ainsi que
d’autres faisant obstacle à la solution du problème.[2]
La question ciblée dans le présent projet est celle de la violence familiale
au sein de la collectivité des sourds. Même si bon nombre des questions liées
à celle-ci sont semblables à celles auxquelles les personnes handicapées sont
confrontées de manière générale, certaines questions particulières entrent
en jeu qui doivent faire l’objet d’une attention spéciale. L’élément
premier et le plus évident qui rend la collectivité des sourds unique est
l’existence de langages gestuels – l’American Sign Language
(ASL) pour les anglophones et le langage des signes québécois (LSQ) pour les
francophones.
L’autre aspect, connexe, qui rend les sourds uniques vient de ce que
ces derniers ne s’identifient pas aux personnes handicapées, sauf à
des fins politico-juridiques (Lane, 1992; Lane, Hoffmeister et Bahan, 1996).
La plupart des personnes sourdes considèrent appartenir à une culture unique
( Dolnick, 1993; Lane, 1984, 1986, 1992; Padden et Humphries, 1989).[3] La relation existant entre les personnes sourdes et les personnes handicapées
est très complexe. Pour les fins des présentes, cela rend difficile d’étendre
aux personnes sourdes la problématique concernant les personnes handicapés.
Cela rend également très difficile de recourir à des solutions génériques
pour régler les problèmes de violence familiale auxquels les sourds sont confrontés.
Il n’en découle pas qu’aucun recoupement ne pourra être effectué
entre les problèmes (et les solutions) visant les personnes handicapées et
les personnes sourdes ou, par exemple, entre ces dernières et les membres
d’autres minorités culturelles.[4]
De fait, une grande part de l’information provenant de ces autres sources
sera fort utile. Il en découle plutôt qu’une « perspective des
sourds » devra être utilisée en bout de ligne pour examiner les questions
à l’étude. Je donnerai donc un aperçu général de divers aspects de
la réalité des sourds, comme toile de fond de la présente étude sur la violence
familiale au sein de la collectivité des sourds au Canada.
1.1 La collectivité des sourds Dans Sacks (1989), on trouve un compte rendu grand public récent sur les
principales questions reliées à la culture des Sourds, aux réalités politiques
actuelles en la matière et au rôle de l’ASL. Ling (1984), pour sa part,
fait état de la perspective « oraliste ». Klima et Bellugi (1979)
donnent un bon aperçu général des principales questions théoriques que met
en cause l’étude de l’ASL.
On traite également sommairement de certains des traits saillants applicables
à la collectivité des sourds dans Erting, Johnson et Smith, 1994; Higgins
et Nash, 1986; Lane, 1984, 1986, 1992; Lane, Hoffmeister et Bahan, 1996; MacDougall,
1991; Mindel et Vernon, 1987; Moores, 2000; Padden et Humphries, 1989; Rodda
et Grove, 1987. 1.1.1 Facteurs démographiques Terminologie Il est très complexe de définir ce qu’est la surdité et il faut faire
preuve d’une grande prudence lorsqu’il s’agit d’interpréter
des énoncés généraux sur des caractéristiques applicables à toutes les personnes
ayant un déficit auditif. Le degré de la surdité, l’âge ou elle est
apparue, sa cause, l’existence d’autres handicaps (dans 1/3 des
cas selon les évaluations) et le milieu dans lequel évolue la personne sourde
sont tous des facteurs d’importance majeure quant aux répercussions
sur celle-ci de sa surdité (MacDougall, 1990, 1991; Moores, 2000).
On peut dire sans crainte qu’une grande part des controverses et des
méprises entourant la surdité découlent de l’emploi d’une terminologie
imprécise et de la forte tendance qu’on a à comparer à tort des groupes
et des individus ayant des déficits auditifs d’étiologie et de types
différents.
L’emploi même du mot « sourd » fait l’objet de débats
constants. Une convention s’est établie selon laquelle, dans certains
contextes, le mot lorsqu’il est utilisé avec un « D » majuscule
s’entend des personnes culturellement sourdes qui recourent au langage
gestuel. Lorsqu’on utilise un « d » minuscule, on vise les
personnes ayant une grave déficience auditive (Padden et Humphries, 1989).
L’expression « personne ayant une déficience auditive » est
normalement utilisée par les partisans de l’approche « oraliste »
ou pour désigner de manière plus générale les personnes ayant un déficit auditif.
Il y a également une importante distinction à faire entre les sourds prélinguistiques
(avant l’acquisition du langage) et personnes devenues sourdes plus
tard dans la vie. En outre, les malentendants constituent un groupe distinct
ayant des besoins uniques fort différents de ceux des personnes culturellement
Sourdes (Rodda et Grove, 1987). Il n’est pas traité spécifiquement
des besoins particuliers des malentendants dans le présent rapport. La plupart des personnes sourdes ont une certaine audition résiduelle, qu’on
peut réussir à amplifier dans certains cas au moyen d’une aide à l’audition
ou d’un accessoire fonctionnel d’un autre type (Ling, 1984).
Dans d’autres cas, toutefois, une aide à l’audition sera peu ou
pas du tout utile même lorsque l’audition résiduelle est importante
(MacDougall, 1991; Moores, 2000; Rodda et Grove, 1987). Tel est le cas pour
la plupart des personnes culturellement Sourdes dont le principal moyen de
communication est le langage gestuel.
Lorsqu’on traite de violence familiale dans la collectivité des sourds,
il importe particulièrement de garder présents à l’esprit les facteurs
susmentionnés. Il arrive fréquemment que des facteurs applicables à un sous-groupe
des personnes sourdes ne le soient pas à un ou tous les autres (p. ex. les
personnes culturellement Sourdes par opposition aux personnes perdant l’ouie
plus tard dans la vie ou aux malentendants). Comme nous l’avons déjà
dit, le présent rapport cible particulièrement les personnes culturellement
Sourdes dont le principal moyen de communication est le langage gestuel.
Pour ce qui est de la terminologie, pour les fins du présent rapport et sauf
lorsqu’il directement fait allusion aux personnes culturellement Sourdes,
le mot « sourd » est toujours utilisé en son sens générique.[5]
Prévalence Une importante étude démographique a été réalisée aux États-Unis (Schein
et Delk, 1974), portant sur les taux de prévalence (reliée à la question des
définitions dont on a traité ci-dessus). Au Canada, la McGill Study of
Deaf Children in Canada a permis d’établir le taux de prévalence
de la surdité parmi les personnes âgées de 0 à 21 ans (MacDougall, 1990).
Le taux généralement admis au Canada de la prévalence de la surdité –
les personnes ne pouvant entendre ni parler sans intervention spéciale –
est de 1/1000 (MacDougall, 1990, 1999).
Bien que ce taux soit généralement admis, la controverse naît lorsqu’on
ajoute toutes les personnes ayant une déficience auditive, notamment les malentendants,
et celles ayant tout type de déficit auditif en raison de l’âge ou d’autres
facteurs étiologiques. On a évalué qu’une personne sur cent avait un
déficit auditif suffisant pour qu’une intervention quelconque soit requise
et qu’une personne sur dix dans l’ensemble de la population avait
un déficit auditif quelconque (MacDougall, 1994, 1999).
Pour les fins du présent projet, le taux estimatif de 1/1000 s’applique
à la population-cible. Aux présentes, on vise particulièrement les personnes
atteintes de surdité profonde qui ont comme mode principal de communication
le langage gestuel (ASL/LSQ) et qui, la plupart du temps, s’identifient
à la culture des Sourds. Il convient une fois encore de reconnaître, toutefois,
que les sourds « oralistes », les sourds autres que de naissance,
les malentendants et les autres groupes de personnes ayant une déficience
auditive ont des besoins uniques en regard de la violence familiale, particulièrement
en matière de vulgarisation et d’information juridiques.
1.1.2 Situation socio-économique Malgré certaines exceptions notables, les personnes sourdes en tant que groupe
ne jouissent pas d’une situation socio-économique très favorable au
Canada. Dans une étude récente portant sur 1 000 Canadiens sourds, l’Association
des Sourds du Canada a pu constater que 80% d’entre eux étaient soit
sans emploi, soit sous-employés. Pour les fins du présent projet, il est
manifeste que ce taux élevé de chômage et sous-emploi constitue un facteur
important à prendre en compte lorsqu’on traite de violence familiale
dans la collectivité des sourds. Ticoll (1994) mentionne également le chômage
comme composante importante de la problématique des handicaps, ce qui comprend
la surdité.
1.1.3 Santé Les personnes sourdes sont confrontées aux mêmes problèmes de santé (physique
et mentale) que le reste de la population (Barnett, 1999; MacDougall, 1999;
Moores, 2000). Fait important à signaler, le tiers des personnes sourdes
souffrent également d’un autre handicap (MacDougall, 1990) pouvant nécessiter
des soins et des accommodements spéciaux, particulièrement en termes de vulgarisation
et d’information juridiques dans le cadre du système judiciaire. Les
personnes atteintes de surdi-cécité, par exemple, ont besoin davantage d’accommodements
spéciaux que les autres personnes sourdes (Schein, 1990, Weaver, 1995). Les
personnes sourdes souffrant de retard du développement ou d’autres déficiences
physiques ont également des besoins spéciaux (Mindel et Vernon, 1987; Moores,
2000). Les personnes atteintes d’incapacités multiples sont souvent
les premières à « passer à travers les mailles » de tout système,
et les plus vulnérables face à la violence physique et sexuelle (Ticoll, 1994).[6]
Il faut également garder à l’esprit la décision Eldridge c.
C-B de la Cour suprême dans le présent contexte. Notre plus haute cour
a ordonné que soient dispensés gratuitement, dans le cadre du régime d’assurance-maladie,
des services d’interprétation gestuelle pour toutes les personnes sourdes
au Canada.[7] Dans
certaines régions, cette décision a été interprétée comme servant de fondement
à une obligation de fourniture de services d’interprétation gestuelle
pour tous les services accessibles au public. Ce nouvel élément juridique
a une incidence sur l’accessibilité aux services d’interprétation
en contexte de violence familiale. Si des services sont offerts au grand
public dans ce domaine, comme des groupes de maîtrise de la colère sous les
auspices des autorités provinciales en matière de santé, ou les services de
travailleurs sociaux dispensés aux victimes, il faudrait pour se conformer
à Eldridge que ces services soient accessibles aux personnes sourdes
au moyen de l’interprétation gestuelle.
Le counselling en santé mentale constitue un cas particulier de la problématique
de la violence familiale comparable à celui du counselling pour la violence
familiale. Le seul fait que des interprètes soient présents pour permettre
la communication ne règle pas toujours les problèmes dans le domaine (Haffner,
1992; Harry, 1986; MacDougall, 1999; Mindel et Vernon, 1987; Moores, 2000).
Il existe ainsi des problèmes de confidentialité, particulièrement au sein
des petites collectivités où les interprètes font virtuellement partie de
la collectivité des sourds. En outre, la nature même du counselling en santé
mentale ne permet pas toujours le recours aisé à un interprète (Harry, 1986;
Haffner, 1992; Katz, Vernon, Penn et Gillece 1992; Kennedy, 1992). Certaines
approches requièrent l’établissement d’un lien direct entre le
professionnel et le client. Il s’agit là d’un problème particulier
à régler en priorité en regard de la question du counselling et de la vulgarisation
juridiques en contexte de violence familiale.
1.1.4 Alphabétisation Le problème non encore résolu le plus important dans le domaine de la surdité
a probablement trait au niveau d’alphabétisation parmi les personnes
sourdes. On rapporte qu’un sourd ayant terminé ses études secondaires
en est généralement à un niveau équivalant à celui d’un étudiant de
la 3e à la 5e année non atteint de surdité (MacDougall,
1991; Rodda et Grove, 1987; Schein, 1990). Le motif en fait l’objet
de nombreux débats.
On sait que des faibles taux d’alphabétisation peuvent restreindre
l’accès au système judiciaire ainsi qu’aux documents d’information.
Les problèmes en matière d’alphabétisation se répercutent en matière
d’accès à la justice – particulièrement lorsqu’entrent en
jeu des questions graves et complexes, comme dans le domaine de la violence
familiale (Ticoll, 1994).
1.1.5 Éducation Aucune question sociale (comme celle de la violence familiale) reliée à la
surdité ne peut être comprise sans l’éclairage des politiques éducatives
à l’égard des enfants sourds et particulièrement du rôle des pensionnats
(MacDougall, 1990). Le domaine de l’éducation des sourds au Canada
et ailleurs a connu une évolution remarquable au cours des 25 dernières années.
Comme modèle éducatif, on est passé de pensionnats distincts pour les sourds
à l’intégration scolaire. De nombreux pensionnats pour les sourds ont
fermé leurs portes au Canada (avec de notables exceptions, comme à Terre-Neuve).
Une autre question en jeu – sans doute la plus importante – en
regard de la violence familiale, concerne la violence physique et sexuelle
qu’on a rapporté s’être produite dans les pensionnats pour les
sourds. La situation à l’école de Jericho Hills à Vancouver a déjà
fait l’objet d’une émission (Walls of Silence) de la CBC,
ainsi que d’un rapport de conseiller spécial du juge Berger et d’un
rapport du bureau de l’ombudsman de la Colombie-Britannique, tous deux
publiés en 1993. Linda Hill (1999a, 1999b, 1999c), une psychologue spécialiste
de la surdité, a animé un groupe de discussion pour la Commission du droit
du Canada, qui a produit son propre rapport. Henry Vlug, un avocat sourd
éminent, a également pris part au projet. Il y avait dans le groupe de discussion
37 personnes sourdes de diverses régions de la Colombie-Britannique et quatre
d’autres régions du Canada; tous ont fréquenté des pensionnats pour
les sourds ou des écoles intégratrices. Ce groupe a été formé aux fins de
l’examen de la violence subie par les sourds au sein du système d’enseignement.
Certaines conclusions spécifiques de cet important rapport seront intégrées
plus loin à une section des présentes. Dans Roger Carver (1995), l’auteur
– un chef de file estimé de la collectivité des sourds – examine
également cette question avec grande acuité. Finalement, le récent rapport
(2000) de la Commission du droit du Canada intitulé La dignité retrouvée,
la réparation des sévices infligés aux enfants dans des établissements canadiens
traite en détail des aspects généraux de tous les types de sévices infligés
aux enfants dans des établissements.
L’analyse approfondie de la question complexe de la violence dans les
pensionnats échappe à la portée du présent projet, mais il s’agit manifestement
d’un facteur qu’on ne peut passer sous silence lorsqu’on
traite de violence familiale et de VIJ en regard de la surdité. On a souvent
souligné que la confrontation précoce à la violence constituait une cause
importante de la violence familiale. Cette question sera donc abordée lorsqu’on
fera état des échanges qui ont eu lieu avec divers organismes et personnes
sourdes.
1.2 La prestation de services pour les personnes
sourdes Chaque province et localité fournit des services aux personnes sourdes d’une
manière qui lui est propre. Le principal dispensateur de tels services est
la Société canadienne de l’ouïe (http://www.chs.ca)
qui, contrairement à ce que sa désignation laisse croire, n’offre ses
services qu’en Ontario. La SCO compte un siège social à Toronto et
des organismes régionaux dans diverses parties de l’Ontario (CONNECT,
qui dispense des services de counselling, est également rattaché au siège
social à Toronto).
La plupart des autres provinces disposent de certains services organisés
– principalement par l’entremise d’organismes de bienfaisance,
qui ont des sources de financement publiques et privées. Aucune organisation
nationale ne regroupe les organismes de services à travers le pays. On peut
dire que chaque organisme agit de manière indépendante (le Conseil canadien
de coordination de la déficience auditive (CCCDA) qui jouait précédemment
ce rôle n’existe plus depuis un certain nombre d’années). Il
tend à y avoir concentration des services dans les régions urbaines; en région
rurale ceux-ci sont peu importants et de nature ponctuelle.
Dans chaque région, le service d’interprétation gestuelle est le plus
important qui soit offert aux personnes sourdes. Les programmes d’alphabétisation
pour adultes sourds croissent également en nombre, la plupart des provinces
disposant d’au moins un tel programme (ou en envisageant l’existence).
La plupart des organismes concernés, publics et privés, offrent également
au grand public des cours de langage gestuel (ASL/LSQ). Il existe aussi divers organismes de défense des sourds (un service indirect),
notamment l’Association des sourds du Canada. De même, pratiquement
chaque province compte une association provinciale des sourds et chaque région
compte diverses autres organisations locales qui leur sont destinées et œuvrant
dans les domaines culturel, social, religieux et sportif.
Il n’existe au Canada aucune organisation pour les sourds ayant pour
mandat spécifique d’offrir de l’information juridique, notamment
sur les questions de violence familiale, aux personnes sourdes, bien qu’un
certain nombre d’organismes régionaux diffusent une certaine information.
Le Ottawa Deaf Center, par exemple, s’occupe activement des questions
de violence familiale et il a réalisé un certain nombre de bandes vidéo sur
le sujet. De semblables bandes vidéo ont également été produites dans le
cadre du programme Deaf, Hard-of-Hearing and Deaf-blind Well Being de Vancouver
(consulter la bibliographie). Divers organismes offrant des services aux
personnes sourdes dans les autres provinces s’occupent de cette question
de manière ponctuelle. D’autres organismes pour personnes handicapées,
comme le Advocacy Resource Center for the Handicapped (ARCH) et le Conseil
des Canadiens avec Déficiences, dispensent également de manière ponctuelle
de l’information sur des questions reliées à la surdité. On retrouve
également de l’information générale sur divers aspects de la violence
familiale, notamment de l’information juridique, et de l’information
sur la violence et les handicaps (notamment la surdité) dans des feuillets
et brochures distribués par divers organismes (consulter la bibliographie).
2.0 LE PRÉSENT PROJET Le présent projet met l’accent sur les personnes atteintes de surdité
profonde qui utilisent le langage gestuel. Il comporte les objectifs qui
suivent :
- Obtenir de l’information générale sur la violence familiale et la
surdité dans une perspective de vulgarisation et d’information juridiques.
- Recueillir de l’information générale sur les initiatives existantes
dans diverses régions du pays.
- S’enquérir auprès de spécialistes, de fournisseurs de services, de
familles et de personnes sourdes de leurs besoins d’information juridique
en matière de violence familiale.
- Fournir une brève bibliographie et une liste de ressources donnant un tableau
sommaire des pratiques actuelles et les meilleures dans la région.
- Fournir de l’information pouvant servir de fondement à la formulation
de recommandations futures quant au besoins des personnes sourdes en matière
de vulgarisation et d’information juridiques concernant les questions
de violence familiale.
3.0 MÉTHODOLOGIE La méthodologie de base utilisée a consisté à s’enquérir de la question
des services à des organismes choisis de défense et de services pour les sourds
et des individus concernés par le domaine de la violence familiale et la surdité.
Des visites ont été effectuées au Québec, en Ontario, au Nouveau-Brunswick,
au Manitoba et en Colombie-Britannique. Dans tous les cas, des discussions
ont eu lieu avec des représentants d’organismes et des professionnels
desservant les sourds ainsi que diverses personnes sourdes. Il est fait mention
de certains de ces interlocuteurs à la section des remerciements.
Pour des motifs de confidentialité, certains ont préféré que leur nom ne soit
pas mentionné.
Les discussions se sont articulées autour de questions de base concernant
la violence familiale :
a) le degré perçu de violence au sein de la collectivité des
sourds
b) des exemples concrets de violence familiale – esquisses
de cas
c) la question des incidents signalés ou non
d) les questions relatives aux interprètes
e) les questions relatives aux communications
f) les questions générales concernant les handicaps
g) la disponibilité de documents sur l’accès à la
justice
h) des questions juridiques particulières – les tribunaux,
l’aide juridique et la police
i) les obstacles
j) les initiatives précédentes
k) les liens entre les organismes pour les sourds et pour la population
générale
l) les recommandations en matière de VIJ
m) les questions relatives à l’éducation et à la
formation
n) d’autres questions
Il n’a pas été discuté de toutes les questions avec tous les interlocuteurs.
On a discuté dans de nombreux cas de sujets autres que la violence familiale,
comme plusieurs croyaient fermement qu’on ne peut examiner cette question
indépendamment d’autres questions clés reliées à la surdité comme l’accès
général à des interprètes, ainsi qu’au système judiciaire.
En outre, on a communiqué avec des organismes de vulgarisation et information
juridiques (VIJ) de certaines provinces choisies (le Nouveau-Brunswick, l’Ontario
(Toronto), le Manitoba (Winnipeg) et la Colombie-Britannique (Vancouver)),
dans tous les cas de visites sur place étant effectuées pour approfondir les
discussions. Les discussions en matière de VIJ concernaient :
a) la connaissance générale des questions liées aux handicaps et
à la surdité
b) les initiatives et projets spécifiques entrepris précédemment
c) l’examen du matériel dans une perspective liée aux questions
de surdité/handicap/communications spéciales/culture
d) les liens existant avec des organismes locaux pour sourds
e) les projets conjoints qui ont été entrepris
f) les obstacles – l’accès à la justice
g) les manifestations d’intérêt pour des projets
futurs
h) les questions administratives, financières et connexes en tant
qu’obstacles
i) les réseaux interprovinciaux dans les domaines reliés à la
surdité
j) d’autres questions, comme les questions générales liées
aux handicaps et aux disparités culturelles
k) des recommandations générales pour des projets
futurs
L’assistante de recherche attachée au projet (Michelle Dean, étudiante
en psychologie de McGill) a assisté à Empowerment 2000: Ontario’s
first Deaf Women’s Conference, une importante conférence tenue à
Toronto et parrainée par l’Ontario Association of the Deaf. On y a
traité de bon nombre de questions abordées dans le présent rapport. Les organisateurs
de la conférence se sont prêtés à des entrevues aux fins du présent rapport
et une fois encore, bien que celui-ci ne soit pas l’expression officielle
des vues exprimées à la conférence, il renferme un bon nombre d’importantes
recommandations fondées sur des discussions tenues lors de cet événement phare.
En ce qui concerne les ouvrages de référence, la recherche sur le sujet s’est
effectuée dans diverses bases de données, y compris Medline, ERIC, Socio-file
et Psychology Abstracts. On a également consulté les sources disponibles
à la faculté de droit de l’Université McGill, ainsi que des moteurs
de recherche et des métachercheurs pour le Web. Le Centre national d’information
sur la violence dans la famille, de Santé Canada, s’est également révélé
une excellente source de première et de seconde main pour du matériel et des
documents de référence généraux sur la violence familiale. D’autres
documents ont été recueillis de manière ponctuelle auprès des organismes et
individus consultés. Bon nombre de ces documents figurent dans la bibliographie
fournie aux présentes, mais de nombreux autres n’ont pu être mentionnés
en raison d’une référence inadéquate. Même pour les documents énumérés,
les renseignements de référence sont variables; cela fait ressortir la nécessité
de créer une base de données normalisée pour tout le matériel en format accessible
portant sur la violence familiale et la surdité.
Le présent rapport renferme de l’information sur la situation au Québec.
L’essentiel de l’information a été recueilli par Nicole Parise
au moyen d’entrevues auprès d’individus et d’organismes
divers, y compris la Maison des femmes sourdes de Montréal (Pinel, 1999).
Il ressort clairement de l’information recueillie que la situation est
particulière au Québec, en raison de la nécessité de services en français
et de la présence d’un nombre important de sourds de la collectivité
anglophone. Même si l’information sur le Québec obtenue dans le cadre
du projet figure dans le présent rapport, l’urgent besoin d’une
étude spéciale sur les besoins particuliers de la collectivité des sourds
du Québec est manifeste.
Le présent projet n’a pas couvert les T N-O, le Yukon et le Nunavut
en raison des ressources restreintes disponibles. Il est clair qu’une
étude spéciale devrait être menée dans ces régions et qu’il faudrait
porter une attention particulière aux besoins uniques des Autochtones et des
Inuits sourds du Canada. 4.0 CONCLUSIONS
Les conclusions suivantes sont la synthèse des opinions de l’auteur
des présentes et elles ne représentent en rien la position officielle de l’un
ou l’autre des individus ou des organismes concernés. 4.1 Personnes sourdes, organismes, professionnels
et réunions Voici la synthèse de l’information recueillie auprès des sources susmentionnées
ainsi que des citations tirées de documents de référence et rapports choisis
sur des questions liées à la violence familiale dans la collectivité des sourds.
- Il n’y a pas de statistique fiable sur la nature de la violence familiale
reliée à la surdité et le nombre de tels incidents au Canada. Les chiffres
disponibles à l’heure actuelle proviennent de l’étude menée par
le Réseau des femmes handicapées et cité dans La violence familiale à l’égard
des femmes handicapées (1992) ainsi que de l’étude de Sobsey (1994)
commentée dans le rapport de l’Institut Roeher (Ticoll, 1994). Dans
Doe (2000), on trouve également des évaluations sur la fréquence de la violence
familiale dans la collectivité des sourds. La conclusion générale à tirer
semble être que la violence est beaucoup plus fréquente chez les personnes
handicapées, notamment les personnes sourdes, qu’au sein de la population
générale. En raison surtout du manque de statistiques fiables sur les cas
signalés provenant d’institutions de services, de services de police
et des tribunaux, des problèmes de méthodologie se posent à l’égard
de tous les rapports et études et on reconnaît généralement que le nombre
véritable d’incidents demeure inconnu.
- Certains organismes s’occupant de questions liées à la violence familiale,
particulièrement dans les grands centres urbains, tiennent des statistiques
mais, dans la plupart des cas, cette information n’est pas systématique
ni facile à interpréter (Weaver, 1995).
- Pratiquement tous les interlocuteurs ont mentionné le problème de la sous-déclaration.
De nombreuses personnes, notamment des fournisseurs de services, croient que
la plupart des incidents de violence familiale ne sont pas signalés en raison
du manque d’information des victimes et de la pénurie de ressources
appropriées.
- On mentionne aussi fréquemment comme problème la crainte des conséquences,
réelles ou appréhendées, qu’aurait une déclaration. Cela pose particulièrement
problème dans une petite collectivité aux liens étroits comme celle des sourds,
où presque tout le monde connaît tout le monde (Higgins, 1980, 1986; Ticoll,
1994).
- Il y a consensus sur le fait que les sourds n’ont pas facilement accès
à du matériel didactique général sur la violence familiale en raison de problèmes
d’alphabétisation (MacDougall, 1991) et d’une pénurie de matériel
en ASL/LSQ.
- Les membres de la collectivité des sourds s’échangent souvent entre
eux de l’information sur la violence, particulièrement d’éventuels
recours juridiques, ce qui donne lieu à beaucoup de mésinformation.
- Il y a pénurie de personnel bien formé dans le domaine. La plupart des
professionnels non atteints de surdité ne savent pas comment s’y prendre
avec les personnes sourdes, et plusieurs d’entre eux nourrissent des
préjugés sans fondement au sujet de la surdité. Même lorsque les services
d’interprètes sont utilisés, la situation est souvent loin d’être
adéquate en termes de communication (Barnett, 1999; Kennedy, 1992).
- Il y a une forte perception selon laquelle les forces de l’ordre ne
comprennent pas bien la question de la surdité, ce qui porte gravement entrave
à la déclaration d’incidents. Souvent aussi on n’utilise pas
les interprètes de manière appropriée (Elder, 1993; Vernon et Coley, 1978).
- Certains estiment que la plupart des avocats de même que certains juges
ne comprennent pas le caractère unique de la surdité. De graves méprises
peuvent ainsi en découler, et en découlent de fait, particulièrement au moment
où des incidents sont signalés (Golbert, Gardner et DuBow, 1981; Harry, 1986;
Vernon et Coley, 1978; Law Courts Education Society, 1998).
- Souvent on demande à des membres de la famille (comme des enfants) de servir
d’interprètes pour une victime et, dans certains cas, la police l’aurait
demandé à l’agresseur lui-même. L’auteur a été lui-même témoin
d’un tel cas. Une telle situation est hautement déplorable.
- On rapporte que les services d’interprétation sont excellents dans
certaines régions alors que dans d’autres ils laissent beaucoup à désirer,
principalement en raison du manque de fonds et de programmes de formation
locaux appropriés (MacDougall, 1999; Kennedy, 1992; Weaver, 1995).
- On fait souvent allusion au manque de refuges (Masuda et Ridington). Souvent
aussi l’accès est restreint à des éléments techniques, comme à un ATME
(appareil de télécommunication pour les malentendants) et des feux clignotants.
Ce qui soulève le plus d’inquiétude, c’est la formation et la
sensibilisation du personnel. Même lorsque le personnel reçoit une formation,
souvent il y a un fort roulement de celui-ci et les nouveaux employés comprennent
mal la question de la surdité; les méprises se produisent alors de nouveau.
On signale que les programmes de formation sont de nature intermittente et
ne sont pas normalisés. Certains, par contre, font état d’excellents
programmes de formation et d’enseignement lorsqu’un financement
adéquat a été fourni (Weaver, 1995).
- La question de la contrainte lorsqu’il y a arrestation est souvent
mentionnée. Lorsque des personnes sourdes portent des menottes ou que leurs
mains ou leurs bras sont autrement immobilisés, il leur est absolument impossible
de communiquer. Les problèmes de communication avec l’agresseur qui
en résultent peuvent également nuire à la victime.
- Dans les cas de violence conjugale, il se peut que la victime craigne ce
qu’il adviendra au conjoint et aux enfants si elle signale l’incident
(Doe, 2000; Pinel, 1999).
- De nombreux individus et organismes se sont dits très préoccupés de questions
d’ordre juridique, comme les droits dans les établissements ainsi que
les procurations.
- Tous ont mentionné que la confrontation précoce à la violence dans la famille
ou dans les pensionnats constituait un facteur causal important auquel il
fallait s’attacher. De nombreuses personnes sourdes qui ont subi de
la violence croient mériter d’en subir encore et hésitent beaucoup à
la signaler. Cela se rapproche de la situation souvent rapportée en ce qui
concerne les groupes ethnoculturels minoritaires (Roboubi et Bowles, 1995).
Les besoins en termes de vulgarisation et d’information appropriées
dans ce domaine sont criants (Hill, 1999a, 1999b, 1999c).
- L’absence d’éducation sexuelle, que ce soit dans les pensionnats
ou dans les écoles régulières, est souvent mentionné comme un problème important
à régler pour favoriser la prévention future de la violence familiale (Hill,1999a,
1999b, 1999c).
- La problématique hommes-femmes se pose de manière pressante en regard des
services d’interprétation. La plupart des interprètes sont des femmes
et cela occasionne des problèmes lorsque des services de counselling sont
dispensés aux maris violents. À l’inverse, la plupart des femmes maltraitées
préfèrent qu’une femme leur serve d’interprète. Le système judiciaire
ne tient pas toujours compte de ces questions (Empowerment 2000).
- Il est fort complexe de déterminer ce qui constitue de la violence. Il
y a méconnaissance profonde quant aux divers types de violence et à la façon
de s’attaquer à la violence et de la signaler aux autorités compétentes
(Doe, 2000). La situation se rapproche ici encore de celle vécue par d’autres
groupes minoritaires mais, en raison des désavantages subis tôt par de nombreux
sourds en matière scolaire et linguistique (MacDougall,1991), le problème
est pour eux particulièrement aigu.
- On signale que l’utilisation de « signes violents » par
les agresseurs constitue une menace particulièrement grave pour les victimes.
Il est difficile dans de nombreux cas de départager ce qui constitue un signe
acceptable et de la violence. Ce problème (propre au langage gestuel) devra
assurément être examiné de manière plus approfondie.
- Il y a urgent besoin d’un accès accru aux programmes, moyens et renseignements
auxquels le grand public a facilement accès, comme des refuges ou des services
de counselling. En raison de leurs besoins particuliers en matière de communications,
la plupart des personnes sourdes n’ont pas facilement accès à ces diverses
ressources.
- Il y a place pour l’aide entre pairs et l’apport de bénévoles
bien formés. Il faudra toutefois s’attaquer à la question de la confidentialité
et aux problèmes découlant du fait que, dans la plupart des lieux, la collectivité
des sourds compte peu de membres et que ceux-ci ont des liens étroits entre
eux (Weaver, 1995; Education Wife Assault, Les femmes ayant des incapacités,
1998).
- On a besoin de programmes d’information et de prévention mais, comme
il a été souligné, ces programmes se doivent d’être constructifs et
positifs. Il est prioritaire de satisfaire les besoins à long terme en matière
d’apprentissage et de formation permanente. Il faut non seulement critiquer
le comportement inapproprié des agresseurs, mais aussi leur fournir des modèles
d’apprentissage et d’identification appropriés (Labarr, 1998;
Sullivan, Vernon et Scanlan, 1987).
- Les questions concernant la santé mentale et la violence sont intimement
liées. L’amélioration des services de santé mentale permettrait de
régler bien des problèmes en matière de violence familiale (Katz, Vernon,
Penn et Gillece, 1992; Labarr, 1998; MacDougall, 1999).
- Des questions spécifiques reliées à diverses collectivités ethniques et
culturelles minoritaires se sont révélées être importantes. Il faut non seulement
que les travailleurs soient au fait de la question de la surdité mais aussi
des différentes pratiques culturelles, particulièrement celles concernant
la famille. Le nombre en croissance rapide des familles d’immigrants
nouvellement arrivés et dont un membre est atteint de surdité, particulièrement
dans les grandes régions urbaines comme celles de Toronto, Montréal et Vancouver,
constitue un facteur important dont il faut tenir compte.[8]
Education Wife Assault(Ontario) a mis au point du matériel adapté aux besoins
d’une vaste gamme de groupes culturels et linguistiques mais pas à ce
jour, semble-t-il, aux besoins spécifiques des sourds membres de minorités
ethnoculturelles.
- Dans plusieurs régions du pays, il faudra tenir compte des besoins particuliers
des collectivités autochtones et inuites. Il est urgent de procéder à une
étude distincte portant sur cette question et, notamment, d’examiner
la situation au Nunavut, au Yukon et dans les Territoires du Nord-Ouest.[9]
- Il y a aussi urgent besoin d’un plus grand nombre de professionnels
sourds compétents, par exemple des avocats, médecins et travailleurs sociaux,
qui pourront aider plus efficacement les sourds victimes de violence.
- De nombreuses initiatives valables en divers endroits au pays ne bénéficient
que d’un financement à court terme. Des services bénéfiques finissent
par être interrompus et de la formation et des ressources utiles par être
gaspillées. Il y a un pressant besoin de sources de financement stables dans
toutes les régions du Canada (Weaver, 1995).
- Il faudrait qu’à l’échelle locale et nationale il y ait davantage
d’échange d’information et de matériel concernant la violence
familiale et accessible actuellement à la population générale. Il existe
également aux États-Unis et en Europe d’intéressants programmes qu’on
devrait envisager d’appliquer pour les personnes sourdes du Canada.[10]
- On a aussi mentionné fréquemment la question de la fragmentation des services.
Divers interlocuteurs ont déclaré que les questions concernant la violence
familiale, en matière notamment de vulgarisation juridique, étaient intimement
liées à la question plus générale de l’accès à tous les services, y
compris le système judiciaire. Selon plusieurs, divers secteurs (ceux de
la santé, de l’éducation, de la justice et des services sociaux) devraient
adopter une approche globale pour atteindre à l’efficacité (Empowerment
2000; Hill, 1999a, 1999b, 1999c ). Il devrait n’y avoir, par exemple,
qu’un seul groupement d’interprètes dans une région donnée et
il faudrait procéder à leur utilisation, leur financement, leur formation
et leur accréditation de manière cohérente en tenant compte de tous les aspects
du service. On était aussi fermement convaincu que la question de la violence
dans les familles dont un membre est sourd ne pouvait être dissociée de celles
des politiques des communications dans le système scolaire, des perspectives
d’emploi et de la sensibilisation du public aux réalités de la vie des
sourds dans la société. Tous croyaient fermement que l’éducation du
public, dans les domaines juridique ou autres, constituait une priorité et,
une fois encore, que des efforts concertés entre les divers organismes
étaient fortement souhaitables.
- Pratiquement chaque organisme et individu consulté a fait mention de la
violence dans le passé au sein du système scolaire.
- Les personnes atteintes de surdi-cécité et les sourds ayant de multiples
handicaps sont confrontés à des obstacles uniques pour ce qui est de l’accès
à l’information et aux services (Weaver, 1995).
4.2 Vulgarisation et information juridiques
- Tous les organismes de VIJ consultés se sont montrés fortement intéressés
à inclure les sourds parmi leur audience cible, et certaines initiatives d’importance
sont déjà en branle à cet égard – p. ex. au Nouveau-Brunswick (un examen
général des questions d’accès pour les personnes handicapées), au Manitoba
(des programmes de sensibilisation mettant à contribution les organismes de
VIJ et la collectivité des sourds) et en Colombie-Britannique (l’accès
aux tribunaux et des bandes vidéo pour les personnes sourdes).
- On a aussi abordé la question du chevauchement de compétences entre des
organismes dispensant des services de première ligne pour les sourds. On
estime qu’il y a place pour le travail de concert avec des organismes
de VIJ et des organismes spécialisés. On a signalé de telles situations (c.-à-d.
des consultations), par exemple en Ontario, au Manitoba, en Colombie-Britannique
et au Nouveau-Brunswick. Ce qu’ont principalement exprimé tous les
interlocuteurs des organismes de VIJ, c’est un grand intérêt à continuer
d’élaborer des programmes stratégiques et du matériel adapté aux besoins
particuliers des personnes sourdes, en collaboration avec les organismes et
les individus qui leur dispensent des services.
- Si on adopte la perspective des victimes sourdes, il est certain que le
premier point de contact de celles-ci est normalement l’organisme de
services pour les sourds. De fait, le premier professionnel dans le domaine
de la surdité mis au courant de la violence sera le plus souvent l’interprète
gestuel. Dans certains cas, bien sûr, les agents d’application de la
loi seront le premier point de contact.
- Les organismes de services doivent donc dispenser des services de counselling,
mais ils doivent également fournir de l’information juridique appropriée.
Les organismes de VIJ sont bien placés pour mettre au point ce type de ressources,
encore une fois en collaboration avec les organismes de services.
- Les organismes de VIJ sont en situation privilégiée pour s’assurer
que le matériel disponible pour la population générale en matière de violence
familiale soit mis à la disposition des personnes sourdes dans le format approprié.
- Certains organismes de VIJ ont déjà acquis une expérience considérable en
ce qui concerne les groupes linguistiques et culturels minoritaires, et on
estime que la philosophie générale des mesures visant la violence familiale
au sein de ces groupes devrait être appliquée aux questions concernant la
violence familiale et la surdité.
- La question de la formation est importante. On a discuté du rôle des professionnels
ainsi que des intermédiaires en matière juridique pour la collectivité. Les
opinions varient quant au rôle exact de ces personnes mais il semble clair,
dans certains territoires et provinces du moins, que ce rôle sera important
et que sa portée pourrait s’étendre à la collectivité des sourds. Des
efforts ont déjà été consentis dans au moins une province (le Manitoba) pour
dispenser en ce domaine une formation en matière d’ASL et de culture
des sourds.
- On a également discuté des liens qu’il y avait entre les programmes
de VIJ et les efforts déployés à l’égard des personnes handicapées.
De l’information spécialisée est également requise pour divers autres
handicaps, particulièrement en matière de communication, et on estime que
des programmes pourraient souvent être élaborés en tandem, tout en gardant
à l’esprit les cordes sensibles des personnes sourdes quant à la question
des handicaps.
- Les questions d’alphabétisation et la mise au point de matériel en
langage clair sont de première importance pour les organismes de VIJ, et il
semble approprié d’appliquer aux personnes sourdes les modes de fonctionnement
utilisés dans ce cadre.
- On a aussi jugé d’intérêt primordial de travailler de concert avec
les groupes de défense des sourds et des victimes de violence familiale et
de favoriser les interventions précoces au moyen de programmes de sensibilisation
et de prévention au sein du système scolaire.
- On a estimé prioritaire que soient élaborés des ateliers de formation sur
des questions juridiques spécifiques pour les professionnels travaillant auprès
des personnes sourdes.
5.0 DISPONIBILITÉ DU MATÉRIEL ET DE L’INFORMATION
Diverses organisations ont élaboré du matériel destiné spécifiquement
aux personnes sourdes. On a produit du matériel imprimé ou sous d’autres
formes portant sur divers types de violence et des questions liées à l’accès
au système judiciaire (consulter la bibliographie pour une liste de feuillets,
documents, brochures et vidéos produits). Une partie de ce matériel a été
produite par des organismes de services pour les sourds ou des organismes
s’occupant généralement de violence familiale (parfois visant spécifiquement
les personnes handicapées). Le principal problème dans le domaine concerne
non seulement la disponibilité du matériel, mais aussi la création d’un
système efficace de distribution de l’information. Le matériel est
rarement échangé d’une province à l’autre et il y a pénurie manifeste
de matériel en français (Pinel, 1999) ou en toute langue d’une minorité.
Au Nouveau-Brunswick, les responsables de la VIJ ont réalisé une étude des
besoins spéciaux en matière de communications pour une vaste gamme de groupes
concernés (y compris les sourds) en regard des questions d’accès à la
justice. On procède actuellement à l’examen de cette étude, qui devrait
bientôt être disponible.
6.0 RECOMMANDATIONS
1. Il faudra mener une étude d’envergure pour déterminer la nature et la
portée véritables de la violence familiale dans la collectivité des sourds.
Les estimations actuelles ne sont pas fiables et sont de validité restreinte.
Il serait difficile d’élaborer des programmes appropriés de vulgarisation
et d’information juridiques en l’absence de renseignements valides
sur le nombre et les véritables caractéristiques (y compris leur façon de
communiquer) des personnes sourdes concernées par la violence familiale.
2. Un des organismes de VIJ devra être désigné comme centre spécialisé servant
de dépositaire de l’information et du matériel sur la surdité et la
violence familiale. Tous les organismes de VIJ veilleraient à conserver toute
l’information concernant leur région, mais il serait utile qu’un
d’entre eux ait le mandat exprès de tenir à jour toute la nouvelle documentation,
de recevoir le nouveau matériel élaboré par tous ou, à tout le moins, de conserver
en un lieu central de l’information sur ce matériel. Cela s’ajouterait
au service dispensé par le Centre national d’information sur la violence
dans la famille, l’accent étant alors mis sur les questions juridiques
plutôt que de santé. Le site Web du Centre national pourrait continuer de
servir de point de référence de l’information dans le domaine, pour
quelque question que ce soit.
3. Au Québec, un centre distinct devrait être désigné pour le matériel en langue
française (recourant au LSQ) auquel on pourrait avoir accès à l’échelle
nationale. Il y a un besoin urgent de mesures concrètes au Québec pour les
sourds francophones et pour la minorité de sourds francophones en Ontario,
au Nouveau-Brunswick et dans les autre provinces et territoires où cela est
approprié.
4. Bien que la coordination semble excellente entre les organismes provinciaux
de VIJ, une plus grande visibilité est requise pour les questions concernant
la surdité. Dans cette perspective, on devrait tenir aussitôt que possible
une série de conférences régionales ou une conférence nationale pour traiter
des questions prioritaires.
5. Le contexte varie d’une province à l’autre dans ce secteur et
chaque organisme de VIJ a des domaines de compétence particuliers. On devrait
dresser la liste des « spécialités » de chaque province, et miser
sur les compétences actuelles pour les projets futurs. Il faudrait éviter
le dédoublement des efforts consentis par les diverses provinces. Il est
clair par exemple, en ce qui concerne l’accès au système judiciaire
et les questions connexes, que la Colombie-Britannique est le chef de file
en matière de production de vidéos didactiques. En Ontario des types différents
de vidéos ont été produits, au Nouveau-Brunswick on a mis l’accent sur
les besoins en matière d’information de groupes cibles spécifiques,
au Manitoba du travail a été accompli spécifiquement pour la collectivité
des sourds, et ainsi de suite pour chacune des autres provinces. Il y a un
grand besoin de partage coordonné de l’information.
6. Il faudra entreprendre des projets spécifiques portant sur des questions de
vulgarisation et d’information juridiques. Chaque organisme de VIJ,
par exemple, devra passer en revue son matériel de base existant en vue de
le rendre disponible en un format accessible aux personnes sourdes. Il faudra
peut-être pour cela créer des documents graphiques en langage simple ou des
vidéos avec langage gestuel et sous-titrage. Si chaque organisme de VIJ rendait
un élément d’information accessible aux personnes sourdes, beaucoup
de chemin serait parcouru en peu de temps. De la coordination devra toutefois
être effectuée à l’échelle nationale pour éviter des dédoublements.
7. Il faudra entreprendre des projets de formation visant divers domaines de
l’information juridique. La collectivité des sourds pourrait requérir
de l’information en regard, par exemple, des poursuites en instance
en Colombie-Britannique, y compris une action collective (Berger, 1995).
L’existence de ce besoin a déjà été reconnue par le PVIJ en Colombie-Britannique.
Il faudra établir des programmes de formation pratique pouvant être évalués
puis adoptés dans les autres régions. La collectivité des sourds et les organismes
qui les desservent (l’Association des Sourds du Canada; l’Association
des malentendants canadiens) devront être des partenaires très actifs de ce
type d’initiatives.
8. Les bureaux de VIJ devront permettre une accessibilité complète (disponibilité
p. ex. d’interprètes et d’ATS).
9. Les organismes de services pour les sourds devraient dresser une liste des
dix questions prioritaires auxquelles, selon eux, les programmes de vulgarisation
et d’information juridiques devraient s’attaquer. Des discussions
pourraient alors être tenues à l’échelon local en vue de réaliser des
projets nécessitant des partenariats avec la collectivité.
10. Du matériel d’information sur la violence familiale dans la collectivité
des sourds devra être mis à la disposition des médias pour diffusion auprès
du grand public. Un plan d’action pour les relations avec les médias
et la sensibilisation du public devra être établi de concert avec divers organismes
nationaux et provinciaux, particulièrement l’Association des Sourds
du Canada.
11. Des efforts particuliers devront être consentis en vue de sensibiliser et
de former les agents de correction, les avocats, les juges et les autres intervenants
du système judiciaire à l’égard des besoins spéciaux des personnes sourdes.
Cela devra être fait aux échelons national, provincial et local. Toutes ces
intervenants ont besoin d’une formation générale sur les questions concernant
la surdité, la culture des Sourds, le langage gestuel et d’autres aspects
uniques de la vie des sourds. En plus, les divers groupes cibles ont besoin
de renseignements spécifiques correspondant à leur rôle au sein du système
judiciaire.
12. Les policiers interviennent en première ligne et il est essentiel qu’ils
comprennent la nécessité du recours à des interprètes professionnels objectifs.
Les policiers à qui les incidents de violence sont signalés doivent recevoir
une formation spéciale sur la façon de prendre en compte la perspective unique
des personnes sourdes.
13. Les avocats de la défense, particulièrement ceux de l’aide juridique,
doivent comprendre la nécessité de recourir à des interprètes qualifiés pour
communiquer avec leurs clients. Il faut aussi tenir compte des besoins spéciaux
des personnes sourdes ayant des capacités de lecture et d’écriture ou
une connaissance du langage gestuel restreintes (MacDougall,1994).
14. Le milieu juridique doit comprendre la dynamique des familles des sourds,
au sein desquelles les enfants sont parfois atteints de surdité et parfois
pas. Le rôle de ces enfants lorsqu’ils agissent comme témoins doit
être pris en compte.
15. Les juges doivent comprendre les carences aux plans scolaire, social et psychologique
dont de nombreuses femmes sourdes ont été affligées en raison de ce qu’elles
ont vécu pendant leurs premières années d’études. Cela a une incidence
profonde sur leur conceptualisation de la violence dont elles ont été victimes
et sur leur façon de communiquer devant le tribunal. Ces exemples servent
à illustrer certaines des questions auxquelles il faudra s’attaquer
en matière d’éducation juridique. Il échappe à la portée du présent
projet de traiter plus longuement de cette question, que devront viser à régler
de futurs programmes ciblés de formation professionnelle.
16. Des fonds devront être mis à la disposition des chercheurs des collèges et
universités pour qu’ils se penchent sur les aspects uniques de la violence
familiale au sein de la collectivité des sourds. Les sourds, particulièrement
les femmes sourdes et leurs enfants, sont confrontés aux mêmes questions et
difficultés que la population générale. Toutefois, le langage gestuel et
la culture des sourds ajoutent une dimension unique rendant nécessaire de
manière urgente la réalisation d’études scientifiques. Les sources
actuelles de financement, notamment les principaux organismes dispensateurs,
doivent encourager spécifiquement la réalisation de projets mettant l’accent
sur la violence familiale dans la collectivité des sourds. On devrait particulièrement
confier de telles études à l’Institut de recherche en santé du Canada,
nouvellement créé, qui s’attache particulièrement aux variables de la
santé liées à la population et aux déterminants de la santé. Les organismes
communautaires tels que l’Association des Sourds du Canada et des organismes
régionaux et provinciaux semblables devront être associés comme partenaires
actifs à ces efforts.
17. Il faudra examiner si les innovations en télécommunications (comme l’interprétation
par télévidéo) pourraient servir à dispenser des services de counselling,
d’information, d’éducation et d’interprétation dans les
régions où ils ne sont pas actuellement disponibles. Cette initiative devrait
être menée de front avec d’autres, dans la foulée de la décision Eldridge,
en matière de santé et de justice.
18. On devrait mener au Québec une étude spéciale sur la violence familiale qui
y a cours au sein de la collectivité des sourds. L’étude devrait également
porter sur les besoins des sourds francophones hors Québec.
19. Une étude spéciale devrait porter sur les questions concernant spécifiquement
le Nord et les collectivités autochtones et inuites qui y vivent. Ce devra
être un domaine prioritaire pour la réalisation de recherches à l’avenir
et la prise de mesures non directement examinées dans le cadre du présent
projet.
20. Le présent projet a permis de constater clairement que beaucoup plus que les
questions de vulgarisation et d'information juridiques sont en jeu dans le
domaine. Les mesures prises dans tous les domaines au Canada sont désespérément
peu nombreuses et les problèmes semblent s’accroître de manière exponentielle.
Les mesures de vulgarisation et d’information juridiques, bien que de
grande importance, ne permettront pas en elles-mêmes de régler cette crise.
Un des principaux rôles des organismes de VIJ consiste donc à aider les autres
organismes concernés et la collectivité des sourds à exiger de plus nombreux
services et du financement stable en vue de l’élaboration de programmes
appropriés.
7.0 BIBLIOGRAPHIE
Advocacy Resource Center for the Handicapped (ARCH). Responding to the
abuse of people with disabilities. Toronto, 1990. (http://toronto.com/E/V/TORON/0010/93/93/),
40, boul. Orchard View, bureau 255, Toronto M4R 1B9 , (416) 482‑8255,
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Barnett, S. (1999). Clinical and cultural issues in caring for deaf people.
Family Medicine, 31(1),17‑22.
Berger, T. (1995), Report of the special counsel regarding claims arising
out of sexual abuse at Jericho Hill School. Préparé par le Procureur général
de la Colombie-Britannique (communiquer avec Access Resource Library, GVMHSS,
Deaf, Hard-of-Hearing, and Deaf-blind Well Being Program, 1070, West
Broadway, bureau 200, Vancouver (C-B) V6H 1E7, 1 (604) 732-7656).
Association des Sourds du Canada (http://www.cad.ca/),
251, rue Bank, bureau 203, Ottawa (Ontario), K2P 1X3 Canada, n° de téléphone
/ de l’ATME (613) 565‑2882, cad@cad.ca.
Canadian Hard of Hearing Association, L'Association des malentendants canadiens,
2435 Holly Lane, Suite / pièce 205, Ottawa (Ontario), Canada, K1V 7P2,
http://www.chha.ca/, Toll Free / sans
frais: (800) 263‑8068, Voice / voix: (613) 526‑1584, TTY / ATS:
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Centre, 870, avenue Portage, Winnipeg (Manitoba) R3G 0P1.
NOTES
[2] Pour davantage
d’information sur la violence familiale au sein de la population générale
et de l’information plus détaillée sur les personnes handicapées,
se reporter à Centre national d’information sur la violence dans la
famille, au site Web de Santé Canada (http://www.phac-aspc.gc.ca/ncfv-cnivf/violencefamiliale/index.html)
ou à son site principal (http://www.phac-aspc.gc.ca/ncfv-cnivf/violencefamiliale/initiative.htm).
La bibliographie annotée de Sobsey, Gray,Wells, Pyper, et Reimer-Heck (1991)
fournit également une liste complète de la documentation sur le sujet. Sosbey
(1994) et Sosbey et Doe (1991), pour leur part, fournissent de l’information
détaillée sur la violence familiale et la violence à l’égard des personnes
atteintes de tous les types de handicap, y compris la surdité.
[3] Pour plus d’information
sur ce sujet, consulter l’Association des Sourds du Canada (http://www.cad.ca/),
251, rue Bank, bureau 203, Ottawa (Ontario), K2P 1X3 Canada; numéro de téléphone/ATME :
(613) 565‑2882; cad@cad.ca.
[4] Se reporter à Roboubi et Bowles
(1995) pour des commentaires sur la violence familiale à l’égard des femmes
membres de minorités ethnoculturelles.
[5] Pour un traitement plus
approfondi de la question de la terminologie, se reporter à Schein (1990) et à
sa théorie très étoffée sur la collectivité des Sourds. On peut également obtenir de l’information
sur les questions de terminologie aux sites Web de l’Association des Sourds du
Canada et de l’Association des malentendants canadiens.
[6] Se reporter également à
MacDougall (1994), où il est traité de questions d’accès à la justice
concernant les personnes sourdes ayant une connaissance restreinte du langage.
[7] Se reporter à MacDougall (1999)
où il est longuement traité de la décisionEldridge et à MacDougall (1997) ou l’auteur, s’adressant aux
profanes, fait état de son expérience personnelle.
[8] Se reporter à Roboubi et Bowles
(1995) pour de l’information d’arrière-plan très pertinente visant la
population générale.
[9] Se reporter à MacDougall (1999)
pour de l’information comparable concernant les services de santé.
[10] Se reporter à Walker (1999) pour
une perspective internationale concernant la population générale; on y traite
également de questions de terminologie dans le domaine des mauvais traitements
et de la violence familiale.
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