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Contrôle des heures de travail et conciliation travail-vie personnelle : une analyse détaillée de la partie III du Code canadian du travail

Préparé par Judy Fudge

Résumé

Au cours des années 1950 et 1960, la journée de travail normale de huit heures et la semaine de travail de quarante heures (avec les heures supplémentaires, les congés et les vacances rémunérées) ont pris racine au Canada grâce à la négociation collective et aux initiatives législatives. Ces normes visaient l'équilibre entre la protection des employés et la flexibilité pour les employeurs et elles étaient calquées sur le modèle de la division entre travail rémunéré pour les hommes soutien de famille et non rémunéré pour les femmes travailleuses au foyer. Depuis les années 1980, ces normes sont sujettes à une pression croissante creusant l'écart entre les normes juridiques et les pratiques en matière d'heures de travail. Du côté de la demande, le processus de mondialisation, l'intensification de la concurrence, la croissance des technologies numériques, la production juste-à-temps ainsi que l'évolution de l'économie de service de 24 heures ont donné lieu à des horaires de travail flexibles qui dérogent de la norme. Les références habituelles dans la réglementation des heures de travail quotidiennes et hebdomadaires ainsi que la limite entre les heures normales de travail et les heures supplémentaires sont de plus en plus floues. Du côté de l'offre, les changements démographiques tels que la féminisation de la main-d'œuvre, la participation croissante à la population active des femmes ayant des jeunes enfants, la transition vers les ménages ayant deux revenus et le vieillissement de la population ont donné lieu à diverses modalités d'horaires de travail qui ne se conforment pas à la norme. Le travail à temps partiel s'est accru ainsi que le nombre de congés pour événements familiaux auxquels les travailleurs sont admissibles.

Dans le présent rapport, on examine la législation régissant les conditions de travail dans les champs de compétence fédérale au Canada. On utilise les données empiriques disponibles pour évaluer la capacité de la législation de promouvoir la flexibilité et la conciliation travail famille. On établit également une comparaison entre la législation fédérale et celle des autres administrations canadiennes concernant la réglementation des horaires de travail. On souligne les conséquences découlant des régimes d'horaires de travail ainsi que les compromis de politique sociale que comportent les divers genres de régimes.

La législation régissant les heures de travail peut se diviser en trois volets distincts. Le premier, et de loin le plus complexe, concerne la réglementation des heures de travail que les employés peuvent ou doivent travailler. Les règles régissant les heures de travail établissent des heures normales de travail, la majoration pour heures supplémentaires, le nombre maximal d'heures pouvant être travaillées ainsi que les périodes minimales quotidiennes et hebdomadaires de repos. Cette législation prévoit également divers mécanismes permettant d'assouplir les normes juridiques d'ordre général. Le deuxième volet concerne l'admissibilité à des congés payés, soit sous forme de jours fériés ou de congé annuel payé. Le troisième volet concerne les absences du travail pour des motifs particuliers, notamment des problèmes de santé et des événements familiaux (tels que la maladie, la grossesse, le rôle parental et les soins familiaux).

Au Canada, on constate l'augmentation de la diversification, de la décentralisation et de l'individualisation de l'horaire de travail. La répartition des heures de travail s'est polarisée et l'importance de la semaine habituelle de travail a diminué. Vers le milieu des années 1960, la durée de la semaine normale de travail s'est stabilisée entre trente-sept et quarante heures de travail réparties sur cinq jours. Cependant, depuis le milieu des années 1970, la proportion des employés travaillant entre trente-cinq et quarante heures a diminué, passant de soixante-cinq pour cent à un taux légèrement supérieur à cinquante pour cent, alors que la proportion d'employés qui travaille un plus grand ou un plus petit nombre d'heures a augmenté. Les femmes sont plus susceptibles que les hommes de travailler de courtes semaines rémunérées et les hommes sont surreprésentés parmi les employés qui travaillent de longues heures rémunérées.

Les employeurs et les employés recherchent une plus grande flexibilité en établissant les horaires de travail. Cependant, cette flexibilité a une signification différente selon qu'on est employeur ou employé. Les employeurs désirent pouvoir organiser l'horaire de travail selon les variations dans le volume des activités d'une entreprise et pouvoir calculer les heures supplémentaires au cours de cette période. Ils désirent également réduire les restrictions d'ordre juridique concernant l'élaboration des horaires de travail. En revanche, les employés désirent contrôler leurs horaires de travail et ils veulent avoir la possibilité d'adopter des modalités d'horaire de travail qui tiennent compte de leurs autres responsabilités et de leur style de vie.

Il existe présentement une grande quantité de données fiables de diverses sources (des sondages détaillés, des questionnaires brefs et des études qualitatives) qui démontrent le coût du conflit entre le travail et la vie personnelle. Les résultats de la recherche sur l'effet sur la santé des longues heures de travail démontrent qu'une augmentation dans le nombre d'heures de travail se traduit par une augmentation du tabagisme, de la consommation d'alcool, de la masse pondérale et de la dépression. Le conflit entre travail et vie personnelle, notamment la surcharge de travail et les empêchements de mener une vie familiale adéquate, a comme résultat direct une réduction de la santé physique et mentale, une satisfaction et un engagement au travail moindres et une augmentation dans l'absentéisme et le roulement du personnel. Les données montrent que ce conflit nuit non seulement à la qualité de vie des travailleurs et de leurs familles, mais que les employeurs et la société portent aussi le poids de ce conflit. Le conflit entre vie professionnelle et vie personnelle donne lieu également à des préoccupations croissantes à l'effet qu'il contribue à la dénatalité au Canada, ce qui a des conséquences à long terme sur la capacité du pays de maintenir la croissance économique et la prospérité.

La réglementation sur les heures de travail influe sur le jeu de l'offre et de la demande de main-d'œuvre de deux manières : elle oblige les employeurs à payer une majoration pour les heures supplémentaires lorsque les employés travaillent au-delà des seuils prévus et elle établit le nombre maximal d'heures de travail et des exigences minimales concernant les périodes de repos pour les employés. Les journées ou les semaines habituelles de travail constituent le seuil au-delà duquel les employés doivent être rémunérés pour les heures supplémentaires. Le nombre maximal d'heures de travail et les exigences concernant les périodes minimales de repos interdisent aux employés de travailler au-delà du nombre d'heures prévu ou pendant les périodes de repos. Cependant, les lois qui imposent des restrictions ou des exigences en ce qui concerne les heures de travail prévoient également un mécanisme selon lequel les employeurs peuvent y déroger. Le nombre de mécanismes prévoyant de la flexibilité augmente avec le nombre d'exigences et de restrictions concernant les heures de travail.

La Partie III du Code canadien du travail prévoit à la fois une semaine normale (quarante heures) et une semaine maximale (quarante-huit heures) de travail, ainsi qu'une journée normale de travail (huit heures). La Partie III prévoit des mécanismes de flexibilité à l'égard de ces exigences et restrictions : 1) des exemptions; 2) des ententes d'étalement (pour les heures supplémentaires et le nombre maximal d'heures de travail); 3) des horaires de travail modifiés (pour les heures supplémentaires); 4) des permis pour travailler des heures excessives ; 5) de la réglementation pour des secteurs ou des emplois particuliers; 6) des urgences. Dans la majorité des cas, le Code permet à l'employeur de modifier les dispositions législatives concernant les heures de travail s'il obtient le consentement du syndicat représentant les employés. Cependant, si les employés en question ne sont pas représentés par un syndicat, dans la plupart des cas le Code exigera que l'employeur obtienne le consentement de la majorité des employés en question ou la permission d'un représentant désigné. En raison du nombre de restrictions ainsi que de la variété des mécanismes existants pour assouplir les règles concernant les heures de travail, les règles du Code régissant les heures de travail sont très complexes.

La flexibilité accordée aux employeurs pour varier les heures de travail n'est pas contrebalancée par le droit individuel de refuser d'effectuer des heures supplémentaires ni des longues heures de travail dans les entreprises relevant de la compétence fédérale. En outre, le Code ne donne pas beaucoup de possibilités aux employés de modifier leurs horaires de travail habituels ou de modifier leurs heures de travail en raison des exigences d'ordre familial. Rien au Code n'interdit l'utilisation de postes fractionnés ou du travail effectué à des heures impossibles. Les dispositions du Code concernant les congés payés (neuf jours fériés et deux semaines de congé annuel payé) sont semblables aux normes en vigueur partout au Canada.

Le Code fédéral prévoit un certain nombre de congés non payés qui donnent aux employés une sécurité d'emploi en cas de maladie personnelle ou de grossesse, leur permettant ainsi d'assumer leurs responsabilités familiales. Ces congés sont conçus pour s'arrimer avec le système de remplacement du revenu en vertu de la Loi sur l'assurance-emploi. La volonté d'un employé de prendre un congé non rémunéré dépend de son accès à une prestation de remplacement du revenu et du montant du revenu qui est remplacé. Les règles fédérales exigent une longue durée d'emploi avant qu'un employé puisse être admissible à un congé de maternité ou de paternité et elles exigent que les parents partagent le congé parental. Aucune disposition ne prévoit la possibilité de prendre des heures de congé pour un motif familial urgent sans que l'employé ne s'expose à des mesures disciplinaires ou à des représailles.

Les données indiquent que l'omission de respecter les heures de travail dans les secteurs de compétence fédérale est généralisée, le nombre d'heures supplémentaires augmente et le conflit entre travail et vie personnelle s'intensifie également. Un grand nombre de données révèlent que les coûts directs pour les personnes, leurs familles, les employeurs et le système de santé sont immenses. Cependant, rien n'indique que les grands employeurs ou les employeurs soumis à la compétence fédérale mettent en place des modalités pour favoriser la conciliation entre travail et vie personnelle. Les recherches révèlent que les employeurs préfèrent conserver le contrôle sur l'élaboration des horaires de travail et qu'ils désirent avoir une plus grande polyvalence dans l'utilisation des heures supplémentaires. Il est également évident que de nombreuses entreprises dans les secteurs de compétence fédérale comptent sur le fait qu'un grand nombre d'employés travailleront des heures supplémentaires de manière chronique. Les données révèlent que les employés désirent avoir un plus grand contrôle sur leur horaire de travail et que ce contrôle a pour effet de réduire le conflit entre le travail et la vie personnelle.

Selon les résultats des recherches, le travail à temps partiel est moins susceptible d'offrir des avantages sociaux que le travail à temps plein. En outre, un nombre disproportionné de femmes occupent des emplois à temps partiel. Les résultats des recherches révèlent également que les travailleurs ayant des emplois d'un statut social inférieur sont moins susceptibles de bénéficier d'un milieu de travail favorisant la famille ou d'avantages sociaux couvrant le coût des services dont ils ont besoin. De plus, les congés de maternité et les congés parentaux ainsi que la structure des avantages sont conçus de telle sorte (un bas taux de remplacement du revenu, des plafonds de revenus bas ainsi que l'exigence de partager le congé entre les parents) que non seulement les mères sont plus susceptibles de prendre des congés que les pères, mais que les femmes ayant des revenus inférieurs sont plus susceptibles de retourner au travail plus tôt après la naissance d'un enfant que les femmes ayant des revenus supérieurs.

Les règles concernant les heures de travail dans le cadre de l'infrastructure nationale du Canada ont été établies à la fin des années 1960. Cependant, il y a eu de nombreux changements dans le marché du travail au cours des quarante dernières années. Le régime juridique s'est adapté à la démographie changeante de la population active en donnant aux travailleurs des congés tout en protégeant leur emploi pour leur permettre d'assumer leurs responsabilités familiales. Cependant, ces dispositions ont seulement été ajoutées aux anciennes normes et elles ont eu pour effet de renforcer la division traditionnelle entre les hommes et les femmes par rapport aux responsabilités familiales non rémunérées. La tendance à adopter un modèle de marché de la déréglementation a eu pour effet d'exacerber le conflit entre vie professionnelle et vie personnelle et a contribué à une polarisation de la distribution de l'horaire de travail rémunéré. Le rapport conclut en précisant que le temps est venu de réviser le régime des horaires de travail dans les secteurs de compétence fédérale et d'institutionnaliser une forme de flexibilité réglementée qui est mieux adaptée aux besoins et aux préférences de la population active ainsi qu'aux besoins opérationnels des employeurs. Le rapport formule certaines recommandations concernant les règles conçues pour favoriser des modalités d'horaires de travail qui incitent à la santé, qui sont conviviales pour la famille, qui favorisent l'égalité des sexes, qui améliorent la productivité et qui facilitent aux travailleurs le choix des heures de travail et leur assurent une influence sur la détermination de leurs heures de travail.

   
   
Mise à jour :  3/17/2006 haut Avis importants