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Enjeux liés aux normes du travail dans l'industrie du transport routier interprovincial au Canada

Préparé par Garland Chow
Professeur agrégé, Sauder School of Business
Directeur, Bureau of Intelligent Transportation Systems and Freight Security
Université de la Colombie-Britannique
3 janvier 2006

Résumé

1. L'examen des normes du travail fédérales

La Commission sur l'examen des normes du travail fédérales doit réviser la partie III du Code canadien du travail (CCT) et ensuite présenter au Ministre une liste de recommandations de nature législative et non législative. La partie III concerne les employés d'employeurs ou de sociétés de compétence fédérale. On y établit les normes minimales d'emploi. Elle n'est peut-être plus à jour, puisque les conditions de travail ont changé depuis 1965 : cette situation justifie d'ailleurs l'examen entrepris par la Commission. La partie III doit être pertinente au regard du milieu de travail du 21e siècle, axé sur la mondialisation et les nouvelles technologies.

2. Justification de l'étude sur l'industrie du camionnage

On a commandé de nombreuses études visant à résumer certains enjeux transsectoriels de l'industrie et à en faciliter la compréhension; notamment l'incidence du temps de travail sur la santé des travailleurs, l'efficacité des dispositions de la Partie III concernant la protection et le recouvrement des salaires, l'efficacité des procédures de congédiement prévues dans la Partie III et les types de travailleurs qui ont besoin d'être protégés par les normes du travail. Le fait de demander la réalisation d'une étude sur l'industrie du camionnage suppose la reconnaissance de l'importance de ce secteur en tant qu'industrie relevant de la compétence fédérale et des problèmes uniques avec lesquels il doit composer.

3. Objectifs de l'étude sur l'industrie du camionnage

  • Expliquer l'incidence des changements dans l'environnement sur la pertinence et l'efficacité des normes actuelles du travail.
  • Comprendre en quoi les caractéristiques économiques, réglementaires et commerciales de l'industrie interprovinciale du camionnage sont reliées aux plaintes concernant les normes du travail.
  • Les auteurs de l'étude cherchent à répondre aux questions précises formulées par la Commission dans son document de consultation Modernisation des normes du travail fédérales : examen de la partie III du Code canadien du travail.

4. Portée de l'étude

  • L'étude est axée sur les camionneurs plutôt que sur les employés de l'industrie qui ne conduisent pas de véhicules; ces derniers sont cependant protégés s'ils travaillent pour une société de compétence fédérale.
  • L'étude porte essentiellement sur les conducteurs routiers, davantage que sur les conducteurs locaux, pour lesquels les enjeux liés au CCT sont susceptibles de soulever une controverse plus vive.
  • L'étude porte essentiellement sur les conducteurs de camions à l'emploi de compagnies de camionnage commerciales (transporteurs routiers pour le compte d'autrui ou « transporteurs »). Ce groupe englobe les conducteurs à l'emploi d'entreprises qui louent les services des conducteurs à des compagnies de camionnage.
  • Les conducteurs de camion à l'emploi de transporteurs privés ne relèvent pas, de façon générale, de la compétence fédérale. Toutefois, on recueille des informations sur ces conducteurs et sur les transporteurs privés de l'industrie du camionnage à des fins d'analyse comparative et pour observer le contexte dans lequel évoluent les camionneurs du secteur commercial.
  • Les propriétaires exploitants (PE), même s'ils ne sont pas protégés par le Code canadien du travail, sont visés par l'étude, parce que la Commission juge que la sous-traitance constitue une question importante et parce que les propriétaires exploitants sollicitent souvent (à tort) l'aide de Travail Canada à ce sujet.

5. Limites

L'étude doit d'abord aider la Commission à comprendre les aspects pertinents de l'industrie pour ensuite prendre une décision éclairée au sujet de la façon dont l'industrie et ses employés seront touchés par les solutions de rechange relatives au CCT. La portée de l'étude se limite au repérage des solutions de rechange en matière de politique et à la présentation de considérations pertinentes à la Commission.

6. Survol de l'étude et méthode

L'étude a été réalisée par une équipe de trois personnes :

  • Chercheur principal - Garland Chow
  • Coordonnateur du sondage auprès des conducteurs - Rob Weston
  • Assistant à la recherche - Richard Hernandez
  • L'équipe a aussi été aidée par des étudiants de diverses provinces.

L'étude supposait à la fois une analyse documentaire exhaustive, des entrevues avec des intervenants et un sondage national auprès des conducteurs.

Les entrevues avec des intervenants ont eu lieu sur le terrain, par téléphone et dans le cadre de groupes de discussion dans les bureaux des associations provinciales. Voici les intervenants interrogés :

  • Associations provinciales de camionnage et leurs membres
  • Transporteurs
  • Journalistes
  • Propriétaires exploitants
  • Associations de conducteurs et de propriétaires exploitants
  • AAT
  • DRHC

À l'heure actuelle, on a réalisé seulement une entrevue préliminaire auprès des syndicats.

7. Sondage auprès des conducteurs

Dans le cadre du sondage auprès des conducteurs, on a réussi à interroger 449 conducteurs dans 15 relais-routiers de sept provinces : 280 conducteurs employés, 12 conducteurs d'une agence, 157 propriétaires exploitants employés par 391 transporteurs routiers pour le compte d'autrui et 55 transporteurs privés. Si on compare le profil démographique obtenu au moyen du sondage auprès des conducteurs avec le profil de référence de Statistique Canada concernant les conducteurs de camions à l'emploi d'un transporteur routier pour le compte d'autrui, on constate que le profil de référence valide la représentativité globale du sondage réalisé auprès des conducteurs.

8. Caractéristiques pertinentes de l'industrie du camionnage pour compte d'autrui

  • Le camionnage est une industrie hétérogène dont les conditions de concurrence diffèrent en fonction du marché géographique, du marché des marchandises et du marché des services.
  • L'industrie du transport est dispersée sur le plan géographique, donc il est impossible de contrôler la productivité de façon traditionnelle. Il fallait mettre en place un système de paiement en fonction de la production, et non des heures travaillées. Par conséquent, les systèmes de paye en fonction du kilométrage et les autres régimes de rémunération à la pièce ont évolué. Le sondage réalisé auprès des conducteurs a révélé que 70 % sont payés au kilomètre, que 12 % sont payés au voyage ou en fonction d'un pourcentage des recettes, et que la plupart des systèmes de paiement mixtes supposent notamment une rémunération au kilomètre. Seulement 5 % des conducteurs sont rémunérés à l'heure.
  • Le transport par camion (charge complète) permet de réaliser peu d'économies d'échelle; la plupart des compagnies de camionnage sont petites.
  • L'industrie du camionnage est encore très réglementée, surtout en ce qui a trait à la sécurité (taille et poids, heures de service, Code canadien de sécurité) et aux règlements relatifs à la frontière; par contre, la réglementation est presque inexistante en ce qui a trait à l'entrée des marchandises.

9. Tendances pertinentes qui influent sur l'évolution et l'orientation commerciale des transporteurs canadiens

  • Gestion de la chaîne d'approvisionnement
  • Commerce nord-sud
  • Déréglementation
  • Règlements relatifs à la frontière
  • Règlements relatifs à la sonde d'oxygène des gaz d'échappement préchauffés
  • Progrès technologiques
  • Changement du profil démographique de la main-d'œuvre
  • Pénurie de conducteurs
  • Demande accrue de conducteurs mieux formés et qualifiés

10. Efficacité des établissements qui s'occupent actuellement de l'application du CCT, selon les employés

La Commission se pose un certain nombre de questions au sujet du caractère efficace et équitable de l'administration de la version actuelle de la CCT, du point de vue des employés.

Le sondage réalisé auprès des conducteurs confirme ce que les transporteurs ont indiqué, c.-à-d. que la majorité des conducteurs connaissent l'existence du CCT et du processus de règlement des plaintes.

Dans le cas du secteur interprovincial du camionnage pour le compte d'autrui, on estime que le taux d'infraction au titre du CCT oscille entre 2,9 et 2,2 pour cent. Au total, 88 % des plaintes déposées dans le secteur du camionnage ont mené à la confirmation de l'infraction, ce qui veut dire que la majorité des plaintes déposées sont fondées.

Le sondage réalisé auprès des conducteurs révèle que peut-être deux fois plus de plaintes ne sont pas déposées en vertu du CCT même s'il y a infraction. Grâce au sondage réalisé auprès des conducteurs, on a appris que, au total, 344 plaintes concernant les normes du travail ont été déposées par 133 des 247 conducteurs employés par des transporteurs routiers pour le compte d'autrui pendant la durée de leur dernier emploi. Toutefois, seulement le tiers (43) de ces plaintes ont été soumises à Travail Canada.

Un petit nombre de conducteurs ont mentionné que l'intimidation de l'employeur avait influencé leur décision de ne pas déposer une plainte au titre du CCT. On a conclu que ce problème survient surtout dans les petites entreprises, où il est facile d'établir un lien entre tel conducteur et telle plainte confidentielle (entraînant une inspection). Certains conducteurs évoquent une liste noire de conducteurs ayant déposé des plaintes au titre du CCT, mais cet outil ne correspondrait pas à une activité proactive ou économique des transporteurs. Le principe de prudence raisonnable dans le domaine de la dotation en personnel par les ressources humaines exige que l'on évalue de façon adéquate les antécédents des conducteurs, et les références fournies peuvent mener à la révélation d'activités relatives à des plaintes concernant les normes du travail. Il pourrait être approprié de mettre en œuvre un règlement qui interdirait expressément la divulgation des activités liées aux plaintes qui sont consignées dans les dossiers d'emploi d'un conducteur.

Les conducteurs qui disent n'avoir pas déposé de plaintes parce qu'ils ne connaissent pas le processus de dépôt d'une plainte sont assez rares; et les conducteurs qui évoquent cette raison sont plus susceptibles que les autres de travailler pour un petit transporteur. On pourrait exiger des transporteurs qu'ils informent leurs employés de leurs droits en vertu du CCT, au moyen de simples affiches ou fiches d'information. Il s'agirait d'une méthode de sensibilisation efficace. On pourrait également appuyer la transmission de connaissances plus précises sur le CCT dans les écoles de camionnage, ce qui constituerait un moyen rentable de fournir une formation plus précise dans ce secteur aux employés qui ont le plus besoin, c.-à-d. les nouveaux employés, qui sont les plus vulnérables.

Le temps et l'effort liés au dépôt d'une plainte sont pris en compte par le conducteur dans son calcul des avantages et des coûts liés au dépôt d'une plainte. Dans un contexte où il est plus facile de trouver un nouvel employeur que de déposer une plainte concernant les conditions et les normes de travail, de nombreux conducteurs choisissent la première option. Ainsi, on ne sait pas clairement s'il serait rentable pour le secteur du camionnage de simplement accroître les ressources allouées à l'application du CCT. Il est peut-être impossible de réduire le délai de traitement d'une plainte confidentielle. Dans sa soumission à la Commission, un conducteur soulignait que ces plaintes prennent du temps à traiter puisqu'elles supposent une « inspection ».

Le sondage réalisé auprès des conducteurs a permis de confirmer la position des transporteurs, selon laquelle la demande de camionneurs excède de beaucoup l'offre. Selon le sondage, 97 % des conducteurs affirment qu'ils pourraient trouver un autre poste dans un délai d'une semaine ou moins.

Le conducteur qui évalue les avantages et les coûts liés au processus de dépôt d'une plainte prend également en considération la probabilité qu'un montant lui soit octroyé au moment du jugement. Les conducteurs qui sont à l'emploi de transporteurs susceptibles de se retirer de l'industrie en faisant faillite ou en changeant de nom ont davantage de difficultés à obtenir un redressement dans un délai raisonnable après le jugement, lorsqu'ils en obtiennent un.

En étant réaliste, on peut affirmer qu'aucun conducteur n'est un spécialiste du processus de dépôt de plaintes au titre du CCT; le conducteur préférerait ne pas avoir à traverser cette procédure. Par conséquent, il serait bénéfique pour les conducteurs d'acquérir des notions supplémentaires sur le sujet - pour connaître autre chose que l'existence du processus de plaintes et la façon d'entreprendre ce processus. Voici quelques solutions concrètes envisageables :

  • Préparer une fiche d'information d'une page ou moins sur le CCT qui sera distribuée à tous les nouveaux employés par leur employeur.
  • Travailler avec les responsables des programmes de formation des conducteurs et appuyer l'idée de rendre obligatoire le fait d'aborder le CCT dans les écoles de formation des conducteurs qui sont admissibles à un financement du gouvernement fédéral pour la formation.
  • Fournir aux conducteurs (et employeurs) une ligne téléphonique d'aide gratuite qui leur permettra de poser des questions à un spécialiste.
  • Envisager la concrétisation de la proposition inscrite dans le CCT voulant que l'on affiche obligatoirement les normes d'emploi dans tous les lieux de travail du secteur fédéral, et que l'on distribue régulièrement aux employés, dès leur embauche, des documents faciles à comprendre résumant les normes et le processus de dépôt d'une plainte.

11. Efficacité des établissements qui s'occupent actuellement de l'application du CCT, selon les employeurs

La Commission reconnaît aussi la difficulté que les employeurs doivent surmonter pour se conformer au CCT et se pose un certain nombre de questions sur la façon dont les employeurs perçoivent l'efficacité et l'équité dans l'administration de la version actuelle du CCT.

Difficultés inhérentes à l'application du modèle traditionnel de l'industrie

Il est fondamentalement difficile d'interpréter et d'appliquer le CCT en fonction d'un modèle traditionnel alors que l'industrie du camionnage est dispersée sur le plan géographique. Selon le modèle traditionnel de l'industrie, les travailleurs sont confinés à un site où la productivité est contrôlée par la direction, ce qui réduit au minimum l'incidence de l'opportunisme et les comportements indésirables de la part des employés. Ce modèle garantit l'établissement d'un lien clair entre les heures travaillées et le résultat du travail (productivité) et permet l'utilisation d'un système de rémunération simple fondé sur les heures travaillées. Dans les secteurs où on ne peut exercer ce type de contrôle, on a élaboré des systèmes fondés sur le rendement et sur la rémunération à la pièce. Comme le secteur des transports fonctionne avec des distances, on a naturellement élaboré des systèmes de rémunération fondés sur le kilométrage.

Traitement inégal des employeurs

Les transporteurs sont d'avis que, au chapitre de l'administration de certains aspects du CCT, il y a un déséquilibre entre le traitement réservé aux employeurs et celui réservé aux employés. Il n'est pas équitable d'exiger des employeurs qu'ils transmettent à l'employé un préavis de deux semaines avant la cessation d'emploi, tandis que l'employé peut démissionner sans préavis, ce qui entraîne des conséquences financières pour le transporteur. De plus, certains transporteurs sont d'avis que le délai imposé aux employés - souvent des anciens employés - pour le dépôt d'une réclamation est inéquitable et constitue un fardeau administratif pour les transporteurs, particulièrement les petits transporteurs qui ne possèdent pas de système d'archivage complet.

Manque de connaissance sur l'industrie du camionnage

Un certain nombre de transporteurs sont déçus du manque de connaissances des AAT sur l'industrie du camionnage. Que cette situation soit ou non justifiée, un certain nombre de pratiques simples pourraient vraisemblablement permettre aux AAT de mieux connaître l'industrie du camionnage. Par exemple, on pourrait affecter un AAT dans chaque région afin qu'il se spécialise le plus possible dans les cas liés au camionnage, jumeler les employeurs aux mêmes AAT lorsque cela est possible afin que l'expérience antérieure de ces derniers avec la compagnie soit mise à profit, mettre en place un centre d'expertises régional ou national où il serait possible d'accéder à un bassin d'information concernant le camionnage. On ne sait pas dans quelle mesure ces pratiques ou d'autres pratiques sont employées à l'heure actuelle, mais ce que les transporteurs perçoivent, c'est que les AAT ne connaissent et ne comprennent pas bien l'industrie et ses pratiques. Les AAT sont trop nombreux à appliquer le CCT de façon universelle, alors qu'il s'agit d'un cadre qui ne convient pas nécessairement au camionnage.

Application non uniforme des normes du CCT

L'application non uniforme des normes du CCT constitue un problème pour les transporteurs nationaux dont les employés sont domiciliés dans plusieurs provinces. Selon les transporteurs, on a affaire à différentes interprétations des critères définissant les villes et les autoroutes, à une mise en application ou à une interprétation différentes des méthodes permettant de calculer les salaires et les heures rémunérées dans le cas des jours fériés et des payes de vacances dans plusieurs régions.

Licenciement individuel et indemnité de départ

Comme le confirme le sondage réalisé auprès des conducteurs, les infractions liées au licenciement individuel et aux indemnités de départ représentent un pourcentage important de l'ensemble des infractions et des plaintes. Les entrevues réalisées avec les AAT et les intervenants dans le cadre du sondage réalisé auprès des conducteurs ont révélé que la pratique des transporteurs consistant à licencier les conducteurs avant que ces derniers soient admissibles à un préavis de licenciement ou à une indemnité de départ met en relief une des failles de la norme de travail. Les transporteurs interrogés ont tous précisé que ce type de situation survient lorsque l'évaluation de l'employé par le transporteur justifie un licenciement. Le congédiement non fondé constitue un choix anti-économique dans un contexte où on manque de conducteurs.

En contrepartie, les transporteurs sont d'avis que la disposition actuellement en vigueur favorise démesurément les employés, dans la mesure où on exige du transporteur qu'il fournisse à l'employé un préavis de licenciement de deux semaines, tandis qu'on n'exige pas ce type de préavis de la part de l'employé. Les entrevues sur le terrain nous ont appris que certains employeurs hésitent à transmettre un préavis de deux semaines à des conducteurs qui continueront, pendant ce temps, de transporter du matériel et des marchandises qui valent plusieurs milliers de dollars. Les employeurs craignent que leur matériel soit maltraité, donc ils ne donnent pas de préavis, ce qui constitue une infraction au titre du CCT. En outre, les transporteurs retiennent souvent les indemnités de départ ou procèdent à des retenues non autorisées sur le salaire, pour se « se protéger » contre les préjudices éventuels et les autres coûts ou obligations indéterminés liés à l'employé. Dans la mesure où l'employé a quitté l'entreprise, le transporteur, s'il désire obtenir un redressement pour des préjudices et des coûts supplémentaires, doit avoir recours au système juridique, par exemple à la cour des petites créances. Les transporteurs précisent que les montants sont souvent à l'échelle lorsque les dépenses liées à la poursuite excèdent les dommages-intérêts récupérés. On peut sympathiser avec le transporteur, mais le fait de ne pas donner de préavis de licenciement adéquat ou de ne pas accorder d'indemnité de départ, pour les raisons invoquées ci-dessus ou pour d'autres raisons similaires, constitue clairement des infractions au titre du CCT.

Congédiement injuste

Près de 18,6 % des conducteurs qui travaillent comme employé pour le compte d'autrui ont affirmé, dans le cadre du sondage, qu'ils avaient déjà eu un problème de congédiement injuste ou déposé une plainte à ce sujet. En 2002-2003, 494 plaintes pour congédiement injuste ont été déposées au titre du CCT. Les congédiements injustes supposent une médiation par un AAT, suivie le plus souvent d'un arbitrage. Les transporteurs précisent que les employés estiment qu'ils n'ont rien à perdre en allant jusqu'à l'arbitrage s'ils ne sont pas satisfaits de la médiation avec l'AAT. Les transporteurs précisent que l'arbitrage peut être coûteux sur le plan de la productivité des cadres qui doivent se présenter aux audiences. Toutefois, ce qui préoccupe le plus les transporteurs relativement aux congédiements injustes, c'est qu'ils sentent que la détermination de congédiements injustes met en péril leur jugement et leur prérogative en tant que dirigeants d'un parc de véhicules responsables de la sécurité des opérations. La sécurité est d'une importance capitale pour les transporteurs, particulièrement pour ceux qui possèdent de grands parcs de véhicules. Les transporteurs soutiennent que des congédiements étayés de preuves ont été annulés en arbitrage. On soutient qu'il est difficile d'appliquer des mesures disciplinaires progressives, car pour ce faire, il faut que l'employé ait eu un accident - un comportement à risque ne suffit pas. Ces affirmations émanant des transporteurs semblent suffisamment plausibles pour que l'on tente d'en savoir plus.

Jours fériés et vacances payées

Tous les transporteurs conviennent que les jours fériés précisés dans le Code canadien du travail leur posent un problème. Les statistiques sur les infractions au CCT ainsi que le sondage réalisé auprès des conducteurs confirment cette situation. Les transporteurs trouvent difficile et laborieux de calculer pour chaque conducteur le montant de la paye de vacances. En fonction du système de calcul actuel, les employeurs doivent revenir 20 jours en arrière pour déterminer le montant adéquat de la paye de vacances. En outre, dans l'industrie du camionnage, un conducteur peut être rémunéré de diverses façons, et les employés de la même entreprise peuvent être rémunérés selon différentes méthodes. Un transporteur a émis le commentaire que la plupart des employeurs n'ont ni le temps ni les ressources pour procéder aux calculs détaillés requis par la méthode recommandée par DRHC. Les employeurs suggèrent la mise en place d'une méthode de la moyenne, qui supposerait un calcul simple et qui serait équitable pour tous; mais les AAT ne favorisent pas cette pratique. Les AAT confirment que les employeurs ont de la difficulté à déposer des plaintes. Les deux groupes ont parlé des complications concernant les taux de rémunération et le calcul des payes de vacances. Les AAT eux-mêmes trouvent le calcul des payes de vacances compliqué, laborieux et susceptible d'entraîner la confusion. Le fait que les conducteurs contestent le montant de leur paye de vacances peut devenir coûteux pour les employeurs. De nombreux transporteurs ont précisé qu'ils ont tendance à surpayer les conducteurs au moment d'établir la paye de vacances pour éviter de perdre trop de temps à calculer le montant de la paye de vacances et éviter les problèmes et les plaintes. Par exemple, certains transporteurs choisissent de payer dix jours fériés plutôt que les neuf jours minimalement exigés.

Ainsi, certains des problèmes concernant les payes de vacances sont associés à la complexité du calcul de la rémunération; cependant, les entrevues réalisées sur le terrain auprès des AAT révèlent que beaucoup d'infractions concernant les vacances annuelles sont associées à des licenciements, dans la mesure où l'employeur ne verse pas à l'employé ce qu'il lui doit comme dernière paye. Comme on l'a déjà mentionné relativement aux vacances payées, les transporteurs agissent ainsi pour diverses raisons, mais leurs pratiques contreviennent clairement au CCT.

Heures de travail - conducteurs urbains et conducteurs routiers

Les définitions d'un conducteur urbain et conducteur routier sont importantes pour les transporteurs qui travaillent simultanément sur les routes interurbaines et les routes urbaines, dans la mesure où ces définitions permettent de déterminer le calcul des heures supplémentaires. Les conducteurs se plaignent du fait que les transporteurs utilisent les définitions qui leur permettent de faire travailler davantage les conducteurs en les payant moins.

En vertu des dispositions du CCT concernant les heures de travail, un « conducteur urbain de véhicule automobile » est un conducteur qui se déplace exclusivement dans un rayon de dix milles de son terminus d'attache ou, si la convention collective ne donne pas une autre définition, un conducteur est considéré comme un conducteur urbain de véhicule automobile « selon la pratique courante de l'industrie dans le secteur géographique où il est employé ». Habituellement, on ne tient pas compte du critère du rayon de dix milles pour définir un conducteur urbain, parce qu'un conducteur peut très bien se déplacer au-delà d'un rayon de dix milles de son terminal d'attache et demeurer dans les limites de la ville, de la région ou du quartier d'affaires où il est affecté. La définition opérationnelle de « conducteur urbain » est donc liée à la pratique de l'industrie. La définition de la conduite urbaine représente une difficulté majeure pour les employeurs et les employés. Les AAT et les transporteurs reconnaissent tous qu'il est difficile de définir la pratique courante de l'industrie. L'OTC explique les incohérences de l'approche actuelle en détail dans sa soumission. Même dans les conventions collectives signées par les syndicats, il ne semble pas y avoir de consensus au sujet de la« conduite urbaine » ou de la « conduite routière ». Dans la plupart des documents, on parle plutôt de travail rémunéré à l'heure ou au kilométrage. Il semble que, dans la plupart des cas, le travail au kilométrage est associé à la conduite routière, tandis que le travail à l'heure est associé à la conduite urbaine.

Il semble impossible de fixer la définition de « conducteur local » en établissant tout simplement un rayon précis de déplacement ou une région géographique. Ce type de définition est soit déraisonnable, soit trop difficile à utiliser compte tenu des différentes pratiques de l'industrie dans les diverses régions du pays. En outre, les arbitres de Travail Canada ont formé des interprétations contradictoires de ces définitions. Il faudrait donc envisager de définir le conducteur local d'une autre façon ou en utilisant une combinaison de plusieurs critères.

Compte tenu de la nature de l'industrie, des divers types d'activités susceptibles d'être influencés par cette définition et des conséquences éventuellement considérables sur la rémunération des travailleurs, on devrait opter pour une définition plus large et plus facile à interpréter de « conducteur urbain », et écarter les définitions qui ne permettent pas d'établir une orientation claire, par exemple la définition actuelle. Il serait peut-être pertinent d'éliminer la distinction entre conducteur urbain et conducteur routier et d'appliquer les mêmes règles peu importe le secteur géographique ou le type de conducteur.

Le commentaire d'un transporteur nous amène à imaginer une autre solution. Lorsqu'on embauche un conducteur, on lui transmet nos attentes concernant le travail à faire. L'employé est traité de façon juste dans la mesure où son mandat est clair (p. ex. conduite urbaine ou conduite routière - ou autre définition) et qu'il sait combien il est rémunéré pour le réaliser. Le salaire pourrait refléter adéquatement l'offre et la demande pour ce type de travail.

Paiement des salaires et retenues non autorisées

Les questions concernant le paiement des salaires et les retenues non autorisées constituent la catégorie la plus importante de plaintes déposées par les conducteurs en vertu du Code canadien du travail. Le sondage réalisé auprès des conducteurs a permis de confirmer qu'un grand nombre de plaintes concerne le paiement des salaires. Cette situation est probablement attribuable au fait que les employés qui travaillent comme camionneurs sont rémunérés de différentes façons selon la nature des activités de leur employeur. Les systèmes de rémunération qui ne correspondent pas aux modèles traditionnels complexifient la tâche des employés lorsqu'ils tentent de comprendre leur système de rémunération, et celle des employeurs lorsqu'ils doivent déterminer les taux de rémunération afin d'établir les avantages salariaux dans le cas des jours fériés, des vacances et du paiement des heures supplémentaires. Le fait de retenir un certain montant sur le salaire d'un employé constitue également une pratique courante dans l'industrie du camionnage; pour les employeurs, il s'agit d'un moyen de rembourser les dépenses et avances légitimement liées aux employés. Ce point de vue est celui de la majorité des employeurs de l'industrie du camionnage, et est expliqué en détail dans la soumission de l'OTC. Même les syndicats reconnaissent ce problème dans leurs soumissions et exigent que l'on rectifie le tir.

La législation déjà en vigueur est difficilement compatible avec les programmes spécifiques de rémunération de l'industrie du camionnage, puisque ces derniers ne sont pas conformes aux modèles typiques de rémunération qui s'appliquent dans d'autres milieux de travail et qui sont compatibles avec les exigences législatives en vigueur. Les retenues sur le salaire sont courantes dans l'industrie du camionnage. La législation en vigueur ne permet pas aux employeurs de retenir des montants non autorisés sur le salaire des employés. Cette situation nous incite à envisager un réaménagement législatif particulier qui permettrait aux travailleurs et aux employeurs de l'industrie du camionnage d'arriver à un arrangement relatif à la rémunération qui répondrait aux besoins des deux parties en favorisant une compréhension juste et claire des retenues sur le salaire sans mettre en péril les droits ou la protection des travailleurs.

Le sondage réalisé auprès des conducteurs validait cette position. Dans chaque catégorie de plaintes liées au calcul des salaires ou des heures travaillées, les conducteurs payés à l'heure affichaient systématiquement un taux de plaintes plus faible que les conducteurs payés au kilométrage, au déplacement ou au pourcentage du chiffre d'affaires brut. Les données de DRHC concernant les plaintes laissent également entrevoir que les petits transporteurs sont davantage visés par les plaintes. Les infractions concernant le paiement des salaires représentent 32 % des infractions des petites entreprises de camionnage, et seulement 7 % des infractions des grandes entreprises de camionnage. Ces observations laissent entendre qu'il faudrait se pencher sérieusement sur les suggestions de l'OTC dans ce domaine - même si on ne porte aucun jugement sur l'efficacité des recommandations formulées par l'Office. On recommande notamment l'élaboration de règles applicables concernant le paiement des salaires, ce qui aurait potentiellement une incidence sur les plaintes relatives aux vacances annuelles, aux congés fériés, aux heures de travail et au versement des salaires, qui représentent un pourcentage important des plaintes déposées dans les dernières années au titre du CCT.

Travail non rémunéré

On ne sait pas clairement à quel endroit du CCT est abordée la question des salaires impayés, mais il s'agit manifestement d'un problème pour les conducteurs comme pour les propriétaires exploitants. On en parle depuis longtemps dans les pages des magazines de l'industrie visant les camionneurs. Certaines observations générales énoncées dans le cadre du sondage réalisé auprès des camionneurs ainsi que les soumissions présentées à la Commission ont permis de cerner de nombreuses tâches qui ne font pas partie de la conduite - ravitaillement en carburant, inspection de sécurité des camions, formalités administratives, temps d'attente et de traitement aux postes frontaliers et aux gares de transport intermodales, temps alloué au chargement et au déchargement et aux inspections aux stations de pesage - qui sont réalisées sur les heures de travail et qui devraient donc être rémunérées. Les conducteurs avancent que lorsqu'on additionne les heures où ils sont en service, on constate que leur salaire horaire est relativement bas. Les transporteurs répondent que les coûts liés aux tâches mentionnées ci-dessus sont pris en compte dans les taux de rémunération au kilométrage, lequel est fondé sur le régime de concurrence. La pénurie de conducteurs a forcé certains transporteurs à revoir leur système de rémunération et à y inclure des paiements explicites pour diverses tâches et activités. Comme dans le cas de la problématique de la conduite urbaine par opposition à la conduite routière, les employés se font embauchés par un transporteur qui manifeste certaines attentes concernant la charge de travail et le type de travail à faire pour la rémunération prévue. Peut-être que la solution serait de mieux informer les employés, qui seraient ainsi en mesure d'évaluer de façon adéquate les diverses offres d'emploi. On pourrait transmettre ce type d'information dans le cadre des programmes de formation visant les camionneurs, où qu'on forme les élèves grâce à des subventions de soutien du gouvernement fédéral.

Salaire minimum

Les syndicats ont présenté des soumissions en faveur de l'établissement d'un salaire minimum régi par une loi fédérale pour l'ensemble des travailleurs des secteurs sous réglementation fédérale. On avance aussi que le salaire minimum devrait être fixé à dix dollars l'heure et être indexé au taux horaire moyen. Un salaire minimum fédéral de dix dollars l'heure serait plus élevé que tous les salaires minimums provinciaux en vigueur présentement - le plus élevé est de huit dollars. Les TCA prétendent que les salaires minimums présentement en vigueur correspondent au seuil de pauvreté ou moins, et que les recherches réalisées indiquent que le fait d'établir un salaire minimum plus élevé ne favorise pas l'augmentation du chômage. L'ILWU va plus loin, en recommandant l'établissement d'un salaire minimum de 14,5 $ l'heure. Les taux de salaire de l'industrie du camionnage se situent généralement au-delà du niveau de rémunération minimum établi par les provinces canadiennes. En moyenne, les conducteurs pour le compte d'autrui gagnent 829 $ par semaine, même s'ils travaillent 70 heures pour toucher cette somme; leur taux horaire serait de 11,84 $. En réalité, les camionneurs qui sont sur la route autant d'heures gagnent 242 $ de plus, donc leur taux horaire est de plus de 15 $ s'ils travaillent 70 heures. Évidemment, les taux de rémunération réels se situent en deçà et au-delà de cette moyenne.

Il semble que toute proposition d'accroître le salaire minimum ou d'inclure des dispositions concernant le salaire minimum dans la loi fédérale aurait peu d'incidence sur les grands transporteurs déjà établis qui versent à leurs employés des salaires excédant de beaucoup le salaire minimum. En revanche, les propositions mentionnées ci-dessus pourraient (cela reste à vérifier) avoir une incidence sur les petits transporteurs en situation précaire qui verseraient des salaires comparables au salaire minimum ou en deçà, mais on aurait de la difficulté à imposer aux petits transporteurs une norme plus stricte. Ce type de mesures pourrait être bénéfique pour les transporteurs qui fonctionnent avec un système de salaire à prime, en favorisant l'uniformisation des coûts liés aux conducteurs. Comme le font remarquer les TCA, les employeurs responsables accueilleraient volontiers un plancher salarial qui leur éviterait de se faire court-circuiter par des compétiteurs sans scrupules. Les mesures pourraient aussi avoir une incidence sur les transporteurs qui payent le salaire minimum ou qui ne versent aucune rémunération pendant la période de formation, durant laquelle les conducteurs doivent travailler accompagnés.

12. Hausser les normes

Le salaire minimum n'est qu'un aspect du processus visant à hausser les normes. Par exemple, en ce qui a trait au licenciement individuel et aux indemnités de départ, les employeurs affirment spontanément que les travailleurs ont droit trop rapidement à un préavis de licenciement et à des avantages, et que l'indemnité de départ est trop élevée. Les travailleurs avanceront le contraire. Le CTC et des syndicats comme les TCA ont soumis à la Commission des recommandations élaborées visant à hausser les normes du CCT.

Une étude réalisée par Évaluation et développement des données de DRHC (en août 1997), révèle que, contrairement à certaines idées reçues dans le monde des affaires, les coûts des normes du travail ne sont généralement pas un problème pour la majorité des entreprises. La plupart des employeurs n'ont signalé aucun coût supplémentaire important sur le plan de l'administration, de la paie ou d'autres éléments, par suite de l'application du Code canadien du travail. Les sondages réalisés auprès des transporteurs, de façon générale, confirment cette perception, même si les coûts sont bien réels et que chaque cent compte dans une industrie aussi concurrentielle. Les transporteurs employeurs ont tout intérêt à voir s'améliorer et se peaufiner le cadre déjà en place. Les facteurs suivants permettront de réduire au minimum l'incidence accessoire du CCT sur les coûts directs d'exploitation des entreprises de camionnage :

  • L'incidence du CCT est assez faible, dans la mesure où une tenue de livres adéquate et l'existence de politiques et d'avantages sociaux appropriés constituent tout simplement de bonnes pratiques administratives dans un contexte de pénurie de conducteurs. De nombreux transporteurs interrogés dans le cadre du sondage ont fourni des exemples où les avantages qu'ils offrent et les normes qu'ils respectent excèdent les normes fédérales minimales et sont comparables ou supérieurs aux normes syndicales (toutefois, cette idée n'a pas été étayée). Par exemple, plusieurs transporteurs offrent dix jours fériés payés plutôt que neuf, ou sont plus généreux qu'ils le devraient pour ce qui concerne les vacances annuelles. On rajuste régulièrement les salaires horaires ou plus fréquemment les salaires au kilométrage en fonction des salaires du marché afin de retenir les employés compétents.
  • L'industrie du camionnage est reconnue comme étant un secteur de travail ininterrompu, et les clauses relatives au travail ininterrompu ont, dans une grande mesure, permis aux transporteurs pour le compte d'autrui d'éviter les pertes attribuables à la nécessité de faire preuve de souplesse au moment d'établir les horaires de travail.
  • Les grands transporteurs dont la structure organisationnelle comprend une unité de ressources humaines accomplissent des tâches qui simultanément facilitent la conformité avec le CCT et permettent de répondre aux plaintes déposées directement auprès de l'entreprise ou officiellement déposées à Travail Canada. Ainsi, les frais généraux qui auraient été engagés de toute façon servent à garantir la conformité avec le CCT.
  • Dans l'étude réalisée par DRHC en 1997, on affirme que « d'autres données viennent confirmer cette conclusion, par exemple celles qui montrent que presque toutes les entreprises relevant de la compétence fédérale versent des salaires supérieurs au minimum exigé par le Code du travail ». L'industrie du camionnage paye habituellement des salaires bien supérieurs au salaire minimum, en fonction des heures de travail consignées. Mentionnons toutefois que certaines questions soulèvent la controverse, car on se demande si toutes les heures de travail sont payées et si elles sont adéquatement consignées. Mais si l'on fait abstraction de ces enjeux, les exigences liées au salaire minimum représentent des coûts minimes pour les transporteurs.
  • Les auteurs de l'étude de DRHC concluaient également que « la présence de coûts salariaux supplémentaires attribuables aux normes du travail dans une entreprise donnée est (en théorie) un facteur permettant de déterminer si, au sein de l'industrie, compte tenu de la demande de main-d'œuvre, les salaires et les avantages sociaux devraient être plus généreux ou moins généreux que les normes obligatoires dans un marché non réglementé. Pour attirer et préserver une main-d'œuvre qualifiée, les entreprises devront (toutes choses égales par ailleurs) offrir des salaires et des avantages sociaux équivalents ou supérieurs à ceux qui sont offerts par les concurrents dans le même secteur. Ainsi, les normes du travail ne devraient avoir de répercussions sur les coûts salariaux de l'entreprise que si celle-ci avait choisi, en l'absence du Code, d'offrir des avantages inférieurs. Selon les réponses au sondage, la majorité des employeurs croient que les salaires et les avantages qu'ils offrent ne seraient pas beaucoup moindres si le marché n'était pas réglementé.»
  • On a demandé aux transporteurs s'il était impératif de réduire les avantages sociaux actuellement exigés par le CCT en fonction des normes dont jouissent les compétiteurs installés aux États-Unis. Tous les transporteurs ont répondu par la négative, affirmant qu'il n'était pas nécessaire de réduire les normes, puisque ces dernières sont nécessaires pour le maintien de la main-d'œuvre actuelle; une réduction n'entraînerait pas réellement d'avantage concurrentiel. Cette affirmation semblait refléter, dans plusieurs cas, la nature des activités du transporteur. Par exemple, un transporteur était d'avis qu'il avait des avantages opérationnels qui le favorisaient par rapport aux transporteurs américains et qui n'étaient pas du tout mis en péril par les normes du travail auxquelles il doit se conformer au Canada. En revanche, un autre transporteur a indiqué que si l'on augmentait les normes actuelles, cela mettrait en péril sa capacité d'avoir recours à des conducteurs canadiens sur les routes nord-sud. Dans les deux cas, on met l'accent sur le fait que les conditions du marché déterminent si les coûts liés à la conformité avec des normes de travail strictes ont une incidence sur la compétitivité, laquelle, dans l'industrie du camionnage, diffère en fonction du lieu géographique, du marché des produits et des niveaux de service. Le fait que certains transporteurs respectent déjà des critères plus élevés que les normes actuelles du travail définies par le gouvernement fédéral témoigne du calcul fait par chaque transporteur pour déterminer ce qui est dans son intérêt au chapitre des compromis à faire sur le plan des bénéfices et des coûts liés aux avantages offerts aux employés.

13. Une situation équitable

Les intervenants interrogés estiment que les règles du jeu sont équitables sur le plan de la concurrence entre les entreprises : ils affirment même que cette situation constitue un avantage relativement aux normes fédérales du CCT. Toutefois, les compétiteurs ne respectent pas tous le même niveau de conformité ou les mêmes règles. Il s'agit s'un problème important d'après les grands transporteurs interrogés dans le cadre de la présente étude. Ils perçoivent les ratés sur le plan de l'application de la loi et les défauts de conformité des compétiteurs de l'industrie comme un inconvénient majeur du CCT dans sa forme actuelle. Les transporteurs canadiens réussissent depuis longtemps à tenir tête à leurs compétiteurs des États-Unis, parce que la main-d'œuvre coûte moins cher au Canada, en partie à cause de la valeur plus faible du dollar canadien. Les inéquités concurrentielles concernent davantage les compétiteurs domiciliés au Canada qui utilisent les mêmes infrastructures et le même système social que les transporteurs déjà établis.

14. Nouvelles formes d'emploi - Conducteurs d'agence et conducteurs à contrat

Les conducteurs d'agence sont employés par des organismes de services qui fournissent des conducteurs à des entreprises de camionnage. Les conducteurs d'agence forment un groupe reconnu et accepté au sein de la population active des camionneurs, particulièrement dans l'est du Canada, et représentent 5% de la main-d'oeuvre des camionneurs pour le compte d'autrui. Comme les conducteurs d'agence sont des employés, ils bénéficient des avantages liés au fait d'être visés par les lois sur les normes d'emploi, même lorsqu'il y a lieu de se demander si la loi fédérale ou la loi provinciale prévaut. Il n'y a pas de raison de croire que cette forme non traditionnelle de relation d'emploi signifie que les conducteurs d'agence ont une sécurité d'emploi, une protection ou des droits moindres que les employés qui fonctionnent selon d'autres régimes de travail - à moins que l'on opte pour une forme illégale de sous-traitance.

L'existence des conducteurs à contrat a été soulignée par les AAT et les transporteurs dans le cadre des entrevues et du sondage réalisés auprès des conducteurs, après le début du processus d'enquête. Le conducteur à contrat semble s'inscrire dans une forme relativement nouvelle de relation d'emploi adoptée dans l'industrie du camionnage. Les conducteurs à contrat ne sont pas des employés, car ils ne sont pas assujettis à une relation employeur-employé; ils ne sont pas non plus des entrepreneurs indépendants ou des propriétaires exploitants, parce qu'ils ne possèdent pas le camion qu'ils conduisent. Les travailleurs à contrat sont liés par un contrat de service conclu avec le propriétaire du camion, et peuvent ou non travailler pour une tierce entreprise de camionnage. On dispose de peu d'information sur cette catégorie de conducteurs, puisqu'on n'a sollicité explicitement aucune information sur le sujet dans le cadre du sondage. On a tout simplement reconnu que ces travailleurs constituaient une catégorie distincte, après avoir demandé aux conducteurs pressentis pour participer au sondage des informations sur leur compétence.

Il semble effectivement que les conducteurs liés par ce type de relation d'emploi ne sont pas assujettis au Code canadien du travail si elles ont une relation légitime avec un entrepreneur indépendant. Toutefois, les transporteurs comme les AAT ont fait remarquer que des travailleurs à contrat ont - à tort - cherché à déposer des plaintes auprès du transporteur qui avait utilisé les services du propriétaire du véhicule qui lui a embauché le conducteur en sous-traitance. Il est intéressant de constater qu'une forme illégale de sous-traitance existe dans le secteur des conducteurs d'agence. La mise en garde d'une agence de conducteurs décrit bien la situation :

Méfiez-vous des agences qui offrent les services de conducteurs en sous-traitance
Les agences de conducteurs, dans la plupart des cas, embauchent des conducteurs avec lesquels elles entretiennent une relation employeur-employé normale et elles fournissent à leurs clients, qui sont des exploitants de parc de véhicules, des services reliés à la conformité, à la formation et aux essais. Toutefois, les exploitants de parc de véhicules devraient se méfier d'une pratique de plus en plus courante qui consiste pour certaines agences de conducteurs à prétendre qu'elles embauchent leurs conducteurs en sous-traitance, exclusivement pour éviter de payer les charges sociales liées au statut d'employeur (RPC, AE, CAT, etc.) et ainsi être avantagées sur le plan des coûts par rapport aux autres agences de conducteurs qui respectent leurs obligations en tant qu'employeur. Dans la majorité des cas, ces services de location de personnel fournissent des conducteurs à temps plein à un exploitant précis de parc de véhicules, ce qui ne correspond clairement pas à une relation de sous-traitance. Cette pratique présente un risque pour le conducteur et pour l'exploitant de parc de véhicules, parce qu'une relation de cette nature ne correspond pas à une relation entre employeur et sous-traitant suivant la définition fournie par le gouvernement.

Les transporteurs sous-traitants, les fournisseurs de véhicules et les agences qui louent les services de conducteurs sont susceptibles d'opter pour de telles pratiques, contre lesquelles il faut protéger les employés. On propose la conception de méthodes qui permettraient de repérer et de surveiller ces pratiques.

15. Sous-traitance - Propriétaires exploitants

Les propriétaires exploitants sont des conducteurs autonomes qui possèdent leur propre camion et ne sont pas visés par le Code canadien du travail. On laisse entendre que les propriétaires exploitants, que l'on appelle des entrepreneurs « dépendants », sont en fait assujettis aux mêmes conditions de travail et au même degré de contrôle que les employés, et qu'ils devraient donc bénéficier d'une partie ou de l'ensemble des protections prévues à la partie III du Code. Habituellement, les personnes qui défendent cette position ne précisent pas si, suivant cette interprétation ou révision du CCT, le traitement fiscal des propriétaires exploitants demeurerait le même.

Les propriétaires exploitants représentent 30 % de la main-d'œuvre des camionneurs, et 75 % des propriétaires exploitants sont des conducteurs routiers, c.-à-d. qu'ils relèvent très probablement de la compétence fédérale. Dans le cadre du sondage réalisé auprès des conducteurs, 157 répondants sur 449 étaient des propriétaires exploitants. Certains transporteurs n'embauchent que des propriétaires exploitants comme conducteurs routiers, tandis que de nombreux transporteurs ont recours à des propriétaires exploitants et à des conducteurs employés.

Le propriétaire exploitant signe avec une entreprise de camionnage un contrat en vertu duquel il va travailler pour cette entreprise et mettre son camion à la disposition de cette dernière pour le transport de marchandises, en fonction des modalités et d'une rémunération convenues. L'embauche de propriétaires exploitants par les transporteurs répond aux besoins des deux parties sur le plan commercial ou fonctionnel. Le conducteur bénéficie du statut de travailleur autonome, c.-à-d. qu'il peut se prévaloir de certains avantages financiers, maîtriser sa charge de travail et choisir le type d'emploi qui lui convient le plus. Le transporteur, pour sa part, n'a pas à acheter ni à entretenir le camion et peut se prévaloir des services des propriétaires exploitants qui répondent le mieux à ses exigences opérationnelles.

Les propriétaires exploitants interrogés dans le cadre du sondage réalisé auprès des conducteurs laissent entendre que, selon eux, le fait d'être visé par le Code permet le règlement des plaintes qu'ils pourraient déposer lorsqu'ils sont mal traités par un transporteurs. Cependant, les exemples de plaintes qu'ils fournissent concernent souvent non pas des questions relatives aux normes du travail, mais plutôt des questions relatives au risque associé au travail autonome et à la gestion des revenus et des dépenses. Il est peu probable que le Code faciliterait la tâche des propriétaires exploitants sur ce plan.

Les propriétaires exploitants soulignent aussi le fait que, dans leur situation, ils peuvent négocier le travail à faire et le régime de rémunération, par l'entremise de leur contrat. Si le propriétaire exploitant avait accès à un processus de règlement des plaintes en vertu du Code canadien du travail, on suppose que le conducteur désirerait que l'agent d'examen de Travail Canada procède à l'arbitrage en fonction des dispositions du contrat et non des dispositions législatives du Code. Actuellement, l'esprit et l'objet du Code en font un outil qui aborde les questions relatives aux relations employeur-employé; on ne peut s'en servir pour procéder à un arbitrage concernant les modalités d'un contrat.

Si les propriétaires exploitants avaient accès à des mesures de réparation en vertu du Code, il est peu probable qu'ils seraient prêts à renoncer à l'indépendance et aux avantages fiscaux que leur confère le statut de travailleurs autonomes. Par exemple, le propriétaire exploitant serait-il prêt à se conformer aux dispositions du Code concernant les vacances, ce qui restreindrait ses possibilités à ce chapitre, puisqu'il ne pourrait plus établir de son propre chef les moments où il ne travaille pas?

Si le propriétaire exploitant était visé par le Code, de nouveaux problèmes surviendraient à la fois pour les propriétaires exploitants et pour le gouvernement, et les problèmes déjà repérés à l'heure actuelle persisteraient. Dans le cas du conducteur, il faudrait établir si le Code ou le contrat prévaut, et, en ce qui a trait au gouvernement, il éprouverait des difficultés considérables sur le plan de l'administration parce qu'il serait tenu de respecter des dispositions contractuelles qui pourraient être différentes dans chaque cas.

Dans l'éventualité improbable où les entrepreneurs dépendants continueraient de bénéficier d'un traitement fiscal favorable sous la forme de frais professionnels déductibles, les conducteurs employés dénonceraient comme inéquitable le fait que les propriétaires exploitants dépendants bénéficient d'avantages fiscaux pour des dépenses qui ne sont pas reliées à leur véhicule tandis que ce type d'avantage ne serait pas accessible aux conducteurs employés.

Les problèmes fondamentaux des propriétaires exploitants sont bien expliqués dans les ouvrages publiés sur les entreprises : ils présentent des lacunes sur le plan des compétences en affaires, ils ne connaissent pas assez bien les coûts et ne sont pas en mesure de maîtriser ou de gérer l'augmentation des coûts. Le sondage réalisé auprès des conducteurs étaye ces affirmations. Les propriétaires exploitants qui arrivent à gérer les risques associés à leurs activités acceptent des contrats établis en fonction des coûts et des autres risques qu'ils doivent assumer. Le propriétaire exploitant doit être en mesure de se tourner vers un autre transporteur si la relation contractuelle n'est pas satisfaisante. Le sondage réalisé auprès des conducteurs révèle que les propriétaires exploitants ne sont pas moins mobiles que les conducteurs employés : les deux catégories de travailleurs mettent en moyenne moins d'une semaine pour trouver un autre emploi comparable1. Même s'il y a des coûts associés aux heures improductives, aux frais du PII et au transfert de permis, il semble que les propriétaires exploitants dépendants ont suffisamment d'occasions de magasiner les services. Ainsi, la principale solution serait peut-être de mieux former les propriétaires exploitants pour faire d'eux des gens d'affaires plus compétents, qui pourraient mesurer les coûts, évaluer les modalités de paiement et négocier les contrats.

La formation des propriétaires exploitants devient encore plus importante lorsqu'ils embauchent un conducteur et deviennent employeur. Les propriétaires exploitants embauchent des conducteurs afin de maximiser l'utilisation de leur véhicule, notamment pendant leurs vacances, ou, dans certains cas, les conducteurs embauchés conduisent d'autres camions du propriétaire exploitant. Selon Statistique Canada, le propriétaire exploitant qui est aussi transporteur a en moyenne deux employés, un tracteur routier et une semi-remorque. Ces propriétaires exploitants sont essentiellement de très petits transporteurs.

Les propriétaires exploitants ne constituent pas une nouvelle réalité dans l'industrie du camionnage, et leur place dans la population active des conducteurs est bien établie. Il semble que, si on décidait que les propriétaires exploitants étaient visés par le Code canadien du travail, les relations entre les transporteurs et les propriétaires exploitants seraient considérablement perturbées, et les deux parties subiraient des conséquences opérationnelles et économiques indéterminées. Les données recueillies laissent supposer que bien des problèmes éprouvés par les propriétaires exploitants viennent de leur incapacité d'exercer une gestion efficace; en offrant aux propriétaires exploitants une formation accessible, on pourrait régler le problème sans modifier la loi.

16. Conciliation travail-vie personnelle

Les camionneurs et l'industrie sont très préoccupés par les problèmes relatifs à la conciliation entre le travail et la vie personnelle. Les camionneurs travaillent de très longues heures, souvent loin de la maison pendant de nombreux jours. Beaucoup de conducteurs ont précisé que leur éloignement prolongé de la maison a engendré certains problèmes ou des problèmes importants dans leur vie familiale. Les commentaires émanant des conducteurs et des transporteurs laissent entendre que l'ampleur des conflits relatifs à la conciliation travail-vie personnelle peut dépendre de facteurs comme la catégorie d'employés ou le secteur de l'industrie. Les transporteurs ont laissé entendre que les longues heures font partie du travail et qu'il est souvent difficile, pour la plupart des petits transporteurs, d'accommoder chaque conducteur. Les conducteurs et les employeurs reconnaissent que la conciliation travail-vie personnelle constitue un enjeu important dans l'industrie et que de nombreux employeurs s'efforcent de trouver des solutions pour faciliter la vie de leurs employés au chapitre de la conciliation travail-vie personnelle. Il est crucial pour les employeurs d'adopter ce type d'attitude dans un contexte de pénurie de conducteurs compétents. Il est évident que les solutions varient suivant les transporteurs. Chacun évalue les retombées positives de diverses stratégies et approches; il n'existe pas de panacée universelle.

17. Le rôle du syndicat

La présente étude portait également sur les observations du Congrès du travail du Canada (CTC) et des Travailleurs canadiens de l'automobile (TCA). On a tenu une brève réunion préliminaire avec un représentant des camionneurs, mais on n'a pas encore mis en œuvre les mesures de suivi qui permettraient d'obtenir des commentaires plus détaillés de la part des camionneurs. Les responsables de l'enquête désirent procéder au suivi pour terminer l'étude.

Dans l'ensemble, le CTC et les TCA soutiennent le renforcement et l'expansion des dispositions du Code et l'établissement de normes plus rigoureuses dans bien des cas. Les recommandations émanant des syndicats sont détaillées, mais le but de la présente étude n'était pas d'évaluer la qualité de leur proposition au chapitre du camionnage. On a précisé les positions du syndicat sur les sujets abordés dans le présent rapport lorsqu'il était approprié de le faire.

Les activités des syndicats dans l'industrie du camionnage se limitent essentiellement à certains segments de l'industrie, comme l'expédition de charge partielle (CP) sur de longues distances ou les services de messagerie longue distance, c.-à-d. des segments de l'industrie où un certain monopole existe encore ou où on doit avoir recours à un service ou du matériel très spécialisés. Par exemple, les employés d'UPS sont syndiqués. Dans la plupart des marchés d'expédition de charge complète (CC), la représentation syndicale a décliné après la déréglementation qui s'est produite à cause des pressions exercées par de nouvelles entreprises offrant des tarifs bas. Les transporteurs syndiqués ont même créé des filiales non syndiquées ou des sociétés sœurs susceptibles de mieux se démarquer dans des marchés plus concurrentiels. Le secteur du camionnage pour le compte d'autrui compte beaucoup moins d'employés syndiqués (19,8 %) lorsqu'on le compare au secteur du camionnage privé (31,6 %) ou à l'ensemble des professions (31,8 %).

Les répondants syndiqués étaient trop peu nombreux pour que nous puissions réaliser une analyse statistique pertinente, mais les nombres bruts indiquent que les conducteurs syndiqués :

  • travaillent moins d'heures par semaine que les conducteurs non syndiqués
  • affichent un degré de satisfaction plus élevé à l'égard de leur métier de camionneur
  • ont déposé relativement moins de plaintes dans la plupart des secteurs d'infraction, par exemple le paiement des salaires et les congédiements injustes
  • ont moins de problèmes au chapitre de l'éloignement prolongé de leur famille
  • ont tendance à travailler pour de gros transporteurs
  • sont des conducteurs plus expérimentés

Statistique Canada estime que les camionneurs syndiqués touchent un salaire supérieur de 11 % à celui des camionneurs non syndiqués. Ces observations sont compatibles avec les prévisions en matière d'emploi syndical.

Le syndicats et leurs conventions collectives garantissent aux membres du syndicat une protection ainsi que la mise en application des normes du travail, tandis que RHDC et le CTC offrent ce type de protection aux employés qui ne sont pas pris en charge par unité de négociation collective. Les transporteurs syndiqués interrogés dans le cadre de l'étude respectent unanimement les procédures syndicales visant la mise en application des conventions collectives par l'employeur et l'employé. Les syndicats devraient, semble-t-il, continuer de jouer ce rôle dans les secteurs et les entreprises où ils ont été légitimement choisis comme agents négociateurs pour les employés.

18. Encourager l'insertion des femmes à l'industrie du camionnage

Les femmes sont beaucoup moins présentes dans l'industrie du camionnage que dans l'ensemble des professions à l'échelle nationale : 2,4% par opposition à 46,8 %. Il est intéressant de constater que le nombre de femmes interrogées dans le cadre du sondage réalisé auprès des conducteurs correspondait à exactement 2,5 % des personnes interrogées, soit 11 conductrices. Les auteurs de plusieurs soumissions, notamment les syndicats, recommandent l'élargissement des avantages prévus dans le code du travail - dispositions relatives aux congés, aux vacances et aux modalités d'horaire de travail flexible - pour accommoder les femmes et répondre à leurs besoins. On suppose que ce type de mesure inciterait davantage de femmes à devenir camionneuses.

Les entrevues réalisées avec les transporteurs révèlent que l'industrie reconnaît que les femmes constituent une proportion très faible de la main-d'œuvre des chauffeurs, et laissent entendre qu'un certain nombre de facteurs inhérents au métier de camionneurs constitueront toujours des entraves pour les femmes, tandis que d'autres obstacles se transforment lentement, sans que les transporteurs puissent maîtriser ces aspects. Mentionnons par exemple l'effort physique requis pour le travail, les questions relatives à la sûreté et à la sécurité, l'absence d'installations distinctes pour les femmes et la culture machiste. Ironiquement, le camionnage local, qui est susceptible d'avoir une incidence moindre que le camionnage routier sur la vie personnelle du conducteur, est plus difficile physiquement, puisqu'il suppose souvent des chargements et des déchargements, par opposition au camionnage longue distance. Les changements que l'on propose d'apporter au CCT pourraient avoir une incidence importante sur les obstacles à l'équilibre entre la vie professionnelle et la vie personnelle, et supposeraient un fardeau additionnel pour les transporteurs relativement à l'établissement des horaires.

Les données recueillies auprès des 11 femmes qui ont répondu au sondage constitue un échantillon trop petit pour que l'on puisse en tirer des conclusions valides sur le plan statistique, mais il est néanmoins intéressant de mentionner que les chiffres bruts indiquent les tendances suivantes :

  • Les femmes interrogées dans le cadre du sondage se disent plus satisfaites de leur profession de camionneuse que le reste de l'échantillon
  • Au total, 87,5 % des femmes camionneuses pour le compte d'autrui (c.-à-d. sept sur huit) ont mentionné qu'elles connaissaient le Code canadien du travail, tandis que cette proportion est de 71,7 % chez les hommes.
  • Les femmes passaient généralement 21 jours loin de la maison, tandis que le reste de l'échantillon passait en moyenne 11 jours loin de la maison. Les femmes indiquent qu'il est raisonnable de passer 15 jours loin de la maison, tandis que l'ensemble des répondants estiment qu'il est raisonnable de passer huit jours loin de la maison.
  • Au total, sept femmes camionneuses sur 11 (63 %) ont indiqué qu'elles étaient accompagnées d'un deuxième conducteur, tandis que seulement 16 camionneurs sur 212 (7,5 %) ont affirmé qu'ils étaient accompagnés. Dans certains cas, on a appris que la femme formait une équipe avec son mari.
  • Au total, dix femmes sur 11 ont affirmé que leur employeur avait pris des mesures concrètes pour leur permettre de mieux concilier le travail et la vie personnelle; aucune des 11 femmes n'a affirmé que l'employeur pourrait en faire plus, par exemple en accordant plus de congés ou en se montrant plus souple relativement aux horaires.

Il semble que les employeurs des femmes camionneuses ont déployé les efforts nécessaires pour recruter et maintenir en poste ces femmes.

Les données recueillies laissent supposer (mais on ne peut l'affirmer avec certitude) que les transporteurs accommodent déjà les femmes de l'industrie du camionnage, et que le simple élargissement de dispositions du code du travail dans le but d'accommoder les femmes ne permettrait pas de s'attaquer aux causes profondes peut être plus importantes qui expliquent le faible taux d'emploi des femmes dans l'industrie du camionnage.

19. Conclusions

Le grand éventail de questions abordées dans le présent rapport témoigne des multiples enjeux soulevés par la Commission ainsi que de la complexité du CCT et de sa mise en application dans l'industrie hétérogène du camionnage. Un certain nombre de questions ou de thèmes récurrents méritent d'être soulignés et examinés de plus près.

Un marché de « vendeur » pour les conducteurs qualifiés

Une pénurie de conducteurs caractérise l'industrie du camionnage depuis au moins cinq ans, et à peu près tous les spécialistes de l'industrie prévoient qu'elle ne se résorbera pas dans un proche avenir. Cette situation oblige l'industrie à agir dans l'intérêt de l'employé. La Commission devrait établir si cette situation constitue un attribut permanent de l'industrie, et sinon, déterminer s'il y a lieu de mettre en œuvre des politiques à long terme en fonction de cette caractéristique de l'industrie actuelle.

Une industrie qui compte de nombreuses petites entreprises

La petite taille de la plupart des entreprises de camionnage est synonyme de fardeau administratif accru lorsqu'il s'agit de se conformer au CCT. Cette réalité constitue une caractéristique permanente de l'industrie. Les petites entreprises sont moins conformes au Code que les grandes, c'est un fait connu. Dans la mesure où il n'y a pas d'entraves réglementaires à l'entrée en concurrence et où il n'y a pas de possibilité naturelle d'économie d'échelle, particulièrement dans le secteur de l'expédition de CC, il est facile d'entrer dans l'industrie, et cette dernière sera toujours fragmentée.

Mobilité des conducteurs et des propriétaires exploitants

Le sondage réalisé auprès des conducteurs a permis de procéder à une vérification importante : la mobilité des conducteurs et des propriétaires exploitants réduit les risques que ces travailleurs soient à la merci des transporteurs.

Souplesse et approche universelle

L'hétérogénéité de l'industrie du camionnage va de pair avec une multiplicité de situations dont il serait impossible de tenir compte en mettant en place des lignes directrices précises relatives au CCT. Pensons par exemple à la façon dont les transporteurs minimisent les problèmes de conciliation travail-vie personnelle des conducteurs (horaires variables), aux multiples distinctions entre la conduite locale et la conduite routière, aux divers systèmes de rémunération, et ainsi de suite. On reconnaît déjà, dans le CCT, une unicité opérationnelle et réglementaire de l'industrie du camionnage lorsque l'on définit le travail ininterrompu et les heures de service.

Une industrie comportant deux catégories de transporteurs?

Les transporteurs interrogés brossent tous un tableau positif où chacun se conforme (ou du moins tente de se conformer) au CCT et traite les employés équitablement puisqu'il est dans son intérêt de le faire. Pourtant, un nombre important de plaintes sont déposées en vertu du CCT, et le sondage réalisé auprès des conducteurs révèle que beaucoup de plaintes ne sont jamais déposées. Quelle est la cause de ces plaintes?

Des données probantes nous permettent de diviser l'industrie du camionnage en deux catégories. Les transporteurs eux-mêmes, les AAT et certains conducteurs interrogés font allusion à des transporteurs qui suscitent des plaintes au titre du CCT, cherchent à éviter de se conformer et se défilent lorsqu'il s'agit de verser un paiement en exécution d'un jugement : il peut s'agir de récidivistes. Ces entreprises sont souvent de petite taille, mais pas nécessairement. Elles forment ce que nous appellerons les transporteurs de deuxième importance. Elles exercent souvent leurs activités sans être repérées par les agents responsables du travail ou de la sécurité. Elles sont souvent la cible de poursuites judiciaires et de jugements, et ferment tout simplement leurs portes pour réapparaître ensuite sous une nouvelle identité, apparemment « vierges ». Elles embauchent des conducteurs sans contrat écrits, et dans certains cas le propriétaire et le conducteur ne se voient jamais. Comme la plupart de ces transporteurs sont de petites entreprises, ils seront la cible d'un plus grand nombre de plaintes, en proportion, si on tient compte de la taille de leur bassin de main-d'œuvre. Les transporteurs de deuxième importance sont davantage présents là où les obstacles à l'entrée en concurrence sont moins nombreux, par exemple, là où on peut se procurer du matériel peu coûteux.

Les grands transporteurs bien établis forment ce que nous appellerons la catégorie de première importance. De façon générale, les activités de ces transporteurs se déroulent au vu et au su des agents responsables du travail ou de la sécurité. Ils ont une réputation à préserver et une cote d'estime à alimenter. Les transporteurs de première importance sont généralement connus, existent depuis longtemps et sont davantage susceptibles que les transporteurs de deuxième importance d'être membres d'une association provinciale de camionnage. Il est très probable que ces transporteurs fassent partie de la catégorie des grands ou moyens transporteurs dont le parc compte plus de 20 véhicules, mais beaucoup possèdent un parc de 20 véhicules ou moins.

Si notre hypothèse est fondée et qu'il existe véritablement deux catégories de transporteurs pour le compte d'autrui, le problème associé au mode actuel de mise en application du CCT est que les ressources sont concentrées sur le mauvais segment de transporteurs. Ainsi, les transporteurs de première et de deuxième importance ne sont pas traités de la même façon. Toutefois, pour que l'on puisse surveiller et poursuivre les transporteurs de deuxième importance, il faudra que les organismes gouvernementaux qui ont intérêt à ne pas perdre de vue ces transporteurs agissent en collaboration. Ces organismes seraient très probablement ceux qui s'occupent de l'application des règlements relatifs à la sécurité.


Notes

1 On a éliminé de l'échantillon une observation aberrante (30 semaines).

   
   
Mise à jour :  10/11/2006 haut Avis importants