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Le salaire minimum au Canada : Théorie, données probantes et politique

Préparé par Morley Gunderson

Résumé

On retrouve au début du document une analyse des principaux rôles entrelacés dont la législation minimale est appelée à jouer, notamment :

  • réduire la pauvreté;
  • réduire les inégalités salariales;
  • établir un montant minimal que ne peut franchir aucune transaction;
  • éliminer les emplois à faible rémunération et favoriser une évolution vers le haut de la chaîne à valeur ajoutée;
  • offrir un incitatif à l'abandon des programmes de maintien du salaire;
  • accroître la demande globale et des effets multiplicateurs connexes;
  • aider à régler les frais de scolarité à la hausse;
  • protéger les personnes non protégées qui ont peu de pouvoir de négociation individuelle ou collective
  • protéger les personnes protégées en réduisant la concurrence à bas salaires;
  • réduire le besoin de syndicats;
  • offrir un modèle qui en inspirera d'autres.

On présente ensuite une analyse des effets attendus en théorie du salaire minimum sur un ensemble de résultats d'intérêt en matière de politiques, notamment l'emploi, les heures de travail, la participation au marché du travail, le chômage, l'inscription scolaire, les débordements vers d'autres salaires, les salaires globaux, les prix, les avantages sociaux, les conditions de travail, la formation, les décisions touchant le capital humain, l'inégalité salariale et la pauvreté.

On décrit les facteurs compensatoires éventuels susceptibles d'atténuer les effets négatifs, y compris : le monopsone, les salaires liés à des emplois, les effets « chocs », les ajustements aux avantages sociaux, un personnel mieux qualifié, les effets de la demande globale et la possibilité selon laquelle le salaire minimum est une réaction endogène à l'augmentation du nombre d'occasions économiques.

On décrit alors les méthodes d'évaluation du salaire minimum, y compris ce qui suit : analyse des séries chronologiques; analyse transversale globale; analyse des séries chronologiques et transversales combinées; probabilités relativement à la transition d'emploi individuelle avec des données de base pour les personnes « à risque »; expérimentations naturelles et estimateurs de différence en la différence; conceptions de recherche spécifiées d'avance et comparaisons de la répartition des salaires hypothétiques et réels des emplois. On indique en conclusion qu'aucun consensus n'a été possible sur une méthodologie qui serait considérée comme la meilleure ni sur les partialités inhérentes et l'orientation des partialités susceptibles de se dégager de chaque méthode. Ainsi, la documentation empirique n'a toujours pas permis d'établir un consensus et est fortement contestée :

On a pu tirer de manière générale les conclusions suivantes d'études américaines :

  • Les études réalisées dans les années 1950, 1960 et 1970 ont permis d'établir en général l'existence d'effets négatifs sur l'emploi, avec une augmentation de 10 % du salaire minimum, ce qui a provoqué une baisse de 1 % à 3 % du nombre d'emplois chez les adolescents. On retrouvait cette relation négative chez tous les groupes d'âge, les sexes, les sous-groupes des races, mais elle était toutefois pire chez les personnes qui courent le plus de risque de voir leur salaire passer sous la barre du salaire minimum (p. ex. les plus jeunes et les Noirs). Des études plus récentes, soit dans les années 1980 et 1990, ont donné des résultats très conflictuels : parfois négatif, parfois neutre et parfois même des effets bénéfiques sur l'emploi.
  • Il existe de légers effets bénéfiques de débordement, ce qui fait augmenter le salaire des personnes qui obtiennent un salaire légèrement supérieur au salaire minimum, mais les effets sont largement limités à ceux dont le salaire est légèrement supérieur au salaire minimum.
  • La plupart des emplois à salaire minimum sont des emplois temporaires; la plupart des gens quittent rapidement ces emplois après avoir trouvé des emplois mieux rémunérés; toutefois, un pourcentage non trivial de travailleurs consacrent de grandes parties de leur temps après leur carrière à des emplois à salaire minimum ou près du minimum.
  • Rien ne permet de croire que les employeurs contrecarrent une partie de l'augmentation du salaire minimum en réduisant les avantages sociaux et en baissant les conditions de travail, mais on constate que les employeurs augmentent le fardeau de responsabilités chez les travailleurs occupant un emploi touché par l'augmentation du salaire minimum.
  • On peut déduire du peu d'études que le salaire minimum réduit les chances de formation, même si les effets sont bien souvent peu importants et insignifiants sur le plan statistique; en plus, les conclusions ne permettent pas toujours de vérifier ces faits.
  • Les résultats d'études aux États-Unis sur les effets du salaire minimum sur le taux de scolarité sont variables, bien que la plupart des études laissent supposer des effets négatifs, soit qu'un salaire minimum plus élevé incite les étudiants à abandonner l'école et à tenter de trouver un des emplois à salaire minimum les mieux rémunérés.
  • Le salaire minimum a tendance à réduire l'inégalité salariale, alors que le baisse du salaire minimum réel a contribué à l'élargissement récent du fossé salarial.
  • Le salaire minimum n'a qu'une faible incidence sur la réduction de la pauvreté et est généralement considéré comme un instrument émoussé en matière de réduction de la pauvreté.
  • Les résultats obtenus sur les effets du salaire minimum sur les prix sont variés.

Des études britanniques traitant de l'effet du salaire minimum ont permis d'établir ce qui suit :

  • Il ne semble pas y avoir, dans l'ensemble, des effets négatifs sur l'emploi à l'échelle de l'économie;
  • On a constaté toutefois un effet négatif conventionnel dans le secteur des emplois à faible rémunération;
  • On n'a constaté aucun effet de débordement sur les salaires frôlant le minimum ni d'effets sur l'inégalité salariale;
  • Rien ne permet de conclure que le salaire minimum a une incidence sur la formation; au contraire, les effets sont bénéfiques.
  • Les études britanniques portent toutefois sur de petites augmentations du salaire minimum qui ont été imposées à une époque où il était plus facile de les absorber.

Les données canadiennes sont généralement considérées utiles pour l'évaluation des effets du salaire minimum parce qu'il y a eu d'importantes variations du taux salarial minimum d'une compétence à l'autre au fil des années. Bien qu'on constate d'importantes différences d'une étude canadienne à l'autre, on peut en tirer les généralisations suivantes :

  • Selon des études canadiennes antérieures (qui étaient fondées sur des données d'avant les années 1980), les effets négatifs sur l'emploi étaient semblables à ce qui avait fait l'objet d'un consensus aux États-Unis et parfois plus importants; en effet, une augmentation de 10 % du salaire minimum entraînerait une réduction de 1 à 3 % du nombre d'emplois.
  • Selon les études qui sont fondées sur des données qui comprenaient les années 1980, les effets étaient moins marquants et se situaient dans la plage inférieure du consensus et étaient bien souvent nuls, à l'instar bien souvent des constatations des études aux États-Unis.
  • Cependant, selon des études plus récentes fondées sur des méthodes différentes et plus complexes et des données plus récentes, les effets étaient plus importants sur l'emploi dans la plage supérieure et au-delà de la plage de consensus, surtout à plus long terme. Les élasticités vont typiquement de -0,3 à -0,6 chez les adolescents (un peu plus bas pour les jeunes adultes), ce qui laisse supposer qu'une augmentation de 10 p. cent du salaire minimum entraînerait une réduction de 3 à 6 p. cent du nombre d'emplois chez les adolescents.
  • De plus, il semble que les études canadiennes tendent à dévoiler des effets négatifs sur l'emploi qui sont au moins aussi marquants et même plus marquants que ce que révèlent les études américaines; aucune n'a dévoilé des effets bénéfiques sur l'emploi comme on retrouve à l'occasion dans des études américaines.
  • L'augmentation du salaire minimum tend aussi à réduire le taux de participation au marché du travail, ce qui incite certains à quitter le marché du travail; c'est donc dire que ce ne sont pas toutes les baisses du nombre d'emplois qui entraînent des augmentations du taux de chômage.
  • On constate quelques débordements salariaux, mais non pas dans toutes les études.
  • On ne constate aucun effet marqué sur le taux de scolarité, bien qu'on constate peut-être des effets bénéfiques peu marquants chez les jeunes plus âgés.
  • Même si les problèmes touchant les données empêchent d'obtenir de solides résultats, les effets sur la formation sont généralement négatifs, mais parfois peu marquants et insignifiants sur le plan statistique. Les effets négatifs les plus probables, toutefois, sont indirects et sont attribuables aux effets négatifs bien plus marquants qui empêchent d'obtenir de la formation et de l'expérience en milieu de travail.
  • Le salaire minimum tend à réduire l'inégalité salariale et profite de manière disproportionnée aux familles à faible revenu. Comme mécanisme de lutte contre la pauvreté, toutefois, le salaire minimum est un instrument excessivement émoussé qui cible mal les personnes moins nanties pour diverses raisons :
    • de nombreuses personnes moins nanties ne travaillent pas;
    • celles qui travaillent ne travaillent que quelques heures;
    • il y a risque d'effets négatifs sur l'emploi;
    • le salaire minimum touche de manière disproportionnée les adolescents qui sont comptés dans la répartition des revenus familiaux;
    • le salaire minimum a une incidence sur les salaires individuels alors que la pauvreté est définie selon les revenus et les besoins familiaux.

On fait alors état, dans le document, des tendances au niveau du salaire minimum au Canada et des traits caractéristiques des travailleurs qui reçoivent le salaire minimum.

  • En valeurs réelles (dollars équivalents pour 2001), le salaire minimum au Canada est passé d'un peu moins de 6,00 $ de l'heure au début des années 1960, pour atteindre une pointe d'environ 8,50 $ de l'heure en 1976, et a baissé continuellement jusqu'à environ 6,00 $ du milieu des années 1980 jusqu'au début des années 1990; il est alors passé à environ 7,00 $ à la fin des années 1990 (et est toujours à ce niveau actuellement). On constate une courbe semblable pour le salaire minimum comparativement au salaire moyen.
  • Comme pourcentage du salaire moyen, le salaire minimum variait des taux peu élevés de 30 % à 35 % dans les Territoires du Nord-Ouest, le Nunavut et l'Alberta (en raison des salaires élevés dans ces régions) à des taux élevés de 45 % au Québec et de 45 % en Colombie-Britannique.
  • Comme pourcentage du seuil de faible revenu avant impôt (seuil de pauvreté) pour une personne, le salaire minimum moyen à l'échelle nationale variait de 75 % dans les centres métropolitains, pourcentage qui augmentait de manière soutenue dans les plus petits villages pour atteindre 109 % dans les régions rurales, ce qui est indicateur du coût de la vie moins élevé en régions rurales.
  • Les salaires minimums au Canada se comparent de près à ceux qu'on retrouve aux États-Unis, selon une parité des pouvoirs d'achat (ce qui laisse entendre que les personnes gagnant un salaire minimum dans les deux pays pourraient acheter à peu près la même quantité de biens et de services). Étant donné, toutefois, que le salaire moyen est quelque peu plus élevé aux États-Unis qu'au Canada, le salaire minimum comme pourcentage du salaire moyen de travailleurs à temps plein tout au long de l'année est moins élevé au Canada (34 %) qu'aux États-Unis (37 %).
  • À l'échelle internationale, les deux pays se situent au bas de la liste; le Canada est quatrième en importance sur 17 pays.
  • Environ 4,6 % des employés obtiennent le salaire minimum, chiffre qui varie énormément selon les caractéristiques : de 2 % en Alberta à 8,7 % à Terre-Neuve; de 3,7 % chez les hommes comparativement à 6 % chez les femmes; de 44 % chez les adolescents de 15 à 16 ans à moins de 3 % chez les personnes de 25 à 64.
  • La plupart des travailleurs touchant le salaire minimum se trouvent dans l'industrie du service : 30 % au commerce, 29 % en services d'hébergement et alimentaires, 6 % dans d'autres services et 6 % en information, culture et loisirs.
  • Plus de la moitié des travailleurs touchant le salaire minimum occupaient leur emploi actuel depuis moins d'un an. De nombreux emplois sont occupés par des étudiants et d'autres jeunes personnes au début de leur carrière. Près des deux tiers des travailleurs touchant le salaire minimum habitaient avec leurs parents ou un autre membre de leur famille. De nombreuses familles sont, toutefois, des familles de classe moyenne inférieure.
  • Depuis 1996, année où le gouvernement fédéral a abandonné sa politique visant à établir son propre salaire minimum, les salaires minimums dans la compétence fédérale au Canada sont fixés à une somme équivalente au salaire minimum de la province ou territoire où le travailleur relevant de la compétence fédérale est employé. Le salaire minimum fédéral, toutefois, est habituellement une contrainte non obligatoire parce que les industries où sont employés les travailleurs relevant du fédéral sont des industries où l'on verse généralement de bons salaires. Un peu plus de 1 % des travailleurs relevant du fédéral touchent le salaire minimum (comparativement à 4,6 % des travailleurs occupant tous les postes décrits antérieurement).
  • Il faut se demander alors si le gouvernement fédéral doit reprendre sa politique d'établissement de son propre salaire minimum, qui servirait alors de modèle avant-gardiste et exercerait de la pression sur d'autres compétences pour qu'elles emboîtent le pas, surtout compte tenu de la visibilité du gouvernement fédéral.
  • En analysant ce document, on peut déduire que même si cette perspective semble tentante du point de vue politique, il serait indiqué d'y résister en grande partie parce que le gouvernement fédéral, en fait, n'a à s'acquitter que d'une très faible partie des coûts des mesures qu'il met de l'avant (étant donné que peu de travailleurs relevant du fédéral touchent le salaire minimum et occupent un emploi susceptible de subir des effets négatifs d'une telle mesure). La plupart des coûts seraient absorbés par d'autres compétences qui pourraient se sentir contraintes pour des raisons politiques d'emboîter le pas, mais dans lesquelles les effets négatifs sont plus probables.
   
   
Mise à jour :  10/12/2006 haut Avis importants