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NOTES POUR UNE ALLOCUTION

de

Me LOUISE COBETTO

PRÉSIDENTE
COMMISSION D'EXAMEN DES PLAINTES
CONCERNANT LA POLICE MILITAIRE

Défis et possibilités

à la

Section nationale du droit militaire
Association du Barreau canadien

LE 22 OCTOBRE 2003

Introduction

Bonjour et merci beaucoup Monsieur Bright. Je vous remercie de votre accueil cordial.

J'aimerais aussi remercier la Section nationale du droit militaire de l'Association du Barreau canadien de m'avoir invitée à vous adresser la parole aujourd'hui.

J'apprécie avoir l'occasion de vous informer plus amplement au sujet du rôle, des responsabilités et du mandat de la Commission d'examen des plaintes concernant la police militaire. Puisque notre organisme est encore relativement jeune, faire connaître la Commission demeure pour nous une priorité de la plus haute importance.

Aujourd'hui, en plus de vous renseigner sur la Commission même, j'aimerais discuter de certaines leçons que nous avons apprises au cours des premières années de notre existence et d'un nombre de défis qui continuent de nous préoccuper.

Sur ce dernier point, j'aimerais aussi traiter de quelques-unes des propositions que la Commission a présentées en vue de modifier la partie IV de la Loi sur la défense nationale, dans le cadre de l'examen quinquennal du projet de loi C-25.

Comme vous le savez sûrement déjà, le projet de loi C-25 a entraîné la révision la plus importante de la Loi sur la défense nationale du Canada en 50 ans. La grande majorité des modifications portaient sur le système de justice militaire, notamment la création de la Commission d'examen des plaintes concernant la police militaire dans une nouvelle partie IV de la Loi.

Forte de ses quatre années d'expérience avec la partie IV de la Loi, la Commission est heureuse d'avoir eu l'occasion de participer à la révision quinquennale indépendante du projet de loi C-25, effectuée par l'ancien juge en chef de la Cour suprême du Canada, le très honorable Antonio Lamer.

En demandant des clarifications et modifications à la partie IV de la Loi sur la défense nationale, la Commission veut s'assurer de jouer un rôle efficace pour que la Police militaire continue d'être une organisation professionnelle, respectée et efficace. Nous recherchons qu'une interprétation raisonnable de la présente Loi et les modifications que nous demandons ne visent qu'un rapprochement avec les normes établies à l'égard de la surveillance civile du maintien de l'ordre.

Origines de la Commission

Pour situer la discussion dans son contexte, il peut être utile de se pencher sur les origines de la Commission ainsi que sur son fonctionnement.

Je suis certaine que la plupart d'entre vous connaissez bien la série d'incidents ayant mené au projet de loi C-25. Par suite de ces incidents, le gouvernement du Canada a convoqué la tenue d'une enquête publique visant à examiner le déploiement des Forces canadiennes en Somalie et a constitué deux groupes consultatifs spéciaux pour examiner le système de justice militaire.

La Commission d'enquête sur la mission en Somalie qui a été présidée par l'honorable juge Gilles Létourneau a révélé des conflits d'intérêts, l'influence du commandement et un manque d'indépendance dans les enquêtes portant sur l'inconduite durant la mission. Les groupes consultatifs spéciaux ont aussi clairement fait état du besoin urgent d'apporter des réformes importantes au système de justice militaire.

Le président des groupes consultatifs, le regretté Brian Dickson, ancien juge en chef de la Cour suprême du Canada, a été particulièrement insistant lorsqu'il a fait part du besoin d'un mécanisme d'examen qui soit indépendant afin de susciter la confiance et le respect envers l'organisation de la Police militaire.

La Commission d'examen des plaintes concernant la police militaire prévoit un tel mécanisme d'examen indépendant.

La Commission est un organisme civil, complètement indépendant du ministère de la Défense nationale. Elle rend compte de ses activités directement aux Canadiens et aux Canadiennes en déposant un rapport au Parlement par l'entremise du ministre de la Défense nationale.

Le processus de traitement des plaintes et les pouvoirs de la Commission

Bien que la Commission présente plusieurs points communs avec d'autres organismes civils de surveillance, elle possède certaines caractéristiques uniques. Outre son rôle consistant à examiner les plaintes relatives à la conduite des policiers militaires, la Commission a le pouvoir de recevoir les plaintes pour ingérence dans les enquêtes de la Police militaire et a compétence exclusive pour faire enquête sur ces plaintes.

Le grand prévôt des Forces canadiennes est responsable du traitement des plaintes pour inconduite, bien que la présidente de la Commission en surveille leur traitement et passe en revue les conclusions de ces plaintes d'inconduites. Toute personne, y compris un civil, peut déposer une plainte relative à la conduite des policiers militaires.

Le plaignant qui n'est pas satisfait de la manière dont sa plainte a été traitée par le grand prévôt peut demander à la Commission de réviser sa plainte.

De plus, à toute étape du processus, la présidente peut, à la place du grand prévôt, assumer la responsabilité d'une enquête relative à une plainte pour inconduite, lorsqu'elle estime qu'il est dans l'intérêt public de le faire.

À titre de dirigeante d'un organisme quasi judiciaire, la présidente peut, à tout moment, faire tenir une enquête par la Commission et, si les circonstances le justifient, convoquer une audience sur une plainte pour inconduite ou ingérence.

Lors d'une audience, la Commission a le pouvoir de contraindre des personnes à témoigner sous serment et à produire des documents.

Chaque enquête ou audience tenue dans l'intérêt public et chaque demande de révision est suivie de deux rapports, soit un rapport intérimaire et un rapport final.

Le rapport intérimaire fait état des conclusions et des recommandations de la présidente ou, si une audience a été tenue, des conclusions et des recommandations de la Commission.

Le rapport intérimaire est ensuite révisé par l'autorité appropriée. Règle générale, s'il s'agit d'une plainte pour ingérence, le chef d'état-major de la Défense est chargé de réviser le rapport intérimaire et, s'il s'agit d'une plainte pour inconduite, le grand prévôt révise le rapport. Il peut y avoir des exceptions, par exemple lorsque le grand prévôt ou le chef d'état-major de la Défense est visé par la plainte. Quoi qu'il en soit, la personne qui révise le rapport intérimaire doit répondre au Ministre et à la présidente et leur transmettre une « notification » faisant état de toute mesure prise ou projetée concernant la plainte.

Le refus de prendre des mesures pour appliquer les conclusions ou les recommandations de la présidente doit être motivé dans la notification.

Après avoir étudié la notification du rapport intérimaire, la présidente prépare un rapport final énonçant ses conclusions et recommandations. La présidente peut communiquer ses rapports à tout membre du public, sous réserve des dispositions de la Loi sur la protection des renseignements personnels.

Leçons apprises

Après avoir suivi un tel processus dans plusieurs douzaines de cas depuis décembre 1999, qu'avons-nous donc appris?

Même si la surveillance civile constitue désormais la norme pour les services de police, nous avons appris à titre de nouvel organisme de surveillance que l'acceptation par l'organisation surveillée peut prendre beaucoup de temps et d'efforts.

Cela n'est pas surprenant. En raison de leurs pouvoirs spéciaux et responsabilités spéciales, les organismes de maintien de l'ordre seront toujours des sociétés en soi.

En ce sens, ils ne sont pas différents de tout autre groupe de la société, qu'il s'agisse de médecins, d'avocats ou d'ingénieurs. Les étrangers, surtout ceux qui pourraient contester la conduite des membres, éveillent inévitablement la méfiance, ou alors suscitent un certain mécontentement.

Dans le cas de la Commission d'examen des plaintes concernant la police militaire, de telles divisions culturelles sont encore plus marquées. Nous exerçons la surveillance civile non seulement d'un organisme de maintien de l'ordre, mais également d'un organisme de maintien de l'ordre œuvrant dans le milieu militaire et souscrivant à des traditions et des valeurs centenaires.

Nous continuons à travailler avec le grand prévôt des Forces canadiennes et les intervenants clés des Forces canadiennes pour surmonter les barrières culturelles et linguistiques. Une multitude d'acronymes ne doit pas constituer un obstacle au dépôt d'une plainte ou à la tenue d'un examen ou d'une enquête efficace se rapportant à une plainte.

Dans un autre ordre d'idées, les rapports entre le surveillant et le surveillé, de par leur nature même, sont parfois des rapports d'opposition. Cela non plus n'est pas particulièrement surprenant.

Les désaccords font généralement partie de la relation entre un organisme civil de surveillance et l'organisme de maintien de l'ordre qu'il est appelé à surveiller. Les deux parties doivent accepter cette réalité sans se laisser distraire par celle-ci. Les deux parties doivent faire des efforts pour créer et maintenir une atmosphère de confiance et de compréhension et pour reconnaître que nous partageons un but commun, soit celui d'accroître la crédibilité et le professionnalisme de l'organisation de la Police militaire.

Résultats favorables

Alors que nous continuons à faire des progrès ensemble pour éliminer ces différences culturelles, nous reconnaissons qu'une atmosphère de bonhomie véritable pourrait ne jamais exister entre la Commission et le grand prévôt des Forces canadiennes.

Cela dit, je ne souhaite pas donner l'impression que la Commission et le grand prévôt des Forces canadiennes sont toujours à couteaux tirés.

En fait, il existe une preuve contraire abondante. Depuis la création de la Commission en décembre 1999, environ 90 p. cent de ses conclusions et recommandations ont été acceptées. À plus d'une occasion, le grand prévôt a souligné la façon dont certaines conclusions et recommandations avaient contribué à l'amélioration du professionnalisme de la Police militaire.

Grâce aux conclusions et recommandations faites par la présidente ou la Commission et mises en oeuvre par le grand prévôt, les policiers militaires jouissent maintenant d'une formation nouvelle ou améliorée dans des domaines aussi variés que la rédaction de rapports et l'utilisation du pouvoir discrétionnaire de la police.

La Commission a aussi joué un rôle clé dans l'amélioration de la politique et des procédures de la Police militaire dans certains domaines, y compris les procédures relatives au déroulement des opérations de surveillance et aux affaires civiles. En outre, il y a eu un net accroissement de la rigueur avec laquelle le grand prévôt enquête sur les plaintes et prend les mesures nécessaires.

De tels résultats, ainsi que d'autres résultats favorables, démontrent qu'en créant la Commission, le projet de loi C-25 s'est avéré un élément de première importance ayant permis que l'intention du Parlement soit réalisée.

Recommandations de modifications à la partie IV de la Loi sur la défense nationale

Néanmoins, comme la plupart d'entre vous, je suis avocate.

Et, comme la plupart des avocats, je n'ai jamais révisé un texte législatif qui, à mon avis, n'aurait pu être amélioré, ne serait-ce qu'un peu.

Mais soyons sérieux. L'examen quinquennal de la Loi représente pour la Commission une occasion importante de présenter ses points de vue sur les modifications appropriées à être apportées à la Loi sur la défense nationale se rapportant aux plaintes concernant la Police militaire.

La Commission est d'avis que ses propositions de modifications à la partie IV auront pour effet d'améliorer l'efficacité du processus de traitement des plaintes concernant la Police militaire. En améliorant le processus, nous pouvons faire en sorte que l'intention du législateur de garantir une surveillance civile indépendante, efficace et crédible de la Police militaire soit pleinement respectée et réalisée.

La Commission a présenté en tout 17 propositions dans le cadre de l'examen. Je ne les décrirai pas toutes ici, mais j'aimerais traiter de celles qui sont le plus susceptibles de vous intéresser.

1) Langage

À un niveau très élémentaire, la Commission a mentionné dans son mémoire certaines différences entre la version française et la version anglaise de la Loi. Par exemple, à l'article 250.19, lequel traite des plaintes pour ingérence, la version anglaise de la partie IV fait mention d'une ingérence inappropriée (« improper interference »).

Il a été suggéré que la Loi suppose ainsi qu'il pourrait exister une ingérence appropriée à une enquête. La Commission ne souscrit pas à un tel point de vue et souligne que, dans la version française de la partie IV, le terme « entrave » est employé seul, sans qualificatif.

La Commission a proposé que le terme « improper » soit supprimé de la version anglaise de l'article.

2) Processus de traitement des plaintes dicté par l'intérêt public

Selon la Commission, il devrait être clairement énoncé que tous ceux qui participent au processus de traitement des plaintes ont l'obligation d'agir dans l'intérêt public.

La partie IV de la Loi permet non seulement de résoudre des différends entre particuliers, mais, ce faisant, d'améliorer l'imputabilité, la crédibilité et le professionnalisme de l'organisation de la Police militaire dans son ensemble. Autrement dit, au moment de traiter un cas particulier, il faut tenir compte des facteurs d'intérêt public plus généraux ainsi que des intérêts immédiats des parties à la plainte.

À l'heure actuelle, l'article 250.14 prévoit que « Dans la mesure où les circonstances et l'équité le permettent, la Commission donne suite aux plaintes dont elle est saisie avec célérité et sans formalisme ».

Certes, il devrait en être ainsi. Toutefois, en raison de la nature du processus de traitement des plaintes, la Commission doit attendre que des mesures soient prises par d'autres personnes, tels que le grand prévôt des Forces canadiennes ou le chef d'état-major de la Défense, avant de pouvoir faire avancer le dossier.

La Commission est d'avis que l'intérêt public serait mieux servi si tous ceux qui participent au processus avaient la même obligation d'agir avec célérité.

3) Pouvoir explicite pour la Commission d'initier des enquêtes

La Commission est d'avis qu'il serait approprié qu'elle soit investie d'un pouvoir explicite d'initier des enquêtes, comme c'est le cas pour la présidente de la Commission des plaintes du public contre la GRC.

Tout d'abord, en investissant la Commission du pouvoir d'initier des enquêtes, il en résulterait des gains d'efficacité.

Par exemple, il se peut que de nouvelles allégations apparaissent dans le cadre de l'examen d'une plainte pour inconduite. À l'heure actuelle, de telles allégations doivent être renvoyées au grand prévôt des Forces canadiennes et être traitées comme une nouvelle plainte. Si la Commission était autorisée à initier des enquêtes, elle pourrait traiter tout simplement de telles allégations au cours de son examen de la plainte initiale.

Aspect tout aussi important, un tel pouvoir serait utile dans les cas où des renseignements crédibles se rapportant à une question susceptible de faire l'objet d'une plainte pour inconduite ou ingérence sont portés à l'attention de la Commission sans qu'une plainte ou demande de révision ne soit déposée.

4) Protection contre les représailles, le harcèlement et l'intimidation

Quant aux motifs pour lesquels une plainte peut ne pas être déposée, il importe de souligner que la Loi ne prévoit aucune garantie de confidentialité lors du traitement des plaintes ni aucune disposition offrant aux plaignants une protection contre le harcèlement, les représailles ou l'intimidation.

Ainsi, la Commission a proposé la création d'une nouvelle infraction dans le Code de discipline militaire. Tout comme d'autres lois, telles que la Loi canadienne sur les droits de la personne, le Code de discipline militaire devrait interdire et sanctionner toute tentative d'intimidation ou de représailles contre un plaignant ou tout autre personne qui collabore au processus de traitement des plaintes.

La question de l'ingérence dans les enquêtes de la Police militaire était une considération majeure au moment de la création de la Commission. Pour que le processus de traitement des plaintes soit efficace, les policiers militaires doivent être protégés contre les représailles. Même la simple apparence de représailles pourrait poser un problème. Les représailles redoutées et réelles peuvent nuire au dépôt de plaintes légitimes pour ingérence et inconduite.

5) La Commission devrait être autorisée à contraindre un témoin à comparaître lors des enquêtes publiques et des audiences publiques

La Commission a aussi proposé que son pouvoir de contraindre un témoin à comparaître et à produire des documents et d'autres éléments de preuve lors d'une audience publique soit élargi de manière à viser également les enquêtes tenues dans l'intérêt public.

À ce jour, la Commission a tenu trois enquêtes d'intérêt public. Nous avons parfois eu certains problèmes lorsque des témoins ont refusé de se présenter à une entrevue devant les membres de la Commission dans le cadre de notre enquête. Bien que je ne reproche pas aux témoins ou aux policiers militaires en cause d'exercer leur droit de ne pas comparaître, il semblerait que ceux-ci s'inquiètent surtout de l'absence d'une garantie contre l'utilisation ultérieure de leur déclaration.

J'ai proposé que nous obtenions le pouvoir de contraindre un témoin à comparaître lors d'une enquête et, au même moment, que nous puissions accorder les garanties nécessaires aux témoins. Comme vous pouvez certes l'imaginer, il est difficile de mener une enquête adéquate sur simple invitation. Je ne devrais pas être obligée de convoquer une audience d'intérêt public simplement en raison d'un manque de collaboration de la part de témoins ou de policiers militaires en cause.

Cette proposition est conforme à la jurisprudence, laquelle prévoit qu'une audience ne devrait être fixée que dans des cas exceptionnels.

À tout le moins, une saine gestion financière exige l'établissement d'un tel seuil. La Commission est d'avis qu'elle ne devrait pas avoir à engager les dépenses supplémentaires liées aux audiences publiques formelles simplement pour obtenir le pouvoir de mener une enquête adéquate.

Si la Commission se voyait accorder de tels pouvoirs supplémentaires, elle propose alors que les garanties disponibles aux témoins lors des audiences d'intérêt public soient aussi prévues à l'étape de l'enquête.

Finalement, tout le monde y gagne. La Commission a le pouvoir de contraindre un témoin à comparaître et ainsi mener une enquête adéquate. Les témoins se voient accorder les garanties appropriées (par exemple, leur déclaration ne pourra être utilisée dans des instances ultérieures) et, en dernier lieu, les fonds publics sont épargnés puisqu'il n'est pas nécessaire de recourir à une audience coûteuse.

6) La Commission devrait être autorisée à recevoir tous les renseignements pertinents se trouvant entre les mains de la Police militaire, y compris les avis et opinions juridiques demandés et reçus lors de la préparation, du dépôt et du renvoi des accusations par la Police militaire

Dans le même ordre d'idées, afin de mener une enquête exhaustive, la Commission doit, comme l'exige clairement son mandat, examiner les avis et opinions juridiques sur lesquels un policier militaire entend se fonder dans une affaire donnée.

Par exemple, dans le cas d'une plainte relative à une perquisition ou arrestation illégale ou au dépôt inapproprié d'une accusation, il est nécessaire de prendre connaissance des conseils et avis juridiques qui ont été donnés au policier militaire. De plus, les renseignements fournis par le policier militaire à l'avocat qui a donné les conseils et avis juridiques pourraient également s'avérer essentiels pour l'enquête.

C'est le mandat de la Commission de surveiller et réviser les enquêtes sur la conduite de la Police militaire et, lorsque l'intérêt public l'exige, de se charger elle-même de telles enquêtes. La Commission doit donc avoir accès aux mêmes renseignements et éléments de preuve que le grand prévôt, qui a certainement le droit d'examiner les avis et opinions juridiques reçus par les policiers militaires.

Je tiens ici à souligner que la Commission respecte et privilégie la confidentialité de la relation avocat-client. Nous reconnaissons volontiers que les avis et conseils juridiques fournis par les membres du bureau du juge-avocat général des Forces canadiennes aux policiers militaires dans l'exécution de leurs fonctions sont assujettis au secret professionnel de l'avocat.

Néanmoins, la Commission soutient que le secret professionnel de l'avocat ne doit pas l'empêcher de s'acquitter adéquatement de ses responsabilités de surveillance et de contrôle. Ainsi, la Commission propose qu'elle soit autorisée à recevoir tous les renseignements pertinents se trouvant entre les mains de la Police militaire, y compris les avis et opinions juridiques demandés et reçus lors de la préparation, du dépôt et du renvoi des accusations par la Police militaire.

Il convient de souligner que, lorsqu'un service de police civil consulte les procureurs de la Couronne, les échanges entre eux, conseils, faits et avis juridiques sont protégés par le secret professionnel de l'avocat. Ce secret professionnel de l'avocat appartient à la police, laquelle détient alors le rôle de client. Autrement dit, à titre de client, la décision de renoncer au secret professionnel de l'avocat revient au service de police.

Au sein des Forces canadiennes, les procédures administratives actuelles ne donnent pas la même possibilité au grand prévôt. Le secret professionnel de l'avocat appartient au ministre de la Défense nationale et seul celui-ci peut y renoncer.

C'est un principe bien établi que les policiers, dans l'exercice de leurs fonctions policières, sont et doivent demeurer indépendants du pouvoir exécutif du gouvernement. Je ne veux pas du tout insinuer que le ministre de la Défense nationale dirige les enquêtes de la Police militaire. Je tiens simplement à souligner que la perception du public de l'indépendance d'un service de police est cruciale si l'on veut promouvoir la confiance de la population.

7) Plaintes pour ingérence

La Commission a le pouvoir exclusif d'enquêter les plaintes pour ingérence.

Il s'agit là d'un élément essentiel qui garantit que les policiers militaires sont capables d'exécuter leurs fonctions à titre d'agents de police de façon indépendante et objective, et ce, libres de toute ingérence de la part de la chaîne de commandement ou de cadres supérieurs du ministère de la Défense nationale.

La Commission est d'avis que la Loi pourrait mieux offrir une telle assurance si elle ne limitait pas les plaintes pour ingérence aux « enquêtes de la Police militaire ». D'autres fonctions de nature policière de la Police militaire - telles que le dépôt d'accusations - peuvent aussi faire l'objet d'une ingérence et sont tout aussi susceptibles de nuire à l'intégrité du système de justice militaire.

La Commission a proposé que l'article 250.19 soit élargi de manière à permettre le dépôt de plaintes pour ingérence dans toute fonction de nature policière.

Le droit de déposer une plainte pour ingérence est également limité. Seul un policier militaire chargé de mener une enquête, ou son superviseur, peut déposer une plainte pour ingérence.

Il peut y avoir des cas où un militaire de rang supérieur ou même un civil pourrait être mieux placé pour déposer la plainte, ou même pour être au courant de l'ingérence.

En outre, une telle limite semble contredire les autres dispositions de la Loi, lesquelles autorisent toute personne à déposer une plainte pour inconduite, qu'il s'agisse d'un civil ou d'un militaire et que la personne ait ou non été personnellement touchée par l'inconduite. La Commission a proposé que « toute personne » soit aussi autorisée à déposer une plainte pour ingérence.

8) Les affaires dans lesquelles le grand prévôt est exclu ou empêché de traiter une plainte devraient aussi comprendre celles dans lesquelles le grand prévôt ou ses délégués ont été impliqués

Il va sans dire que le processus de traitement des plaintes doit être libre de toute apparence de partialité.

Voilà pourquoi, par exemple, la Loi prévoit le transfert de certaines responsabilités au chef d'état-major de la défense dans le processus du traitement des plaintes lorsque la plainte vise le grand prévôt des Forces canadiennes.

Afin de réduire davantage le risque de partialité réelle ou apparente, la Commission a proposé d'appliquer le même genre de disposition lorsque la plainte vise l'un des subordonnés immédiats du grand prévôt, tels que le grand prévôt adjoint (Normes professionnelles). Nous proposons aussi l'application d'une telle disposition lorsque le grand prévôt peut avoir été impliquée, et ce, même si elle n'est pas visée par la plainte.

9) Les deux parties devraient obtenir un droit de révision

En dernier lieu, par souci d'équité et d'efficacité, la Commission a proposé que les deux parties aient le droit de demander la révision d'une plainte relative à la conduite d'un policier militaire et traitée par le grand prévôt des Forces canadiennes.

À l'heure actuelle, seule la personne ayant portée la plainte peut demander une révision par la Commission. Si le policier militaire ayant fait l'objet de la plainte n'est pas satisfait du traitement ou de l'enquête du grand prévôt, il ou elle doit déposer sa propre plainte et le processus repart à zéro. Il serait plus rapide de permettre à la Commission de traiter des objections de ce policier militaire dans le cadre d'une révision plutôt que de commencer une nouvelle enquête.

Conclusions relatives aux recommandations de modifications à la partie IV

Pour conclure la présente partie de mes observations, j'aimerais simplement souligner que les membres et le personnel de la Commission travaillent avec la présente Loi depuis presque quatre ans et ont eu maintes occasions de l'analyser et d'en discuter.

Dans le cadre de la révision quinquennale de la Loi, nous avons proposé des changements qui, à notre avis, permettent la réalisation plus efficace de l'objectif de la partie IV de la Loi et, dans plusieurs cas, contribuent du même coup à améliorer l'efficacité du processus de traitement des plaintes.

Défis actuels

Ce qui précède représente quelques-unes des questions qui, selon la Commission, pourront être le mieux abordées par des modifications législatives. Il subsiste d'autres défis que nous cherchons à régler par d'autres moyens.

1) Interprétation

L'un de ces défis est l'interprétation de la législation.

Pouvoir de surveillance

Par exemple, la Commission et le grand prévôt des Forces canadiennes ne voient pas du même œil le rôle et la portée du pouvoir de surveillance de la Commission du processus de traitement des plaintes. Selon la Commission, la partie IV de la Loi est claire et requiert que le grand prévôt garde un dossier détaillé de toutes les plaintes et, sur demande, fournisse les renseignements contenus dans ces dossiers à la Commission.

D'après la Commission, les renseignements englobent le dossier au complet, notamment tous les rapports d'enquête, toutes les entrevues de témoins, toute la correspondance, les notes des policiers militaires, etc. Le grand prévôt, qui adopte un point de vue plus restrictif, est d'avis qu'elle n'a l'obligation de fournir seulement certains documents, tels que les lettres sur l'état d'avancement du dossier, l'accusé de réception de la plainte et le résumé des conclusions.

Fonctions de nature policière

Des difficultés semblables existent au niveau de l'interprétation des fonctions de nature policière énoncées dans le Règlement. Celui-ci prévoit que de telles fonctions comprennent, notamment : enquêter, gérer les éléments de preuve et donner suite aux plaintes.

Ainsi, selon la Commission, lorsque le grand prévôt ou ses délégués traitent une plainte en vertu de la partie IV de la Loi, ils exercent des fonctions de nature policière. À notre avis, une telle interprétation est compatible avec les définitions prévues au Règlement, le plan d'ensemble de la Loi et les principes de surveillance civile en général.

Ce qui nous préoccupe, c'est que si le grand prévôt, tel que le lui permet la Loi, rejette une plainte au motif qu'elle ne vise pas la conduite d'un policier militaire dans l'exercice d'une fonction de nature policière, il se peut que la Commission ne soit jamais mise au courant de la plainte en première instance.

Par ailleurs, si la présidente est en désaccord avec le refus du grand prévôt d'enquêter sur la plainte, elle pourrait juger utile de faire tenir, par la Commission, une enquête d'intérêt public.

2) Plaintes pour ingérence

Le nombre de plaintes pour ingérence reçues par la Commission est une autre source de préoccupation. Une partie importante du mandat de la Commission vise les plaintes pour ingérence; or nous n'en avons reçu que quelques-unes et nous ne savons pas pourquoi.

Nous sommes venus à la conclusion que trois (3) possibilités peuvent être à l'origine de cette situation :

  • les policiers militaires ne sont pas familiers avec le recours prévu à la Loi;
  • ils craignent ou hésitent de déposer des plaintes pour ingérence; ou
  • il y a très peu d'ingérence dans les enquêtes de la Police militaire.

En décembre 2002, la Commission a publié un rapport spécial et un dépliant sur l'ingérence. Le rapport intitulé, L'ingérence dans les enquêtes de la Police militaire : De quoi s'agit-il? accompagné du dépliant ont été expédiés à tous les policiers militaires. Il ne s'agissait pas d'une tentative de créer plus de dossiers; nous sommes plutôt préoccupés par le fait que les policiers militaires ne soient pas encore complètement au courant de leurs droits à cet égard.

Conclusion

À n'en pas douter, faire connaître davantage la Commission demeure pour nous une priorité. La Commission ne peut être pleinement efficace si les policiers militaires, les membres des Forces canadiennes et du ministère de la Défense nationale ainsi que le grand public ne savent pas qu'elle existe et ne connaissent pas son rôle ou son mandat. Voilà pourquoi je suis particulièrement reconnaissante de l'occasion qui m'a été offerte de m'adresser à vous au sujet de la Commission et de nos façons de procéder.

Nous agissons comme nous le faisons essentiellement en raison du profond respect que nous éprouvons pour les valeurs, les traditions, ainsi que les hommes et les femmes des Forces canadiennes : ils font partie d'une institution qui aide à nous définir en tant que Canadiens.

Le Parlement du Canada a accordé un rôle important à la Commission d'examen des plaintes concernant la police militaire pour s'assurer que les Forces canadiennes demeurent une source de fierté nationale et que la Police militaire des Forces canadiennes demeure une organisation professionnelle, respectée et efficace.

Les clarifications et modifications à la Loi sur la défense nationale proposées par la Commission ne sont ni radicales ni inhabituelles. Les propositions ne visent qu'à rapprocher la surveillance de la Police militaire des normes établies pour la surveillance civile du maintien de l'ordre à travers le Canada et dans le monde entier.

Tout comme les policiers civils, les membres de la Police militaire des Forces canadiennes disposent de pouvoirs spéciaux. Avec le pouvoir vient la responsabilité, et avec la responsabilité vient l'obligation de rendre des comptes.

La Commission constitue un élément essentiel de cette obligation de rendre des comptes et nous sommes déterminés à rendre la Commission aussi efficace que possible dans l'exercice de son mandat.

Je vous remercie à nouveau de votre invitation et de votre bienveillante attention.


Mise à jour:  2003-12-21 Retour au haut de la pageAvis Importants