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Le ministère de la Justice du Canada a mis en œuvre un programme intensif de recherche sur les questions entourant le rôle parental à la suite d´un divorce au Canada.

 

DOCUMENT DE RÉFÉRENCE 

 LE POINT DE VUE DES ENFANTS DANS LES PROCÉDURES EN MATIÈRE DE DIVORCE, DE GARDE ET DE DROIT DE VISITE

2002-FCY-1F

 Préparé par :Ronda Bessner 

Présenté à la :
Section de la famille, des enfants et des adolescents
Ministère de la Justice du Canada

Les opinions exprimées dans le présent rapport sont celles de l'auteure et ne représentent pas nécessairement les opinions du ministère de la Justice du Canada. 

Also available in English

©  Ronda Bessner, 2002.

Le présent rapport, commandé par le ministère de la Justice du Canada, a été préparé par Ronda Bessner, consultante de Toronto (Ontario) en matière juridique et politique. 

Pour obtenir la permission de reproduire ce rapport intégralement ou en partie, veuillez communiquer directement avec l'auteur.

Pour plus d'information concernant ce rapport, veuillez communiquer avec la Section de la famille, des enfants et adolescents, ministère de la Justice du Canada, au numéro 1 888 373-2222. 


TABLE DES MATIÈRES

INTRODUCTION

1.0 LA NOTION DE DROITS DES ENFANTS

1.1 L'apparition de la notion de droits des enfants
1.2 Deux modèles : l'affranchissement de l'enfant et la protection de l'enfant
1.3 L'article 12 de la Convention des Nations Unies relative aux droits de l'enfant : le droit des enfants d'être entendus

2.0 LA REPRÉSENTATION DES ENFANTS PAR AVOCAT DANS LES PROCÉDURES EN MATIÈRE DE DIVORCE, DE GARDE ET DE DROIT DE VISITE

2.1 L'incertitude en ce qui concerne la nomination d'un avocat pour les enfants dans les procédures en matière de divorce, de garde et de droit de visite
2.2 Les fonctions de l'avocat de l'enfant dans les affaires de droit de la famille
2.3 La compétence pour nommer un procureur indépendant aux enfants
2.4 Les trois modèles de représentation des enfants par avocat
2.5 La capacité de l'enfant de donner des instructions à l'avocat
2.6 Le secret professionnel de l'avocat : les communications confidentielles entre l'enfant et l'avocat
2.7 Assurer aux enfants des services juridiques de qualité : la sélection, la formation professionnelle et les sources de rémunération
2.8 Code de déontologie pour les avocats

3.0 L'AUDITION DE L'ENFANT

3.1 Les arguments justifiant que l'on permette aux enfants de participer aux litiges en droit de la famille
3.2 Adaptation aux enfants
3.3 Entendre l'opinion de l'enfant
3.4 Entendre l'opinion de l'enfant au moyen du témoignage des tiers - le ouï-dire
3.5 Les entretiens avec le juge
3.6 L'aménagement des salles d'audience en fonction des besoins de l'enfant

4.0 CONCLUSION ET RECOMMANDATIONS

5.0 BIBLIOGRAPHIE

NOTES




INTRODUCTION

Au Canada, la compétence législative relative au droit de la famille est partagée entre les gouvernements provinciaux et le Parlement du Canada.  Par l'effet de l'alinéa 91(26) de la Loi constitutionnelle[1], le gouvernement fédéral a compétence en matière de mariage et de divorce. L'alinéa 92(13) de la Loi constitutionnelle accorde aux provinces le pouvoir d'adopter des lois concernant la propriété et les droits civils.  Comme l'a indiqué la Cour suprême du Canada dans le Renvoi : Family Relations Act (C.-B.)[2], la garde et le droit de visite sont de compétence provinciale par l'effet de l'alinéa 92(10).  Il est important de signaler que pour les questions qui accompagnent le divorce, qui comprennent notamment la garde et le droit de visite à titre de mesures accessoires, le Parlement a compétence[3].  Ainsi, la compétence législative en matière de droit familial est partagée entre les deux ordres de gouvernement.

Dans le passé, les enfants au Canada se sont vu refuser la possibilité de participer aux décisions en matière de garde et de droit de visite[4].  Plusieurs raisons ont été avancées pour justifier cette exclusion des enfants.  On a prétendu que les parents sont en mesure de faire valoir le point de vue de leurs enfants dans les procédures en matière de divorce, de garde et de droit de visite des enfants.  Comme l'indique un chercheur universitaire, « Au Canada, on suppose que dans la plupart des cas de divorce, l'intérêt de l'enfant en ce qui concerne la garde peut être protégé par le tribunal qui a entendu les arguments des deux parents »[5].  De plus, des juges et des professionnels comme des travailleurs sociaux, des psychologues et des psychiatres ont souscrit à l'opinion selon laquelle les enfants subiront un tort psychologique s'ils participent au processus.  Une autre raison pour priver les enfants de la possibilité d'exprimer directement leurs préférences et leurs désirs en matière de droit de la famille a toujours été que les enfants n'étaient pas censés avoir des droits distincts de ceux de leurs parents.

Le rôle de l'enfant dans les litiges familiaux est présentement l'objet d'un réexamen.  On reconnaît que le point de vue de l'enfant peut ne pas être exposé au tribunal si les avocats des parents sont les seules parties qui présentent des éléments de preuve.  Lorsqu'ils sont en instance de divorce ou de séparation, les parents peuvent être vindicatifs, coléreux ou repliés sur eux-mêmes, et par conséquent, peuvent ne pas être en mesure d'exposer adéquatement aux personnes chargées de rendre la décision judiciaire le point de vue, les intérêts et les désirs de l'enfant[6].  On a également prétendu que le fait d'interdire à l'enfant de participer au processus peut avoir sur lui des effets négatifs qui l'affligeront toute sa vie.  Au cours des dernières années, des universitaires, des juges et des avocats[7] ont affirmé qu'il est dans l'intérêt véritable des enfants qu'ils « participent aux décisions qui les touchent et qu'on les écoute sérieusement ».  Comme l'indique le juge Nasmith[8] :

Un autre mythe qu'il faut déloger est celui qui veut que la participation de l'enfant au processus de prise de décisions lui cause préjudice.  C'est souvent pour cette raison qu'on a empêché l'enfant de s'exprimer.  De l'avis de certains experts, il peut être préjudiciable à l'enfant de l'empêcher de participer au processus de prise de décisions.  Cette approche plus paternaliste écarte le fait que l'enfant subit déjà le préjudice que lui causent les problèmes à la maison et le stress que le litige inflige à chacun.

On prétend que les enfants doivent « participer aux décisions qui les concernent, de sorte que ces décisions sont prises avec eux et non seulement à leur sujet »[9].  Le système juridique ne doit pas « bâillonner » l'enfant; il doit chercher à inclure le point de vue de l'enfant plutôt qu'à l'exclure[10].  On contribuera ainsi à développer son estime de soi et on lui accordera le respect qu'il mérite[11].  Il importe de signaler que les préférences et les désirs de l'enfant ne détermineront pas à eux seuls l'issue de la décision judiciaire, mais qu'il en sera tenu compte avec les autres éléments de preuve présentés au tribunal[12].

Une autre raison pour réexaminer le rôle de l'enfant dans les procédures en droit de la famille est l'impression relativement nouvelle que les enfants ont des droits distincts.  Dans une approche centrée sur l'enfant, la notion importante à retenir est que les enfants sont des sujets de droit et non des objets de droit[13].  Selon les auteurs, cela suppose « une nouvelle orientation philosophique dans laquelle les enfants ne sont pas le prolongement de leurs parents ou, selon une position extrême, la propriété de leurs parents, mais qu'ils sont plutôt des personnes juridiques avec leurs propres droits »[14].  En d'autres termes, il faut considérer les enfants comme « des sujets qui participent activement au processus juridique » plutôt que comme des objets « sur lesquels se joue la bataille juridique »[15].

En 1997, le gouvernement du Canada a établi un Comité mixte spécial de la Chambre des communes et du Sénat.  Le Comité avait pour mandat d'examiner les questions relatives à la garde et au droit de visite et, « plus particulièrement, d'évaluer le besoin d'une approche davantage centrée sur les enfants dans l'élaboration des politiques et des pratiques du gouvernement en droit de la famille »[16].  Le Comité mixte a tenu des audiences publiques à divers endroits partout au Canada.  Des enfants, des parents et des professionnels représentant diverses disciplines comme des avocats, des travailleurs sociaux et des psychologues, ont témoigné devant le Comité.

Les témoignages devant le Comité ont fait ressortir un thème constant, soit la nécessité de trouver des moyens de faire en sorte que les enfants participent aux décisions relatives à la garde et au droit de visite.  Lors des auditions, les enfants et les jeunes ont affirmé qu'ils ne veulent pas être exclus des procédures qui auront une incidence importante sur leur vie.  Ils ont fait valoir que, contrairement à leurs parents, les enfants n'ont pas facilement accès à des avocats qui peuvent les aider à exposer clairement leurs points de vue aux décideurs judiciaires.  Ils ont en outre affirmé qu'ils ne peuvent bénéficier des services d'aide offerts à leurs parents[17].  Les avocats et les professionnels de la santé mentale qui ont témoigné devant le Comité ont affirmé qu'il est important pour les enfants d'exprimer leurs points de vue dans les procédures relatives au divorce, à la garde et au droit de visite.

En décembre 1998, le Comité a publié son rapport intitulé Pour l'amour des enfants.  Le Comité a déclaré qu'il faut prendre des mesures pour inclure les enfants dans les décisions en matière de droit de la famille.  Le Comité a fait mention de l'article 12 de la Convention des Nations Unies relative aux droits de l'enfant qui prévoit expressément que les enfants ont le droit d'exprimer librement leur opinion sur les questions qui les intéressent.  Le Comité a conclu que les enfants n'accepteront pas facilement les mesures de garde et de droit de visite qu'on leur impose s'ils n'ont pas été consultés au sujet de ces décisions et si on leur a refusé le droit de participer au processus de prise de décisions.  De l'avis du Comité, cela pourrait avoir des « effets graves » sur les enfants, de même que « sur leur santé mentale à long terme »[18].

Le Comité mixte spécial a fait 48 recommandations.  Les recommandations 3 et 4 ci-après visent la participation des enfants dans les procédures en matière de divorce, de garde et de droit de visite.  Elles prévoient que soient prises les dispositions qui suivent[19].

3. Reconnaissant le principe de l'intérêt véritable de l'enfant, le Comité recommande que :

3.1 les enfants puissent être entendus lorsque des décisions sur les responsabilités parentales les concernant sont prises; 

3.2 les enfants dont les parents sont en instance de divorce aient l'occasion d'exprimer leurs points de vue à un professionnel compétent dont le rôle serait de faire connaître ces points de vue au juge, à l'évaluateur ou au médiateur chargé de déterminer ou de faciliter les modalités de partage des responsabilités parentales;

3.3 si un enfant éprouve des difficultés lors de la séparation ou du divorce de ses parents, le tribunal doit avoir la possibilité de nommer une tierce partie concernée (comme un membre de la famille élargie de l'enfant), pour soutenir l'enfant et le représenter;

3.4 le gouvernement fédéral travaille avec les provinces et territoires afin de s'assurer que les structures, procédures et ressources adéquates soient en place pour permettre cette consultation, que ces décisions soient prises en vertu de la Loi sur le divorce ou des lois provinciales ou territoriales;

3.5 nous reconnaissions que les enfants du divorce ont besoin de la protection des tribunaux et y ont droit, selon les compétences respectives de ces derniers.

4. Le Comité recommande que, lorsque le tribunal estime que l'intérêt de l'enfant l'exige, les juges soient habilités à désigner un avocat chargé de représenter l'enfant.  Lorsqu'un avocat est désigné, il doit être mis à la disposition de l'enfant.

Le présent document a pour objet d'examiner les façons par lesquelles les enfants pourraient exprimer leur opinion dans le contexte des procédures en matière de divorce et des litiges concernant la garde et le droit de visite.  Le document aborde pour commencer la dichotomie entre la protection de l'enfant et la promotion des droits de l'enfant.  Cette partie est suivie de l'examen de l'article 12 de la Convention des Nations Unies relative aux droits de l'enfant[20].  On aborde ensuite la notion selon laquelle les enfants devraient avoir le droit d'être représentés par un avocat indépendant.  Trois différents modèles de représentation par avocat sont exposés.  Le document examine aussi les méthodes qui peuvent permettre aux enfants de s'exprimer directement devant le tribunal.  Il aborde ensuite la présentation, par des tiers, du point de vue, des intérêts et des désirs de l'enfant aux décideurs judiciaires.  Tout au long du document, nous proposons aux responsables des politiques et aux législateurs des mécanismes d'aide et des services de représentation qui devraient être offerts aux enfants.  Les propositions faites dans ce rapport permettront aux gouvernements fédéral et provinciaux d'examiner des façons d'offrir aux enfants la possibilité de participer plus directement dans les procédures en matière de droit de la famille.  Selon le principe fondamental du présent document, il faut donner aux enfants un rôle véritable, et non seulement symbolique, dans les audiences judiciaires qui les touchent directement[21].

Il convient de signaler les déclarations qu'ont faites à ce sujet des juges de la Colombie-Britannique et de l'Ontario :

Si nous pouvons en apprendre le plus possible au sujet des enfants, de leurs besoins, de leurs liens affectifs, de leurs capacités, de leurs intérêts, ou le plus possible au sujet des aptitudes de ces adultes qui sont disposés à prendre soin d'eux, nous serons en mesure de prendre des décisions qui tireront au mieux profit des aptitudes des adultes à satisfaire les besoins de l'enfant.  Pour ce faire, il nous faut écouter le point de vue de l'enfant[22].

Il ne faut pas avoir peur de la vérité; il faut permettre à l'enfant d'exprimer son point de vue.  Si nous voulons poursuivre le long cheminement vers l'intégrité en matière de droit de la famille, les législateurs doivent nous fournir des définitions et des orientations, et les tribunaux doivent nous donner des décisions claires et uniformes qui garantiront à l'enfant le droit d'exprimer son point de vue[23].


1.0  LA NOTION DE DROITS DES ENFANTS

1.1 L'apparition de la notion de droits des enfants

Les historiens ont prétendu que l'enfance est, dans une large mesure, une notion sociale.  Selon Philippe Aries, dans son ouvrage bien connu Centuries of Childhood [24], la notion de l'enfance serait relativement récente et serait apparue au cours des 400 à 600 dernières années[25].

Au Moyen Âge, la notion d'enfance n'existait pas.  Les enfants étaient vêtus de la même manière que les adultes et s'adonnaient aux mêmes occupations.  L'enseignement leur était dispensé au moyen d'un apprentissage au cours duquel ils travaillaient avec des adultes[26].  Ce n'est qu'à l'époque de la Renaissance et de la Réforme que la notion d'enfance est apparue.  Au cours de cette période, on considérait que les enfants étaient innocents et faibles.  On estimait qu'ils avaient besoin de discipline pour faire en sorte qu'ils se développent en de véritables êtres humains[27].  Comme l'indique Michael Freeman dans The Rights and Wrongs of Children, les enfants à cette époque « étaient assujettis à un traitement spécial, une sorte de quarantaine avant qu'on leur permette de joindre le monde des adultes »[28].  Selon la pratique dominante, les enfants étaient isolés des adultes[29].  À partir des années 1500, on considérait que les enfants n'avaient pas de volonté indépendante et, par conséquent, les jeunes étaient totalement assujettis à leurs parents[30].  L'époque victorienne, en particulier, se caractérisait par une discipline sévère imposée aux enfants et des pratiques répressives dans l'éducation des enfants.

Ce n'est que vers la fin du vingtième siècle, spécifiquement vers les années 1970 et le début des années 1980, que la notion des droits des enfants est apparue[31].  On a alors pu constater que l'on s'écartait graduellement de l'idée que les enfants sont la propriété de leurs parents et qu'on acceptait l'idée que les enfants puissent avoir des droits distincts[32].  On a alors « reconnu que les enfants ont des intérêts, peut-être même des droits, qui doivent être pris en compte de façon distincte et séparée de ceux des adultes, et en particulier de ceux de leurs parents… »[33].

Deux décisions de la Cour suprême des États-Unis sont à l'origine de la nouvelle approche face aux enfants en Amérique du Nord.  Dans Re Gault [34], la cour a souligné que les enfants, tout comme les adultes, ont droit aux mesures de protection énumérées dans la Constitution américaine.  Selon le juge Fortas, « ni le Quatorzième Amendement ni la Déclaration des droits ne sont réservés uniquement aux adultes »[35].  La Cour suprême a conclu qu'il fallait accorder aux adolescents accusés d'actes criminels les droits constitutionnels suivants : l'avis des accusations criminelles, le droit à un avocat, le privilège contre l'auto-incrimination, et la possibilité de confronter et d'interroger les témoins.  Dans Tinker v. Des Moines School District [36], la Cour suprême des États-Unis a répété que « les mineurs, tout comme les adultes, sont protégés par la Constitution et possèdent des droits constitutionnels ».

Dans les années 1970, des juges, des universitaires, des juristes et d'autres professionnels ont commencé à faire valoir la notion que les enfants sont des personnes autonomes dont les droits devraient être reconnus et respectés.  Par exemple, dans le jugement rendu en 1975 en Ontario dans l'affaire Re Brown[37], le juge Stortini de la Cour de comté a déclaré ce qui suit :

Chaque enfant devrait avoir certains droits fondamentaux comme le droit d'être désiré, le droit à la santé, le droit de vivre dans un environnement sain [...] et le droit à des soins affectueux constants.

Au cours de la même année, la Commission royale sur le droit de la famille et des enfants de la Colombie-Britannique a produit un rapport contenant une longue analyse des « droits des enfants »[38].  La Commission recommandait l'adoption, par la législature provinciale, d'une Déclaration des droits des enfants.  La Commission royale a formulé notamment les droits suivants[39] :

  • le droit d'être consulté dans les décisions relatives à la tutelle, à la garde ou à la détermination de son statut;
  • le droit d'obtenir les conseils d'un adulte indépendant et le droit à l'assistance juridique relativement à toutes les décisions touchant la tutelle, la garde ou la détermination de son statut;
  • le droit à une explication pour toutes les décisions concernant la tutelle, la garde ou la détermination de son statut;
  • le droit de vivre dans un environnement où il est à l'abri des mauvais traitements physiques, de l'exploitation et des traitements dégradants;
  • le droit aux soins de santé nécessaires pour assurer sa santé physique et mentale et les soins en cas de maladie;
  • le droit à une instruction qui assurera à chaque enfant la possibilité de s'épanouir et d'atteindre les limites de son potentiel;
  • le droit à un interprète compétent lorsque la langue ou une infirmité pose un obstacle relativement à toutes les décisions touchant la tutelle, la garde ou la détermination de son statut;
  • le droit d'être informé des droits des enfants et d'en obtenir le respect.

Dans certaines provinces, comme en Ontario, des députés ont tenté d'obtenir l'adoption de lois sur les droits des enfants[40].

1.2 Deux modèles : l'affranchissement de l'enfant et la protection de l'enfant

Deux principaux courants de pensée se sont développés relativement à la notion des droits de l'enfant.  On les désigne communément comme le modèle de l'affranchissement ou de l'autodétermination de l'enfant, et le modèle de la protection ou du soutien de l'enfant.  Dans les ouvrages Escape from Childhood [41] et Birthrights [42] qu'ils ont publiés respectivement dans les années 1970, les américains John Holt et Richard Farson sont les pionniers du modèle de la protection de l'enfant.  Selon eux, l'autodétermination est le fondement de la libération des enfants[43].  Selon ces deux théoriciens, les droits des enfants ne peuvent se réaliser que lorsque ceux-ci ont une autonomie complète pour décider eux-mêmes ce qui est bon pour eux.  Cela inclut le droit à la liberté sexuelle, le droit de choisir leur façon de s'instruire, le droit de ne pas subir de châtiments corporels et le droit de choisir où ils vont résider.  Cela englobe aussi le droit au pouvoir économique qui suppose le droit de travailler et d'assurer leur indépendance financière, le droit au pouvoir politique comme le droit de vote, et le droit à la même information que les adultes[44].

Selon une autre porte-parole de l'école de l'affranchissement de l'enfant, Hillary Rodham, les enfants sont les meilleurs juges de leurs propres intérêts.  Dans un article publié en 1973 dans la revue Harvard Education Review et intitulé Children Under the Law[45], Mme Rodham fait valoir que, parce que les enfants ont des intérêts distincts de ceux de leurs parents, ils ne peuvent être représentés par personne d'autre qu'eux-mêmes.  Elle prétend qu'il faut reconnaître aux enfants la compétence de prendre leurs propres décisions, et qu'il faut traiter les enfants comme des personnes titulaires de droits plutôt que comme des membres de la famille.  Rodham préconise le renversement de la présomption d'incapacité à l'égard des enfants, l'abolition du statut de minorité et l'attribution aux enfants des mêmes droits que les adultes[46].

Selon les défenseurs du modèle de la protection ou du soutien de l'enfant, les enfants ont besoin de protection parce que leurs capacités physiques et mentales sont différentes de celles des adultes.  Comme le fait remarquer un auteur, la « non-pertinence de l'âge » que préconisent les défenseurs de l'affranchissement « ne cadre pas avec les connaissances que nous avons de la biologie, de la psychologie ou de l'économique »[47].  Les défenseurs du modèle de la protection prétendent que les enfants sont dépendants, vulnérables et exposés aux mauvais traitements.  Ils préconisent que l'on offre aux enfants un environnement et des services qui leur seront profitables et leur permettront de devenir des adultes en bonne santé mentale et physique.

Malgré le glissement philosophique de l'idée que les enfants sont le prolongement de leurs parents vers l'idée que les enfants sont des individus titulaires de droits, les tribunaux et les législateurs nord-américains n'ont pas suivi une démarche cohérente relativement aux droits des enfants[48].  Martha Minow, professeure de droit à Harvard, déclare que « les litiges et la sociologie sont animés d'un vif débat sur la question de savoir s'il faut accorder aux enfants les droits reconnus aux adultes »[49].  Dans un article intitulé « Essay on the Status of the American Child 2000 A.D.:  Chattel or Constitutionally Protected Child-Citizen », Gill prétend que les enfants sont présentement dans un état transitoire entre celui de biens meubles et celui de personnes jouissant de tous les droits constitutionnels[50].  On reconnaît que les enfants devraient avoir le droit de prendre des décisions qui ont une incidence sur leur vie, mais on reconnaît aussi que les enfants ont besoin de protection.  Un auteur formule avec justesse le dilemme qui se pose : « il n'est pas facile de trouver une notion susceptible d'intégrer de façon cohérente le besoin d'autonomie des enfants et le fait qu'ils sont dépendants et vulnérables »[51].

Les conventions internationales comme la Convention des Nations Unies relative aux droits de l'enfant[52] ainsi que les projets de déclaration des droits[53] semblent incorporer, en matière de droits des enfants, à la fois les notions d'affranchissement et de protection.  Par exemple, le droit d'être à l'abri de la pauvreté, le droit à des soins de santé adéquats, le droit à une instruction convenable, le droit à un logement convenable et le droit à une nutrition acceptable ne supposent pas que les enfants doivent être autonomes dans la prise des décisions qui les concernent. Comme l'a fait remarquer Michael Wald dans Children's Rights:  A Framework for Analysis[54], c'est plutôt le contraire.  La revendication de ces droits suppose que les enfants ne sont pas en mesure de subvenir à leurs besoins et, par conséquent, qu'ils ont besoin de la protection, des soins, des conseils et de l'aide des adultes.  De même, les dispositions prévoyant que les enfants ont le droit d'être à l'abri de l'exploitation sexuelle ou des mauvais traitements physiques devraient être considérées comme des mesures de protection pour les jeunes plutôt que des droits à l'autonomie et à l'autodétermination.  L'octroi de ces « droits » aux enfants ne change en rien le statut juridique ou social des jeunes.  Il renforce plutôt la notion que les enfants ne sont pas capables de prendre soin d'eux-mêmes et ont besoin de la protection des adultes pour assurer leur croissance et leur développement[55].

Il importe de remarquer toutefois que ces documents internationaux[56] et les projets de déclaration des droits des enfants contiennent aussi des dispositions visant à donner aux jeunes l'autonomie suffisante pour prendre les décisions qui les intéressent dans différents domaines.  Il s'agit notamment du droit de prendre des décisions en matière médicale, du droit à un avocat, de la liberté de pratiquer la religion de leur choix, de la liberté d'expression et de pensée, et du droit à l'information et à la protection de la vie privée.  Selon le premier principe qui sous-tend ces droits, les enfants ont la capacité et la maturité suffisantes pour prendre des décisions qui auront un effet important sur leur vie.  Ce principe rejette les limites d'âge imposées arbitrairement par les parents, les tribunaux et les législateurs empêchant les enfants de prendre ces décisions dans divers contextes.  Selon une autre justification qui sous-tend la formulation de ces droits, si les enfants doivent être tenus responsables de leurs actes, comme en font foi les lois pénales comme la Loi sur les jeunes contrevenants[57] au Canada, « il faudrait leur donner les droits qui correspondent à leurs responsabilités »[58].

Les promoteurs des droits des enfants devraient chercher à faire place aux deux objectifs de renforcement de l'autonomie et de protection des modèles d'affranchissement et de soutien des enfants.  Comme l'affirme Freeman, « [...] pour accorder plus d'importance aux droits des enfants, il nous faut accorder plus d'importance à la protection des enfants et à la reconnaissance de leur autonomie, tant actuelle que potentielle »[59].  Le présent document traite des droits des enfants dans le contexte du divorce, de la garde et du droit de visite.  Il vise à proposer des changements législatifs et autres pour faire en sorte que l'on accorde aux enfants le droit d'exprimer leurs points de vue dans les procédures en droit de la famille.  En même temps, ce document présente des recommandations en vue d'assurer l'existence d'un mécanisme de protection, de sorte que les enfants dont les parents sont en instance de séparation et de divorce puissent exprimer leurs points de vue dans un environnement sûr et protégé.  Selon la thèse présentée dans ce document, les enfants en cause dans des litiges en droit de la famille devraient pouvoir exercer leur autonomie dans des milieux protecteurs, de sorte qu'ils puissent influencer les décisions qui auront des conséquences importantes sur leur vie.

1.3 L'article 12 de la Convention des Nations Unies relative aux droits de l'enfant : le droit des enfants d'être entendus

La Convention des Nations Unies relative aux droits de l'enfant [60], complétée en 1989, est considérée comme « un événement marquant de l'histoire de l'enfance »[61].  Comme l'affirme le professeur Toope dans The Convention on the Rights of the Child:  Implications for Canada, « pendant des générations, un mythe puissant a formé les attitudes dans un grand nombre de sociétés; le mythe consistait à représenter la famille comme un milieu tout à fait privé qui était, et qui devrait être, à l'abri de l'examen public »[62].  La Convention de l'ONU articule les droits de l'enfant dans des milieux économique, social, culturel et politique.  Comme l'indique le préambule de la Convention, « il importe de préparer pleinement l'enfant à avoir une vie individuelle dans la société »[63].

La Convention de l'ONU relative aux droits de l'enfant a été ratifiée par plus de 200 pays[64].  Les États qui ont ratifié la Convention doivent s'assurer que les droits énoncés dans ce document international se reflètent dans leurs lois et leurs pratiques internes[65].  Le Canada est devenu signataire de la Convention en 1990.

L'article 12, qui affirme le droit des enfants de participer aux décisions qui les intéressent, est considéré comme la « cheville » du document de l'ONU[66].  Cette disposition se lit comme suit.

12(1)    Les États membres garantissent à l'enfant qui est capable de discernement le droit d'exprimer librement son opinion sur toute question l'intéressant, les opinions de l'enfant étant dûment prises en considération eu égard à son âge et à son niveau de maturité.

    (2)    À cette fin, on donnera notamment à l'enfant la possibilité d'être entendu dans toute procédure judiciaire ou administrative l'intéressant, soit directement, soit par l'intermédiaire d'un représentant ou d'un organisme approprié, de façon compatible avec les règles de procédure de la législation nationale.

Ce document est la première Convention qui affirme que l'enfant a le droit d'exprimer son point de vue dans les procédures qui l'intéressent[67].  Comme l'a indiqué un auteur, l'article 12 est « important parce qu'il reconnaît que l'enfant est un être humain complet avec son intégrité et sa personnalité, et avec la capacité d'être membre à part entière de la société »[68].  Cet article reconnaît que les enfants ont, à titre d'individus, des intérêts distincts de ceux de leurs parents ou des membres de leur famille[69].

À l'article 12, la Convention exige que l'on entende un enfant « qui est capable de discernement » et que l'on prenne « dûment en considération » les opinions de l'enfant eu égard à son âge et à son niveau de maturité.  Cet article reconnaît qu'un jeune enfant peut avoir un niveau de maturité élevé pour son âge et que les juges devraient tenir compte comme il se doit de son opinion[70].  Il faut inviter l'enfant à donner son opinion de sorte qu'il puisse participer activement à la prise des décisions concernant son bien-être[71].  Comme l'affirme un auteur, la Convention perçoit l'enfant comme un être humain autonome mais non indépendant plutôt que comme un objet de soin passif[72].

Les droits de l'enfant précisés à l'article 12 s'appliquent à « toute question l'intéressant » de sorte qu'il n'y a plus de domaine traditionnel de prise de décisions réservé exclusivement aux parents ou à la famille[73].  Comme l'affirme Van Bueren, « les enfants ont des droits qui transcendent ceux de la famille dont il fait partie »[74].  Les signataires de la Convention n'ont plus le pouvoir discrétionnaire absolu de déterminer à quel moment il faut tenir compte des opinions de l'enfant, et à quel moment il faut les écarter[75].

L'article 12 de la Convention de l'ONU oblige les États membres à faire participer les enfants qui le désirent aux instances qui peuvent avoir une incidence sur leur vie.  Cependant, cet article ne vise pas à obliger les États à insister auprès des enfants pour qu'ils expriment leurs opinions.  Comme l'indique Van Bueren, il ne faut pas confondre l'article 12 avec l'autodétermination, un terme qui suppose non seulement le droit de participer aux décisions, mais aussi le droit à ce que ces décisions soient respectées[76].  Il oblige plutôt les signataires à s'assurer que les enfants ont le droit, s'ils le désirent, d'exprimer leurs opinions.  La Convention oblige aussi les États à adopter des processus de prise de décisions accessibles aux enfants[77].

Certains ont prétendu qu'il faut considérer ensemble l'article 12 et l'article 13 de la Convention[78] :

L'enfant a droit à la liberté d'expression.  Ce droit comprend la liberté de rechercher, de recevoir et de transmettre de l'information et des idées de toute espèce, sans considération de frontières, sous une forme orale, écrite, imprimée ou artistique, ou par tout autre moyen, au choix de l'enfant.

Selon ces dispositions, les enfants sont tout aussi capables que les adultes d'articuler des opinions rationnelles[79].  On a affirmé que le droit de l'enfant, à l'article 12, de participer aux questions qui l'intéressent est une condition de l'application de plusieurs autres droits prévus dans la Convention[80].

Le renforcement de l'autonomie des enfants stipulé à l'article 12 suppose la mise en place d'un mécanisme pour assurer la participation des jeunes.  Selon Barn et Franklin, pour réaliser les objectifs de l'article 12, les pays doivent :

(1) modifier les lois applicables de manière à reproduire l'article 12 dans la législation nationale;

(2) offrir aux enfants l'aide nécessaire pour leur permettre de comprendre leurs droits et d'exprimer leurs points de vue directement ou par l'intermédiaire d'un représentant;

(3) modifier le statut de l'enfant pour faire en sorte que son opinion soit entendue et prise en considération.

Les enfants doivent avoir accès à des outils adaptés à leur âge et à leur culture qui leur permettront de communiquer leurs opinions[81].  Il faut noter que selon le paragraphe 12(2), les enfants ont le droit être entendus directement ou par l'intermédiaire d'un représentant, notamment un conseiller juridique[82].

Dans Pour l'amour des enfants, le Comité mixte spécial sur la garde et le droit de visite des enfants a mentionné l'article 12 de la Convention relative aux droits de l'enfant[83].  Le Comité a déclaré que le Canada doit s'assurer que les enfants participent d'une façon significative aux décisions qui les touchent.



2.0  LA REPRÉSENTATION DES ENFANTS PAR AVOCAT DANS LES PROCÉDURES EN MATIÈRE DE DIVORCE, DE GARDE ET DE DROIT DE VISITE

2.1 L'incertitude en ce qui concerne la nomination d'un avocat pour les enfants dans les procédures en matière de divorce, de garde et de droit de visite

La représentation des enfants par avocat dans les procédures en droit de la famille est une notion relativement nouvelle.  Dans les années 1970 et 1980, lorsqu'on a commencé à envisager les enfants comme des personnes ayant des droits et des intérêts indépendants, l'idée d'offrir aux jeunes la représentation par avocat pour qu'ils puissent faire valoir ces droits et intérêts est devenue un sujet de discussion.  Au cours des dernières décennies, seulement un petit nombre d'enfants au Canada ont eu la possibilité d'être représentés par un avocat dans les affaires concernant la garde et le droit de visite[84].

Ce sont les déclarations judiciaires, les rapports des commissions de réforme du droit, les documents des barreaux et les articles dans les revues spécialisées qui ont écarté l'idée que les enfants n'ont pas besoin d'un conseiller juridique pour articuler leurs points de vue dans les procédures en matière de divorce et de garde.  Par exemple, dans la décision américaine Wendland v. Wendland [85], la cour a déclaré que « dans une instance en divorce, il ne faut pas brasser les enfants comme de simples biens mais plutôt les traiter comme des parties intéressées et touchées [...] ».  De même, dans l'affaire Racine et Racine c. Woods[86], la Cour suprême du Canada a déclaré que « un enfant n'est pas un bien sur lequel les parents ont un droit de propriété [...] ».

En 1974, la Commission de réforme du droit du Canada a publié un document dans lequel elle affirme que lorsque les intérêts d'un enfant sont directement ou indirectement touchés par une procédure judiciaire, il faudrait envisager la nomination d'un avocat indépendant pour représenter l'enfant[87].  On signale en particulier les affaires contestées de garde comme étant les procédures dans lesquelles « il peut être dans l'intérêt de l'enfant d'être représenté par un avocat distinct »[88].  Selon la Commission de réforme du droit, ni le juge, ni les parents de l'enfant ni même l'avocat des parents de l'enfant ne devraient agir comme représentants de l'enfant dans ces instances.  Des organismes de réforme du droit ont fait des recommandations semblables aux gouvernements de la Colombie-Britannique, du Québec et de l'Alberta[89].

En dépit des rapports faisant état des vertus de la représentation par avocat des enfants dans les procédures de droit de la famille, le rôle que doit jouer l'avocat de l'enfant dans les litiges relatifs à la garde et au droit de visite reste un sujet de controverse[90].  Les questions suivantes, notamment, restent encore sans réponse[91] :

1. Est-ce qu'un avocat autre que celui qui représente les adultes ou les parents devrait intervenir dans les procédures judiciaires en matière de garde et de droit de visite?

2. Si un avocat doit être nommé pour représenter l'enfant, devrait-il être offert uniquement dans des circonstances exceptionnelles, ou est-ce que tous les enfants des parents en instance de divorce devraient être représentés par un avocat?

3. L'avocat nommé pour représenter l'enfant devrait-il provenir du secteur privé ou du gouvernement?

4. Quel est le rôle précis de l'avocat de l'enfant?  Doit-il présenter les préférences et les désirs de l'enfant, faire valoir l'intérêt véritable de l'enfant, ou aider le tribunal en rassemblant des éléments de preuve relatifs aux questions de garde et de droit de visite?

Au Canada, les juges ont donné bien peu d'information au sujet de la représentation de l'enfant dans les affaires de droit de la famille.  Les décisions rendues à ce sujet sont contradictoires et ont par conséquent accru la confusion au sujet des circonstances dans lesquelles un avocat devrait être désigné pour l'enfant ainsi que des fonctions précises de l'avocat de l'enfant.  Comme un auteur l'a fait remarquer[92] :

Les opinions sont partagées au Canada au sujet du rôle qu'il faut confier à l'avocat qui représente un enfant dans les procédures en matière de garde et de droit de visite.  De plus, les interprétations judiciaires hésitantes quant au rôle de l'avocat ont fourni des précédents ambigus et incohérents.

Selon un autre avocat[93] :

L'environnement dans lequel les décisions sont prises ajoute à la difficulté; il se caractérise par un vaste pouvoir discrétionnaire et des critères vagues, ainsi qu'un mélange des procédures antagonistes et inquisitoriales.

Certains tribunaux ont affirmé qu'en général, il n'est pas opportun qu'un enfant soit représenté par un avocat distinct dans une instance relative à la garde.  Dans Lavitch  v. Lavitch[94], la Cour d'appel du Manitoba a posé la règle générale selon laquelle les enfants ne devraient pas être représentés par un avocat distinct dans les affaires relatives à la garde.  Dans Rowe v. Rowe[95], le juge Reid a écrit ce qui suit dans une affaire de divorce devant la Cour suprême de l'Ontario :

Selon mon expérience en la matière, je doute qu'il soit souhaitable que les enfants soient représentés par un avocat ou qu'ils soient conseillés par « leur propre » représentant.  Il peut y avoir des cas où, selon les circonstances, un juge de première instance estime souhaitable que les enfants soient représentés par leur avocat au procès.  Le cas échéant, il semble que le bureau du tuteur public puisse être appelé à intervenir.  Je pense qu'une intervention plus hâtive du procureur des enfants pourrait causer plus de tort que de bien.

Dans Laszlo v. Laszlo[96], la cour a refusé de nommer un procureur pour les enfants, alléguant que les avocats représentant les parties adultes étaient en mesure d'exposer au tribunal les éléments de preuve nécessaires pour lui permettre de prendre une décision éclairée en matière de garde.

Dans d'autres décisions, les tribunaux se sont montrés disposés à nommer un conseiller juridique aux enfants dans des circonstances exceptionnelles.  Comme on l'affirme dans Bonenfant v. Bonenfant [97] :

En l'absence d'une intervention, au contraire du législateur, le tribunal ne devrait pas infliger de façon générale, aux parties dans une instance relative à la garde, l'ajout d'un avocat, les frais et l'élargissement des procédures de première instance qui doivent presque nécessairement découler de la nomination d'un avocat additionnel.  Il faut s'abstenir de prendre une telle mesure à moins qu'il soit établi que sans elle, justice ne sera probablement pas rendue et qu'il y a un risque important que le tribunal ne soit pas en mesure de rendre une décision dans l'intérêt véritable des enfants si la nomination de l'avocat n'est pas faite.

Dans certaines procédures en matière familiale, on a permis aux enfants d'être représentés par un avocat, lorsqu'il a pu être établi que les intérêts des enfants étaient différents de ceux de leurs parents.  Tant dans Lavitch  v. Lavitch[98] que dans Morris and Morris v. Mitchell [99], les tribunaux ont conclu que la représentation par un avocat distinct n'était pas opportune à moins que l'on démontre soit que les intérêts des enfants et des parents étaient opposés, soit que les enfants avaient des intérêts spéciaux.

D'autres tribunaux ont dénoncé cette façon de faire.  Dans Novic c. Novic[100], par exemple, la Cour d'appel de l'Ontario a déclaré qu'il n'est pas nécessaire que l'enfant ait des intérêts distincts de ceux des parties ou de l'une d'elles pour lui assurer la représentation par avocat.  Il serait légitime de désigner un avocat pour s'assurer que les opinions et les préférences de l'enfant sont adéquatement transmises à la personne qui prendra la décision judiciaire[101].  De même, dans la décision rendue en 1997 dans l'affaire Kerton v. Kerton[102], un avocat a été désigné pour représenter un enfant dans un litige relatif au droit de garde exercé sous surveillance.  La cour a déclaré que l'avocat devait présenter les opinions de l'enfant et empêcher les parties d'interpréter les souhaits de l'enfant et de tenter d'exclure celui-ci du litige.

Certains juges ont déclaré qu'un enfant devrait être représenté par un avocat distinct si, de l'avis de la cour, la nomination peut l'aider à déterminer l'intérêt véritable de l'enfant.  C'est l'approche qui a été retenue dans Reid v. Reid[103] et dans Ross v. Britton[104].

La présente section donne une description de la compétence pour désigner des avocats aux enfants dans les procédures en matière de divorce, de garde et de droit de visite.  La section expose les trois modèles traditionnels de la représentation par avocat ainsi que les avantages et les inconvénients de chaque modèle.  La capacité de l'enfant à donner des instructions à l'avocat est également abordée.  La question de savoir s'il faut appliquer avec la même rigueur aux enfants représentés par un avocat les règles qui régissent le secret professionnel de l'avocat à l'égard des adultes est aussi étudiée.  La section examine le choix de l'avocat qui représentera l'enfant, sa formation et les sources de sa rémunération, ainsi que la possibilité d'élaborer un code de déontologie à l'égard des avocats qui représentent des enfants.

2.2 Les fonctions de l'avocat de l'enfant dans les affaires de droit de la famille

Il convient d'examiner les fonctions importantes confiées à l'avocat de l'enfant.  Un des rôles fondamentaux du représentant de l'enfant est de veiller à ce que les opinions et les souhaits d'un enfant soient exposés au tribunal[105].  Comme le fait remarquer un auteur[106] :

Il est faux de supposer que la preuve faite par les parents et les points de vue qu'ils présentent sont complets et exacts.  Très souvent, la perspective de l'enfant est bien différente de celle de l'un ou l'autre de ses parents et elle est beaucoup plus réaliste quant à leurs points forts et à leurs points faibles.  Il s'ensuit que l'avocat de l'enfant n'est ni un étranger aux procédures ni un simple subordonné des avocats des parties.

On prétend aussi que lorsqu'ils sont déçus ou en colère face à l'échec de leur mariage, les parents peuvent ne pas être en mesure de tenir compte comme il se doit des besoins et des intérêts de leurs enfants.

La présence d'un avocat indépendant pour les enfants dans les litiges relatifs à la garde peut être un « catalyseur puissant » pour régler les dossiers et éviter les procès[107].  Généralement, un règlement cause moins de traumatisme aux enfants et aux parents qu'un litige judiciaire fortement contesté[108].  Les parents peuvent percevoir l'avocat de l'enfant comme une partie neutre qui peut avoir pour effet de réduire la mentalité « gagnant-perdant » des parties en cause dans le litige[109].  Les parents peuvent aussi être moins enclins « à utiliser les enfants comme des armes dans leur conflit personnel » et peuvent être plus disposés à examiner pleinement les besoins, les opinions et les intérêts des enfants[110].

Une autre fonction importante du procureur consiste à protéger l'enfant au cours des procédures judiciaires.  L'avocat peut s'assurer que les mesures nécessaires sont prises pour accélérer les procédures et accommoder les enfants dans le processus judiciaire.  On ne peut surestimer l'importance d'un avocat pour rassurer l'enfant lors de l'éclatement de la famille[111].  L'enfant peut exprimer librement ses inquiétudes, ses préoccupations et ses opinions à une personne impartiale.  Par conséquent, l'enfant est protégé et on lui confère une impression d'autonomie, en particulier s'il croit que son avocat peut avoir une influence sur l'issue du litige.

2.3 La compétence pour nommer un procureur indépendant aux enfants

2.3.1 La compétence parens patriae des cours supérieures

La compétence parens patriae est à l'origine de la représentation indépendante des enfants[112]. L'expression parens patriae renvoie au rôle de l'État en sa qualité de tuteur des personnes frappées d'incapacité légale.  Comme l'a affirmé le juge Galligan dans Reid v. Reid[113], une cour d'équité a le pouvoir inhérent de représenter le souverain en sa capacité de parens patriae pour protéger les droits des jeunes enfants.  En vertu de la compétence parens patriae, les tribunaux ont désigné des procureurs pour représenter les enfants dans les procédures de garde.

Il importe toutefois de signaler que seuls les juges des Cours supérieures ont la compétence parens patriae pour nommer des avocats pour représenter les enfants dans les procédures de garde et les autres procédures.  Comme le juge Bean l'a fait remarquer dans Catholic Children's Aid Society of Metropolitan Toronto v. C.M. et D.L.[114], la Division provinciale de la Cour de l'Ontario n'a pas la compétence inhérente pour charger un avocat de représenter les droits des enfants.  La Cour provinciale n'est pas une cour d'equity et n'a pas la compétence parens patriae.  Les cours provinciales n'ont compétence pour prévoir cette représentation que dans les cas où le pouvoir de nommer des avocats aux enfants est prévu dans le texte législatif[115].

2.3.2 Le pouvoir prévu par la loi de nommer un avocat aux enfants dans les procédures en droit de la famille

Même si plusieurs provinces ont adopté des lois permettant qu'un avocat soit nommé aux enfants dans les procédures en droit de la famille, le rôle de l'avocat n'est pas précisé.  De plus, le tribunal ou un fonctionnaire a le pouvoir discrétionnaire de nommer un avocat.  Par exemple, l'article 2 de la Family Relations Act de la Colombie-Britannique[116] prévoit que le procureur général peut nommer un avocat et le charger d'agir comme procureur « pour défendre les intérêts et le bien-être de l'enfant » dans les procédures relatives à la garde d'un enfant, à l'entretien de l'enfant ou à l'accès à l'enfant.  Selon l'article 24 de cette Loi, le juge doit tenir compte des opinions de l'enfant « s'il y a lieu » relativement aux questions de garde, de droit de visite et de tutelle[117].  La Loi sur l'obligation alimentaire du Manitoba[118] prévoit ce qui suit :

Le tribunal peut prendre en considération les vues d'un enfant lorsqu'il est convaincu que l'enfant est en mesure de comprendre la nature des procédures et qu'il estime que cela ne serait pas préjudiciable à cet enfant.

Selon la Loi portant réforme du droit de l'enfance de l'Ontario[119],

24(2)    Lorsque le tribunal établit l'intérêt véritable de l'enfant aux fins d'une requête présentée en vertu de la présente partie, il étudie l'ensemble de la situation et des besoins de l'enfant, notamment :
    b)     le point de vue et les préférences de l'enfant, s'ils peuvent être raisonnablement déterminés.

En Ontario, le Bureau de l'avocat des enfants a le pouvoir de représenter les enfants dans les procédures en droit de la famille.  L'avocat des enfants est un cabinet d'avocats indépendants désignés par le lieutenant-gouverneur en conseil sur la recommandation du procureur général et chargés de représenter les enfants dans l'administration de la justice[120].  Selon le paragraphe 89(3) de la Loi sur les tribunaux judiciaires[121], le tribunal peut demander que l'avocat des enfants représente les intérêts de l'enfant dans un litige en matière de garde et de droit de visite.  Selon le paragraphe 112(1) de la Loi sur les tribunaux judiciaires[122] :

Lorsqu'au cours d'une instance intentée aux termes de la Loi sur le divorce (Canada) ou de la Loi portant réforme du droit de l'enfance, le tribunal est saisi d'une question qui concerne la garde d'un enfant ou le droit de visite, l'avocat des enfants peut faire procéder à une enquête, faire rapport et faire des recommandations au tribunal sur tout ce qui concerne la garde ou l'éducation de l'enfant, la pension alimentaire et le droit de visite.

Le Bureau de l'avocat des enfants acceptera, à la demande du tribunal, d'intervenir dans les litiges relatifs à la garde et au droit de visite si la représentation de l'enfant contribuera de façon utile au règlement du litige et protégera les intérêts de l'enfant dans les procédures[123].

Ce bref examen des lois canadiennes illustre que dans les procédures en matière de divorce, de garde et de droit de visite, contrairement aux instances pénales, l'enfant n'a pas un droit automatique à un avocat indépendant.  Il appartiendra au tribunal ou aux fonctionnaires de décider si l'enfant sera représenté par un avocat dans les litiges relatifs à la garde ou au droit de visite.  De plus, le rôle précis de l'avocat dans ces instances est ambigu.  Selon Mamo, la confusion qui entoure la fonction de l'avocat s'explique du fait que « l'avocat indépendant n'a pas réussi à permettre à un enfant de participer à l'instance qui le touchera pour le reste de ses jours »[124].  Il ajoute[125] :

[...] l'institutionnalisation de l'avocat des enfants indépendant n'a pas permis aux enfants d'échapper au paternalisme traditionnel qui, caché dans le régime légal, tend à assourdir ou à nier les préférences de l'enfant.  Les enfants restent les victimes malheureuses du pouvoir discrétionnaire absolu des avocats et des tribunaux.

Il convient maintenant d'examiner les différents modèles de représentation des enfants par un avocat.

2.4 Les trois modèles de représentation des enfants par avocat

Au Canada, les tribunaux et les avocats ont toujours utilisé trois modèles de représentation des enfants; il s'agit des modèles de l'avocat, du tuteur à l'instance et de l'amicus curiae.  La présente section décrit chacun de ces modèles et expose les avantages et les inconvénients de chacun.

2.4.1 L'amicus Curiae

Dans son sens traditionnel, la notion d'amicus curiae, ou « ami de la cour », désigne un avocat nommé par une cour d'equity pour aider la cour en présentant d'une façon impartiale les faits, le droit applicable et les intérêts des personnes qui ne participent pas aux procédures judiciaires[126]. L'amicus curiae agit comme un intervenant neutre sans prendre parti quant à l'issue du litige. L'amicus curiae joue un rôle d'investigateur et ses services sont dispensés au tribunal et non aux parties en cause dans un litige[127].  Dans cette fonction, l'avocat a la responsabilité de prêter assistance à la cour dans l'administration de la justice.  Le rôle de l'amicus curiae est défini par le tribunal dans chaque instance[128].

Dans le contexte des questions relatives à la garde et au droit de visite, l'amicus curiae rassemble les éléments de preuve pertinents qui pourraient ne pas être autrement présentés au tribunal par les parents qui s'affrontent dans un litige afin d'aider le juge à rendre une décision dans l'intérêt véritable de l'enfant[129].  L'avocat a la responsabilité de veiller à ce que la cour dispose d'un récit complet des faits, y compris les témoignages d'experts, pour faire contrepoids aux énoncés possiblement « faussés » des parents[130].  Même si l'amicus curiae expose généralement au tribunal, dans le cadre de la preuve, les opinions de l'enfant, il ne plaide pas en faveur de l'enfant.  L'amicus curiae expose normalement son point de vue sur l'issue d'une question en se fondant sur les éléments de preuve à l'appui[131].

Certains juges, professeurs d'université et avocats estiment que le rôle de l'amicus curiae ne convient pas dans les affaires de garde et de droit de visite, en particulier lorsqu'un enfant est capable de donner des instructions à un avocat.  On affirme que l'amicus curiae « n'institutionnalise pas l'importance de l'opinion d'un enfant dans le processus »; on prétend plutôt que l'on « fait taire l'enfant »[132].  On empêche l'enfant d'exprimer directement au tribunal ses préférences et il n'a pas la possibilité de contester les recommandations de l'amicus curiae. Comme l'affirme l'Alberta Institute of Law Research and Reform dans le rapport Protection of Children's Interests in Custody Disputes[133], « nous ne croyons pas pouvoir affirmer que l'amicus curiae représente les intérêts de l'enfant au sens dans lequel l'avocat représente habituellement un client ou l'intérêt d'un client ».  Dans l'affaire Strobridge v. Strobridge[134], le juge Granger de la Cour de l'Ontario, Division générale, a critiqué le rôle de l'amicus curiae dans le contexte des procédures relatives à la garde :

Dans un système de débat contradictoire, le rôle de l'amicus curiae n'est pas compatible avec la représentation d'un enfant dans les affaires de garde.  L'amicus curiae n'a pas l'obligation de vérifier les désirs l'enfant ou de les présenter au tribunal.  En fait, l'amicus curiae est un expert nommé par la cour pour aider la cour à déterminer l'intérêt véritable de l'enfant.  Dans un système de débat contradictoire, l'amicus curiae est chargé d'aider la cour plutôt que de représenter l'enfant.

Certains juges, comme le juge Abella et le juge L'Heureux-Dubé, font valoir que le rôle de l'amicus curiae ne convient que dans les cas où les enfants ne sont pas capables de donner des instructions à un avocat, ou qu'ils n'ont pas d'opinions particulières sur les questions qui font l'objet des procédures judiciaires[135].  Le juge Nasmith cerne comme suit les fonctions possibles de l'amicus curiae dans une telle situation[136] :

1. aider l'enfant à comprendre le processus judiciaire;
 
2. réconforter l'enfant dans les procédures en matière de divorce, de garde ou de droit de visite;

3. chercher à obtenir pour les parties diverses ressources gouvernementales et privées comme la médiation, la conciliation, le counselling ou des soins médicaux en vue d'encourager les parties à conclure un règlement hors la présence du tribunal;

4. encourager les parents à insister sur l'intérêt véritable de l'enfant;

5. protéger l'enfant contre l'évaluation exagérée.

2.4.2 Le tuteur à l'instance

Un tuteur à l'instance a la responsabilité de prendre les mesures utiles pour s'assurer de l'intérêt véritable de l'enfant et pour présenter ces constatations au tribunal[137].  À cette fin, il peut demander le témoignage d'experts, présenter un rapport et interroger et contre-interroger les témoins[138].  Le tuteur à l'instance est tenu de présenter des éléments de preuve en vue d'assurer la protection de l'intérêt véritable de l'enfant[139].

Il est primordial de signaler que ce sont les opinions d'un avocat et non nécessairement les préférences de l'enfant qui sont exposées au tribunal, même dans les cas où l'enfant est capable d'articuler un point de vue donné.  Un tuteur à l'instance peut écarter les instructions d'un enfant si l'avocat estime que ces instructions ne sont pas conformes à l'intérêt véritable de l'enfant[140].  En d'autres mots, l'opinion de l'avocat peut prévaloir sur l'opinion de l'enfant.

Il est important d'examiner la décision de la Cour d'appel de l'Ontario dans l'affaire Strobridge v. Strobridge[141].  Dans cette décision, le juge d'appel Osborne a conclu que le procureur d'un enfant ne peut à la fois représenter un enfant et agir comme témoin dans les procédures de garde et de droit de visite.  Il faut utiliser les moyens de preuve appropriés pour exposer les opinions quant à l'intérêt véritable de l'enfant.  L'avocat peut citer des témoins experts, produire des rapports et faire des observations relatives à la preuve.  Cette décision a été suivie dans plusieurs décisions relatives à la garde en Ontario, notamment dans les affaires Zelinko v. Zelinko[142] et Punzo v. Punzo[143].

Certains membres des professions juridiques ont critiqué le rôle du tuteur à l'instance.  On a soutenu qu'il est « inacceptable » pour un avocat qu'il ne fasse pas valoir la position d'un enfant qui est en mesure d'exprimer ses opinions et ses préférences à l'égard d'une question de garde ou de droit de visite[144].  Comme l'affirme Mlyniec dans « The Child Advocate In Private Custody Disputes:  A Role In Search Of A Standard », un avocat n'est pas mieux en mesure qu'un juge d'évaluer l'intérêt véritable de l'enfant dans une instance relative à la garde ou au droit de visite[145].  En fait, certains juges estiment que les avocats qui font valoir l'intérêt véritable de l'enfant usurpent le pouvoir du juge[146].  Les auteurs ont cependant fait valoir que dans les cas où un enfant est incapable de donner des instructions à un avocat, il est opportun pour l'avocat d'agir en tant que tuteur à l'instance et de présenter des éléments de preuve qui vont aider la cour à déterminer l'intérêt véritable de l'enfant[147].

2.4.3 L'avocat

La fonction de l'avocat, dans le rôle traditionnel que jouent les avocats à l'égard des adultes, est de représenter les droits et les intérêts légaux de son client[148].  Les avocats ne jugent pas les positions que leurs clients leur demandent de faire valoir[149].  L'avocat a plutôt pour fonction d'exposer au client les solutions possibles, de lui recommander les mesures à prendre, et de laisser au client la décision ultime.  Tel qu'indiqué dans « The Legal Representation of Children:  A Consultation Paper prepared by the Quebec Bar Committee », les avocats doivent s'acquitter de leur rôle de conseiller juridique des enfants comme ils le feraient auprès de clients adultes; ils doivent expliquer la nature des procédures en question, les diverses étapes du processus et les conséquences des choix que préconisent leurs clients enfants[150].

Même si les avocats peuvent suggérer à leurs clients enfants de réévaluer leur position, l'avocat est tenu de faire valoir les préférences et les désirs de l'enfant compte tenu du principe selon lequel les enfants ont droit à ce que le tribunal entende leurs opinions sur les questions de droit en particulier et qu'il en tienne compte[151].  L'avocat peut interroger les témoins, présenter des rapports écrits et contre-interroger les témoins des parties en cause dans un litige.  Il est important de noter que lorsque l'avocat présente sa preuve, il lui est interdit de communiquer au tribunal ses convictions personnelles concernant la façon de trancher les questions.  En d'autres termes, « l'avocat de l'enfant doit faire tout ce que lui permettent les règles de déontologie pour faire valoir les intérêts de son client et pour obtenir ce qu'il demande, peu importe son opinion personnelle sur le bien-fondé des désirs de l'enfant »[152].

Des juges, des professeurs de droit et certains barreaux provinciaux ont exprimé bruyamment leurs points de vue au sujet des fonctions qui devraient être celles des procureurs des enfants. En 1981, le barreau du Haut-Canada a publié un rapport intitulé « Report of the Subcommittee of the Professional Conduct on the Legal Representation of Children »[153].  Le sous-comité s'est dit d'avis qu'en l'absence d'une disposition législative précise, il devrait exister entre un avocat et un enfant une relation traditionnelle d'avocat à client.  Selon ce rapport, « l'avis de l'enfant ne devrait pas être édulcoré par l'opinion que se fait une autre personne de ce qui est bon pour l'enfant, et encore moins par l'avocat nommé pour le représenter »[154].  Le sous-comité de l'Ontario a prétendu qu'il n'était pas opportun qu'un avocat communique au tribunal les renseignements en sa possession obtenus dans le cadre de ses relations avec son client et qui contredisent les opinions et les préférences de l'enfant client.  Selon ce rapport, l'avocat n'est pas le juge de ce qui est dans l'intérêt véritable de l'enfant, et il ne faut en aucune circonstance exonérer l'avocat d'un manquement au secret professionnel[155].

Des juges, notamment le juge Nasmith[156], le juge L'Heureux-Dubé et le juge Abella[157], ainsi que les avocats Alfred Mamo[158] et Judith Begley[159] ont préconisé le rôle d'avocat pour les procureurs qui représentent les enfants.  À leur avis, on permet ainsi à l'enfant de participer directement à l'instance.  Dans une relation entre un avocat et son client, les « droits de l'enfant ne sont pas écartés » par un avocat qui fait valoir son opinion au sujet de ce qui est dans l'intérêt véritable de l'enfant[160].  Cela permet aux enfants de participer activement à des procédures qui les toucheront profondément.  De plus, cet élément de preuve a une valeur inestimable pour le tribunal qui peut autrement être privé de renseignements qui reflètent les désirs de l'enfant du mariage dissous.  Dans l'affaire Re W.[161], le juge Abella a déclaré ce qui suit :

L'avocat de l'enfant est l'architecte légal qui construit un dossier en fonction des opinions de l'enfant.
Dans sa forme actuelle, cela signifie que l'avocat de l'enfant devrait présenter et mettre en œuvre les instructions du client au meilleur de ses capacités.  Et cela suppose qu'il indique au tribunal les préoccupations, les désirs et les opinions de l'enfant.  Cela suppose en outre qu'il présente au tribunal une preuve exacte et complète compatible avec la position de l'enfant.  Il y a de plus une obligation de faire en sorte, dans la mesure où cela est possible compte tenu de l'âge et de la situation de l'enfant, que les opinions et les désirs exprimés par l'enfant soient donnés en toute liberté et en l'absence de toute contrainte exercée par une autre partie ou personne.

Le juge Abella a déclaré que même si l'avocat doit faire valoir les désirs de l'enfant, l'avocat peut explorer « avec l'enfant le bien-fondé ou la véritable situation du dossier, évaluer les points de procédure dans la position de l'enfant et même proposer, le cas échéant, des façons raisonnables de régler le dossier »[162].

Il est essentiel de noter que les seules opinions de l'enfant ne déterminent pas la décision mais constituent plutôt un élément important de la preuve qu'examinera le tribunal.  Comme l'affirme Begley[163] :

[...] les désirs de l'enfant ne sont qu'un élément de la preuve que le juge doit examiner aux fins de la décision finale, mais il est extrêmement important qu'ils soient présentés au tribunal avec toute la vigueur possible afin que l'opinion de l'enfant soit entendue distinctement.

Il est recommandé que l'avocat de l'enfant soit nommé le plus tôt possible au cours de l'instance. À compter de sa nomination, l'avocat devrait avoir le même droit que les avocats des autres parties de participer pleinement à tous les aspects des procédures.  Cela inclut le droit d'être présent aux sessions de médiation avant le procès, de procéder à des interrogatoires préalables, de présenter des requêtes, de citer et de contre-interroger les témoins, de présenter des observations et d'interjeter appel[164].

Une question importante qui se pose au sujet de la relation entre l'avocat et son client est celle de savoir si un enfant a la capacité d'articuler ses préférences ou ses désirs et de donner des instructions à l'avocat.

2.5 La capacité de l'enfant de donner des instructions à l'avocat

On a prétendu que la profession juridique aborde avec prudence la capacité des enfants de donner des instructions à l'avocat.  Comme l'explique Thomson, si l'on suppose que tous les enfants ne sont pas sui juris et si l'on établit un critère de capacité difficile, très peu d'enfants pourront être représentés par un avocat indépendant selon le modèle de la relation entre l'avocat et le client[165].  Toutefois, si a) le système juridique envisage les enfants en tant que sui generis, b) le critère de présomption de capacité utilisé pour les adultes est appliqué aux enfants, et c) un simple critère de capacité est accepté, un plus grand nombre d'enfants dans les procédures en droit de la famille obtiendront les services d'avocats qui feront valoir leurs opinions et leurs préférences[166].

Selon une croyance de plus en plus admise au cours des dernières années, on cause plus de tort aux enfants en écartant leurs opinions dans les matières de droit de la famille qu'en les incluant dans le processus de prise de décisions[167].  Cette position se reflète dans l'article intitulé « The Inchoate Voice » du juge Nasmith, qui prétend que le système juridique doit[168] :

[...] chercher à inclure les opinions et les préférences des enfants plutôt qu'à les exclure. Je me demande ce qu'on peut gagner en définissant de façon arbitraire les matières où il faut exclure les préférences des enfants.  Peut-être retombons-nous dans quelques pièges historiques posés pour les enfants.  Quel mal peut-il y avoir à exposer les préférences, même si elles peuvent ne pas avoir grande importance?  Que faut-il craindre?  En fin de compte, le témoignage sera évalué avec les autres facteurs.  La préférence de l'enfant n'est pas nécessairement déterminante; elle fait partie de la preuve.

Plusieurs critères ont été proposés pour évaluer la capacité de l'enfant de donner des instructions à un avocat.  Par exemple, Leon[169], Bernstein[170] et Ramsey[171] prétendent qu'une limite d'âge est une façon appropriée de vérifier la capacité d'un enfant.  Leon propose un système formé de présomptions simples basées sur l'âge de l'enfant en vue de déterminer le type de représentation que reçoit l'enfant[172].  Bernstein prétend qu'un enfant de 12 ans devrait être réputé capable de donner des instructions à l'avocat[173].  Ramsey, lorsqu'elle examine si un enfant a les capacités mentales et émotives requises pour prendre une décision ayant une « possibilité rationnelle de justesse », affirme qu'un enfant de 7 ans devrait être réputé capable de donner des instructions à un avocat[174].

D'autres prétendent que l'âge n'est pas un indicateur légitime de la maturité de l'enfant ou de l'aptitude de l'enfant à donner des instructions à un avocat.  Comme l'affirme un auteur, « le tribunal ne devrait pas pouvoir écarter le droit fondamental de l'enfant d'être entendu en se fondant sur un critère ambigu reposant sur l'âge pour déterminer la compétence d'un enfant »[175]. L'âge est considéré comme un indicateur peu fiable de la capacité parce que les enfants ne se développent pas tous au même rythme.  On prétend que c'est la capacité de comprendre et d'articuler ses idées, et non l'âge de l'enfant, qui est le facteur pertinent[176].

Le « raisonnement » de l'enfant est un autre critère invoqué pour déterminer l'aptitude de l'enfant à donner des instructions à l'avocat.  Selon David Day, qui a agi en qualité d'amicus curiae pour un enfant de 5 ans dans une affaire de garde devant la Cour suprême du Canada[177], les conditions suivantes doivent être rencontrées pour que l'avocat agisse en tant qu'avocat d'un enfant[178] :

(1) l'aptitude à communiquer volontairement à l'avocat des instructions rationnelles et raisonnables;

(2) l'aptitude à comprendre clairement et pleinement les conseils de l'avocat;

(3) une faculté de saisir la nature et l'importance juridique de l'instance judiciaire.

Dans son rapport[179] publié en 1981, le barreau du Haut-Canada a déclaré ce qui suit :

Un enfant peut être réputé avoir la capacité de donner des instructions à un avocat lorsqu'il est mature et suffisamment responsable pour accepter les conséquences de ses actes et de ses décisions et qu'il peut exprimer une préférence quant à la façon de régler un problème.  Aux fins de cette décision, un des facteur serait l'aptitude de l'enfant à accepter de façon rationnelle les conseils qu'il reçoit.  Si l'enfant refuse obstinément et sans raison d'accepter les conseils de l'avocat, il se peut qu'il n'ait pas la maturité pour lui donner des instructions.

Selon les critiques de ces démarches, une évaluation par l'avocat du « caractère raisonnable » des instructions de l'enfant constitue un exercice « purement subjectif »[180].  On affirme que l'exigence selon laquelle un enfant doit être capable de formuler une « préférence rationnelle en matière de garde » pour qu'on lui permette d'avoir son propre avocat constitue une orientation « paternaliste » de la représentation par avocat[181].

Un modèle qui reconnaît et favorise les droits des enfants dans les procédures de garde et de droit de visite suppose qu'il faut accorder aux enfants capables de communiquer leurs préférences, leurs opinions ou leurs désirs le droit à ce qu'un avocat fasse valoir ces préférences[182].  Selon les personnes qui préconisent ce point de vue, il s'agit du seul critère pour évaluer la capacité d'un enfant de donner des instructions à un avocat.  Tel que l'indique le rapport du barreau du Québec, même les très jeunes enfants ont cette capacité[183].  On prétend que, dès l'âge de 4 ans, les enfants peuvent communiquer leurs opinions à un avocat[184].  Selon le juge Nasmith, les instructions que donne un enfant de 4 ou 5 ans « ne devraient pas être sabotées sous prétexte qu'il ne s'agit pas vraiment d'instructions » à moins que l'enfant soit attardé[185].  À son avis, il convient pour l'avocat de s'écarter de « sa fonction normale de porte-parole » uniquement lorsqu'un enfant n'est pas capable ou ne veut pas exposer ses opinions sur les questions de la garde et du droit de visite[186].

La controverse subsiste au sujet du rôle d'un avocat lorsque son client peut lui donner des instructions.  Selon certains, l'avocat devrait agir à titre d'amicus curiae pour faire en sorte que toute l'information pertinente soit présentée au tribunal.  Comme l'indique un auteur, le rôle d'un avocat qui représente un enfant incapable d'exposer ses opinions consiste à faire en sorte que le tribunal rende une décision éclairée[187].  D'autres estiment que la fonction de l'avocat est alors celle du tuteur à l'instance.  Le devoir de l'avocat consiste alors à présenter au tribunal les éléments de preuve relatifs à l'intérêt véritable de l'enfant en cause dans un litige relatif à la garde ou au droit de visite[188].

2.6 Le secret professionnel de l'avocat : les communications confidentielles entre l'enfant et l'avocat

Une question qui reste l'objet de débat est celle de savoir s'il convient pour un avocat de communiquer au tribunal ou à des tiers l'information confidentielle obtenue du client enfant.  La question essentielle à examiner est de savoir si les règles régissant le secret professionnel de l'avocat à l'égard des adultes doit s'appliquer avec la même rigueur à l'égard de l'enfant.

Au Canada, les règles relatives au privilège prévoient à titre spécial l'exclusion d'éléments de preuve de la salle d'audience[189].  Comme l'explique le professeur Rollie Thompson, « les règles en matière de privilège permettent d'exclure des éléments de preuve très fiables pour la raison que d'autres valeurs sociales, à l'extérieur du processus judiciaire, sont plus importantes que la recherche de la vérité dans une salle d'audience »[190].  Dans le contexte des litiges relatifs à la garde et au droit de visite, une question se pose au sujet de l'obligation, prévue par la loi ou les règles de déontologie, pour un avocat, de révéler l'information obtenue du client enfant concernant les mauvais traitements que lui infligent ou que lui ont infligés son père ou sa mère.  Quelles sont les responsabilités de l'avocat lorsque son client enfant lui indique qu'il désire résider avec sa mère même si l'ami de sa mère l'agresse physiquement ou sexuellement[191]?  Comme le fait remarquer Himel, « si l'avocat divulgue l'information à l'encontre des instructions de l'enfant, la relation entre l'avocat et le client peut être compromise pour toujours »[192].

Il est important de signaler que partout au Canada, les provinces ont adopté des lois exigeant que l'on signale les cas d'enfants maltraités.  Plusieurs de ces lois obligent les professionnels comme les médecins, les travailleurs sociaux, les enseignants et les prêtres à signaler aux autorités les cas d'abus s'ils ont des motifs raisonnables de croire que l'enfant subit ou a subi de mauvais traitements[193].

Selon les codes de déontologie applicables dans les provinces comme l'Ontario, les avocats peuvent communiquer, mais ne sont pas tenus de le faire, des renseignements confidentiels afin de prévenir la perpétration d'un acte criminel[194].  En d'autres mots, si un client enfant indique à l'avocat qu'il veut résider avec son père malgré le fait que le père a agressé sexuellement l'enfant, l'avocat peut déroger au secret professionnel mais il n'y est pas tenu[195].  Le dilemme qui se pose tient à ce que, même si la divulgation des mauvais traitements a pour but de protéger l'enfant, la communication de renseignements confidentiels peut avoir de graves répercussions défavorables sur la relation entre l'avocat et son client.

On a prétendu que même dans les cas où un enfant peut être en péril, le secret professionnel de l'avocat doit être respecté.  Selon Maczko, si la communication privilégiée n'est pas respectée, les enfants choisiront l'information qu'ils communiquent à leur avocat.  Il n'est pas nécessaire qu'un avocat soit informé de tout pour représenter un enfant[196].  Maczko estime que le droit de l'enfant à des communications privilégiées avec son avocat devrait être prévu dans la loi[197].

De même, dans son rapport intitulé « The Legal Representation of Children », le Comité du barreau du Québec a déclaré qu'un avocat doit respecter les communications confidentielles avec l'enfant, peu importe son âge[198].  Le Comité a affirmé que la relation entre l'avocat et le client s'effritera si l'enfant ne peut se confier à son avocat.  De l'avis du Comité, il y va de l'intérêt de l'enfant que l'avocat soit le mieux informé possible pour bien représenter le client[199].  Le juge Andrews de la Cour de l'Ontario (division provinciale) souscrit à cet avis.  Il affirme que le privilège appartient au client enfant; il serait contraire aux règles de déontologie que l'avocat viole le secret professionnel sans le consentement éclairé de son client.  Selon le juge Andrews, la divulgation à des tiers de renseignements communiqués par l'enfant à son avocat pourrait[200] :

[...] miner gravement l'opinion que l'enfant se fait du système judiciaire.  L'enfant peut estimer que les adultes imposent une décision et que non seulement son point de vue n'est pas représenté mais qu'il est écarté [...]. Ainsi, le développement harmonieux de l'enfant en un citoyen responsable dans une société libre pourrait être gêné par une impression de méfiance envers les institutions et les professions sociales.

Selon certains avocats, la meilleure façon d'aborder ce dilemme consiste à encourager l'enfant à divulguer les mauvais traitements à des tiers comme un enseignant, un travailleurs social ou un médecin.  Ainsi, l'enfant est protégé et le secret professionnel de l'avocat n'est pas violé[201].

2.7 Assurer aux enfants des services juridiques de qualité : la sélection, la formation professionnelle et les sources de rémunération

Afin d'assurer des services juridiques de qualité, chaque province devrait élaborer des critères relatifs à la sélection, à la formation et à la rémunération des avocats des enfants[202].  Certaines compétences doivent être acquises pour représenter un enfant, notamment l'aptitude à communiquer avec les jeunes, la compréhension de la psychologie de l'enfant, l'aptitude à interviewer des enfants et la connaissance des ressources communautaires[203].  Les avocats doivent connaître les stades de développement de l'enfant, être capables de comprendre l'information que transmet l'enfant et pouvoir communiquer de l'information à l'enfant dans une langue simple et compréhensible[204].  Certains ont proposé que seuls les avocats ayant cinq à dix ans d'expérience devraient être autorisés à représenter des enfants dans les procédures en droit de la famille[205].

Pour faire en sorte que l'enfant soit représenté de façon indépendante sans l'influence des parties adultes, les gouvernements devraient supporter les honoraires et les frais de l'avocat de l'enfant[206].  Dans les litiges en matière de garde et de droit de visite, les enfants, tout comme les jeunes accusés d'actes criminels, devraient avoir accès à l'aide juridique[207].  Le recours aux services des avocats retenus par les parents ne respectent pas l'objectif selon lequel l'avocat de l'enfant agira comme porte-parole de son client.  Comme un auteur le fait remarquer, « l'avocat du père ou de la mère ne peut vraiment représenter l'enfant parce qu'il a une loyauté ultime envers le client parent »[208].

On a recommandé de nommer un ombudsman des enfants[209], ou encore d'établir des Bureaux de défense des droits des enfants, d'informer les enfants de leur droit à un avocat et de se charger du rôle important de former les avocats pour représenter les jeunes.

2.8 Code de déontologie pour les avocats

Il faut envisager sérieusement la création d'un code de déontologie pour les avocats qui représentent des enfants.  Voici ce que prévoient certaines des dispositions proposées[210].

(1) Les obligations de confiance, de disponibilité accrue, de continuité, et l'interdiction de se retirer du dossier sans raisons valables.

(2) L'obligation d'agir avec célérité.  Il incombe à l'avocat de veiller à ce que le dossier ne soit pas inévitablement retardé.

(3) Les obligations en matière de communication. L'avocat doit acquérir des compétences spéciales pour comprendre l'enfant et lui transmettre de l'information.  Le processus juridique doit être expliqué en des termes qui conviennent au niveau de compréhension de l'enfant.  Le contexte familial et socioculturel doit être pris en compte.

(4) L'obligation de confidentialité.

3.0       L'AUDITION DE L'ENFANT

3.1 Les arguments justifiant que l'on permette aux enfants de participer aux litiges en droit de la famille

Les juges ont hésité à permettre aux enfants de témoigner dans les litiges en matière de garde et de droit de visite[211].  On craint que cette expérience cause aux enfants un préjudice irréparable. On affirme que la pression de devoir faire un choix entre ses parents, la crainte de blesser un adulte qu'il aime ou avec lequel il a un lien de dépendance, et la possibilité de vengeance de l'un de ses parents peuvent causer préjudice à l'enfant[212].  On s'inquiète également de l'antagonisme qui caractérise les procédures judiciaires au Canada.  L'imposant décorum de la salle d'audience, le fait de répéter en public à des étrangers les détails d'un incident, le contre-interrogatoire et la séparation physique du père, de la mère ou d'un autre parent constituent des aspects de l'administration de la preuve qui, craint-on, vont nuire aux enfants[213].

Au cours des dernières années, on a reconnu l'importance de la participation de l'enfant dans les procédures en matière de divorce, de garde et de droit de visite.  On constate aussi de plus en plus qu'il est possible de contrer un bon nombre des préoccupations des juges et des autres professionnels en modifiant les lois provinciales et fédérales et en prenant d'autres mesures non législatives.

Plusieurs raisons ont été avancées pour permettre à l'enfant de participer aux procédures en matière de garde et de droit de visite.  D'abord, cette participation fait en sorte que le processus de prise de décisions soit axé sur l'enfant.  Elle donne aux enfants la possibilité d'exposer leurs besoins physiques, affectifs et sociaux à un juge qui veille à ce que le processus de décision ne soit pas axé exclusivement sur les opinions et les préférences de leurs parents.  Les enfants sauront que leurs opinions seront exposées aussi clairement qu'ils peuvent les formuler, dans un langage qu'ils choisissent, sans craindre d'être mal cités par un adulte bienveillant[214].  Ensuite, comme l'affirme Mme le juge McLachlin, pour un juge qui veut s'assurer de l'intérêt véritable d'un enfant dans un litige relatif à la garde, « il semble logique de chercher à savoir ce que pense l'enfant »[215].  Le fait, pour l'enfant, de donner directement son opinion constitue un témoignage important que le tribunal peut apprécier[216].  Dans l'article intitulé « Hearing the Voice of Children », un juge de la Colombie-Britannique déclare ce qui suit[217] :

Si l'on rend une décision en matière de tutelle, de garde ou de droit de visite sans voir ou entendre l'enfant, on détermine son avenir sans avoir examiné la preuve qui peut être la plus utile.

Le juge peut, sans l'intervention d'un tiers, observer l'enfant et déterminer la mesure dans laquelle il comprend la situation.  On affirme que « [à] un moment où la capacité des parents d'agir en tant que parents est diminuée, lorsque les parents ont de la difficulté à distinguer les besoins de l'enfant de leurs propres besoins, l'opinion de l'enfant au sujet de ses propres besoins est particulièrement utile »[218].

Une troisième raison pour permettre à l'enfant d'exposer directement ses désirs et ses besoins au tribunal tient à ce que leur exclusion peut être plus préjudiciable aux enfants que le fait de permettre à de jeunes enfants de participer à un processus qui les touchera toute leur vie.  Il convient d'examiner attentivement les observations de deux juges :

Lorsque les parents en instance de divorce ne peuvent communiquer de façon rationnelle, leurs enfants auront normalement été témoins de batailles beaucoup plus préjudiciables que celles qu'ils peuvent voir dans une salle d'audience.  Mais la plupart des juges préfèrent protéger l'enfant contre le préjudice possible[219].
...
Il est difficile d'évaluer le stress que le fait de témoigner dans des procédures relatives à la garde peut causer à un enfant qui est à la fois témoin et partie.  Mais le préjudice que peut causer le fait de mettre l'enfant à l'écart du processus peut être encore plus grand[220].

Un autre argument à l'appui de la participation de l'enfant dans les litiges relatifs à la garde et au droit de visite tient à ce que les parents de l'enfant seront obligés de tenir compte de ses désirs et de ses préoccupations[221].  Dans certains cas, ils peuvent incorporer ces opinions dans leurs représentations au tribunal.

3.2 Adaptation aux enfants

Au cours des 15 à 20 dernières années, les avocats, les psychologues et les travailleurs sociaux ont recommandé que les législateurs et les juges prennent des mesures pour permettre aux enfants de participer au processus judiciaire.  On affirme que le système de justice est axé sur les adultes et n'est pas adapté à la participation des enfants[222].  Les organismes chargés de la réforme du droit comme la Commission de réforme du droit de l'Ontario ont affirmé que « dans le système judiciaire, les enfants doivent être protégés afin de pouvoir donner effectivement leur version des faits »[223].  Une angoisse extrême chez l'enfant peut non seulement avoir des répercussions psychologiques, elle peut se traduire par un témoignage incomplet, parfois incohérent, qui aura peu de valeur probante[224].

Dans des décisions rendues dans les années 1990, la Cour suprême du Canada a appuyé l'idée qu'il faut adapter le système de justice aux enfants.  Dans les arrêts R. c. B.(G.)[225]et R. cW.(R.)[226], la Cour suprême a déclaré qu'il peut se révéler nécessaire de traiter les enfants différemment des adultes lorsqu'ils témoignent dans des instances judiciaires.  Dans R. c. Levogiannis[227], une affaire portant sur la constitutionnalité de l'utilisation des écrans pour les enfants dans les procès criminels, le juge L'Heureux-Dubé a déclaré :

Le processus judiciaire a pour but la recherche de la vérité et, à cette fin, le témoignage de tous les participants à des poursuites judiciaires doit être donné de la façon la plus propre à faire éclater la vérité.

On affirme que les règles de preuve applicables aux adultes devraient être adaptées aux enfants. Dans R. c. L.(D.O.), une affaire dans laquelle la validité d'une disposition du Code criminel concernant l'enregistrement magnétoscopique des entrevues avec les enfants a été maintenue, la Cour suprême du Canada a déclaré que « comme le droit lui-même, les règles de preuve ne sont pas coulées dans le bronze et évoluent avec le temps »[228].  Un sentiment semblable se dégage de l'arrêt R. c. Levogiannis dans lequel la cour a déclaré que le législateur « est libre d'adopter ou de modifier les lois en fonction de ses politiques et priorités, eu égard aux valeurs sociales qu'il tient pour importantes à une époque donnée »[229].  Dans l'article intitulé « Children and the Legal Process:  Changing the Rules of Evidence », Mme le juge McLachlin a écrit que, puisque les enfants sont des « acteurs importants » de notre système juridique, les lois sur la preuve, tant en droit civil qu'en droit pénal, devraient être réexaminées et modifiées s'il y a lieu[230].

Elle estime qu'il faudrait adopter des mesures législatives pour faciliter la participation des enfants qui souhaitent témoigner dans les instances civiles dans lesquelles la garde et le droit de visite sont en jeu.  Ces mesures législatives pourraient notamment :

1. faciliter la participation des enfants dans les litiges en droit de la famille pour faire en sorte que le processus soit axé sur l'enfant et que l'opinion de l'enfant soit entendue;

2. minimiser l'angoisse chez l'enfant;

3. favoriser l'obtention d'un témoignage digne de foi.

Dans ce chapitre, il convient d'examiner divers moyens pour obtenir les opinions des enfants.  De l'avis de l'auteure, les législateurs fédéral et provinciaux devraient proposer des modifications aux instances en matière de divorce, de garde et de droit de visite afin de réaliser deux objectifs fondamentaux : habiliter l'enfant à donner son opinion et le protéger.  Les propositions qui suivent visent l'atteinte de ces deux objectifs.

3.3 Entendre l'opinion de l'enfant

3.3.1La réforme des règles relatives à la compétence

Avant l'adoption de règles législatives provinciales et fédérales concernant la compétence de l'enfant à témoigner, la common law régissait le témoignage des enfants dans les procédures civiles et pénales[231].  La common law présumait que les enfants de moins de 14 ans n'avaient pas compétence pour témoigner.  De plus, seuls les enfants qui pouvaient démontrer qu'ils comprenaient le sens du serment étaient autorisés à témoigner dans une instance judiciaire[232].  Les enfants qui ne pouvaient pas convaincre un juge qu'ils avaient les connaissances et les croyances religieuses requises ne pouvaient pas rendre témoignage dans les procès civils et pénaux.

Dans leurs lois respectives sur la preuve, les législateurs fédéral et provinciaux ont adopté des dispositions sur la compétence des enfants.  La Loi sur la preuve au Canada[233], la Loi sur la preuve de l'Ontario[234] ainsi que les lois des autres provinces contiennent des dispositions semblables à celles qui suivent.

(1) Lorsque, dans une instance judiciaire, un enfant en bas âge est présenté comme témoin et ne comprend pas la nature d'un serment, de l'avis du juge, du juge de paix ou de l'officier de justice qui préside, le témoignage de l'enfant peut être reçu sans serment si, de l'avis du juge, du juge de paix ou de l'officier de justice qui préside, selon le cas, l'enfant est doué d'une intelligence suffisante pour justifier la réception de son témoignage et qu'il comprend le devoir de dire la vérité.
(2) Aucune décision ne peut être rendue sur la foi de ce témoignage à moins que celui-ci ne soit corroboré par une autre preuve substantielle.

Selon ces dispositions, les enfants qui ne comprennent pas la notion de serment et qui ne peuvent témoigner sous serment peuvent témoigner dans une instance judiciaire sans prêter serment.  Les enfants qui peuvent démontrer qu'ils comprennent « le devoir de dire la vérité » et qui sont « doués d'une intelligence suffisante pour justifier la réception de leur témoignage » peuvent rendre un témoignage.  Cependant, cette disposition pose une restriction importante : le témoignage de l'enfant doit être corroboré.  Selon les dispositions législatives, aucune décision ne peut être « rendue sur la foi de ce témoignage à moins que celui-ci ne soit corroboré par une autre preuve substantielle »[235].  Il convient aussi de noter que, contrairement aux adultes, les enfants qui n'ont pas de principes religieux ou une foi religieuse ne peuvent faire une affirmation solennelle au lieu de prêter serment.  Ces dispositions continuent de régir la réception du témoignage des enfants dans certaines provinces.

À la fin des années 1970, certains pédopsychiatres et pédopsychologues ainsi que des juristes ont fait valoir que les règles prévues par la loi ne reflétaient pas la capacité des enfants de rendre témoignage[236].  On affirmait que les règles sur la compétence reposaient sur les principes erronés suivants : les enfants n'ont pas une bonne mémoire, les enfants ne peuvent distinguer les faits de l'imaginaire, et les enfants ont tendance à mentir plus que les adultes[237].  Les études réalisées au Canada, aux États-Unis, en Australie, en Angleterre, en Écosse et en Irlande ont démontré que les enfants ont été grandement sous-estimés dans le système de justice[238].  Les recherches empiriques menées dans les années 1980 ont démontré que la mémoire d'une personne n'est pas directement reliée à l'âge de cette personne[239].  À partir de l'âge de 3 ou 4 ans, les enfants sont en mesure de fournir des renseignements fiables.  On a aussi établi que les enfants ne sont pas plus susceptibles que les adultes de fabriquer des éléments de preuve[240].  Les études psychologiques et médicales ont aussi révélé que même si les enfants peuvent s'adonner à des jeux d'imagination, ils sont capables de discerner les faits de l'imaginaire au sujet de ce dont ils ont été témoins[241].

En 1988, la Loi modifiant le Code criminel et la Loi sur la preuve au Canada[242] est entrée en vigueur.  L'article 16 de la Loi sur la preuve au Canada[243], qui régit le témoignage des enfants dans les instances fédérales, prévoit les dispositions qui suivent.

16(1) Avant de permettre le témoignage d'une personne âgée de moins de 14 ans ou dont la capacité mentale est mise en question, le tribunal procède à une enquête visant à déterminer si :
 
      a) d'une part, celle-ci comprend la nature du serment ou de l'affirmation solennelle;
      b) d'autre part, celle-ci est capable de communiquer les faits dans son témoignage.

    (2) La personne visée au paragraphe (1) qui comprend la nature du serment ou de l'affirmation solennelle et qui est capable de communiquer les faits dans son témoignage témoigne sous serment ou sous affirmation solennelle.

   (3) La personne visée au paragraphe (1) qui, sans comprendre la nature du serment ou de l'affirmation solennelle, est capable de communiquer les faits dans son témoignage peut, malgré qu'une disposition de la loi exige le serment ou l'affirmation, témoigner en promettant de dire la vérité.

   (4)  La personne visée au paragraphe (1) qui ne comprend pas la nature du serment ou de l'affirmation solennelle et qui n'est pas capable de communiquer les faits dans son témoignage ne peut témoigner.

   (5) La partie qui met en question la capacité mentale d'un éventuel témoin âgé d'au moins 14 ans doit convaincre le tribunal qu'il existe des raisons de douter de la capacité de ce témoin de comprendre la nature du serment ou de l'affirmation solennelle.

L'article 16 de la Loi sur la preuve au Canada vient élargir les anciennes règles sur la compétence.  Il permet aux enfants de faire une affirmation solennelle au lieu de prêter serment. Comme les adultes, les enfants n'ont plus à convaincre le juge qu'ils croient en Dieu ou en un Être suprême afin de rendre témoignage.  La loi fédérale écarte les obstacles que posaient certaines décisions comme celle de la Cour d'appel de l'Ontario dans R. c. Budin[244] qui interdisait aux enfants qui n'avaient pas reçu une éducation religieuse de témoigner sous serment.  Avant les modifications apportées en 1988, ces témoignages ne pouvaient être reçus qu'à titre de témoignage non fait sous serment pour lequel la loi exigeait une corroboration[245].

Un autre effet de la loi fédérale tient à ce que la corroboration n'est plus requise pour le témoignage d'un enfant qui n'a pas prêté serment.  Les déclarations des enfants ne doivent pas être considérées comme étant moins dignes de foi que le témoignage des adultes.  Il appartient au juge des faits de déterminer l'importance qu'il faut attacher au témoignage d'un enfant, comme c'est le cas pour les autres témoins.

Même si la loi de 1988 constitue une amélioration par rapport aux anciennes règles fédérales sur la compétence à l'égard des enfants, les dispositions contiennent des lacunes[246].  D'abord, la présomption que les enfants de moins de 14 ans ne sont pas compétents est maintenue.  Chaque fois qu'une personne de moins de 14 ans est citée à témoigner, le juge doit procéder à une enquête pour déterminer si les exigences de l'article 16 sont respectées.  Par contre, les adultes n'ont pas à se soumettre à une telle enquête avant de rendre témoignage dans une instance judiciaire.

Ensuite, la distinction entre le serment, l'affirmation solennelle et la promesse de dire la vérité que l'on trouve à l'article 16 de la Loi sur la preuve au Canada exige d'être précisée.  Par exemple, les tribunaux ont adopté l'interprétation du serment faite dans l'arrêt Bannerman[247]. Selon le juge Dickson (plus tard juge en chef), le serment est une obligation morale de dire la vérité sans qu'il soit nécessaire de croire en Dieu.  Il faut se demander en quoi un serment se distingue d'une affirmation solennelle.  De plus, selon le paragraphe 16(3) de la Loi sur la preuve au Canada, un enfant « qui, sans comprendre la nature du serment ou de l'affirmation solennelle, est capable de communiquer les faits dans son témoignage peut témoigner en promettant de dire la vérité ».  Là encore, il faut se demander en quoi une promesse de dire la vérité est différente d'une affirmation solennelle.

Enfin, l'interprétation qu'a donnée récemment la Cour suprême de l'expression « communiquer les faits » à l'article 16 de la Loi sur la preuve au Canada a été considérée comme un pas en arrière lorsqu'il s'agit de faire en sorte que l'opinion des enfants puisse être entendue dans les instances judiciaires.  Comme le juge L'Heureux-Dubé l'affirme dans son opinion dissidente dans l'affaire R. c. Marquard [248], le sens que l'on donne à l'expression « communiquer les faits » à l'article 16 peut « contrer l'objectif de la réforme législative dans ce domaine ».

La controverse prend sa source dans l'opinion de la majorité dans l'arrêt Marquard [249].  La cour a conclu que « communiquer les faits à l'article 16 » indique plus qu'une simple capacité verbale. Au nom de la Cour à la majorité, le juge McLachlin a déclaré que le juge de première instance doit « vérifier d'une manière générale si le témoin est capable de percevoir les événements, de s'en souvenir et de les communiquer au tribunal »[250].  Cette obligation doit être respectée pour que l'enfant puisse rendre témoignage dans une instance fédérale.

Selon le juge L'Heureux-Dubé, une telle interprétation « contredirait le libellé clair de l'art. 16 de la Loi et ainsi que cette évolution qui tend à supprimer la présomption que ces témoignages sont moins fiables et à accroître l'admissibilité de témoignages d'enfants »[251].  Un des principaux objectifs des modifications apportées en 1988 à la Loi sur la preuve au Canada était de simplifier les exigences en matière de compétence et de faciliter l'admissibilité du témoignage des enfants.  De plus, comme l'indique le juge L'Heureux-Dubé, les études psychologiques des dernières années ont démontré que les hypothèses conventionnelles concernant le peu de foi qu'il faut accorder aux témoignages des enfants ne trouvent pas d'appui dans la recherche empirique[252].  Le Rapport Badgley[253] publié par le gouvernement fédéral en 1984 proposait qu'il n'y ait pas de règles spéciales concernant la compétence des enfants à rendre témoignage; il proposait plutôt que le témoignage des enfants soit entendu et évalué de la même manière que les témoignages des adultes.  Le Comité Badgley a fait les recommandations suivantes[254] :

Tout enfant est capable de témoigner devant un tribunal et son témoignage est recevable. La force du témoignage de l'enfant serait une question de poids que doit déterminer le juge des faits et non une question de recevabilité.  Un enfant qui n'a pas la capacité d'expression nécessaire pour répondre à des questions formulées simplement peut être déclaré incapable de témoigner.

Il convient de noter que plusieurs pays comme les États-Unis, la France, l'Allemagne et l'Écosse ont simplifié leurs règles respectives au sujet de l'habilité des enfants à témoigner[255].

Dans l'arrêt Marquard, le juge L'Heureux-Dubé mentionne la règle 601 des United States Federal Rules of Evidence « qui abolit tout motif précis d'inhabilité à témoigner, y compris les motifs liés à l'enfance.  Tout est maintenant question de pondération »[256].

Dans un article intitulé « High Time for One Secular Oath »[257], un juge de l'Ontario critique le gouvernement fédéral pour ne pas « avoir unifié tous les témoins » en créant plutôt une « nouvelle hiérarchie de choix pour les témoins âgés de moins de 14 ans » :

Il semble que nous ayons maintenant trois choix : un serment, une affirmation solennelle et le troisième choix pour une personne qui ne comprend pas la nature du serment ou d'une affirmation solennelle mais qui peut communiquer les faits.  Une telle personne peut tout simplement promettre de dire la vérité.  Maintenant que la corroboration des témoignages qui ne sont pas faits sous serment n'est plus nécessaire, faut-il quand même accorder une importance différente aux témoignages en fonction de celui de ces choix qui est retenu?  N'y a-t-il pas là une grande confusion?  Nous savons qu'une affirmation solennelle équivaut à un serment.  De quelle qualité sera le témoignage fait sur une simple promesse?  Est-ce qu'il a moins de valeur?  Sinon, pourquoi ne pas utiliser une simple promesse pour tout le monde?  S'il y a une différence, en quoi consiste-t-elle exactement?  Qu'est-ce qui se passe si la simple promesse est acceptée d'emblée sans qu'on essaie les autres moyens?

Il ajoute que, parce que la société canadienne est devenue laïque et à cause de la prolifération de diverses religions, le serment devrait être aboli en tant que critère de compétence[258] :

À mon avis, nos tribunaux devraient être entièrement laïques.  Nous vivons dans une société de plus en plus multiculturelle (multireligieuse).  Les croyances religieuses sont diversifiées.  Les personnes qui s'attachent au courant judéo-chrétien trouveraient plus ou moins familière la cérémonie anglicane traditionnelle.  Il n'en serait pas de même pour beaucoup d'autres.  Nous avons pris ce pays aux Autochtones qui avaient d'autres croyances.  Nous avons invité et accueilli dans ce pays un très grand nombre de musulmans, d'Hindous, de bouddhistes, etc., qui se sont ajoutés aux cohortes d'agnostiques, d'athées et de panthéistes, et à une myriade d'autres qui n'ont aucune connaissance des croyances chrétiennes.  Le droit de ces minorités (qui, ensemble, forment probablement la majorité) de ne subir aucune discrimination fondée sur la religion est garanti à l'article 15 de notre Charte des droits.  J'estime qu'il faut en conclure que notre société démocratique est suffisamment libérale pour soustraire les individus à toute tendance de l'État à utiliser son pouvoir pour imposer des dogmes religieux aux autres.
Il est peut-être justifié, dans une certaine mesure, que les témoins confirment leur obligation de dire la vérité.  Quelle que soit la manière de le faire, cela devrait signifier que le témoin est tenu responsable.  Le serment traditionnel, qui sonde subtilement le domaine de la religion, n'a pas un tel effet.  Pour ceux qui ne sont pas croyants, le facteur religieux ne veut rien dire.  Pour certains qui ont des convictions religieuses, cette cérémonie terre à terre est insignifiante et insultante, peut-être même blasphématoire. Pour bien des gens, la cérémonie est tout simplement étrangère à leurs croyances religieuses.  Une personne responsable dira la vérité sans prononcer un serment religieux, et pour les autres, il ne veut rien dire de toute façon.

C'était aussi le sens de la recommandation faite en 1991 par la Commission de réforme du droit de l'Ontario.  Dans son rapport intitulé Report on Child Witnesses, la Commission a déclaré ce qui suit[259] :

La Commission recommande que le serment soit aboli pour les témoins enfants dans les instances civiles.  Un examen de la jurisprudence démontre que le serment est devenu un critère de compétence inapplicable pour les enfants et a empêché un bon nombre de jeunes témoins de donner un témoignage crucial dans les procès.  De plus, les études montrent qu'il n'y a aucun lien entre le fait de comprendre le sens du serment et celui de dire la vérité au tribunal.  En outre, l'Ontario, comme de nombreuses autres administrations, s'est transformée pour passer d'une société religieuse à une société largement laïque, ce qui accentue le caractère inopportun du serment comme critère de compétence.  La Commission recommande donc l'abolition du serment comme critère de compétence pour les témoins enfants.  À notre avis, une simple promesse de dire la vérité devrait être le critère de compétence pour les témoins enfants dans les instances civiles en Ontario.

Certaines provinces ont adopté ces dernières années des lois qui traitent de la compétence des enfants dans les instances judiciaires.  La Colombie-Britannique[260] et la Saskatchewan[261] ont suivi le modèle de l'article 16 de la Loi sur la preuve au Canada.  Toutefois, Terre-Neuve[262] et l'Ontario[263] ont élargi davantage la capacité des enfants de témoigner dans les affaires civiles.  On a repris la disposition pertinente de la Newfoundland Evidence Act[264] :

18 (1) Le témoignage d'un enfant est admissible

a) si celui-ci promet de dire la vérité; et

b) si le tribunal est d'avis que l'enfant comprend ce que signifie dire la vérité et qu'il peut communiquer les faits.

(2) Lorsqu'il est nécessaire de déterminer si un enfant est compétent pour témoigner, le tribunal peut procéder à une enquête pour évaluer si, à son avis, l'enfant comprend ce que signifie dire la vérité et s'il est capable de communiquer les faits.

(3) Si l'enfant ne promet pas de dire la vérité, ou si le tribunal est d'avis que l'enfant ne comprend pas ce qui signifie dire la vérité, son témoignage peut quand même être admis si le tribunal est d'avis qu'il est suffisamment digne de foi.

18.1(1) Le témoignage d'un enfant n'a pas besoin d'être corroboré.

(2) Le juge ne peut déclarer au jury qu'il n'est pas prudent de se fier au témoignage non corroboré d'un enfant.
(3) Le paragraphe (2) n'empêche pas le juge de faire des observations concernant le témoignage.

Il faut noter qu'une promesse de dire la vérité, mais non un serment ou une affirmation solennelle, est un critère de compétence.  En outre, même les enfants qui ne comprennent pas le sens d'une promesse de dire la vérité peuvent témoigner si le tribunal estime que leur témoignage est « suffisamment digne de foi ».

Les dispositions de l'Ontario prévoient ce qui suit[265] :

18(1)    Toute personne, quel que soit son âge, est présumée habile à témoigner.

(2) Lorsque l'habilité à témoigner d'une personne est contestée, le juge, le juge de paix ou un autre officier de justice qui préside interroge la personne.

(3) Toutefois, si le juge, le juge de paix ou un autre officier qui préside est d'avis que le fait d'interroger lui-même la personne pourrait nuire à la capacité de celle-ci à témoigner, un avocat peut l'interroger à sa place.

18.1(1) Lorsque l'habilité à témoigner d'un témoin proposé qui est une personne âgée de moins de 14 ans est contestée, le tribunal peut admettre le témoignage de la personne si elle est capable de communiquer son témoignage, comprend la nature d'un serment ou d'une affirmation solennelle et témoigne sous serment ou sous affirmation solennelle.

(2) Le tribunal peut admettre le témoignage de la personne capable de communiquer son témoignage même si elle ne comprend pas la nature d'un serment ou d'une affirmation solennelle mais qu'elle comprend ce que dire la vérité signifie et qu'elle promet de dire la vérité.

(3) S'il est d'avis que le témoignage de la personne est suffisamment fiable, le tribunal peut l'admettre, dans la mesure où la personne est capable de communiquer son témoignage même si elle ne comprend ni la nature d'un serment ou d'une affirmation solennelle ni ce que signifie dire la vérité.

 18.2(1) Le témoignage d'une personne âgée de moins de 14 ans n'a pas besoin d'être corroboré.

(2) Il n'est pas nécessaire d'instruire le juge des faits qu'il n'est pas prudent de se fier au témoignage non corroboré d'une personne âgée de moins de 14 ans.

En Ontario, les enfants sont présumés habiles à témoigner.  La loi prévoit que les enfants peuvent témoigner sous serment, sous une affirmation solennelle ou en promettant de dire la vérité. Comme à Terre-Neuve, si le tribunal estime que le témoignage de l'enfant est suffisamment fiable, le juge peut admettre le témoignage même si l'enfant n'a pas démontré qu'il comprend ce que signifie la promesse de dire la vérité.

Il est recommandé que les législateurs fédéral et provinciaux modifient leurs lois respectives sur la preuve pour écarter les obstacles à l'admissibilité du témoignage des enfants.  Ainsi, le juge a la possibilité d'entendre le point de vue de l'enfant et peut évaluer l'importance qu'il doit accorder au témoignage en question.  La nouvelle disposition pourrait prévoir ce qui suit :

(1) une présomption que les enfants sont habiles à témoigner dans les instances fédérales et provinciales;

(2) l'abrogation de l'exigence législative visant la corroboration;

(3) le critère de l'admissibilité du témoignage devrait être simplement l'aptitude verbale à communiquer et la compréhension d'une promesse de dire la vérité;

(4) dans les cas où un enfant ne comprend pas la promesse de dire la vérité, le témoignage de l'enfant sera admissible si, de l'avis du tribunal, son témoignage est suffisamment digne de foi.

3.3.2 L'utilisation des écrans dans la salle d'audience

Dans les litiges en matière de garde et de droit de visite, deux raisons importantes justifient de permettre aux enfants de témoigner derrière des écrans.  Le recours à un écran, qui empêche l'enfant de voir les parties en cause dans un litige, a pour effet d'atténuer l'inquiétude de l'enfant et de favoriser une ambiance dans laquelle l'enfant peut fournir un témoignage exact et complet[266].  Un écran à vision unidirectionnelle permet aux parties et aux avocats d'observer l'enfant pendant qu'il donne son témoignage.  Dans plusieurs administrations, notamment en Angleterre, au pays de Galles et dans certains États américains, la loi permet l'utilisation d'écrans pour les enfants qui participent au processus judiciaire[267].

En 1988, le Parlement canadien a ajouté au Code criminel une disposition qui permet d'utiliser des écrans dans certaines situations bien précises[268].  Il ne faudrait pas cependant que les législateurs transposent tout simplement le paragraphe 486(2.1) du Code criminel dans les procédures civiles en matière de divorce, de garde et de droit de visite.  Il est reconnu que la disposition de 1988 permettait seulement aux enfants qui auraient pu être victimes d'exploitation sexuelle de bénéficier de ce moyen de protection.  Les enfants qui avaient été victimes d'autres actes criminels ne pouvaient en bénéficier.  Dans les modifications apportées au Code en 1997, l'article a été élargi pour englober les mauvais traitements physiques comme les voies de fait[269].  De plus, jusqu'à tout récemment, le paragraphe 486(2.1) ne s'appliquait qu'à l'égard des victimes de mauvais traitements et non aux enfants qui pouvaient avoir été témoins de ces crimes.  Le critère à respecter pour que l'enfant bénéficie d'un écran est sévère.  Il faut convaincre le juge que « l'écran est nécessaire pour obtenir du témoin ou du plaignant qu'il donne un récit complet et franc des faits sur lesquels est fondée l'accusation ».  En d'autres termes, les enfants qui sont capables de témoigner sans écran n'auront pas droit à ce moyen de protection[270].  La décision de la Cour d'appel de l'Ontario dans l'affaire R. v. Paul M. indique clairement que l'objectif de la loi n'est pas de prévenir le traumatisme[271].

Le projet relatif au témoin enfant mené à London, en Ontario, a suscité des critiques à l'égard du caractère restrictif de la disposition du Code criminel relative à l'écran.  Dans un rapport, les auteurs affirment que « le formalisme de la procédure de demande et la difficulté à obtenir des écrans pour les jeunes témoins sont inutiles et ne sont pas conformes à l'esprit de la loi qui vise à rendre les enfants plus à l'aise dans la salle d'audience »[272].

En 1989, la Saskatchewan a emboîté le pas au gouvernement fédéral et a modifié la Saskatchewan Evidence Act [273]de façon à prévoir des écrans pour les enfants dans les procédures civiles.  Le paragraphe 42.1(1) prévoit cette précaution lorsque :

a) un témoin est âgé de moins de 18 ans; et

b) de l'avis du juge qui préside l'audience, l'exclusion du témoin aiderait celui-ci à fournir un récit complet et franc, le juge peut ordonner que la personne témoigne à l'extérieur de la salle d'audience ou derrière un écran ou un dispositif qui permet au témoin de ne pas voir les parties.

Comme le gouvernement fédéral, la Saskatchewan a retenu le « critère du récit complet et franc » du paragraphe 486(2.1) du Code criminel.  Ainsi, la santé psychologique de l'enfant n'est pas pour les juges une considération pertinente lorsqu'ils déterminent si un écran doit être fourni à un enfant dans une instance civile.  Il faut noter cependant que la disposition ne vise pas strictement les litiges dans lesquels il y aurait eu de mauvais traitements.  Les écrans sont offerts aux enfants dans tous les procès civils.

La Colombie-Britannique a modifié en 1988[274] sa Evidence Act pour permettre aux enfants âgés de moins de 19 ans de témoigner derrière un écran à vision unidirectionnelle.  Cependant, ce moyen de protection est offert uniquement aux victimes de mauvais traitements sexuels ou physiques.  Les enfants appelés à témoigner dans d'autres procédures judiciaires ne peuvent le faire derrière un écran.  Pas plus d'ailleurs que les enfants qui ont été simplement témoins des incidents qui font l'objet du litige.  Une autre restriction tient à ce que le critère du « récit complet et franc » doit être respecté.  Le juge, le juge de paix ou le président de l'audience doit conclure « que l'ordonnance est nécessaire pour obtenir un récit complet et franc des mauvais traitements allégués de la part de la personne qui en aurait été victime ».

En 1995, le législateur ontarien a modifié la Loi sur la preuve[275]pour permettre l'utilisation d'écrans pour les enfants dans les instances civiles.  Toutes les personnes de moins de 18 ans, et non seulement les victimes de mauvais traitements, peuvent bénéficier de ce moyen de protection.  De plus, les dispositions sont plus larges que le texte de loi fédérale ou les dispositions législatives semblables en Colombie-Britannique ou en Saskatchewan.  Un écran est utilisé s'il peut aider le témoin à donner un témoignage complet et exact, ou s'il est « dans l'intérêt véritable du témoin ».  L'article prévoit ce qui suit[276] :

18.4(1)    Un témoin âgé de moins de 18 ans peut témoigner derrière un écran ou un dispositif semblable lui permettant de ne pas voir une partie adverse si, d'une part, le tribunal est d'avis que le fait de procéder ainsi aidera vraisemblablement le témoin à donner un témoignage complet et exact ou est dans l'intérêt du témoin, et que, d'autre part, il satisfait à la condition énoncée au paragraphe (4).
...
       (4)    Lorsqu'un écran ou un dispositif semblable, ou encore la télévision en circuit fermé est utilisé, le juge et le jury ainsi que les parties à l'instance et leurs avocats doivent être capables de voir et d'entendre le témoin témoigner.

3.3.3 La télévision en circuit fermé

La télévision en direct permet d'interroger et de contre-interroger l'enfant qui se trouve à l'extérieur de la salle d'audience, dans l'ambiance appropriée d'une salle des témoins.  Des caméras et des écrans de télévision sont placés dans la salle d'audience pour permettre au juge, aux parties et au public de voir et d'entendre l'enfant pendant son témoignage[277].

On estime que le recours à la télévision en circuit fermé pour les enfants offre plusieurs avantages.  D'abord, la télévision évite à l'enfant l'inquiétude que peut susciter une salle d'audience « remplie d'étrangers et empreinte de décorum »[278].  Ensuite, elle évite à l'enfant une confrontation physique avec les parties à l'instance.  En troisième lieu, « elle facilite à l'enfant le récit des faits, l'aide à se rappeler des questions et à y répondre d'une manière claire et précise[279]. En d'autres termes, elle permet au juge des faits d'obtenir de l'enfant un récit plus détaillé et plus précis.  Enfin, on affirme que la télévision en circuit fermé offre les avantages d'une salle d'audience pour enfants relativement peu coûteuse[280].  L'Australie, l'Angleterre et plus de 33 États américains permettent aux enfants de témoigner à l'aide de la télévision en circuit fermé[281].

Le gouvernement canadien a ajouté au Code criminel une disposition qui permet aux enfants, dans des circonstances précises, de bénéficier de la télévision en circuit fermé dans les instances pénales.  Le paragraphe 486(2.1) du Code, modifié en 1997, prévoit ce qui suit[282] :

Par dérogation à l'article 640, lorsqu'une personne est accusée d'une infraction prévue aux articles 151, 152, 153, 155 ou 159, aux paragraphes 16(2) ou (3) ou aux articles 163.1, 170, 171, 172, 173, 210, 211, 212, 213, 266, 267, 268, 271, 272 ou 273 et que le plaignant ou un témoin est, au moment du procès ou de l'enquête préliminaire, soit âgé de moins de 18 ans, soit capable de communiquer les faits dans son témoignage tout en pouvant éprouver de la difficulté à le faire en raison d'une déficience mentale ou physique, le juge qui préside le procès ou le juge de paix peut ordonner que le témoin ou le plaignant témoigne à l'extérieur de la salle d'audience ou derrière un écran ou un dispositif qui permet au témoin ou au plaignant de ne pas voir l'accusé s'il est d'avis que cela est nécessaire pour obtenir du témoin ou du plaignant qu'il donne un récit complet et franc des faits sur lesquels est fondée l'accusation.

Comme c'est le cas des écrans dans les instances pénales, la télévision en circuit fermé n'est offerte que dans les cas où des mauvais traitements sexuels ou physiques auraient été infligés à l'enfant.  De plus, le critère du « récit complet et franc » doit être respecté.  Par conséquent, la loi n'a pas pour objectif de réduire le stress ou l'angoisse pour l'enfant.

Certaines provinces ont adopté des dispositions semblables.  Par exemple, la Saskatchewan permet à tous les enfants, et non seulement à ceux qui auraient été victimes de mauvais traitements, de témoigner par le biais de la télévision en circuit fermé[283].  La Colombie-Britannique a réservé le recours à ce moyen de protection aux enfants qui ont été victimes de mauvais traitements physiques ou sexuels causés par une partie à l'instance[284].  Comme c'est le cas pour la disposition fédérale, il faut démontrer que le recours à la télévision en circuit fermé est nécessaire pour permettre à l'enfant de faire un récit complet et précis des faits.

La loi de l'Ontario est plus large que les dispositions relatives à la télévision en circuit fermé de la Colombie-Britannique, de la Saskatchewan ou du paragraphe 486(2.1) du Code criminel.  Aux termes du paragraphe 18.4(2) de la Loi sur la preuve[285], l'un ou l'autre des critères suivants doit être respecté :

(1)   l'intérêt véritable de l'enfant exige l'utilisation de la télévision en circuit fermé; ou
 
(2) un écran ou un dispositif semblable ne suffit pas pour que le témoin puisse donner un témoignage complet et exact.

Il faudrait que les textes législatifs permettent à tous les jeunes de témoigner par le biais de la télévision en circuit fermé dans les litiges relatifs au divorce, à la garde ou au droit de visite.

3.3.4 Le recours aux bandes vidéo

L'enregistrement magnétoscopique des déclarations d'un enfant est une autre façon pour les tribunaux d'entendre directement les désirs et les intérêts d'un enfant.  On a annoncé l'enregistrement magnétoscopique comme une des façons les plus innovatrices pour obtenir les opinions et les observations des enfants[286].  Comme l'affirme la Commission de réforme du droit de l'Australie[287] :

Il est clair que la manière traditionnelle de prendre les témoignages subit un réexamen minutieux en fonction du développement de la technologie moderne, et que l'enregistrement magnétoscopique est considéré comme une façon d'utiliser la technologie pour traiter plus humainement les témoins enfants.

Deux façons d'obtenir les opinions de l'enfant au moyen des bandes vidéo sont examinées : a) le témoignage sur bande vidéo et b) les entrevues sur bande vidéo.

a) Le témoignage sur bande vidéo

Certaines administrations permettent aux enfants de témoigner sur bande vidéo.  L'enfant est interrogé et contre-interrogé devant un juge dans une petite salle plus appropriée que la salle d'audience.  La procédure est informelle.  On laisse de côté la toge, et le juge, les avocats et l'enfant sont assis à la même table.  Les parties en cause dans le litige ne sont pas présentes dans la salle; elles assistent à l'interrogatoire derrière un écran à vision unidirectionnelle ou par le biais d'une télévision en circuit fermé.  Elles communiquent avec leurs avocats à l'aide d'un microphone et d'un écouteur[288].

L'enregistrement sur bande vidéo du témoignage de l'enfant est présenté au procès quelques mois plus tard.  Le témoignage sur bande vidéo offre notamment les avantages suivants[289] :

(1) l'enfant n'est pas obligé de comparaître lors du procès;
(2) l'enfant peut exprimer ses opinions dans un cadre moins formel;
(3) l'enfant n'a pas à subir l'angoisse que peut causer une attente de plusieurs mois avant que le procès ait lieu.

La preuve par témoignage enregistré, appelée également la déposition sur bande vidéo, est offerte aux enfants dans les systèmes juridiques des pays du continent européen ainsi que dans les administrations de common law.  La Nouvelle-Galles du Sud, les pays scandinaves et certains États américains permettent cette façon de rendre témoignage pour les jeunes[290].  L'Ontario a ajouté récemment à la Loi sur la preuve[291] une disposition sur l'enregistrement magnétoscopique du témoignage.  Les enfants peuvent bénéficier de l'article 18.3 si (1) cette façon de faire est dans l'intérêt véritable de l'enfant, ou si (2) cela aidera vraisemblablement le témoin à donner un témoignage complet et exact.  Les avocats des parties doivent être présents au moment du témoignage et doivent avoir l'occasion d'interroger l'enfant « de la même façon que s'ils témoignaient en salle d'audience »[292].

b) Les entrevues sur bande vidéo

Plusieurs administrations permettent que des entrevues de l'enfant enregistrées sur bande vidéo plusieurs mois avant le procès soient déposées en preuve dans l'instance judiciaire.  Un tel moyen offre l'avantage de permettre des entrevues dans un cadre décontracté qui réduit au minimum l'angoisse chez l'enfant.  Le juge des faits bénéficie également d'éléments de preuve plus complets que ne fournirait un témoignage donné des mois plus tard dans un milieu plus menaçant.  La bande vidéo capte la terminologie de l'enfant, ses expressions corporelles et ses réactions émotionnelles[293].  Selon la Cour suprême du Canada, « des études scientifiques indiquent que, comparativement à la salle d'audience, le cadre plus restreint et plus intime d'un enregistrement magnétoscopique permet d'accroître de façon significative la qualité et la fiabilité du témoignage des enfants »[294].  Comme l'affirment Spencer et Flin dans The Evidence of Children:  The Law and the Psychology[295], les entrevues enregistrées sur bande vidéo :

[...] permettent au tribunal de disposer d'un compte rendu plus exact du récit qu'a fait l'enfant au moment où l'affaire a été dévoilée, avant que le temps efface certains détails de leur mémoire, et avant que les suggestions ou les questions des adultes en implantent d'autres.

Un autre avantage des entrevues sur bande vidéo est que les parents peuvent regarder l'enregistrement avant le procès et en conséquence, peuvent être plus disposés à tenir compte des besoins et des souhaits de leurs enfants dans leurs représentations au tribunal.

La disposition ajoutée par le gouvernement fédéral au Code criminel en 1988, puis modifiée en 1997[296], exige l'application de plusieurs conditions pour qu'une entrevue sur bande vidéo d'un enfant soit admissible.  L'article 715.1[297] ne s'applique qu'à l'égard des infractions relatives aux mauvais traitements infligés à un enfant.  En outre, l'enregistrement doit être fait dans un délai raisonnable après l'infraction.  La loi prévoit également que l'enfant doit comparaître au procès et confirmer le contenu de l'enregistrement.  L'enfant peut être interrogé et contre-interrogé par les avocats.  La Cour suprême du Canada a fait remarquer que même si l'enfant doit comparaître devant le tribunal, le dépôt de l'enregistrement magnétoscopique réduit le temps au cours duquel l'enfant est tenu de rester à la barre des témoins lors du procès[298].

La province de la Saskatchewan permet que les entrevues des enfants enregistrées sur bande vidéo soient admises dans les instances civiles.  L'article 42.2 de la Saskatchewan Evidence Act[299]prévoit les dispositions qui suivent.

Dans toute instance dans laquelle un témoin qui avait moins de 18 ans au moment de l'incident au sujet duquel il témoigne, un enregistrement magnétoscopique :

a) fait dans un délai raisonnable après l'incident, et

b) dans lequel le témoin relate l'incident,

est admissible en preuve si le témoin confirme dans son témoignage le contenu de l'enregistrement.

La disposition de la Saskatchewan ne se limite pas aux cas de mauvais traitements et, par conséquent, les entrevues sur bande vidéo des enfants sont admissibles dans tous les procès civils.  Cependant, comme le prévoit l'article 715.1 du Code criminel, l'enfant doit comparaître au procès pour confirmer le contenu de l'enregistrement et il peut être interrogé et contre-interrogé.

En Ontario, il est nécessaire d'obtenir l'autorisation du tribunal pour que des entrevues sur bande vidéo soient produites en preuve dans les instances civiles.  Même si toutes les personnes âgées de moins de 18 ans peuvent en bénéficier, les enfants doivent aussi être présents au tribunal pour confirmer le contenu de l'enregistrement[300].

Il est important de signaler que dans toute procédure judiciaire, un juge a le pouvoir discrétionnaire de refuser d'admettre, ou d'écarter, des parties de l'enregistrement qui ont peu de valeur probante.

Dans R. c. L.(D.O.), une affaire dans laquelle la validité de l'article 715.1 du Code criminel a été maintenue, la Cour suprême du Canada énumère des facteurs que les juges peuvent prendre en considération dans l'exercice de leur pouvoir discrétionnaire d'admettre une déclaration d'un enfant enregistrée sur bande vidéo[301].  Ces facteurs sont notamment :

a) le genre des questions utilisées par toute autre personne apparaissant sur la bande;

b) l'intérêt de toute personne participant à la prise de la déclaration;

c) la qualité de la reproduction magnétoscopique et sonore;

d) la présence ou l'absence d'éléments de preuve admissibles dans la déclaration;

e) la possibilité d'éliminer les éléments inadéquats par l'épuration de la bande.

En conclusion, les entrevues des enfants enregistrées sur bande vidéo devraient être admissibles dans les procédures dans lesquelles la garde et le droit de visite sont des questions que doit trancher le tribunal.  Dans la mesure où le juge estime que l'enregistrement magnétoscopique est fiable, cet enregistrement devrait faire partie des éléments de preuve que le tribunal doit prendre en considération dans les instances en droit de la famille.

3.3.5 La présence d'une personne de confiance

La présence d'une personne de confiance pour offrir aux enfants un soutien affectif au cours des procédures judiciaires a été préconisée par les organismes de réforme du droit, les professeurs d'université et d'autres membres de la profession juridique[302].  Aux audiences du Comité mixte spécial sur la garde et le droit de visite des enfants, les enfants se sont plaints de ne pas avoir de réseau de soutien comme celui dont profitaient leurs parents[303].

Les personnes de confiance peuvent être très utiles.  Elles peuvent discuter avec l'enfant des angoisses qui les assaillent en raison de la séparation ou du divorce de ses parents.  Les personnes de confiance peuvent expliquer à l'enfant les étapes des procédures, elles peuvent être tout près de l'enfant au moment où il rend son témoignage et être présentes lorsque l'enfant attend au tribunal ou dans le cabinet d'un avocat.  De plus, la personne de confiance peut rappeler à l'enfant que le fait d'exprimer ses opinions et ses intérêts à la personne qui rendra la décision judiciaire est un exercice important et utile.  Comme l'affirme la Commission de réforme du droit de l'Écosse, la présence d'un adulte de confiance à ses côtés peut, dans certains cas, « rassurer un jeune enfant pour l'aider à témoigner d'une façon claire et en toute confiance »[304].

Dans les procédures pénales au Canada, les enfants de moins de 14 ans qui auraient subi des mauvais traitements peuvent avoir une personne de confiance à leurs côtés pendant qu'ils témoignent[305].  Selon le paragraphe 486(1.2) du Code criminel, l'enfant peut obtenir l'aide de la personne de confiance de son choix.  Un témoin au procès peut agir comme personne de confiance si le juge qui préside le procès, le juge de la cour provinciale ou le juge de paix estime que la bonne administration de la justice l'exige.  Selon le paragraphe 486(1.4) du Code, le juge peut interdire toute communication entre la personne de confiance et le témoin pendant que celui-ci témoigne.

L'Ontario permet à une personne de confiance d'être présente aux côtés de toute personne de moins de 18 ans dans les instances civiles[306].  La Loi sur la preuve donne des exemples de circonstances dans lesquelles une personne de confiance peut ne pas convenir[307] :

a) le tribunal est d'avis que la personne peut essayer d'influer sur le témoignage de l'enfant;

b) le comportement de la personne de confiance est perturbateur;

c) la personne de confiance est également un témoin dans l'instance.

Dans de tels cas, l'enfant aura la possibilité de choisir une autre personne de confiance.

Il est recommandé que les lois canadiennes permettent aux enfants de désigner une personne de confiance qui leur prodiguera un soutien affectif au cours des procédures en matière de divorce, de garde et de droit de visite.

3.3.6 Le rôle du juge

Dans les procédures en droit de la famille, les juges ont un rôle important à jouer lorsqu'il s'agit de la protection des enfants[308].  Les juges ont la compétence inhérente pour contrôler leurs propres procédures pour la bonne administration de la justice.  Il est essentiel que les juges prennent des mesures pour veiller à ce que, dans les affaires en droit de la famille, les enfants soient traités « en tenant compte comme il se doit de la dignité et de l'intimité légitime de l'enfant, sans chercher à l'intimider ou à l'humilier »[309].  Comme l'a déclaré un juge de l'Ontario, les juges doivent clairement « veiller à ce qu'il n'y ait pas d'abus dans l'exercice des représentations devant le tribunal »[310].

Les psychologues Gail Goodman et Vickie Helgeson ont noté la façon dont se comportent des avocats à l'égard des enfants dans les procédures judiciaires.  Certains avocats n'hésitent pas à recourir à des pratiques comme l'utilisation de termes compliqués, de doubles négatives, de constructions de phrases élaborées et de techniques d'intimidation en vue d'ébranler la confiance de l'enfant[311].  Les juges peuvent s'assurer que le niveau de langue est adapté en fonction de l'âge dans tous les débats et ils peuvent contrôler les avocats qui cherchent à intimider l'enfant[312].  De même, les juges peuvent protéger l'enfant en empêchant qu'on lui pose des questions qui l'obligent à indiquer une préférence pour un ou l'autre de ses parents.  Dans Pour l'amour des enfants, le Comité mixte spécial a fait mention d'un juge, au Michigan, qui a pour règle d'informer les enfants, dans les affaires de garde et de droit de visite, que c'est lui et non l'enfant qui prend la décision[313].  Ces déclarations visent à faire en sorte que l'enfant ne prenne pas la responsabilité de l'issue de la cause.

Les juges peuvent aussi s'assurer que l'environnement physique favorise l'obtention du témoignage de l'enfant dans un milieu qui réduit l'inquiétude.  Par exemple, un enfant peut être plus à l'aise pour s'adresser au juge à partir d'un endroit autre que la barre des témoins.  Il est important pour les juges de suivre des cours de psychologie de l'enfant et d'acquérir des aptitudes à communiquer avec les enfants.

La Cour suprême du Canada a accepté l'opinion selon laquelle les juges ont un rôle crucial à jouer à l'égard des enfants qui participent au processus judiciaire.  Dans l'affaire R. c. L.(D.O.)[314], le juge L'Heureux-Dubé a déclaré ce qui suit :

À mon avis, dans la présente affaire comme dans d'autres mettant en cause des témoins fragiles tels les enfants, il incombe au juge du procès de veiller à ce que l'enfant comprenne les questions posées et à ce que son témoignage soit clair et sans ambiguïté.  À cette fin, il se peut qu'il soit obligé de clarifier ou de reformuler des questions posées par les avocats et de poser des questions additionnelles pour clarifier les réponses de l'enfant.  Pour assurer la bonne marche du procès, le juge se doit de créer une atmosphère propice au calme et à la détente de l'enfant.

3.4 Entendre l'opinion de l'enfant au moyen du témoignage des tiers - le ouï-dire

Dans certains cas, il se peut que l'enfant ne souhaite pas exprimer directement son opinion au juge sur les questions de garde et de droit de visite.  Il se peut que l'enfant préfère exposer ses craintes, ses intérêts ou ses opinions à un travailleur social, un enseignant, un psychologue, un pédiatre ou une autre personne en qui il a confiance.  Le fait qu'une tierce personne communique au tribunal les opinions de l'enfant constitue une preuve par ouï-dire et est généralement inadmissible, sauf dans certaines conditions particulières.

La règle du ouï-dire, une des plus vieilles en droit de la preuve, est définie comme suit[315] :

Une déclaration d'une autre personne faite par un témoin à l'instance et présentée en preuve pour établir la véracité d'un fait.

Le motif historique de l'inadmissibilité des déclarations faites par ouï-dire tient à ce que l'élément de preuve est en soi peu digne de foi.  Une telle déclaration ne permet pas le contre-interrogatoire de la personne qui l'a faite en vue de vérifier sa perception, sa mémoire, son récit et sa sincérité[316].

La règle du ouï-dire et la pléthore d'exceptions à cette règle ont fait l'objet de critiques.  On a affirmé que la règle du ouï-dire est « inutilement compliquée » et qu'elle « est dénuée de tout principe unificateur cohérent »[317].  Comme l'a déclaré Lord Devlin de la Chambre des Lords dans l'affaire Official Solicitor to The Supreme Court v. K., il y a « des règles de convenance plutôt que des principes, et la règle qui interdit le ouï-dire [...] en est une »[318].

On a préconisé pour diverses raisons une réforme de la règle du ouï-dire.  D'abord, souvent les déclarations des enfants présentées par ouï-dire ne répondent pas aux exigences des exceptions de common law à la règle du ouï-dire comme, par exemple, les aveux d'une partie, les déclarations concernant l'état physique, affectif et mental, ou les déclarations spontanées. Ensuite, on prétend que le témoignage d'un enfant fait par ouï-dire peut se révéler la meilleure preuve concernant le sujet en litige[319].  Les intervenants du système de justice ainsi que les professionnels comme les pédopsychologues et les pédopsychiatres affirment que les déclarations spontanées faites par un enfant à une tierce personne peuvent être d'une très grande valeur probante.  Comme l'affirme un juge de l'Ontario[320] :

[Lorsque] les procédures concernent l'intérêt supérieur, la sécurité et, dans certains cas, la vie de l'enfant, compte tenu de la très grande importance de ces questions, les règles de preuve devraient être écartées lorsqu'elles peuvent empêcher le tribunal d'entendre tous les éléments de preuve qui permettraient de l'aider à déterminer le résultat qui s'impose.

De même, dans l'arrêt R. c. B.(G.),Mme le juge Wilson a déclaré qu'il est important que les tribunaux adoptent « une attitude beaucoup plus bienveillante à l'égard du témoignage des enfants »[321].

Une autre raison pour laquelle les juristes appuient la libéralisation de la règle du ouï-dire à l'égard des enfants est le désir d'éviter aux enfants l'expérience de témoigner devant le tribunal[322].  Un enfant peut refuser de relater à la cour ses opinions, ou il peut ne pas pouvoir le faire.  Si les déclarations que fait un enfant à une autre personne sont déclarées inadmissibles puisque contraires à la règle du ouï-dire, il se peut que le tribunal, dans ses délibérations, ne puisse prendre en considération des éléments de preuve possiblement valables.

Le jugement rendu par la Cour suprême du Canada en 1991 dans l'affaire R. c. Khan[323] constitue une décision importante concernant les déclarations des enfants présentées par ouï-dire.  Dans cette poursuite pénale contre un médecin accusé d'agression sexuelle à l'endroit d'un enfant de 3 1/2 ans, le juge McLachlin a déclaré que la preuve par ouï-dire a souvent été un obstacle à la réception du témoignage d'un enfant[324] :

Traditionnellement, la règle du ouï-dire a été considérée comme absolue, sous réserve de diverses catégories d'exceptions comme les aveux, les déclarations de mourants, les déclarations contre intérêt et les déclarations spontanées.  Bien que cette attitude ait procuré un certain niveau de certitude à la règle en matière de ouï-dire, elle s'est souvent révélée trop rigide devant de nouvelles situations et de nouvelles exigences du droit.  Au cours des dernières années, les tribunaux ont donc parfois adopté une attitude plus souple, fondée sur les principes qui sous-tendent la règle du ouï-dire, plutôt que sur les restrictions des exceptions traditionnelles.

La Cour suprême du Canada a retenu les critères de la nécessité et de la fiabilité comme conditions de l'admissibilité des déclarations des enfants relatées par une autre personne.  Il faut démontrer que la déclaration de l'enfant à une tierce personne est « raisonnablement nécessaire »[325].  Par exemple, la preuve fondée sur des évaluations psychologiques indiquant que le fait de témoigner devant la cour traumatisera l'enfant ou lui causera un préjudice psychologique peut être suffisante.  Le fait que l'enfant ne satisfait pas aux exigences provinciales ou fédérales en matière de compétence devrait aussi répondre à la condition de la « nécessité ».  Dans l'arrêt Khan, la cour a signalé qu'il ne s'agissait là que de quelques-unes des circonstances pouvant respecter cet élément du critère[326].

Le second critère d'admissibilité des déclarations des enfants relatées par une autre personne est « la fiabilité ».  Comme l'a déclaré le juge McLachlin[327] :

Plusieurs considérations comme le moment où la déclaration est faite, le comportement de l'enfant, sa personnalité, son intelligence et sa compréhension des choses ainsi que l'absence de toute raison de croire que la déclaration est le produit de l'imagination peuvent être pertinentes à l'égard de la question de la fiabilité.

La cour a pris soin de signaler qu'elle ne voulait pas établir une liste précise des facteurs qui doivent être présents pour satisfaire à l'élément « fiabilité » du critère; elle a plutôt signalé que « les questions relatives à la fiabilité vont varier avec l'enfant et les circonstances et relèvent davantage du juge du procès »[328].  Dans les arrêts R. c. D.R.[329] et R. c. Smith[330], la Cour suprême du Canada a élaboré davantage le critère de la fiabilité.  Elle a déclaré qu'il suffit d'établir, pour que les déclarations soient admises en preuve, une garantie circonstancielle de fiabilité; il n'est pas nécessaire de démontrer que les déclarations présentées par ouï-dire sont absolument dignes de foi.  Les principes énoncés dans l'arrêt R. c. Khan ont été appliqués dans la poursuite civile invoquant la faute professionnelle intentée contre le D Khan.[331].

Une controverse constante entoure la question de savoir si les règles d'admissibilité des déclarations présentées par ouï-dire énoncées dans R. c. Khan devraient s'appliquer dans les instances civiles, et en particulier dans les cas de garde d'enfant et de protection de l'enfant.  Un examen des décisions en matière civile révèle que l'incertitude persiste quant au critère qu'il convient d'appliquer à la réception des déclarations des enfants faites hors la présence du tribunal.  Comme l'a indiqué la Cour d'appel de l'Alberta dans Re J.M.[332] :

Un examen des dossiers de garde d'enfant et de tutelle révèle un écart important quant à l'application des règles généralement acceptées relatives à l'admissibilité du ouï-dire.  La tendance au relâchement de ces règles dans les affaires de garde d'enfant et de tutelle est souvent apparente.

Certains tribunaux civils ont appliqué les principes de l'arrêt R. c. Khan dans les décisions relatives à la garde et au droit de visite.  C'était le cas dans l'affaire New Brunswick Minister and Community Services v. E.J.L.[333] et dans l'affaire C.(C.) v. B.(L.)[334] à Terre-Neuve.  Dans la poursuite disciplinaire intentée contre le Dr Khan, la Cour d'appel de l'Ontario a déclaré que les principes de « nécessité » et de « fiabilité » s'appliquent dans les instances civiles mettant en cause des déclarations d'enfants présentées par ouï-dire.  Toutefois, selon le juge Doherty, les deux principes articulés dans R. c. Khan peuvent ne pas s'appliquer avec la même rigueur dans les instances civiles[335] :

Même si Khan était une affaire pénale, je conviens avec la Cour divisionnaire à la majorité que les principes établis dans Khan régissent l'admissibilité, dans l'audience disciplinaire, des déclarations hors la présence du tribunal faites par Tanya.  Selon le paragraphe 12(6) de la Loi sur les sciences de la santé, les règles de preuve en matière civile s'appliquent dans ces instances.  Comme aucune disposition législative ne régit l'admissibilité de la déclaration en matière civile, les règles de la common law s'appliquent.  Le fait que dans l'affaire Khan, la cour se soit appuyée sur l'arrêt Ares c. Venner, une décision en matière civile, indique que les critères de nécessité et de fiabilité énoncés dans Khan s'appliquent également, peu importe que la déclaration hors la présence du tribunal faite par l'enfant soit présentée dans une instance civile ou dans une instance pénale.  Cela ne veut pas dire que la décision de savoir si ces critères ont été respectés sera la même peu importe la nature de l'instance, mais uniquement que les deux facteurs devront être examinés dans les deux types d'affaires.  De même, je n'ai pas à examiner l'admissibilité de ces déclarations dans des affaires qui ne sont ni pénales ni civiles, ou qui peuvent découler de dispositions législatives spécifiques, par exemple de la Loi sur les services à l'enfance et à la famille.

On a fait valoir que les déclarations présentées par ouï-dire devraient être restreintes à une question de valeur probante plutôt que d'admissibilité.  Plusieurs administrations, notamment la France et les Pays scandinaves, ont aboli la règle du ouï-dire tant en matière civile qu'en matière pénale.

Il est recommandé que les législateurs envisagent l'adoption d'une disposition législative applicable aux déclarations des enfants présentées par ouï-dire dans les affaires de divorce, de garde et de droit de visite.  Dès lors que le tribunal estime que les déclarations sont « fiables », la preuve devrait être admise.  En d'autres termes, seul l'élément fiabilité du critère de l'arrêt Khan devrait être retenu.  On s'assurera ainsi que dans leurs délibérations, les juges tiennent compte des déclarations des enfants.  Une fois que la preuve est admise, le juge évaluera l'importance qu'il faut accorder à ces déclarations.

3.5 Les entretiens avec le juge

La pratique consistant pour le juge à s'entretenir en privé avec un enfant pour vérifier les désirs de celui-ci est une question controversée.  Selon les personnes qui favorisent cette pratique, les enfants peuvent ne pas se sentir à l'aise pour exprimer leurs points de vue dans la salle d'audience ou en présence de leurs parents[336].  Un entretien avec le juge, selon eux, permet aux enfants d'exprimer librement et calmement leurs points de vue.

Un entretien avec le juge a généralement lieu dans le bureau du juge, même si certains juges ont accompagné les enfants dans un « parc propice aux échanges »[337].  Selon ceux qui préconisent une telle pratique, cela réduit le préjudice psychologique que peut causer à l'enfant le fait de participer au processus judiciaire.  Ils affirment aussi que cela permet d'obtenir une idée plus exacte des opinions de l'enfant « sans qu'il soit soumis au système de débat contradictoire et aux suggestions des autres »[338].

L'opposition aux entretiens avec le juge a toutefois été vociférante.  Les juges Abella, L'Heureux-Dubé, Rothman, Huddart et Nasmith affirment que la pratique de l'entretien avec des enfants dans le cabinet du juge n'est pas une bonne façon pour s'assurer des désirs de l'enfant[339].

Plusieurs raisons sont avancées pour justifier cette position.  L'entretien avec le juge, affirme-t-on, a lieu dans un milieu intimidant et est dirigé par une personne qui n'a pas l'habileté requise pour poser des questions aux enfants et interpréter leurs réponses.  On affirme que le peu de temps que dure l'entretien permettrait difficilement d'évaluer en profondeur les explications de l'enfant au sujet de ses désirs[340].  De plus, dans un système de débat contradictoire, l'entretien avec le juge est considéré par certains comme une violation, par le juge, de son rôle de juge impartial des faits[341].  Cela est dû au fait que le juge qui pose des questions à un enfant dans un entretien joue un rôle d'inquisiteur.  On craint également qu'il y ait une violation des droits à l'équité procédurale des parents puisqu'ils ne sont pas présents lors de l'entretien et que, par conséquent, ils ne sont pas en mesure de réfuter les déclarations de l'enfant.  Dans l'arrêt Hamilton v. Hamilton[342], la Cour d'appel de la Saskatchewan a conclu qu'un entretien ne devrait pas servir à obtenir des éléments de preuve essentiels que les parties en cause dans le litige ne pourraient contester.  Dans « The Inchoate Voice », le juge Nasmith résume comme suit les raisons pour lesquelles il réprouve les entretiens avec le juge comme moyen d'obtenir l'opinion de l'enfant[343] :

1. cela ne constitue pas une preuve;

2. a teneur de l'entretien ne peut être examinée en appel;

3. il y a négation des droits des parties;
 
4. rien n'empêche l'enfant d'énoncer une préférence;

5. il n'apparaît pas que justice a été rendue.

Dans l'arrêt Jandrisch v. Jandrisch[344], le juge Huband de la Cour d'appel du Manitoba a déclaré que le juge de première instance a le pouvoir discrétionnaire de rencontrer les enfants en privé sans la présence des avocats.  Toutefois, il est important que l'on ait un compte rendu de ce qui a été dit lors de l'entretien au cas où les droits des parties donnent lieu à un appel.  S'il n'est pas possible d'avoir une transcription de tout ce qui a été dit, le juge doit pouvoir fournir un compte rendu de l'entretien.  Dans l'affaire Demeter v. Demeter[345], deux enfants âgés respectivement de 8 et 13 ans ont eu un entretien individuel avec le juge dans son bureau.  Un sténographe était présent.  Les parties ont été informées que les désirs de l'enfant leur seraient exposés, mais uniquement en termes généraux.  On justifiait cette décision par le fait que la communication du contenu intégral de l'entretien pourrait gêner les enfants ou porter atteinte à leurs rapports ultérieurs avec chacun de leurs parents.

On soutient que l'on ne devrait recourir à l'entretien avec le juge que s'il n'y a pas d'autres moyens pour obtenir l'opinion de l'enfant[346].  Certains critères doivent être respectés : un sténographe doit être présent pour transcrire ce qui s'est dit lors de l'entretien, l'enfant devrait savoir à l'avance que ce qu'il déclare au juge sera répété aux parties, et l'avocat de l'enfant devrait être présent[347].

Selon l'article 394.4 du Code de procédure civile du Québec, un juge peut interroger l'enfant hors de la présence des parties.  Les parties doivent être avisées de l'entretien avec le juge et une transcription des notes sténographiques ou une copie de l'enregistrement de l'entretien doit être fournie aux parties sur demande.  De même, selon le paragraphe 64(3) de la Loi portant réforme du droit de l'enfance[348], l'entretien avec le juge doit être enregistré.

3.6 L'aménagement des salles d'audience en fonction des besoins de l'enfant

L'aménagement des salles d'audience au Canada peut accroître l'inquiétude chez l'enfant qui désire participer aux procédures en matière de divorce, de garde ou de droit de visite.  La grandeur de la salle, la position élevée du juge et la tribune du public sont intimidants.  Selon les enfants qui ont témoigné dans une instance judiciaire, l'isolement de la barre des témoins leur donne l'impression qu'ils subissent un procès.  L'acoustique déficiente et les lacunes des systèmes de sonorisation déroutent les enfants que l'on interrompt continuellement au cours de leur témoignage pour leur demander de parler plus fort[349].

Il conviendrait que les fonctionnaires fédéraux et provinciaux envisagent la conception de salles d'audience adaptées aux enfants pour les litiges en matière de droit de la famille.  Une salle plus petite, moins formelle, peut réduire le stress chez l'enfant et se traduire par un témoignage plus complet.  L'ajout de sièges d'enfant, une meilleure acoustique et une meilleure sonorisation sont des mesures qui peuvent être prises à peu de frais.  Il convient de signaler qu'une salle d'audience adaptée aux enfants a été aménagée à Toronto pour les affaires d'exploitation sexuelle des enfants.  La salle se trouve dans une section isolée du Palais de justice.  On y trouve une entrée réservée aux enfants, un système de sonorisation a été installé et des sièges d'enfant sont disponibles[350].


4.0       CONCLUSION ET RECOMMANDATIONS

Au Canada, les enfants ont peu l'occasion de participer directement aux instances en matière de divorce, de garde et de droit de visite.  L'opinion des enfants, dans les cas où elle peut être entendue, est généralement transmise par des tiers comme les parents, les parties au litige ou des professionnels, notamment des travailleurs sociaux ou des psychologues[351].  En général, les enfants canadiens n'ont pas accès à la représentation par avocat indépendant dans les causes de divorce, de garde et de droit de visite, et on ne leur donne pas la possibilité d'exprimer leurs désirs, leurs opinions ou leurs préférences directement au juge.

Au cours des dernières années, la situation de l'enfant dans les procédures en matière de divorce, de garde et de droit de visite a fait l'objet d'un réexamen.  On reconnaît de plus en plus qu'un enfant est un être humain indépendant, distinct de ses parents, et qu'il peut avoir des opinions différentes et des préférences.  On commence à saisir toute l'importance de transmettre les opinions de l'enfant aux juges qui sont appelés à prendre des décisions d'une grande portée sur la vie de l'enfant.  Dans le rapport intitulé Pour l'amour des enfants publié en 1998, le Comité mixte spécial sur la garde et le droit de visite des enfants a fait ressortir l'importance d'écouter l'opinion des enfants.  Le Canada doit aussi s'acquitter de ses obligations internationales en tant que signataire de la Convention des Nations Unies relative aux droits de l'enfant.

Il est recommandé que les fonctionnaires fédéraux et provinciaux mettent en œuvre les propositions législatives et non législatives suivantes, de telle sorte que l'opinion de l'enfant soit entendue d'une façon significative dans les instances en matière de divorce, de garde et de droit de visite.

1. L'article 12 de la Convention des Nations Unies relative aux droits de l'enfant devrait être expressément incorporé dans les lois provinciales et fédérales relatives au divorce, à la garde et au droit de visite.  Les enfants qui sont capables de former leurs propres opinions sur ces questions doivent se voir offrir une possibilité d'exposer ces opinions au juge.

2. Les lois fédérales et provinciales relatives au divorce, à la garde et au droit de visite devraient être modifiées par l'ajout d'une disposition prévoyant que les enfants ont le droit d'être représentés par un avocat indépendant. 

3. Un enfant de 5 ans ou plus devrait être réputé capable de communiquer son opinion à un avocat. 

4. Dans la mesure où l'enfant peut communiquer son point de vue à un avocat, sa relation avec l'avocat devrait être une relation entre l'avocat et son client.  Le conseiller juridique qui représente l'enfant est tenu d'exposer les désirs et les préférences de l'enfant en fonction du principe selon lequel les enfants ont droit à ce que le tribunal entende leurs points de vue sur les questions qui lui sont exposées et qu'il les prenne en considération.

5. Le secret professionnel de l'avocat devrait être préservé entre l'enfant et son procureur. 

6. Pour les enfants qui ne sont pas en mesure de communiquer leurs points de vue et qui ne souhaitent pas être représentés par un avocat indépendant, un avocat devrait être chargé d'agir en qualité de amicus curiae.  Cet avocat doit recueillir des éléments de preuve qui peuvent ne pas être présentés à la cour par les parties. L'amicus curiae doit veiller à ce qu'un compte rendu complet des faits soit exposé au tribunal. 

7. Un Bureau de l'avocat des enfants doit être établi dans chaque province où il n'y en a pas déjà.  Le Bureau de l'avocat des enfants a la responsabilité d'informer les enfants de leur droit d'être représentés par un avocat indépendant, de nommer et de former des avocats des enfants, et de veiller à la qualité des services qu'ils offrent.  Dans chaque province, le Bureau de l'avocat des enfants doit avoir un financement suffisant pour appuyer ces activités. 

8. Les avocats doivent acquérir l'expérience requise pour représenter les enfants dans les instances en matière de garde, de droit de visite et de divorce.  L'expérience requise doit leur permettre notamment d'interroger les enfants, de communiquer l'information dans un langage simple et compréhensible, de comprendre la psychologie de l'enfant et de connaître les ressources communautaires offertes aux enfants. 

9. Les avocats qui représentent les enfants devraient être rémunérés par le régime d'aide juridique de chaque province. 

10. Le barreau de chaque province devrait élaborer un code de déontologie à l'intention des avocats qui représentent les enfants. 

11. Les règles législatives en matière de compétence des enfants dans les instances fédérales et provinciales devraient : 

(i) prévoir une présomption de compétence des enfants;

(ii) abroger les exigences de corroboration du témoignage des enfants;

(iii) prévoir que les enfants qui peuvent communiquer leurs points de vue et qui comprennent la promesse de dire la vérité puissent témoigner;

(iv) comporter une disposition prévoyant que le témoignage d'un enfant qui ne comprend pas la promesse de dire la vérité est admissible si, de l'avis du tribunal, ce témoignage est digne de foi. 

12. Les lois fédérales et provinciales devraient être modifiées par l'ajout d'une disposition prévoyant que dans les pr

océdures en matière de divorce, de garde et de droit de visite, tous les enfants ont droit de témoigner derrière un écran. 

13. Les enfants devraient avoir le droit, en vertu d'une disposition législative, de témoigner par le biais de la télévision en circuit fermé dans les instances en matière de divorce, de garde et de droit de visite. 

14. La loi devrait prévoir que les enfants ont le droit de fournir un témoignage sur bande vidéo dans les instances en matière de divorce, de garde et de droit de visite. 

15. Les lois fédérales et provinciales devraient prévoir des dispositions permettant des entretiens sur bande vidéo si une telle preuve est digne de foi.  L'enfant ne devrait pas être tenu de comparaître au procès pour confirmer le contenu de l'entrevue, ni être tenu de se prêter au contre-interrogatoire. 

16. Les lois fédérales et provinciales devraient être modifiées par l'ajout d'une disposition prévoyant que l'enfant a droit à l'aide d'une personne de confiance dès le début du litige. 

17. Les juges devraient prendre des mesures pour assurer la protection des enfants dans les instances relatives au divorce, à la garde et au droit de visite.  Par exemple, les débats devraient être menés dans un niveau de langue adapté en fonction de l'âge et il faudrait interdire aux avocats d'intimider les enfants. L'environnement physique devrait inciter l'enfant à donner son opinion. 

18. L'enfant devrait avoir droit à un interprète lorsque la langue ou une infirmité pose un obstacle à la communication dans les procédures en matière de divorce, de garde et de droit de visite. 

19. Les lois fédérales et provinciales devraient être modifiées par l'ajout d'une disposition prévoyant que la preuve par ouï-dire des déclarations des enfants est admissible si, de l'avis de la cour, elle est « fiable ».  Le critère de « nécessité » énoncé dans l'arrêt R. c. Khan ne devrait pas être requis dans les procédures de garde et de droit de visite et les instances relatives au divorce auxquelles participent des enfants. 

20. Dans les affaires de divorce, de garde et de droit de visite, les enfants qui souhaitent exprimer leurs points de vue aux juges devraient bénéficier de salles d'audience adaptées à leurs besoins. 


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