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RAPPORT TECHNIQUE

LES FEMMES DES RÉGIONS RURALES ET LA VIOLENCE : UNE ÉTUDE VISANT DEUX COLLECTIVITÉS EN COLOMBIE-BRITANNIQUE

Yasmin Jiwani, Ph.D.
Avec l'assistance de:
Shelly Moore, Ph.D., Patricia Kachuk, Ph.D.

Decembre, 1998

Cette étude a été subventionnée par la Division de la recherche et de la statistique, ministcre de la Justice du Canada. Les opinions qui y sont exprimées sont celles des auteurs; elles ne reflctent pas nécessairement la position du Ministcre.


SOMMAIRE

On étudie dans ce rapport les abus envers les femmes, définis comme la violence qu'elles vivent dans leurs relations, dans deux collectivités rurales de la Colombie-Britannique. Ces deux collectivités ont été choisies en fonction de leurs caractéristiques démographiques et du nombre de leurs habitants, ainsi que pour des raisons pratiques liées à la disponibilité de spécialistes de la recherche communautaire vivant dans ces collectivités ou les connaissant bien. Pour qu'on ne puisse identifier les sites visés par la recherche, les personnes qui ont participé à l'étude et les recherchistes dans les collectivités, on a utilisé des pseudonymes pour désigner les sites, et tout ce qui permettrait d'identifier des lieux ou des personnes a été supprimé.

Comme stratégie de recherche, il y a notamment eu des entrevues auprès de 20 femmes victimes de violence, qui sont en sécurité depuis au moins un an et qui ne sont actuellement parties à aucune instance; auprès de 13 répondants clés représentant divers organismes au sein du système de justice pénale, des fournisseurs de services des collectivités et des organismes de défense; auprès de quatre groupes cibles; auprès de deux personnes à chaque site visé par la recherche, une rattachée aux fournisseurs de services et l'autre aux résidants de la collectivité. Au total, 61 personnes ont pris part à cette étude.

Les outils de recherche utilisés pour cette étude ont été tirés de l'étude réalisée par le ministère de la Justice en collaboration avec le Community Abuse Program of Rural Ontario (CAPRO) pour les fins de l'Ontario Rural Woman Abuse Study (ORWAS). Parmi ces outils, il y avait des questions pour une entrevue semi-dirigée avec des femmes victimes de violence et des participants de groupes cibles. On a également intégré à l'étude les guides relatifs à l'ORWAS expliquant comment mener des entrevues et faire participer des groupes cibles. Les questions pour les groupes cibles et les entrevues ont été modifiées de manière à ce qu'on traite de sujets comme la perception des niveaux de violence au sein de ces collectivités et la fourniture de services d'aide juridique, et on a demandé spécifiquement quel type d'isolement subissent les femmes vivant dans des relations de violence. En se fondant sur les outils relatifs à l'ORWAS, on a élaboré un ensemble de questions pour les répondants clés qui ont été utilisées pour les fins de l'étude.

CONCLUSIONS GÉNÉRALES

La présente étude confirme les conclusions tirées des études existantes sur la violence à l'endroit des femmes dans les collectivités rurales. Cette étude a révélé, notamment, que les femmes victimes de violence dans les régions rurales sont doublement isolées en raison de leur situation géographique et leur éloignement des services et des réseaux de soutien, ainsi que du comportement dominateur et avide de contrôle de leur partenaire. Dans certains cas, les femmes sont délibérément déplacées vers des régions éloignées par leur partenaire de manière à ce que soient coupés leurs liens avec leur famille et leurs amis. L'absence de moyens de transports adéquats et peu coûteux accentue l'isolement des femmes victimes de violence. Selon les conclusions de l'étude, les femmes désirant mettre fin à une relation de violence disposent de peu d'options, dont celle de quitter leur foyer, leurs amis, leur terre et leur collectivité. De même, plusieurs d'entre elles continuent d'être confrontées au harcèlement de leur agresseur.

Confidentialité et anonymat

L'étude a démontré que le contexte socioculturel des collectivités rurales et des petites villes n'est pas favorable à l'anonymat et au respect de la vie privée, ce qui augmente la vulnérabilité des femmes face à la stigmatisation et à l'ostracisme. L'absence d'anonymat et de confidentialité nuit considérablement à l'accès aux services par les femmes, qui craignent que soit largement diffusée l'information au sujet de la violence et de risquer de subir, de ce fait, les représailles de leur conjoint et les réactions hostiles de la collectivité. Le déni de la situation par la collectivité et les reproches adressés à la victime empirent les choses pour les femmes désirant mettre fin à une relation de violence. La connaissance personnelle des fournisseurs de services porte également atteinte à la confidentialité et ajoute à l'hésitation des femmes à rechercher de l'aide auprès d'organismes et d'institutions.

Manque de services adéquats

On a également pu observer que l'éloignement des divers services et le manque de services adéquats augmentent considérablement le risque que les femmes soient victimes d'abus et de violence meurtrière. Les participants ont exprimé de l'inquiétude au sujet de la facilité d'accès aux armes à feu, du grand nombre de celles-ci et de leur utilisation dans des situations de violence à l'endroit des femmes. On a établi que le peu d'accès à des services d'intervention d'urgence constitue un obstacle majeur en regard de la violence à l'endroit des femmes dans les collectivités rurales. L'accès aux services de transport en commun est également restreint. Les participants ont aussi fait état de la pénurie de lieux sûrs où les femmes peuvent se rendre pour obtenir du soutien. La faible population et l'emplacement des collectivités rurales contribuent à rendre les femmes vulnérables face au harcèlement de leur ancien conjoint, comme elles n'ont aucun endroit où aller ni aucun moyen d'éviter le contact avec leur agresseur.

Les participants ont déterminé que les aspects suivants de la fourniture de services sociaux constituent des obstacles pour les femmes confrontées à la violence : le manque d'empathie du personnel; la rotation fréquente du personnel; le manque d'employés qualifiés. De même, on a établi que les obstacles découlant de l'éloignement des fournisseurs de services, du manque d'aide financière et de services de garde d'enfants permettant aux femmes de compenser cet éloignement, et l'absence de coordination parmi les fournisseurs de services restreignent la capacité des femmes de mettre fin à une relation de violence et d'y survivre. Il y a absence notoire de services destinés à satisfaire aux besoins des femmes marginalisées.

Considérations d'ordre économique

On a également pu constater que des considérations d'ordre économique et la présence d'enfants peuvent dissuader fortement des femmes à mettre fin à une relation de violence. On a mentionné que la perspective de vivre dans la pauvreté constitue un facteur majeur pouvant inciter des femmes à continuer à vivre au sein d'une relation de violence. On a également déterminé que constituent des obstacles l'absence de services et de soutien, des possibilités d'emploi restreintes et le peu de programmes éducatifs et de formation professionnelle. Des participants ont également mentionné que l'exploitation économique est l'un des moyens par lesquels les agresseurs contrôlent et dominent les femmes.

Mesures prises par les institutions

Le système de justice

Les participants ont fait montre de peu de confiance à l'endroit du système de justice, laissant entendre qu'il faut des lois plus sévères et des stratégies d'application de la loi plus efficaces pour bien transmettre comme message que la violence à l'endroit des femmes est un crime. On a déterminé, en outre, que des services judiciaires et juridiques accrus sont essentiels à la bonne administration de la justice dans les régions rurales. Les délais prolongés entre les mises en accusation et les comparutions en cour et, plus important encore, le fait que les tribunaux ne prennent pas en compte ou banalisent les situations vécues par les femmes ont été reconnus comme des obstacles importants à l'application juste et équitable de la loi.

L'étude démontre également que l'absence de secret dans les tribunaux inférieurs des régions rurales augmente les possibilités que les femmes soient encore plus intimidées par leur conjoint ou leur ex-conjoint violent. Les personnes interviewées et les participants ont également exprimé beaucoup d'inquiétude au sujet du harcèlement continu des femmes par leurs agresseurs qui recourent aux tribunaux pour demander sans cesse la modification des ententes sur la garde et la pension alimentaire.

La plupart des participants ont déclaré que, mis à part les services d'aide aux victimes offerts par la Couronne ou la police, les mesures prises par celle-ci sont inadéquates. Les vastes distances à couvrir, le personnel restreint des postes de police et l'absence de connaissances et de sensibilisation des policiers en ce qui concerne la problématique homme-femme liée à la violence envers les femmes sont mentionnés comme des facteurs contribuant à l'évaluation défavorable des mesures prises par les policiers. De même, l'absence d'anonymat, qui découle en partie de l'utilisation par les policiers de radios et de récepteurs, et la connaissance personnelle des résidants par les policiers contribuent à ce que les femmes hésitent à recourir à ces derniers. On a fait observer que, dans ce collectivités, les policiers n'appliquent pas de façon constante les politiques concernant la violence à l'endroit des femmes. Toutefois, les participants ont également souligné que les policiers qui ont bénéficié d'une formation sur la dynamique de cette violence sont davantage coopératifs et que, de plus, lorsque les chefs de police sont déterminés à faire appliquer des mesures de prévention, les autres policiers se montrent davantage sensibles aux situations vécues par les femmes victimes de violence.

Santé

En ce qui concerne les autres services institutionnels, la plupart des femmes victimes de violence ont mentionné que, mis à part leurs amis, c'est à leur médecin qu'elles ont d'abord signalé cette violence. Les réactions alors obtenues sont toutefois mitigées et plutôt négatives, ce qui laisse croire en la nécessité d'une meilleure formation des médecins en dynamique de la violence, pour qu'ils puissent satisfaire adéquatement aux besoins des femmes qui sont ou ont été victimes de violence. Les fournisseurs de services ont également formulé une telle recommandation à l'égard du personnel des hôpitaux. On a également constaté que les services de santé mentale se montrent insensibles devant les besoins de ces femmes et n'y satisfont pas de façon appropriée.

Services sociaux

On a aussi constaté que les services sociaux institutionnels ou gouvernementaux sont très déficients en ce qui concerne la sensibilisation aux besoins des femmes vivant au sein d'une relation de violence ou ayant mis fin à une telle relation, et en ce qui concerne la prise de mesures appropriées pour satisfaire à ces besoins. En particulier, on estime que les politiques concernant la prise en charge d'enfants (le ministère de l'Enfance et de la Famille de la C-B) et la fourniture d'aide financière et sociale par le ministère des Ressources humaines de la C-B ont des répercussions défavorables sur les femmes victimes de violence. La crainte qu'un enfant soit pris en charge ou que le conjoint exerce des représailles (par suite de la révélation de l'identité de l'agresseur) dissuade des femmes de mettre fin à des relations de violence.

Services utiles

Parmi les services considérés comme utiles et efficaces, on signale les maisons de transition, les centres pour femmes, divers programmes d'approche communautaires et les Services d'aide aux victimes. Toutefois, comme ces services sont sous-financés et qu'ils dépendent à l'excès du recours aux bénévoles, on estime que cela nuit considérablement à leur capacité de dispenser des services de façon suivie et d'intervenir dans les situations d'urgence.

Les recommandations formulées dans cette étude se fondent sur celles dont ont fait part des femmes victimes de violence, des répondants clés, des fournisseurs de service et des résidants des collectivités.

RECOMMANDATIONS POUR TOUS LES ÉCHELONS DE GOUVERNEMENT

Les participants ont fortement recommandé à tous les échelons de gouvernement de considérer comme prioritaire la question de la violence à l'endroit des femmes, particulièrement dans les régions rurales. Ils ont aussi insisté sur le fait qu'il est urgent d'accorder un financement accru et prolongé pour les programmes et services reliés à la violence faite aux femmes. Ils ont insisté sur la vulnérabilité des femmes victimes de violence vivant en milieu rural et sur la nécessité de mécanismes d'intervention en situation d'urgence, et ont fait part de leur appui à la prise de mesures à long terme.

RECOMMANDATIONS POUR LE SYSTÈME DE JUSTICE

Les recommandations visant le système de justice prévoient notamment que l'on traite comme crédibles et valides les situations signalées par les femmes victimes de violence; que l'on améliore les services judiciaires et d'aide juridique; que l'on sensibilise davantage les intervenants à la dynamique de la violence faite aux femmes; que l'on insiste sur l'exécution des ordonnances (les ordonnances restrictives, de non-communication et engagements de garder la paix); que l'on applique plus vigoureusement les politiques concernant la violence faite aux femmes au sein des relations intimes; que l'on augmente la représentation des femmes au sein de la police et de la magistrature; que l'on réduise les délais entre les mises en accusation et les comparutions en cour; que l'on coordonne la prise de mesures et que l'on adopte des lois plus sévères pour contrer la violence à l'endroit des femmes. Les participants ont souligné la nécessité pour le système de justice d'accorder la priorité à la protection des femmes victimes de violence. Selon d'autres recommandations, il est nécessaire que les Services d'aide aux victimes veillent à ce que les victimes soient accompagnées en cour et qu'ils servent d'intermédiaires entre les policiers, les tribunaux, les services d'aide juridique et les femmes victimes de violence. Il est également nécessaire de changer les critères d'admissibilité à l'aide juridique et la gamme des services couverts. On recommande aussi que les droits des femmes soient mieux expliqués au public.

RECOMMANDATIONS POUR LES ORGANISMES ET INSTITUTIONS DE SERVICES SOCIAUX

Les recommandations visant les organismes et institutions dispensant des services sociaux concernent la nécessité de mieux former le personnel; le réexamen et l'élimination des politiques discriminatoires; l'accroissement des services; l'adoption de mesures proactives permettant aux victimes de réintégrer le marché du travail et la société; des stratégies et programmes d'intervention précoce, et par dessus tout, la nécessité de meilleures stratégies de communication (en recourant à un langage clair et à plusieurs langues) pour informer les victimes de leurs droits et de leur admissibilité aux services, ainsi que des types de services qui sont disponibles et auxquels elles ont accès. Les participants ont recommandé l'instauration de mesures coordonnées et d'un système centralisé permettant de mieux satisfaire les besoins des femmes victimes de violence.

RECOMMANDATIONS POUR LES COLLECTIVITÉS

Parmi les recommandations visant les collectivités (résidants, organismes et entreprises) il y a celles concernant la sensibilisation accrue à la violence faite aux femmes et aux services offerts aux victimes; de meilleures stratégies d'éducation du public prévoyant par le recours aux médias, l'organisation d'événements publics et la tenue de campagnes publicitaires; le changement des attitudes à l'égard de la violence faite aux femmes et des femmes en général; l'instauration dans les écoles de cours et de stratégies concernant la prévention de la violence; un plus grand soutien aux services et initiatives communautaires. Les participants ont recommandé en outre que les collectivités adoptent une approche proactive et soient encouragées à intervenir dans les situations de violence à l'endroit des femmes.

RECOMMANDATIONS POUR LES FEMMES VICTIMES DE VIOLENCE

Les femmes ayant été victimes de violence ont notamment recommandé aux femmes vivant actuellement au sein d'une relation de violence de mettre en place des mesures de sécurité et des réseaux de soutien; de chercher les services disponibles dans leur région; de reconnaître le fait que les agresseurs ne vont pas changer; de ne pas continuer à vivre au sein d'une relation de violence à cause des enfants; de se rendre compte qu'elles ne sont pas seules.

 

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