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Rapport de recherche

Analyse des services d'avocats de garde requis selon l'arrêt Brydges

Simon Verdun-Jones
Le ministère de la Justice Canada

Les opinions exprimées dans ce document sont celles des auteurs et elles ne traduisent pas nécessairement le point de vue du ministère de la Justice Canada.


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SOMMAIRE

Chapitre 1 : Introduction

L'objectif général de notre projet de recherche est d'effectuer une analyse globale de la nature et de la portée des services requis par l'arrêt Brydges qui sont offerts actuellement aux personnes arrêtées ou détenues au Canada.

Chapitre 2 : L'arrêt Brydges et le droit à l'assistance d'un avocat : examen de la jurisprudence

Le chapitre 2 traite des principes juridiques énoncés par la Cour suprême du Canada dans l'arrêt Brydges et examine la jurisprudence qui est venue interpréter et préciser ces principes par la suite. L'analyse des arrêts postérieurs à l'arrêt Brydges porte principalement sur les décisions de la Cour suprême du Canada et sur celles des diverses cours d'appel provinciales et territoriales.

La Cour suprême du Canada

  • Les policiers sont tenus d'informer tout suspect arrêté ou mis en détention de l'existence des systèmes d'avocats de garde et d'aide juridique qui fonctionnent dans la province concernée (Brydges) et de la possibilité d'y avoir recours.
  • Les policiers sont tenus de fournir à tout suspect arrêté ou détenu des renseignements généraux sur la façon d'obtenir les services juridiques gratuits qui sont fournis par la province concernée; en particulier, ils doivent informer le suspect qu'il a la possibilité d'appeler un numéro sans frais ou de consulter la liste des numéros de téléphone des avocats de garde (Bartle, Harper, Pozniak).
  • La nature et la portée de l'obligation en matière d'information imposée aux policiers varient d'une province à l'autre, en fonction des programmes particuliers d'avocats de garde et d'aide juridique existant à un moment et dans un lieu donnés (Cobham).
  • Les gouvernements provinciaux et territoriaux ne sont pas constitutionnellement tenus de fournir sur demande des services juridiques gratuits et immédiats (Matheson, Prosper).
  • Ce qu'on appelle les « services Brydges » comprennent uniquement l'aménagement d'un accès purement temporaire à un avocat de garde (sans frais) ou la possibilité d'obtenir « sans délai » des conseils juridiques au moyen d'une ligne 1-800 (Prosper).
  • En particulier, les policiers sont tenus d'informer tout suspect arrêté ou mis en détention de la possibilité d'obtenir sans délai des conseils juridiques gratuits, notamment au moyen d'un numéro 1-800. Il ne suffit pas d'informer le suspect que le policier lui fournira un numéro de téléphone s'il souhaite consulter un avocat de garde (Feeney).
  • Les policiers ne sont pas tenus d'informer l'accusé de l'existence d'un numéro 1-800 lorsque le suspect est arrêté ou mis en détention pendant les heures ouvrables et que le numéro de téléphone du bureau local de l'aide juridique lui a été communiqué (Latimer).
  • Dans six des sept affaires dans lesquelles la Cour suprême a conclu à une violation de l'alinéa 10b) de la Charte, les preuves obtenues à la suite de cette violation ont été écartées aux termes du paragraphe 24(2).
  • La majorité des affaires dans lesquelles la Cour suprême a abordé les questions reliées aux « services Brydges » étaient des cas de conduite avec facultés affaiblies (cinq affaires sur neuf).

Cours d'appel provinciales et territoriales

Les cours d'appel ont appliqué et interprété les principes énoncés par la Cour suprême du Canada en matière de « services Brydges ». La jurisprudence apparue sur ces questions est fondée sur les principes suivants :

  • La majorité des affaires qui soulevaient des questions touchant les « services Brydges » concernaient des accusations de conduite avec facultés affaiblies.
  • L'omission de fournir des renseignements précis sur l'existence de « services Brydges » ne constitue pas une violation de l'alinéa 10b) lorsque l'accusé exerce son droit à l'assistance d'un avocat et parle effectivement à un avocat.
  • Les policiers sont tenus de fournir à un suspect arrêté ou mis en détention le numéro sans frais à composer seulement au moment où le suspect souhaite exercer son droit d'utiliser le service d'avocat de garde offert 24 heures par jour.
  • Lorsque le suspect arrêté ou détenu a été régulièrement informé des droits que lui accorde l'alinéa 10b) et renonce sciemment à la possibilité de consulter un avocat, les policiers ne sont pas tenus de lui fournir le numéro sans frais à composer.
  • Lorsqu'un suspect détenu par la police n'est pas en mesure de consulter l'avocat de son choix et choisit de consulter à la place un avocat de garde, il n'y a pas violation de l'alinéa 10b) - pourvu que le suspect semble accepter la solution consistant à communiquer avec un avocat de garde et ne réitère pas sa demande de parler à l'avocat de son choix.
  • Lorsqu'un suspect détenu ou arrêté s'efforce de communiquer avec l'avocat de son choix, les policiers doivent lui fournir la possibilité raisonnable de le faire et s'abstenir de l'interroger pendant ce temps.
  • Les policiers ne sont pas tenus d'aider le suspect à décider s'il doit consulter un avocat.
  • Lorsque le suspect ne fournit pas une réponse claire à la question de savoir s'il veut exercer son droit à l'assistance d'un avocat, les policiers doivent s'abstenir de l'interroger tant qu'ils n'ont pas obtenu une réponse non équivoque de la part du suspect. Dans ce cas, les policiers peuvent être amenés à poser d'autres questions au suspect et à lui offrir une assistance supplémentaire.
  • Les policiers sont tenus de donner au suspect la possibilité de consulter un avocat dans un local « relativement privé », mais il n'est pas certain qu'ils soient également tenus d'informer le suspect de son droit d'avoir accès à un local relativement privé à cette fin.
  • Lorsque le suspect est détenu à l'extérieur du poste de police et que le policier l'a informé des droits garantis par l'alinéa 10b), le policier peut lui demander de subir un alcootest. Lorsque le suspect indique clairement qu'il ne souhaite pas exercer le droit à l'assistance d'un avocat, le policier peut amener le suspect au poste de police et prélever un échantillon d'haleine sans lui redonner la mise en garde de l'alinéa 10b).
  • Les policiers doivent s'acquitter d'une obligation supplémentaire en matière d'information lorsque le suspect qui avait au départ exprimé le souhait de consulter un avocat indique qu'il a changé d'idée et déclare qu'il ne souhaite plus exercer ce droit.
  • Les policiers sont tenus de donner au suspect placé sous leur garde la possibilité raisonnable de consulter un avocat et ils doivent s'abstenir de l'interroger entre-temps. Lorsque le suspect prend des mesures raisonnables pour demander un avocat, il faut alors l'informer de son droit à ce qu'on lui donne la possibilité raisonnable de le faire.
  • Lorsqu'un suspect mis en détention a renoncé de façon non équivoque à son droit à l'assistance d'un avocat, les policiers ont le droit de procéder immédiatement à son interrogatoire ou à l'administration d'un alcootest, etc.
  • Les policiers doivent informer les suspects arrêtés ou mis en détention de leur droit à l'assistance d'un avocat le plus rapidement possible.
  • Si le statut juridique d'un suspect détenu par les policiers est modifié de façon importante, les policiers doivent lui redonner la mise en garde de l'alinéa 10b) avant de poursuivre leur enquête.
  • Lorsque les cours d'appel jugent qu'il y a eu violation des droits garantis par l'alinéa 10b), la conséquence la plus probable est que toutes les preuves obtenues grâce à cette violation, ou une partie d'entre elles, seront écartées par le tribunal.

Chapitre 3 : La mise en garde Miranda aux Etats-Unis : l'expérience américaine du modèle adopté par la cour suprême du Canada dans l'arrêt Brydges

  • L'arrêt de principe prononcé par la Cour suprême des États-Unis dans l'affaire Miranda v. Arizona (1966) a eu un effet important sur les pratiques policières aux États-Unis. L'arrêt Miranda a imposé aux policiers l'obligation d'informer les suspects arrêtés ou mis en détention de leur droit à l'assistance d'un avocat. Lorsque cette obligation n'est pas respectée, les preuves obtenues par la violation des droits du suspect sont susceptibles d'être écartées par le tribunal. Dans Dickerson v. The United States (2000), la Cour suprême des États-Unis a jugé que ce que l'on appelle « les mises en garde Miranda » constituent des obligations constitutionnelles fédérales qui ne peuvent donc être modifiées par une loi du Congrès américain. Les études empiriques montrent que tous les policiers respectent les obligations imposées par l'arrêt Miranda.
  • L'arrêt Brydges (1990) de la Cour suprême du Canada est fondé sur un modèle constitutionnel qui est très proche de celui qui sous-tend l'arrêt Miranda de la Cour suprême des États-Unis.
  • Il existe des différences importantes entre l'application judiciaire de l'arrêt Miranda aux États-Unis, d'un côté, et de l'arrêt Brydges au Canada, de l'autre. Les mises en garde Brydges ont une portée plus vaste et protègent mieux le droit du suspect de téléphoner à un avocat. Au Canada, les tribunaux possèdent, aux termes du paragraphe 24(2) de la Charte, un large pouvoir discrétionnaire en matière d'admissibilité des preuves obtenues en violation du droit à l'assistance d'un avocat que garantit l'alinéa 10b) à l'accusé. Dans la plupart des cas, les tribunaux canadiens écartent ces preuves. Aux États-Unis, on avait pensé que l'exclusion des preuves obtenues en violation des règles de l'arrêt Miranda serait pratiquement automatique. Les tribunaux fédéraux ont néanmoins élaboré un certain nombre d'exceptions importantes au principe d'exclusion automatique (par exemple, il a été jugé que les preuves réelles obtenues en violation des règles Miranda peuvent être admises en preuve).
  • Dans Davis (1994), la Cour suprême des États-Unis a jugé que les policiers n'ont pas l'obligation constitutionnelle de poser des « questions supplémentaires » lorsque le suspect n'indique pas clairement s'il souhaite ou non consulter un avocat. La cour a néanmoins déclaré qu'il serait « souhaitable que les policiers adoptent cette pratique ». L'idée que les policiers doivent poser des « questions supplémentaires » lorsqu'il existe un doute sur la volonté ou la capacité du suspect d'exercer son droit à l'assistance d'un avocat mérite d'être examinée, parce que c'est une mesure qui pourrait être adoptée au Canada.
  • Aux États-Unis, l'arrêt Miranda a eu sur les policiers un effet particulièrement frappant. En particulier, lorsque le suspect invoque ses droits Miranda, les policiers cessent immédiatement de l'interroger. L'arrêt Brydges n'a pas eu un effet semblable sur les pratiques policières en matière d'enquête au Canada.

Chapitre 4 : La capacité du suspect de comprendre le contenu de la mise en garde donnée par les policiers

Analyse juridique

  • Dans Evans (1991) et Bartle (1994), la Cour suprême du Canada a jugé que, dans les cas où les policiers savent qu'un accusé souffre de troubles mentaux, ils doivent vérifier que l'accusé comprend réellement les droits que garantit l'alinéa 10b).
  • La Cour suprême du Canada a toutefois fixé un seuil relativement peu exigeant lorsqu'il s'agit de déterminer si l'accusé a la capacité de comprendre les droits garantis par l'al. 10b) [Whittle (1994)]. Le critère appliqué est celui de la « capacité cognitive limitée ». D'après ce critère, il suffit que l'accusé montre qu'il a « un état d'esprit conscient » : la compréhension rationnelle n'est pas un élément exigé pour démontrer que l'accusé a une capacité suffisante pour comprendre les droits de l'al. 10b).
  • Les tribunaux canadiens pourraient fort bien obliger les policiers à poser des « questions supplémentaires » chaque fois qu'il existe un doute sur la capacité de l'accusé de comprendre la mise en garde de l'arrêt Brydges. Cependant, les cours d'appel n'ont, jusqu'ici, pas jugé bon de se prévaloir de cette possibilité.

Les études empiriques

Les contrevenants souffrent souvent de toutes sortes de problèmes qui les empêchent de bien comprendre la nature de leurs droits juridiques. La recherche empirique effectuée au Canada montre que les problèmes les plus fréquents sont les suivants :

  1. Toxicomanie - Un nombre important de contrevenants ont des problèmes de dépendance envers l'alcool et les drogues. La consommation excessive d'alcool est le problème le plus fréquent. Selon une étude canadienne sur les personnes arrêtées, la majorité des suspects étaient en état d'ébriété au moment de leur arrestation et un nombre considérable d'inculpations concernait la conduite avec facultés affaiblies. Le mélange d'alcool et d'autres drogues ainsi que la consommation excessive de drogues illicites (comme la cocaïne) constituaient un problème grave chez les personnes arrêtées que nous avons interrogées. Il est extrêmement douteux que les suspects dont les facultés sont affaiblies par l'alcool et d'autres drogues soient en mesure de comprendre la mise en garde Brydges que leur donnent les policiers. Il est également inquiétant de savoir que lorsque les accusés décident d'utiliser les services requis par l'arrêt Brydges, il est très peu probable qu'ils comprennent vraiment les conseils juridiques que leur fournit l'avocat de garde.
  2. Un nombre important de contrevenants souffrent de troubles mentaux. En outre, la prévalence des troubles mentaux graves au sein de la population des contrevenants est beaucoup plus forte que dans la population générale. Les études montrent que le nombre des contrevenants souffrant de troubles mentaux qui sont admis dans les établissements correctionnels est en augmentation. Les troubles mentaux nuisent à la capacité des suspects de comprendre leur droit à l'assistance d'un avocat. De plus, l'effet traumatique de l'arrestation et de la détention risque d'exacerber les problèmes de santé mentale des contrevenants.
  3. Les déficiences intellectuelles sont plus fréquentes dans la population carcérale que dans la population générale. Les déficiences intellectuelles diffèrent des troubles mentaux, car il s'agit de déficiences d'apprentissage permanentes causées par des lésions cérébrales. Une forme fréquente de déficience intellectuelle est le syndrome d'alcoolisation foetale. Les personnes qui souffrent de ce syndrome ne sont pas toujours en mesure de comprendre la teneur de la mise en garde donnée par les policiers. Il n'y a pas d'étude nationale portant sur l'incidence de ce syndrome, mais on estime qu'il existe des milliers de personnes qui souffrent de ce trouble et qui risquent d'être en contact avec le système de justice pénale.
  4. Les barrières linguistiques peuvent empêcher les suspects de bien comprendre la mise en garde donnée par les policiers au sujet de leur droit à l'assistance d'un avocat et les conseils juridiques fournis par l'avocat de garde requis par l'arrêt Brydges.
  5. En Angleterre et au pays de Galles, il existe un mécanisme obligatoire de présence « d'adulte approprié » conçu pour veiller à ce que les suspects souffrant de troubles mentaux ou d'un retard de développement reçoivent une aide spéciale lorsqu'ils sont amenés dans un poste de police. L'adulte approprié surveille la façon dont les policiers interrogent le suspect et facilitent la communication entre les policiers et le suspect qui souffre de troubles mentaux ou de développement. L'adulte approprié est en général un travailleur social ou un membre de la famille du suspect et il est en mesure de demander que le suspect soit examiné par un professionnel de la santé mentale, lorsqu'il existe un doute sur la capacité du suspect de comprendre ses droits. L'adulte approprié travaille parfois avec l'avocat de garde pour veiller à ce que les droits du suspect soient pleinement respectés. Le mécanisme de l'adulte approprié pourrait faire l'objet d'une étude pour déterminer s'il serait souhaitable de l'adopter au Canada.

Chapitre 5 : Les services d'avocats de garde en Angleterre et au Pays de Galles : un autre modèle de prestation d'assistance et de conseils juridiques aux suspects détenus par les policiers

Les services d'avocats de garde existant en Angleterre et au pays de Galles constituent un autre modèle de prestation de services juridiques gratuits 24 heures par jour aux suspects qui sont placés sous la garde de la police. Voici les principales composantes des services d'avocats de garde en Angleterre et au pays de Galles :

  • Les services d'avocats de garde ont une structure nationale.
  • Les services d'avocats de garde ont été créés par une loi : la Police and Criminal Evidence Act (PACE) et ses Codes de pratique.
  • Depuis avril 2001, tous les services d'aide juridique pénale sont fournis par le Criminal Defence Service (Service de défense pénale), qui est administré par la Legal Services Commission.
  • Tous les services d'aide juridique pénale sont fournis conformément à un « contrat général en matière pénale » qui autorise le contrôle de la qualité des services fournis.
  • Les clients peuvent obtenir une aide et des conseils juridiques gratuits auprès de leur avocat personnel, auprès d'un avocat de garde ou d'un avocat dont le nom figure sur une liste tenue par les services de police.
  • L'assistance et les conseils juridiques peuvent être fournis par téléphone ou en personne au poste de police.
  • Le suspect a le droit à ce qu'un avocat assiste à son interrogatoire par les policiers.
  • Lorsque le suspect demande l'autorisation de consulter un avocat de garde, les policiers doivent appeler le centre d'appels des avocats de garde qui lui désigne un avocat à partir d'un répertoire ou d'une liste.
  • Des bureaux du défendeur public ont été mis sur pied dans six régions - sur une base expérimentale - dans le but d'évaluer la performance d'un « modèle mixte » utilisant des avocats de la pratique privée et des avocats employés (ce que l'on a appelé le « modèle canadien »).
  • Il existe un système national d'agrément des avocats de garde et des «représentants juridiques».

Chapitre 6 : Méthodologie

L'examen de la jurisprudence canadienne et des études empiriques fait ressortir l'importance de la prestation des services Brydges. Le présent rapport vise donc à étudier la façon dont les services requis par l'arrêt Brydges sont fournis dans les provinces canadiennes. L'étude comprend deux principales composantes : (1) un examen de la recherche et (ii) des entrevues.

L'examen de la recherche Le premier élément de cet examen comprend une analyse de la jurisprudence pertinente qui a interprété et appliqué l'arrêt Brydges (1990) de la Cour suprême du Canada. L'analyse de la jurisprudence se limite aux arrêts de la Cour suprême du Canada et à ceux des diverses cours d'appel des provinces et des territoires.

Le second élément de cet examen comprend une analyse des études empiriques et théoriques portant sur la mise en garde Miranda et son effet aux États-Unis, sur les différents facteurs qui peuvent compromettre la capacité des suspects de comprendre la mise en garde donnée par la police et sur les services d'avocats de garde en Angleterre et au pays de Galles.

Les entrevues L'élément empirique de notre projet de recherche comprend 101 entrevues avec différents acteurs du processus pénal dans les dix provinces canadiennes. Au total, nous avons élaboré six questionnaires normalisés qui ont été conçus pour être administrés aux groupes suivants d'acteurs de la justice pénale : (i) les administrateurs de l'aide juridique, (ii) les policiers, (iii) les juges, (iv) les procureurs de la Couronne, (v) les avocats de la défense et (vi) les accusés mis en détention. Les chercheurs ont introduit des composantes quantitatives et qualitatives dans la conception du projet en préparant des questions ouvertes et des questions fermées.

Le projet de recherche comprenait deux étapes distinctes. L'étape I consistait à interroger les fournisseurs d'aide juridique dans le but de déterminer s'ils recueillaient actuellement des données sur la prestation des services Brydges. L'étape II a été consacrée à l'administration des questionnaires normalisés. La principale méthode utilisée pour administrer les questionnaires a été le téléphone et, lorsque cela a été possible, des entrevues personnelles. À cause du nombre réduit de répondants dans chacune des provinces, nous avons décidé de prendre un échantillon choisi à dessein.

Les données obtenues grâce aux questionnaires ont été codées et analysées au moyen du programme SPSS. Enfin, les chercheurs ont appliqué les principes de déontologie qui ont été incorporés dans un protocole approuvé par le Comité de déontologie de la recherche de l'Université Simon Fraser.

Chapitre 7 : Principaux résultats

Toutes les provinces offrent des « services Brydges » pendant la journée. Cependant, seules huit des dix provinces offrent des « services Brydges » 24 heures par jour. En Alberta, les « services Brydges » sont offerts de façon informelle en dehors des heures ouvrables à l'aide d'un répertoire d'avocats bénévoles qui acceptent les appels téléphoniques. Dans l'Île-du-Prince-Édouard, il n'y a aucun mécanisme, formel ou informel, qui prévoit la prestation des « services Brydges » après les heures ouvrables.

Presque tous les informateurs clés estiment qu'en plus de répondre aux obligations constitutionnelles, les avocats de garde requis par l'arrêt Brydges ont la capacité de fournir aux personnes détenues des renseignements précieux. Le suspect arrêté ou détenu peut ainsi obtenir des renseignements sur les sujets suivants :

  • ses droits;
  • les éléments fondamentaux du processus pénal;
  • la nature de l'enquête pénale;
  • les éléments importants de son propre dossier;
  • les avantages et les inconvénients de faire une déclaration aux policiers.

Deux grands inconvénients sont liés aux « services Brydges» :

  1. La longueur de l'attente avant de pouvoir rejoindre un avocat de garde - à savoir :
  • Difficulté de rejoindre l'avocat de garde.
  • Longue période d'attente avant que l'avocat de garde ne rappelle lorsqu'on utilise une ligne 1-800.
  1. Les accusés ne comprennent pas toujours les renseignements qui leur sont fournis par les policiers :
  • Ce commentaire s'applique particulièrement aux accusés qui ne sont pas libérés mais placés sous garde.
  • Les accusés en détention ont parfois une capacité limitée de comprendre les conseils juridiques qui leur sont fournis, en raison de leur état d'ébriété, de leur déficience mentale ou autre, facteurs qui sont aggravés par le stress, la crainte et la confusion découlant de l'arrestation.

Les « services Brydges » qui permettent d'offrir rapidement des conseils juridiques facilitent le fonctionnement du système judiciaire :

  • Les policiers peuvent procéder à l'interrogatoire du suspect.
  • Réduction de la probabilité que l'affaire soit ajournée lorsqu'elle est mise au rôle.

Les retards dans la prestation des « services Brydges» peuvent entraver l'enquête policière et, de façon paradoxale, avantager les accusés :

  • Il faut respecter un délai pour certaines opérations, comme les alcootests.

L'absence totale de « services Brydges» avantage parfois l'accusé :

  • Au cours des enquêtes sur le cautionnement, le tribunal ajourne l'affaire en attendant que l'accusé ait pu parler à un avocat de garde.
  • Au procès, il arrive que le tribunal écarte des preuves incriminantes.

Cependant, le fait d'avoir accès rapidement aux conseils prévus par l'arrêt Brydges peut désavantager l'accusé :

  • Lorsque le suspect est en état d'ébriété et qu'il reçoit rapidement les conseils requis par l'arrêt Brydges, les policiers peuvent procéder immédiatement à l'interrogatoire du suspect - ce qui peut être à son désavantage, étant donné qu'il se trouve en état d'ébriété.
  • Les informateurs clés formulent les suggestions suivantes pour améliorer les services d'avocats de garde requis par l'arrêt Brydges :
- Mettre sur pied des services téléphoniques de base avec un numéro 1-800 dans toutes les provinces.
- Dans les provinces où il n'y a pas de « services Brydges » structurés, mettre en oeuvre des services structurés offerts 24 heures par jour.
- Dans les provinces où les services sont offerts par des avocats de garde, mettre en oeuvre des services 1-800 offerts 24 heures par jour.
  • Voici d'autres suggestions pour l'amélioration de ces services, dans le cas où il existe déjà des services généraux offerts au moyen d'une ligne 1-800 :
- Des avocats de garde devraient être affectés aux postes de police qui reçoivent un grand nombre de personnes arrêtées.
- Veiller à offrir des « services Brydges » multilingues dans les régions appropriées.
Veiller à ce que l'avocat de garde rappelle toujours le suspect dans un délai fixé d'avance.
- Régionalisation des services.
- Meilleure coordination entre les conseils et l'aide fournis au moment de l'arrestation et la représentation de l'accusé par la suite au moment de l'enregistrement de son plaidoyer, de l'enquête sur cautionnement et du procès.
  • Il y a lieu de mettre en place un système plus efficace de façon à évaluer de façon plus précise la capacité des personnes détenues à bien comprendre les conseils juridiques et à prendre les mesures appropriées.

Chapitre 8 : Analyse et résultats

L'effet de l'arrêt Brydges sur les services provinciaux d'aide juridique La Cour suprême du Canada n'a pas imposé aux provinces l'obligation constitutionnelle de mettre en oeuvre des « services Brydges », mais les résultats de notre projet montrent que la grande majorité des provinces ont mis sur pied un mécanisme structuré permettant d'offrir des « services Brydges » 24 heures par jour. En Alberta, les « services Brydges » ne sont fournis après les heures ouvrables que de façon informelle, et ce sont des avocats bénévoles qui s'en occupent. L'Île-du-Prince- Édouard n'a créé aucun mécanisme, formel ou informel, permettant d'offrir des « services Brydges» après les heures ouvrables.

D'une façon générale, les personnes interrogées dans le cadre du projet ont souligné la nécessité de mettre sur pied des « services Brydges » structurés dans toutes les provinces et de veiller à ce que ces services soient accessibles, dans l'ensemble de chaque province, au moyen d'un numéro téléphonique sans frais.

L'effet de la mise en garde Brydges sur les policiers Au Canada, il semble que les pratiques policières aient été sensiblement modifiées par l'arrêt Brydges et les décisions qui l'ont suivi. En règle générale, les policiers déclarent s'acquitter dans tous les cas des obligations en matière d'information imposées par les décisions de la Cour suprême du Canada. En outre, les policiers affirment qu'ils savent fort bien que le défaut d'informer les accusés de l'existence des « services Brydges » pourrait avoir un effet préjudiciable sur leur travail, parce qu'il pourrait entraîner plus tard l'exclusion de preuves incriminantes.

L'effet des services Brydges sur les personnes arrêtées ou mises en détention La majorité des répondants déclarent que les « services Brydges » sont très avantageux pour les suspects qui sont détenus par les services de police. Cependant, il est essentiel de noter que de très nombreuses études empiriques indiquent qu'un très grand nombre de contrevenants souffrent de nombreux problèmes, comme la toxicomanie, les troubles mentaux, les déficiences intellectuelles, le syndrome d'alcoolisation foetale, les déficiences auditives et les obstacles linguistiques. On doit donc se demander si les accusés qui connaissent ce genre de problèmes ont vraiment la capacité de comprendre la teneur de la mise en garde faite par les policiers ou celle des conseils juridiques fournis par les avocats de garde requis par l'arrêt Brydges.

Il est troublant que certains répondants déclarent que les services Brydges nuisent parfois à l'accusé. Par exemple, lorsque les policiers se sont acquittés de leurs obligations en matière d'information et que l'accusé a consulté l'avocat de garde requis par l'arrêt Brydges, les policiers ont en fait le « feu vert » pour poursuivre leur enquête, même lorsque l'accusé est en état d'ébriété et qu'il ne se souvient pas toujours très nettement du contenu exact de la mise en garde ou des conseils juridiques fournis par l'avocat de garde prévu par l'arrêt Brydges.

La nécessité d'assurer la continuité de la prestation des services d'aide juridique est préconisée tant par les personnes interrogées dans le cadre du projet que par les auteurs de nombreux articles analysés au cours de l'examen de la recherche.

La nécessité d'augmenter les crédits consacrés aux services d'aide juridique est signalée par certains répondants et par un certain nombre d'auteurs d'articles examinés dans le cadre de notre recherche. Des crédits supplémentaires permettraient de remédier au manque d'avocats disposés à travailler pour les régimes d'aide juridique.

Le problème de la langue pourrait être résolu, d'après certains participants, en embauchant des avocats multilingues qui pourraient être sollicités en cas de besoin.

Il y a lieu d'améliorer l'information et la formation fournies aux agents du système pénal dans le domaine des troubles mentaux, des déficiences intellectuelles et des incapacités reliées aux drogues, problèmes qui touchent parfois les suspects placés sous la garde de la police.

Les autres modèles de prestation des services Brydges Les prisons locales peuvent jouer un rôle essentiel à l'égard des besoins des contrevenants. Elles pourraient servir de liaison entre les services communautaires, qui s'occupent de problèmes de santé, de logement ainsi que des problèmes reliés aux drogues, et le système correctionnel. Si l'on élargissait le rôle des avocats de garde, on pourrait affecter des avocats à certains postes de police et à certaines prisons et les charger non seulement de fournir une assistance et des conseils juridiques, mais également d'aider les accusés à communiquer avec les services communautaires dont ils peuvent avoir besoin. En élargissant de cette façon le rôle des avocats de garde, le régime d'aide juridique serait davantage axé sur le client. En fait, les services d'aide juridique devraient envisager d'adopter une approche holistique à l'égard des clients détenus par les services de police. Cela ne signifie pas nécessairement que les services d'aide juridique devraient en fait offrir ces interventions élargies. Des partenariats ou des arrangements entre les services d'aide juridique et d'autres intervenants pourraient être chose possible.
Un autre modèle de prestation des services d'aide juridique serait d'embaucher des parajuristes ou des étudiants stagiaires qui fourniraient, à un coût moindre, certains services de base qui sont actuellement offerts par des avocats.

Les obstacles susceptibles de s'opposer au changement La grande majorité des répondants n'ont pas présenté de suggestions pour l'élaboration d'autres façons de fournir les « services Brydges ». Il paraît donc raisonnable de penser que toute proposition visant à réformer le système existant risque de faire face à une opposition assez vive.

Le modèle retenu en Angleterre et au pays de Galles pour la prestation de services d'aide juridique 24 heures par jour Il est bon de noter que les services d'avocats de garde qui ont été récemment mis en place en Angleterre et au pays de Galles ont sensiblement élargi le rôle de ces avocats parce qu'ils fournissent maintenant « des services de type Brydges » dans les postes de police. Les suspects peuvent, gratuitement, avoir accès non seulement à un avocat de garde, mais également à un avocat de la pratique privée de leur choix.
Les suspects souffrant de déficiences bénéficient également en Angleterre et au pays de Galles d'une aide supplémentaire. Un médecin de la police évalue, dans le poste de police, la capacité de ces personnes à subir un interrogatoire. En outre, les « adultes appropriés » sont tenus, en vertu de la loi, d'aider les personnes souffrant de troubles mentaux ou d'un retard de développement, pendant que ces personnes sont sous la garde de la police.

La communication aux suspects en détention de renseignements touchant leurs droits en vertu de la Charte canadienne des droits et libertés Notre projet de recherche soulève des questions troublantes sur l'efficacité des méthodes utilisées par la police pour transmettre des renseignements juridiques aux personnes arrêtées ou détenues. Parmi les suggestions visant à améliorer l'efficacité de ce processus figure la possibilité de montrer au suspect un enregistrement vidéo expliquant en termes simples et en plusieurs langues, s'il y a lieu, ce que veut dire la mise en garde prévue par la loi.

Pour ce qui est de la réforme dont pourrait faire l'objet le système actuel d'avocats de garde requis par l'arrêt Brydges au Canada, il serait peut-être bon d'explorer le modèle de services d'avocats de garde offerts 24 heures par jour qui a été mis en oeuvre en Angleterre et au pays de Galles, par exemple, en obligeant les avocats de garde à se rendre en personne dans les postes de police qui reçoivent un grand nombre de personnes arrêtées pour qu'ils puissent leur fournir des conseils juridiques en personne. On pourrait en outre améliorer l'information du grand public au sujet de leurs droits constitutionnels en diffusant plus largement sur Internet des documents juridiques rédigés en termes clairs et en donnant aux suspects des brochures faciles à comprendre (en plusieurs langues, le cas échéant).

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