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Francophonie, Justice en langues officielles et Dualisme juridique

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ACTES DU COLLOQUE SUR LA FRANCOPHONIE ORGANISÉ PAR LE MINISTÈRE DE LA JUSTICE
LE 21 MAI 1999


Par:  Jean-Louis Okomono
Conseiller juridique
Bureau de la Francophonie

CONTEXTE

Le ministère de la Justice, avec la participation du ministère du Patrimoine canadien, a organisé le 21 mai 1999, un Colloque d'une journée portant sur la Francophonie au Canada. La tenue de cet événement fait partie des célébrations de l'Année de la Francophonie canadienne qui s'étend du 20 mars 1999 au 20 mars 2000. Le Colloque visait aussi à souligner et à informer les employé(e)s du Ministère que le Canada accueillera, en collaboration avec le gouvernement du Nouveau-Brunswick, en septembre 1999 à Moncton, le huitième Sommet de la Francophonie qui réunira 52 chefs d'État et de gouvernement des pays ayant le français en partage.

La Francophonie canadienne occupe le deuxième rang au monde après la France et compte environ neuf millions de Canadiens et Canadiennes qui parlent le français. Compte tenu du rôle actif que le ministère de la Justice joue tant sur le plan national en matière des langues officielles, que sur le plan international dans le domaine de la Francophonie, il était important de s'assurer que les employé(e)s du Ministère, ses partenaires des communautés de langues officielles en situation minoritaire et des autres ministères soient en mesure d'apprécier toute la richesse de l'apport du ministère de la Justice. C'est dans cette perspective que le Colloque sur la Francophonie du 21 mai 1999 a été organisé. Il s'agissait de dialoguer et de partager ses connaissances sur la Francophonie.

SOMMAIRE DU COLLOQUE

 La journée a commencé par les discours d'ouverture et s'est poursuivie toute la matinée par les présentations des allocutions du panel I portant sur la Francophonie à l'aube de l'an 2000 : comment le Canada et les gouvernements participants entrevoient-ils le rôle et l'avenir de la Francophonie, présidé par Me Mario Dion, Sous-ministre délégué, Droit civil et gestion ministérielle, Ministère de la Justice.

L'après-midi était consacré aux discussions et présentations prévues au panel II portant sur la Francophonie canadienne, culture francophone et droit de la personne. Ce panel était présidé par Norman Moyer, Sous-ministre adjoint, Citoyenneté et Programmes d'identité, Patrimoine canadien. La journée s'est terminée par l'allocution de Me Mario Dion.

Le tableau d'ensemble des activités du Colloque se présente comme suit :

 DISCOURS D'OUVERTURE

  • Lancement du Colloque par Denis Paradis, Secrétaire parlementaire de la Ministre de la Francophonie
  • Bienvenue de Louis Perret, Doyen de la Faculté de droit civil, Université d'Ottawa
  • Allocution de Denis Carrier, Vice-recteur associé à l'enseignement de l'Université d'Ottawa
  • Allocution du Dr Victor Goldbloom, Commissaire aux Langues officielles du Canada

PANEL I

La Francophonie à l'aube de l'an 2000 : comment le Canada et les gouvernements participants entrevoient-ils le rôle et l'avenir de la Francophonie ? Quel est le rôle du Ministère de la Justice en Francophonie ?

Conférenciers et conférencières:

  • Présentation du panel par Me Mario Dion, sous-ministre délégué, Droit civil et gestion ministérielle
  • Allocution de Huguette Labelle, présidente de l'Agence canadienne de développement international (ACDI)
  • Allocution de Gabriel Lessard, Direction des Affaires de la Francophonie, Ministère des Affaires étrangères et du Commerce international (MAECI)
  • Allocution de Michel Doucet, Doyen de l'École de droit de l'Université de Moncton
  • Allocution de Josée Touchette, coordonnatrice de la Francophonie, Ministère de la Justice

PANEL II

Francophonie canadienne, culture francophone et droit de la personne

Conférenciers:

  • Présentation du panel par Norman Moyer, sous-ministre adjoint, Citoyenneté et Programme d'identité, Patrimoine canadien
  • Allocution de Gino LeBlanc, Président de la Fédération des communautés francophones acadiennes (FCFA)
  • Allocution de Me Tony Colvin de l'Association de juristes d'expression française de l'Ontario (AJEFO)
  • Allocution de Me Lionel Levert, Premier conseiller législatif et Président du PAJLO, Ministre de la Justice
  • Allocution du Dr Peter Leuprecht, Doyen de la Faculté de droit de l'Université McGill

 POINTS SAILLANTS DES PRÉSENTATIONS

Le Secrétaire parlementaire de la Ministre de la Francophonie, Monsieur Denis Paradis, a lancé le Colloque estimant dans son allocution que «grâce aux divers événements qui se dérouleront tout au long de l'Année de la Francophonie, les Canadiens et Canadiennes auront plusieurs occasions de se réunir pour échanger, connaître et vivre l'importance et le dynamisme de la Francophonie ».

La Francophonie se définit "surtout comme un réseau de 52 États et de gouvernements qui ont le français en partage". Un tel réseau, a-t-il poursuivi, "offre une ouverture sur le monde et de grandes possibilités de rayonnement". Il a souligné la participation active du gouvernement canadien au sein de la Francophonie depuis sa création officielle en 1970 et la mise en place d'une formule originale permettant aux provinces de participer aux activités internationales. Le Québec et le Nouveau-Brunswick y sont admis à titre de gouvernements participants.

La Francophonie contribue à promouvoir la culture de ses membres et favorise une meilleure compréhension entre les peuples des différents États. Cet ensemble institutionnel, riche et diversifié par ses membres et composantes (Agence de la Francophonie, opérateurs (TV5), organisation gouvernementale et non-gouvernementale), constitue un des réseaux les plus dynamiques de la concertation francophone. Il existe des indices en faveur d'une Francophonie de plus en plus ouverte, diversifiée et pluraliste.

Le Doyen de la Faculté de droit civil de l'Université d'Ottawa, Monsieur Louis Perret, a ensuite souhaité la bienvenue aux participants du Colloque et a indiqué que la ''Section de droit civil est tournée vers l'avenir". C'est dans cette perspective qu'elle a publié "la page web sur les systèmes juridiques dans le monde" comprenant ceux des pays membres de la Francophonie. « Il était donc naturel, pour la Faculté, d'offrir son hospitalité au ministère de la Justice. La Faculté s'enorgueillit des liens d'amitié et de collaboration qu'elle entretient depuis longue date avec le ministère de la Justice ». On peut visiter le site web de la Faculté à l'adresse suivante : http://www.droitcivil.uottawa.ca/.

C'est le Vice-recteur associé à l'enseignement de l'Université d'Ottawa, Monsieur Denis Carrier, qui a souhaité la bienvenue au Dr Victor Goldbloom, Commissaire aux langues officielles du Canada qui prononçait l'allocution principale de la journée.

Le Dr Goldbloom a, dans ses remarques, dressé un bilan positif eu égard à l'état du bilinguisme au Canada et ce, malgré le long chemin qu'il reste à parcourir dans ce domaine.

En particulier, il a salué la décision de la Cour suprême du Canada rendue la veille, le 20 mai 1999, dans l'affaire Beaulac.

II a ensuite rappelé les grandes lignes de son rapport relativement aux langues officielles en matière de justice. Le principe de l'accès à la justice, dans les faits, signifie que l'on peut parler dans la langue officielle de son choix, être compris et comprendre ce qui se passe.

Le Commissaire aux langues officielles a terminé son allocution en saluant l'initiative du ministère de la Justice de tenir un tel colloque qui offre à tous l'occasion de dialoguer et de mieux connaître la Francophonie.

Au nom du Ministère de la Justice et de tous les participants et de toutes participantes, Me Mario Dion, sous-ministre délégué, Droit civil et gestion ministérielle, a remercié Victor Goldbloom tant pour ses remarques que pour toute la passion, la détermination et le courage dont il a fait preuve au cours des huit dernières années dans l'exercice de ses fonctions.

Me Mario Dion a ensuite souligné l'engagement ferme du ministère de la Justice et du gouvernement du Canada à promouvoir la pleine reconnaissance et l'usage des deux langues officielles et à favoriser l'épanouissement des deux communautés linguistiques partout au Canada. C'est aussi dans cet esprit que le ministère de la Justice a lancé cette invitation aux leaders et aux employé(e)s du Ministère dans le but de leur permettre de s'informer davantage et de discuter de ces questions avec les panelistes. Me Mario Dion s'est félicité de l'existence du dialogue continu malgré les divergences d'opinions entre le Ministère, ses partenaires fédéraux et les communautés.

Il a salué la collaboration entre le Ministère de la Justice et celui du Patrimoine canadien, dans la publication du premier ouvrage annoté contenant toutes les lois linguistiques présentement en vigueur au Canada ainsi que pour la tenue de ce Colloque sur la Francophonie.

Panel I

La Francophonie à l'aube de l'an 2000 : comment le Canada et les gouvernements participants entrevoient-ils le rôle et l'avenir de la Francophonie ? Quel est le rôle du Ministère de la Justice en Francophonie ?

À titre de président du panel, Me Dion a rappelé les points suivants :

  1. Les thèmes de réflexion du premier panel : le rôle du Canada et des gouvernements participants au sein de la Francophonie à l'aube de l'an 2000 et les enjeux pour le Canada et plus particulièrement pour le Ministère de la Justice dans le domaine de la Francophonie.
  2. Les principaux objectifs de l'Année de la Francophonie canadienne qui s'étend du 20 mars 1999 au 20 mars 2000 :
    • Renforcer les liens entre les anglophones et les francophones au Canada ; entre les francophones du Québec et ceux d'ailleurs au Canada ;
    • Faire connaître les avantages de la présence de la Francophonie canadienne sur la scène internationale.
  3. Le Sommet de la Francophonie se tiendra à Moncton, au Nouveau-Brunswick en septembre 1999, et permettra aux 52 chefs d'États et de gouvernements qui y prendront part de préparer le premier biennum du nouveau millénaire.

Me Dion a indiqué que le Bureau de la Francophonie au sein du Ministère de la Justice jouera un rôle de premier plan pour assurer que soient atteints les objectifs de l'Année de la Francophonie. D'ailleurs, le présent colloque de la Francophonie s'inscrit dans le cadre de la réalisation de ces objectifs.

Me Dion a ensuite décrit le double rôle de la Ministre de la Justice : « d'une part, elle est la Procureure générale du Canada et à ce titre, doit défendre les lois du Parlement et leur constitutionnalité devant les tribunaux. D'autre part, en sa qualité de Ministre de la Justice, elle doit prendre des décisions relativement aux orientations en matière de justice et elle doit administrer de nombreuses lois dont la Loi sur les langues officielles. Ce faisant, la Ministre a souvent l'occasion de façonner des aspects importants de notre vie au Canada. On n'a qu'à songer à la révolution engendrée par la réforme en matière d'ivresse au volant ». Sur ces paroles, Me Dion a cédé la parole aux conférenciers conférencières du premier panel.

Allocution de Mme Huguette Labelle, Présidente de l'ACDI et Chancelier de l'Université d'Ottawa

Mme Labelle a tracé un portrait d'ensemble de la Francophonie, de son histoire et de sa diversité. La participation et le leadership canadiens au sein de la Francophonie consolident son influence dans les forums multilatéraux, renforcent ses alliances avec les autres États et gouvernements membres et ouvrent la porte à des échanges culturels, économiques et commerciaux mutuellement bénéfiques.

Depuis le premier Sommet de la Francophonie tenu à Versailles en 1986, la Francophonie n'a cessé d'évoluer et a pris «un virage résolument politique qui s'est concrétisé au Sommet d'Hanoï, en 1997 par l'élection d'un tout premier secrétaire général, Boutros Boutros-Ghali ». Cette élection a donné au visage et à l'autorité de la Francophonie, une crédibilité particulière.

Mme Labelle a également souligné la contribution canadienne dans la création de plusieurs institutions dont le regroupement des universités et celui des gens d'affaires aujourd'hui appelé, le Forum francophone des affaires, les efforts du Canada en faveur d'une Francophonie politique et active dans le domaine des libertés et des droits fondamentaux, la résolution des conflits, la consolidation de la paix et de la sécurité internationale.

Le gouvernement du Canada est le maître-d'oeuvre de la participation canadienne à cet espace d'échanges et de concertation dynamique qu'est la Francophonie internationale grâce au rôle important joué par ses partenaires du secteur privé, les provinces, les organismes non-gouvernementaux et fédéraux ainsi que les ministères. Elle a cité la contribution substantielle du ministère de la Justice aux projets de démocratisation et de réforme entrepris par certains pays de leur cadre juridique et réglementaire. Le ministère de la Justice participe également au programme lancé dans le cadre du Sommet de Hanoï, visant à former des avocats et des hauts fonctionnaires au droit des affaires.

Le Canada dispose de facteurs qui militent en faveur d'un leadership canadien au sein de la Francophonie mondiale, notamment l'avantage de faire valoir le français dans un contexte multiculturel et selon des développements nord-américains qui peuvent ajouter une dimension nouvelle et très dynamique à la réalité francophone existante dans le monde. Il peut recourir au partenariat des instances gouvernementales (fédérale, provinciale, municipale et privée) pour matérialiser l'apport canadien à la Francophonie.

Cette double appartenance est une source de richesses et de possibilités pour tous les Canadiens. Elle offre à notre pays des tribunes importantes où se faire entendre et exercer une influence sur l'échiquier mondial. (Texte intégral Internet)

Allocution de Gabriel-M. Lessard, Directeur, Direction des Affaires de la Francophonie, ministère des Affaires étrangères et du Commerce international (MAECI)

La communication de M. Lessard était essentiellement axée sur le Sommet de Moncton qui se tiendra du 3 au 5 septembre 1999. Il s'agit du deuxième Sommet de la Francophonie à se tenir en sol canadien.

Les activités préparatoires et périphériques au Sommet comprennent : des consultations nationales et internationales, la réunion du Conseil permanent de la Francophonie, la Conférence ministérielle de la Francophonie présidée par la ministre de la Francophonie et de la Coopération internationale Diane Marleau, le Forum francophone des Affaires à Bathurst, la rencontre de l'Assemblée parlementaire de la Francophonie et le Grand train de la Francophonie.

Monsieur Lessard a aussi passé en revue les grands thèmes de la programmation canadienne provisoire dont le Suivi du biennum de Hanoï, les Projets jeunesse, le Suivi de la Conférence de Monaco, les Fonds des inforoutes et les Contributions aux opérations. Sous la thématique - Jeunesse, il a mentionné, l'emploi et les nouvelles technologies ; les volets politiques, économiques et la coopération.

Il a indiqué que les conclusions du Sommet comprendront le Plan d'Action et la Déclaration axés sur trois composantes : les principes de la Francophonie politique et les éléments de la thématique jeunesse. Il a souligné que c'est le Premier ministre du Canada Monsieur Jean Chrétien qui assumera la présidence du Sommet. Monsieur Lessard a ensuite invité à visiter le site Internet sur le Sommet.

Allocution de Michel Doucet, Doyen et professeur titulaire, École de droit, Université de Moncton

La réflexion de Michel Doucet portait sur la définition de la Francophonie qu'il a définie comme étant «un sentiment d'appartenance à une communauté qui partage une langue, le français ». Selon Michel Doucet, il s'agit également d'un réseau international d'échanges et de coopération multiforme et multilatérale. La Francophonie, c'est la reconnaissance de la diversité culturelle des groupes qui la composent. C'est un lieu de solidarité entre les pays qui veulent institutionnaliser leurs relations pour mieux assurer le développement de l'espace francophone.

Dans le cadre de la Francophonie, «la langue française » joue le rôle de symbole suprême dans la Francophonie, tout comme «sa Majesté » est le symbole suprême dans le Commonwealth. Le statut particulier du Québec se justifie par le fait que cette province est «le foyer principal de la francophonie nord-américaine ». Celui du Nouveau-Brunswick, par la présence sur son territoire, d'une communauté acadienne forte sur le plan démographique et dynamique sur le plan culturel. D'ailleurs, le Nouveau-Brunswick bénéficie du statut de seule province officiellement bilingue au Canada.

La visibilité des communautés acadiennes par la présence du Nouveau-Brunswick au sein de la Francophonie, est non seulement importante sur le plan culturel en tant qu'une ouverture sur le monde, mais met aussi en évidence la Francophonie canadienne hors-Québec qui trop souvent se retrouve dans l'ombre sur la scène internationale.

Selon le Professeur Doucet, la Francophonie de l'an 2000 pourrait être une «Francophonie multilingue, multiculturelle et politique grâce au renforcement de l'État de droit, des processus de démocratisation et du développement économique plutôt qu'une Francophonie éclatée par le lien de moins en moins présent avec la langue française ». Ce pourrait aussi être une force permettant de contrer l'hégémonie culturelle américaine qui intègre la jeunesse au nombre de ses valeurs.

Allocution de Josée Touchette, Coordonnatrice de la Francophonie, Ministère de la Justice du Canada

L'allocution était divisée en deux parties : d'abord un bref exposé sur le rôle du Ministère de la Justice en Francophonie et ensuite un exposé sur la Déclaration du Caire, un document fondamental en matière de justice en Francophonie.

I - Le Ministère de la Justice et la Francophonie

En première partie, Me Touchette a rappelé que le Ministère de la Justice est engagé dans le domaine de la Francophonie depuis près de dix ans. Au Ministère, c'est le Bureau de la Francophonie qui est chargé de coordonner les activités «institutionnelles» du Ministère de la Justice relativement à la Francophonie internationale et qui soutient le sous-ministre délégué dans son rôle de correspondant sectoriel auprès du MAECI. C'est aussi le Bureau de la Francophonie qui est responsable des activités du Ministère de la Justice relativement à la Francophonie canadienne ; la mise en œuvre de la Partie VII de la Loi sur les langues officielles et la promotion du bilinguisme et du bijuridisme tant à l'intérieur du Ministère qu'auprès de ses partenaires.

2 - Déclaration du Caire et Plan d'action

La participation du ministre de la Justice en Francophonie internationale s'inscrit dans le cadre plus vaste de la Déclaration du Caire, adoptée en 1995 par les ministres francophones de la Justice.

C'est la vulnérabilité des États francophones du Sud dans leur évolution politique et institutionnelle, les problèmes liés aux droits de la personne, les crises intérieures telles que celles survenues au Rwanda, au Burundi, au Cambodge ou en Haïti, l'élargissement constant de l'écart entre les pays riches et les pays pauvres qui ont amené les Chefs d'États et de gouvernements de la Francophonie à prendre conscience de la nécessité d'une action multilatérale francophone, particulièrement en matière de justice.

Dans cet esprit, les ministres de la justice ont élaboré la Déclaration du Caire qui s'articule autour des axes suivants :

  • L'indépendance de la magistrature ;
  • Une justice efficace, garante de l'État de droit ;
  • Le respect des droits fondamentaux de l'Homme ;
  • Une justice qui soit un facteur de développement.

Plan d'action (1996-2000)

Pour mettre en œuvre les principes de la Déclaration, un Plan d'action a été élaboré qui présente les orientations et stratégies prioritaires en matière de Justice pour cinq années. Le Plan d'action fixe les trois objectifs suivants :

  • L'indépendance judiciaire puisqu'il s'agit d'une condition essentielle pour assurer une justice indépendante. Elle suppose la disponibilité d'un personnel qualifié doté des moyens de travail adéquats, de la formation et de la documentation juridique appropriée ;
  • Une justice garante de l'État de droit se traduisant par un appui aux institutions et par des mécanismes spécifiques de protection de l'État de droit et des droits de la personne ;
  • Une Justice qui soit un facteur de développement et qui suppose qu'il n'y a pas d'État de droit sans développement et inversement, pas de développement sans État de droit.

Panel II

Francophonie canadienne, culture francophone et droits de la personne

Ce panel était présidé par le Sous-ministre adjoint, Citoyenneté et programmes d'identité, ministère du Patrimoine canadien, Norman Moyer. Après avoir souhaité la bienvenue aux invité(e)s du Colloque sur la Francophonie, Norman Moyer a déclaré être profondément convaincu de l'immense richesse qu'apporte la Francophonie canadienne à notre pays. Ses propos se résument comme suit :

  • Notre identité est façonnée par des forces multiples et diverses dont celle de la Francophonie ;
  • Le gouvernement canadien s'enorgueillit de sa capacité de dialoguer avec les citoyens et les citoyennes. Le colloque sur la Francophonie constitue un bel exemple d'un forum d'échanges entre différents partenaires ;
  • Le fil conducteur reliant les sujets de discussion abordés par les panelistes de l'après-midi était ce lien qui unit le droit et la culture, plus particulièrement en matière de Francophonie canadienne. Le droit et l'État de droit sont en quelque sorte les remparts d'une société qui permettent l'épanouissement des individus dans le respect d'autrui. Le droit est donc à la recherche d'un équilibre entre diverses forces pour assurer l'essor et le développement de chacun ;
  • Monsieur Moyer a souhaité que le panel de l'après-midi soit l'occasion d'un tel dialogue où s'expriment divers points de vue sur cet équilibre que cherche à assurer le droit.

Allocution de Gino LeBlanc, Président de la FCFA

Les propos de M. Leblanc mettaient en lumière toute l'importance des droits linguistiques et le rôle que joue le Ministère de la Justice. En voici quelques extraits : 

[...] ce colloque sur le Canada et la Francophonie. [...] (est) une initiative heureuse du ministère de la Justice. En effet, historiquement, le droit a été au cœur d'une série de transformations sociales et politiques qui ont façonné le paysage linguistique canadien. Il est ainsi fort à propos de tenir un tel colloque durant cette période charnière pour la francophonie canadienne. Que l'on pense au 30ième anniversaire de la Loi sur les langues officielles, au Sommet de la Francophonie prévu pour cet automne et à l'Année de la Francophonie canadienne, ce sont tous là des événements qui motivent notre présence à ce colloque.

Ce que je me propose de faire aujourd'hui, c'est de profiter du fait que je ne suis pas un juriste pour justement vous parler de droit. J'ai toujours cru que le droit prend toute son importance lorsqu'il permet ou, selon le cas, empêche certaines transformations et cela, au nom d'un idéal collectif. À cet égard, celles et ceux qui, comme vous, œuvrent dans le domaine du droit, doivent continuellement explorer et s'interroger sur le contexte social et politique dans lequel cet ordre juridique se retrouve.

Cette tendance, donc, à considérer l'impact du droit -- plutôt que le droit pour lui-même -- a été au centre de bien des décisions au sein des communautés francophones et acadiennes.

À moins que l'on puisse présenter une vision des langues officielles qui soit compatible avec la société moderne et globale dans laquelle nous vivons, nous courrons le risque de tenir des débats hautement théoriques qui n'influenceront à peu près plus personne. Il est probablement temps de mettre au rancart plusieurs ''acquis'' qui forment notre pensée actuelle sur les langues officielles. Comprenez-moi bien, il ne s'agit absolument pas d'abandonner le projet visant à permettre au français et à l'anglais de cohabiter en sol canadien. Au contraire, au nom précisément de cet objectif, le temps est venu de moderniser nos outils et notre stratégie de développement des langues officielles.

Ce processus de renouvellement a déjà été entrepris à l'intérieur de l'organisme que je préside, la Fédération des communautés francophones et acadiennes du Canada. En effet, l'année dernière, nous avons entamé une réflexion sur notre discours et nos approches à l'égard de notre propre développement. Cette démarche se poursuit cette année avec une consultation qui rejoindra tout aussi bien les francophones de nos communautés que la population canadienne dans toute sa diversité.

Étant donnée l'importance que revêtent les droits linguistiques, il me semble assez clair que le ministère de la Justice doit, lui-même, entreprendre une réflexion profonde afin d'assurer que sa vision des questions linguistiques soit compatible avec les réalités qui nous entourent. Le présent colloque m'apparaît d'ailleurs être une manifestation de ce besoin. [...]

Je crois donc qu'il revient au ministère de la Justice d'assumer un rôle de leadership quant à l'analyse des nouvelles politiques ou des ententes fédérales-provinciales. Vous êtes particulièrement à même de constater certains de leurs effets qui, pour nous, peuvent être difficiles à anticiper. La Loi sur les langues officielles exige justement que le ministre de la Justice participe au développement et à l'épanouissement des communautés de langues officielles. Étant donnée l'expertise que possède le Ministère, il s'agit là d'avenues concrètes de collaboration avec nos communautés qu'il faut explorer davantage. [...]

Il faut souhaiter qu'un dialogue ouvert et franc entre le ministère de la Justice et nos organismes nous permettra de relever le défi de la modernité. L'un comme l'autre, nous sommes remarquablement bien positionnés pour faire de la francophonie un élément dynamique et toujours très actuel du tissu social canadien.

Allocution de M. Tory Colvin, AJEFO

La réflexion de Me Colvin a porté sur le statut de la Francophonie dans la province de l'Ontario et notamment dans le système de justice pénale ontarien. Me Colvin a d'abord relevé qu'il existe «un appui solide parmi la population pour la protection des deux langues officielles en Ontario » mais qu'il y a néanmoins un certain nombre de défis à relever :

  • convaincre la majorité unilingue anglophone de protéger les droits linguistiques et trouver les moyens pour les maintenir ;
  • sensibiliser la population quant à l'existence du français partout en Ontario et non uniquement dans certaines régions de la province ;
  • trouver des ressources et un personnel bilingue pour assurer les services de justice en français. La non-disponibilité du personnel bilingue nuit aux justiciables qui veulent se prévaloir du droit d'être servi dans leur langue à cause des retards que cause le manque de personnel bilingue.
  • promouvoir l'usage et la prestation des services en français. « Les droits de la personne incluent les droits linguistiques, c'est-à-dire le droit de s'exprimer en sa langue et celui d'être compris ».
  • Les francophones doivent exprimer la fierté de leur langue et «réclamer le droit de parler et celui d'être compris » en français. «Un droit qui existe sans qu'il y ait les moyens de l'exercer n'est pas un droit, ce n'est que l'apparence de droit ».

Allocution de Lionel Levert, c.r., Premier conseiller législatif et Président et du PAJLO.

Me Levert s'est adressé aux participant(e)s à la fois comme le Président du PAJLO et comme membre d'une communauté de langue officielle en situation minoritaire. Il a livré sa perspective sur le droit et la culture francophones au Canada à titre de fonctionnaire fédéral qui œuvre dans le domaine des langues officielles depuis maintenant près de vingt ans.

Il a d'abord brossé à grands traits les réalisations du PAJLO, le Programme national de l'administration de la justice dans les deux langues officielles. Il s'agit d'un programme conjoint du ministère du Patrimoine canadien, du ministère de la Justice du Canada et du Bureau fédéral de la traduction (Travaux publics et Services gouvernementaux Canada), qui a comme mandat de voir à la création et au développement des outils nécessaires à l'administration de la justice dans les deux langues officielles dans l'ensemble du pays.

Le PAJLO est aussi un forum privilégié d'échanges, de consultation et de concertation avec la communauté juridique d'expression française. C'est donc un lieu où la culture des communautés de langue officielle en situation minoritaire vient façonner le droit au Canada. En effet, par le biais de l'apport des communautés, le ministère de la Justice était en mesure de mieux répondre aux préoccupations qu'elles expriment.

Me Levert a indiqué que lors de la réunion annuelle du PAJLO qui s'est tenue à Moncton, les représentants des associations de juristes d'expression française ainsi que le Commissaire aux langues officielles ont manifesté leur désenchantement face à la position adoptée par la Procureure générale du Canada dans certains dossiers à teneur linguistique. Me Levert a assuré que le ministère de la Justice était à l'écoute des préoccupations des communautés.

En sa qualité de Président du PAJLO, il a transmis les préoccupations des minorités et du Commissaire aux hautes instances du Ministère qui ont accepté de tenir une rencontre conjointe du Comité sur le bilinguisme et le bijuridisme et du Comité des orientations. C'est donc dire toute l'importance qu'accorde le Ministère à un forum comme le PAJLO et aux préoccupations évoquées par les communautés de langue officielle en situation minoritaire.

L'exemple des projets pilotes du Manitoba témoigne éloquemment de l'engagement du ministère de la Justice à promouvoir l'accès à la justice dans les deux langues officielles. Ainsi, le Ministère de la Justice contribuera la somme de 70 000 $ sous forme de subventions échelonnées sur trois ans au soutien de projets pilotes au Manitoba. Ces projets seront axés sur le principe du «guichet unique » pour une variété de services judiciaires et administratifs offerts dans une localité centrale ayant une forte proportion de citoyens et de citoyennes d'expression française.

Ce sont là des exemples de situations où le Ministère essaie, dans la mesure de ses moyens, de répondre aux préoccupations des communautés. Cela illustre combien le droit n'est pas une abstraction, combien le droit n'est pas statique et vide de contenu. Au contraire, le droit se trouve à évoluer en s'enrichissant au contact de la culture, notamment de la culture francophone.

Me Levert a aussi cité les développements importants en matière de bijuridisme, qui ont été amorcés d'abord au Canada mais dont les répercussions se font sentir bien au-delà de nos frontières.

En raison du bilinguisme officiel du côté fédéral ainsi que de la coexistence de deux systèmes juridiques au pays, il existe au Canada quatre auditoires du droit (du moins en droit privé) : les francophones et les anglophones régis par le droit civil, d'une part, et les francophones et les anglophones régis par la common law, d'autre part.

Jusqu'à récemment, la version anglaise des lois fédérales tendait à reproduire la terminologie et les notions propres à la common law, tandis que la version française, elle, puisait sa terminologie aux sources du droit civil. Malheureusement, cette façon de faire avait pour effet de laisser pour compte deux des quatre auditoires mentionnés ci-dessus, soit les francophones vivant à l'extérieur du Québec et régis par la common law et les anglophones québécois qui sont régis par le droit civil.

Le ministère de la Justice du Canada a donc adopté, en 1995, une politique sur le bijuridisme législatif ayant pour prémisse le respect, par le législateur fédéral, des quatre auditoires du droit au pays et reconnaissant que tous les Canadiens ont le droit de comprendre le sens de la législation fédérale qui leur est applicable. Cela suppose que les Canadiens puissent lire les textes de loi fédéraux dans la langue de leur choix et que la version linguistique qu'ils choisissent de lire s'harmonise avec le système juridique en vigueur dans leur province ou territoire de résidence.

Me Levert a conclu en affirmant que l'expertise et le savoir-faire développés au Canada en matière de bilinguisme et de bijuridisme constituent une force vive pour l'accès à la justice dans les deux langues officielles. C'est d'ailleurs dans cette optique qu'au Canada les futurs juristes peuvent être formés dans le système juridique et dans la langue officielle de leur choix. Grâce aux efforts des Universités de Moncton et d'Ottawa, ainsi que de l'Université McGill de Montréal, langues et droit constituent un concept unique et intégré qui permet de former des juristes au service de la population canadienne, et ce dans les deux langues officielles et dans deux systèmes juridiques du Canada.

Allocution du Dr Peter Leuprecht, Doyen-élu à la faculté de droit de l'Université McGill

Le Dr Leuprecht a présenté sa communication sous la toile de fond : culture, identité et altérité. Il a soutenu que dans le monde actuel deux tendances contradictoires s'affrontent : diversité et uniformité.

D'une part, la communauté internationale reconnaît de plus en plus la diversité culturelle et linguistique comme un bien qui doit être protégé et promu. D'autre part, de puissantes forces de standardisation, d'uniformisation et de nivellement sont à l'œuvre, favorisées par la mondialisation et les «lois du marché» que sous-tend l'idéologie panéconomique.

Selon le Dr Leuprecht, pour contrer l'uniformité, il est impératif de résister au diktat de l'idéologie panéconomique et aux «lois du marché» sans pour autant tomber dans le piège du repli identitaire.

Le Dr Leuprecht a ensuite abordé le thème de la langue, laquelle est, selon lui la composante essentielle de notre identité et le moyen privilégié de communiquer avec l'autre. Il a affirmé que les droits culturels constituent une partie intégrante des droits indivisibles de la personne humaine. Parmi les droits culturels, le droit à la langue et les droits linguistiques occupent une place essentielle.

La garantie effective des droits de la personne, y compris les droits culturels et linguistiques, implique pour l'État non seulement un devoir d'abstention, mais aussi un devoir d'action positive.

Il a conclu en affirmant qu'il faut réaliser une écologie culturelle et linguistique respectueuse de la diversité, pour en arriver à une «harmonie polyphonique» pour reprendre sa métaphore musicale. Le caractère bilingue et bijuridique du Canada constituent des atouts importants tant sur le plan national qu'international.

Clôture du colloque par Me Mario Dion, Sous-ministre délégué, Droit civil et gestion ministérielle

 Dans son mot de clôture, Me Mario Dion a chaleureusement remercié tous les intervenants, participants et participantes au colloque, lequel a été des plus enrichissants puisqu'il a permis d'échanger et de continuer le dialogue.

Il a réaffirmé la volonté ferme du gouvernement du Canada à promouvoir la pleine reconnaissance et l'usage des deux langues officielles et à favoriser l'épanouissement des deux communautés linguistiques partout au Canada ainsi que la fierté du ministère de la Justice pour son engagement à l'égard de la reconnaissance des deux langues officielles.

  • Il a indiqué que le colloque qui s'achève constitue un exemple éclatant de cet engagement. Il a remercié toutes et tous les employé(e)s des Bureaux régionaux du Ministère à travers le pays, qui se sont déplacé(e)s pour assister à cet événement.
  • Il a souligné les échanges francs qui ont eu lieu et qui ont donné matière à réflexion permettant au Ministère, à ses partenaires fédéraux et à des représentants des communautés de faire valoir leur point de vue mais aussi d'être à l'écoute les uns les autres.

Il a conclu en remerciant au nom de tous les participants et participantes ainsi que les conférenciers, l'équipe organisatrice du colloque, toutes ces personnes qui ont joint leurs efforts pour assurer le succès de cet événement.

Ministère de la Justice du Canada
mai 1999

 

Mise à jour : 2005-12-05 Haut de la page Avis importants