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ÉVOLUTION DE LA CRIMINALITÉ : ÉTAT DE LA RECHERCHE

Stephen Schneider, Professeur adjoint
School of Justice Studies
Université Ryerson


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1. RÉSUMÉ

La présente étude vise à cerner et à évaluer les recherches et les organismes qui ont formulé des prévisions sur la criminalité, et en particulier des prévisions s'étendant sur les deux premières décennies du 21esiècle. Cette étude se fonde sur un examen de la documentation électronique et imprimée portant sur le sujet ainsi que sur des entrevues structurées menées auprès d'organismes et de chercheurs.

Les prévisions sur la criminalité peuvent être élaborées tant au moyen de méthodes qualitatives que de méthodes quantitatives. Les méthodes qualitatives comme l'analyse de l'environnement, l'élaboration de scénarios ou les groupes Delphi sont particulièrement utiles pour déterminer lanaturefuture de l'activité criminelle. Par opposition, les méthodes quantitatives servent à prédire la portée future de la criminalité, et plus précisément les taux de criminalité. Une méthode quantitative courante servant à établir des prévisions consiste à faire des extrapolations à partir des tendances relatives au taux de criminalité annuel établies au moyen de modèles chronologiques. Cette approche suppose aussi l'établissement de liens entre les tendances passées relatives à la criminalité et les facteurs susceptibles d'influer sur la portée future du crime, en particulier les variables démographiques et macro‑économiques.

Les variables démographiques sont considérées comme les plus importants déterminants des taux de criminalité, ce qui explique leur rôle capital dans les prévisions sur la criminalité. La variable démographique clé semble être la taille de la population masculine âgée de 15 à 25 ans, groupe d'âge où la tendance à la délinquance est la plus élevée. Les sociétés dans lesquelles la population de jeunes hommes est élevée connaissent un taux de criminalité plus important que les autres. Plusieurs études montrent que les taux de crimes contre les biens ont tendance à augmenter lors des récessions économiques et inversement, à diminuer durant les périodes de croissance économique.

En ce qui concerne le Royaume-Uni et les États-Unis, si l'on s'appuie principalement sur les tendances démographiques et macro-économiques, on peut dégager un consensus selon lequel jusqu'en 2010, le taux de criminalité global sera égal au taux de criminalité moyen enregistré au cours des 10 à 15 dernières années. Il en découle que ces pays connaîtront une augmentation allant de faible à modérée de leur taux de criminalité global à compter du début du 21esiècle. On peut s'attendre à une évolution semblable dans les autres pays industrialisés.

Les changements les plus importants qui se manifesteront au cours des prochaines décennies ne viseront pas la portée du crime, mais plutôt sa nature ou sa complexité. Les crimes contre les biens continueront d'avoir pour cible les biens de consommation matériels. On constatera cependant durant cette période une augmentation des vols de biens immatériels comme les services électroniques, l'information, le savoir et même l'identité. Les voleurs s'intéresseront au matériel comme les téléviseurs numériques, les ordinateurs ou les téléphones cellulaires qui leur permettra d'avoir un moyen d'avoir accès à de coûteux services électroniques. Le crime deviendra aussi davantage organisé et transnational; de plus en plus, les délinquants œuvreront dans un ou plusieurs pays alors que leurs victimes résideront dans des pays situés de l'autre côté du globe.

La recherche relative aux prévisions sur la criminalité indique que la variable qui influera le plus sur la complexité future du crime est la technologie. Grâce aux nouvelles technologies, les délinquants auront plus facilement accès aux systèmes, aux installations, aux biens et à l'information. Les nouvelles technologies supprimeront également les obstacles géographiques au crime, augmenteront la rentabilité des infractions criminelles, assureront l'anonymat et rendront les crimes encore plus difficiles à déceler. Les crimes traditionnels comme le vol, la contrefaçon, la pornographie infantile, le harcèlement criminel, le blanchiment d'argent et la fraude ne disparaîtront pas et seront même rendus plus faciles par les nouveaux outils technologiques. L'Internet constituera un moyen privilégié permettant aux délinquants de perpétrer tant des crimes traditionnels que de nouveaux types de crimes. Bref, l'âge de l'ordinateur, de la technologie numérique et du téléphone cellulaire entraînera, d'une part, une évolution des formes anciennes de criminalité et, d'autre part, la création de nouveaux services à valeur élevée qui deviendront la cible de l'activité criminelle.

L'élément commun à la plupart des prévisions sur la criminalité est l'hypothèse voulant que le groupe démographique chez qui la tendance à la criminalité continuera d'être la plus forte soit celui des jeunes hommes âgés de 15 à 25 ans. Les jeunes délinquants susceptibles de susciter le plus d'inquiétude sont ceux pour qui la technologie ne connaît aucun secret puisqu'ils seront en mesure de commettre des crimes électroniques et informatiques complexes, et notamment de voler des signaux électroniques, de contrefaire des produits numériques ou de pirater des réseaux informatiques à des fins de vandalisme ou pour leur profit personnel. Il se peut aussi que des entreprises licites ou illicites commettent davantage de crimes dans l'avenir. En effet, l'Internet ayant rendu possible la création d'« entreprises virtuelles », il est plus facile aux délinquants sans scrupules d'escroquer ou de voler impunément les gens.

Comme c'est le cas aujourd'hui, les ménages, les entreprises et les gouvernements seront dans l'avenir les cibles d'un vaste éventail de crimes contre les biens, de crimes électroniques et de crimes intellectuels commis tant par des organisations criminelles que par des criminels indépendants. Les membres du grand public continueront d'être les principales victimes des crimes contre les biens, en particulier étant donné que la consommation de produits électroniques portables de haute valeur devrait continuer d'augmenter. Les tendances démographiques permettent de prévoir une augmentation importante du nombre de personnes âgées au sein de la population au cours des vingt prochaines années. Il est pensable que cette population soit à risque d'être victime d'attaques criminelles. Quant aux entreprises, elles auront sans doute surtout à craindre d'être la proie de tentatives de vol ou de sabotage visant leurs biens immatériels, et en particulier l'information et le savoir dont elles disposent. À mesure que s'intensifie la concurrence dans le domaine du savoir, des entreprises sont susceptibles de recourir à l'espionnage industriel pour essayer de voler la propriété intellectuelle de leurs concurrents dans un effort pour disposer d'un avantage sur eux.

Bien qu'il y ait peu de raisons de croire que le taux de criminalité augmentera de façon spectaculaire au cours de la première décennie du 21esiècle, étant donné l'intensification prévue de la mondialisation, de la complexité et du caractère organisé du crime, on peut s'attendre que la criminalité ait une incidence plus grande sur les sociétés occidentales que celle qu'a eu sur elles un taux de criminalité similaire dans le passé. En particulier, la technologie de pointe dans le domaine des télécommunications comme l'Internet permettra aux délinquants d'augmenter le nombre de leurs victimes. On craint aussi que du fait qu'il se mondialise, se complique et s'organise de plus en plus, le crime pose un plus grand risque pour les marchés financiers, la stabilité économique et même la sécurité nationale de certains pays.

Une analyse comparative internationale révèle que la plupart des études de prévision de la criminalité portant sur le 21esiècle ont été menées aux États-Unis et en Grande-Bretagne. La présente étude n'a mis en lumière aucune étude de ce genre menée au Canada au cours de la dernière décennie. Une analyse superficielle des sources de données canadiennes ne fait ressortir aucun obstacle réel à l'utilisation au Canada des structures et des modèles élaborés ailleurs. Statistique Canada possède les compétences, les ressources, les outils et l'expérience voulus dans le domaine de la collecte de données statistiques sur les infractions criminelles, y compris dans le domaine des analyses chronologiques pour faire ce genre d'études. Comme Statistique Canada recueille déjà des données quantitatives sur les facteurs qui influent sur le crime, l'organisme peut donc établir des liens entre ces données et les données portant sur la criminalité de manière à pouvoir faire des prévisions chronologiques et des études d'impact.  

La principale recommandation de la présente étude est de réserver des fonds à un programme de recherche intégré visant à prévoir l'évolution de la criminalité ainsi que les taux de criminalité futurs et à évaluer l'incidence (en termes de coûts) du crime tant dans le présent que dans l'avenir. Ces fonds devraient être consacrés à des recherches appliquées sur lesquelles pourront s'appuyer des politiques et des programmes s'efforçant de prévoir l'évolution de la criminalité et d'en atténuer les conséquences pour la société canadienne. Le gouvernement fédéral devrait constituer un groupe de travail multidisciplinaire et multisectoriel chargé de coordonner et d'entreprendre ces recherches. Les recherches futures devraient viser à évaluer l'incidence plus large de la nouvelle technologie sur le crime et le système de justice pénale. Il conviendrait de financer des recherches scientifiques et technologiques portant sur la réduction de la criminalité, en particulier de la criminalité informatique. Ces initiatives doivent s'inscrire dans des efforts en vue de faire en sorte que la réduction de la criminalité soit prise en compte dans les processus de planification et de prise de décisions dans l'ensemble de la société, au sein des organismes tant publics que privés et des ménages.

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