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RAPPORT TECHNIQUE

MESURES DES DÉPENSES ATTRIBUABLES AUX ENFANTS AU CANADA: GUIDE PRATIQUE
Partie I

Martin Browning
Université McMaster

janvier 1991

Les opinions qui y sont exprimées sont celles de l'auteure ; elles ne reflètent pas nécessairement celles du Ministère de la justice Canada.


SOMMAIRE

1. INTRODUCTION

Chacun sait que l'éducation des enfants coûte cher, mais on sait moins comment on doit mesurer (ou même conceptualiser) ces coûts. On ne peut assez insister sur le fait qu'il s'agit d'un domaine qui suscite une controverse considérable (voir Pollak (1990) pour une discussion en profondeur de ces questions par un des chefs de file du domaine). Pour souligner l'absence d'accord, on trouvera au tableau 1.1 certaines des évaluations publiées récemment du coût d'un enfant par rapport à deux adultes. Ce qui frappe le plus au sujet de ces chiffres, c'est leur variabilité. La seule conclusion que l'on puisse tirer de ces évaluations est qu'un enfant équivaut à quelque chose qui se situe entre 1 et 50 % du coût de deux adultes.

Ce sondage ce veut un guide sur les données et les méthodes que l'on peut utiliser pour mesurer le coût des enfants. Nous y insistons sur le fait que l'utilisateur potentiel doit se rendre compte des lacunes de la méthode utilisée et des autres solutions possibles. Bien que, comme nous allons le voir, les onze méthodes dont je parle comportent toutes des défauts, notre l'intention n'est pas négative. Nous ferons des recommandations; et nécessairement, ces dernières ne seront pas sans susciter la controverse.

Avant de passer aux problèmes que soulève la réponse à ce qui semble d'abord la question plutôt banale de savoir combien coûtent les enfants, j'examinerais brièvement certaines des raisons pour lesquelles nous mesurons ces coûts en premier lieu.

L'évaluation du coût des enfants trouve sa première utilisation au moment de déterminer les allocations versées après un divorce par le parent qui n'a pas la garde de l'enfant au parent qui en a la garde. C'est ainsi que le fait de savoir qu'un enfant plus âgé coûte plus cher qu'un enfant en bas âge pourrait donner lieu à une ordonnance allant dans le sens d'une augmentation des allocations à mesure que l'enfant vieillit. De façon plus ambitieuse, on peut utiliser les évaluations quantitatives dans une formule qui s'appuie en partie sur les coûts évalués et en partie sur les ressources des deux parents, comme dans le cas Sawhill (1983) ou Lazear et Michael (1988).

Il est également nécessaire de savoir combien coûte un enfant dans un autre domaine important, à savoir la comparaison des familles à faible revenu dont la composition diffère (voir Atkinson (1990) pour un examen récent de cette question). Supposons que nous nous mettions d'accord sur un niveau approprié de revenu pour définir le seuil de pauvreté d'un couple sans enfant. À quel niveau devrait-on fixer le seuil de pauvreté pour les familles qui ont par exemple deux enfants de moins de 6 ans? Si nous avons une mesure du coût de deux enfants de moins de 6 ans pour des familles dans cet éventail de revenu, nous pouvons alors simplement ajouter ce coût au seuil de pauvreté d'un couple sans enfant pour calculer le seuil de pauvreté d'une autre famille avec enfants.

Il nous est également nécessaire de comparer des familles de taille différente pour calculer les mesures d'inégalité. Si nous étudions la répartition du revenu dans les ménages, nous obtenons des résultats très différents suivant que nous utilisons le revenu par ménage ou le revenu par membre du ménage comme notre mesure du revenu. Il est évident que ce dernier chiffre donnera un revenu inférieur au premier pour les ménages ayant de nombreux enfants. Intuitivement, nous voyons que ces deux méthodes de mesure du revenu du ménagesont erronées. En ne tenant compte uniquement que du revenu par ménage, on suppose qu'un nombre élevé de personnes peut vivre ensemble sans ne dépenser plus qu'une personne. Par contre, en divisant le revenu du ménage par le nombre de personnes qui le composent, on ne tient pas compte du fait que l'on peut vivre nombreux ensemble à meilleur marché qu'en vivant nombreux séparément (en particulier si certains des membres du ménage sont de jeunes enfants).

Les ouvrages sur le coût des enfants surmontent ce problème en définissant les adultes et les enfants supplémentaires dans des unités d'équivalence d'adulte (comme au tableau 1.1), puis en ajoutant ces unités pour donner une mesure de la taille de la famille par rapport à sa structure. Cette façon de procéder remonte au moins jusqu'à Engel (1895). Pour un ensemble d'échelles d'équivalence d'adulte donné, nous divisons le revenu par la taille de la famille rajustée pour calculer le revenu de la famille rajustée. Voici un exemple à titre d'illustration : les plus anciens calculs du seuil de faible revenu canadien supposait qu'un couple marié équivalait à 1,67 d'un adulte célibataire. Cela suppose implicitement qu'un second adulte «coûte» les deux tiers du premier adulte. Les échelles correspondant aux enfants ultérieurs étaient établies à 0,33 du coût d'un adulte (voir Poduluk (1967)). C'est ainsi qu'un couple marié avec quatre enfants est considéré comme étant l'équivalent de trois adultes célibataires en ce qui concerne ses «besoins». Par conséquent, nous pourrions inférer qu'un couple marié avec quatre enfants disposant d'un revenu de 36 000 $ vit aussi bien qu'une personne célibataire ayant un revenu de 12 000 $.

Finalement, le coût des enfants est parfois considéré comme un facteur important au moment de décider d'avoir ou non des enfants (voir par exemple Lindert (1978)). C'est pourquoi les gouvernements qui conçoivent des politiques natalistes aiment bien trouver le moyen le plus efficace de réduire les dépenses attribuables aux enfants. Grâce à l'évaluation du coût des enfants, on peut avoir une idée de la façon dont cela peut se réaliser.

Après avoir examiné certaines des utilisations possibles de l'évaluation du coût des enfants, il est temps maintenant de voir comment réaliser ces évaluations. Comme je l'ai déjà mentionné, il n'existe aucun consensus sur la façon de procéder. Dans la troisième section ci-dessous, j'examine de façon critique onze méthodes que l'on retrouve dans les ouvrages sur la question; le fait qu'il y en ait tant témoigne de la nature controversée du sujet. Avant d'examiner les questions en détail, je commencerai par un bref examen des raisons pour lesquelles ce problème est aussi inextricable.

Le débat sur les différentes façons de mesurer le coût des enfants porte d'habitude sur une des deux questions connexes. La première, je l'appellerais «l'approche du bien-être équivalent», c'est-à-dire combien de revenu supplémentaire a besoin une famille avec enfants pour être au même niveau (jouir du même niveau de vie) qu'une famille comparable sans enfant? Ce revenu supplémentaire est alors identifié comme le coût des enfants. La deuxième question, qui motive ce que j'appellerais l'approche du calcul des coûts découle de la question suivante. Combien les parents dépensent-ils pour leurs enfants? Nous avons là une évaluation très directe et évidente du coût des enfants.

Le calcul du coût semble la façon la plus évidente, mais elle est pourtant celle qui est la moins utilisée; j'examinerais ci-dessous quatre méthodes d'application de cette mesure et je ne parlerais ici que des problèmes associés à cette application. Le premier est la façon d'attribuer le coût des biens partagés. Par exemple, le chauffage, la disponibilité d'une automobile ou l'achat quotidien d'un journal. Pensons également à l'emplacement de lamaison. Si elle est située dans un bon voisinage, tous les membres de la famille en profitent. Il n'est pas évident de savoir comment répartir un tel coût entre les adultes et les enfants, en particulier si le choix de l'emplacement est motivé par les besoins des enfants, c'est-à-dire un voisinage plus sûr et de meilleures écoles.

Certains biens sont cependant potentiellement plus facile à affecter comme l'alimentation, les jouets et les vêtements. Il s'agit là de biens privés dans la mesure où nous pouvons en principe savoir si les adultes ou les enfants les consomment (bien que là encore il puisse y avoir partage, comme pour les vêtements). Malheureusement, aucune enquête ne peut déterminer qui obtient quoi dans un ménage, mais seulement ce que le ménage achète en tant qu'unité. Les méthodes «directes» et «de répartition à l'intérieur de la famille» tiennent compte de ce problème (voir 3.2 et 3.11 ci-dessous).

L'approche du bien-être équivalent a été utilisé beaucoup plus souvent que celle du calcul du coût. Pollak et Wales (1979) ont étudié un des problèmes qu'elle soulève, à savoir : quelle aisance matérielle reste constante? Si c'est celle des parents, il nous faut alors reconnaître que les parents choisissent d'avoir des enfants en considérant qu'ils seraient sans doute dans une situation pire s'ils n'en avaient pas (de façon dramatique, s'ils ont des enfants et qu'ils leur sont retirés). Il semble donc que la compensation nécessaire pour les enfants soit négative, c'est-à-dire que les parents avec enfants paieraient pour éviter de ne pas en avoir.

Dans une étude qui fait autorité, Deaton et Muellbauer (1986) reconnaissent le problème et prétendent qu'il faut adopter une définition de l'aisance matérielle parentale plus étroite et plus purement économique qui exclut l'avantage que représentent les enfants eux-mêmes. Mais ils finissent par admettre qu'il n'est pas évident de savoir comment mesurer ce concept plus étroit. On peut voir dans bon nombre des méthodes que j'examine plus loin des moyens de matérialiser cette vision plus étroite du bien-être des parents. Une des conditions nécessaires pour définir ce point de vue étroit est que les parents doivent avoir les mêmes préférences à l'égard des biens visés par cette définition étroite que les adultes sans enfant. Si ce n'est pas le cas, nous ne savons pas alors quelle préférence utiliser pour évaluer les situations différentes.

Officiellement, toute méthode qui vise à évaluer le coût des enfants en fonction de la méthode du bien-être équivalent est une méthode qui fait une comparaison interpersonnelle (ou interfamille) du bien-être; nous estimons que les parents de la famille A ayant un revenu X ont le même niveau de vie que les adultes de la famille B ayant un revenu Y. Malheureusement, comme le fait remarquer Pollak (1990), la plupart des économistes pensent que les comparaisons de bien-être interpersonnelles n'ont aucun sens. Le fait même que l'on effectue de façon routinière des comparaisons interpersonnelles laisse à penser que cette façon de voir est trop négative. La plupart de ceux qui estiment que nous ne pouvons pas faire de comparaisons interpersonnelles, pensent que ces déclarations sont normatives (c'est-à-dire des déclarations impliquant une obligation) plutôt que positives (c'est-à-dire des déclarations véritables). Il faut en conclure que nous ne pouvons jamais connaître le coût des enfants simplement en observant les habitudes.

Je parlerai plus loin en détail de la façon dont les divers enquêteurs dans ce domaine ont choisi d'aborder ces problèmes. Comme nous le verrons, il n'existe pas de méthodes sans problème, pour les raisons évoquées plus haut.

En plus d'évaluer le coût des enfants, nous aimerions également avoir des méthodes qui permettent de mettre à jour cette évaluation. Par exemple, si le prix du lait augmente, comment allons-nous modifier le coût des jeunes enfants? En admettant que ce coût ait augmenté, la question est de savoir de combien? Un des moyens évidents de calculer le nouveau coût est de répéter l'exercice original de mesure du coût en fonction des nouveaux prix. Il s'avère que nous disposons de méthodes plus simples. En particulier, une fois que nous avons les coûts pour une année de base ainsi que les prix de l'année de base, nous pouvons les mettre à jour en utilisant les techniques conventionnelles d'indexation; on trouvera ce sujet examiné en détail dans Blundell et Lewbel (1990). Cet aspect est important dans la mesure où nous n'avons pas à répéter la tâche potentiellement difficile de calculer le coût des enfants chaque année puisque nous pouvons simplement mettre à jour les estimations existantes.

Le reste de ce document est consacré à un examen critique des méthodes permettant de mesure le coût des enfants. Dans le chapitre suivant, je passerai en revue les enquêtes nationales qui ont été menées au Canada. Nous concluons que deux enquêtes seulement peuvent réellement être utilisées pour évaluer le coût des enfants. Le reste du chapitre 2 est consacré à une description détaillée de l'une de ces enquêtes. Je décris l'autre dans mon examen de la méthode qui a été utilisée.

Le chapitre 3 est consacré à une discussion sur les méthodes d'estimation du coût des enfants. Dans la mesure du possible, j'illustrerai l'application de ces méthodes sur les données canadiennes pour élucider leurs avantages et leurs inconvénients.

Dans un dernier chapitre, nous ferons des recommandations à partir de l'analyse qui va suivre. Nous ne pouvons insister assez sur le fait que ces recommandations s'appuieront sur une évaluation subjective de la méthode susceptible d'être la plus fiable. Compte tenu des connaissances actuelles, c'est tout ce que nous pouvons faire.

 

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