DOCUMENT DE TRAVAIL
LES DIFFÉRENTS SYSTÈMES CANADIENS D'AIDE JURIDIQUE EN CE QUI CONCERNE
LES AVOCATS DE GARDE RAPPORT SOMMAIRE
Prairie Research Associates
Les opinions qui y sont exprimées sont celles de l'auteure ; elles ne reflètent pas nécessairement celles du Ministère de la justice Canada.
Version PDF version
SOMMAIRE
1.0 INTRODUCTION
1.1 Contexte de l'étude
En février 1992, le ministère de la Justice retenait les services de Prairie Research
Associates Inc. pour effectuer une étude portant sur les avocats de garde au Canada.
L'objet de cette étude consistait à faire une description et une analyse exhaustives des
modalités relatives aux avocats de garde au Canada dans les collectivités où il y a des
cours de justice permanentes. Bien que diverses études antérieures aient formulé des
commentaires sur les avocats de garde, aucune ne s'était penchée exclusivement sur leur
mode d'organisation dans les différentes provinces. Le ministère de la Justice a donc pris
l'initiative de cette recherche afin d'élargir la connaissance des questions relatives à
l'accès à la justice ayant une incidence sur les personnes défavorisées au Canada.
La décision Brydges 1 rendue par la Cour suprême du Canada le 1 er février 1990
est une composante importante de notre étude. Dans cette affaire, une personne avait été
mise en état d'arrestation au Manitoba sans être avisée qu'elle pouvait avoir recours à
l'aide juridique ou à un avocat de garde. La Cour suprême a statué que tout accusé doit
être informé de son droit à un avocat dès son arrestation. Cette pratique a évolué, de sorte
qu'aujourd'hui toute personne détenue a immédiatement droit aux services d'un avocat,
peu importe sa situation financière. Cependant, il n'y a pas eu d'augmentation
concomitante des sommes octroyées dans le cadre de l'entente fédérale-provinciale sur le
partage de coûts de l'aide juridique, afin de compenser les dépenses supplémentaires
résultant de la présence d'avocats de garde 24 heures par jour. Chaque province et
territoire a donc réagi différemment à l'arrêt Brydges, ce qui reflète bien la variété de
régimes, de budgets et de philosophies d'aide juridique au Canada.
1.2 Portée de l'étude
L'orientation de notre travail s'appuyait sur un cadre de recherche où chaque
question posée dans la proposition était liée à au moins une tâche de recherche. Il faut
insister sur le fait que ce rapport ne peut servir à évaluer l'efficacité, d'un point de vue
quantitatif ou financier, du régime des avocats de garde au Canada. De même, l'étude ne
fait pas une évaluation des différents types d'avocats de garde. Cependant, nous faisons
des observations sur la façon dont cette fonction est structurée dans chaque province.
Par ailleurs, il ne s'agit pas d'une étude nationale, le Québec ayant choisi de ne pas
y participer. De plus, ce rapport ne traite pas des avocats de garde oeuvrant dans le cadre
des cours de circuits (parfois appelées «cours itinérantes», «cours éloignées» ou «cours
temporaires»). Ces cours étendent le système judiciaire aux communautés éloignées,
surtout dans le nord du Canada. Les juges, les procureurs de la Couronne et les avocats
de garde oeuvrant en défense se rendent dans des collectivités reculées et le tribunal siège
dans des écoles ou des centres communautaires. La clientèle de ces cours est surtout
autochtone; parce que le système de justice applicable aux autochtones fait en ce moment l'objet d'une révision dans certains territoires et provinces, une étude de ce système se
limitant aux seuls avocats de garde constituerait une analyse incomplète d'un secteur de la
justice que la plupart considèrent comme un échec général. De plus, le coût d'étude de
cette seule dimension du système de justice aurait été très élevé. Nous ne nous sommes
donc pas penchés sur le système des avocats de garde du Yukon et des Territoires du
Nord-Ouest où les cours de circuits traitent un très grand nombre de causes impliquant
des autochtones.
Dans un rapport technique distinct, on retrouve une description détaillée des
opérations provinciales, une analyse de quatre études de cas et un sondage auprès des
avocats de garde. Le présent rapport résume les principales conclusions et constatations
du rapport technique.
Méthodologie
1.3.1 Introduction
Notre approche pour cette recherche a été déterminée par un certain nombre de
questions et de facteurs. Il est important de noter tout d'abord que les avocats de garde
relèvent des provinces et, en particulier, des régimes d'aide juridique qui ont évolué
depuis vingt ans. Par conséquent, le fondement législatif et les pratiques
organisationnelles pour les avocats de garde varient; il en est de même pour la façon dont
l'information est préservée. Certaines provinces se sont dotées de systèmes informatiques
pour la comptabilité et les dossiers administratifs : il est alors assez facile de quantifier les
activités des avocats de garde. Ailleurs, on ne fait que commencer à garder l'information
dans des dossiers papier qui servent en premier lieu de pièces justificatives pour les
remboursements du gouvernement fédéral. Il ne s'agit pas là d'une critique, car nous
tentons plutôt de montrer qu'il est impossible actuellement d'obtenir une perspective
uniforme des avocats de garde. Autant que possible, les données ont été regroupées afin
de permettre les comparaisons entre les provinces, mais il faut procéder avec prudence.
La recherche s'est déroulée en deux volets :
- D'abord, nous avons procédé à une examen approfondi des avocats de garde
dans toutes les provinces afin de pouvoir établir certaines comparaisons entre
les systèmes provinciaux.
- Ensuite, nous avons recueilli une masse d'informations sur les avocats de
garde dans certains endroits. Ces derniers effectuent une variété de tâches au
sein des différentes provinces. Nous avons étudié toutes les provinces
participantes et utilisé des études de cas provenant de l'Ontario, de la
Colombie-Britannique, du Manitoba et du Nouveau-Brunswick afin de
déterminer la gamme des services offerts. Il importe de souligner qu'il existe
une diversité de services, allant du modèle traditionnel où les avocats de garde
s'occupent de la comparution initiale en cour, jusqu'aux programmes
d'extension de services juridiques. Dans certaines provinces, les avocats de
garde rendent un éventail de services destinés aux personnes à faible revenu - surtout des conseils juridiques de base et des actes juridiques de moindre
importance (tels les actes notariés). Dans d'autres, ces services ne sont pas
offerts, ou le sont de façon limitée par l'aide juridique. Pour certains,
l'expression «avocat de garde» signifie exclusivement la représentation de
l'accusé lors de sa première comparution en cour. D'autres emploient
l'expression dans un sens plus général désignant tout service où des conseils
de base sont offerts. Le présent rapport met l'accent sur le rôle des avocats de
garde en cour de famille et en cour criminelle.
1.3.2 Sources d'information pour l'étude
Notre étude s'est fondée sur les sources d'information ci-dessous.
Données administratives
Les données administratives pour cette étude varient tant en quantité qu'en qualité.
La plupart des provinces gardent des renseignements sommaires sur les activités des
avocats de garde. Là où l'on fait appel à des avocats de pratique privée, les données
comptables doivent être fournies par les avocats de garde avant qu'ils ne soient payés.
Lorsque des avocats membres du personnel sont utilisés, c'est l'organisme promoteur qui
garde l'information sur les activités. L'information est parfois gardée dans un système
informatique ou seulement dans des dossiers papier.
En plus de ces rapports d'activités, nous avons consulté les rapports annuels des
régimes d'aide juridique, les mémoires et évaluations publiés de temps à autre sur ces
régimes, de même que toutes les études réalisées sur les avocats de garde depuis dix ans.
Les manuels de formation et de politiques pour les avocats de garde ont été d'une grande
utilité.
Comme nous l'indiquions plus haut, les éléments d'information retenus par les
diverses provinces ne sont guère comparables; il est donc difficile de mettre directement
en parallèle les activités assumées par les avocats de garde. De plus, il y a de nombreuses
imprécisions dans les renseignements administratifs à leur égard. Les données que
fournissent les avocats à leur régime d'aide juridique pour être rémunérés sont plus ou
moins acceptées sur parole. Dans certaines provinces, on envisage la possibilité
d'accroître les contrôles sur le nombre d'heures consignées par les avocats de garde.
Voilà pourquoi notre rapport ne peut pas servir de fondement à une analyse
d'efficacité. Nous n'avions ni les ressources, ni l'autorité pour vérifier les données
fournies par les régimes d'aide juridique. De même, compte tenu de la diversité des
systèmes d'avocats de garde, il serait peu utile de faire cet exercice tant que les pratiques
comptables ne seront pas plus uniformes.
Gestion par l'aide juridique et le barreau
Les systèmes d'avocats de garde sont administrés au Canada par les régimes d'aide
juridique et les barreaux (ces derniers en vertu d'une entente avec l'aide juridique). Dans certaines provinces, telle la Saskatchewan, l'aide juridique relève d'un organisme qui
administre le régime. Dans d'autres, telle la Colombie britannique, la commission d'aide
juridique administre le régime pour le gouvernement, mais fait presque exclusivement
appel à des avocats de pratique privée. Il s'agit d'une distinction importante : dans le
premier cas, le gouvernement embauche des avocats à titre d'employés pour fournir un
service, alors que dans le deuxième, on fait appel à des avocats de pratique privée pour
offrir l'aide juridique, moyennant des honoraires.
Font partie du personnel de direction des divers régimes d'aide juridique les
administrateurs du régime, les directeurs régionaux (c'est-à-dire la direction régionale, qui
est habituellement reliée aux tribunaux permanents desservant une région donnée) et
d'autres ayant des fonctions spécifiques, tels les avocats de garde visés par l'arrêt Brydges.
Ces gestionnaires ont été une source importante d'information pour notre étude.
Quarante gestionnaires supérieurs ont participé à des entrevues non structurées permettant
l'analyse sans contrainte des questions définies dans le cadre de recherche, de même que
l'analyse des questions que les répondants ont eux-mêmes relevées. Nous avons ainsi pu
étendre la portée de l'étude au fur et à mesure que de nouvelles questions étaient
soulevées.
Les avocats (avocats de garde))
Les avocats de garde sont surtout des membres du Barreau. La plupart des
criminalistes ont été avocats de garde à un moment donné durant leur carrière. Certains
ont exercé ces fonctions lorsqu'ils étaient simples avocats de leur cabinet. D'autres ont
continué de le faire lorsqu'ils sont devenus associés. Durant la dernière décennie, la
fonction d'avocat de garde s'est répandue au domaine civil, surtout en droit de la famille.
Étant donné que l'étude porte sur le présent, seules les personnes ayant été avocat de
garde durant la dernière année ont participé à une entrevue (en personne, par téléphone ou
par courrier). Environ 80 avocats ont participé, en personne ou par téléphone.
Un questionnaire envoyé par la poste a été élaboré de concert avec le ministère de
la Justice du Canada. Quinze avocats ont participé à un test préliminaire. L'échantillon a
été établi à partir des listes fournies par les dirigeants de l'aide juridique. Dans les
provinces à plus grande population (telles l'Ontario, l'Alberta et la Colombie britannique),
des échantillons ont été préparés à partir de grandes listes, alors que dans des provinces
telles l'Ile-du-Prince-Edouard et Terre-Neuve, tous les noms figurant sur des petites listes
ont été acceptés, ce qui a donné un total de 1100 envois par la poste. En raison des
méthodes utilisées pour établir les listes des avocats de garde, l'échantillon n'est pas le fait
d'une sélection au hasard et ne peut être utilisé à des fins statistiques.
Les champs de pratique des avocats de garde sont très diversifiés et les conditions
locales varient. Le questionnaire permettait aux répondants de qualifier leurs réponses et
nous avons reçu de nombreux commentaires écrits élaborés. Ils ont été codés par des
chercheurs connaissant bien les diverses fonctions des avocats de garde. Grâce à ce
système d'encodage, les commentaires écrits pouvaient faire l'objet d'une analyse
numérique. Enfin, tous les commentaires écrits ont été consignés en fonction du numéro
de la question et selon la province d'origine afin d'élargir le champ de la recherche.
La Couronne, les membres de l'appareil judiciaire, le personnel de la cour, la
police/les shérifs
CLes procureurs de la Couronne, les membres de l'appareil judiciaire, le personnel
de la cour (administrateurs des tribunaux, travailleurs autochtones et autres travailleurs de
la cour, etc.), et les personnes chargées de l'application de la loi ont une perspective
intéressante sur le rôle de l'avocat de garde. Ces répondants (environ 190 en tout) ont
participé à une entrevue (en personne ou par téléphone).
Ils ont été choisis à la suite de consultations avec des dirigeants de l'aide juridique,
avec des directeurs régionaux et d'autres personnes connaissant bien des tribunaux
spécifiques. Le critère essentiel était l'aptitude à commenter le rôle d'avocat de garde.
Nous avons choisi des juges siégeant lors de la première comparution en cour ou en
chambre de famille, là où les avocats de garde oeuvraient, ou des juges qui détenaient des
responsabilités administratives leur permettant de constater l'influence des avocats de
garde en cour. Nous avons tenté de nous entretenir avec des procureurs de la Couronne
en poste depuis un certain temps et qui avait aussi une expérience actuelle. Le
travailleurs des cours autochtones, de même que les bénévoles de la Société Elizabeth Fry
et de l'Armée du Salut, offrent divers services et traitent directement avec les avocats de
garde.
Études de cas
Il y a eu des études de cas dans quatre provinces, soit en Ontario, en Colombie-Britannique,
au Manitoba et au Nouveau-Brunswick. Ces provinces ont été choisies
parce qu'elles représentaient toutes les possibilités, c'est-à-dire un système où les avocats
de garde provenaient surtout de la pratique privée (la Colombie-Britannique et le
Nouveau-Brunswick), un autre qui était mixte, soit des avocats de pratique privée et des
avocats-fonctionnaires (l'Ontario), et enfin un système où les avocats de garde
provenaient en grande partie, mais non exclusivement, du personnel de l'aide juridique (le
Manitoba).
L'information a été recueillie au moyen de divers types d'entrevues. Nous avons
pris des notes pendant les entrevues, en cour, et après des rencontres entre l'avocat et le
client. La nature des services fournis par les avocats de garde a été illustrée au moyen de
vignettes, qui sont en fait des affaires judiciaires réelles.
Observation au tribunal
Dans le cadre des études de cas, nous avons observé 36 cours dans les quatre
provinces. Nous avons pu voir l'avocat de garde assumer différents rôles auprès des
clients.
Les clients
Nous avons observé l'interaction entre les clients et leurs avocats. Les clients ont
été questionnés durant les visites à la cour, dans le cadre des études de cas. Des méthodes
formelles d'entrevue de clients, qui consistent par exemple à obtenir les noms et adresses à la cour ou à faire des sondages téléphoniques ou par la poste, se sont avérées
impraticables. Les registres de la cour n'indiquent souvent pas si le client est représenté
par un avocat de garde. Or, il n'existe habituellement aucun autre dossier sur les clients,
et il est donc impossible d'élaborer des cadres d'échantillonnage.
Nous avons interviewé plus de 150 clients dans divers endroits : nous les avons
rencontrés dans les corridors, en cellule et dans d'autres lieux de détention. Les autres
entrevues se sont déroulées dans les corridors à l'extérieur des salles d'audience, dans les
escaliers et, à quelques occasions, dans des salles de consultation. C'est de cette façon
que de nombreux avocats de garde rencontrent leurs clients, car de nombreuses cours de
justice n'ont pas de salle de consultation.
Nous avons informé les clients de la nature de la recherche, en insistant sur le fait
que cette recherche n'aurait aucune incidence sur leur cause et qu'ils pouvaient refuser d'y
participer sans subir de préjudice. Très peu ont refusé.
Les entrevues avec les clients permettent d'obtenir des données qualitatives. On
obtient des renseignements importants sur l'état du client qui se trouve en cour, mais il est
cependant impossible de tirer des conclusions statistiques. L'échantillonnage n'a pas été
fait au hasard, mais dépendait plutôt de la disponibilité des répondants et des contraintes
de l'emplacement.
En résumé, les données pour cette étude ont été tirées des dispositions législatives,
des manuels de politiques, des dossiers administratifs, d'entrevues, d'observations et d'un
sondage par la poste réalisé auprès d'avocats de garde.
R. c. Brydges, [1990] 1 R.C.S. 190
Version PDF version
|