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RAPPORT TECHNIQUE

LA VIOLENCE CONJUGALE ET L'OBLIGATION DE PORTER DES ACCUSATIONS AU YUKON:
EXPÉRIENCES, PERSPECTIVES ET SOLUTIONS DE RECHANGE

Tim Roberts
Focus Consultants

96

wd1996-3F

NON-RÉVISÉ

Cette étude a été subventionnée par la Section de la recherche et de la statistique, ministère de la Justice du Canada. Les opinions qui y sont exprimées sont celles des auteurs; elles ne reflètent pas nécessairement la position du Ministère.

Les informations sur ce site peuvent être reproduites, en tout ou en partie, par quelque moyen que ce soit, sans qu'il soit nécessaire d'en demander l'autorisation au ministère de la Justice du Canada. Ces reproductions ne peuvent indiquer, de quelque manière que ce soit, que le ministère de la Justice du Canada assume la responsabilité de leur exactitude ou de leur fiabilité; elles ne peuvent non plus indquer qu'elles ont été produites avec l'autorisation du ministère de la Justice du Canada ou en collaboration avec lui.

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SOMMAIRE

Contexte de la politique relative à l'obligation de porter des accusations

En décembre 1983, le ministre de la Justice et le Solliciteur général du Canada ont fait une déclaration publique sur les enquêtes et les poursuites en matière de violence conjugale. Cette déclaration et les directives qui s'y rattachent visaient principalement à décharger les victimes de la responsabilité de porter des accusations criminelles et à s'assurer que les enquêteurs policiers et la Couronne donneraient priorité aux affaires de violence conjugale. Ces directives ont par la suite été renforcées par des politiques nationales et divisionnaires de la GRC.

Initiatives fédérales en matière de recherche

Depuis l'introduction des directives d'orientation, le ministère fédéral du Solliciteur général et le ministère de la Justice du Canada ont financé conjointement et géré des études traitant de différentes questions liées à l'intervention de la police et des tribunaux dans les cas de violence conjugale; cependant, avant la présente étude, aucune n'avait étudié de manière détaillée et complète la portée de la mise en oeuvre des directives relatives à l'obligation de porter des accusations, leur incidence et (ou) leur efficacité. Une étude menée au Yukon a été considérée comme un moyen opportun de combler cette lacune, et ce, pour plusieurs raisons :

la population du territoire est relativement peu nombreuse ce qui, du point de vue de la recherche, rendait faisable une étude des principaux intervenants à l'échelle territoriale;

la GRC a compétence sur l'ensemble du territoire;

le nombre de membres des Premières nations est important;

il y avait une volonté de la part du gouvernement territorial et des Premières nations de participer à l'étude.

Méthodologie

L'étude, dirigée par Focus Consultants de Victoria (C.-B.) entre décembre 1994 et décembre 1995, a porté sur l'efficacité et l'incidence de l'intervention du système de justice pénale dans les cas de violence conjugale, ainsi que sur les limites éventuelles des politiques relatives à l'obligation de procéder à une arrestation et de porter des accusations, et elle visait à découvrir des modèles différents d'intervention du système de justice pénale dans les cas de violence conjugale.

L'étude comportait :

entrevues avec des répondants du système de justice pénale, des services sociaux et des Premières nations à Whitehorse et dans onze autres collectivités du Yukon (ces répondants sont appelés * répondants communautaires + dans le présent résumé);

entrevues avec des victimes de violence conjugale dans les mêmes collectivités (ces répondants sont appelés * répondants victimes +);

entrevues de groupe auxquelles ont participé 42 personnes, pour la plupart membres des Premières nations, dans 10 collectivités situées à l'extérieur de Whitehorse;

entrevues avec des personnes ayant commis des actes de violence conjugale, pour la plupart de Whitehorse.

Toutes les entrevues, sauf deux, ont été menées de face à face.

Il était important pour les fournisseurs de fonds, le comité consultatif et le consultant que l'étude soit très représentative de la collectivité, et que les victimes ainsi que les personnes oeuvrant auprès des Premières nations, du système de justice pénale et des organismes de services sociaux puissent s'exprimer. L'étude n'est donc pas fondée sur une analyse quantitative de tous les incidents de violence conjugale survenus sur une période prolongée ni sur une méthodologie de suivi, mais plutôt sur les réponses subjectives et fondées sur l'expérience de groupes et de personnes concernés par les questions de violence conjugale au Yukon.

Cette méthode a été renforcée par le recours à des interviewers membres des Premières nations, sous la coordination du directeur des Programmes de la justice du Conseil des Indiens du Yukon. Ces interviewers ont mené toutes les entrevues réalisées dans les petites collectivités situées à l'extérieur de Whitehorse et toutes celles réalisées avec tous les répondants membres des Premières nations.

Le Yukon

Voici, à l'intention des lecteurs qui ne sont pas du Yukon, un bref survol des caractéristiques sociodémographiques du Yukon qui situe la présente étude dans son contexte.

en 1995, la population totale du Yukon était d'environ 30 000 personnes, dont 23 000 résidaient dans la capitale de Whitehorse. Onze des 13 petites collectivités du territoire étaient incluses dans la présente étude. L'une des collectivités a une population de moins de 100 personnes, trois d'entre elles une population se situant entre 100 et 399 personnes, cinq une population se situant entre 400 et 999 personnes, et deux une population se situant entre 1 000 et 2 000 personnes;

la collectivité autochtone forme légèrement plus de 20 p. 100 de la population du Yukon. La population de quatre des collectivités est constituée majoritairement d'autochtones, celle de cinq collectivités est répartie également et celle de trois est constitué en minorité d'autochtones;

les Premières nations comprennent sept systèmes linguistiques et culturels distincts;

les collectivités sont très isolées; dans la plupart des cas, le centre le plus proche est à au moins une heure de distance. Old Crow, une petite collectivité du grand Nord, n'est accessible que par avion.

Avant 1985, il n'y avait presque aucune ressource, si ce n'est une maison de transition unique, située à Whitehorse, et peu de soutien pour les victimes de violence conjugale. De 1985 à 1992, il y a eu un certain nombre de réalisations dans le domaine de la violence conjugale, dont le rapport du Groupe d'étude sur la violence familiale en 1985, la création de l'Unité de prévention de la violence familiale en 1988, un refuge familial à Dawson City et un Groupe de travail interministériel sur la violence familiale.

De 1993 à 1995, de nombreuses initiatives ont été entreprises au Yukon en vue d'améliorer la coordination entre les différents organismes, y compris le rapport du Comité d'évaluation de la sensibilisation du système judiciaire du Yukon à la violence familiale, d'importantes conférences d'* intégration + en 1993 et en 1995, le Comité de coordination sur la violence familiale et l'équipe d'enquête sur la violence domestique de la GRC, basée à Whitehorse.

Répondants

Les 112 répondants communautaires comprenaient :

p. 100 de femmes, 38 p. 100 d'hommes

p. 100 de personnes provenant des petites collectivités; 46 p. 100 de Whitehorse

p. 100 de membres des Premières nations; 58 p. 100 de non-membres.

Des 42 personnes ayant participé aux 12 entrevues de groupe :

toutes étaient des répondants membres des Premières nations provenant des petites collectivités

32 étaient des femmes; 10 des hommes

Des 57 répondants victimes :

à une exception près, toutes étaient des femmes

étaient membres des Premières nations; 17 ne l'étaient pas

C. infractions ont eu lieu avant 1992, 24 en 1992-1993, et 23 en 1994 ou 1995

Des 11 contrevenants :

étaient membres des Premières nations; 2 ne l'étaient pas

aucun n'était apparenté aux répondants victimes (c'est-à-dire que les échantillons étaient mutuellement exclusifs).

Incidents de violence conjugale

Les quatre facteurs mentionnés le plus souvent et perçus par les répondants communautaires comme contribuant à la violence conjugale (par opposition aux facteurs * causant + la violence conjugale) étaient 1) l'alcoolisme et abus d'intoxicants, 2) le chômage, la pauvreté, l'ennui et le manque d'instruction, 3) la dysfonction familiale, et 4) le comportement acquis. Les facteurs perçus par les victimes et les contrevenants comme étant directement associés à l'incident de violence conjugale étaient la jalousie du conjoint, la consommation abusive d'alcool du conjoint et les questions financières.

Sur les 57 incidents de violence conjugale auxquels avaient été mêlées les victimes ayant participé aux entrevues :

46 avaient des coupures et des ecchymoses;

32 avaient été victimes de menaces;

C. dans 17 cas, une arme avait été utilisée;

C. dans 14 cas, des lésions corporelles graves avaient été subies;

C. dans 23 cas, des soins médicaux avaient été nécessaires;

C. dans 43 cas, l'alcool était en cause.

Antécédents d'agression des victimes

91 p. 100 des victimes avaient déjà été agressées par leur conjoint;

71 p. 100 avaient été agressées dans des relations antérieures;

84 p. 100 des victimes ont dit avoir grandi dans une famille où il y avait des abus ou de la violence.

Déclaration d'actes de violence

Lorsque des données de la GRC sur la déclaration d'actes de violence conjugale au sein de leur collectivité leur ont été présentées, 93 p. 100 des répondants communautaires ont estimé que la fréquence réelle des cas de violence conjugale était beaucoup plus élevée. Ils estimaient que la fréquence était en moyenne trois fois plus élevée que les chiffres de la GRC.

parmi les répondants victimes qui avaient déjà été agressés par leur conjoint, 63 p. 100 n'avaient pas signalé l'incident;

les raisons mentionnées pour ne pas avoir signalé des incidents d'agression antérieurs comprenaient :

la crainte du contrevenant ou celle de ne pas être protégé

un sentiment d'ambivalence à l'égard des conséquences de la déclaration sur la relation avec leur conjoint;

l'inquiétude que le système de justice pénale ne serve pas les intérêts de la victime ou ceux de sa famille;

C. des préoccupations d'ordre logistique (par exemple, l'absence de téléphone, de moyen de transport, de soutien communautaire).

Les victimes ont déclaré avoir signalé l'incident d'agression le plus récent pour les raisons suivantes :

la gravité et la violence de l'agression;

les changements dans l'attitude de la victime envers la violence;

C. l'inquiétude au sujet de l'incidence de la violence sur leurs enfants.

Voici les conclusions tirées de la présente étude sur la déclaration des cas de violence conjugale :

habituellement, les femmes ne signalent pas d'actes de violence avant d'être rendues à un point où elle les perçoivent comme intolérables. Le message de sensibilisation public selon lequel tout degré de violence est intolérable et devrait être signalé est soit mal transmis aux femmes, soit dépourvu de sens (en raison des perceptions personnelles ou familiales), soit rejeté en raison de problèmes qui sont perçus comme découlant du contact avec le système de justice pénale;

pour diverses raisons, les organismes de services communautaires n'ont pas beaucoup d'influence pour ce qui est de convaincre les femmes de signaler les cas d'agression. Les amis et les membres de la famille constituent plutôt la principale source de soutien et d'encouragement. Cette situation donne à penser que les organismes, les médias, les conférences et les réseaux communautaires devraient s'efforcer d'aider les membres de la collectivité à relever les cas de violence conjugale dans leur cercle d'amis et de parents et d'offrir des formes pratiques de soutien qui pourraient créer une zone de sécurité autour de la victime. Ainsi entourée, la victime peut se sentir plus sûre d'elle pour ce qui est de signaler la violence dont elle est victime, ou tout simplement imposer des limites plus strictes à l'égard de ce qui constitue un comportement acceptable de la part de son conjoint;

près de 50 p. 100 des répondants ont déclaré que c'était l'incidence de la violence sur leur enfant qui les avait poussés à signaler la violence conjugale. La diffusion accrue de documents éducatifs décrivant les effets à court et à long termes de la violence sur les enfants pourrait s'avérer un thème éducatif utile pour les organismes oeuvrant auprès des collectivités.

Réactions de la GRC et obligation de porter des accusations

Les principales conclusions de la présente étude concernant l'efficacité et l'opportunité de l'obligation de porter des accusations sont les suivantes :

la réaction des victimes au sujet de la façon dont la GRC s'était occupée de leurs cas était très positive, et davantage favorable en ce qui concernait les cas survenus au cours des dernières années;

les principaux besoins exprimés par les victimes étaient le besoin de protection et celui que la GRC montre qu'elle se soucie d'elles, leur manifeste de l'intérêt et les soutienne. Pour ces deux besoins, leur évaluation de la réaction de la GRC était beaucoup plus positive pour les cas survenus au cours des dernières années;

une minorité importante de victimes (30 p. 100) ne voulaient pas que des accusations soient portées contre leur conjoint. La proportion était beaucoup plus élevée chez les victimes membres des Premières nations.

les répondants communautaires membres des Premières nations considèrent le cercle de guérison comme un élément clé de toute politique sur la violence conjugale, et ce, plus que les répondants non-membres des Premières nations;

bien que la politique actuelle bénéficie d'un bon appui, particulièrement chez les répondants victimes, environ la moitié des répondants communautaires estiment qu'il faudrait tenir davantage compte des préférences de la victime dans la décision de porter des accusations. C'est dans les collectivités des Premières nations que ce besoin est exprimé avec le plus de force.

Dans l'ensemble, ces commentaires dénotent que l'obligation de porter des accusations jouit d'un appui solide parce qu'elle véhicule le message fondamental que la violence conjugale est inacceptable et que les victimes doivent être protégées et soutenues. Il y a des preuves que les agents de la GRC sont de plus en plus sensibles à la situation des victimes d'agression. Parallèlement, il existe un degré important de dissension chez les répondants au sujet de la politique actuelle, et ces derniers favorisent une flexibilité accrue et une prise en compte des préférences des victimes. La plupart de ces opinions émanent de la collectivité des Premières nations. Tout en favorisant l'obligation de porter des accusations, de nombreux répondants membres des Premières nations aspirent à atteindre les objectifs sociaux de la guérison familiale et estiment que les interventions du système de justice pénale classique ont peu à offrir une fois que les besoins fondamentaux de protection, de sécurité et de soutien sont satisfaits.

Intervention plus globale dans les cas de violence conjugale

Il a été demandé aux répondants communautaires d'indiquer les besoins les plus urgents en vue de la préparation d'une intervention efficace dans les cas de violence conjugale au sein de leur collectivité.

le besoin le plus fréquemment mentionné par l'ensemble des répondants concernait l'amélioration du soutien à la victime. Cette réponse est compatible avec les besoins exprimés par les victimes et les objectifs d'une politique sur la violence conjugale formulés par les répondants communautaires. Le deuxième besoin le plus fréquemment mentionné est la sensibilisation et la participation de la collectivité et du public, qui n'est pas perçu comme étant bien satisfait à l'heure actuelle. Le besoin de formation et de coordination au sein du système suit de très près ce deuxième besoin qui, jusqu'à un certain point, va de pair avec la sensibilisation et la participation de la collectivité.

les répondants membres des Premières nations ont indiqué comme besoin une * méthode de guérison + dans une proportion beaucoup plus élevée que les autres répondants. Il s'agit du quatrième besoin le plus fréquemment mentionné par les répondants membres des Premières nations, comparativement à un faible sixième chez les autres répondants.

parmi les personnes ayant participé aux entrevues de groupe : là aussi surtout des membres des Premières nations, l'* amélioration du soutien aux victimes + a été indiqué le plus souvent, et de loin, mais * une méthode de guérison + et * la formation et la coordination + venaient tous deux au deuxième rang.

les répondants n'ont pas mis beaucoup l'accent sur la punition du contrevenant comme mesure d'intervention nécessaire. L'* amélioration du soutien aux victimes + a été mentionné bien plus souvent, de même que les mesures de prévention et de coordination. Les ressources en matière de traitement et de soutien des contrevenants ont également été indiquées plus fréquemment que les orientations punitives.

Expérience des victimes au cours de la période consécutive aux accusations

Les principaux constats qui se dégagent des commentaires des victimes au sujet de la période consécutive aux accusations sont les suivants :

78 p. 100 des victimes ne voulaient pas du tout témoigner ou aller en cour. Ces sentiments étaient particulièrement vifs chez les membres des Premières nations et chez les victimes provenant des petites collectivités;

seulement six des 45 victimes ont dit n'avoir reçu aucun appui dans leurs cas, tous survenus avant 1992. Le principal agent de soutien était la famille de la victime, particulièrement chez les répondants membres des Premières nations;

dans 40 p. 100 des cas, la victime a tenté d'obtenir une protection juridique contre son conjoint. Les ordonnances exécutées avec succès sont rares;

50 p. 100 des victimes disent avoir subi des pressions pour ne pas collaborer avec le système judiciaire, bien que, avec le temps, le pourcentage de cas dans lequel ce phénomène s'est produit ait diminué;

seulement huit des 43 victimes ont relaté avoir eu un contact avec la Couronne avant le plaidoyer de l'accusé. Toutefois, le pourcentage de cas dans lesquels au moins une rencontre eu lieu avant la comparution a augmenté dans les cas survenus au cours des dernières années;

environ 55 p. 100 des répondants dont les cas ont été traités par les tribunaux réguliers n'ont pas été satisfaits de leurs contacts avec la Couronne; de même, 50 p. 100 n'ont pas été satisfaits de la peine infligée à leur conjoint. Le mécontentement était également partagé entre ceux qui désiraient des peines plus longues ou des peines plus courtes, et ceux qui désiraient que leurs conjoints suivent un traitement (c'était plus souvent le cas des les victimes membres des Premières nations, qui voulaient que leurs conjoints soient traités pour leur alcoolisme) plutôt que de se voir infliger une peine d'emprisonnement;

le cas de huit des répondants victimes seulement a fait l'objet d'une peine imposée par un cercle de guérison. Parmi ceux-ci, cinq sur sept (une personne s'est abstenue de répondre) disent que le cercle de guérison a bien tenu compte de leurs opinions au sujet de la peine; deux étaient mécontents de la peine; et aucun n'a mentionné qu'il était moins susceptible de signaler à l'avenir un incident de violence conjugale à la suite de l'expérience ont vécue avec le cercle de guérison;

12 des 17 victimes qui ont eu affaire à des agents de probation dans leur cas étaient mécontents de l'application de la loi et du suivi du dossier.

Opinions des répondants communautaires sur la période consécutive aux accusations : Questions concernant les Premières nations et modèle global

Seuls 12 des 44 répondants communautaires membres des Premières nations estiment que la Première nation à laquelle ils appartiennent accorde à la violence conjugale une grande priorité. L'autonomie gouvernementale est la priorité la plus fréquemment mentionnée et, aux yeux de nombreux répondants, il s'agit d'une condition préalable à la capacité de régler efficacement les cas de violence familiale.

L'étude des initiatives entourant les ressources qui sont actuellement entreprises par les Premières nations donne à penser que le financement devrait à l'avenir être consacré au soutien des activités suivantes :

les mesures de formation demandées par les collectivités pour les bénévoles communautaires et les travailleurs rémunérés dans les domaines liés à la violence conjugale;

Cette formation devrait être dispensée au sein des collectivités et renforcée à intervalles réguliers. Un exemple d'objectifs de formation serait d'améliorer, pour les participants :

la connaissance de la dynamique de la violence conjugale, ses fondements cognitifs et son lien avec le pouvoir, le contrôle, la colère, la culpabilité et l'estime de soi;

la compréhension de la relation entre la responsabilité individuelle et collective et la guérison familiale et communautaire;

la capacité à animer conjointement les groupes de contrevenants et de victimes;

la capacité à faire le lien entre la connaissance des cas de violence conjugale et la prise de décision, l'appui, le counselling et la responsabilité dans son travail ou son activité (par exemple, counselling sur la drogue et l'alcool; santé communautaire, travail social, membre d'un groupe de soutien; ami, membre de la famille ou voisin).

Nous estimons que, dans le cadre de cette formation, l'unité de prévention de la violence familiale devrait être un intervenant principal, mais non l'unique intervenant. De nombreux répondants membres des Premières nations estiment que l'unité est insensible à une démarche de guérison qui offre la possibilité d'une réconciliation familiale. Pour tenir compte des besoins relevés par la collectivité, la formation doit être considérée comme comblant l'écart perçu entre la méthode cognitive de l'unité et la démarche de guérison qu'offre les programmes des Premières nations.

des fonctions au sein des ressources communautaires actuelles ou prévues qui sont en mesure de procurer du soutien, du counselling et un traitement immédiat tant à la victime et qu'au contrevenant.

Dans le contexte du système de justice pénale, * immédiat + signifie, dans un cas signalé à la GRC, avant que des accusations soient portées, ou juste après. Cette suggestion est fondée sur les commentaires des victimes et des répondants communautaires selon lesquels la période qui sépare l'infraction de la comparution en cour est celle qui occasionne à la victime le maximum de stress et durant laquelle le contrevenant, s'il ne s'engage pas dans un auto-examen plus positif, tend à se servir de la victime comme bouc émissaire.

des activités de formation de réseaux entre les Premières nations qui leur permettent de parrainer conjointement des conférenciers ou des activités de formation, de préparer des initiatives conjointes et d'échanger des connaissances sur leurs projets, leurs méthodes, leurs difficultés et les solutions en matière de violence familiale et conjugale.

Ce soutien pourrait revêtir plusieurs formes, notamment :

un bulletin de type * échange d'information + (qui pourrait, par exemple, comprendre des modèles de formulaires et de politiques d'évaluation pour la détermination de la peine par un cercle de guérison, des annonces de séances de formation qui pourraient se greffer à d'autres activités, des descriptions de tâches liées aux postes de service, des listes de personnes-ressources au sein de chaque Première nation);

des télécopieurs pour faciliter l'échange d'information;

des fonds pour la planification de réunions.

L'objectif général serait de faciliter les méthodes adoptées par la collectivité pour faire face à la violence familiale.

Les réponses fournies par les répondants communautaires au sujet d'un modèle privilégié de traitement de la violence conjugale pendant la période consécutive aux accusations a révélé un fort désir de souplesse en ce qui a trait à la façon dont un cas devrait être traité après que des accusations ont été portées : seuls 9 p. 100 (8 sur 92) des répondants préconisent le recours aux tribunaux réguliers, du début à la fin d'un cas, comme étant le meilleur modèle de traitement de la violence conjugale. Trente-deux pour cent des répondants ont déclaré que le meilleur modèle de traitement de la violence conjugale dépendait de chaque cas; 23 p. 100 (provenant tous des petites collectivités) sont en faveur d'un modèle mettant en cause les tribunaux réguliers jusqu'à la première comparution, suivi d'une suspension des procédures en attendant qu'un traitement soit suivi, avec la réactivation du dossier si le traitement n'est pas suivi.

La souplesse après que les accusations ont été portées est en fin de compte mieux assurée par l'élaboration de critères à l'intention de la Couronne lesquels permettraient une certaine souplesse dans les cas de violence conjugale. Voici les critères qui ressortent des commentaires des répondants dans l'éventualité où cette option est envisagée :

la gravité de l'infraction;

les antécédents de l'accusé en ce qui a trait aux accusations antérieures et aux incidents de violence familiale non signalés (d'après le récit de la victime ou d'un autre témoin);

les préférences de la victime quant à savoir si une poursuite est souhaitable, si elle désire témoigner et quelles conditions elle souhaite au sujet de contacts futurs;

la disponibilité des mesures de soutien pour la victime;

la reconnaissance du contrevenant qu'il a commis une infraction et sa volonté de participer à un programme de traitement;

la disponibilité de ressources de traitement, conformément au plan établi.

Conclusions

Cinq thèmes se dégagent du présent rapport. Il s'agit de :

L'appui à l'égard de l'obligation de porter des accusations, mais une certaine souplesse après que les accusations ont été portées

La réponse collective de tous les répondants dénoterait un appui fondamental envers le concept de l'obligation de porter des accusations. Cette réponse est principalement fondée sur l'idée que la violence conjugale constitue un problème grave et que la société devrait bien faire comprendre qu'elle est inacceptable et que les victimes réelles ou éventuelles ont besoin de protection contre les conjoints violents.

Toutefois, il n'y a pas de consensus, mais plutôt une divergence profonde sur la question de savoir si l'obligation de porter des accusations devrait déboucher nécessairement sur des poursuites. Comme il est mentionné dans le prochain thème, les victimes ne font pas nécessairement appel au système de justice pénale parce qu'elles veulent punir leur conjoint; presque toutes veulent se sentir en sécurité; et nombre d'entre elles aimeraient obtenir de l'aide en vue d'établir une relation dénuée de violence. Environ la moitié des répondants considèrent qu'il serait opportun d'avoir recours à une méthode plus souple après que des accusations ont été portées, et ce, en tenant compte d'une série de facteurs.

Ce que les victimes veulent et apprécient lorsqu'elles font appel au système de justice pénale.

Étroitement liés au thème précédent, les besoins prioritaires des victimes de violence conjugale doivent être traités avec égard et intérêt, et protégées. Elles veulent que le système valide leurs perceptions, réduise leur isolement et soit à l'écoute de leurs besoins. Bien que, comme nous l'avons signalé, il y ait un appui solide en faveur de l'obligation de porter des accusations chez la majorité des répondants, au nombre desquels se trouvent de nombreuses victimes (et particulièrement des membres des Premières nations), même le fait de * porter des accusations + ne constitue pas nécessairement un objectif important. Et il se peut que, dans le cas de nombreuses victimes, le fait d'intenter des poursuites contre leur conjoint aille à l'encontre de leur propre besoin d'être traitées avec égard, intérêt et respect.

Absence de preuves que l'obligation de porter des accusations favorise la déclaration des incidents de violence conjugale

Les commentaires des répondants renferment peu de renseignements permettant de croire que la politique relative à l'obligation de porter des accusations a favorisé la déclaration des incidents de violence conjugale. Cette politique a été mise en oeuvre au Yukon il y a plus de dix ans. Environ 70 p. 100 des répondants communautaires estiment qu'elle a été appliquée de façon constante, bien qu'il y ait certainement des preuves qu'une certaine discrétion est encore exercée et qu'il subsiste des incohérences. Néanmoins, il y a un fort consensus autour du fait que la fréquence réelle des cas de violence conjugale demeure nettement plus élevée que les cas signalés, et deux tiers des victimes n'ont pas signalé d'incidents de violence conjugale antérieurs. Qui plus est, dans la présente étude, un faible pourcentage de victimes étaient moins susceptibles de signaler des incidents de violence conjugale futurs compte tenu de la façon dont leur cas avait été traité par la GRC, la Couronne, les tribunaux ou les services de probation.

Si l'on fait le lien entre ces thèmes et les besoins principaux exprimés par les victimes et analysés sous le thème précédent, et si un objectif de principe à viser est celui d'encourager la déclaration des cas de violence, il se peut en fait qu'il soit contreproductif que la politique relative à l'obligation de porter des accusations soit présentée : ou mise en oeuvre : comme une politique de * prise en charge par le système +. L'objectif devrait consister à créer, au sein de la collectivité, un sentiment chez les victimes qu'il est sans danger et utile de discuter de son problème avec les membres de leur famille, les amis, les fournisseurs de services et la GRC et qu'elles seront écoutées avec attention. Ce message devrait aider la victime à sentir qu'elle peut créer autour d'elle une zone de sécurité dans laquelle elle peut envisager différentes options pertinentes, dont l'une peut être la décision de signaler l'incident dont elle a été victime.

Distinction entre les répondants membres des Premières nations et les autres

Des différences entre les réponses données par les répondants membres des Premières nations et ceux qui n'en sont pas membres ont été relevées dans l'ensemble du rapport, ainsi que dans les entrevues avec les victimes et les intervenants communautaires. Ces différences sont résumées dans la section * conclusions + du rapport principal. La persistance des différences laisse fortement croire qu'une politique uniforme et inflexible ne satisferait vraisemblablement pas les besoins des Premières nations et des autres nations avec la même efficacité, une opinion que renforce également le fait que l'expérience vécue par les victimes membres des Premières nations avec le processus d'imposition d'une peine par un cercle de guérison : bien qu'elle soit fondée sur un très petit échantillon : n'est certes pas pire, et semble être légèrement meilleure que la solution des tribunaux réguliers.

Accès aux ressources dans les petites collectivités

Les faiblesses les plus évidentes de la réaction aux incidents de violence conjugale que les répondants ont mentionné concernent la lenteur du processus judiciaire, la mise en application des ordonnances par les agents de probation et la disponibilité des ressources affectées au traitement des contrevenants et des victimes. Dans tous ces cas, ce manque de ressources est ressentie avec plus d'acuité dans les petites collectivités qu'à Whitehorse.

Dans la section précédente, il est proposé d'adopter une démarche en trois volets pour régler la question de l'appui des ressources au sein des collectivités. Ces recommandations devraient également être lues en tenant compte de la préférence marquée, exprimée par un fort pourcentage des répondants communautaires, pour les options de traitement des cas autres que le recours aux tribunaux réguliers.

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