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RAPPORT TECHNIQUE

EXAMEN DE LA MISE EN OEUVRE DU PROJET DE LOI C-49

Colin Meredith, Renate Mohr, et Rosemary Cairns Way
Abt Associates of Canada

1997

tr1997-1x

INÉDITÉ


SOMMAIRE

On décrit dans le présent rapport la tenue et les conclusions d'un examen de la mise en œuvre des dispositions du projet de loi C-49. L'examen a porté particulièrement sur la question de l'admissibilité des renseignements sur le comportement sexuel antérieur des victimes d'agression sexuelle. La législation sur l'agression sexuelle adoptée en 1992 est venue clarifier les dispositions sur les questions pouvant ou non être posées aux victimes sur leur comportement sexuel antérieur. Ces dispositions prévoyaient un certain nombre de critères devant être utilisés par les juges pour déterminer la valeur et l'admissibilité de ce type de renseignements. En particulier, l'article 276 du Code criminel établissait des restrictions quant aux questions pouvant être posées aux victimes d'agression sexuelle au procès en ce qui concerne leur comportement sexuel antérieur.

Le présent projet de recherche a donné lieu à un examen de la jurisprudence et à une série d'entrevues, qui pour la plupart ont eu lieu en personne, avec des procureurs de la Couronne, des avocats de la défense, des policiers ainsi que des représentants de centres d'aide aux victimes d'agression sexuelle à Vancouver, Calgary, Regina, Toronto et Montréal.

Le rapport se divise en trois principaux chapitres traitant de l'admissibilité de la preuve relative au comportement sexuel antérieur, du consentement ou de la croyance de bonne foi mais fausse dans le consentement et de la communication des dossiers personnels.

Admissibilité de la preuve relative au comportement sexuel antérieur

Dans l'ensemble, il ressort une image plus positive des incidences du projet de loi C-49 des entrevues avec les avocats de la Couronne et de la défense que des entrevues avec les représentants des centres d'aide aux victimes d'agression sexuelle et de l'examen de la jurisprudence. En général, les avocats de la Couronne et de la défense interviewés pour les fins du présent rapport considèrent que les modifications apportées par le projet de loi C-49 ont contribué à réduire (quoique de façon limitée) la fréquence des «  expéditions de pêche  » de la défense visant le comportement sexuel antérieur des plaignants. Cela est jugé avoir assuré, dans une certaine mesure, une meilleure protection de la vie privée des plaignants. Selon la perception des représentants des centres d'aide aux victimes, toutefois, ces répercussions sont amoindries par suite du recours par la défense aux dossiers de counselling des victimes en vue de discréditer leur témoignage. Cette opinion coïncide avec ce que permet de constater l'examen de la jurisprudence.

Un sujet d'inquiétude révélé par les entrevues concernait la mesure dans laquelle les antécédents en matière d'agression, plutôt que de relations consensuelles, sont visés par les dispositions de l'article 276. Il semble, sur la foi des entrevues, qu'on interprète différemment d'une administration à l'autre la portée de ces dispositions.

L'examen de la jurisprudence permet généralement de constater que les répercussions désirées du projet de loi C-49 n'ont pas été atteintes au sein du système de justice. Un motif clé permettant d'expliquer pourquoi la jurisprudence est si peu cohérente quant à l'admissibilité de la preuve relative au comportement sexuel antérieur, c'est que les juges ne s'entendent pas sur le sens de l'expression «  en rapport  » en regard des agressions sexuelles. Il ne s'agit à cet égard de critiquer le libellé de la loi mais plutôt de se rappeler que, peu importe la prudence avec laquelle on a énoncé les règles, les juges doivent toujours s'en remettre à leur conception personnelle de ces questions lorsqu'ils ont à interpréter les faits qui leur sont présentés.

Bien que la loi vise à exclure la preuve qui permettrait au jury de rejeter la version des faits du plaignant en se fondant sur des mythes ou des stéréotypes, ceux-ci semblent toujours présents à l'esprit de bien des juges. En d'autres termes, il est difficile d'imaginer d'autres fondements lorsque des juges interprètent des éléments de preuve comme étant «  en rapport  » alors qu'il ont une valeur probante fort minime. Il semble manifeste que, tant que les juges ne recevront pas une formation plus appropriée sur les motifs d'existence de certains «  mythes  », et leurs répercussions possibles sur les jurés, ils continueront d'admettre toute preuve qu'ils estiment reliée d'une façon ou d'une autre avec la question dont le tribunal est saisi.

Consentement ou croyance de bonne foi mais fausse dans le consentement

On n'a pu cerner, au moyen des entrevues menées dans le cadre du présent examen, les répercussions des modifications apportées par le projet de loi C-49 et reliées au consentement comme moyen de défense dans les affaires d'agression sexuelle. Il y a une seule exception à cette généralisation, soit l'observation selon laquelle l'obligation pour l'accusé de démontrer qu'il avait pris des «  mesures raisonnables  » pour s'assurer que le plaignant avait consenti avait, à juste titre, déplacé le fardeau vers l'accusé, en l'obligeant à prouver sa croyance alléguée en l'existence d'un consentement. L'étude de la jurisprudence n'a pas permis de déceler de tendances claires dans l'interprétation par les tribunaux des modifications portant sur le consentement.

Communication de dossiers personnels

Les avocats de la Couronne et de la défense ont dit avoir une expérience directe très restreinte en matière de communication des dossiers personnels de plaignants victimes d'agression sexuelle. Cette question préoccupait toutefois beaucoup les représentants des centres d'aide aux victimes d'agression sexuelle interviewés dans le cadre de la présente étude. On s'y est également intéressé lors de l'examen de la jurisprudence.

Tant les entrevues avec les représentants des centres d'aide aux victimes que l'examen de la jurisprudence permettent de constater que la question de la communication des dossiers personnels des plaignants préoccupe grandement les défenseurs du droit au respect de la vie privée des victimes d'agression sexuelle. En ce qui concerne la jurisprudence, il est encore trop tôt pour déterminer avec exactitude les répercussions des décisions récentes de tribunaux supérieurs sur les pratiques de conservation des dossiers des organismes qui s'occupent directement des victimes d'agression sexuelle. Il semble toutefois possible que l'effet réfrigérant observé sur les centres d'aide aux victimes de ces décisions en ce qui concerne leurs dossiers de counselling puisse se propager, dans une certaine mesure, aux policiers et aux avocats de la Couronne, qui tenteraient de restreindre l'accès des avocats de la défense à des renseignements concernant les antécédents des plaignants.

Perceptions générales concernant l'atteinte des objectifs visés au moyen du projet de la C-49

Perception de la mesure dans laquelle les dispositions du projet de loi C-49 ont encouragé le signalement des agressions sexuelles.

Les représentants des centres d'aide aux victimes interviewés aux fins du présent rapport étaient fermement d'avis que la perspective pour les victimes d'agression sexuelle de voir invoqués en cour les traitements subis par eux les incitait à ne pas signaler ces agressions. Sur cette question, les avis des avocats de la Couronne et de la défense étaient presque également partagés, certains des avocats du même avis que les représentants des centres d'aide émettant comme réserve qu'ils n'étaient pas certains de la mesure dans laquelle les membres du public connaissent les dispositions du projet de loi C-49. La question de savoir à quel point le public connaît réellement les dispositions du projet de loi C-49 reste ouverte. Il n'y a cependant nulle raison de croire, sur la foi des statistiques policières, que le taux de signalement des agressions sexuelles (tel que déterminé au moyen du système de déclaration uniforme de la criminalité) ait changé depuis l'entrée en vigueur du projet de loi C-49.

Perception de la mesure dans laquelle les dispositions du projet de loi C-49 ont fait croître le degré d'uniformité dans le traitement dans les procès pour agression sexuelle des renseignements sur le comportement sexuel antérieur des plaignants.

Tandis que les avocats de la Couronne interviewés aux fins de l'étude étaient presque unanimement d'avis que les dispositions du projet de loi C-49 avait permis d'atteindre cet objectif dans une certaine mesure, les avocats de la défense avaient davantage tendance à dire qu'ils n'avaient remarqué aucune répercussion à cet égard. Les policiers ayant répondu à cette question ont habituellement perçu des répercussions favorables bien que, de leur propre aveu, ils aient une expérience limitée en ce qui concerne le déroulement des procès.

Perception de la mesure dans laquelle les dispositions du projet de loi C-49 sont venues restreindre la défense de croyance fausse dans le consentement.

Les avocats de la Couronne étaient d'avis partagé quant à la question de savoir s'il y avait eu ou non des répercussions à cet égard. Les avocats de la défense ont davantage rapporté que les dispositions du projet de loi C-49 avaient, de fait, restreint leur utilisation de la défense de croyance fausse dans le consentement.

Perception de la mesure dans laquelle les dispositions du projet de loi C-49 ont fait croître la collaboration des victimes lors des poursuites pour agression sexuelle.

Les réponses données à cette question par les avocats de la Couronne étaient partagées, tandis que les avocats de la défense ont déclaré ne pas être en mesure d'y répondre. Pour les avocats de la Couronne, les modifications apportées par le projet de loi C-49 leur ont donné comme avantage de pouvoir dire aux plaignants qu'une procédure particulière serait suivie si la défense tentait de présenter une preuve relative à leur comportement sexuel antérieur, sans pouvoir les assurer qu'une telle preuve ne serait assurément pas présentée devant le tribunal.

Perception de la mesure dans laquelle les dispositions du projet de loi C-49 ont découragé les avocats de la défense de procéder à des «  expéditions de pêche  » visant le comportement sexuel antérieur des plaignants.

Sur cette question, les avocats de la Couronne et de la défense croyaient presque unanimement que les dispositions du projet de loi C-49 avaient, de fait, découragé ce type de comportement de la part des avocats de la défense, du moins en partie. À tout le moins, si les avocats vont toujours «  à la pêche  », leurs tentatives sont moins souvent couronnées de succès. Selon la perception des représentants des centres d'aide aux victimes, toutefois, les avocats de la défense utilisent l'accès aux dossiers de counselling pour justifier les «  expéditions de pêche  ».

Perception de la mesure dans laquelle les dispositions du projet de loi C-49 assurent, autant que possible, le respect de la vie privée des plaignants.

Sur cette question, les avocats de la Couronne et de la défense étaient d'avis généralement, mais non unanimement, que les dispositions du projet de loi C-49 aident à protéger la vie privée des plaignants. Sont particulièrement importantes à cet égard les exigences selon lesquelles les audiences visées à l'article 276 doivent être tenues à huis clos et les plaignants n'y sont pas contraignables. Encore une fois, les représentants des centres d'aide aux victimes interviewés pour les fins de l'étude estimaient que la communication des dossiers personnels portait atteinte à cet objectif visé par le projet de loi C-49.

Perception de la mesure dans laquelle les dispositions du projet de loi C-49 respectent le principe selon lequel le comportement sexuel antérieur du plaignant est rarement en rapport avec un élément d'un procès pour agression sexuelle.

Encore une fois, les avocats de la Couronne et de la défense ont généralement répondu que les dispositions du projet de loi C-49 favorisaient l'atteinte de cet objectif. Par contraste, les représentants des centres d'aide aux victimes ont exprimé l'avis que les demandes de communication de dossiers personnels avaient entraîné la présentation de renseignements sur le comportement sexuel antérieur dans un nombre plus élevé de procès.

Perception de la mesure dans laquelle les dispositions du projet de loi C-49 établissent un équilibre entre les droits et intérêts des plaignants et des accusés dans les procès pour agression sexuelle.

Les avocats de la Couronne interviewés pour les fins de l'étude étaient presque unanimement d'avis que les dispositions du projet de loi C-49 établissent un juste équilibre à cet égard. Comme il fallait sans doute s'y attendre, les avocats de la défense étaient d'avis habituellement, quoique pas unanimement, que les dispositions du projet de loi C-49 limitent de façon excessive leur capacité de représenter leurs clients dans les procès pour agression sexuelle. Selon ce qu'en percevaient les représentants des centres d'aide aux victimes, les droits des accusés sont maintenant clairement favorisés (en raison de l'accès presque illimité de la défense aux dossiers personnels) par rapport à ceux des plaignants.

La jurisprudence offre une perspective différente

Par contraste avec les entrevues auprès des avocats de la Couronne et de la défense, mais de manière conforme avec celles auprès des représentants des centres d'aide aux victimes, l'examen de la jurisprudence révèle que les tribunaux interprètent le nouveau texte législatif sur la protection des victimes de viol d'une manière incohérente, contradictoire et ne semblant pas, dans l'ensemble, favoriser l'atteinte des objectifs énoncés dans son préambule.

L'interprétation par les tribunaux est un élément clé du «  succès  » dans l'atteinte des objectifs énoncés dans le préambule du texte législatif. Il semble, à la lumière de la présente étude, que la façon dont les juges interprètent le texte législatif n'aide pas à en réaliser l'objet et le but. Comme l'étude le démontre, il pourrait y avoir davantage de risque que soit admise à des fins discutables la preuve du comportement sexuel antérieur des plaignants. En outre, la défense est plus susceptible que jamais auparavant de recourir aux dossiers médicaux et de traitements des plaignants. À eux seuls, ces nouveaux éléments seraient susceptibles de décourager le signalement des agressions sexuelles.

 

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