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RAPPORT TECHNIQUE

PROFIL STATISTIQUE DES JEUNES CONTREVENANTES

Peter Carrington et Sharon Moyer

Août, 1998

Cette étude a été subventionnée par la Division de la recherche et de la statistique, ministcre de la Justice du Canada. Les opinions qui y sont exprimées sont celles des auteurs; elles ne reflctent pas nécessairement la position du Ministcre.


SOMMAIRE

Ce rapport présente les données disponibles sur la participation des filles et des jeunes femmes aux activités criminelles et sur les façons dont elles sont traitées par le système de justice pour les jeunes du Canada. En raison de leur nombre relativement faible, les jeunes femmes sont souvent passées sous silence dans les études sur les jeunes contrevenants et le présent rapport vise à combler certaines lacunes de nos connaissances sur les jeunes contrevenantes. Il a été préparé dans le cadre de l'Initiative en matière d'égalité des sexes du ministère de la Justice du Canada, dont le mandat consiste, en partie, à faire en sorte qu'on tienne compte des intérêts des femmes dans les travaux de fond du Ministère. Étant donné que ce dernier est responsable de la Loi sur les jeunes contrevenants et des ententes fédérales-provinciales-territoriales qui visent à appuyer cette Loi, le Ministère a entrepris de fournir un aperçu à jour des jeunes femmes qui ont des démêlés avec la justice.

Les principales sources de données sont les sondages menés par le Centre canadien de la statistique juridique de Statistique Canada, notamment le Programme de déclaration uniforme de la criminalité, la version révisée de ce Programme, l'Enquête sur les homicides, l'Enquête auprès des tribunaux de la jeunesse et les sondages des programmes correctionnels. On a également utilisé des études spéciales menées par des organismes provinciaux ou territoriaux.

La criminalité chez les jeunes – comparaison entre les sexes

On a obtenu, à partir d'un échantillon d'incidents criminels contenu dans la version révisée du Programme de déclaration uniforme de la criminalité (qui constitue environ un quart des cas relatifs aux jeunes personnes accusées au Canada dans ces années), des données de 1992 et de 1993 portant sur les jeunes personnes accusées de ces incidents ou qui y étaient impliquées. L'analyse de ces données a permis de déterminer que c'est vers l'âge de 14 ou 15 ans que le taux de jeunes contrevenantes par habitant est le plus élevé. Par contre, les taux chez les adolescents continuent d'augmenter dans la catégorie des 12 à 17 ans. Les taux de criminalité chez les adolescents de 12 à 14 ans sont approximativement quatre fois plus élevés que chez les adolescentes du même âge, et la proportion garçon-fille augmente ensuite de façon constante : 5,0 pour l'âge de 15 ans, 6,6 pour l'âge de 16 ans, et 7,7 pour l'âge de 17 ans. Au total, le ratio garçon-fille est de 5,5 pour cet échantillon d'infractions commises par des jeunes et signalées par la police.

La courbe de la criminalité féminine est essentiellement la même, à quelques variations près, dans quatre des six grandes catégories d'infractions au Code criminel. La plus grande exception réside dans la catégorie des autres infractions punissables sur déclaration sommaire de culpabilité et mixtes (qui ne sont pas contre des biens ou des personnes), où la courbe continue d'augmenter régulièrement jusqu'à l'âge de 17 ans. Bon nombre des infractions contenues dans cette catégorie sont faites contre l'administration de la justice, comme la violation des conditions de la liberté sous caution et l'omission de se présenter en cour.

Le genre d'infractions change beaucoup moins avec l'âge qu'on ne l'aurait cru. Les jeunes filles plus âgées, 16 et 17 ans, ne sont pas plus susceptibles que les plus jeunes adolescentes d'être accusées d'actes criminels. Un autre indicateur commun de la gravité des infractions, c'est-à-dire la proportion d'infractions contre des personnes, atteint un niveau de 18 p. 100 chez les filles de 14 et 15 ans, puis redescend à 17 p. 100 chez les filles de 16 à 17 ans.

Toujours en utilisant la version révisée du Programme de déclaration uniforme de la criminalité comme source de données, le rapport présente plusieurs aspects des infractions contre les personnes ou les biens que l'on retrouve dans la base de données. Pour ce qui est des incidents liés à des infractions contre les personnes, les jeunes filles sont moins susceptibles d'être impliquées dans des incidents où des armes sont utilisées, dans des incidents qui ont causé de graves blessures ou la mort de la victime ou dans des incidents où la victime est un étranger. Pour ce qui est des infractions contre les biens, les adolescentes risquent moins de cibler une résidence privée (probablement parce que les adolescents sont beaucoup plus susceptibles de participer à des entrées par effraction) et sont trois fois plus susceptibles que les garçons d'être impliquées dans des vols à l'étalage, et de voler ou d'endommager des biens de moindre valeur que ceux que les garçons pourraient voler ou endommager.

La plupart des crimes commis par des jeunes sont des infractions contre des biens et les jeunes filles sont plus susceptibles d'être impliquées dans les infractions moins graves (vols qui ne dépassent pas cinq mille dollars), tandis que les garçons risquent plus d'être impliqués dans des actes criminels (entrées par effraction, vols de plus de cinq mille dollars). En ce qui concerne les infractions contre les personnes, une plus grande proportion de filles que de garçons sont accusées de l'infraction de voies de fait la moins grave.

Si la possibilité qu'un incident mène à des accusations est proportionnelle à sa gravité, les adolescents devraient faire l'objet de plus d'accusations que les adolescentes — mais cette théorie ne s'est pas avérée vraie dans l'échantillon de la version révisée du Programme de déclaration uniforme de la criminalité. On a procédé à une analyse multivariable pour évaluer l'incidence du sexe de la personne accusée sur la probabilité que des accusations soient portées, tout en gardant constants d'autres aspects de l'incident. L'analyse a révélé que les différences entre les types d'infractions dans lesquelles sont impliqués les garçons et les filles constituent le facteur critique qui permet d'expliquer l'écart (l'absence d'écart) entre les sexes dans la probabilité que des accusations soient portées. Les filles et les jeunes femmes sont plus susceptibles d'être impliquées dans des infractions de vol à l'étalage ou des infractions contre l'administration de la justice, qui risquaient deux fois plus de mener à des accusations que les autres infractions. Une fois que le genre d'infractions est pris en considération, il ne reste plus de disparités inexpliquées entre les sexes qui pourraient laisser croire que la police aurait exercé une discrimination contre les jeunes contrevenantes ou qu'elle les aurait privilégiées.

On a utilisé le Programme initial de déclaration uniforme de la criminalité pour présenter les données sur les changements survenus entre 1986 et 1995 dans le nombre de adolescentes qui ont fait l'objet d'accusations. Au cours de cette décennie, le nombre de adolescentes accusées a augmenté de 52 p. 100, comparativement à une augmentation de seulement 7 p. 100 chez les adolescents. On retrouve ce scénario, dans une mesure supérieure ou inférieure, dans toutes les provinces, à l'exception du Québec. Au Canada, le pourcentage de filles parmi les jeunes personnes accusées (dans les statistiques de la police présentant les pourcentages selon le sexe) est passé de 16 p. 100 en 1986 à 21 p. 100 en 1995. Ces augmentations découlent du nombre et de la proportion d'infractions commises contre des personnes, principalement les infractions moins graves comme les voies de fait simples, et les autres infractions punissables par voie de déclaration sommaire de culpabilité et mixtes, comme les infractions contre l'administration de la justice. La proportion d'infractions contre les biens impliquant des femmes décline dans l'ensemble du Canada et dans la plupart des provinces.

Les statistiques de la police provenant des données du Programme de déclaration uniforme de la criminalité révèlent également que le genre d'infractions pour lesquelles des adolescentes ont été accusées varie d'une province à une autre. En 1995, parmi les adolescentes accusées par la police, le pourcentage de celles qui ont été accusées d'infractions graves varie de 12 à 25 p. 100, selon la province; dans les territoires, le pourcentage s'élève à environ 33 p. 100 des adolescentes accusées.

Dans la dernière partie de cette section, on analyse les données obtenues dans le cadre de l'Enquête sur les homicides. Bien que le nombre de jeunes filles de 12 à 17 ans accusées d'infractions contre les personnes ou de crimes violents ait augmenté considérablement au cours des dix dernières années, on n'a relevé aucune augmentation chez les adolescentes accusées de meurtre, d'homicide involontaire et d'infanticide. De 1975 à 1993, il y a eu peu de changement au Canada en ce qui a trait au nombre de jeunes filles soupçonnées de tels crimes. De 1975 à 1985, le nombre annuel moyen de suspectes âgées de 12 à 17 ans est 10; plus récemment, la moyenne est évaluée à 7 par année. Globalement, de 1986 à 1993, 15 p. 100 des personnes âgées de 12 à 17 ans et soupçonnées d'homicide étaient des adolescentes.

En conclusion, même si la participation des jeunes filles aux infractions officiellement signalées a augmenté au cours des dernières années, les données statistiques de la police sur les infractions commises par des adolescentes et les accusations portées contre elles laissent supposer que l'augmentation s'est principalement produite au niveau des infractions moins graves contre des personnes et des infractions sans victime, comme les infractions contre l'administration de la justice. Les femmes ne constituent encore qu'une mince fraction des personnes désignées comme des jeunes contrevenants et accusées par la police.

Mesures de rechange

À l'heure actuelle, au Canada, il existe peu de données quantitatives sur les programmes de mesures de rechange. Cependant, des études menées par le Centre canadien de la statistique juridique indiquent qu'on est plus susceptible de référer les femmes et les personnes âgées entre 12 et 15 ans à ce genre de programme. Une proportion considérable des cas orientés vers un programme de mesures de rechange comprend les vol à l'étalage et les vols qui ne dépassent pas cinq mille dollars. Étant donné que les adolescentes sont particulièrement susceptibles d'être appréhendées pour vol à l'étalage, elles constituent une proportion plus importante des cas orientés vers les programmes de mesures de rechange (MR) qu'on ne l'aurait cru, si l'on tient compte de leur sous-représentation dans les statistiques officielles sur les actes criminels. Une récente étude sur les mesures de rechange en Ontario a permis de déterminer qu'un tiers des personnes orientées vers les programmes de MR sont des femmes; que les femmes sont plus susceptibles que les hommes d'être orientés vers le programme pour des vols qui ne dépassent pas cinq mille dollars; que les femmes reçoivent des sanctions moins sévères que les hommes, probablement parce que leurs infractions sont moins graves et leurs dossiers criminels moins importants, et que le niveau de respect des sanctions imposées est aussi élevé chez les femmes (97 p. 100) que chez les hommes (96 p. 100).

Traitement des adolescentes dans les tribunaux pour adolescents

Pour les prochaines sections du rapport, on a utilisé les données de l'Enquête auprès des tribunaux de la jeunesse recueillies pour la période de 1986-1987 à 1993-1994. On a remarqué que le nombre de cas traités par les tribunaux pour adolescents mettant en cause des jeunes filles avait augmenté de 51 p. 100 au cours de cette période. On a également remarqué une faible augmentation du nombre de cas mettant en cause des adolescents, ce qui a fait passer la proportion de cas mettant en cause des adolescentes de 14 à 17 p. 100. Au cours de cette même période, l'âge moyen des jeunes filles accusées par les tribunaux pour adolescents a diminué, et les adolescentes étaient en moyenne plus jeunes que les adolescents accusés. La majeure partie des augmentations du nombre de jeunes filles accusées par les tribunaux pour adolescents est représentée par des cas moins graves mettant en cause des personnes accusées d'infractions mixtes contre les personnes ou d'autres infractions punissables sur déclaration sommaire de culpabilité ou mixtes.

La majorité des jeunes filles accusées par des tribunaux pour adolescents sont déclarées coupables. La proportion d'adolescentes déclarées coupables est passée de 73 p. 100 en 1986-1987 à 66 p. 100 en 1993-1994 et, par le fait même, la proportion de retraits et de suspensions est passée de 22 à 28 p. 100. Les données relatives à la proportion d'adolescentes accusées déclarées coupables et à la proportion de retraits et de suspensions varient considérablement d'une province à une autre. Bien que les raisons de ces variations ne soient pas disponibles, on estime qu'elles découlent, en partie, des variations existant entre les procédures des différentes administrations relativement aux mesures de rechange, ainsi que des variations existant entre d'autres aspects de l'exercice du pouvoir discrétionnaire du poursuivant.

Très peu de cas mettant en cause des adolescentes accusées sont transférés d'un tribunal pour adolescents à un tribunal (pénal) régulier. Dans les administrations qui ont participé à l'Enquête auprès des tribunaux de la jeunesse menée de 1986-1987 à 1993-1994, seulement neuf transferts de ce genre ont été enregistrés.

Il existe une différence importante entre la distribution des décisions prononcées contre des adolescentes et des adolescents reconnus coupables par un tribunal pour adolescents. Pendant la période de 1991-1992 à 1993-1994, dans les provinces canadiennes à l'exception de l'Ontario et de la Nouvelle-Écosse, les peines les moins sévères -- libération absolue et autres (comme les mises à l'épreuve sans ordonnance de probation) -- ont été infligées deux fois plus souvent à des adolescentes qu'à des adolescents, et celles-ci ont également reçu un plus grand nombre d'ordonnances de probation et de travaux communautaires. Par contre, les peines les plus sévères de garde ont été infligées deux fois plus souvent à des adolescents qu'à des adolescentes, et ceux-ci ont reçu plus de deux fois plus souvent des peines de garde dans un milieu fermé, et plus d'amendes et d'ordonnances d'indemnisation que les adolescentes. Cette différence entre les sexes est représentée par les différentes caractéristiques des cas mettant en cause des adolescentes et des adolescents accusés : les femmes risquent plus d'être condamnées pour des infractions moins graves, comme des infractions punissables sur déclaration sommaire de culpabilité et mixtes et d'autres infractions contre les biens, tandis que les hommes risquent plus d'être condamnés pour actes criminels contre les biens. Les adolescentes comptaient également, en moyenne, moins de condamnations antérieures. De plus, les adolescentes bénéficient dans une certaine mesure des variations existant entre les provinces en ce qui a trait à la détermination des peines (qui pourrait, en revanche, découler des différentes caractéristiques des cas jugés) : elles étaient surreprésentées dans des provinces comme l'Alberta, qui a prononcé des décisions moins sévères, et sous-représentées dans des provinces comme le Québec, qui a prononcé des décisions plus sévères.

Lorsque les variations de détermination de la peine et les différences entre les caractéristiques des cas sont contrôlées et maintenues pour que, dans la mesure du possible, la comparaison soit faite entre les cas dont la seule différence est le sexe de l'accusé, il existe peu de disparités entre les sexes dans les décisions des tribunaux pour adolescents. Les jeunes contrevenantes risquent plus de se voir infliger des ordonnances de probation, de travaux communautaires, des libérations absolues et d'autres sanctions que les contrevenants, tandis que ceux-ci risquent plus de se voir infliger des peines de garde, plus précisément de garde en milieu fermé, des amendes ou des ordonnances d'indemnisation.

Intervention des Services correctionnels et récidive

Les données recueillies sur les jeunes personnes en probation ou mises sous garde constituent un bon indicateur des besoins en matière de services parce que les données montrent le nombre de contrevenantes qui font l'objet d'interventions correctionnelles dans une journée moyenne. Dans tous les types de services — détention temporaire, probation et garde en milieu ouvert et fermé — les adolescentes constituent une faible proportion des bénéficiaires. La proportion d'adolescentes dans la plupart des administrations est inférieure à un cinquième des personnes en détention ou en probation, et est inférieure à 15 p. 100 des personnes maintenues sous garde. Le faible nombre d'adolescentes ne facilite pas l'élaboration de programmes axés sur le sexe, plus particulièrement en ce qui concerne le placement sous garde, parce que dans la plupart des administrations, les jeunes femmes seront incarcérées dans plus d'un établissement correctionnel.

Le faible nombre d'études effectuées sur des jeunes contrevenantes à la fin de leur peine montrent que celles-ci récidivent beaucoup moins que les contrevenants.

Autres projets de recherche sur les jeunes contrevenantes

Le présent rapport comprend plusieurs suggestions sur l'orientation de futurs projets de recherche, notamment la nécessité d'évaluer les besoins des jeunes contrevenantes qui purgent des peines communautaires ou des peines de placement sous garde en matière de programmes et d'élaborer des programmes modèles visant principalement à répondre aux besoins qui ont été déterminés dans le cadre de ces recherches.

 

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