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DOCUMENT DE TRAVAIL
LA RELATION ENTRE LES DROGUES ILLICITES ET LES ARMES À FEU
Un examen de la documentation
Eugene Oscapella, B.A., LL.B., LL.M., Avocat
Juillet 1998
Les opinions qui y sont exprimées sont celles de l'auteure ; elles ne reflètent pas nécessairement celles du Ministère de la justice Canada.
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SOMMAIRE
La présente étude examine de façon sommaire les liens existant entre les drogues illicites
et les armes à feu. L'auteur a eu recours à deux méthodes, à savoir une revue de la documentation
spécialisée et des entrevues avec divers agents de police canadiens qui ont travaillé dans le
domaine de la répression des toxicomanies.
Étant donné l'absence d'études canadiennes approfondies sur les liens existant entre les
drogues illicites et les armes à feu, la revue de la documentation spécialisée a permis d'extraire
des données se rapportant essentiellement aux États-Unis et, à l'occasion, à d'autres pays. Il
serait malavisé de transposer au Canada les conclusions des études étrangères sans prendre en
considération notre environnement différent. Néanmoins, la description du rapport entre les
armes à feu et les drogues illicites dont font état les documents pourrait servir de point de départ
à une analyse de la situation au Canada.
Il semble exister des liens entre les drogues illicites et les armes à feu. Le commerce de la
drogue est réglementé par la violence, laquelle implique souvent le recours aux armes à feu. Les
toxicomanes peuvent être amenés à commettre des crimes pour se procurer l'argent nécessaire à
l'achat de drogues, et ils peuvent se servir d'armes à feu pour commettre leurs crimes. Les
toxicomanes peuvent également, sous l'effet de la drogue, commettre des crimes violents en
utilisant parfois des armes à feu.
De plus, l'usage d'armes peut se répandre dans le milieu de la drogue à des collectivités
qui, en d'autres circonstances, n'auraient aucun rapport avec les drogues.
La revue de la documentation spécialisée et les entrevues réalisées aux fins de la présente
étude ont permis de relever des liens additionnels entre les armes à feu et les drogues illicites :
- l'échange d'armes à feu contre des drogues, et vice-versa;
- l'existence d'itinéraires communs pour le commerce des armes à feu et des drogues;
- l'augmentation de la puissance de feu de la police (« militarisation de la police ») en
réponse à la puissance de feu réelle ou perçue des trafiquants de drogues, et
l'accroissement correspondant des armes chez les trafiquants, ce qui débouche sur une
« course aux armements ».
Dans certains cas, les liens entre les drogues et les armes à feu semblent cohérents d'un
pays à l'autre. Par exemple, les consommateurs occasionnels de drogues illicites qui ne sont pas
impliqués dans le commerce des stupéfiants ne possèdent généralement pas plus d'armes à feu
que les non-consommateurs, ni n'en font usage plus souvent. Les toxicomanes peuvent avoir
recours aux armes à feu au moment de perpétrer des crimes pour se procurer l'argent nécessaire à
leur consommation. Toutefois, le recours aux armes à de telles fins semble relativement peu
fréquent au Canada comme aux États-Unis. Dans presque tous les pays mentionnés dans lavi
documentation spécialisée, le commerce des drogues illicites constitue le principal lien entre les
drogues et les armes à feu.
De façon générale, la documentation spécialisée laisse penser que, dans beaucoup de
pays :
- les armes à feu représentent en fait un des principaux moyens de réglementer le
commerce des drogues illicites, notamment pour ce qui est de protéger les expéditions,
intimider les clients ou concurrents, contraindre à régler les dettes, résoudre les
différends, éliminer la concurrence et tuer ou blesser les informateurs;
- le commerce des drogues illicites favorise l'augmentation de la demande d'armes à feu
légales ou illégales, qui peuvent servir à menacer même les gens qui n'ont pas de lien
avec ce commerce;
- on n'a pas souvent recours aux armes à feu pour perpétrer des crimes visant à se
procurer l'argent nécessaire à l'achat de la drogue sur le marché noir;
- l'usage de la drogue ne semble généralement pas lié à la possession ou à l'utilisation
d'une arme à feu, en dehors des crimes commis pour se procurer de l'argent ou du
commerce de la drogue lui-même;
- les toxicomanes échangent souvent des armes contre des drogues.
Cela étant, l'expérience au Canada semble se démarquer, sur plusieurs points, de celle des
États-Unis :
- Au Canada, la « diffusion » d'armes à des jeunes gens en dehors du commerce des
drogues semble restreinte, quoiqu'il faille surveiller la dynamique de la diffusion. Il
n'en demeure pas moins que l'absence apparente de transmission d'armes fait
contraste avec la situation aux États-Unis, où plusieurs auteurs ont allégué que la
prolifération d'armes à feu dans le commerce des drogues, particulièrement au sein de
la jeunesse, conduit à une prolifération d'armes à feu parmi ceux qui n'ont rien à voir
avec ce commerce.
- La mise sur pied généralisée d'unités de police paramilitaires qui, aux États-Unis,
répondent à la violence réelle ou prévue liée au commerce des drogues ne semble pas
se produire à la même échelle au Canada. Cet état de choses est partiellement
attribuable au fait que ce commerce a toujours été moins violent chez nous, ou encore
parce qu'il est plus difficile pour les forces canadiennes de l'ordre d'obtenir une
puissance de feu accrue. Cependant, un récent rapport des médias semble indiquer que
la police canadienne s'affaire à acquérir des armements plus lourds pour répondre à
divers aspects du maintien de l'ordre, notamment la répression des toxicomanies. La
mesure dans laquelle cette intensification apparente de la puissance de feu des corpsvii
policiers est alimentée par le besoin perçu de répondre à des trafiquants de drogue bien
armés n'est pas évidente et exige un examen approfondi. Dans le même ordre
0d'idées, le degré auquel la puissance de feu accrue des policiers peut encourager les
personnes impliquées dans le commerce des drogues à multiplier leurs armes n'est pas
plus manifeste et peut exiger une étude plus poussée.
- Il semble peu évident que le marché de la drogue au Canada fonctionne souvent de
pair avec celui des armes à feu. Les profits faramineux découlant du commerce des
drogues rendent improbable la participation des trafiquants de drogues au marché des
armes à une grande échelle. Il se peut toutefois que certains narco-trafiquants qui
opèrent dans la rue vendent des armes obtenues des toxicomanes, mais il ne faut pas
confondre cette réalité avec le trafic organisé des armes et des drogues.
- Au Canada, l'échange à grande échelle d'armes contre des drogues semble restreint.
Aux États-Unis, la situation paraît différente. Dans les pays étrangers, il arrive que les
trafiquants de drogues, les terroristes et les groupes paramilitaires échangent des
drogues contre des armes.
- Au Canada, le commerce des drogues se déroule généralement en marge de celui des
armes, selon les données non scientifiques tirés d'une enquête limitée, mais on dispose
aussi d'éléments de preuve du contraire.
La courte revue de la documentation spécialisée et le sondage officieux effectué auprès
d'agents de police ne peuvent faire autorité pour prouver qu'il existe des liens entre les drogues
et les armes à feu au Canada. L'auteur a toutefois défini des liens qui méritent un exam00en
approfondi, particulièrement si l'on tient compte de l'importance que le Canada accorde aux
questions de la drogue et des armes à feu.
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