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DOCUMENT DE TRAVAIL
Pratiques optimales et enseignements tirés des projets de justice intégrée et multidisciplinaire
George Kiefl
Mars, 1999
Les opinions qui y sont exprimées sont celles de l'auteure ; elles ne reflètent pas nécessairement celles du Ministère de la justice Canada.
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SOMMAIRE
CONTEXTE
Lors de leurs réunions de juin 1996, les sous-ministres responsables de la Justice ont discuté des approches multidisciplinaires applicables aux problèmes judiciaires et à la justice intégrée, et ont
demandé à ce que des travaux soient entrepris dans chacun de ces domaines connexes. En août 1996, les sous-ministres se sont entendus pour que ces travaux, et les deux groupes qui en étaient responsables, s'inscrivent
dans ce qui est devenue depuis l'Initiative de justice intégrée.
En résumé, les sous-ministres ont demandé au Groupe de travail sur la justice multidisciplinaire d'entreprendre les travaux suivants :
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préparer un répertoire des projets de justice intégrée et multidisciplinaire menés dans toutes les régions du pays;
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rédiger un rapport sur les pratiques optimales et les enseignements tirés en matière de justice intégrée et multidisciplinaire;
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étudier la possibilité d'effectuer une série d'évaluations des projets exemplaires de justice intégrée et multidisciplinaire;
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explorer les moyens d'accroître la contribution des organisations non gouvernementales (ONG) aux projets de justice;
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explorer l'incidence actuelle, et éventuelle, des approches relatives à la justice intégrée dans les domaines du droit pénal, du droit civil et du droit familial.
Le Sous-comité de recherche sur la justice multidisciplinaire s'est attelé, pour sa part, à trois tâches :
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la compilation d'un répertoire des projets de justice intégrée et multidisciplinaire;
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la rédaction d'un rapport sur les pratiques optimales et enseignements tirés;
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le choix des projets exemplaires de justice intégrée et multidisciplinaire pouvant faire l'objet d'une évaluation.
Au départ, le Sous-comité de recherche a travaillé conjointement avec le Centre canadien de la statistique juridique (CCSJ) à la préparation du répertoire demandé. Ce répertoire,
constitué à l'aide des présentations de projets de justice intégrée et multidisciplinaire, a été soumis à l'approbation des sous-ministres en 1997; le CCSJ l'a publié sous
le titre Répertoire des initiatives de justice intégrée et multidisciplinaire. Par la suite, le Répertoire a été mis à jour et remis aux sous-ministres lors de leur réunion de mars 1998,
à Victoria.
Après la publication du répertoire, le Sous-comité de recherche sur la justice multidisciplinaire s'est attelé à la rédaction du rapport demandé sur les pratiques optimales et les enseignements
se dégageant des projets présentés. Ce rapport représente l'aboutissement des travaux effectués et l'ébauche d'une réflexion sur la question des évaluations dans le cadre des
prochaines étapes éventuelles.
PRINCIPALES CONSTATATIONS
L'analyse des réponses fournies au sujet des pratiques optimales et enseignements tirés révèle que la majorité d'entre elles traitent des règles de base pour la conduite de projets de justice
intégrée et multidisciplinaire, plutôt que des ingrédients de leur succès ou de leur efficacité, en général. Par exemple, des démarches telles que les «consultations
préalables» ou «l'établissement de liens de partenariat» sont citées comme pratiques optimales à propos d'un certain nombre de projets. Ces démarches sont des conditions préalables
à l'adoption d'approches intégrées et multidisciplinaires, et non des pratiques favorisant la réussite des projets de justice intégrée et multidisciplinaire. Les répondants semblent avoir
retenu de la question qu'il fallait mettre en évidence les projets, plutôt que les pratiques, exemplaires et particulièrement réussis. Cela a changé quelque peu les objectifs et le contenu du présent
rapport; néanmoins, nous avons pu dégager de quelques projets certains éléments d'information au sujet des pratiques optimales et des enseignements tirés.
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Pratiques optimales
Les pratiques optimales rentrent dans trois catégories connexes (c.-à-d., les méthodes qui contribuent à la réussite des projets de justice multidisciplinaire, par opposition aux projets exemplaires en soi),
qui sont les suivantes :
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Les consultations préalables jouent un rôle important, en ce sens qu'elles favorisent l'établissement de liens de partenariat grâce auxquels toutes les parties concernées prennent une part de
responsabilité dans un projet donné.
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Dans le même esprit, les liens de partenariat doivent être véritables pour être fructueux. Des consultations préliminaires contribuent à accroître les chances qu'une collectivité accepte
de participer à un projet de justice intégrée ou multidisciplinaire, mais il faut aller plus loin en établissant des partenariats solides, dans lesquels toutes les parties sont sur un pied
d'égalité et ont leur mot à dire sur la nature et les objectifs du projet.
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L'établissement de partenariats véritables et fructueux suppose que les collectivités et les parties concernées participent à la prise de décision et assument leur part de responsabilité
dans la conduite du projet (et le règlement des questions de justice, en général). Ce processus de prise en charge suppose que l'on respecte les besoins et les voeux respectifs de tous les partenaires, que
l'on établisse un climat de confiance et de respect entre toutes les parties concernées, et que l'on se conforme aux protocoles et autres règles en usage dans certains organismes participants.
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Résultats et effets bénéfiques
Trois principales catégories de résultats et d'effets bénéfiques se dégagent de l'analyse des projets présentés :
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les projets de justice intégrée et multidisciplinaire ont des répercussions sur la collectivité, en général, en favorisant le développement communautaire, c'est-à-dire en
améliorant le sentiment d'appartenance à la collectivité, le sens civique et l'interaction au sein des collectivités;
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la réduction des coûts et l'amélioration de l'efficience du système judiciaire figurent parmi les objectifs ou résultats mentionnés à propos de plusieurs projets de justice
intégrée et multidisciplinaire;
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la baisse de la criminalité, de la peur du crime et de la victimisation est mentionnée comme résultat ou effet bénéfique de divers projets.
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Orientation des partenariats
L'analyse des projets présentés a révélé des différences d'orientation des partenariats, qui semblent importantes pour les futurs projets de justice intégrée et multidisciplinaire.
On a abouti au système suivant de classement des projets selon le partenaire principal apparent.
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Les projets de partenariat avec la collectivité constituent une première étape vers l'intégration externe (c.-à-d., avec des partenaires ne faisant pas partie du système judiciaire), en ce
sens que des organismes judiciaires s'attaquent en partenariat avec des collectivités touchées ou intéressées à la résolution d'un problème de justice.
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Les projets de coordination du système judiciaire sont axés sur l'intégration interne (c.-à-d., au sein de l'appareil judiciaire même), en ce sens que des organismes du système
judiciaire resserrent leurs liens en vue d'intégrer et de coordonner leurs activités.
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Les projets de collaboration entre systèmes visent à améliorer la collaboration entre l'appareil judiciaire ou les organismes qui en font partie et d'autres services publics (p. ex., le système
d'éducation), ce qui suppose une forme d'intégration externe différente, voire plus complexe.
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Les projets axés sur une approche holistique représentent une combinaison des trois précédents. Ils peuvent également être menés en collaboration avec un partenaire inhabituel, tel
qu'un groupe bien particulier de la collectivité, ou à l'intention d'une clientèle cible bien particulière. Toutefois, ces projets ont un point en commun : ils sont axés sur la recherche de
solutions complètes et globales aux problèmes, et non sur une forme particulière de partenariat.
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Différences entre projets de justice intégrée et projets de justice multidisciplinaire
Lorsque l'on examine de plus près ces différentes catégories de projets, on s'aperçoit que les projets de justice intégrée et les projets de justice multidisciplinaire n'ont pas les
mêmes orientations.
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Tous les projets de justice intégrée présentés, à l'exception d'un projet axé sur une approche holistique, rentrent dans la deuxième catégorie (coordination du système
judiciaire). On peut donc en conclure qu'ils visent avant tout l'intégration interne . c.-à-d., au sein de l'appareil judiciaire même.
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Les projets de justice multidisciplinaire rentrent souvent dans la première et la troisième catégorie (partenariat avec la collectivité et collaboration entre systèmes). On peut donc en conclure qu'ils
sont davantage axés sur l'intégration externe . c.-à-d., avec des partenaires ne faisant pas partie du système judiciaire, qu'il s'agisse de la collectivité ou d'organismes relevant
d'autres services publics. Par contre, il est vrai que des projets de justice multidisciplinaire présentés rentrent dans les quatre catégories à la fois, ce qui donne à penser qu'ils se prêtent
mieux à des partenaires plus variés que les projets de justice intégrée.
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Ces différences d'orientation mises à part, les projets de justice intégrée et les projets de justice multidisciplinaire ont manifestement des points communs en ce qui a trait aux objectifs et aux
résultats visés.
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Les deux types de projets visent à atteindre des objectifs et résultats comparables en matière de justice et de progrès social. Plus précisément, les objectifs visés dans les deux cas sont la
prévention du crime, le développement communautaire, l'utilisation moindre du système de justice conventionnel, l'aide aux victimes et aux groupes défavorisés.
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Les deux types de projets peuvent avoir les mêmes effets bénéfiques : utilisation mieux ciblée du système de justice, réduction des coûts et amélioration de l'efficience. Leurs
résultats et effets bénéfiques particuliers sont comparables : prise en charge des problèmes de justice par la collectivité, baisse de la criminalité, amélioration de l'efficience et
optimisation des coûts.
CONSÉQUENCES
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Accès à la justice
Compte tenu de leurs résultats et effets bénéfiques globaux, les projets de justice intégrée et multidisciplinaire contribuent tous à l'amélioration de l'accès à la justice.
Les efforts déployés en faveur de l'accès à la justice ne datent pas d'hier - aide juridique, programmes de vulgarisation et d'information juridiques, programme d'agents de liaison judiciaire
autochtones et autres initiatives judiciaires. Ils visent tous à garantir aux personnes et aux groupes défavorisés un meilleur accès à la justice et aux services juridiques.
Les projets de justice intégrée et multidisciplinaire s'inscrivent également dans ces efforts en vue d'améliorer l'accès à la justice. Toutefois, ils ne procèdent pas de la même
approche que les services d'aide juridique ou d'agents de liaison judiciaire autochtones. Leur but premier est, non pas d'améliorer l'accès à la justice, mais d'améliorer la participation à
l'élaboration de projets de justice et à la prise de décision au sein du système de justice.
Les projets de justice intégrée et multidisciplinaire incitent les citoyens à contribuer à l'avancement du système de justice sous toutes ses formes, c'est-à-dire :
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le respect de la loi, de l'appareil judiciaire et des organismes qui en font partie;
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la connaissance et la compréhension de la loi et des rouages du système de justice;
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la volonté de participer à l'administration de la justice en tant que témoins et bénévoles.
Dans cette perspective, les projets de justice intégrée et multidisciplinaire sont très prometteurs pour ce qui est d'améliorer l'accès à la justice, non pas simplement par des moyens
conventionnels tels que les services d'aide juridique ou d'agents de liaison judiciaire, mais également par d'autres voies telles que :
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la justice réparatrice;
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les solutions de rechange au règlement des conflits;
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la prévention du crime;
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le développement communautaire;
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la cohésion sociale, dans son ensemble.
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Définition de la justice intégrée
Lorsque l'on réfléchit à ce que signifie la justice intégrée - en écartant toute définition formelle pour le moment - on s'aperçoit que l'on peut aboutir à plusieurs
interprétations. Par exemple, on pourrait assimiler la justice intégrée à toute initiative prise en vue de travailler d'une manière multidisciplinaire avec des partenaires ne faisant pas partie du
système judiciaire, du moins jusqu'à un certain point. En revanche, la justice intégrée ne se résume pas à des partenariats multidisciplinaires constitués aux fins de la conduite d'un
projet ou de la résolution d'un problème; elle vise également à ce que tous les organismes responsables des politiques sociales coordonnent leurs programmes d'action et leurs décisions.
L'idée selon laquelle la justice intégrée est un processus d'élaboration de politiques intégrées - c'est-à-dire qui répondent aux aspirations et aux besoins de la
collectivité, et qui s'harmonisent avec les politiques d'autres services publics, comme la santé, l'éducation, les services sociaux, etc. - soulève d'autres questions. En effet, les projets
présentés tendent rarement vers cette intégration des politiques et des décisions. Toutefois, certains répondants ont évoqué cet objectif, et ont soulevé, implicitement ou explicitement,
des questions au sujet des éléments d'information requis en vue d'une intégration plus poussée du processus d'élaboration de politiques et de prise de décision. En voici quelques exemples :
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On se pose la question de savoir qui devrait représenter le gouvernement, au nom de qui devraient parler les représentants du gouvernement (au nom du Ministère, en leur nom propre?) et comment veiller à
l'obligation de rendre compte de tous les membres/partenaires. Si le but recherché est de favoriser l'avancement de la justice intégrée, il faut s'entendre d'une manière ou d'une autre sur le
rôle et le mode de représentation de chacun.
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On a également de la difficulté à élaborer une définition pratique de la « participation englobante » et à définir les critères du partenariat. Il ne suffit pas, en effet, de
réunir des gens dans l'intention louable d'élaborer des politiques intégrées; encore faut-il établir des paramètres pour le choix de ceux qui prennent part à ce processus de prise de
décision et s'entendre sur ces paramètres.
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On mentionne les problèmes rencontrés pour mettre sur pied une structure non hiérarchique, et pour établir un processus et des critères concernant la prise des décisions. Si l'élaboration
des politiques doit se faire au moyen d'un processus intégré de prise de décision, cela suppose que les organismes concernés soient sur un pied d'égalité, c'est-à-dire, par exemple,
que les questions de justice ne l'emportent pas sur les questions de santé dans un domaine particulier de la politique sociale. Dans cette perspective, une structure non hiérarchique favorise l'élaboration de
politiques intégrées et un processus intégré de prise de décision.
La justice intégrée, dans toute l'acception du terme, est davantage une manière d'agir en soi qu'une initiative ou un projet particulier, contrairement à l'idée communément répandue
dans le secteur public. En théorie du moins, toute question d'intérêt public pourrait être résolue à l'aide d'un modèle d'élaboration de politiques intégrées et en
adoptant une approche multidisciplinaire en matière d'exécution de programmes. Toutefois, les questions et difficultés précitées démontrent la nécessité d'explorer plus avant les
moyens de surmonter les obstacles et les problèmes rencontrés dans la recherche de mécanismes intégrés de prise de décision.
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