Rapport de recherche
EXPÉRIENCES, ATTENTES ET PERCEPTIONS DES VICTIMES À L'ÉGARD DE LA JUSTICE RÉPARATRICE
Jo-Anne Wemmers Marisa Canuto
Mars 2002
Cette recherche a été menée pour le compte du Centre de la politique concernant les victimes, du ministère de la Justice du Canada, dans le carde d'une série de recherches sur les victimes d'actes criminels. Les opinions exprimées dans ce document sont uniquement celles de L'auteur et ne représentent pas nécessairement le point de vue du ministère de la Justice du Canada.
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SOMMAIRE
La justice réparatrice est un sujet qui retient de plus en plus d'attention au Canada et à l'étranger et qui
suscite un débat à savoir si ses programmes tiennent adéquatement compte des besoins des victimes. C'est donc pour contribuer à ce débat que
nous avons effectuéla présente analyse documentaire critique des expériences, des attentes et des perceptions des victimes à l'égard de la justice réparatrice.
En règle générale, les victimes acceptent le principe de la justice réparatrice dans la mesure où la participation est strictement volontaire. Les victimes apprécient
nommément le fait que les programmes de justice réparatrice tiennent compte de leurs intérêts, qu'ils les tiennent informées du suivi donné à leur dossier et qu'ils
leur donnent la possibilité de demander un dédommagement. Les victimes apprécient également l'idée de tenir les délinquants responsables de leurs actes.
Les résultats des recherches menées sur les attentes des
victimes sont relativement constants. Les victimes
participent aux programmes de justice réparatrice dans
l'espoir d'obtenir un dédommagement, d'aider le
délinquant, de lui faire prendre conscience des
conséquences de ses actes et de lui poser des questions
notamment sur ce qui l'a amené à commettre son crime.
Il est intéressant de noter que les raisons pour lesquelles
les victimes ont accepté de participer à un programme
de justice réparatriceétaient assez similaires sans
distinction pour la gravité du crime dont elles ont fait
l'objet. Par ailleurs, d'autres victimes ont refusé
l'invitation de participer à un programme de justice
réparatrice parce qu'elles ne jugeaient pas que l'effort
en valait la peine (valeur trop modeste des dommages
ou de la perte), qu'elles avaient peur du délinquant,
qu'elles éprouvaient trop de colère à son endroit ou
qu'elles ne croyaient pas en la sincérité de sa démarche.
Malheureusement, les recherches auxquelles nous avons
eu accès nous révèlent bien peu de détails sur les
expériences des victimes qui ont refuséde participer à
un programme de justice réparatrice.
Les études révèlent que les victimes ayant participé à un
programme de justice réparatrice étaient pour la plupart
satisfaites de leur expérience. Toutefois, par opposition
aux délinquants, les victimes se montrent généralement
moins satisfaites (Umbreit, 1994). D'autre part, par
rapport aux victimes dont le dossier a été traité au sein
du système traditionnel de justice pénale, rien ne nous
permet de conclure hors de tout doute que les
programmes de justice réparatrice répondent mieux que
les autres aux besoins des victimes. Autrement dit, les
programmes de justice réparatrice ne constituent
sûrement pas une panacée pour les victimes.
Aucune étude systématique n'a encore été faite sur les
besoins des victimes ni sur les mesures qui pourraient
être mises en ouvre pour que la justice réparatrice
réponde encore mieux aux besoins des victimes. Malgré
les limites des recherches disponibles, il ressort
clairement que les victimes s'intéressent aux
programmes de justice réparatrice. La question qui se
pose n'est pas de savoir s'il y a lieu ou non d'offrir des
programmes de justice réparatrice aux victimes, mais
plutôt quelle est la meilleure façon de les inviter à y
participer.
Les programmes de justice réparatrice doivent de toute
évidence mieux répondre aux besoins des victimes. L'un
des principaux problèmes que posent les programmes
existants est l'exclusion des victimes ou,à tout le moins,
la minimisation de leur rôle dans le processus. Certains
programmes placent en effet les besoins des victimes
bien loin derrière d'autres priorités dont la
déjudiciarisation et la prévention quand, dans les faits,
les programmes devraient s'intéresser davantage aux
besoins des victimes et ce, quel que soit l'objectif du
programme.
Malgré les lacunes des programmes, la plupart des
victimes qui participent à un programme de justice
réparatrice en retirent des bienfaits. Ces bienfaits
peuvent prendre la forme d'un dédommagement
financier ou d'un réconfort psychologique. Les victimes
d'une infraction contre les biens accordent plus
d'importance que les autres au dédommagement
financier. Malgré tout, les programmes ne prévoient
aucun mécanisme pour vérifier si les délinquants
respectentàla lettre leurs engagements et pour punir
comme il se doit les délinquants qui manquent à leur
parole. Quant aux bienfaits psychologiques, la plupart
des victimes passent une étape où elles cherchent coûte
que coûte des explications sur les raisons du crime
(Reeves, 1989). La plupart des recherches ne
s'intéressent pas d'une façon toute particulière à
l'incidence du programme de justice réparatrice sur le
bien-être psychologique des victimes, mais il ressort
nettement que la rencontre avec le délinquant aide les
victimes d'un crime avec violence à apaiser la colère qui
les habite (Strang, 2000).
Les programmes doivent être suffisamment souples
pour s'intéresser en premier lieu aux besoins des
victimes, d'autant plus que ces besoins diffèrent d'une
victime à une autre. Plutôt que d'imposer une idéologie
unique sur la forme que devrait prendre la médiation
entre la victime et le délinquant, les programmes
devraient se doter d'un mécanisme qui leur assure toute
la latitude nécessaire pour bien répondre aux désirs des
victimes. Les programmes devraient offrir une variété de
services, tels que la médiation indirecte, l'échange de
vidéo cassettes ou de lettres et l'invitation à rencontrer le
délinquant.
Un détail important du programme est le moment où il
convient d'inviter les victimes à participer à un
programme de justice réparatrice. À vrai dire, il n'existe
pas un moment mieux choisi qu'un autre pour
l'ensemble des victimes. La recherche indique que ce
moment est celui où la victime se sent " prête" à recevoir
cette invitation, ce qui complique grandement
l'organisation du programme puisque seule la victime
est consciente de ce moment. Toutefois, si l'on fournit
systématiquement aux victimes l'information sur les
programmes de justice réparatrice offerts dans leur
région, celles-ci pourront communiquer au moment
opportun avec les intervenants du programme. Cette
approche passive convient tout particulièrement aux
victimes d'un crime grave.
Étant appelés à jouer un rôle important au sein des
programmes de justice réparatrice, les médiateurs
doivent également recevoir une formation adéquate. Ils
doivent être conscients de l'effet que leur comportement
peut avoir sur les victimes et savoir ce qu'il faut faire
pour éviter que les victimes se sentent revictimisées. Les
médiateurs ne doivent pas considérer que leur mandat
prend fin après la conclusion d'une entente entre la
victime et le dé linquant, mais ils doivent plutôt s'assurer
que le délinquant respecte à la lettre les engagements
pris dans le cours de la médiation et continuer
d'accompagner les victimes.
Les programmes de justice réparatrice ne remplacent
pas totalement le système traditionnel de justice pénale.
En effet, il y aura toujours des victimes et des
délinquants qui préféreront le système traditionnel de
justice pénale. Même si le système de justice pénale
devrait en principe offrir aux victimes la plupart des
services qu'offrent les programmes de justice
réparatrice, tels que la communication de
renseignements et le dédommagement, ce n'est souvent
que dans le contexte des programmes de justice
réparatrice que ces services sont concrètement offerts
(Sherman et coll., 1998). Les programmes de justice
réparatrice n'enlèvent pas aux autorités du systéme de
justice pénale la responsabilité de veiller à la bonne
application de la politique de soutien aux victimes
énoncée dans l'Énoncé canadien de principes
fondamentaux de justice relatifs aux victimes d'actes
criminels (Groupe de travail fédéral-provincial-territorial
sur les victimes d'actes criminels, 1988) et il
importe de continuer d'investir tous les efforts
nécessaires pour assurer un traitement digne et
respectueux aux victimes d'actes criminels.
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