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Rapport de recherche
Les engagements à ne pas
troubler l'ordre public et la
violence contre les femmes:
Une étude de site des effets
du projet de loi C-42 sur la
procédure, la demande et
l'exécution
George S. Rigakos, Ph.D.
Division de la recherche et de la statistique
rr03-1f
Novembre 2002
Cette étude à été demandé par la Division de la recherche
et de la statistique, ministère de la Justice du Canada. Les
opinions exprimées dans le présent document sont celles
de l'auteur et ne reflètent pas nécessairement celles du
ministère de la Justice du Canada.
SOMMAIRE
L'objet de ce rapport est d'évaluer si les modifications apportées par le projet de loi C-42
(15 février 1995) ont eu un impact sur la demande et l'exécution d'engagements en vertu
de l'article 810 (et 811) du Code criminel (aussi connus comme « engagements de ne pas
troubler l'ordre public »). Il a été décidé que ledit projet devait à la fois analyser les
statistiques au niveau national et examiner trois sites spécifiques de manière plus
approfondie. Sur la base de critères logistiques et géographiques, Halifax, Hamilton et
Winnipeg ont été les sites retenus.
La principale source statistique faisant état des tendances nationales en matière
d'engagements de ne pas troubler l'ordre public est l'Enquête sur les tribunaux de
juridiction criminelle pour adultes, réalisée par le Centre canadien de la statistique
juridique de Statistique Canada. Parmi les autres sources utilisées pour l'élaboration du
présent rapport figurent les statistiques de la police régionale de Hamilton, fournies par la
Family Violence Resource Unit (Unité de ressources en matière de violence familiale),
ainsi que les bases de données des services de police de Winnipeg et Halifax. Dans le cas
de Winnipeg, nous nous sommes également fondés sur la base de données du Tribunal de
la violence familiale de Winnipeg, gérée par Mme Jane Ursel, de l'Université du
Manitoba.
Au total, 26 entretiens avec informateurs-clé ont été réalisés aux fins de ce rapport.
Lesdits entretiens ont été effectués, par téléphone, auprès de huit participants en Ontario,
onze participants en Nouvelle-Écosse et sept au Manitoba. Les répondants étaient des
juges, des avocats, des policiers, des travailleuses de refuge et des juges de paix. Un plus
grand nombre de personnes ont été contactées en tout début de projet, mais certains
répondants potentiels n'ont finalement pas été retenus, en raison d'une trop faible
connaissance des engagements de ne pas troubler l'ordre public prévus par le Code
criminel, ce qui a porté le nombre définitif de répondants à 26.
Selon les données de l'ETJCA, le taux national des ordonnances imposant l'engagement
de ne pas troubler l'ordre public par tranche de 100 000 habitants a enregistré une hausse
annuelle régulière depuis 1994-1995. Les hausses les plus importantes ont été
enregistrées entre les années 1994-1995 et 1995-1996 (+22,9 %), c'est-à-dire juste après
l'adoption du projet de loi C-42. Entre 1994-1995 et 1999-2000, le taux des ordonnances
rendues en la matière, par tranche de 100 000 habitants, est passé de 29,6 à 45,9, soit une
augmentation de 55 pour cent. Depuis les modifications apportées aux engagements de ne
pas troubler l'ordre public dans le Code criminel, il semble que le taux national de
violations, calculé sur la base d'une comparaison entre le nombre total de condamnations
en vertu de l'article 811 et le nombre total d'engagements en vertu de l'article 810, n'ait
enregistré aucune évolution significative. Depuis 1994-1995, les données de l'ETJCA
montrent que le taux annuel de violations des décisions prises par les tribunaux nationaux
est resté relativement stable, à environ cinq pour cent. Ce même taux est passé d'un
niveau plafond de 5,1 pour cent en 1994-1995, 1998-1999 et 1999-2000 à un niveau
plancher de 4,5 pour cent en 1995-1996.
En Nouvelle-Écosse, les engagements de ne pas troubler l'ordre public sont encore
utilisés dans les cas de violence familiale, mais selon l'ensemble des répondants, cette
mesure devient de plus en plus rare en raison des modifications apportées aux politiques
d'exécution des ordonnances. Comme en Nouvelle-Écosse, les services de police de
l'Ontario, y compris de Hamilton, ont adopté une politique d'arrestation et d'inculpation
obligatoires dans les cas de violence entre conjoints ou partenaires. Cette politique
considère les engagements de ne pas troubler l'ordre public comme un outil de dernier
recours qui est généralement la preuve d'une insuffisance du système de justice criminelle
(c'est-à-dire, une incapacité à entamer des poursuites criminelles) plutôt qu'un signe de
réussite. La tolérance zéro à l'égard de la violence conjugale dans la province du
Manitoba a entraîné une baisse du nombre d'engagements de ne pas troubler l'ordre
public dans les cas de violence familiale. La politique actuelle stipule que la police doit
procéder à une arrestation ou porter des accusations de voies de fait sur la base de motifs
raisonnables et probables.
Il est ressorti du listage des « engagements privés » des systèmes d'information de la
police de Halifax (N=233) que 76 pour cent des personnes ayant contracté un
engagement de ne pas troubler l'ordre public entre 1998 et 2001 (à la date de l'Enquête)
étaient des hommes et 18,5 pour cent des femmes. Le sexe des défendeurs n'a pu être
déterminé dans 4,8 pour cent des cas. L'âge moyen des personnes ayant contracté un
engagement de ne pas troubler l'ordre public à Halifax est de 34,6 ans (n=222). La durée
moyenne des engagements de ne pas troubler l'ordre public était de 11,1 mois et la durée
médiane était de 12 mois (n=228). Les données de la police de Hamilton concernant les
modalités des engagements contractés entre 1997 et 2000 semblent étayer les
observations formulées par les répondants qui soulignent une majorité d'engagements de
ne pas troubler l'ordre public dans le cadre d'unions de fait. En recoupant les données du
Tribunal de la violence familiale de Winnipeg avec les archives de police pour la période
comprise entre 1993 et 1997, nous avons pu observer que l'âge moyen du défendeur
soumis à un engagement de ne pas troubler l'ordre public à Winnipeg est de 32,5 ans
(n=340). Soixante-et-onze pour cent des défendeurs sont des hommes et 23 pour cent sont
des femmes (n=340), les 5,6 pour cent des noms figurant dans les fichiers de données
analysés ne permettant pas de déterminer le sexe des défendeurs. La durée moyenne d'un
engagement contracté à Winnipeg entre 1993 et 1997 était de 11,7 mois (n=340).
Quarante-six pour cent des personnes soumises à un engagement de ne pas troubler
l'ordre public et recensées par le Tribunal de la violence familiale de Winnipeg avaient
déjà un casier judiciaire, avec une moyenne de 6,8 infractions commises (n=157) avant la
signature d'un engagement en vertu de l'article 810 du Code criminel.
En retraçant les défendeurs faisant l'objet d'un engagement de ne pas troubler l'ordre
public dans le système de renseignements de la police de Halifax et dans la base de
données relatives aux antécédents criminels du Centre d'information de la police
canadienne de la Gendarmerie royale du Canada, nous avons constaté que le pourcentage
des défendeurs qui avaient commis une infraction alors qu'ils étaient soumis à un
engagement de ne pas troubler l'ordre public et après l'expiration de cet engagement était
le même : 8,2 pour cent. Dans le cas précis de la violence familiale, le taux de violation était de 7,1 pour cent pendant la durée de l'engagement et de 10,7 pour cent après son
expiration. Parmi les personnes ayant contracté un engagement de ne pas troubler l'ordre
public dans des cas de violence familiale à Winnipeg entre 1993 et 1997, dix pour cent
(n=34) ont commis une infraction alors qu'elles étaient soumises à un engagement en
vertu de l'article 810 du Code criminel. De plus, 27,9 pour cent (n=95) ont commis une
infraction après l'expiration de l'engagement contracté. À Winnipeg, la probabilité de
récidive était plus forte parmi les défendeurs de sexe masculin, à la fois pendant la durée
de l'engagement (12,1 % contre 51 %) et à l'expiration de ce dernier (33,5 % contre
12,7 %).
En Nouvelle-Écosse, la plupart des répondants estimaient que les peines encourues pour
violation d'une ordonnance étaient minimes et que l'allongement de la peine maximale
par les modifications apportées par le projet de loi C-42 étaient inefficace. Le personnel
judiciaire de Hamilton ne signale aucun changement significatif au niveau des pratiques
de détermination des peines depuis la promulgation du projet de loi C-42. Des avis
similaires ont été formulés à Winnipeg.
Il est indiscutable que le principal obstacle auquel les femmes violentées sont confrontées
pour obtenir un engagement de ne pas troubler l'ordre public ressemblait davantage à un
problème opérationnel qu'à un problème que les modifications du Code criminel auraient
pu pallier. Dans les trois juridictions, l'obtention d'un engagement de ne pas troubler
l'ordre public via une demande adressée directement à un juge de paix a été signalée
comme étant un processus long et où les retards sont fréquents, ce qui faisait des
engagements en vertu de l'article 810 du Code criminel une option peu prisée des femmes
violentées. Force est de constater que, dans les cas de violence familiale, les demandes
d'engagements de ne pas troubler l'ordre public en vertu de l'article 810, sont devenues
rares en raison de la législation du Manitoba relative aux ordonnances de protection
prises au palier provincial. De manière générale, dans les trois juridictions où des
renseignements plus détaillés ont été recueillis, la plupart des données tendaient vers un
impact négligeable des modifications apportées aux articles 810 et 811 sur le recours à un
engagement de ne pas troubler l'ordre public dans les cas de violence familiale.
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